• * Le culte de Mithra

     Le culte de Mithra 

    Introduction

    La plupart des chrétiens célèbrent Noël le 25 décembre, date de naissance de Jésus-Christ. D'autres croyants fêtent Noël le 6 janvier car ils pensent que c'est la date correcte. En l'an 354, quelques églises occidentales, y compris celle de Rome, ont commencé à fêter la naissance du Christ le 25 décembre. Mais pourquoi avoir choisi cette date pour les célébrations ? La réponse à cette première question semble se trouver dans le culte de Mithra.

    En effet, c’est le 25 décembre, qui coïncide à peu près avec le solstice d’hiver, que l’on commémorait la naissance de Mithra. Les 16 de chaque mois étaient également des dates sacrées. Les adeptes de Mithra louaient également le dimanche, jour du Soleil.

    D’où les questions suivantes : qui était Mithra ? Qu’est-ce que le mithraïsme ? Quelles sont ses rapports avec le christianisme ? Comment se présentait le culte de Mithra et quelle est son origine, son histoire ? Quels sont ses principes ? Que sait-on des rites pratiqués et des différents niveaux d’initiation ?

    Qui était Mithra ?

    Mithra, ange de la lumière, était un serviteur du dieu suprême Ahura Mazda (Ormuzd) et l'intercesseur des hommes auprès de lui.

    Cette religion était très austère : les initiés étaient soumis à des épreuves, puis baptisés par aspersion avec le sang d'un taureau sacrifié (taurobole) pour devenir frères d'armes. Les prêtres enseignaient que, par la pratique de certains rites de purification, d'abstinence et de communion, il était possible de participer à la nature des astres lumineux et immortels.

    Le dieu Mithra est généralement représenté sous les traits d'un jeune homme coiffé d'un bonnet phrygien et vêtu d'un manteau flottant, d'une tunique courte et d'un pantalon oriental. Il poignarde un taureau qu'il a terrassé.

    * Le culte de Mithra

    Puisque le 25 décembre était son anniversaire, on continua à le célébrer à cette date qui coïncidait avec le solstice d’hiver. Au 4ème siècle, pour enrayer ce culte païen, l'Eglise chrétienne prit une mesure très astucieuse pour célébrer la naissance du Christ et perpétuer les traditions existantes : elle avança la fête de la naissance du Christ du 6 janvier au 25 décembre !

    Remarquons que le choix du 25 décembre par les Romains pour le solstice d'hiver est dû à une erreur commise lors de la réforme du calendrier romain.

    Les deux anniversaires représentaient donc des choses différentes selon les traditions. Les adorateurs de Mithra prirent le nom de « Soldats de Mithra ».

    Qu’est-ce que le mithraïsme ?

    Le mithraïsme ou culte de Mithra est un culte à mystères qui est apparu probablement pendant le 2ème siècle avant Jésus-Christ dans la partie orientale de la Méditerranée. Il se répandit d'abord en Asie Mineure, en Égypte puis il s'est diffusé pendant les siècles suivants dans tout l'Empire romain. Il y fut apporté par les légions romaines puis il passa en Gaule, en Germanie et en Espagne. Il a atteint son apogée durant les 3ème et 4ème siècles, époque pendant laquelle il devint un concurrent important du christianisme.

    Le culte de Mithra eut une implantation particulière auprès des soldats romains. Adapté au goût romain, la forme la plus populaire du mithraïsme était le « Sol Invictus », le soleil irrépressible, dont la renaissance est célébrée à l'apogée du saturne le 25 décembre. Le mithraïsme était principalement une religion de soldat, privilégiant les vertus de fidélité, virilité, et courage. Elle fut adoptée par Rome à partir du panthéon gréco-romain et devint la religion officielle de l'empire Romain en l'an 300. À ce moment-là, dans chaque ville et village, dans chaque garnison et avant-poste militaire de la Syrie à la frontière écossaise, on pouvait trouver un mithraeum et des prêtres officiants la religion.

    En fait, le mithraïsme, principale religion romaine et perse a été remplacée par le christianisme sous le règne de l’empereur Constantin en 312 après Jésus-Christ. Après la conversion de Constantin au christianisme, le mithraïsme déclina et perdit son statut de religion d'état. Trente ans plus tard, Theodosius rendit le culte de Mithra punissable de la peine de mort. Comme toutes les religions païennes, il fut déclaré illégal en 391.

