• Le parcours maçonnique de W. A. Mozart

     * Le parcours maçonnique de W. A. Mozart

    Introduction

    Wolfgang Amadeus Mozart est né à Salzbourg le 27 janvier 1756. Tout comme Goethe et Schiller, Mozart a été initié aux premiers grades maçonniques et a effectivement participé aux Tenues de deux Loges viennoises depuis l’âge de 28 ans. Pour ces sociétés fraternelles, il a écrit de nombreuses œuvres mais elles sont relativement peu connues du monde profane alors qu’elles méritent pourtant grandement d'être abordées.

    Mozart a été Franc-maçon durant les sept dernières années de sa vie. L'institution maçonnique a joué un rôle important à la fin de sa vie et dans son œuvre en général.

    Il existe pas mal de renseignements concernant les contacts que Mozart a eus avec la Franc-maçonnerie. Nous verrons également  que chez les Mozart, la Franc-maçonnerie semble avoir été une affaire de famille.

    La présente planche – réécrite récemment à la suite d’une plainte justifiée pour manque de citation de mes sources (un grave oubli de ma part) – n’a d’autre ambition que de rassembler ce qui est épars. C’est pourquoi je n’ai aucun mérite si ce n’est d’avoir tenté de réunir et de synthétiser ces quelques informations.

    J’aborderai entre autres les premiers contacts de Mozart enfant avec la Franc-maçonnerie ; la Franc-maçonnerie considérée comme une affaire de famille chez les Mozart ; l’Initiation de Mozart ; le Profane Mozart devenu un Initié : Wolfgang, un Franc-maçon prosélyte ; Mozart et son espoir de voir des femmes également initiées. Enfin j’aborderai succinctement le symbolisme maçonnique de « La Flute enchantée » puisqu'on sait depuis pas mal d’années que cet opéra est l’une des œuvres maçonniques de Mozart.

    L’enfance et les premiers contacts maçonniques

     * Le parcours maçonnique de W. A. Mozart

    Le 26 octobre 1767, alors que le petit Wolfgang est atteint de la variole, c’est le docteur Wolff qui le guérira. Celui-ci est notoirement Franc-maçon et d’ailleurs, à cette époque, les Loges de Vienne sont peu secrètes : la teneur des Travaux effectués en Tenue est régulièrement publiée dans les journaux !

    Bien que la maladie lui ait laissé quelques cicatrices définitives, Mozart compose une mélodie et l’offre au docteur Wolff en remerciement de sa guérison. Cette composition porte un titre qui évoque déjà l’importance de la fraternité : il l’intitule « An die Freude ». Le texte (de J.P. Uz) est, fortement inspiré par la Maçonnerie. Mozart ne peut en avoir composé la mélodie sans en connaître le sens.

    En 1768, Wolfgang fait la connaissance du célèbre docteur Mesmer, Franc-maçon lui aussi, qu’il parodiera plus tard, gentiment, dans son opéra « Cosi fan tutte ». A cette époque Mozart rencontre aussi un directeur de théâtre, Sonnenfels, Franc-maçon, qu’il retrouvera d’ailleurs plus tard en Loge.

    En 1772, entre ses deux voyages en Italie, Mozart, alors âgé de seize ans, écrit « O heiliges Band » sur un texte de Lenz, paru dans un recueil maçonnique réservé aux seuls Francs-maçons, alors qu’aucun profane ne peut normalement obtenir ce livret.

    Il serait aisé de penser que Mozart pouvait parfaitement fréquenter des Francs-maçons, sans pour cela épouser leurs idées. Alors comment aurait-il pu se procurer ce recueil ?

    En 1773, un Franc-maçon important, von Gebler, commande à Wolfgang deux chœurs et cinq entractes pour accompagner un drame héroïque intitulé « Thamos, roi d’Egypte », préfiguration de ce que sera un jour « La Flute enchantée ».

    Gebler est alors ce que l’on appelle un « Esprit des Lumières » comme on l’accorde également à Goethe et à Lessing. Ce travail avait tout d’abord été proposé à Glück qui le refusa puis à Sattler dont il fut mécontent.

    Ainsi, Mozart, de 11 à 17 ans s’est trouvé continuellement témoin des interrogations des Francs-maçons et de leur mode de pensée.

    A la lecture de ces événements, il pourrait paraître audacieux de prétendre que Wolfgang, jeune adolescent, ait pu développer des sentiments dictés par une recherche philosophique. Mais le jeune Mozart n’était pas un adolescent ordinaire : sa personnalité était si exceptionnelle qu’il est tout à fait logique de constater son aptitude et ce degré de réception des plus hautes spéculations de l’esprit. Mozart exprimait des dons hors normes, en tout.

    De la première œuvre maçonnique de Wolfgang à la dernière, il s’écoule 18 ans de réflexion.

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    Plusieurs événements ont progressivement dirigé Wolfgang Mozart vers la Franc-maçonnerie qui était considérée, à l’époque, comme une sorte de confrérie très charitable et généreuse avec les démunis. Les épreuves qu'il a dû traverser l’ont poussé à se questionner, à l'âge où les enfants sont insouciants.

    On peut penser que Mozart enfant, atteint de si graves maladies, affrontant la mort, la douleur et la cécité, gardant de vilaines cicatrices et de nombreuses gênes, ait pu élever son esprit dans les questions fondamentales de l’existence, s’intéresser aux symboles liés à la vie, revoir la mythologie et nourrir ses facultés exceptionnelles de raisonnement.

    Tandis que les enfants de son âge jouaient, courraient, s’organisaient quelque avenir insouciant, Mozart travaillait, composait, interprétait et, surtout, se questionnait sans cesse.

    L’année qui précéda la mort de sa mère, Mozart fit la connaissance de von Gemmingen, un personnage illustre qui devint par la suite le Vénérable de sa Loge d’Initiation. Après le décès de sa mère enterrée à Paris, Mozart est de retour au pays en 1780. Il reprend les contacts avec ses amis Francs-maçons. Joseph II régénère la Franc-maçonnerie car il ne s’oppose pas à son existence, ce qui est déjà énorme et permet aux loges de se multiplier en un temps record.

    Par le biais de ses créations musicales, Mozart souhaitait alors mettre en évidence que la laideur des sentiments ne pouvait se résoudre que par l’harmonie des cœurs. Il considérait que seules les lois de l’esthétique pouvaient contenir le bien et le mal.

    Bien qu’encore profane, Mozart était déjà sérieusement éclairé. Son esprit s’élevait vers une philosophie d’ordinaire inaccessible aux jeunes de son âge. En effet, son opéra « l’Enlèvement au Sérail » comportait déjà de nombreux éléments qui soulignaient l’esprit de liberté anglaise par le personnage de Blonde. C’est dans ce contexte que Mozart a engagé Constance, sa fiancée, à le rejoindre vivre dans son petit appartement, alors qu’ils ne sont pas mariés.

    En 1783, Gemmingen qui connaît intimement Mozart, installe sa propre Loge maçonnique à Vienne. Il invite Mozart à l’y rejoindre pour y jouer le rôle de musicien, « Kapellmeister », autrement dit, pour être un « frère à talent ». De nos jours, nous dirions « Maître de la Colonne d’Harmonie ». Toutes les hésitations de Mozart s’entendent parfaitement dans l’Andante con moto de son quatuor à cordes en mi bémol majeur (K 428). Cette année-là, bien qu’il hésitait encore à rejoindre son ami dans la Loge, il composa néanmoins un nombre exceptionnel d’œuvres dont la Messe solennelle en ut mineur.

    Jusqu’à l’âge de 27 ans environ, Mozart aura composé l’équivalent de deux œuvres par mois ! Alors qu’il envisage tout juste d’entrer dans la Franc-maçonnerie, et que certaines de ses œuvres sont déjà fortement inspirées par l’Egypte, toute sa production musicale contient un bon nombre de symboles maçonniques, autant soufflés par les traditions des bâtisseurs de pyramides que celles des bâtisseurs de cathédrales.

    En novembre 1784, Mozart se décide enfin et envoie sa lettre de candidature à la Loge « Zur Wohlthätigkeit ». Il a 28 ans…mais Constance ignore encore le projet de son époux.

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    L'Initiation de Mozart

    Ainsi, c'était dans une ambiance d'effervescence culturelle intense que Wolfgang Amadeus Mozart frappa à la porte du Temple et demanda à être reçu comme Maçon dans la Loge « A la Bienfaisance ».

    C'était le mardi, 14 décembre 1784, à partir de 18 h 30, à la maison « Zum rothen Krebsen » n° 464 au Kienmarkt, très près du logement à la Schulerstrasse n° 8 (actuellement Domgasse n°5) que Mozart occupait de septembre 1784 à avril 1787.

    Il y avait à chaque fois une cinquantaine de participants aux Tenues dans ce Temple situé au deuxième étage de la maison Weinbrenner. Les Francs-maçons de la Loge « Zur wahren Eintracht » (A la vraie Concorde) l’avaient louée pour 900 florins annuels. Mais la Loge « Zur Wohlthätigkeit », constituée le 2 février 1783, pouvait également profiter de ces locaux pour 250 florins.

    Ensemble avec un certain Wenzel Summer, vicaire à Erdberg – ce qui montre bien l'inefficacité des bulles papales sur le territoire de l'empire autrichien – et selon le rite de la Stricte Observance, Mozart fut Initié comme Apprenti.

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    Il est difficile d’évoquer la cérémonie d'Initiation car, si les rituels de cette époque en disent long sur le déroulement de la cérémonie, et on connaît malheureusement très peu de son caractère et de la façon dont elle est vécue.

    Tout ce qui a pu être écrit à ce sujet ne peut rien apprendre d'essentiel aux profanes, puisque le « secret initiatique » ne se découvre pas dans les livres ni par quelque formule communicable. Il se révèle seulement par l'expérience existentielle et directe de l'initiation elle-même. C'est pourquoi le secret, que l'on reproche si fréquemment aux initiés et dont on accuse les Francs-maçons, n'est qu'une conséquence inévitable et logique de leur respect de la vérité purement expérimentale de l'Initiation.

    On peut cependant affirmer que Mozart a profondément vécu son Initiation, dont l'importance ne s'est pas simplement reflétée dans ses compositions maçonniques proprement dites, mais dans toute une série d'œuvres qui deviennent seulement compréhensibles dans leur entité et leur plénitude si on se rend compte de leur référence à la Maçonnerie et aux dimensions émotionnelles et spirituelles de l'Initiation.

    La Franc-maçonnerie deviendra partie intégrante d'une démarche créatrice qui trouvera son apogée dans la « Flute enchantée », transposition sublimée du chemin du profane vers la Lumière.

    Mozart a depuis longtemps baigné dans une ambiance maçonnique mais ce n’est que le 5 décembre 1784 que la Loge « Zur Wohlthätigkeit » informera les autres loges concernant l’enregistrement du Frère Mozart.

    Depuis de longues années Mozart avait des contacts étroits avec des Maçons. Il partageait avec eux les idées sur les arts et sur la société. En entrant en Franc-maçonnerie, il se sentira pleinement à l'aise, cela d'autant plus qu'il y sera à pied d'égalité avec les meilleures têtes de l'époque et qu'il sera guidé par des amis qui deviendront ses Frères.

    Il ne s’est pas laissé initier dans l'Atelier « Zur wahren Eintracht », Loge de prestige en 1784, mais dans une Loge plus petite et plus modeste « Zur Wohlthätigkeit ». Entre ces deux Loges, il y avait cependant beaucoup de Travaux en commun. Elles organisaient ensemble un certain nombre de cérémonies, notamment la Fête de la Saint-Jean d’Été. La Loge « A la Bienfaisance » était dirigée par Otto von Gemmingen qui avait eu d'étroits contacts avec Mozart et été son protecteur à Mannheim en 1778. Grâce à von Gemmingen, Mozart avait également vu la même année à Paris le compositeur Franc-maçon Le Gros et ses amis.

    En 1784, Mozart avait passé plusieurs crises d'ordres divers, psychologique, philosophique, affectif, en particulier la séparation d'avec Theresa von Trattner, sous le toit de laquelle les Mozart avaient logé depuis 1783 et avec laquelle Wolfgang a entretenu des relations profondes.

    Quelles qu'en soient les raisons, les Mozart déménagèrent fin septembre 1784, et le mois suivant, le compositeur dédia à Theresa la Sonate K. 457, ainsi que la Fantaisie K. 475, en mai 1785.

    Depuis plusieurs années, Mozart était devenu adepte des aspirations du « Sturm und Drang » et des idéaux de l' « Aufklärung ». Il manifestait sa sympathie pour l'esprit de l'Illuminisme, « esprit progressiste, antimystique, irréligieux, rationaliste, socialement et politiquement prérévolutionnaire » (Massin), qui correspondait parfaitement aux aspirations de sa maturité.

    Le profane est devenu un Initié

    Le 14 décembre 1784, vers huit heures du soir, Wolfgang est donc entré en Franc-maçonnerie. Mais comme chacun le sait, on n’y entre pas comme dans un théâtre. Il a attendu, seul dans un Cabinet de Réflexion, où ont été placés quelques symboles qu’il a reconnus. Il a pu distinguer à peine, dans la pénombre, les marques des principes fondamentaux.

    Une inscription a capté son attention : Mozart en connaissait la signification car il avait déjà visité l’intérieur de son être et se corrigeait depuis longtemps pour trouver le meilleur de lui-même, son Moi profond rayonnant. Mozart était un être doux, pur et sensible, venu pour chercher la Lumière. En attendant la cérémonie qui ferait de lui un jeune Franc-maçon, Mozart pensait à sa famille, à sa femme, à sa perpétuelle recherche d’absolu. Nul être n’était plus sincère que lui ce soir-là.

    De retour à son domicile, il tenta d’expliquer à Constance ce qu’il venait de vivre, sans cependant lui révéler les secrets dont il était désormais le gardien. Il lui confia combien la cérémonie l’avait marqué.

    Ils seront nombreux à s’illustrer dans cette quête. N’appelle-t-on pas cette ère le «siècle des Lumières» ? Mozart retrouva dans la Loge de nombreux amis et quelques relations. Ceux qui n’étaient que de vagues connaissances sont maintenant devenus ses Frères ! Tout cela prit des allures de « sacré » dans son pur esprit.

