• * Ni nu, ni vêtu

     Ni nu, ni vêtu … 

    ou

     « De l’importance de la vêture lors de l’Initiation » 

    Introduction

    Je me souviens du soir de mon Initiation. Mon parrain m’avait averti que je devais revêtir un smoking pour la circonstance. J’étais très heureux et fier de porter pour la première fois de ma vie un beau smoking tout neuf. A peine arrivé sur les lieux, voilà qu’un Frère me fit descendre dans une cave pas propre du tout. Ah, mon beau smoking ! Dans quel état allais-je me présenter dans la Loge quand le moment serait enfin arrivé ?

    Après la rédaction de ce que l’on nomme assez pompeusement mon « testament philosophique » vint le moment de me préparer… Et ce Frère « préparateur » de me demander de me défaire de mon veston, de me débarrasser de mes métaux, de déboutonner ma chemise, d’enlever même ma chemisette et cela en plein mois de décembre ! Ensuite j’ai dû enlever ma chaussure gauche et ledit Frère m’a remonté une partie du pantalon jusqu'au genou droit.

    Ah, mon beau smoking ! Cela valait bien la peine d’en acheter un si beau si c’était pour me l’enlever partiellement !

    Tel était mon état d’esprit à ce moment.

    Treize ans se sont écoulés avant que je ne décide de livrer mes réflexions à ce sujet.

    • Où trouve-t-on l’expression « ni nu, ni vêtu » dans nos rituels, dans les anciennes instructions maçonniques ?

    • Comment l’Impétrant est-il réellement vêtu quand on dit qu’il est « ni nu, ni vêtu » ?

    • Pourquoi les Maçons font-ils adopter cette vêture aux Impétrants ?

    • Sait-on quand est-elle apparue ?

    • Quels sens, quelles interprétations peut-on donner à cet accoutrement vestimentaire ?

    Telles sont les questions auxquelles j’ai tenté d’apporter dans cette planche quelques éléments de réponses.

    Dans notre société, le port de vêtements est souvent une indication du niveau de richesse sociale. Ils accentuent les différences et l’inégalité de fortune. J’ai appris que le smoking nous est généralement « imposé » pour gommer les différences entre nous. Mais il est aussi évident que si les usages de notre Loge nous imposent le port d’un smoking, c’est aussi pour renforcer le côté festif de l’Initiation et pour contribuer à la beauté de la cérémonie.

    Dépouillé de cette apparence, quelques instants avant l’Initiation, l’objectif poursuivi n’était-il pas de me rappeler à mon état ontologique de pauvreté ?

    Ainsi présenté à la Loge, je ressentais physiquement l’état inconfortable de la dualité, du déséquilibre et de la contradiction, particulièrement éprouvé par la claudication de ma marche.

    Cette préparation physique et vestimentaire ne marquait-elle pas la distinction et le croisement des courants énergétiques de droite et de gauche de mon corps, établissant une symétrie autour des axes perpendiculaires et verticaux qui se croisent près du sein gauche où est localisé mon cœur ?

    La droite est généralement considérée comme active et la gauche comme passive. Cette disposition vestimentaire – qui peut faire penser à celle d’un condamné à mort – ne devait-elle pas m’aider à prendre conscience de l’obstacle que crée tout dysfonctionnement physique ? Cette mise en scène n’était-elle pas faite pour m’aider à me dépouiller de mon ego, à mourir à moi-même ?

    Assez curieusement, dans notre rituel de l’Initiation au Rite moderne belge, l’expression « ni nu, ni vêtu » n’apparaît pas ! Dans le rituel officiel de notre obédience, la G.L.R.B., elle n’est utilisée que dans la septième indication relative à la préparation de tout candidat à l’Initiation. Ces indications s’adressent avant tout aux Frères chargés de cette préparation (Expert, Maître des Cérémonies, parrain du candidat éventuellement).