    Célébré dans des cryptes où les fidèles se réunissaient pour des banquets sacrés, le culte de Mithra s'accompagnait d'images, peintes ou sculptées, qui évoquaient le geste de Mithra, serviteur du Bien. Ainsi rappelait-on le sacrifice du taureau céleste dont le sang était source de vie, sacrifice que renouvelaient périodiquement les disciples du dieu.

    Le culte de Mithra

    Le mithraïsme était alors une religion concurrente du christianisme. Son culte était surtout très populaire dans les armées, ce qui engagea une rivalité farouche entre les croyants des deux religions, à tel point que l'Église dut faire de nombreuses concessions au culte païen de Mithra. Nous savons aujourd'hui, par exemple, que c'est parce que l’anniversaire de Mithra se célébrait aux alentours de l'actuel solstice d'hiver que l'on fête Noël le 25 décembre.

    Dans la Rome païenne avaient lieu les « Saturnales », du 17 décembre aux « Calendes » de janvier (premier jour de l'An romain). L'une des fêtes, « Natalis Invicti » (Nativité du Soleil Invincible) ou « Sol Invictus » (Dieu Invaincu), célébrait justement Mithra, dieu de la lumière, symbolisant la pureté, la chasteté et combattant contre les forces obscures. Le 25 décembre, on fêtait la naissance de Mithra, le soleil invaincu (Dies natalis solis invicti) par le sacrifice d'un jeune taureau.

    * Le culte de Mithra

    Religion initiatique à mystères, le mithraïsme rend un culte au taureau. Ce type de culte a cependant des origines très anciennes en Europe et remonte très certainement au paléolithique supérieur ou à l'épipaléolithique. La corrida en Espagne et dans le monde hispanique en est une lointaine survivance.

    Mithra, qui s'est créé lui-même à partir de la roche des cavernes, est à la fois primogenitur et autogenitur. Son premier exploit, la tauroctonie, fut de vaincre, à peine né, un tore aussi furieux que puissant.

    Lors de l’initiation, les adeptes, au cours d’agapes, s'aspergeaient du sang du taureau sacrifié et se traçaient réciproquement une croix de cendres sur le front et le dos des mains. Le myste descendait probablement dans une fosse au-dessus de laquelle était sacrifié l'animal, son sang retombant ainsi sur lui. Le rituel se déroulait dans des lieux à l'écart et de préférence dans des grottes, les mithreae.

    Il semble que la Franc-maçonnerie se soit inspirée de nombreux rites et mythes d'origine mithriaque. Certains ont aussi pensé que le culte Mithra a pu inspirer la religion chrétienne.

    Les origines du culte de Mithra

    Les origines

    Mithra est une divinité indo-iranienne dont on peut faire remonter l'origine au second millénaire avant Jésus-Christ. Son nom est mentionné pour la première fois dans un traité entre les Hittites et les Mitanniens, signé vers 1400 avant Jésus-Christ. En Inde, Mithra figurait dans les hymnes védiques comme dieu de la lumière, associé à Varuna.

    A l’origine, Mithra était une déité solaire indoue également adorée par les Perses. Alors qu’en Inde, Mitra (sans « h ») est identifié en tant que « Dieu de lumière merveilleuse » et allié d'Indra, le roi du ciel, Mithra est prié avec Varuna, le dieu de la loi morale et de la vérité. Conjointement connus en tant que « Mitra-Varuna », ensemble ils maintiennent l'ordre dans le monde tout en voyageant dans leur char magique : « Ces dieux sont la toute-puissance du soleil. Ils sont nobles et nous rendent pleins de vigueur ». (Veda vii.65)

    Le culte de Mitra s'est ensuite propagé à l'ouest de la Perse (Iran) et vers l'est de la Chine. Avec l'expansion rapide de l'empire persan, le culte de Mitra s'est propagé rapidement vers l'Europe. « Mithra » apparaît également dans le Zoroastrian Avesta, le scripte indou. Il explique le monde en termes de dualité et de principe d'opposition, un bon côté (représenté par la lumière) et un autre côté, celui du mal et de l'obscurité. Les êtres humains doivent choisir leur camp et sont en perpétuel conflit entre les deux forces, Mithra étant considéré comme le médiateur le plus puissant, pouvant aider les humains à écarter les attaques des forces démoniaques. Mithra est encore vénéré en Iran (comme le dieu antique du soleil) et en Chine où la mythologie chinoise voit Mithra comme chef d'une armée de statues érigées en son honneur.

    Dans l'Avesta iranien c'est un dieu bénéfique, collaborateur d'Ahura Mazda. Il reçoit aussi le surnom de « juge des âmes ». Il est possible que son culte soit arrivé dans l'Empire romain depuis l’Iran grâce à la diffusion du zoroastrisme dont il serait une forme d’hérésie.