    Le nom de ceux qui accompagneront son voyage introductif figure sur une liste qui n'a rien de secret. Et sur de nombreux documents historiques, précieusement conservés, les signatures autographes attestent la présence de quelques illustres personnalités dont Mozart emprunta ce soir-là, vers vingt heures, le sillage spirituel.

    Il est ébloui, émerveillé. Ce bouleversement guidera le reste de son existence, sans jamais le détourner de sa foi chrétienne. D’ailleurs, le soir de son Initiation, un prêtre et un moine étaient présents dans le Temple, initiés, eux aussi !

    Mozart découvre les arcanes de son grade qui lui enseigneront les allégories et les symboles de sa Loge. Il découvre une doctrine sans dogme, une Tradition basée sur une érudition gigantesque :

    • des symboles numériques : Lumières, Batteries, Escaliers, Age, Années, Heures…
    • des symboles géométriques : Triangles, Carrés, Pentagones, Hexagones…
    • des symboles pratiques : Outils, Colonnes, Épées…
    • des symboles décoratifs : Couleurs, Tabliers, Sautoirs, Bijoux…
    • des symboles conceptuels : Références, Origines, Formules, Lettres…

    Son entrée dans la vie maçonnique par la conjonction du Rituel, de la Tradition et des Symboles va porter Mozart vers la Lumière.

    A l’issue de cette cérémonie, Wolfgang Mozart ne sera plus jamais le même. Quoi qu’il advienne, il est Apprenti. Le voici Franc-maçon et cela ne peut être effacé. Sa production musicale va encore se modifier, s’enrichir de nouveaux symboles auxquels il a désormais accès.

    Il est cependant condamné au silence durant quelques temps, le temps de passer au grade de Compagnon, mais cela ne l’empêche pas de raconter à Constance les étapes de son évolution. Il souhaite lui faire profiter de l’enseignement qu’il reçoit afin qu’elle bénéficie des outils d’évolution mis à sa disposition, mais sans pour autant trahir…

    Wolfgang Amadeus, un Franc-maçon prosélyte

    Le 7 janvier 1785, Wolfgang est élevé au grade de Compagnon à la Loge « Zur wahren Eintracht ».

    Le 10 janvier, il achève le quatuor à cordes en LA majeur (K 464) dont l’andante se rapporte clairement au rituel de Réception des Francs-maçons.

    Mozart n’a déjà plus que quelques années à vivre. Il n’ignore rien de ses fragilités mais la musique le porte vers une profondeur de pensée que peu d’individus atteignent.

    Il souffre de ne pouvoir partager davantage d’expériences avec son épouse : autant que possible, il lui soumet quelques sujets de travail et l’encourage à développer son « moi », sa chapelle intérieure.

    Par de nombreux courriers, il adresse à quelques Frères de poignantes suppliques. Dans cette correspondance, rares sont les allusions aux Travaux maçonniques mais un lecteur attentif et averti pourrait néanmoins retrouver les parenthèses paraboliques à défaut d’en décrypter le sens précis.

    Le 13 janvier de la même année, Mozart est déjà élevé au grade de Maître.

    Faut-il s’étonner de la rapidité avec laquelle le génie franchit ces étapes ? Il ne bénéficie d’aucun passe-droit ni d’aucune facilité. Mais, dans son enfance galvaudée et les épreuves de sa célébrité jalousée, les étapes sont vite franchies car l’homme a vite mûri.

    Quatre jours plus tard, il compose un quatuor à cordes en ut majeur (K 465) qui se réfère au grade de Compagnon. Il participe également à la réception d’Anton Tinti au sein de la Loge « Zur Wahren Eintracht ».

    Le 27 janvier 1785, Mozart participe à une Tenue particulière : la Loge « Zur Wahren Eintracht » attend la venue de Haydn pour son Initiation. Wolfgang est présent, animé par une émotion qui lui rappelle déjà son propre passage d’état de Profane à celui d’Apprenti. Wolfgang en parle sans cesse à Constance. Il est excité à l’idée de retrouver son père spirituel, Haydn, dans la Loge et de partager avec lui d’autres Travaux que ceux de la musique. Mais Haydn ne peut pas venir ce soir-là et la cérémonie est reportée à quelques jours.

     * Le parcours maçonnique de W. A. Mozart

    Le 11 février de la même année, Haydn se présente à la porte du Temple. Il frappe à son tour les trois coups rituels et demande à être reçu…

    S’en suit un voyage initiatique, dont la teneur et les impressions resteront à jamais, aux yeux de Mozart, indicibles aux profanes, sauf à Constance, son épouse, car il est évident qu’il ne puisse tout lui révéler.

    Mais Wolfgang n’a pu prendre part à cette cérémonie : il était à Mehlgrube, en concert pour la première interprétation de son concerto pour piano en ré mineur (K 466). Pour la circonstance, il joua lui-même la partie soliste.

    Le samedi soir, Léopold, Haydn et Tinti ont participé à une fête dans le somptueux appartement de Mozart, dans la Domgasse, face à la cathédrale de Saint-Etienne. Wolfgang avait réservé une surprise à son ami Haydn : trois nouveaux quatuors, réputés plus faciles que les trois précédents, dédiés à Haydn également, cependant toujours aussi prodigieux.

    Après avoir entendu, dans cet appartement, les six quatuors qui lui sont dédiés (K 387, 421, 428, 458, 464, 465) Haydn dira de Wolfgang à son père que son fils est le plus grand compositeur qu’il connaisse, qu’il a du goût et la plus grande science de la composition.

    Le partage de l’ineffable se fera entre les deux hommes durant les années qui suivront.

    En mars 1785, Mozart termine le concerto en ut majeur (K 467) dont une partie est fortement maçonnique. L’andante fait clairement allusion au troisième grade, celui de Maître.

    En 1790, Mozart participe à une Réception en Loge, immortalisée par un tableau magnifique. Si l’œuvre est anonyme, les personnages ne le sont pour personne. Ce tableau, aujourd’hui restauré, est conservé au « Historiches Museum der Stadt » à Vienne. Mozart est le premier personnage (assis) de la rangée de droite. Son épée est posée à côté de lui. Sa main est posée sur sa poitrine. Il parle à son voisin vêtu de rouge.

    En entrant dans la Franc-maçonnerie, Mozart a pu pénétrer dans un monde initiatique nouveau pour lui. Il a effectué cette démarche dans le but de se renouveler lui-même, de reprendre l’ensemble de sa vie avec des forces nouvelles et dans une nouvelle lumière.

    L’esprit de la Franc-maçonnerie germait en lui depuis longtemps. Mozart était épris de liberté, d’égalité, et de fraternité, persuadé de la nécessité d’échanges réciproques et d’un travail commun destiné à faire progresser l’humanité, les arts et les sciences. En rejoignant la Franc-maçonnerie, il accomplit ce désir de travail commun et s’investit au plus profond de lui-même dans cette quête spirituelle facilitée par la chaleur d’amitié fraternelle qu’il recevait de ses Frères Francs-maçons.

    Wolfgang savait que son père voulait également entrer en Maçonnerie. Sa candidature fut déposée et acceptée. Mozart se questionnait sur les motivations de son père. Cette aventure permettrait-elle de réunir enfin ces deux cœurs qui ne savent plus se parler autrement qu’en se reprochant le passé, l’ingratitude du fils, la dureté du père ? Que va découvrir le rigide Léopold ? Le père, si redouté, va devenir Frère. Léopold, si autoritaire, entrera bientôt au grade d’Apprenti et découvrira que son propre fils est déjà Maître !

    En France, les femmes ont déjà accès aux Travaux en Loge, mais en Autriche, c’est impossible. Wolfgang réfléchit et trouve cette différence injuste car il admire la sensibilité et la ténacité des femmes. Il les trouve aussi tellement intelligentes !

    Le 6 avril 1785, Wolfgang regarde son papa effectuer son propre parcours initiatique. Il s’émeut de voir Léopold ébranlé par la révélation du secret maçonnique. Son visage s’éclaire, tout est dit entre eux. Le lendemain, un somptueux banquet réunit les deux hommes. Léopold repart ensuite pour Salzbourg. Wolfgang ignore qu’il ne reverra jamais son père.

    Au fil des mois Wolfgang participe aux Tenues régulières et compose de nombreuses œuvres destinées à être jouées lors des réceptions des Loges maçonniques. Mozart « voyage » et participe aux Tenues de la « Zu den drei Adlern », ainsi qu’à celles de «Zur gekrönten Hoffnung». Il s’absente lors de ses problèmes de santé et profite toujours de ses convalescences pour composer quelques merveilles supplémentaires : des odes funèbres à l’occasion du décès de Frères, en passant par la mise en musique de plusieurs poésies. Il s’impose entre temps le travail d’une cantate (K 429) destinée aux fêtes de la Saint-Jean d’été. Malgré la ferveur qui l’inspire, il n’achèvera jamais cette œuvre.

    Haydn cesse un temps de fréquenter les loges. Son immense foi se trouve parfois un peu dérangée par les principes maçonniques. Il est vrai que Mozart participe parfois aux Tenues d’une autre loge où les agapes qui clôturent les rencontres sont assez joyeuses et réputées libertines. Les Loges féminines d’adoption commencent à animer la curiosité des messieurs et les rencontres furent vraisemblablement l’occasion de quelques rapprochements entre Francs-maçons et Francs-maçonnes. Mozart souhaite y faire entrer sa femme, ainsi pourrait-elle constater qu’il ne s’agit pas d’orgies mais de séances de travail, suivies d’agapes bien arrosées ou se terminant souvent par un joyeux banquet fraternel.

    Mozart et l’Initiation des femmes

    Mozart aurait voulu ouvrir une Loge accessible aux femmes et l’appeler « Grotta ».

    Les tâches ont été réparties entre plusieurs membres, amis et Frères, afin de hâter les préparatifs. Constance a également participé au projet, et a même donné de son temps pour effectuer quelques démarches administratives, avec l’espoir que les femmes puissent accéder à l’érudition des Francs-maçons !

    Wolfgang et Constance ont connu d’énormes soucis d’argent.

    Dès l’été de l’année 1791, Mozart fut en proie à de terribles crises qui le firent ployer sous la douleur. La maladie le rongea petit à petit.

    Quelque chose en lui annonçait sa mort pour les mois à venir. Il se sentait parcouru d’un froid indicible. Son teint devint très pâle et sa mine triste. Il était atteint d’une profonde mélancolie et chaque départ d’un ami, chaque adieu murmuré, le faisait fondre en larmes.

    La maladie de Wolfgang Mozart porte un nom que l’on connaît aujourd’hui : syndrome de Schoenlein-Henoch. Sa progression est lente, douloureuse et surtout fatale. Mais Mozart ne craignait pas la mort : cette étape lui semblait douce et obligatoire, pour atteindre une vie meilleure, un monde où tous ceux qui s’aiment se retrouvent.

    Lorsque l’heure sonna pour Mozart, il sut garder sa sérénité, malgré son esprit torturé par l’idée de laisser sa chère Constance seule et sans revenus. Il demandera à sa belle-sœur de rester présente.

    Mozart ne se soucia pas de sa fin. Le Requiem inachevé le contrarie bien plus que de mourir. Wolfgang Amadeus Mozart est mort le 5 décembre 1791 à l’âge de 35 ans, après avoir passé dix années de dur labeur à Vienne, fortement endetté. Constance ne pouvait payer ses funérailles, ce qui fera de Mozart un cadavre anonyme jeté à la fosse commune.

    Si Mozart est mort dans la gêne, c'est d'avoir trop dépensé et non pas assez gagné. Ses opéras comme « Le Mariage de Figaro », «La Flute enchantée», « Don Giovanni » furent des succès, voire des triomphes. Les seules royalties du « Mariage de Figaro » permirent, plus tard, à son fils Karl d'acheter une propriété sur le lac de Côme, c'est dire !

    Mozart n'est pas mort seul et sans assistance médicale. C'est sans doute les nombreuses saignées, à la mode en son temps, qui l'auraient achevé. Constance, sa femme, Sophie, sa sœur et tous ses serviteurs étaient à son chevet. Et si son corps fut jeté dans une fosse commune, ce fut sans doute plus en raison d'un choix maçonnique qu’à cause d'une prétendue pauvreté.

    En rendant l’âme, il laissa Constance hébétée, hystérique. Elle fouilla les cachettes sous le plancher, à la recherche des documents relatifs à la préparation de « Grotta ». Mais il n’y avait plus rien à faire, car personne ne défendrait ce dossier comme Wolfgang avait souhaité le faire. Personne n’était aussi motivé qu’il l’était, car tous, étaient assez satisfaits de tenir leurs épouses loin de la «connaissance».

    Les Frères Maçons se sont réunis en Tenue funèbre à l’occasion du décès de leur cher Frère passé à l’Orient Éternel. Une oraison funèbre fut imprimée et lue devant tous les Frères par Carl Philipp Hensler. Il subsiste actuellement un seul et dernier exemplaire de ce recueil.

    Mozart honore ses Frères en musique

    Artiste tourmenté, aspirant à la quiétude, et afin de lutter contre son angoisse, le divin Wolfgang est donc entré en Loge en 1784 à l’âge de 28 ans.

    Lorsque, le 14 décembre 1784, Mozart apporta son adhésion à la Franc-maçonnerie, ce choix philosophique revêtit pour lui une importance extrême. Sans doute était-il alors influencé par la mode du temps, mais ce n'est pas là sa seule motivation.

    La Franc-maçonnerie prône la fraternité parmi les hommes, célèbre le culte de l'amitié et affiche la générosité au premier rang de ses principes. Voilà qui ne pouvait qu'enthousiasmer le grand enfant que Mozart était encore à 30 ans à peine. Toujours prêt à s'enflammer pour une cause lorsqu'il la croyait juste, il trouvait dans les principes maçonniques le reflet de ses plus intimes convictions. Il n'était pas le seul. Dans cette Europe de la fin du 18ème siècle, qu’ont traversé tant de courants de pensée, la Franc-maçonnerie a fait de nombreux adeptes, notamment dans l'aristocratie.

    Les serments d'entraide, que ses membres professent les uns envers les autres, ne sont pas de vains mots : le musicien aura eu l'occasion de s'en rendre compte dans les moments les plus cruels de son existence. C'est donc une brise de liberté que la Franc-maçonnerie a fait souffler au visage du jeune homme, une brise qu'il aspirait avec délice.

