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* Le sens des voyages
Cette planche est essentiellement consacrée aux voyages du candidat Apprenti-maçon.
Sans rien dévoiler au sujet des degrés suivants, ce travail offre aussi l’occasion de préciser l’importance des voyages en Franc-maçonnerie.
Le sens des voyages
La notion de « voyage »
Bien que trop rarement mentionnée, la notion de voyage est très présente et très importante dans la dynamique maçonnique. En effet, le voyage est par essence l’expression du mouvement, à la fois dans ce qu’il a de provocateur et de stimulant.
De ce point de vue, on peut affirmer que le voyage, bien qu’il soit parfois contraignant, est toujours un facteur de changement, de repositionnement, donc d’enrichissement.
Dans la plupart des rites, les voyages sont essentiels au déroulement de la cérémonie. Ils correspondent à des épreuves liées aux Eléments que sont l’Air, le Feu, l’Eau et la Terre, à des mises en contact avec les métaux comme le Fer, l’Argent ou le Cuivre, ou l’approche de connaissances nouvelles.
Si, comme le dit l’adage, les voyages forment la jeunesse, ils façonnent aussi les « cherchants » que doivent être les Francs-maçons. Ils sont à la base de l’enseignement maçonnique, comme le prévoit la Tradition.
Pour l’individu qui le vit, le voyage correspond à une prise de conscience de son état passé et à l’acquisition d’un nouveau savoir, soit intellectuel, soit manuel, deux savoirs intimement liés en maçonnerie.
Pourquoi voyage-t-on ?
A l’origine des premiers pas vers l’inconnu, l’être éprouve tout d’abord un sentiment d’insatisfaction car il n’a pas trouvé ce qu’il attendait de la vie, de son environnement.
La démarche logique veut qu’il aille chercher ailleurs ce qu’il n’a pas trouvé. Cet ailleurs peut se situer à la fois dans le temps et dans l’espace. En effet, le cherchant peut aussi bien s’éloigner de son lieu de vie que remonter dans le temps à la recherche d’un système de pensée, d’une religion, d’une Tradition.
René Guenon, Champollion, Fulcanelli comme bien d’autres, ont mené cette quête sur des chemins différents.
Tout voyage suppose que « l’ailleurs » est plus beau, plus riche que « l’ici ». Il est aussi le signe d’un attrait pour l’inconnu, l’étrange ou l’étranger. Au moment du départ, il est nécessaire de faire table rase et tout miser sur un avenir plus ou moins aléatoire. Le voyage implique une rupture avec l’entourage et le passé, rupture qui se traduit généralement par une mort symbolique.
Voyage et Initiation
Le mot « initiation » contient l’idée de mouvement, de voyage. En effet les racines du mot sont In qui signifie dans, pendant, au bout de ; et Itus qui indique l’action d’aller, de marcher. L’initiation est une progression vers un centre.
Le voyage, c’est d’abord l’occasion de bouger, donc de remettre en question ce que l’on pensait être un équilibre acquis.
C’est pourquoi le voyage a une dimension « initiatique » qui, sous cet angle, se révèle d’une richesse extraordinaire. Il est à la fois recherche extérieure, mais aussi intérieure, moyen d’expression « mobile » d’une quête personnelle de la connaissance tous azimuts.
Le concept des voyages est une constante des traditions ésotériques. Dans notre Ordre, ils s’exécutent en trois déplacements dextrogyres autour du Tableau de Loge. Ces circumambulations autour du centre de la Loge ont pour but d’inciter le postulant à se concentrer sur son propre centre. C’est pourquoi le terme « voyage » acquiert ici une dimension très spécifique dans le contexte initiatique. Le postulant entreprend un déplacement éloigné dans la profondeur spirituelle de son être mais qu’il ne maîtrise pas faute de moyens.
Les voyages et la Franc-maçonnerie
Le tout premier voyage du candidat Franc-maçon est celui qui le mène du monde profane au parvis du Temple. Ce voyage est toujours dicté par l’insatisfaction car l’être a conscience des limites du monde profane. C’est pourquoi le postulant vient chercher en Maçonnerie ce qu’il n’a pas trouvé jusqu'alors. Ce peuvent être des contacts humains, une philosophie, une morale, une tradition, des connaissances, un besoin d'action...