    Que dit cette 7ème indication ? Le candidat sera préparé « ni nu, ni vêtu », c'est-à-dire la tête nue, les yeux bandés avec soin, portant une chemise blanche laissant le bras et le sein gauches découverts, le genou droit nu, le pied gauche nu dans une pantoufle.

    Nous savons maintenant comment un candidat doit être préparé physiquement et que l’expression « ni nu, ni vêtu » ne figure pas dans le rituel en lui-même mais dans les indications de mise en scène qui le précèdent.

    Examinons à présent d’où nous vient cette tradition.

     

    Un peu d’histoire

    La préparation physique du candidat à l’Initiation ne s’est pas faite en un jour. Elle est le produit d’une évolution dans le temps avec, sans doute, des influences diverses. En tout cas, elle n’est pas « de temps immémorial » mais certainement d’origine humaine. Ses différentes caractéristiques n’ont pas une source unique. On devrait d’ailleurs distinguer la préparation des jambes, le placement du bandeau et le dévoilement partiel de la poitrine. Cette préparation a aussi été considérée comme inutile, voire humiliante par certaines obédiences. La Grande Loge Symbolique Écossaise s’est ainsi contentée, dès 1880, de bander les yeux au Profane, habitude qui fut reprise peu après par le Grand Orient puis par la Grande Loge de Belgique.

    L’origine de cette expression « ni nu, ni vêtu » dans nos rituels est donc plus ou moins floue. Cet usage ne se rencontre nulle part chez les opératifs. Certains pensent qu’elle pourrait provenir de la tradition templière mais cette hypothèse n’est pas démontrable.

    Au travers de ses diverses formulations, on ne peut nier que la coutume du « ni nu, ni vêtu » ainsi que celle du dépouillement des métaux ne soit fort ancienne puisque dans la tradition hébraïque, le Talmud précise que l’on ne doit pénétrer dans le Temple ni chaussé de souliers, ni vêtu de son vêtement extérieur, ni porteur d’argent, car le Temple est considéré comme une terre sacrée.

    Les textes maçonniques anciens reprennent à peu près les mêmes données, ce qui laisse à penser qu’elles font partie d’un fonds commun dont l’origine ne peut être qu’hypothétique et sur lequel se sont greffées diverses significations symboliques tout au long du 18ème siècle.

    Les historiens de la Franc-maçonnerie ont pu reconstituer les premiers cérémonials de réception des trois grades de la Maçonnerie spéculative dite « bleue » à partir des divers manuscrits et documents disponibles et largement publiés tels que le Manuscrit Graham (1726), le Manuscrit « Masonry Dissected » de Prichard (1730). Ces documents en fournissent les principaux éléments par les instructions ou « catéchismes » par demandes et réponses qu’ils contiennent[1].

    Comme il en est toujours avec le temps pour tout cérémonial, ces cérémonies de Réception (ou d’Initiation) relativement simples au début se sont compliquées dès 1740. La France n’est pas étrangère aux innovations introduites à partir de cette date.

    Certains éléments des préalables à la Réception proprement dite de tout candidat correspondent d’évidence à une nécessité logique. Mais ne jugeons jamais d’un phénomène ou d’un usage du passé en fonction de critères contemporains !

    Si le « Manuscrit Dumfries n° 4 », daté de 1710, donne des précisions sur la posture du Récipiendaire (ni assis, ni debout, ni courant, ni marchant, mais sur son genou gauche, de façon humiliante avec une corde autour du cou), le « Manuscrit Graham » (1726) au caractère nettement christique, nous indique que le candidat est un être sans ornement, ni nu, ni vêtu, ni chaussé, ni pieds nus, ni agenouillé, ni debout, ce qui indiquait un cœur humble et soumis pour être « un fidèle disciple du juste Jésus ».

    L’expression « ni nu, ni vêtu » ne figure pas dans les manuscrits écossais de 1696 – 1714. Le « Manuscrit Sloane » de 1700 n’en parle pas non plus.