    Dans les loges, Mozart retrouva de nombreux amis et soutiens tels le baron Van Swieten qui lui avait fait adapter Haendel ou les frères Stadler, éminents clarinettistes. Mozart était très fier de cet engagement et s'empressa de faire initier son père et son ami Josef Haydn.

    Une clarification s'impose toutefois. Si elle prêche des idéaux de liberté et de fraternité, réfléchit sur l'éthique du monde, la Franc-maçonnerie viennoise n'est pas anticléricale. Les catholiques maçons sont considérés comme des catholiques éclairés.

    Cet idéal maçonnique, expression la plus pointue du mouvement des Lumières, Mozart le portera jusqu'à la fin de sa vie dans des œuvres destinées au rituel des loges. Pour témoigner à ses nouveaux amis sa communion de cœur et d'esprit avec eux, Mozart, dès avril 1785, apporta une première contribution à leur cause, en composant la « Joie maçonnique », et, trois mois plus tard, la «Musique funèbre maçonnique», deux œuvres de circonstance. De leur côté, ses « Frères » ne l'abandonnèrent jamais, particulièrement l'un deux, un riche négociant du nom de Michael Puchberg, que Mozart avait souvent sollicité : une première fois en 1788, alors que son admirable « Don Gionanni » n'avait reçu qu'un accueil mitigé de la part du public viennois, puis, l'année suivante, de manière encore plus pressante, alors que sa femme était très malade et leur situation matérielle inquiétante. Celle-ci s'aggrava avec les années : Constance, son épouse, semble avoir été dépensière, et les chefs-d’œuvre qu'il composait ne lui rapportaient qu'une misère. En Frère attentionné, Puchberg offrit aussi à Mozart le réconfort de sa présence et s'intéressa à son œuvre. Le 21 janvier 1790, il était à ses côtés pour la première répétition de « Cosi fan tutte ».

    Le symbolisme maçonnique de la « Flute enchantée »

    La genèse de la « Flute enchantée »

    Au mois de mars 1791 – cette année qui sera la dernière de la courte vie de Mozart – c'est un autre de ses Frères en Maçonnerie, Emmanuel Schikaneder, qui se trouve à l'origine de « Die Zauberflôte » (« La Flute enchantée »). Celui-ci dirige dans un faubourg de Vienne le « Theater auf der Wieden » que fréquente une clientèle populaire. Il apporte au musicien un livret qui l'enchante dès les premiers mots et lui procure un de ces élans d'enthousiasme qui inspirent à Mozart ses plus belles pages.

    Suite à cette proposition de créer un opéra en allemand, Mozart se mit au travail en mars 1791 et composa sa partition, non sans achever de nombreuses autres pièces qui lui avaient été commandées. Ce qui séduisait le compositeur dans le thème de « La Flute enchantée », c'est qu'il introduisait aux mystères que recelaient le rêve et les astres et qu'il entraînait ceux qu'il initiait sur un chemin céleste.

    « La Flute enchantée » fut créée le 30 septembre 1791, deux mois avant la mort de Mozart. Le sujet de l'opéra, emprunté aux «Contes orientaux» de Wieland, n'était pas en soi très original. Schikaneder entreprit de remanier le texte en y introduisant rites, idéaux et symboles d’inspiration maçonnique. Mais la véritable magie de l'œuvre revint essentiellement à la qualité de la musique qui alla jusqu’à utiliser, avec la science et le bonheur que l’on sait, chorals protestants et chansons populaires.     

    Par sa poétique, sa couleur harmonique, mélodique et instrumentale, la  « Flute enchantée » de Mozart est donc le premier opéra allemand.

    L'œuvre

    De la « Flute enchantée », Gœthe a dit qu'elle pouvait se prêter à des lectures multiples, procurant un plaisir simple à la foule et livrant des trésors secrets aux Initiés. Le livret de Schikaneder peut, en effet, se lire tout simplement comme une belle histoire féerique ou comme un parcours initiatique si l'on possède les clés des rites maçonniques.

    Le sujet de l'opéra est l'éducation de l'être humain à accéder à une moralité plus élevée en acquérant sagesse, amour et bonté. Les obstacles qu'il doit surmonter sont le prix à payer pour accéder à la connaissance et à l'amour. La vie est la lutte de la lumière avec l'obscurité, du bien avec le mal, du rationalisme avec la superstition, du matriarcat avec le patriarcat. La musique de Mozart rapproche ces contraires, unit ces oppositions et forme ainsi une charpente, celle de l'être humain tout simplement. La  « Flute enchantée »  est le terme d'un voyage de découvertes que Mozart venait de faire à travers son siècle, la somme de toutes ses inspirations, de la plus populaire à la plus majestueuse.

    Dans ce qui est l'ultime œuvre lyrique de son existence, Mozart démontre, mieux qu'il ne l'avait jamais fait, son pouvoir de survoler l'infranchissable et de passer en un instant de la farce à l'épique. Autres éléments significatifs du sujet, la connivence entre le monde enfantin et le monde animal, illustrée par la présence de créatures mi-humaines mi-animales. Papageno et Papagena appartiennent à un univers où le goût très vif pour les plaisirs de la vie ne s'exerce jamais au détriment de l'innocence des acteurs. Ce désir de pureté, que Mozart a toujours porté en lui, trouve ici l'occasion de s'épanouir.

    On trouve dans ce dernier opéra de Mozart la symbolique chère aux Francs-maçons : le combat du Bien contre le Mal, le triomphe des vertus, la victoire de la Lumière sur les Ténèbres. Mozart évoque l’Initiation qui permet au Profane de devenir meilleur. Lumière, amour, vérité, travail inlassable sur soi : la symbolique et bien d’autres signes sont là évoqués, respectés, qui font de cette « Flute enchantée » un émerveillement.

    Les signes symboliques dont l'œuvre est parsemée, les rapports numériques pythagoriciens entre les tonalités, les effectifs orchestraux, les tessitures, les groupes de personnages bien définis, tout conduit à qualifier « La Flute enchantée » d'opéra maçonnique.

    Si les énigmes que recèle l'œuvre, et leur élucidation, peuvent paraître sommaires, d'un rituel vieillot et desséché par le vent de l'Histoire, elles n'en constituent pas moins un premier mode de compréhension de cet opéra par lequel il faut passer si l'on veut pénétrer les intentions secrètes qui ont présidé à son élaboration.

    On y rencontre spontanément le besoin d'un tracé initiatique vers une révélation. Ce qu'il y a de remarquable dans cet opéra, et aussi de significatif dans l'écriture mozartienne, c'est qu'il est une des rares créations sublimes de l'esprit humain accessibles aux enfants. La première a lieu au « Theater Auf der Wieden », le 30 septembre 1791, sous la direction de Mozart lui-même.

    Ainsi put-il savourer plus complètement le succès que lui réserva le public, un succès qui se perpétuera plusieurs mois après la disparition du musicien et qui, sur le moment, lui apporta un réconfort dont il avait bien besoin, étant donné le délabrement de sa santé et la dépression morale qu'il traversait. Si l'on en croit le Berliner Musikalische  Zeitung, l'œuvre fut fort mal chantée. Justifié ou non, ce jugement n'empêcha pas le théâtre de faire salle comble à chaque fois qu'il afficha « La Flute enchantée ». Mais ce succès arriva trop tard pour le pauvre Mozart qui survivra moins de trois mois à la création de son opéra.

    Pourtant, avant de quitter un monde qu'il a survolé comme un ange, il a donné à la Franc-maçonnerie une autre preuve de sa fidélité. Afin de célébrer l'inauguration d'un nouveau temple, la loge à laquelle il appartenait lui demanda de composer une cantate. Bien qu'à bout de forces, il trouva dans son cœur le courage de créer cette œuvre qui sera la dernière de sa vie. Cette cantate, « Das Lob der Freudschaft » (L'Éloge de l'amitié), nous dit que jusqu'au moment ultime de son parcours terrestre, le musicien a voué un culte à ce sentiment qu'il a recherché tout au long de son existence et qu'il a, hélas, trop rarement rencontré.

    La philosophie maçonnique s'exprime à travers une multitude de symboles (Equerre, Compas, Niveau, Colonnes, Triangle, Nombre 3, etc.) et de valeurs (humanisme, philanthropie, tolérance, fraternité). On retrouve ces symboles et ces valeurs dans certaines œuvres musicales, littéraires et architecturales.

    Cet opéra débute par un triple accord qui reprend la rythmique ternaire des batteries maçonniques. Le chœur final comporte le ternaire « force, sagesse, beauté » qui est utilisé au Rite Ecossais Ancien et Accepté, le plus pratiqué au monde.

    « Die Zauberflöte » est l’œuvre universelle par excellence.

    Conclusion

    On a beaucoup dit et beaucoup écrit sur cette œuvre. Elle est sans aucun doute l'opéra de W. A. Mozart le plus représenté et ce n'est pas sans raison car il est des œuvres, en particulier artistiques, qui rayonnent sur les hommes et l'humanité. Elle est si riche de symboles que de nombreuses thèses ont été émises sur sa signification, thèses parfois reprises dans les innombrables interprétations qu'ont réalisées les metteurs en scène d'opéras du monde entiers.

    Cette « Flute enchantée » est vraiment magique, magique à plus d'un titre : dans sa musique, souvent hors de l'espace et du temps, dans les intentions de son créateur et de tous les artistes qu'elle a inspiré et enfin dans le message que chacun peut comprendre qu'elle lui apporte.

    Mais, sans vouloir rajouter une nouvelle interprétation des intentions qu'auraient eues Mozart et le cercle de ses amis dont Schikaneder et Gieseke en créant ce chef-d'œuvre – car en réalité, qui peut prétendre savoir avec certitude ce que voulait nous dire Mozart ? – il n’y a qu’une certitude : Mozart était sensible à tout un courant de pensée « universelle » et « spirituelle » et nous savons qu'il était en contact étroit avec les hommes et les cercles qui vivaient de cette pensée.

    La « Flute Enchantée », opéra maçonnique et d’apprentissage, parcours initiatique mais aussi turquerie et quasi opéra-comique qui ne ressemble qu’à Mozart lui-même, est à la fois populaire et ésotérique.

    Comme dans les contes orientaux dont elle s’inspire, la « Flute enchantée » foisonne de symboles dont peuvent s’amuser les Initiés mais ne renonce jamais au doux plaisir d’entraîner le spectateur dans les méandres d’une aventure féerique et fantastique où les personnages ne tardent pas, d’épreuves en tours de magie, à redouter le Bien et à douter du Mal, à trembler et à s’enhardir, jusqu’à se transformer, au bout de leur périlleuse déambulation, en ces héros empreints de grâce et de sagesse que ne renieraient pas les mille et une nuits.

    C’est un Mozart en fin de vie, délaissé par la mode et la santé, qui s’amuse de ces aventures extravagantes et populaires dans lesquelles sa musique peut s’abandonner à la fantaisie et entraîner dans son élan la troupe de Schikaneder, librettiste complice et ami de vingt ans. Les genres y changent aussi souvent que les tableaux, les styles y apparaissent et s’y bousculent avec la magique aisance d’un effet de machinerie.

    Au final, c’est la profusion, l’inattendu, qui rappellent à ses contemporains, sous couvert de divertissement, l’incroyable diversité de son génie. Plus qu’un testament, c’était un pied de nez aux ennuyeux qui confondaient sérieux et profondeur, aux mondains qui cherchaient l’Olympe dans les velours des salons.

    Lien vers la planche '' Approche de l’opéra « La Flûte enchantée » ''

    R:. F:. A. B.

    Sitographie

    Le parcours initiatique de Mozart

    https://www.edmu.fr/2009/05/mozart-en-quelques-dates.html

    http://www.ecossaisdesaintjean.org/article-mozart-en-trois-points-102168306.html

    https://www.rtbf.be/lapremiere/article/detail_de-mozart-et-des-lumieres-un-voyage-au-18e-siecle-en-10-episodes?id=9946708

    http://jeanbaptistekleber.com/wolfgang-amadeus-mozart-la-musique-du-siecle-des-lumieres/

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Mozart_et_la_franc-ma%C3%A7onnerie

    https://www.rtbf.be/musiq3/emissions/detail_l-odyssee/accueil/article_les-symboles-franc-macons-chez-mozart?id=10158139&programId=8774

    http://lamaconne.over-blog.com/2016/07/mozart-compositeur-franc-ma%C3%A7on.html

    https://www.francemusique.fr/emissions/petites-histoires-et-grandes-musiques/francis-poulenc-fait-acte-de-resistance-a-l-opera-de-paris-63445

    http://www.stricte-observance-templiere.com/Mozart.php

    http://www.linternaute.com/savoir/dossier/06/mozart/franc-macon.shtml

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Wolfgang_Amadeus_Mozart#cite_ref-21

     

    La Flute enchantée

    https://www.opera-online.com/articles/la-flute-enchantee-feerie-et-richesse-dun-conte-initiatique

    https://www.francemusique.fr/opera/la-flute-enchantee-franc-maconnerie-et-prelude-au-feminisme-338

    http://www.lamediatheque.be/travers_sons/opmoz1.htm

    http://users.skynet.be/lotus/art/mozart-fr.htm

    http://users.skynet.be/lotus/art/mozart0-fr.htm

    https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Fl%C3%BBte_enchant%C3%A9e

     

    Bibliographie

     

    Duquesnoy Isabelle

    Les confessions de Constanze Mozart

    Editions Point – Poche 2012

     

     


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  • La place des métaux en Franc-maçonnerie

    Les métaux nécessaires

    Si le rituel nous invite à « laisser nos métaux à la porte du Temple », il faut cependant constater que certains objets en métal ont leur place dans le rituel à divers moments des Tenues et cérémonies : je songe aux épées que nous utilisons au cours de la cérémonie d’initiation, au glaive du Frère expert, celle du Frère Couvreur et celles des deux Surveillants, à l'Épée flamboyante du Vénérable Maître, aux bijoux mobiles que revêtent tous les Officiers Dignitaires.

     

    Les épées, les glaives, les bijoux

    Pendant le premier voyage, les Frères font un grand vacarme avec leurs épées.

    L’épée est le symbole du guerrier. Elle est l’arme par excellence. Sa puissance est positive ou négative, selon qu’elle est le moyen de protéger l’innocent contre la malfaisance ou qu’elle est une fin en soi.