Le deuxième voyage se passe dans le Cabinet de Réflexion. Le chapitre suivant y est totalement consacré tant cette épreuve est importante. Ce Cabinet de Réflexion est l’espace philosophique où tous les Francs-maçons sont passés pour mourir au vieil homme et accéder à l’homme nouveau, à ce qui, en eux, va lentement se réveiller et parvenir à la pleine lumière. C’est un voyage intérieur dont la finalité est la mort de l’individu profane pour une renaissance. Il s’agit de mourir à ce que nous sommes aujourd'hui pour advenir à quelque chose de nouveau. Le vieil homme symbolise celui qui vit du monde des apparences, qui s’en contente et ne cherche pas ou peu à dépasser ce stade de conscience. Le vieil homme symbolise aussi celui qui arrive dans le temple avant son initiation, lourd de sa vie et de ses problèmes, vieux parce qu’il s’agit aujourd'hui de faire du neuf, de procéder à cette merveilleuse alchimie spirituelle qu’est l’initiation d’où il sortira régénéré.
Le troisième voyage conduit le Profane du Cabinet de Réflexion à la Porte du Temple. L’être a laissé dans le ventre de la terre ses métaux et sa matérialité. Il a abandonné son ancienne peau et se trouve dans l’attente d’une seconde naissance. A cet instant, le voilà seul, aveugle, ni nu ni vêtu. Mais il aura bientôt près de lui un guide sûr qui lui évitera erreurs et errements.
Le voyage dans le Cabinet de Réflexion ou l’épreuve de la terre
Le Cabinet de Réflexion se présente comme une sorte de sas entre deux mondes où le futur Initié se dépouille des aspects profanes de son être pour devenir réceptif à la lumière de l’initiation qui lui sera offerte. L’objectif est d’isoler le Récipiendaire de son entourage familier, de le séparer du monde profane. Durant cet isolement, il est confronté à quatre facteurs ambiants : le silence, la solitude, l’immobilité et l’obscurité. Ces facteurs devraient favoriser sa confrontation avec lui-même car il se trouve brusquement dans un univers inconnu qu’il peut percevoir comme hostile.
C’est un moment de méditation intense où il est possible d’arrêter le temps et le monde dans le silence et le recueillement, et où débute un voyage qui conduit au cœur du temple. Mais le Cabinet de Réflexion offre un autre message au futur Initié en lui recommandant de pratiquer deux qualités : la vigilance et la persévérance, aussi indispensables l’une que l’autre pour affronter les épreuves. Il soumet le candidat à l’Initiation à une première purification liée aux éléments : la purification par la terre. Pour Edouard Plantagenet, « l’épreuve de la terre, c’est le passage dans le Cabinet de Réflexion ».
Le Cabinet de Réflexion symbolise une descente intérieure au centre de la terre. Le passage d’un cycle à l’autre s’accomplit dans l’obscurité, ce qui correspond également à un changement d’état. Cette mise en condition s’explique par la nécessité qu’il y a de prendre conscience de la force réelle de ses convictions dans ses engagements vitaux.
Ce lieu de méditation qui met en scène tout ce qui concerne la mort, permet à chacun de faire une incursion dans sa tombe avant l’heure ! C’est pourquoi il est censé être enfoui au sein de la terre, ce qui est d’autant plus perceptible si le cabinet est situé dans les caves. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas !
Le Cabinet de Réflexion invite le postulant à mourir à lui-même pour renaître et l’incite à poursuivre le parcours de son existence, en rectifiant, afin d’éveiller sa conscience à une autre dimension pour donner un autre sens à sa vie. Ce moment privilégié de méditation permet de faire un bilan du passé et d’effectuer par anticipation une mort symbolique virtuelle, ce passage devant déboucher sur un nouveau commencement.
Pour Oswald Wirth, «pour apprendre à penser, il faut s’exercer à s’isoler et à s’abstraire. On y parvient en rentrant en soi-même, en regardant au-dedans, sans se laisser distraire par ce qui se passe au dehors. Le profane soumis à l’épreuve de la Terre est appelé à mettre en jeu les énergies latentes qu’il porte en lui-même. L’Initiation a pour but de favoriser la pleine expansion de son individualité».
