• * La Planche à tracer

    * La Planche à tracer

     La Planche à tracer 

    S’il y a bien un symbole sur le Tableau de Loge au grade d’Apprenti et au grade de Compagnon dont nous ne parlons que trop rarement, c’est la planche à tracer !

    Ce symbole est présent sur les deux Tapis de Loge, celui de l’Apprenti et celui de Compagnon.

    La planche à tracer se trouve dans le haut du Tableau de Loge, juste en dessous de la Lune, sensiblement au même endroit sur les deux Tapis ou Tableaux de Loge.

    Paradoxalement, lors du Passage au grade de Compagnon le Premier Surveillant, au cours de sa description pourtant étoffée du Tapis de Loge, n’en parlera pas. Peut-être est-ce parce qu’elle serait un attribut du Maître-Maçon ?

    Qu’est-ce que la planche à tracer ?

    Quelques Compagnons ont formulé des hypothèses, des questions, des observations  en séminaire : 

    • Il ne s’agit pas d’un outil proprement dit mais bien d’un support à l’élaboration de quelque chose.
    • Ne servirait-il pas à l’élaboration de plans, à l’élaboration d’un plan fait par un architecte ?
    • Il est toutefois bon de remarquer que le support « planche » sert à l’utilisation d’outils de précision (compas, équerre, règle).
    • On y distingue deux dessins, à savoir une forme de « dièse » (#) et une croix (X) de saint André.

    Vérifions ces hypothèses !

    La définition maçonnique de ce symbole est la suivante : "C’est un papier blanc orné d’attributs maçonniques, qui est destiné à recevoir un écrit relatif à la franche maçonnerie" [1] .

    Pour d’autres, elle est considérée comme un outil réservé aux maîtres : « La Planche à tracer sert aux Maîtres à crayonner leurs dessins. Elle nous montre que plus l’on travaille, plus l’on acquiert de Connaissance, et que sans l’application, il est impossible de parvenir aux grades supérieurs » [2] .

    La « Planche à tracer » est une planche rectangulaire sur laquelle sont tracés les signes secrets, des schémas qui constituent la clef de l'alphabet maçonnique.

    Pour Christian Guigue, « c’est sur la planche à tracer que le Maître dessine ses plans. Sur elles sont inscrites des lois divines… et… si nous les connaissions parfaitement… elles nous vaudraient une demeure éthérée… éternelle dans les cieux ».

    Jules Boucher nous dit : « La Planche à tracer est un rectangle sur lequel sont indiqués les schémas qui constituent la clé de l’alphabet maçonnique. Le symbolisme maçonnique fait que le papier sur lequel on écrit est appelé « planche à tracer » et que le verbe « écrire » est remplacé par l’expression « tracer une planche ».

    Quel est le rôle de la planche à tracer ?

    La « Planche à tracer » revêt une importance particulière dans la Franc-maçonnerie du point de vue symbolique. La « Planche à tracer » se rapporte au grade de Maître ; comme la Pierre cubique à celui de Compagnon et la Pierre brute à celui d'Apprenti.

    Pour Bernard Baudouin, « c'est en effet l'un des attributs du grade de Maître, qui lui sert à tracer les plans et bâtir les projets, illustrant par sa maîtrise du trait la connaissance qui est la sienne, et lui permettant ainsi de guider ses Frères Maçons dans l'édification de leur temple personnel ».

    La planche à tracer sert au Maître à tracer des plans et à dessiner des projets afin de permettre aux Frères de construire le futur avec régularité et exactitude.

    Pour Irène Mainguy, la planche à tracer a plusieurs usages. Elle sert au Frère Secrétaire pour dresser le compte-rendu des Travaux de la Loge. Elle sert aux Maîtres pour composer des plans capables d’instruire les Apprentis, les Compagnons et les autres Maîtres eux-mêmes. Elle sert à tous pour tracer le plan de ce qu’ils projettent, c’est-à-dire pour y réfléchir avec maturité avant de le mettre à exécution, afin de ne rien entreprendre témérairement rien que de bon et d’utile, et qui ait toute la perfection possible.

    De quand date l’utilisation de la planche à tracer ?

    L’importance de l’utilisation de la planche à tracer des Maîtres est développée dans un manuscrit du 18ème siècle [3].