    En ce qui concerne le Rite Écossais Rectifié, il ne faillit pas à la règle des usages antérieurs. Le rituel adopté au Convent des Gaules à Lyon en 1778 est explicite. A la question « Comment étiez-vous habillé en entrant en Loge ? » il fallait répondre : « Ni nu ni vêtu et dépourvu de tous métaux ». Ces dispositions se retrouvent dans le rituel approuvé au Convent de Wilhemsbad en 1782.

    L’expression « ni nu ni vêtu » se retrouve également dans :

    • le catéchisme des Elus Coëns de l’Univers (en France) ;

    • le rituel de la Stricte Observance (en Allemagne) ;

    • le sceau rompu (1745) ;

    • le rituel du Marquis de Gages (1763) ;

    • le Grade d’Apprenti des Loges de Lyon de 1772 ;

    • le Nouveau Catéchisme des Francs-maçons (1780).

    Voilà ce que peut nous apprendre l’histoire maçonnique au travers des rituels.

    Mais connaître la genèse d’un usage, ce n’est pas le comprendre. Connaître la lettre n’est pas en comprendre l’esprit.

    L’analyse des questions / réponses dans les anciens catéchismes nous apporte également des éléments intéressant pour interpréter l’expression « ni nu, ni vêtu ».

    Petit retour aux sources

    1. L’expression « ni nu, ni vêtu » apparaît dans un catéchisme du « Guide des Maçons Écossais»[2]. La justification doit retenir notre attention : le candidat est présenté ainsi en Loge pour lui prouver que le luxe est un vice qui n’en impose qu’au vulgaire et que l’homme vertueux doit fouler aux pieds tout sentiment de vanité et d’orgueil ».

    2. Dans le même esprit, l’instruction du « Régulateur du maçon» (1785) précise que le candidat n’entre en Loge que « ni nu, ni vêtu pour lui représenter l’état d’innocence et pour lui rappeler que la vertu n’a pas besoin d’ornements, et dépouillé de tous métaux parce qu’ils sont l’emblème et souvent l’occasion des vices que le Maçon doit éviter ».

    Que représente le cœur à découvert ? Ne faut-il pas y voir un signe de sincérité et de franchise ?

    Que représente le genou droit mis à nu ? Peut-être une marque des sentiments d’humilité qui doivent être ceux du néophyte partant à la recherche de la vérité ?

    Pourquoi le pied gauche est-il déchaussé ? Sans doute une imitation d’une coutume orientale ? Mais probablement aussi par respect pour le lieu où le candidat va pénétrer, lieu saint puisque l’on y cherche la Vérité !

    1. Dans les premières « Divulgations écossaises», on peut aussi trouver des rapprochements analogiques entre la simplicité du Maçon et la pauvreté évangélique, entre le Récipiendaire pauvre et nu et le Christ dépouillé de ses vêtements.

    2. Ne pourrions-nous pas aussi voir dans cette expression « ni nu, ni vêtu » un reflet de ce que nous expose « l’herméneutique de la Genèse » et le « Traité de la réintégration des êtres » de Martines de Pasqually?

    Demande : A quoi fait allusion l’Apprenti qui n’est « ni nu, ni vêtu » ?

    Réponse : Il est fait allusion à l’âme qui après sa prévarication fut dépourvue de puissance spirituelle divine, elle devint sombre et ténébreuse à la vue de son maître parce qu’elle avait perdu son habit de gloire. Elle n’était ni nue, relativement à son émanation divine, ni vêtue en ce qu’elle était dépouillée de sa puissance, ne pouvant plus agir spirituellement.

    Avant la chute, l’homme était vêtu d’une tunique de lumière. Après la chute, il est, selon la terminologie de de Pasqually, « incorporisé », c’est-à-dire vêtu d’une tunique de peau, en quelque sorte d’un vêtement de ce monde-ci au lieu de celui de ce monde-là qui est le monde à venir, devant se réaliser.