Le Cabinet de Réflexion est l’unique moment, dans le cheminement initiatique, où l’on reste seul en présence de soi-même, isolé dans la pénombre, devant des énigmes à résoudre et des décisions à prendre. Pour le candidat à l’Initiation, ce second séjour dans le Cabinet de Réflexion concerne aussi la rédaction de son testament philosophique !
Bien que la rédaction du testament philosophique soit souvent le fruit d’une réflexion trop brève, cet acte permet néanmoins de clarifier les dernières pensées profanes, pour faire le point sur ce qui subsiste d’essentiel d’une existence passée.
La rédaction d’un testament spirituel est un acte qui devance l’échéance naturelle de la destinée, car c’est de sa libre volonté que le candidat à l’Initiation met un terme à une phase de son existence et en tourne définitivement la page. Cette rédaction du testament constitue comme une anticipation du serment du futur Initié, puisqu'il sera considéré comme le terme de sa vie profane. Le testament sera ensuite brûlé et réduit en cendres, comme un témoignage de confiance vis-à-vis de la détermination du Récipiendaire à s’engager dans la voie initiatique.
Irène Mainguy considère le testament philosophique comme « un pont virtuel reliant le passé profane à l’avenir de l’Initié et comme un point de passage vers un autre devenir, une nouvelle qualité d'être ».
Mais les richesses du Cabinet de Réflexion ne s’arrêtent pas là car il contient plusieurs éléments alchimiques qui contribuent à transmuter un matériau mortel pour en dégager la réalité immortelle. En vivant cette première expérience alchimique qui sera suivie de beaucoup d’autres pour qui fera preuve de vigilance et de persévérance, le futur Initié se dépouille des aspects caducs pour recevoir le rayonnement de l’or de l’Initiation, au-delà de la mort. Mourir, c’est passer d’un mode d’existence à un autre. Le Récipiendaire doit mourir aux faiblesses profanes pour renaître à la vie initiatique.
Pour Raoul Berteaux, l’inscription « V.I.T.R.I.O.L. » concerne la « descente dans la terre » que le candidat est censé accomplir en descendant dans le Cabinet de Réflexion. Celui-ci est à considérer comme « un donné potentiel » offert à celui qui va se séparer du « vieil homme » et qui est reçu sous le signe de la « terre », en attendant d’être reçu dans le temple sous les signes de « l’air », de « l’eau » et du « feu ».
Pour Jules Boucher, l’expression désignée par les lettres «V.I.T.R.I.O.L.» est « une invitation à la recherche de l’Ego profond, qui n’est autre que l’âme humaine elle-même, dans le silence et la méditation ».
Déjà dans ce Cabinet de Réflexion, le futur Frère peut percevoir cette grande lumière de l’Initiation qui se présente à lui sous de multiples formes symboliques qu’il commence par pressentir avant de pouvoir les déchiffrer. Mais pour opérer un réel recentrage à caractère illuminatif, il convient d’apprendre à méditer en profondeur.
Pour cela, l’isolement silencieux s’impose, car on ne peut suivre le cours de ses pensées qu’en évitant tout ce qui disperse et distrait. Fuir le tumulte du monde profane, se retirer dans la solitude fut donc jadis le premier acte de l’aspirant à la Sagesse.
Les trois voyages au cours de la cérémonie d’Initiation
Au Premier degré, le prescrit maçonnique prévoit trois voyages qui font suite aux trois premiers évoqués ci-dessus. Tous les rites maçonniques font accomplir au Récipiendaire trois voyages au cours de la cérémonie d’Initiation. Au cours de chacun de ces périples, le postulant subit une épreuve relative aux Eléments. Les quatre Eléments renvoient à la physique des anciens et instruisent sur les commencements de notre rapport avec la réalité. Ces voyages et ces épreuves constituent l’enseignement du commencement de l’Initiation.
Les épreuves physiques placées tout au long de l’Initiation sont de lointaines réminiscences des épreuves subies par l’impétrant dans les Mystères anciens de la plus haute antiquité : culte de Mithra, initiations dans les sanctuaires égyptiens, culte d’Isis, de Dyonisos … Ces voyages et leurs épreuves physiques ont une réelle nécessité et surtout possèdent un sens moral et philosophique.