    Cependant, les études actuelles tendent à considérer qu'on ne peut pas admettre un lien de parenté direct entre le Mitra indo-iranien et le mithraïsme, du fait de l'utilisation de la forme grecque « Mithra » au lieu de « Mitra » pour le différencier.

    Dans la Perse achéménide la religion officielle était le zoroastrisme, qui postulait l'existence d'un dieu unique, Ahura Mazda. C'est l'unique divinité mentionnée dans les inscriptions conservées de l'époque de Darius 1er (521 – 485 avant Jésus-Christ).

    Cependant, il existe une inscription conservée, à Suse, de l'époque de Artaxerxès II (404 – 358 avant Jésus-Christ), sur laquelle est représenté Mithra aux côtés de Ahura Mazda et d'un autre dieu appelé Anahite.

    Existe-t-il un lien entre ce Mitra persan, ses prédécesseurs indo-iraniens, et Mithra du culte à mystères de l'Empire Romain ? Ainsi le pensait celui qui commença les études sur la religion mithraïque, Franz Cumont. Mais aujourd'hui la question est loin d'être résolue.

    Dans les royaumes de Parthie et du Pont, un grand nombre de rois portaient le nom de Mithridate (par exemple Mithridate VI), ce qui peut être en relation étymologique avec Mithra. D'un autre côté, à Pergame, en Asie mineure, des sculpteurs grecs ont produit les premiers bas-reliefs représentant l'image du Taurobole. Alors que le culte de Mithra commençait seulement à se diffuser en Hellade, tout ceci marque peut-être le chemin de Mithra vers Rome.

    La première référence dans l'histographie gréco-romaine au culte de Mithra se trouve dans l'œuvre de l'historien Plutarque qui mentionne que les pirates de Cilicie célébraient des rites secrets en relation avec Mithra en 67 avant Jésus-Christ.

    Le mithraïsme dans le Haut Empire romain

    Il est probable que ceux qui ont introduit le mithraïsme dans l'Empire romain étaient des légionnaires qui avaient exercé aux frontières orientales de l'Empire.

    Les premières preuves matérielles du culte de Mithra datent des années 71 et 72 de l'ère chrétienne : il s'agit d'inscriptions faites par des soldats romains qui venaient de la garnison de Carnuntum, dans la province de Pannonie Supérieure, et qui probablement étaient allés avant en Orient, en guerre contre les Parthes et rétablir l’ordre à Jérusalem où des émeutes avaient eu lieu.

    Vers l'année 80, l'auteur romain Stace mentionne la scène de la tauroctonie dans sa « Thébaïde » (I, 719 – 720). Plutarque, dans sa « Vie de Pompée », dit clairement que le culte de Mithra était déjà connu à son époque.

    À la fin du 2ème siècle, le mithraïsme était largement diffusé dans l'armée romaine, comme chez les bureaucrates, les marchands et même chez les esclaves.

    La majeure partie des preuves archéologiques vient des frontières germaines de l'Empire. De petits objets de culte en relation avec Mithra furent trouvés dans des fouilles depuis la Roumanie jusqu'au Mur d’Hadrien.

    Le mithraïsme pendant le Bas Empire

    Les empereurs du 3ème siècle étaient en général des protecteurs du mithraïsme, parce qu'ils utilisaient sa structure très hiérarchisée pour renforcer leur propre pouvoir. Ainsi, Mithra s'est reconverti en symbole de l'autorité et du triomphe des empereurs. Depuis l'époque de Commode, qui s'initia au culte, les adeptes du mithraïsme provenaient de toutes les classes sociales.

    Un grand nombre de mithreae ont été découverts dans les garnisons des frontières de l'Empire. En Angleterre on en identifia au moins trois, le long du Mur d'Hadrien, à Housesteads, Carrawburgh et Rudchester. Des restes d'autres mithraea furent retrouvés à Londres.

    D'autres sanctuaires de Mithra, érigés à cette époque, se trouvent dans la province de Dacie (où on retrouva en 2003 un mithraeum à Alba-Tulia), ainsi qu'en Numidie, dans le nord de l'Afrique.