    A partir de ces éléments historiques, chaque Rite a avancé son explication de cette partie du cérémonial de Réception en l’adaptant à sa philosophie propre et à sa sensibilité particulière.

     

    Approche du symbolisme de la préparation vestimentaire du candidat à l’Initiation

    Les anciennes instructions mettent l’accent sur l’importance de la tenue vestimentaire du Récipiendaire, la reliant dans un premier temps à une préparation à l’Initiation d’ordre intérieur, celle du cœur.

    * Ni nu, ni vêtu

    « Ni nu ni vêtu », telle doit être l’apparence du Récipiendaire lorsqu'il est conduit aux épreuves de l’Initiation au degré d’Apprenti. Le candidat est soumis à cet état comme un rappel de celui de sa naissance où il était nu, innocent. Etre vêtu signifie ici symboliquement, la marque de sa condition humaine et de la socialisation qui en découle. C’est dans cet état que le candidat à l’Initiation est préparé physiquement, c’est-à-dire ni nu ni vêtu, mais dans un état décent, dépouillé d’une partie de ses vêtements. Il s’agit d’un état nouveau qui demande une certaine préparation sur le parvis ou dans un local proche de la Loge.

    Cette préparation concerne les vêtements qui créent la forme visible d’une réalité intérieure : ils disent comment celui qui les porte veut se montrer et quel rôle il veut jouer. Cette préparation vestimentaire du Récipiendaire a pour but de déstructurer le message signifié par l’habit. Etre « ni nu ni vêtu » est une expérience neuve.

    En effet, nous sommes tantôt nus, tantôt vêtus, plus ou moins nus ou vêtus, mais nous ne sommes jamais ni nus ni vêtus. Constatons que cet état est impossible ! Cette préparation vestimentaire du Récipiendaire suggère cet état impossible : le bras et le sein gauches sont découverts ; la jambe et le genou droits sont mis à nu et le pied gauche est déchaussé.

    Pour Jules Boucher, « le cœur est à découvert en signe de sincérité et de franchise ; le genou droit est mis à nu pour marquer les sentiments d’humilité qui doivent être ceux de l’Initié ; le pied gauche est déchaussé en signe de respect ».

    Cette préparation physique du Récipiendaire présente un caractère inhibitif. En effet, le candidat a tout d’abord son attention attirée sur le cœur, considéré comme le siège de l’affectivité. C’est de cette manière qu’il devrait prendre conscience qu’il devra prendre garde aux entraînements sentimentaux auxquels cèdent trop facilement la plupart des hommes.

    Ensuite, son attention est attirée vers son genou droit, celui que l’on pose à terre dans une génuflexion, acte de soumission à quelqu'un. Etant à découvert, le genou devient particulièrement sensible et cela devrait inciter le Récipiendaire à n’accomplir toute génuflexion qu’avec circonspection.

    Enfin, le pied gauche est déchaussé. Au Rite moderne, la marche débute du pied droit, marquant ainsi la prépondérance de la raison sur la sentimentalité. Le pied gauche déchaussé entrave la marche et le Récipiendaire est obligé de s’appuyer solidement sur le pied droit.

    La pénétration en Loge « ni nu ni vêtu » rappelle la vision décrite par Platon du personnage coupé en deux, chaque partie de lui-même étant à la recherche de l’autre moitié.

    Mais l’état « ni nu, ni vêtu » du postulant à l’Initiation rappelle aussi l’état du boiteux sous lequel est le plus souvent représenté le forgeron. Cette préparation qui n’a rien d’une brimade, est aussi faite pour faire prendre conscience de l’état d’infirmité spirituelle, d’opposition interne et d’incomplétude dans lequel se trouve toute personne en quête de Lumière, venant frapper à la porte du temple.

    Ainsi, le candidat à l’Initiation, présenté dans l’état d’infirmité du forgeron, dépouillé de ses métaux les plus vils, part à la recherche des métaux les plus nobles, prenant pour maître Tubalcaïn, modèle de la conciliation des oppositions nécessaires et fécondes, lui traçant la voie à suivre.