Il s’agit tout d’abord de frapper l’imagination et les sens, de frapper l’inconscient et de déstabiliser ce conscient qui se croit à l’abri de tout. Avec les peurs de l’enfance qui reviennent, le noir, la solitude et les ombres, l’Initiation est en marche et travaillera pleinement et longtemps dans l’inconscient de celui qui n’est encore à ce moment qu’un Profane.
Il va falloir qu’avec ses propres forces, avec sa raison et sa conscience pour seuls points d’appui, l’impétrant se guide seul dans le dédale des passions, des intérêts, des convoitises, qu’il garde le sens clair de la réalité et du discernement sans perdre le sens sacré de l’idéal. Il devra échapper à l’égoïsme, à l’égocentrisme, au scepticisme. Il lui faut trouver l’amour du Bien, l’amour de l’Humanité, l’amour de la Justice, de la Sagesse.
Si le postulant a choisi de vivre ce rituel, c’est pour se remettre en question et se libérer de la gangue des préjugés. Mais cela ne peut fonctionner qu’à la condition d’y repenser et d’y travailler sans cesse.
Cette cérémonie, en elle-même et par elle-même, n’est, faut-il le rappeler, qu’une mise en route. Elle est conçue pour provoquer un choc et ne fait pas du Profane un Initié. Pour tirer profit de la cérémonie, le jeune Apprenti doit la revivre après l’avoir vécue, en relire le rituel, la repenser car elle contient des incitations et de nombreuses allusions. Il appartient à celui qui l’a vécue d’en faire surgir le sens.
Même si leur dramatisation matérielle apparaît parfois un peu pauvre, les épreuves maçonniques telles qu’elles sont mises en scène dans nos Loges, font allusion aux mystères les plus formidables de la Tradition initiatique. Le candidat qui les subit en esprit et en vérité devient un réel Initié. S’il les évite, il reste profane en dépit de toutes les connaissances dont il peut faire étalage par la suite.
Pour Guy Boisdenghien, « le concept des voyages est une constante des traditions ésotériques. En Maçonnerie, ils s’exécutent en trois déplacements dextrogyres autour du Tableau de Loge. Ces circumambulations autour du centre de la Loge, modèle réduit du Cosmos ont pour but d’inciter le postulant à se concentrer sur son propre centre. Aussi le terme « voyage » qui, dans le lexique profane, définit un déplacement vers un lieu assez éloigné acquiert une toute autre dimension de sens dans le vocabulaire initiatique. Le postulant entreprend effectivement un déplacement éloigné, dans la profondeur spirituelle de son en-soi dont il a conscience mais qu’il ne maîtrise pas faute de moyens mis à sa disposition ».
Le voyage résume à lui seul la vie de l’homme et surtout la pérégrination de l’Initié qui cherche dans le labyrinthe terrestre sa lumière, son centre, son éternité. De tous temps, les pèlerinages ont été associés à la recherche du centre et à la reconstruction du monde. En voyageant, l’être met ses pas dans ceux du Créateur pour recréer avec lui les phases de l’œuvre. L’Initiation est un voyage hors du temps pour se rapprocher du centre de la totalité invisible.
Pour Irène Mainguy, « les voyages symboliques préfigurent ceux qui seront à faire dans l’univers entier représenté par la loge… Le voyage peut physiquement désigner un déplacement dans l’espace, mais le véritable voyage consiste à se diriger de la périphérie vers le centre de soi-même, pour accéder à son propre cœur et ouvrir son temple intérieur qui est comparable à un saint des saints individuel, en tous points semblable à l’Unique ».
Le sens des trois voyages
Dans l’Initiation maçonnique, le Récipiendaire sort d’abord de la terre, le premier des quatre Eléments, le domaine souterrain où se développent les germes et les semences. Elle est figurée par le Cabinet de Réflexion où le Récipiendaire a été enfermé.
D’après notre rituel (au Rite Moderne belge), « Le premier voyage est l’emblème de la vie humaine. Le cliquetis d’armes, le bruit, le fracas, la turbulence évoquent le tumulte des passions, le choc des intérêts, les obstacles et les pièges qui guettent l’homme sur le chemin de la vie ».