    Après avoir vécu les voyages et éprouvé les éléments, le bandeau tombe et le Néophyte voit ses Frères, debout et à l’ordre, pointer sur lui leurs épées, signifiant ainsi qu’ils lui offrent leurs forces, qu’ils voleront à son secours en cas de danger mais qu'en cas de parjure ils sont aussi prêts à exécrer son nom.

    Au cours de la cérémonie d’Initiation, le Vénérable Maître pose l'Épée flamboyante sur l’épaule du Récipiendaire puis frappe la base de l’épée avec son maillet, créant, recevant et consacrant le Néophyte Apprenti-maçon.

    Il existe plusieurs sortes de bijoux maçonniques. Seuls les bijoux mobiles sont en métal. Il s’agit des attributs distinctifs portés en sautoir par les Officiers Dignitaires d'une loge pendant une certaine période. Ce sont notamment l'Équerre, le Niveau et la Perpendiculaire qui ornent les sautoirs du Vénérable Maître et des deux Surveillants. La forme de ces bijoux maçonniques varie suivant la fonction et le grade de ceux qui les portent sur le sautoir.

    « Si l'on voulait accorder le métal des bijoux mobiles avec le symbolisme planétaire, nous dit Jules Boucher, l’Équerre du Vénérable Maître devrait être en étain (Jupiter), le Niveau du Premier Surveillant en acier (Mars) et la Perpendiculaire du Second Surveillant en cuivre (Vénus) ». D'une façon générale, ces bijoux sont cependant en cuivre doré !

     

    Le Tronc de Bienfaisance

    L’appartenance à notre Ordre n’est nullement un privilège réservé aux riches. Quiconque jouit d’une modeste aisance peut devenir Franc-maçon sans léser sa famille. Mais l’appartenance à une Loge implique quelques sacrifices financiers.

    Sont-ce réellement des sacrifices dès qu’on se sent bien intégré dans sa Loge ?

    Une cotisation est en effet exigée. Elle est destinée à faire face aux dépenses matérielles occasionnées par la pratique de la Maçonnerie : loyer des locaux occupés, charges diverses et frais occasionnés par l’organisation des Tenues.

    J’ai relevé dans un rituel que : « Courage, savoir, vertu ne sont que de vains mots sans la charité ».

    Avant la Fermeture des Travaux, le Vénérable maître invite notre Frère Hospitalier à faire circuler « le Tronc de la Veuve », que l’on nomme aussi dans d’autres rites « Le Tronc de Bienfaisance » ou « Le Tronc de Solidarité ».

     * La place des métaux en Franc-maçonnerie

    Il s’agit d’une collecte dont le montant, inscrit dans le Tracé de la Tenue, peut servir à tout Frère qui en ferait la demande immédiatement (Au Rite Écossais Ancien Accepté : « Quelqu'un réclame-t-il le tronc de la Veuve ? ») ou à toute action de bienfaisance décidée par la Commission des Officiers Dignitaires.

    Il est donc important de posséder un minimum « de métaux » afin que nous puissions effectivement œuvrer dans l’intérêt de tous, venir en aide matérielle à ceux qui en ont besoin et nous montrer suffisamment charitables sans pour autant nuire à la stabilité financière de notre ménage. Chacun fait donc un don volontaire qu’il proportionne à ses moyens et dont la valeur reste cachée.

    C’est avec tact et discrétion que nous devons aider nos Frères. Ils ont tous droit à notre protection, à notre aide. La bienfaisance doit s’accomplir comme un devoir de solidarité mais sans jamais fournir de prétexte à des actes de vanité ou d’ostentation qui seraient sources d’orgueil pour celui qui donne et d’humiliation pour celui qui reçoit.

    Il me semble que celui qui refuserait de secourir son semblable s’exclurait lui-même de la communion des Initiés par ce seul fait. Tous nous pouvons être utiles les uns aux autres et chacun a besoin de tous.

    Pour conclure, je citerai une dernière fois Oswald Wirth : « La bienfaisance est de pure justice car ceux qui manquent du nécessaire sont les créanciers de ceux qui jouissent du superflu ».

    R:. F:. A. B.


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  •  Plan de la cérémonie d'Initiation au grade d'Apprenti au Rite moderne belge 

    AVANT LA CÉRÉMONIE

    • Le séjour dans le Cabinet de réflexion.

    Epreuve de la Terre ; dépouillement des métaux ; rédaction du Testament philosophique) puis préparation du Récipiendaire dans un autre local.

    • L’arrivée devant la Loge, « ni nu ni vêtu».

    Paraître ni nu ni vêtu, dépouillé de ses métaux, c’est-à-dire dans sa plus grande simplicité, telle serait donc la perfection « symbolique » demandée au Récipiendaire, au moment où il va recevoir l’Initiation. Il est donc invité à maîtriser toutes ses passions, en particulier celles de la possession, du pouvoir, de la vanité, etc., passions qui sont inhérentes, à des degrés divers, à l’homme commun.

    • La demande d’entrée par trois grands coups.

    Dans le « Tuilage de l’Apprenti », une des questions posées par le F:. Expert est « Comment avez-vous obtenu l’entrée en Loge ? » Et le Profane de répondre « Par trois grands coups ». Demande de précision : « Qui signifient ? ». Réponse : « Cherchez et vous trouverez. Demandez et l’on vous donnera. Frappez et l’on vous ouvrira ».

     

    PENDANT LA CÉRÉMONIE D’INITIATION

     1. Vérifications de la part des Frères Surveillants.

    Qui frappe ainsi en Profane ?

    C’est un profane qui erre dans les ténèbres et qui aspire à la lumière.

    Il a été régulièrement présenté et soumis au scrutin de la loge et vient de sa propre volonté, dûment préparé, solliciter son admission aux mystères et privilèges de la Franc-maçonnerie.

    Est-il prêt à se soumettre aux épreuves qui l’attendent et aux usages de notre ordre ?

    Le Maître des Cérémonie annonce que le Profane est prêt !

    Ce profane est-il digne de la lumière à laquelle il aspire ?

    La condition première pour être digne d’entrer en Franc-maçonnerie est d’être probe et libre. Le Profane déclare qu’il l’est.

    Le Vénérable maître ordonne que l’on donne l’entrée de la Loge au Profane, selon l’antique usage.

    2. Entrée en Loge : Le franchissement de la « Porte basse ».

    Les Frères Surveillants disposent la cane du Frère Maître des Cérémonies horizontalement, à environ un mètre du sol, de sorte que le Profane doive considérablement s’abaisser pour passer dessous.

    Le Vénérable Maître explique les raisons du bandeau et annonce de nouvelles épreuves.

    3. Les 3 voyages symboliques et la purification par les éléments.

    Les 3 voyages consistent à tourner autour du tableau de Loge dans le sens « horlogique ».

    Le premier voyage est particulièrement mouvementé. Le deuxième un peu plus calme ; le troisième dans le silence le plus complet et en marquant les angles droits.

    Épreuves de l’Air, de l’Eau et du Feu. Un Frère Maître ou, à défaut, un Compagnon, est chargé d’administrer ces trois épreuves. Il utilise un soufflet, asperge le candidat d’un peu d’eau, passe une bougie allumée sous la main du candidat.

    4. Épreuve de la coupe sacrée.

    Le Frère Maître des Cérémonies présente une coupe au Récipiendaire. Cette coupe contient un « digestif » et faire vider le contenu en trois gorgées (symbolisme du Nombre 3 à respecter !). Généralement on utilise de l’Underberg dont les propriétés permettent de distinguer le goût insipide à la première gorgée, le goût amer lors de le deuxième gorgée, et enfin la douceur de la troisième gorgée.

    5. Prestation de serment.

    Pour pouvoir prendre l’engagement solennel que la Franc-maçonnerie impose à ses membres, le Récipiendaire doit d’abord prendre connaissance de la nature de notre Ordre.

    Le Vénérable Maître explique que la Franc-maçonnerie est une association initiatique qui, par son enseignement symbolique, élève l’homme spirituellement et moralement, et contribue ainsi au perfectionnement de l’humanité par la pratique d’un idéal de paix, d’amour et de fraternité.

    Le Récipiendaire apprend la « mise à l’ordre » : main droite sur sa gorge, le pouce en équerre.

    Le Frère Orateur donne lecture de l’engagement de l’Apprenti Maçon.

    Le Frère Maître des Cérémonies prépare le candidat pour sa prestation de serment.

    Le Récipiendaire est amené devant l’autel. Il est placé de sorte qu’il ait le genou droit dans le creux de l’équerre sur le coussin, le genou gauche en équerre, le pied à terre, la main droite sur les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie, un compas ouvert à 90°, tenu de la main gauche, une pointe sur le cœur, l’autre vers le Zénith.

    Le Récipiendaire répète le serment, membre de phrase par membre de phrase.

    6. La Lumière !

    Au troisième coup de Maillet du Vénérable Maître, le Frère Maître des Cérémonies ôte le bandeau couvrant les yeux du Récipiendaire.

    Le Vénérable Maître donne la signification des glaives pointés vers le Récipiendaire.

    7. Apprentissage de la Marche de l’Apprenti.

    Le Frère Maître des Cérémonies guide et montre les pas au Néophyte pendant que le Vénérable Maître donne l’explication de la marche de l’Apprenti.

    8. Investiture.

    Le Récipiendaire est conduit devant l’Autel où il pose le genou droit sur le coussin.

    Le Vénérable Maître et les deux Surveillants forment un triangle dans le plan horizontal avec leur glaive autour du cou du Néophyte et sur ses épaules.

    Le Récipiendaire est créé, consacré et reçu Apprenti Maçon, est invité à se relever et reçoit la première accolade fraternelle du Vénérable Maître.

    Le Nouvel Apprenti est reconduit sur les Parvis afin de réajuster sa vêture.

    Lorsqu’il s’apprête à revenir en Loge, le Frère Maître des Cérémonies entre le premier, de manière rituelle. L’Apprenti s’avance ensuite par les trois pas puis est conduit au Nord-Est, face au Sud pour recevoir ses décors et communication des arcanes du grade.

    9. Remise du Tablier, des Gants, du Bijou, des règlements et restitution des métaux.

    10. Communication des premiers arcanes du grade.

    La Mise à l’ordre, le Signe d’ordre, le Signe de Fidélité, l’Attouchement ; le Mot sacré et le Mot de passe sont communiqués par le Vénérable Maître. Un contrôle est ensuite effectué par le Second Surveillant.

    Le Frère Expert « tuile » un Frère Apprenti qui – entretemps – était sorti discrètement.

    11. Destruction du Testament philosophique.

    Le Frère Secrétaire est invité à détruire par le feu le Testament philosophique du nouvel Apprenti, dont personne n’a pris connaissance.

    12. Le premier Travail de l’Apprenti sur la Pierre brute.

    Le Nouvel Apprenti imite le geste du Frère Maître des Cérémonies en frappant la Pierre brute au rythme de la batterie du grade.

    13. Reconnaissance officielle.

    Le Nouvel Apprenti est reconnu officiellement par tous les Frères.

    Une batterie d’acclamation ponctue cette cérémonie d’Initiation ou de Réception.

    14. Planche d’instruction.

    Le Frère Orateur est invité à communiquer la planche d’instruction qu’il a tracée à l’intention du nouvel Apprenti.

     

     

    R:. F:. A. B.


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  •  Au travail ! 

     

    Introduction

    Quelques instants avant que ne débute toute Tenue, le Maître des Cérémonies a souvent pour première tâche de nous indiquer que le Vénérable Maître nous appelle au travail.

    A part le fait de revêtir nos « décors », combien d’entre nous se pénètrent-ils de la nécessité d’avoir dès cet instant une attitude propice au Travail (maçonnique) ? Entrons-nous bruyamment dans la Loge ou nous mettons-nous « en condition » en observant déjà le silence indispensable à la méditation, au travail sur soi ?

    Et lorsque le Vénérable Maître nous invite à prendre place sur les Colonnes, adoptons-nous une posture d’équerre, une réelle droiture dans notre attitude… ? Ou préférons-nous croiser les bras et les jambes tels des grévistes en attente d’une augmentation de salaire ?

    A force d’observer tant d’attitudes profanes sur les Colonnes, il m’a semblé utile de réfléchir davantage à cette notion de travail et de partager le fruit de mes recherches et de mes réflexions à propos de cette notion de « travail » en Franc-maçonnerie et subséquemment quant à notre attitude face au travail.

    Mais le travail n’est pas le propre de la Franc-maçonnerie. Dans la vie profane, pour vivre et survivre, le travail est généralement indispensable, à moins d’être particulièrement fortuné !

     

    Le travail profane

    Rappelons les grands traits du travail profane : nous avons, pratiquement tous, l’obligation de travailler pour des raisons matérielles, pour acquérir une indépendance, valoriser notre épanouissement personnel par toutes formes d’activités comme la culture, le sport, les loisirs, la religion, satisfaire nos ambitions personnelles et notre besoin d’atteindre des objectifs, des défis personnels.

    Le travail seul n’amène pas de grandes satisfactions, mais plus souvent des frustrations.

    Tous les hommes, Profanes ou Maçons, ont besoin de travailler pour subsister pour ne pas disparaître. Ils doivent se nourrir d’aliments pour grandir, mais également se nourrir de spiritualité pour s’approprier des valeurs nouvelles et développer celles qu’ils possèdent déjà en eux.

    Le travail est un devoir naturel. Le travail nourrit l’homme et sa famille, procure la santé et le bonheur. Mais il apparaît à l’homme comme le résultat d’une punition : car on passe de l’oisiveté à l’obligation de gagner son pain à la sueur de son front.

    Le travail librement accepté, comme le bricolage, le jardinage, les activités associatives, démontre une recherche de satisfaction personnelle, de reconnaissance et de communications avec les autres. Le travail bien adapté à chacun selon ses propres capacités, effectué avec amour, permet par nature à l’homme d’être reconnu et de s’élever.

    Le travail intellectuel permet, lui, de perfectionner la condition humaine pour la rendre le plus proche possible de la morale idéale.

    L’homme ne peut accomplir les gestes les plus ordinaires sans mettre à contribution le travail d’autrui. Notre propre travail représente en retour le paiement d’une dette contractée en profitant du travail des autres.

     

    Notre attitude face au Travail en Loge

    Notre arrivée en Franc-maçonnerie nous fait généralement prendre conscience qu’il y a d’autres moyens pour trouver un épanouissement personnel que la valeur travail au sens matériel. C’est la dimension spirituelle que nous donnons à notre vie.