    Si l’on observe scrupuleusement la préparation vestimentaire décrite dans le Guide des Maçons Écossais, on peut constater que les endroits découverts correspondent à ceux concernés dans la prestation de serment. Au Rite Écossais Ancien Accepté, le Frère Expert bande les yeux du candidat, lui ôte ses métaux, le met en chemise depuis la tête jusqu'à la ceinture, le sein gauche à découvert, le genou droit nu et le soulier gauche en pantoufle.

    Arnould Grémilly pense que le torse nu symbolise l’homme dépouillé de tous vêtements profanes, que ce soit la blouse ou la jaquette, insignes d’un rang ou d’une fonction, vains oripeaux dont on n’a plus à s’affubler devant la mort.

     

    Réflexions après quelques années de Maçonnerie

    Placé à la porte de ce qui allait devenir ma Loge-mère, je n’étais qu’un individu chargé de ses certitudes et encore ancré dans certains modes de vie et de pensée, même si j’étais en quête et que je venais d’effectuer le premier pas volontaire dans une démarche de nature spirituelle, ainsi que mon parrain avait dû me l’expliquer. Mes acquis, mes certitudes me rendaient en quelque sorte aveugle à d’autres éclairages. Et c’était de cela dont je devrais ensuite me défaire par moi-même.

    Si j’avais été initié dans une Loge pratiquant le Rite Écossais Rectifié, le Frère Introducteur aurait dû m’inviter à me dépouiller moi-même et à me faire quitter volontairement mes vêtements. Le « ni nu, ni vêtu », par la figuration d’incomplétude qu’il comporte, aurait alors pu signifier que je n’étais à ce moment « ni ce que je croyais être », « ni ce que j’étais vraiment ».

    Aujourd'hui, j’en déduis que l’expression « ni nu, ni vêtu » me situait dans un état intermédiaire : je n’étais plus et je n’étais pas encore ! C’est donc l’expression d’un état fragile et instable comme tout état intermédiaire.

    Le fait de me dépouiller d’une partie de mes vêtements – en l’occurrence ma fameuse veste de smoking – acte volontaire ou subi, correspondait à déposer là et à cet instant tout préjugé. J’étais ainsi privé du repère social qu’est l’habit, cette « décoration illusoire dont l’orgueil le couvre ».

    Cette « épreuve » n’avait sans doute pas pour simple but de me déstabiliser mais de me placer clairement hors du cadre profane où, ni nu ni vêtu, j’aurais passé pour un dérangé.

    Je remarque aujourd'hui que les trois parties dénudées de mon corps sont celles qui ont été en quelque sorte marquées d’un sceau : mon cœur par la pointe du Compas ; mon genou par l'Équerre sur laquelle il a ensuite reposé lors de mon engagement ; mon pied par le sol, donc par la terre. Ces trois parties du corps constituent traditionnellement trois niveaux : celui de la connaissance directe et de la loi d’amour (le cœur), celui de l’humilité et de la puissance (le genou) ; celui de la réalité et de l’action (le pied).

    Les paroles extraites de nos rituels sont certes une invitation au détachement conscient du monde matériel mais surtout une invitation à l’intériorisation, seule façon de tenter de nous connaître.

    Si nous dépassons le sens premier de cette expression « ni nu, ni vêtu », sens de rejet des vains honneurs et des vaines gloires, nous pouvons trouver dans les Écritures une explication plus directement en rapport avec la finalité de notre quête, le rejet des formes n’étant et ne devant être qu’un préliminaire.

    En effet, dans l’Ecriture, la nudité symbolise l’intériorité et le secret, un secret référant à l’être et au sacré, donc bien au-delà de la simple chose cachée. Dans un épisode biblique concernant Noé et ses fils, le vêtement est une allégorie du voile masquant, et à partir d’un certain niveau, protégeant le secret ontologique.