    Cependant la plus grande concentration de mithreae se trouve à Rome même et près d'Ostie, avec un total de douze temples identifiés, alors qu'il se peut qu'il en existe plusieurs centaines. On peut juger de l'importance du mithraïsme à Rome aux découvertes archéologiques : plus de 74 sculptures, une centaine d'inscriptions et des ruines de temples et de sanctuaires dans toute la ville et sa périphérie. Un des mithreae les plus représentatifs, dont l'autel et les bancs de pierre existent toujours, fut construit sous une maison romaine (ce qui apparemment était une pratique habituelle) est encore visible dans la crypte sur laquelle fut construite la Basilique Saint-Clément à Rome.

    Fin du mithraïsme

    À la fin du 3ème siècle, un syncrétisme s'est produit entre la religion mithraïque et certains cultes solaires de provenance orientale qui cristallisèrent dans la nouvelle religion du Sol Invictus « soleil invaincu ».

    Cette religion devint officielle dans l'Empire en 274 grâce à l'empereur Aurélien qui érigea à Rome un splendide temple dédié à la nouvelle divinité et créa un corps de clergé d'état pour assurer le culte, dont le dirigeant s'appelait pontifex solis invicti. Aurélien attribuait au Sol Invictus ses victoires en Orient.

    Ce syncrétisme cependant ne sonna pas la fin du mithraïsme qui continua à exister comme culte non officiel. Un grand nombre des sénateurs de l'époque pratiquaient en même temps le mithraïsme et la religion du Sol Invictus.

    Cependant, cette période marque le début de la décadence du mithraïsme, à cause des pertes de territoires que l'Empire subissait suite aux invasions de peuples barbares qui affectaient des territoires frontaliers où le culte était très enraciné.

    La compétition du christianisme, appuyé par Constantin, vola des adeptes au mithraïsme. Il faut aussi prendre en compte le fait que le mithraïsme excluait les femmes alors qu'elles avaient le droit de participer au culte chrétien.

    Le mithraïsme tint tête au christianisme jusqu'au 4ème siècle, époque à laquelle il se heurta aux persécutions de l'empereur Théodose (379 – 394), dont un édit, en 391, interdit le culte païen et les sacrifices sous peine de mort. Le christianisme supplanta le mithraïsme pendant le 4ème siècle et devint la religion officielle de l'Empire sous Théodose.

    Il y eut quelques essais de redonner vie au culte de Mithra par Julien « l'apostat » (361 – 363) et par l'usurpateur Eugène (392 – 394) mais ils ne rencontrèrent pas beaucoup de succès. Le mithraïsme fut formellement interdit dès 391, alors que sa pratique clandestine s’est maintenue durant quelques décennies.

    Le mithraïsme survécut pourtant jusqu'au début du 5ème siècle dans quelques régions des Alpes et revint à la vie, tenace mais de manière éphémère dans les régions orientales de l'Empire, où il trouvait ses origines. Il eut un rôle important dans le développement du manichéisme, religion qui fut également en forte compétition avec le christianisme.

    Le mithraïsme à Rome

    Un grand nombre de sujets romains avaient adopté le mithraïsme, et plus particulièrement les soldats. À Rome, le temple de Mithra était creusé sous le mont Capitolin, les mystères mithriaques se célébrant dans une caverne, à proximité d'une source.

    Dans les camps militaires, Mithra était le dieu protecteur. La divinité indo-iranienne appelée Mitra (l'ami) en sanscrit et Mithra en avestique est décrite dans les Veda et dans l'Avesta comme étant le dieu des contrats et de la solidarité. Si son rôle est demeuré secondaire en Inde, où son culte ainsi que celui de son frère Varuna déclinèrent très vite, il n'en fut pas de même en Iran, où il prit une importance croissante et où il fut l'objet d'un culte très populaire. Ce culte, transporté hors des limites de la Perse et agrémenté d'éléments étrangers, devint le noyau d'une religion avec initiation et enseignement ésotérique, connue sous le nom de mithriacisme.

    Les adorateurs de Mithra reconnaissaient une divinité unique manifestée par la lumière des astres, surtout le Soleil, brillant et invincible, ennemi de la nuit et des démons.

    Principes du mithraïsme

    Les informations, plutôt fragmentaires, qui existent sur le culte de Mithra concernent sa pratique pendant le Bas Empire Romain. C'était un culte à mystères, de type initiatique, basé sur la transmission orale et un rituel d'initié à initié et non sur des écritures sacrées. C'est pourquoi la documentation écrite concernant le culte de Mithra est pratiquement inexistante. L'étude de cette religion est principalement basée sur l'iconographie qui décorait les mithraea.

    Le mithraeum, les mithraea

    Le culte de Mithra s'exerçait dans des temples nommés mithraeum (pluriel mithraea). Ces endroits étaient au départ des grottes naturelles, et plus tard des constructions artificielles les imitant, obscures et dépourvues de fenêtres. Ils étaient exigus, la plupart ne pouvaient pas accueillir plus de quarante personnes.