    Quel que soit son âge, le Franc-maçon est un artisan, un artisan qui porte un tablier  assimilant le travail manuel au travail intellectuel, celui de sa propre construction. Il se joint à ses Frères dans un endroit précis pour y travailler.

    Mais ne conviendrait-il pas d’adopter une meilleure attitude face au travail en Loge ? Ne devrions-nous pas songer à nous mettre « en condition » quand nous allons entrer en Loge : cesser toute conversation ; penser à la manière dont nous allons prendre place sur notre chaise (en plaçant une équerre virtuelle au niveau du bassin, des genoux, des pieds… ; en posant nos mains sur nos genoux ; en faisant passer virtuellement le Fil à plomb au niveau de la nuque et des jambes) ?

    Le Franc-maçon me semble alors en bonne condition pour apprivoiser son corps, pour ouvrir son esprit, pour être réceptif aux rituels. Par la répétition assidue du rituel d’Ouverture des Travaux essentiellement, l’Apprenti est conduit à assimiler des techniques du corps par ses facultés à imiter et à répéter. Il n’y a pas de progrès moral sans un travail sur son corps, sur son comportement, son attitude, c'est-à-dire sans progrès corporel. L’esprit ou le corps demandent un entretien constant des techniques de soi.

    Certes, cette attitude suggérée ci-dessus n’est pas des plus confortables, mais c’est une position propice au travail, pas à la grève !

     

    Que venons-nous réellement faire en Loge ?

    Dans une planche précédente, j’’avais déjà tenté d’apporter des éléments de réponse à cette question. (Voir la planche intitulée « Que venons-nous faire en Loge ? » - Lien URL)

    J’en rappelle les principales pistes de réflexion.

    Combattre nos vices et faire des progrès dans la Franc-maçonnerie : telles sont, rituellement, les raisons pour lesquelles nous sommes en Loge. Cela signifie d'abord que le Franc-maçon sait qu'il a des défauts et des faiblesses qu'il doit corriger. Il éprouve donc le besoin de s'améliorer. Pour cela, il doit prendre conscience de ses défauts, s'efforcer de les combattre et de devenir meilleur en travaillant sur lui-même au moyen des outils symboliques que la Loge met à sa disposition.

    Le devoir d'un Franc-maçon n’est-il pas de fuir les vices et de pratiquer les vertus en préférant à toutes choses la Justice et la Vérité ? Et c'est dans la Loge que nous, Francs-maçons, effectuons ce travail. Pour cela, nous devons être assidus et persévérants, participer aux Travaux en Loge et apporter notre modeste contribution chaque fois que cela est possible. La présence en Loge est nécessaire ; elle est même indispensable, mais elle n'est pas suffisante. Par son travail, chacun de nous doit devenir « une colonne vivante du Temple ».

    Le Franc-maçon doit d'abord travailler pour son propre perfectionnement. Il doit également persister sans relâche dans la recherche de la Vérité, en étant toujours plus exigeant vis-à-vis de lui-même et tolérant à l’égard de ses Frères. Cela veut donc dire qu'avant d'envisager toute action sociale, le Franc-maçon doit entreprendre une action individuelle.

    Le travail est la notion-clé de la Franc-maçonnerie puisqu’elle le sacralise. Le Frère s'y voue corps et âme. Pour les Francs-maçons que nous sommes, le travail est avant tout un moyen de perfectionnement, un instrument pour la recherche de la Vérité.

    Souvenons-nous de cette autre planche à propos de ce qui se passait avant la Maçonnerie spéculative. (Voir la planche intitulée « Avant les loges spéculatives » - Lien URL)

     

    Le travail des maçons opératifs au Moyen-Âge

    Les Maçons réguliers ont coutume de qualifier d’« opératives » les origines de la Franc-maçonnerie moderne, c’est-à-dire en rapport avec les métiers de la construction. La Franc-maçonnerie actuelle est dite « spéculative », c’est dire que les valeurs opératives ont été assimilées pour pouvoir s’appliquer à toutes les professions, à tous les types de métiers qu’ils soient manuels ou intellectuels. Dans nos rituels et traditions nous pouvons retrouver des traces de ces anciennes valeurs des maçons opératifs, le plus souvent bâtisseurs de cathédrales mais aussi de monastères et d’ouvrages civils.

    Au temps de la franc-maçonnerie opérative, le rayonnement du travail du maçon dans le monde profane était assez évident et bien visible car ses ouvrages dominaient la ville par leur majesté : une cathédrale, un château, un pont...

    L’objectif de la présente planche est d’essayer de montrer que le Franc-maçon spéculatif contemporain est aussi capable d’un rayonnement dans le monde profane et que ce rayonnement peut prendre appui sur le travail réalisé en Loge. Je tenterai également de montrer qu’il n’y a pas de rupture entre le monde maçonnique et le monde profane et que la véritable pratique de la Maçonnerie ne s’effectue pas qu’en Loge mais aussi et peut-être même surtout à l’extérieur de la Loge, dans la vie de tous les jours.

    Opératif d'abord, avec les constructeurs de cathédrales, puis spéculatif depuis Anderson, le travail du Franc-maçon est d’abord rituel et intellectuel avant d’être social et s'effectue essentiellement en Loge mais aussi à l'extérieur.

    Par ses recherches, le Frère s'interroge sur la vie extérieure et sur sa vie intérieure. En tant qu'élément d'un ensemble, son but est à la fois son propre progrès et celui de la société.

    Travailler, c'est mettre en œuvre, c'est édifier (au sens maçonnique). Et cela demande un travail constant. Et c'est pourquoi les Frères n'aspirent pas au repos.

    Travailler ne signifie point s'agiter beaucoup, en dépensant brutalement ses forces.

    Examinons dès lors le travail comme nous pouvons le percevoir dans la formation du Maître Maçon.

    Dans nos Loges, le travail est au centre de l’enseignement maçonnique. Cet attachement des Maçons au travail apparaît à plusieurs endroits dans nos rituels :

    • N’affirme-t-on pas qu’il est nécessaire de « Travailler sans relâche à notre perfectionnement intellectuel et moral » ?
    • Les Francs-maçons ne considèrent-ils pas « le travail comme le devoir primordial de l’être humain et l’honorent sous toutes les formes » ?

    Ce travail doit être mené avec méthode. Comme un certain rituel nous le rappelle, « La règle à 24 divisions symbolise la journée du maçon, dont toutes les heures doivent être utilement employées ; la laie permet de réduire les aspérités de la pierre brute, symbolise la volonté de perfectionnement qui doit nous animer ; enfin, le ciseau activé par le maillet, qui vient parfaire l’œuvre, en rendant la pierre tout à fait conforme à son emploi, symbolise la méthode maçonnique ».

    Le Travail en Loge s’opère entre l’Ouverture et la Fermeture des Travaux, symboliquement entre midi et minuit, ce qui correspond à l’espace-temps que nous devons consacrer à notre Travail. Néanmoins, le symbole représenté par la Règle à 24 divisions nous rappelle que notre travail de Franc-maçon ne s'arrête pas aux 12 heures consacrées au Travail en Loge, mais bien aux 24 heures de chaque journée.

    Il s’agit donc initialement d’un travail sur soi-même, un travail qui a une utilité et une finalité. Ne perdons pas de vue cette définition de la Franc-maçonnerie : « une alliance universelle d’hommes éclairés, groupés pour travailler en commun au perfectionnement intellectuel et moral de l’humanité ». Relevons-y les termes « perfectionnement intellectuel et moral ».

    La Franc-maçonnerie nous impose une méthode initiatique de Travail en Loge, mais avant tout, elle nous assigne un but : celui d‘extérioriser hors de la Loge ce que nous y apprenons lors des Tenues. Cela signifie que le Travail en Loge doit enrichir chaque Frère afin que nous soyons à même de pouvoir agir dans la société grâce au travail effectué en Loge. Sans cette perspective, le Travail en Loge deviendrait stérile. Préparer les Frères de l’Atelier à extérioriser notre méthode maçonnique est le devoir et le but de tout réel Travail en Loge. Cela est certes d’une grande exigence, mais la Franc-maçonnerie, sans cette perspective, ne serviraient à rien.

     

    Le Travail en Loge est d’abord une démarche intellectuelle

    Apprendre à mieux penser est l'enjeu majeur du travail au sein de nos Loges. En son sein, et dans le cadre occasionnel de la présentation de planches, de « Morceaux d’architecture », il s'agit d'exposer une pensée individuelle à une collectivité, de soumettre une réflexion construite à la discussion. Il s'agit donc de passer du travail individuel, introspectif, à un travail collectif.

    Cette démarche intellectuelle se caractérise par :

    • la pratique de l’introspection (le silence de l’Apprenti, la réception de la convocation qui nous permet de nous préparer à entendre toute intervention en Loge et notamment en se posant des questions à propos du sujet annoncé) ;
    • le rituel qui nous permet de nous mettre dans un état de réception pour commencer mais aussi pour finir le Travail en Loge ;
    • les symboles de la Loge qui sont autant de sollicitations pour notre imagination, notre intuition, notre réflexion ;
    • les travaux réalisés en Loge, les planches accompagnant les demandes d’augmentation de salaire, c’est-à-dire l’avancement dans les grades, les travaux des Frères conférenciers (planches, morceaux d’architecture).

    Dans tous ces cas, le Travail en Loge n’est que l’aboutissement du travail réalisé en dehors de la Loge pour le préparer. Il nécessite un sérieux effort personnel en amont, sans lequel la fréquentation de la Loge ne présenterait que peu d’intérêt.

     

    Le travail préparatoire avant les Tenues

    Le travail préparatoire est tout aussi important pour la qualité du Travail en Loge qui sera mené. La préparation de planches de qualité est la condition sine qua non à l'épanouissement de chacun. C'est ainsi que le pré-travail en Loge fait partie intégrante du travail de chaque Maçon. 

     

    Le travail est une démarche morale

    Le Travail maçonnique doit se faire dans un esprit d’ouverture. Une phrase du rituel nous y incite : « Que la Concorde, la fraternité et la charité guident nos pas et nos œuvres ! ».

    Comme dans toute démarche de nature spirituelle, nous ne devons pas porter de jugement sur les autres. Nous devrions simplement être suffisamment ouverts pour recevoir et assimiler. Ce n’est que dans cet état d’esprit qu’il nous est possible de construire cette entité harmonieuse que nous appelons « la Loge ». Cela ne signifie pas que nous devons abandonner notre propre personnalité, notre propre intérêt, notre propre recherche qui, de fait, ne peuvent pas être partagés… mais nous allons pouvoir trouver dans l’écoute des autres, dans leurs expériences… de nouveaux axes de recherches, d’études, de découvertes qui vont nous permettre de progresser. Aussi longtemps que l’apport de chacun des frères sera positif, il y aura un véritable intérêt à participer aux Tenues.

     

    La fréquentation assidue des Tenues devient une source d’enrichissements constants et progressifs :

    • sur le plan humain car il est permis de rencontrer des hommes d’exception toujours dans des domaines différents ;
    • sur le plan initiatique car la Franc-maçonnerie permet de faire le lien entre les différents courants d’éducation, de spiritualité, de pratique, de croyance… en fonction des origines, des passés, des attirances, des recherches… des participants afin de découvrir que la gloire du bel ouvrage est largement partagé ;
    • sur le plan spirituel car notre symbolisme du travail nous permet de prendre conscience qu’il n’y a pas de séparation entre le matériel et le spirituel, entre le spéculatif et l’opératif et que notre véritable épanouissement est certainement dans le bien faire quotidien.

     

    Prendre son temps en Maçonnerie est essentiel pour différentes raisons :

    • La Franc-maçonnerie est une voie de connaissance par opposition aux voies mystiques et il nous faut du temps pour apprendre.
    • La Franc-maçonnerie fait partie des priorités dans la conduite de notre vie :
      • La première priorité consiste à préserver notre santé car sans elle rien n’est possible ;
      • La seconde priorité concerne notre travail car il est l’élément indispensable à la vie sociale ;
      • La troisième priorité est en liaison avec notre famille et le respect de nos responsabilités et engagements envers ses membres ;
      • Enfin, la Maçonnerie fait partie du reste, et il nous faut la traiter comme telle et ne pas s’engager plus avant si les priorités précédentes ne sont pas couvertes.
    • La Franc-maçonnerie est un lieu d’expérimentation exceptionnelle où nous avons l’opportunité de tester de multiples facettes de nos capacités. Lors de l’installation du collège des Officiers Dignitaires de la Loge, chacun d’eux reçoit une charge, une fonction, une véritable mission. Toutes les fonctions se retrouvent dans la direction d’une entreprise du monde profane. Les pratiquer en Maçonnerie permet au préalable d’en mesurer les composants, les difficultés, les avantages en fonction de sa propre personnalité et de ses propres dispositions naturelles. La Franc-maçonnerie est, en ce sens, un lieu unique de formation et d’expérimentation des relations sociales et professionnelles.
    • L’expérience maçonnique peut et doit aussi être négative. Nous aurons dans notre vie maçonnique à rencontrer de mauvais frères, de faux frères, des Vénérables Maîtres ou des Surveillants tyranniques, dilettantes, incapables… Nous aurons des frustrations quant à nos augmentations de salaires, nos nominations à tel ou tel poste… Tout cela constitue des expériences négatives si nous ne les acceptons pas et des expériences positives si nous les acceptons. Quelle est la valeur de notre petit moi par rapport à la vie de la Loge, de la société, de l’univers ? Ces désagréments doivent nous permettre de dépasser nos propres restrictions et limites et nous permettre d’évoluer dans un contexte plus large dont nous n’avons pas la maîtrise.

    Vue ainsi, la Franc-maçonnerie n’est-elle pas un bon enseignement pour la conduite de notre vie ? Ne favorise-t-elle pas l’esprit de découverte ?

     

    Le travail nous permet une expérimentation sociétale

    Le symbolisme nous oblige à sortir de ses cadres de référence, comme une nouvelle naissance, c’est-à-dire à reprendre l’esprit de découverte de notre enfance pour voir le monde différemment et non pas au travers des archétypes que l’éducation, la culture et la société nous ont inculqués.

    Retrouver l’esprit de découverte, n’est-ce pas prendre conscience que nous sommes capables de penser, d’appréhender, de juger par nous-même sans faire référence aux autres ? Cela veut dire que nous sommes devenus autonomes donc adultes. Sans cette liberté d’agir, nous vivrions encore dans des huttes et nous ne disserterions pas de Franc-maçonnerie en ce moment. 