Au cours du deuxième voyage, le Profane apprend que « nul n’entre en ces lieux que de sa propre et libre volonté, mais que quiconque est admis doit respecter les convictions de chacun, comme chacun respectera les siennes. Ainsi la Maçonnerie devient le centre d’union où se nouent d’une amitié fidèle des hommes qui, autrement, auraient dû rester à jamais éloignés l’un de l’autre ».
« Pendant ce deuxième voyage, le tumulte et le cliquetis d’armes se sont apaisés. Ceci symbolise le résultat que la persévérance permet d’atteindre. Ainsi l’homme ferme et courageux surmonte les obstacles qui entravent sa route ».
« Au cours du troisième voyage ont régné l’ordre et la paix ». « Les flammes par lesquelles » est passé le Récipiendaire « ont achevé sa purification ». « Puissent-elles entretenir à jamais en son cœur l’ardeur de la charité. Courage, savoir, vertu ne sont que de vains mots sans la charité ».
Les trois purifications
Puis, au cours de ces trois voyages effectués dans la Loge, tout autour du Tableau de Loge, le Candidat est successivement purifié par l’air, par l’eau et par le feu. Ainsi, il s’affranchit par paliers de la vie matérielle, de la philosophie et de la religion et parvient à l’initiation pure.
Les rites de purification sont aussi anciens que les systèmes religieux et philosophiques eux-mêmes. Les plus anciens Rituels maçonniques font état de la purification par les quatre éléments, probable résidu d’une symbolisation totémique du développement de la vie à l’aide et à travers ces entités élémentaires primordiales. En Franc-maçonnerie, les purifications se justifient car le postulant est remonté de la terre – c’est-à-dire du Cabinet de Réflexion – premier stade de sa renaissance où il a subi une putréfaction de la graine. L’épreuve de la terre est un emblème qui signifie la mort du vieil homme, indispensable à la germination de l’homme nouveau. Ainsi, en certaines circonstances, l’impur vient de la terre.
Les trois voyages dans la Loge s’effectuent par circumambulations successives, allant du bruit des grandes eaux au silence du non – temps. Ces circumambulations symbolisent les métamorphoses de l’être en quête du centre, de l’être qui quitte le monde inconscient pour s’éveiller à son devenir intemporel.
Le premier voyage dans la Loge (pratiquant le Rite moderne belge) est le voyage de l’air. Initié en devenir, le candidat accepte le souffle créateur. Le souffle est le Verbe et le Verbe est au commencement de toute renaissance. C’est le Verbe qui initie et révèle la lumière. Le souffle est le Verbe créateur qui propulse l’Initié dans les hauteurs aériennes. Le souffle crée l’aile qui emportera l’être dans les sphères du non – temps.
En recevant le souffle initiatique, le Néophyte devient lui-même souffle qui se mêle au souffle vivifiant de l’univers. Et en devenant souffle, il se libère de la pesanteur pour devenir vide et lumière. L’air est le voyage de l’élévation.
Le deuxième voyage par circumambulation, c’est le voyage de l’eau ou du baptême, au cours duquel se produit la dissolution de l’être par l’élément liquide afin de naître à une nouvelle forme.
Mais le souffle n’a de sens que s’il est souffle d’amour et c’est le feu qui fait que le Néophyte se consume pour l’autre, pour les autres, afin que les autres vivent et puissent à leur tour prendre conscience de leur rôle de transmetteur. L’homme transmet le feu d’amour qu’il a reçu par l’Initiation. Cela constitue le troisième et dernier voyage dans la Loge : c’est le voyage du feu.
Le feu est la transmutation de toute matière en lumière. Le feu a une double dimension. Il est à la fois chaleur et lumière : la chaleur dégagée par la transformation – purification et la lumière qui en émane. Cette double réalité du feu en fait l’élément essentiel de la métamorphose de la matière. Le feu inscrit dans le Verbe manifesté est l’amour initiatique du Créateur.
Les dernières circumambulations rapprochent le Néophyte du centre, symbolisé par le Tableau de Loge, et lui donnent la force de recevoir la Lumière. Car il faut être fort, en effet, pour traverser le miroir du mirage du temps.