    Dans un mithraeum type on peut distinguer trois parties :

    • L'antichambre ;
    • Le spelaeum ou spelunca (la grotte), grande salle rectangulaire décorée de peintures et deux grandes banquettes le long de chaque mur pour les repas sacrés ;
    • Le sanctuaire, au fond de la grotte, dans lequel se trouvaient l'autel et l'image — peinture, bas-relief ou statue — de Mithra donnant la mort au taureau.

    Des mithraea ont été découvertes dans beaucoup de provinces de l’Empire romain. Certains furent convertis en cryptes sous des églises chrétiennes. La plus grande concentration de mithraea se trouve dans la capitale, Rome, mais on en a découvert dans des lieux éloignés les uns des autres tels que dans le nord de l'Angleterre et la Palestine. Leur diffusion géographique dans l'Empire dépendait des installations et des camps militaires.

    Mythologie et iconographie

    Il n'y a pas de textes sur le mithraïsme écrits par les adeptes eux-mêmes. Les seules sources d'information sont les images sacrées trouvées dans les mithraea.

    Récit mythique

    Selon le récit que l'on a pu reconstruire à partir des images des mithraea et les quelques témoignages écrits, le dieu Mithra naquit près d'une source sacrée, sous un arbre lui aussi sacré, près d'une pierre (la petra generatrix).

    Au moment de sa naissance, il portait le bonnet phrygien, une torche et un couteau. Il fut adoré par les pasteurs dès sa naissance. Il but l'eau de la source sacrée. Avec son couteau, il coupa le fruit de l'arbre sacré et, avec les feuilles de cet arbre, il se confectionna des vêtements.

    Il rencontra le taureau primordial quand celui-ci paissait dans les montagnes. Il le saisit par les cornes et le monta, mais, dans son galop sauvage, la bête le fit tomber. Cependant, Mithra continua à s'accrocher aux cornes de l'animal et le taureau le traîna pendant longtemps jusqu'à ce que l'animal n'en puisse plus. Le dieu l'attacha alors par ses pattes arrière et le chargea sur ses épaules. Ce voyage de Mithra avec le taureau sur ses épaules se nomme transitus.

    Quand Mithra arriva dans la grotte, un corbeau envoyé par le Soleil lui annonça qu'il devait faire un sacrifice, et le dieu, soumettant le taureau, lui enfonça le couteau dans le flanc. Du blé sortit de la colonne vertébrale du taureau, et du vin de son sang. Son sperme, recueilli par la lune, produisit des animaux utiles à l'homme. Arrivèrent alors le chien qui mangea le grain, le scorpion qui serra les testicules du taureau avec ses pinces, et le serpent.

    Certaines peintures montrent Mithra transportant un rocher sur son dos, comme Atlas dans la mythologie grecque, et/ou vêtu d'une cape dont le côté intérieur représente le ciel étoilé. Près d'un mithraeum proche du Mur d’Hadrien, on trouva une statue de Mithra en bronze sortant d'un anneau zodiacal en forme d'œuf. Elle est aujourd'hui conservée à l'Université de Newcastle. Une inscription trouvée à Rome suggère que Mithra pourrait s'identifier au dieu primordial de l'orphisme, Phanès, qui surgit de l'œuf cosmique à l'origine du temps, engendrant l'univers. Cette opinion est renforcée par un bas-relief du Musée d'Este, à Modène, où l'on voit Phanès surgissant d'un œuf, entouré des douze signes du Zodiaque, dans une image très similaire à celle conservée à Newcastle.

    Une des images centrales du culte de Mithra est la « tauroctonie », qui représente le sacrifice rituel du taureau sacré par Mithra. Cette représentation présente des éléments iconographiques constants : Mithra apparaît coiffé du bonnet phrygien et regarde sa victime avec compassion. Incliné sur le taureau, il l'égorge avec un couteau de sacrifice. De la blessure du taureau il sort du grain. Près du taureau figurent quelques animaux : un scorpion, qui menace de ses pinces les testicules du taureau ; un serpent ; un chien qui se nourrit du grain qui sort de la blessure. Parfois apparaissent aussi un lion et une coupe.

    L'image est encadrée de deux porteurs de torches, nommés Cautès et Cautopatès. La scène paraît située dans une espèce de grotte, qui peut être la représentation du mithraeum lui-même ou la représentation du cosmos selon d'autres interprétations.