    Cette liberté de créer est comme la trace de l’impulsion initiale donnée au vivant. Cette liberté, utilisée avec un sens moral dans le monde profane, fait effectivement progresser l’humanité. Elle s’inscrit dans la tradition pour faire évoluer la tradition. Une tradition qui n’évolue pas entraîne la mort des entités qui s’y rattachent.

     

    Le Travail maçonnique nous offre des moments de concentration

    Le rituel d’Ouverture des Travaux nous permet de passer du monde profane au monde maçonnique. C’est un élément de rupture qui apaise la production de pensée et favorise la concentration. La participation aux cérémonies (Initiation, augmentation de salaire, Élévation…), l’écoute des planches du jour, les déambulations en Loge avec leurs formalismes… sont autant d’exercices de concentration qui incitent à «être présent dans le présent».

    Bien faire ce que nous faisons, complètement et sans restriction, constitue, à mon sens, une démarche spirituelle qui n’est liée ni aux dogmes, ni aux croyances, mais uniquement à l’expérience. C’est la grande expérience de la Franc-maçonnerie.

     

    Le Travail maçonnique

    La voie qui mène à la Lumière, à la Vérité, nous est ouverte, mais nous n’y accédons pas par le simple fait de revêtir un cordon, un tablier et une paire de gants blancs à l’entrée de la Loge. Ce n’est ni un droit, ni une faculté que les membres de notre Ordre acquièrent par le paiement de leur seule cotisation mais c’est le fruit d’un réel effort. L’accession à la Lumière n’est en effet pas un dû mais une récompense légitime à un processus dans lequel nous nous sommes engagés aux côtés de nos Frères sur la voie de l’Initiation.

    C’est un mécanisme psychique, spirituel mais sans doute aussi physique afin qu’enfin, comme lors de notre Chaîne d’Union, loin de tout souci matériel s’ouvre pour nous le vaste domaine de la pensée et de la spiritualité, faisant que la Vie n’est rien, la mort non plus, puisque seul le Travail est quelque chose : il justifie l’un et ennoblit l’autre. C’est cela le Travail maçonnique !

     

    L’assiduité

    L’assiduité aux Travaux de Loge est une des premières vertus en Maçonnerie. Elle est indispensable compte tenu de l’importance du vécu en Loge.

    Nul ne peut devenir Maçon s’il n’est assidu, car c’est par le travail qu’on devient Maçon, comme dans le monde profane où c’est à l’école de l’apprentissage où l’on apprend son métier, chacun selon ses capacités matérielles et mentales.

    Pour œuvrer à l’amélioration spirituelle de la société, pour réaliser nos intentions de Francs-maçons, notre démarche peut être orientée selon six axes bien distincts, chaque axe pouvant être développé par chaque Frère, selon le temps et ses propres intérêts, toujours dans le cadre de l’Initiation.

     

    Le premier axe du travail est l’aspect fraternel, celui qui repose sur la tolérance d’autrui.

    Etre tolérant, c’est d’abord  l'être avec soi-même ; c’est savoir que chacun a des opinions, des avis, des idées propres à soi et quelquefois, pour ne pas dire le plus souvent, des idées différentes des autres. Cela peut poser un problème personnel si quelqu’un n’est pas suffisamment tolérant avec ses propres idées. C’est la première des tolérances.

    Ensuite c’est d’être tolérant avec l’autre, avec les autres Frères. C’est la seule façon de permettre d’abord à l’autre d’être lui-même, de lui accorder le droit à la liberté de conscience, de lui donner la possibilité de vous apporter quelque chose de différent, de vous enrichir, de vous donner une idée de plus, une idée différente, qui puisse vous faire évoluer, … grandir.

    Etre tolérant avec l’autre, c’est l’accepter comme il est, c’est lui permettre de le laisser s’exprimer complètement, profondément, même et surtout si on n’est pas d’accord avec ses idées ; c’est mieux l’observer, mieux le laisser vivre, lui offrir la possibilité d’évoluer… à lui aussi, comme à nous d’ailleurs, bref, c’est  mieux le comprendre, c’est donc l’aimer. 

    Dans notre recherche du perfectionnement, il est important de trouver un ensemble de personnes sur le même chemin pour échanger ses expériences, se soutenir les uns les autres et expérimenter les vertus de la tolérance. C'est pourquoi la Franc-maçonnerie est une fraternité à la fois comme conséquence de ce travail en commun et comme moyen d'avancer chacun sur sa route. Cette fraternité est le lien profond qui nous unit aux autres hommes, qu'ils soient Francs-maçons ou non.

     

    Le deuxième axe du travail est l’étude du symbolisme, la pratique du rituel.

    Pour améliorer le travail des Frères, il est utile d’étudier non seulement les symboles maçonniques, mais aussi de rechercher comment fonctionne le langage des symboles et comment le rituel agit sur l’Initié. L’étude des symboles eux-mêmes, la recherche sur leur interprétation et la quête intellectuelle de leur signification, est utile mais tout cela ne fait pas un Initié.

    Pour bien pratiquer la Maçonnerie, il faut donc avoir tous ses sens en éveil. Si l’on veut que le symbolisme initiatique remplisse son rôle, agisse efficacement, deux conditions sont nécessaires. D’une part, il faut en Loge que les Frères soient à l’écoute avec tout leur être, à la fois concentrés et sereins.

    L’ouverture au monde des symboles facilite l’écoute de soi-même et la compréhension des événements de notre vie. En Loge, le travail mérite de faire une large place au symbolisme, non seulement par la pratique des rituels, mais aussi par une instruction sérieuse des Frères de tous les grades. L’étude du symbolisme devrait naturellement porter sur les différents symboles propres à la Franc-maçonnerie ainsi que sur les rituels, en s’efforçant d’en dégager le sens profond et d’en tirer un message concret pour les Frères.

     

    Le troisième axe, à savoir le travail au progrès de l’humanité, c’est la dimension sociale.

    Notre devoir de Franc-maçon est aussi d’agir dans le monde profane. En poursuivant l’accomplissement de notre travail au-delà des limites de la Loge, l’homme nouveau, ou tout au moins transformé, doit rayonner dans la société civile en pratiquant au dehors les vertus d’une reconnaissance équitable du travail, d’une reconnaissance de la place de chacun dans l’édifice social qui puisse être apaisante, fraternelle, constructive.

    Ce troisième axe est donc celui du rejaillissement de nos réflexions en Loge vers la société. Le retour du Travail maçonnique vers la société civile se fait par le comportement de tous les jours des Maçons dans la société. Comportement aussi bien dans la vie professionnelle, associative, familiale que citoyenne.

    En effet un parcours « maçonnique » qui ne serait tourné que vers son enrichissement intellectuel sans retour vers les autres n’aurait aucun sens ou plutôt serait un non-sens !

    L’Histoire fourmille de Francs-maçons qui ont, depuis le siècle des lumières, marqué « positivement » l’évolution de l’Humanité sur le continent européen puis dans d’autres régions du monde.

     

    Le quatrième axe, celui du travail sur soi.

    Le travail sur soi permet, en écoutant les autres Francs-maçons, en confrontant les arguments avancés, de parfaire sa propre conviction sur des sujets divers d’ordre philosophique ou symbolique. Ce travail sur soi est primordial pour éliminer les « scories » classiques qui viennent souvent polluer les débats dans la société profane. Le « paraître » doit s’effacer pour ne laisser que l’essentiel des arguments. Une règle fondamentale est le respect absolu des intervenants et donc l’écoute de toutes les opinions exprimées. C’est ce brassage de points de vue qui permet à chacun de nous enrichir de nos différences et diversités.  Ce travail sur soi se fait donc par la participation à nos réunions, par des contributions plus personnelles qui sont des sujets présentés par un Franc-maçon sur un sujet donné, par la réflexion et l’introspection suite aux échanges. Le travail sur soi-même libère des chaînes de l’ego et de la psyché afin d’acquérir la maîtrise du Métier d’Homme.

     

    Le cinquième axe concerne l’aspect philosophique et pour une grande majorité d’entre nous l’aspect spirituel.

    Pour réussir le pari de la diversité en harmonie, la Franc-maçonnerie traditionnelle fait appel à un Principe supérieur qui transcende la réalité matérielle, sociale et religieuse, Etre suprême que certains appelleront « Dieu » et que nous appelons « Grand Architecte de l'Univers » pour ne pas entrer dans des débats stériles. La combinaison de la foi en un Principe supérieur et d’une démarche de perfectionnement de soi-même en fait donc une démarche spirituelle au sens large.

     

    Le sixième et dernier axe du Travail en Atelier concerne la vie de l’Atelier, son maintien et son administration.

    Une Loge maçonnique est une micro-société très particulière, administrée et hiérarchisée au plan des responsabilités assumées par un Collège d'Officiers, qui assume le rôle d'un vrai Conseil d'Administration.

    Ce Conseil d’administration – que nous nommons « Commission des Officiers Dignitaires – est présidé par le Vénérable Maître en chaire et règle toutes les questions inhérentes au fonctionnement de l'association des Frères composant la Loge.

    La particularité de son système est que personne n'y possède un pouvoir temporel absolu. De même, personne n'y détient de pouvoir spirituel. Ainsi cette société ne tient sa souveraineté et sa puissance que d'elle-même. En ceci, une Loge est un modèle unique en son genre.

    Au sein de la Loge, les Frères sont égaux dans leur travail. C’est le fruit que nous partageons comme un cadeau offert à nous-même et aux autres. Le besoin de reconnaissance valorisé dans le monde profane n’existe pas en Maçonnerie, car tous les Frères sont égaux. Ce travail / salaire qui est comme une monnaie d’échange est une nécessité, un devoir fraternel pour le Franc-maçon qui, en le faisant évoluer, fait évoluer la Loge. Pour le Franc-maçon, le salaire est toujours le même, c'est-à-dire sa joie d’avancer sur le chemin et surtout partager.

    Notre travail personnel nous permet à chacun d’avancer, mais profite également au groupe formé par la Loge. La progression est donc collective.

     

    La glorification du Travail

    Le travail du Franc-maçon est sans limite. Les Frères sont invités à le porter vers une gloire rayonnante, à le pratiquer comme une religion dans une démarche de sacralisation. Le Travail maçonnique consiste à se libérer : il exige des efforts et de la patience. Il s’agit d’abord d’une conquête de soi pour arriver à la maîtrise de soi, de ses passions, ses désirs et ses faiblesses.

    Il est donc nécessaire de relier les Frères entre eux, de relier le matériel au spirituel, de relier notre monde sacré au monde profane, et aussi de faire ce travail de relecture incessant qui nous permet de tendre vers une recherche plus authentique de ce que nous croyons connaître. Si la Maçonnerie est une religion du travail, la glorification du Travail n’est qu’une invocation, pas une prière.

     

    Le travail d’un Maçon ne s’arrête jamais

    Le rituel de Fermeture ou de Clôture des Travaux comporte cette phrase étrange qui donne une vraie dimension au travail maçonnique. « Le travail d’un Maçon ne s’arrête jamais, Vénérable Maître : ce qui est cherché en Loge se continue dans le monde et le devoir d’un Maçon est de répandre à l’entour la Lumière qu’il a entrevue dans les opérations de la Loge de Saint-Jean ».

    Elle comporte deux aspects : « ce qui est cherché en Loge se continue dans le monde » c’est-à-dire que la recherche maçonnique et la recherche profane sont de même nature, la curiosité développée en Loge, le désir de perfectionnement intellectuel et moral ne se partage pas, ils font un tout. Un bon Maçon est avant tout un bon professionnel parfaitement intégré dans la société civile à laquelle il met à disposition les capacités qu’il a pu développer et expérimenter en Loge.

    La deuxième partie de la phrase « le devoir d’un Maçon est de répandre à l’entour la lumière qu’il a entrevue dans les opérations de la Loge de Saint-Jean » montre que les valeurs développées à l’intérieur de la Loge doivent être portées à l’extérieur.

    Parmi ces valeurs, celle qui nous semble la plus essentielle concerne notre capacité à « être présent dans le présent ». C’est-à-dire, à un instant donné, être totalement sans limitation dans l’acte de l’instant. De cette fusion du moi et de l’action découle l’excellence qui a permis la construction des cathédrales et qui, liée à notre créativité retrouvée, nous permet de tenir notre rôle de contributeur opératif dans la société civile.

    Le Travail en Loge implique un nombre certain d'exigences. Il a pour but d'exporter au dehors du Temple ce que l'on y apprend au-dedans grâce au travail de polissage en Loge. Il doit aussi être précédé d'un travail préparatoire et d'introspection pour tracer toute planche et apporter des réflexions pertinentes au Frère conférencier pour autant que la Loge organise des débats.

    Chaque planche doit permettre l'élévation de chacun d'entre nous. Loin de nous contraindre, ces exigences nous aident à progresser sur notre chemin initiatique. Ce travail collectif nous conduit parfois à atteindre une symbiose. C'est ce qui fait une des particularités de notre Travail en Loge.

    En travaillant de la sorte, nous continuerons à cultiver cette particularité et serons entendus pour avoir une quelconque influence positive sur les affaires de la société. Nous agissons dans la société, enrichis de ce que ce que notre Travail en Loge nous enseigne.

    R:. F:. A. B.

     

    Bibliographie

    Ambelain Robert

    L'Alchimie spirituelle

    Editions Bussière, 2000

     

    Bandler Richard

    Un cerveau pour changer : Comprendre la PNL 

    Interéditions, 1993 – Poche, 2008


    Ligou Daniel

    Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    P.U.F., 1991

     

    Durozoi Gérard et Roussel André

    Dictionnaire de Philosophie

    Editions Nathan, 1993


    Wirth Oswald

    La Franc-Maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    Tome II « Le Compagnon »

    Editions Dervy, 1979


    Wirth Oswald

    Le Symbolisme Hermétique dans ses rapports avec la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, 1993


    Bouvier Pierre

    Le Travail

    Que-sais-je ?