Recevoir le feu, c’est accepter de devenir lumière, donc de brûler pour les autres. Le feu est le commencement d’un nouveau processus, d’une nouvelle vie. Recevoir la Lumière équivaut à recevoir la Connaissance, et la Connaissance est amour.
L’Initiation par le feu est la dernière phase du processus. Il était absolument nécessaire de d’abord mourir dans la terre pour recevoir ensuite le souffle du Verbe puis d’être régénéré dans l’eau, pour enfin brûler en devenant un lumineux. C’est en recevant la Lumière que le Néophyte est devenu un ouvrier du Temple, un morceau du plan. Le feu devient Lumière.
Pour Julien Behaeghel, l’Apprenti meurt quatre fois dans les éléments de la matière alchimique : la terre, l’air, l’eau et le feu. « Mourir dans les quatre éléments correspond à la métamorphose de notre propre corporéité. Le corps de matière meurt dans l’obscurité de la caverne – Terre, le tombeau de résurrection ; il se dissout dans l’Eau baptismale, l’eau de la nouvelle naissance ; il se spiritualise dans le Feu de la conscience et se verticalise dans l’Air de légèreté. L’horizontale de la Terre – Eau devient la verticale du Feu – Air ».
Si durant cette phase initiatique des quatre voyages au travers des quatre Eléments le Profane a les yeux bandés, c’est bien entendu pour ne pas voir. C’est surtout pour prolonger l’épreuve du Cabinet de Réflexion, pour lui permettre de rentre en lui, d’éveiller ses autres sens comme le toucher et l’écoute. C’est pour mettre en œuvre son sens intuitif, sa réceptivité. C’est pour éprouver sa confiance.
Passer par les quatre Eléments, c’est se purifier, c’est commencer la lente et longue ascension de l’âme, de l’être, vers ce qui, en lui, est unique, universel, indestructible, son énergie, son centre, son joyau.
Pour Bachelard, ces quatre Eléments ne sont pas figés. Ils se transforment, évoluent au gré de leurs rencontres. Ils sont « les hormones de l’imagination. Ils mettent en action des groupes d’images. Ils aident à l’assimilation intime du réel dispersé dans les formes. Par eux s’effectuent les grandes synthèses qui donnent des caractères un peu réguliers à l’imaginaire. En particulier, l’air est ce qui nous fait grandir psychiquement ».
Ainsi, selon les philosophes de l’Antiquité comme Platon, Pythagore, Empédocle et Aristote, la nature réaliserait son œuvre de génération et de destruction au moyen de ces quatre Eléments : eau, feu, air et terre.
Lorsque les trois voyages sont terminés, lorsque le candidat a été purifié par les quatre Eléments, le Vénérable Maître invite le Maître des Cérémonies à présenter le Calice d’amertume au candidat.
L’épreuve du calice d’amertume
La signification de ce geste est liée aux difficultés de la voie initiatique. En effet, le Vénérable Maître, qui sollicite le candidat à vider la coupe jusqu'à la lie, précise que « ce breuvage, par son amertume, est l’emblème des épreuves inséparables de la vie. La résignation peut en adoucir les effets mais le courage seul peut l’aider à les vaincre ».
Boire à la coupe, c’est s’engager fermement sur le chemin de la connaissance de soi. Boire la coupe jusqu'à la lie, c’est consentir à persévérer jusqu'au bout quelle que soit la nature des épreuves à traverser, et s’engager à triompher de ses ténèbres intérieures.
Pour Jules Boucher, le candidat devrait boire le contenu de la coupe en trois fois car il prend en considération les trois phases qui caractérisent le breuvage de l’Initié :
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la première serait comme un liquide insipide, sans saveur, le symbole d la vie du profane en qui l’esprit n’a pas été éveillé ;
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la deuxième, amère, symboliserait la vie de l’Initié qui est en voie de rechercher et de découvrir. Il est en proie au tourment de la recherche de la connaissance, voulant trouver la lumière et vivement sortir de son enfermement ;
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la troisième phase serait la vie de l’adepte qui a reçu depuis longtemps la lumière en laquelle il puise, qui lui confère toute sa sérénité, sa paix intérieure et profonde, la quiétude que lui a valu l’Initiation, et le breuvage pourrait alors être comparable à la boisson divine qui confère l’immortalité.