    Interprétations

    Franz Cumont, auteur d'une étude sur la religion de Mithra, interprète cette image à la lumière de la mythologie iranienne. Il relie l'image avec des textes qui se réfèrent au sacrifice (tauroctonie) d'un taureau par Ahriman, le dieu du mal ; des restes sanglants du taureau vont naître plus tard tous les êtres. Selon l'hypothèse de Cumont, Mithra aurait été ensuite substitué à Ahriman dans le rapport mythique, et c'est sous cette forme qu'il serait arrivé en Méditerranée orientale.

    David Ulansey propose une explication radicalement différente de l'image de la tauroctonie, basée sur le symbolisme astrologique. Selon sa théorie, Mithra est un dieu si puissant qu'il est capable de transformer l'ordre même de l'Univers. Le taureau serait le symbole de la constellation du taureau. Au début de l'astrologie, en Mésopotamie, entre 4000 et 2000 avant Jésus-Christ, le Soleil était au niveau du Taureau pendant l’équinoxe de printemps. À cause de la précession des équinoxes, le Soleil se place durant l'équinoxe de printemps dans une constellation différente tous les 2160 ans à peu près. Ainsi il passa dans le Bélier vers l'an 2000 avant Jésus-Christ, marquant la fin de l’ère astrologique du Taureau.

    Le sacrifice du taureau par Mithra symboliserait ce changement, causé, selon les croyants, par l'omniprésence de leur dieu.

    Cela expliquerait aussi les animaux qui figurent sur les images de la tauroctonie : le chien, le serpent, le corbeau, le scorpion, le lion, la coupe et le taureau qui s'interprètent en tant que constellations du Petit Chien, de l'Hydre, du Corbeau, du Scorpion, du Lion, Verseau et Taureau, toutes placées dans l'équateur céleste pendant l'ère du Taureau. L'hypothèse expliquerait aussi la profusion d'images zodiacales dans l'iconographie mithraïque. La précession des équinoxes fut découverte et étudiée par l'astronome Hipparque au 2ème siècle avant Jésus-Christ.

    Une autre interprétation considère que le sacrifice du taureau représente la libération de l'énergie de la Nature. Le serpent, comme dans le symbole de l'Ouroboros, serait une allusion au cycle de la vie ; le chien représenterait l'Humanité, alimentant symboliquement le sacrifice, et le scorpion pourrait être le symbole de la victoire de la mort. Les deux compagnons de Mithra, qui portent les torches et qui s'appellent Cautès et Cautopatès représenteraient respectivement le lever et le coucher du soleil.

    Pour les fidèles, le sacrifice du taureau avait sans doute un caractère salutaire, et la participation aux mystères garantissait l'immortalité.

    La fin symbolique de Mithra se termine par un grand banquet où Apollon sur son char va emmener Mithra. Il apporte aux hommes l'espoir d'une vie au-delà de la mort, puisqu'il est accueilli au ciel par Apollon.

    Niveaux d'initiation

    Dans le culte de Mithra l’initiation comportait sept grades ou sept niveaux correspondant à une fonction rituelle et qui étaient mis en relation avec les sept planètes de l'astronomie de l'époque (la Lune, Mercure, Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter et Saturne), selon cet ordre, d'après l'interprétation de Joseph Campbell. La majorité des membres arrivaient seulement au quatrième rang (Lion), et seulement quelques élus accédaient aux rangs supérieurs.

     Les niveaux, connus grâce aux textes de saint Jérôme qui confirment certains écrits, étaient les suivants :

    • Corax (« corbeau ») ;
    • Cryphius (κρύφιος / Krýphios, « occulte ») : d'autres auteurs interprètent ce rang comme Nymphus (« époux ») ;
    • Miles (« soldat ») : ses attributs étaient la couronne et l'épée ;
    • Leo (« lion ») : dans les rituels on présentait à Mithra les offrandes des sacrifices ;
    • Perses (« Persan ») ;
    • Heliodromus (« émissaire du soleil ») : ses attributs étaient la torche, le fouet et la couronne ;
    • Pater (« père ») : ses attributs (le bonnet phrygien, le bâton et l'anneau) rappellent ceux de l'évêque chrétien.

    Pendant les rites, les initiés portaient des masques d'animaux relatifs à leur niveau d'initiation. Le sacrifice d'un taureau peut participer à la célébration d'un nouveau niveau d'initiation d'un adepte.

    Les rites

    Pour la reconstitution des rituels mithraïques, on ne peut compter que sur les textes des Pères de l’Eglise qui ont critiqué le culte de Mithra, et sur l'iconographie retrouvée dans les mithraea.