    Presses universitaires de France, 1991

     

    Sitographie

     

    http://latolerance.blogspot.be/2005/03/le-travail.html

    http://intuition.blog.lemonde.fr/2007/02/27/operatif-speculatif/

    http://www.ledifice.net/6005-H.html

    http://www.temple-parvis.com/images/CDAcompagnons/horg-travail-comp.pdf

    http://www.gadlu.info/le-symbolisme-base-du-travail-maconnique

    http://www.masonica-gra.ch/symbolisme_augier

    http://hautsgrades.over-blog.com/article-le-symbolisme-base-du-travail-maconnique-122831824.html

    http://www.franc-maconnerie-godf-cannes.org/la-loge-au-travail/les-trois-niveaux-du-travail-maconnique/

    http://laurentremise.typepad.fr/artsgraphiques/2011/04/le-travail-en-loge.html

     


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  •  AVANT LES LOGES SPÉCULATIVES 

    1. Introduction

    La fondation de la Maçonnerie spéculative moderne n’est pas un processus volontaire, ni consenti, mais plutôt le résultat d’une suite de coïncidences, de résignations, voire d’erreurs.

    Pour nous, la Franc-maçonnerie, traditionnelle, universelle et régulière, c’est un Ordre. Cela signifie qu'elle repose sur une organisation ordonnée et structurée selon une règle. Cette Règle définit le fondement de la Régularité maçonnique dans tous les pays du monde. Les Francs-maçons qui respectent cette Règle sont les Maçons Réguliers.

    Les origines de la Franc-maçonnerie restent incertaines et de nombreuses légendes flatteuses, réveillant l’égo des Maçons, courent à son sujet. On la dit héritière d’Hiram, l’architecte du Temple de Salomon, des Chevaliers Templiers, mais également de spiritualités ésotériques telles que l’Ordre de la Rose-Croix, l’Hermétisme ou en relation avec la Kabbale (mystique juive). Mais il faut bien le constater : les textes antérieurs au 14ème siècle n’apportent pas beaucoup de précisions au sujet de l’origine de l’Ordre maçonnique.

    La Franc-maçonnerie trouve son origine au Moyen-Âge dans l’organisation corporative des tailleurs de pierre ou des ouvriers des chantiers religieux et féodaux. Elle prit naissance en Ecosse, dans la région de Glasgow. Les constructeurs des cathédrales gothiques étaient regroupés en loges et se réclamaient de saint Jean.

    Ce que nous savons aussi, c’est que la Règle maçonnique traditionnelle existe depuis au moins le 14ème siècle. Ses plus anciennes transcriptions en notre possession sont écrites en anglais médiéval et datent de 1390 et de 1400. Nous pouvons la découvrir dans de nombreux documents manuscrits ou imprimés, collectivement appelés « Old Charges », en français : « Anciens Devoirs ».

    Ainsi, en 1390, le « Manuscrit Régius » décrivait les usages des maçons anglais et plaçait emblématiquement leur corporation sous l'égide d'Euclide et de Pythagore, pères de la géométrie, et sous la protection du roi Athelstan d'Angleterre. Le « Manuscrit Cooke » se présente comme une version parallèle du « Régius » écrite en prose. Ces deux textes traitent de l’art de la géométrie, science à la fois divine et terrestre, dont l’application par métier se nomme « Franc-maçonnerie ». Ils donnent également des règles de conduite et des devoirs à respecter par les gens de métier, les « Francs-maçons », envers la confrérie, la société humaine, la religion et l’Etat.

    A la fin du Moyen-Âge, les confréries sont nombreuses à travers l'Europe. Elles veillent au respect des « Devoirs » des différents métiers. Le « Manuscrit Régius » nous donne une bonne idée de ce que pouvait être la maçonnerie « opérative » de l'époque. Ces confréries étaient cependant souvent mal vues par l'Église catholique romaine et surveillées de près par les pouvoirs royaux.

     

    Rappelons ce qu’étaient ces « Anciens Devoirs ».

     

    2. Les Anciens Devoirs

    Des historiens ont mis en évidence l’existence de plus d’une centaine d’Anciens Devoirs. Une centaine de manuscrits de la Maçonnerie opérative nous sont en effet connus, rapportant sa doctrine et son organisation. Ce sont les « Anciens Devoirs » ou « Old Charges ». Les plus anciens, conservés au British Museum, le « Manuscrit Régius » (1390) et le « Manuscrit Cooke » (vers 1425) ont été rédigés – selon l’usage du temps – par des clercs. Ils disent que « la géométrie est l’art de mesurer toute chose sur la terre ».

    Dans un de ses ouvrages, Daniel Béresniak montre « comment la plus ancienne définition connue de la Franc-Maçonnerie identifie celle-ci à la Géométrie » et constitue « l’écho médiéval de l’antique Nul n’entre ici s’il n’est géomètre de l’Académie de Platon ».

    Ces « Old Charges » constituent essentiellement l’histoire légendaire du métier et les règles morales qui devaient gouverner le comportement des maçons. Ces textes étaient destinés à être lus à haute voix pour des assistants en partie illettrés ! Leur possession confirmait la régularité de la loge.

    L'analyse de ces Devoirs montre la permanence d'exigences constantes, appelées Landmarks depuis 1723, date à laquelle le pasteur Anderson employa cette expression dans ses Constitutions. Diverses recensions en existent mais toutes contiennent quelques principes incontestables (voir la planche intitulée « Les origines de la FM » - Lien URL).

    Mais quelle forme de maçonnerie était concernée par ces « Anciens Devoirs » ? Au 14ème siècle, il s’agit de la « maçonnerie opérative ».

     

    3. La franc-maçonnerie opérative

    Qu’entendons-nous par « maçonnerie opérative » ? Car tel est bien l’objet principal de la présente planche !

    Organisée en obédiences depuis 1717 à Londres, la Franc-maçonnerie contemporaine, dite « spéculative » — c'est-à-dire philosophique — fait référence aux rites des Anciens Devoirs de la « maçonnerie » dite « opérative » formée par les corporations de bâtisseurs qui édifièrent, entre autres, les cathédrales.

    Au Moyen-Âge, la Maçonnerie opérative était constituée en divers groupements : mestiers, confréries, ghildes. Elle réunissait les artisans travaillant la pierre. Ceux-ci construisaient des cathédrales mais aussi des monastères, des châteaux forts, des ponts. Ils rangeaient leurs outils, travaillaient parfois, se sustentaient et se reposaient dans la loge, une bâtisse souvent provisoire qu’ils édifiaient sur le chantier, souvent adossée au mur de la cathédrale.

    C’étaient des virtuoses, des magiciens de la pierre. Leurs connaissances techniques et peut-être théologiques et philosophiques dépassaient la moyenne. Ils étaient vraisemblablement, du moins pour les plus qualifiés, des hommes libres. Ils appartenaient alors à un franc-mestier, indépendant du pouvoir local, qui leur commandait la belle ouvrage. Appréciés pour leurs talents par les princes de ce monde, ils parcouraient l’Europe, du Nord au Sud, de l’Orient à l’Occident.

    En des termes plus synthétiques, nous pourrions dire de la maçonnerie opérative qu’« Il s’agit d’une organisation de la construction en pierres qui englobe les divers niveaux hiérarchiques de son accomplissement et régit tous ses aspects techniques ainsi que corporatifs ».

    Mais cet aspect professionnel ne peut s’exercer dans un cadre idéal de fraternité et d’amour du prochain qui inclut la participation à des œuvres caritatives et d’assistance. Le maçon opératif s’épanouissait grâce à la pratique religieuse intégrale du catholicisme, au sens étymologique d’universel.

    René Guénon a bien rappelé la nécessité de cette pratique religieuse exotérique, comme base d’une réalisation initiatique quelconque « car on ne bâtit pas sans fondations ou sur une vie profane. Il faut d’abord maîtriser l’extérieur avant de pénétrer l’intérieur. Le processus initiatique est un accomplissement et une transformation de l’exotérisme et non pas sa négation, son oubli ni même sa négligence ».

    Le métier fournit le support de l’ordre initiatique dont les rites permettent d’intégrer tous les aspects de la vie professionnelle à l’entreprise de la réalisation spirituelle. La pratique du métier prend alors la valeur d’une ascèse véritable. Il comporte un aspect de compréhension intellectuelle, intégrée aussi bien qu’intégrante. En ce sens, l’opératif inclut la dimension spéculative, mais celle-ci n’est pas isolée.

    On s’imagine le plus souvent que les Maçons « opératifs » n’étaient que de simples ouvriers et artisans, et rien de plus ni d’autre, et que le symbolisme aux significations plus ou moins profondes ne serait venu qu’assez tardivement, par suite de l’introduction, dans les organisations corporatives, de personnes étrangères à l’art de construire.

    Tel n’est d’ailleurs pas l’avis d’Armand Bédarrides qui cite un assez grand nombre d’exemples, notamment dans les monuments religieux, de figures dont le caractère symbolique est incontestable. Il évoque notamment les deux colonnes de la cathédrale de Würtzbourg qui sembleraient prouver que les maçons constructeurs du 14ème siècle pratiquaient une symbolique philosophique, ce qui est exact, mais dans le sens de « philosophie hermétique ».

    Parmi les symboles usités au Moyen Age, outre ceux dont les Maçons modernes ont conservé le souvenir tout en n’en comprenant plus guère la signification, il y en a bien d’autres dont ils n’ont pas la moindre idée !

    La « Maçonnerie opérative » était vraiment complète dans son ordre : elle possédait à la fois la théorie et la pratique correspondante. Cette qualification d’opérative peut être comprise comme une allusion aux « opérations » de l’« art sacré », dont la construction selon les règles traditionnelles était une des applications.

    Le « Manuscrit Regius » est précieux pour une autre raison. Il affirme que certains apprentis sont « du sang des seigneurs ». A ce sujet, nombre d’historiens pensent que dans les loges opératives ont été acceptés progressivement et à titre honorifique des gens étrangers au métier. Selon les cas, clercs, nobles, bourgeois ont pu apporter, connaissance, prestige, protection, espèces sonnantes et trébuchantes. De plus en plus nombreux dans les ateliers, les « Maçons Acceptés » seraient à l’origine de la mutation de la Maçonnerie : les spéculatifs supplantant au fil du temps les opératifs. Selon l’historien Paul Naudon, François Rabelais fut un de ces Acceptés au sein de la confrérie des Gaults, une société de bâtisseurs.

    Progressivement, les loges opératives auraient admis parmi leurs membres quelques hommes importants, nobles ou membres du clergé, n'appartenant pas directement au métier. C'est ainsi que les loges écossaises, depuis 1439, avaient comme protecteurs héréditaires les seigneurs Saint-Clair de Rosslyn.

    Mais tous les historiens ne partagent pas cette hypothèse de transition entre « maçonnerie opérative » et « maçonnerie spéculative » : pour certains, la Maçonnerie spéculative serait directement issue de la Royal Society, l’Académie royale des Sciences de Londres, créée en 1662, à laquelle appartenaient les grands esprits de l’époque comme le savant – mathématicien, physicien, astronome – Isaac Newton et le pasteur Théophile Désaguliers.

     

    4. Les premières loges spéculatives

    Depuis notre admission dans l’Art royal, nous avons appris que la Franc-maçonnerie moderne trouve son origine en Angleterre, dans une coutume dénommée « acceptation » qui consistait à recevoir, dans un cercle de maçons opératifs, en qualité de membres honoraires, des personnes étrangères au Métier. Cette thèse est de plus en plus remise en question.

    Nous savons qu’en 1717, quatre Loges londoniennes établies de « temps immémorial » se sont réunies afin que « quelques frères anciens » puissent s’associer pour créer la première Grande Loge de Londres constituant ainsi l’ébauche de la maçonnerie obédientielle moderne et jeter les bases d'un centralisme qui aboutira, après plusieurs décennies et bien des péripéties, à la Franc-maçonnerie moderne.

    Avec le déclin des loges opératives, au fil des années, ces maçons « acceptés » ont privilégié le travail sur les idées plutôt que celui sur la construction matérielle.

    Mais deux ou trois exemples connus du 17ème siècle nous laissent aussi penser que des loges ont d’emblée été créées comme « spéculatives ».

    Nous savons également qu’en 1723, deux pasteurs, James Anderson et Jean-Théophile Désaguliers, ont été chargés de rédiger des Constitutions fondatrices qui se sont définitivement démarquées de la lignée opérative même si elles étaient formellement calquées sur les anciennes constitutions de métier, les « Old Charges ».

    Bien que les premières véritables Loges de Francs-maçons, distinctes des corporations, soient apparues au 17ème siècle, en Écosse, la Franc-maçonnerie a toujours ajouté à cette origine historique une origine légendaire et symbolique plus ancienne, support du travail initiatique de ses membres. Les premiers Francs-maçons faisaient remonter cette origine mythique symboliquement aux origines de la maçonnerie elle-même, c’est-à-dire aux origines de l'art de bâtir.

    C’est tout naturellement qu’ils placèrent cette origine à l'époque d'Adam, le premier homme, selon la conception de l'époque ; à l’époque de Noé, le constructeur de l'arche, ou, beaucoup plus fréquemment, à celle de la construction du Temple de Salomon.

    En 1736, en France, le chevalier de Ramsay a rattaché la Franc-maçonnerie aux croisés. D'autres, un peu plus tard, transformeront cette référence en une référence symbolique au Saint-Empire romain germanique, ou à l'Ordre du Temple de Jérusalem (en Allemagne, en Angleterre et en France).

    À la suite de redécouverte de l'Égypte antique par les occidentaux, c'est tout naturellement que certains rituels maçonniques ont déplacé l'origine symbolique de la Franc-maçonnerie à l'époque de la construction des pyramides.

    Au milieu du 19ème siècle, à l'occasion de la redécouverte de l'héritage du Moyen-Âge, le mythe maçonnique renforça tout aussi naturellement ses références à la construction des cathédrales.

    C'est devenu un lieu commun pour la plupart des ouvrages consacrés à la Franc-maçonnerie que d'affirmer qu'elle provient directement des « bâtisseurs de cathédrales ». Les légendes, quant à elles, renvoient jusqu'à la construction du temple de Jérusalem sous le règne de Salomon, voire à l'époque antédiluvienne.

    Parler des origines de la Maçonnerie moderne revient le plus souvent à évoquer la glorieuse histoire des bâtisseurs de cathédrale, dont la science rayonnait au point que de grands intellectuels et quelques nobles ont – progressivement mais massivement – rejoint les loges opératives pour fonder la Maçonnerie spéculative d’aujourd’hui. Cette thèse est celle dite « de la transition ». Une belle histoire dont les remises en question provoquent parfois l’irritation.