    L’impétrant n’est ni nu, ni vêtu. Il ne pénètre pas encore le « secret » lorsqu'il frappe à la porte dans cet état. Mais son voile commence à disparaître, à se fragmenter. La question se pose alors de savoir si un jour il sera réellement nu à ses propres yeux ; s’il sera capable de se voir, dépouillé, dans sa réalité ; si le fait de se voir ainsi lui permettra de se connaître.

     

    Pour conclure, du moins provisoirement…

    Avant d’être admis dans la Loge, je me souviens d’avoir séjourné dans un cabinet de réflexion, de méditation. Ensuite la préparation vestimentaire de l’Impétrant que j’étais – ni nu, ni vêtu – m’a paru troublante juste avant de subir le rituel de l’Initiation au grade d’Apprenti, mais elle était importante pour tout le symbolisme dont elle est chargée.

    Je comprends mieux à présent que cette préparation de tout Récipiendaire correspond toujours à une préparation intérieure. Au Rite Émulation, ne précise-t-on pas au candidat qu’il a d’abord été préparé dans son cœur avant de l’être dans une pièce attenant à la Loge ?

    Paraître ni nu ni vêtu, dépouillé de ses métaux, c’est-à-dire dans sa plus grande simplicité, telle serait donc la perfection «symbolique» demandée au Récipiendaire, au moment où il va recevoir l’Initiation. Il est donc invité à maîtriser toutes ses passions, en particulier celles de la possession, du pouvoir, de la vanité, etc., passions qui sont inhérentes, à des degrés divers, à l’homme commun.

    L’état de ni nu ni vêtu du postulant à l’Initiation me rappelle aussi l’état du boiteux sous lequel est le plus souvent présenté le forgeron. A mes yeux, cette préparation, qui n’a rien d’une brimade, est faite pour faire prendre conscience de l’état d’infirmité spirituelle, d’opposition interne et d’incomplétude dans lequel se trouve toute personne en quête de lumière, venant frapper à la porte du temple.

     

    R :. F :. A. B.

     

    [1] De nos jours, au Rite moderne, nous utilisons le vocable « tuilage ».

    [2] Le guide des Maçons Écossais est la première version imprimée des grades symboliques du Rite Écossais Ancien et Accepté. Publié en 1820, le texte en est cependant bien antérieur à cette date car déjà pratiqué dans certaines loges parisiennes quinze années auparavant. Il devrait probablement dater d’avant 1760.

     

    Bibliographie

    Bascher Xavier, Bermann Roland et Noël Pierre

    « Ni nu, ni vêtu » et ses implications au R.E.R.

    In « Acta macionica » n° 17 - G.L.R.B. – Pages 91 à 107

     

    Grémilly Arnould - Entretiens avec les Maîtres

    Editions AVS

     

    Mainguy Irène - La symbolique maçonnique du troisième millénaire

    3ème édition revue et augmentée

    Editions Dervy, Paris, 2006 – Pages 101 à 103

     


  • Commentaires

    1
    JVF / Héron
    Samedi 5 Septembre 2015 à 02:58

    Mon T.'.C.'.F.'. Bonjour,

    L'importance de la vêture lors de l'initiation est un sujet que l'on évoque trop peu souvent et dont le symbolisme semble se perdre.

    Au siècle dernier, j'ai été initié dans une L.'. Juste et parfaite attachant une importance à ce point du rituel, puis pour des raisons purement géographiques,

    étant éloigné de 18000 Km de mon orient d'origine depuis 11 ans, je me suis affilié à une autre L.'. de la même obédience et je suis surpris de ne pas retrouver

    cet attachement à ces symboles qui sont difficiles à appréhender et qui ne peuvent être expliqués que dans ce contexte spécifique de l'initiation au grade d'apprenti.

    En tout cas, bravo pour ta réflexion qui me fait plaisir.

     

    Bien Frat.'.

    Un F.'. du pacifique sud. (anciennement de France).

     

     

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