    Les femmes étaient exclues des mystères de Mithra. Quant aux hommes, il semble qu'il n'y avait pas d'âge minimum requis, et que des enfants y furent admis. La langue utilisée dans les rituels était le grec, mélangé de quelques formules en persan (certainement incompréhensibles pour la majorité des fidèles) ; cependant le latin s'est introduit progressivement.

    Il semble que le rite principal de la religion mithraïque ait été un banquet rituel que l'on peut rapprocher d'une certaine manière de l'eucharistie du christianisme. Selon le témoignage du chrétien Justin, les aliments offerts durant le banquet étaient du pain et de l'eau. Cependant les découvertes archéologiques montrent que c'était du pain et du vin, comme dans le rite chrétien. Cette cérémonie se célébrait dans la partie centrale du mithraeum, dans laquelle deux banquets en parallèle offraient un espace suffisant pour que les fidèles pussent s'étendre, selon la coutume romaine. Les « Corbeaux » (Corax) remplissaient la fonction de serveurs des nourritures sacrées. Le rituel incluait aussi le sacrifice d'un taureau, bien qu'on sacrifiât également d'autres animaux.

    * Le culte de Mithra

    La statue de tauroctonie remplissait sans doute un rôle dans ses rites, bien que ce ne soit pas très clair. Dans certains mithraeae, on a découvert des piédestals tournants, qui peuvent montrer et cacher alternativement l'image divine aux fidèles.

    À un certain moment de l'évolution du mithraïsme, on utilisait aussi le rite du « taurobole », ou le baptême des fidèles avec le sang d'un taureau, qui se pratique également dans d'autres religions orientales.

    D'autres rites devaient être en relation avec la cérémonie d'initiation. Grâce à Tertulien, on connaît le rite de l'initiation du « Soldat » : le candidat était « baptisé », probablement par immersion. Il était marqué au fer chaud et enfin on le mettait à l'essai avec le « rite de la couronne » (le néophyte devait laisser tomber la couronne dont on l'avait coiffé, en proclamant que c'était la couronne de Mithra). A chaque niveau d'initiation correspondait un rituel.

    Une synthèse en guise de conclusion provisoire

    Mithra, le dieu solaire, trouve son origine en Inde. Mais c'est probablement en Arménie que les Romains ont récupéré son mythe et l'ont diffusé à travers tout le Vieux Continent.

    Comme le Christianisme, avec lequel il rivalisa entre le 1er siècle et le début du 4ème siècle dans l'Empire romain, le culte de Mithra est une religion du salut ; c'est aussi une religion à mystères, d'origine indo-persane, que les pirates et les mercenaires étrangers introduisirent à Rome où elle gagna rapidement la faveur des empereurs.

    Parti de la plaine de l'Indus, le culte de Mithra s'est propagé en Europe dès la fin du 1er siècle après Jésus-Christ par l'intermédiaire des Romains. Le mythe de ce dieu solaire raconte sa victoire sur le mal lors de la mise à mort d'un taureau.

    Religion de soldats et non de prêtres, le culte de Mithra avait tout pour séduire les légionnaires romains qui répandirent le culte du dieu dans l'Empire. Durant le 2ème siècle après Jésus-Christ, le culte de Mithra s'implanta dans toutes les villes de garnison, en Italie, en Gaule, en Bretagne, en Afrique et jusqu'au Danube. A Rome, l'empereur Commode et ses successeurs adoptèrent le culte de Mithra pour se concilier l'armée. Mais le culte de Mithra, si répandu dans l'armée, n'avait pas pénétré en profondeur les couches populaires.

    Aux 2ème et 3ème siècles avant Jésus-Christ, ce culte fut répandu dans tout l'Empire romain et l'empereur Aurélien en fit même la religion d'Etat. Les soldats romains, dont bon nombre vénéraient Mithra, furent les ambassadeurs de cette religion qu'ils répandirent jusque dans les provinces les plus éloignées de l'Empire.

    Au 4ème siècle, pour enrayer ce culte païen, l'Eglise chrétienne prit une mesure très astucieuse. La fête de la naissance du Christ fut avancée du 6 janvier au 25 décembre. En effet le solstice d'hiver du 25 décembre était la fête la plus importante de l'an mithraïen : on fêtait la renaissance du « sol invinctus » (dieu invaincu). L'Eglise n'hésita pas à déclarer le Christ « sol invinctus ». Au cours du même siècle, le culte de Mithra s'éteignit, laissant la place au christianisme avec lequel il présentait beaucoup de similitudes. Lorsque le christianisme s'imposa en Italie, de nombreuses églises prirent la place du mithraeum, le lieu de culte des adeptes de Mithra. Ceux-ci croyaient à la montée des âmes au ciel, à la fin des temps, avec le retour de Mithra sur le char du soleil qui devait purifier le monde par le feu.