    N’est-il pas judicieux pour un meilleur travail maçonnique de connaître toutes les thèses ? Pour une meilleure initiation n’est-il pas profitable de distinguer le mythe de l’histoire ? Car si l’on se fie uniquement au mythe, le danger de la contre initiation existe.

     

    5. Les bâtisseurs de cathédrales

    En fait, l'hypothèse d'une filiation directe avec les loges médiévales flatte le sentiment d'enracinement dans une tradition multiséculaire et sert merveilleusement bien l'obsession de « régularité » des obédiences maçonniques.

    L’origine de cette théorie remonte au 18ème siècle. Elle émane d'une école d'historiens aujourd'hui très critiquée car elle a pour grave défaut d'ignorer les travaux menés depuis plusieurs décennies par d'autres écoles.

    Cela ne signifie pas qu'elle soit sans fondement et totalement contraire à la vérité : les travaux les plus récents énoncent davantage de nouvelles hypothèses. Et rares sont les découvertes qui viennent infirmer cette théorie.

    La question des origines de la Franc-maçonnerie est particulièrement complexe. Elle souffre de lacunes documentaires et la nature même de la tradition ancienne reste très floue.

    Le problème initial que posent les origines de la Franc-maçonnerie moderne n'est pas tant celui de son lien avec les loges médiévales que celui des modalités qui ont favorisé la mutation des loges « opératives » – terme consacré pour désigner ce qui est relatif à la pratique réelle du métier – en Loges « spéculatives » – c'est-à-dire se servant du métier comme d'un support allégorique mais ne le pratiquant plus.

    (Voir aussi la planche intitulée "Les bâtisseurs de cathédrales" - Lien URL).

     

    6. De la « maçonnerie opérative » à la « maçonnerie spéculative »

    La thèse la plus répandue est celle de la transition. Cette thèse, qui est l’œuvre de l’historien Harry Carr pour l’essentiel, affirme qu’au Moyen-Âge, en Angleterre, existaient des Loges opératives organisées comme aujourd’hui, avec des rituels, des usages, des mots de passe et des mots sacrés. Ces Loges se seraient ouvertes aux personnes étrangères au métier de constructeurs et bâtisseurs, mais intéressées par l’art de la construction, sans doute par ouverture d’esprit et respect de leur intérêt.

    Compte tenu de l’intérêt des « Gentilshommes maçons » ou de « Maçons spéculatifs » pour les courants alchimiste et néoplatonicien nés à Florence au 15ème siècle, et pour la tradition Rose-Croix diffusée à partir du 17ème siècle, divers courants de pensée auraient pénétré les Loges en même temps que les non opératifs. D’où la théorie de « l’acceptation ».

    Le nombre de ces « Gentilshommes maçons » aurait augmenté de manière spectaculaire au point de devenir peu à peu majoritaire et d’évincer ainsi les opératifs devenus progressivement étrangers à leur propre institution. Ainsi la Maçonnerie, après une période de transition, serait devenue, la Franc-maçonnerie spéculative d’aujourd’hui. Cette hypothèse paraît assez plaisante quand on sait que des monarques ont appartenu à la Franc-maçonnerie.

    A côté de cette thèse séduisante, il existerait une série de faits concordants et assez flatteurs qui, combinés à la théorie de la transition, auraient conduit à la fondation de la Grande Loge d’Angleterre en 1717.

    Ces autres composantes sont, d’une part, l’origine compagnonnique de la Franc-maçonnerie et d’autre part, la franchise accordée par le pape aux Maîtres Comacins, de mystérieux maçons italiens. Cette franchise – qui justifierait le vocable « Franc-maçon » – aurait  permis à ces maçons de traverser l’Europe en répandant leur savoir architectural, géométrique et ésotérique, et semant ainsi les graines de la Maçonnerie spéculative.

    Mais plusieurs éléments de cette autre thèse ne résistent pas à l’épreuve des faits comme en témoignent les travaux des membres de la Loge de recherche de la Grande Loge Unie d’Angleterre, « Ars Quatuor Coronatti ».

    Concernant tout d’abord la franchise papale accordée aux maçons italiens, selon l’historien de la Maçonnerie Roger Dachez, cette fable n’a survécu que grâce aux recopiages successifs sans vérification de source.

    Concernant l’hypothèse compagnonnique, il existe une confusion fréquente entre les confréries de maçons opératifs telles qu’elles ont existé en Europe et le compagnonnage proprement dit. Le compagnonnage est une organisation purement française sur les usages de laquelle il n’existe aucun renseignement substantiel avant le 18ème siècle même si son existence est attestée dès le 15ème siècle.

    Quoi qu’il en soit, si la fondation de la Franc-maçonnerie spéculative moderne en Angleterre en 1717 est incontestable, l’Angleterre n’a jamais connu le compagnonnage. Voilà qui sépare définitivement le compagnonnage de la fondation de la Franc-Maçonnerie moderne.

    Enfin, la remise en cause la plus sérieuse de toute cette « belle histoire » vient du fait que l’Angleterre n’a jamais connu de Loges de maçons opératifs : il n’en existe aucune trace !

    Et si certaines confréries de maçons ont pu exister en Angleterre, elles sont restées opératives jusqu’à leur disparition et aucune archive de ces organisations ne mentionne l’admission d’une personne totalement étrangère au métier.

    Une origine de la Franc-maçonnerie a également été recherchée dans les sociétés d’entraide nées au 17ème siècle, dans les milieux artisans, ou encore dans le rôle joué par la dissolution des communautés monastiques après la réforme anglaise en 1534. De cette remise en cause naquit également une théorie négative dite « théorie de l’emprunt » qui suggère que la maçonnerie moderne aurait délibérément repris des textes et des pratiques ayant appartenu à la maçonnerie opérative mais sans filiation directe ni légitimité aucune, voire en les adaptant quelque peu. La maçonnerie spéculative aurait dès lors sciemment entretenu, depuis sa fondation même, le mythe d’une filiation avec les bâtisseurs de cathédrales.

     

    7. Les apports de « La Clé écossaise »

    En 1988 parurent successivement deux ouvrages signés par un profane, le professeur David Stevenson, Professeur d’histoire à l’Université d’Aberdeen.

    Selon lui, il existait en Ecosse un système unique au monde : des guildes de métier comme dans le reste de l’Europe. Chacune véhiculait une histoire mythique du métier remontant à l’antiquité et dispensait un savoir via des rites rudimentaires scellés par un serment de discrétion. En Ecosse, l’existence des Guildes et leur autorité était sanctionnée par l’attribution d’une charte, délivrée par la municipalité. La charte de la Guilde des maçons et charpentiers d’Édimbourg date de 1475. Les maçons de la Guilde disposaient plus particulièrement d’une autorisation d’utiliser le mortier, par opposition aux maçons dits « de la pierre sèche » interdit d’entrée à la guilde. La Guilde des maçons régissait le métier de la construction dans son ensemble. Elle était dirigée par un Diacre – en anglais « deacon » - que mentionnent les statuts Schaw datés de 1598 et 1599. Ce Diacre était nommé par la municipalité.

    En arrière-plan de la Guilde existait la Loge, dont l’existence était secrète, et dont les attributions l’apparenteraient aujourd’hui à une de nos organisations syndicales. Elle encaissait les cotisations, prenait soin des veuves et des orphelins de ses membres et, par l’intermédiaire du dirigeant de la Guilde, exerçait un contrôle sur le type de construction dans l’enceinte des bourgs. Elle était dirigée par un Surveillant élu parmi les Maîtres Maçons de la Guilde (En anglais « Warden »). Il y avait parfois plusieurs surveillants dans la Loge, l’un d’eux prenait alors le titre le « Maître Surveillant » ou « Premier Surveillant ».

    Dirigeant de la Guilde, le Diacre était officier de la Loge et il avait aussi pour fonction de faire le lien entre la Guilde et la Loge. A titre de réminiscence, dans le rite d’York ou dans le Guide des maçons – première version des grades symboliques du R.E.A.A. (1804) – les diacres jouent un rôle de liaison entre les Vénérable Maître et les Surveillants ou entre les Surveillants.

    L’Ecosse est le seul pays au monde où l’on trouve des traces de Loges opératives, contrairement à l’Angleterre, et ce dès le milieu du 16ème siècle. Mais, pour autant, la progression dans le métier n’était pas celle de la maçonnerie moderne.

    La progression maçonnique en Ecosse était différente de celle qui régit aujourd’hui la maçonnerie symbolique. Selon les statuts Schaw, l’apprenti reçu dans la Guilde devait être enregistré dans la loge. Le grade de compagnon était conféré en Loge ; la maîtrise l’était dans la Guilde. Cette maîtrise était conférée après que le compagnon ait présenté un chef d’œuvre, épreuve que ne pouvaient passer les non opératifs et qui ne comprenaient aucun enseignement ésotérique. Si le degré de Maître maçon était parfois conféré à un non opératif – le plus souvent un seigneur – c’était à titre purement honorifique.

    En Ecosse les Loges ont parfois 500 ans. Elles y pratiquent parfaitement un rituel que chaque Loge adapte, au point qu’il y a pratiquement un rite par Loge ! Mais les Ecossais ont le défaut d’avoir quelque peu oublié le sens de leur rituel et le pratiquent de manière automatique, sans savoir pourquoi tel ou tel élément y est inclus.

    L’admission des non opératifs en Ecosse n’a pas encore reçu d’explication solide. A l’époque la plus ancienne, cela constituait sans doute un geste honorifique envers un protecteur ou un citoyen qui avait procuré beaucoup de travail aux maçons. Les archives de la loge « Mary’s Chapel n°1 » font mention de réception de non opératifs dès la première moitié du 17ème siècle.

    De même, on ne sait à ce jour, ce qui distinguait l’admission d’opératifs de celles des non opératifs. Il est probable qu’ils recevaient le mot du maçon, sorte de légende basée sur les deux colonnes du temple de Salomon, qui servait de moyen de reconnaissance. La communication de ce mot constituait l’essentiel de la cérémonie de réception.

    Mais tout ceci ne donne guère de solution précise quant à la fondation de la maçonnerie spéculative moderne. Au mieux la piste écossaise porte bien son nom : elle donne une piste. Mais à partir de ces diverses théories et faits historiques, il est possible de dégager une histoire globale, qui réconcilierait l’histoire et le mythe, l’histoire et les légendes. Cette synthèse constitue aujourd’hui l’hypothèse la plus probable relative à la fondation de la maçonnerie spéculative.

    Le système des Loges opératives existait en Ecosse et elles connurent une longue prospérité car l’usage de la pierre perdura en Ecosse par opposition en Angleterre qui adopta très tôt la brique d’argile rouge. Mais à partir de la fin du 16ème siècle, les grandes constructions ralentirent avant de stagner, au détriment des Guildes de Maçons. Ce déclin modifia le paysage maçonnique de l’époque. Si la Loge était secrète alors que la Guilde avait pignon sur rue, la Loge reprit le devant et la Guilde disparut peu à peu.

    Au 17ème siècle, de nombreuses sociétés secrètes sont nées en Europe, influencées par la philosophie Rose-Croix, la pensée hermétique, l’alchimie, la Kabbale... Un des traits communs à ces divers mouvements était la croyance en la sagesse perdue des civilisations anciennes, sagesse qui, si elle était retrouvée, amènerait à une nouvelle compréhension du divin, de l’univers et de l’homme. Cette supériorité des civilisations anciennes est poussée à son paroxysme par l’hermétisme. A la lumière des idées hermétiques, les mythes médiévaux des maçons prirent une nouvelle dimension.

    Ces courants de pensée accordaient surtout une grande importance à l’architecture, l’architecte étant sensé être l’homme omniscient, versé dans toutes les sciences. Ces courants assimilèrent rapidement cet art de l’architecture – donc de la géométrie et des mathématiques – à la maçonnerie. Cette assimilation eut pour effet de donner une nouvelle respectabilité aux maçons et d’augmenter leur aura vis à vis des profanes. Les courants ésotériques de l’époque menaient donc une espèce de conspiration pour accorder un rôle exceptionnel aux maçons, et, assurément, au cours du 17ème siècle de nombreux documents sont apparus pour attester de l’assimilation de la maçonnerie à l’architecture, à la philosophie, etc…

     

    8. Pour conclure : décadence et continuité de la maçonnerie opérative

    Ainsi, les Loges de maçons opératifs se limitaient à la connaissance du métier et dispensaient des cérémonies rudimentaires. Mais les loges ne véhiculaient aucun savoir ésotérique. Les mouvements ésotériques, à l’inverse, véhiculaient une grande connaissance mais ne possédaient aucune structure apte à dispenser leur savoir.

    Ils trouvèrent donc dans les Loges une structure qui leur convenait parfaitement. C’est ainsi que, dès 1630, les étrangers au métier firent leur apparition dans les Loges opératives en Ecosse.

    A la lumière de toutes ces précisions, il semble que ce ne sont pas tant les maçons qui ont accepté dans leurs loges des représentants de mouvements ésotériques, mais que les mouvements ésotériques ont peu à peu investi la maçonnerie. La maçonnerie n’avait guère le choix faute de disparaître. Ainsi l’acceptation serait en réalité, au mieux, une acceptation inversée – celle de la structure des maçons par les mouvements ésotériques – au pire une résignation de la part des maçons à admettre dans les Loges des étrangers au métier à peine de disparition.

    De nouvelles conditions sociologiques ont entraîné la décadence de l’ancien système opératif. En Angleterre, où les documents manquent, on ne connaît guère que l’histoire de la compagnie des maçons de Londres. En Ecosse, où le pouvoir royal a tenté de centraliser le contrôle du métier par les statuts Schaw en 1598, les travaux de David Stevenson ont bien résumé la situation (Voir la planche intitulée « Analyse du documentaire « La Clé écossaise » - La FM en Ecosse » - Lien URL).

    Les Loges ont depuis longtemps accepté des non-opératifs, certains peut-être comme patrons, protecteurs et soutiens financiers, certains parce qu’intéressés aux questions d’architecture, de symbolisme, de philosophie, etc., que soulève le métier.

    Ces loges toutefois sont restées opératives dans leur grande majorité jusqu’à la création de la Grande Loge d’Ecosse en 1736, à l’imitation de celle de Londres. D’autres, en Ecosse et en Angleterre, ne rejoindront que tardivement les obédiences spéculatives. Et certaines ne le feront jamais. 

     

    R:. F:. A. B.

     

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