Tout cherchant dans la voie initiatique doit vider la coupe d’amertume jusqu'au bout, jusqu'à la lie, car tout être authentique est confronté, au fur et à mesure de la progression de sa quête, aux plus dures épreuves.
L’absorption préalable du breuvage chargé d’amertume est la meilleure manière de s’y préparer par la connaissance. La coupe est symbole de transition entre le monde profane, d’où vient le Récipiendaire, et le monde des aspirations spirituelles.
La coupe étant vide, la Loge est à présent prête à satisfaire les vœux du candidat et à récompenser sa persévérance pour autant que ce dernier consente à prendre l’engagement solennel que la Franc-maçonnerie impose à ses membres.
Les visites dans d’autres Loges
Le privilège de la visite d’une autre Loge se trouve octroyé aux Compagnons et aux Maîtres. Les Apprentis s’avérant – en principe – trop ignorants et inexpérimentés ne peuvent « voyager » seuls.
Visiter une Loge, c’est participer aux Travaux d’une Loge autre que celle à laquelle on appartient. Il est très important pour un Maçon de visiter. Il apprend ainsi à connaître d’autres visages, d’autres personnalités mais aussi d’autres rites. De plus, les visites créent des liens entre les Loges. Celles-ci en arrivent parfois à organiser des Tenues communes.
Un Frère visiteur doit respecter les usages de l’Atelier qu’il visite. Il commence par se présenter au Vénérable de la Loge. Il répond au « tuilage » s’il y est convié fraternellement. Ensuite, il calque son comportement sur celui des membres de la loge visitée et ne manque pas de présenter, s’il est Compagnon ou Maître uniquement, et au moment opportun, les salutations fraternelles de son Atelier.
En visitant une autre Loge, le Maçon devient un ambassadeur de sa Loge. Sa conduite, ses propos doivent le désigner comme étant un modèle de Maçon faisant honneur à sa Loge et à son rite.
Pour conclure, du moins provisoirement
Ce n’est pas sans raison que l’Initiation comporte un aspect de dépouillement du vieil homme, de purification des impuretés etc. Pour ce qui nous concerne, l’Initiation maçonnique prend la forme de voyages autour du centre durant lesquels sont présentées certaines épreuves qui ont pour but de s’éprouver soi-même et posséder désormais un modèle efficace de ce qu’il y a lieu de continuer dans la vie courante.
Le fait que ces obstacles soient surmontés au cours d’une circumambulation répétitive autour du centre est capital car il indique la méthode à utiliser pour effectuer réellement la purification : voir le centre sous tous ses aspects, puis abandonner ce qui est périphérique et, en se concentrant, au sens technique méditatif du terme, atteindre le moyeu vide et immobile de la roue qui tournoie.
R :. F :. A. B.
Bibliographie
Bernard Baudouin - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie
Editions De Vecchi, Paris, 1995
Behaeghel Julien - Symboles et initiation maçonnique
Hiram dans le labyrinthe
Editions du Rocher, Monaco, 2000
Behaeghel Julien - L’Apprenti maçon et le monde des symboles
La Maison de Vie, Fuveau, 2000
Béresniak Daniel - Rites et symboles de la Franc-maçonnerie
Tome 1 : « Les Loges bleues » - Editions Detrad, Paris, 1997
Berteaux Raoul - La symbolique au grade d’Apprenti
Editions Edimaf, Paris, 1986
Boisdenghien Guy - La vocation initiatique de la Franc-maçonnerie
Editions l’Etoile, Bruxelles, 1999
Boucher Jules - La symbolique maçonnique
Editions Dervy, Paris, 1995
Darche Claude - Vade-mecum de l’Apprenti
Editions Dervy, Paris, 2006
Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie
Editions Dervy, Paris, 1994
Ferré Jean - Dictionnaire des symboles maçonniques
Editions du Rocher, 1997
Guigue Christian - La formation maçonnique
Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 1995
Mainguy Irène - La Symbolique maçonnique du troisième millénaire
Editions Dervy, Paris, 2001
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