    Les mystères de Mithra n'ont pas grand chose à voir avec le christianisme au point de vue spirituel et mystique. Le mithraïsme se base essentiellement sur des symboles et interprétations du combat de Mithra contre le taureau primordial. Par celui-ci, il libéra les âmes dans le monde et engendra les cycles de la vie. Le symbole du corbeau, messager du dieu soleil qui demande à Mithra de sacrifier le taureau, nous démontre que le mithraïsme est une forme hénothéisme oriental. Il s'appuie sur la conscience et la révélation des mystères de la vie qui font de Mithra un dieu de « lumière ».

    Plutôt que comparer le christianisme et le mithraïsme dans leurs spiritualités, il existe des similarités qui sont, elles, cultuelles. En effet, Mithra naît un 25 décembre (date du solstice), les cultes ont lieu le dimanche (jour du soleil), la représentation iconographie du « bon pasteur » est partagée par le christianisme et le mithraïsme. Plus inquiétant encore, l'eucharistie chrétienne avec le vin et le pain est pratiquée par les adeptes de Mithra. Tout indique, historiquement, que le mithraïsme influença le christianisme sur ces points.

    L'aspect le plus intéressant du mithraïsme est certainement le caractère initiatique sur lequel le culte s'appuie. Les disciples se réunissaient dans des mithraea (cavités naturelles aménagées) où la pratique rituelle s'amorçait sur une initiation graduelle.

    Ainsi le nouvel initié se voyait octroyé le grade de corax et suivaient : le nymphus, le miles, le leo, le perses, l'heliodromus et enfin le pater représentés par des masques distinctifs et symboles de leurs degrés respectifs.

    A chaque passage d'un degré à un autre, une part des « secrets » était révélée à l'initié qui subissait épreuves et voyages. Au premier degré, l'initié était baptisé par le sang d'un taureau, puis par l'eau pure et, enfin, enduit de miel. On pratiquait à des degrés divers les voyages du « chaud », du « froid », des jeûnes, etc. La liturgie était basée sur un rituel de forme et en langue grecque (déjà en usage dans la religion romaine) et empruntait autant des formules persanes qu'une vocalisation latine. On concluait évidemment le culte par des agapes frugales et fraternelles selon le terme même des initiés.

    Il est probable que le mithraïsme aurait pu s'imposer comme la religion de l'antiquité et survivre à sa rivalité avec le christianisme. Pourtant, son tort fut l'association croissante de Mithra avec la quasi-totalité des panthéons nationaux. Egalement, son exclusivité masculine à l'initiation le desservit auprès des femmes et - plus encore - chez les épouses que le christianisme ne repoussaient pas.

    Quoi qu'il en soit, le culte des mystères de Mithra pose à la société occidentale de nombreuses questions. Sur le christianisme d'abord, sur la spiritualité des sociétés païennes ensuite, sur une « mondialisation des religions » qui paraît véritable dès cette époque et, ensuite, sur ces écoles de mystères qui firent couler quantité d'encre dans les siècles qui nous précèdent.

    Trop longtemps dans l'histoire, on a minimisé l'importance du culte de Mithra et son apport dans la société occidentale. Certaines thèses avanceraient même qu'il inspira bien plus la Franc-maçonnerie que le christianisme. Les mythes fondateurs sont ce qu'ils sont, ce culte reste néanmoins intéressant tant dans sa spiritualité que par sa concurrence historique avec le christianisme.

     

    R:. F:. A. B.

     

    Bibliographie

    Burkert Walter - Les Cultes à mystères dans l'Antiquité

    Editions BELLES LETTRES - Collection « Vérité des mythes », 2003

     

    Campbell Joseph - Les masques de Dieu – Mythologie créatrice

    Livres De Pingouin, Édition de réédition, 1995

     

    Cumont Franz - Les Mystères de Mithra

    Bruxelles, 1913 (3ème édition) - Les Introuvables, 1991

     

    Cumont Franz - Les Religions orientales dans le paganisme romain

    4ème édition - Librairie orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1929

     

    Turcan Robert - Mithra et le Mithriacisme

    Les Belles Lettres, Collection Histoire, Paris, 1993

      


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