    • A quoi s’occupent les Maîtres ?
    • A la planche à tracer.
    • A quoi leur sert-elle ?
    • A dessiner les plans, les coupes et élévations du temple, pour les communiquer ensuite aux ouvriers inférieurs.
    • Faites-moi l’allusion.
    • De même que la planche à tracer doit servir au maître architecte à tracer les dessins qu’il donne pour modèle aux ouvriers, les Maîtres Maçons doivent diriger leur conduite de manière qu’elle puisse servir d’exemple aux Compagnons et, qu’en les suivant, ils ne s’écartent jamais des vertus prescrites par les Statuts de l’Ordre.

    Où la trouve-t-on ?

    Si la Planche à tracer est réservée aux Maîtres, pourquoi est-elle reproduite sur le Tableau de Loge des grades inférieurs ?

    Jules Boucher estime que « le symbole de la Planche à tracer appartient essentiellement à la Maîtrise, mais que le Compagnon et l’Apprenti ne doivent pas en ignorer l’emploi et doivent s’exercer maladroitement peut-être à ébaucher leurs idées ».

    C’est sur la « Planche à tracer » que le Maître établit ses plans ; mais l’Apprenti et le Compagnon n’en doivent pas ignorer l’emploi et doivent s’exercer, maladroitement peut-être, à ébaucher leurs idées. C’est pourquoi ce symbole figure déjà dans le tableau d’Apprenti ».

    Elle sert donc au Maître à tracer des plans et à dessiner des projets afin de permettre aux Frères de construire le futur édifice avec régularité et exactitude. De même, le Livre de la Loi Sacrée peut à juste titre être nommé la Planche à tracer spirituelle du Grand Architecte de l'Univers.

    C'est bien au Maître à arrêter les plans, mais il faut que le Compagnon puisse s'y conformer et que la Planche à tracer ne lui soit point étrangère.

    La Planche à tracer ne peut être utilisée que par le Maître, et ce qui y est tracé s'apparente à la Beauté.

    Son rapport avec la géométrie et le dessin d'architecture en fait un symbole particulièrement riche et complexe.

    Pour Oswald Wirth, c’est bien au Maître à arrêter les plans, mais il faut que le Compagnon puisse s’y conformer et que la planche à tracer ne lui soit point étrangère.

    Comment se présente la planche à tracer ?

    Quels sont ces signes que nous percevons sur la planche à tracer ?

    Sur la planche à tracer nous pouvons voir deux signes : X et #.

    Sur chacun des deux Tableaux de Loge (grade d'Apprenti et grade de Compagnon), la Planche à tracer est toujours présente ; elle est de forme rectangulaire sur laquelle l’on indique à l'Initié les secrets de l'alphabet maçonnique, et cela par deux figures simples qui rappellent au Maçon le développé de la Pierre cubique à pointe.

    La Planche à tracer reproduite sur le Tableau de la Loge d'Apprenti présente deux signes ( # et X ) qui permettent de situer 18 lettres de l'alphabet de la langue française entre les « branches » du premier signe et 4 entre celles du deuxième signe. Les lettres K,  J,  V  et  W  manquent. On les remplace par C, I et U.

    1°) Le « dièse » donnant le schéma des dix-huit premières lettres et la croix donnant les quatre dernières, forment précisément le développement de la Pierre cubique à pointe. Cette pierre est ainsi mise à plat sur la Planche à tracer et sur cette Planche on ne saurait faire autre chose qu'un plan.

    2°) En mathématique, les dernières lettres de l'alphabet (u, x, y, z ont été choisies pour représenter les inconnues les premières lettres : a, b, c,... pour les quantités connues ; les lettres intermédiaires  m, n ... pour les coefficients !

    D'où provient l'alphabet maçonnique ?

    Son origine n'est pas connue. D'aucuns ont prétendu que cet alphabet imitait la forme des lettres de l'alphabet hébraïque. C’est le cas d’Henri Corneille Agrippa de Nettesheim, kabbaliste chrétien, qui a attribué aux kabbalistes juifs une manière fort respectée anciennement parmi eux de coder la langue hébraïque, en répartissant les vingt-sept caractères de l’alphabet hébreu (en comptant les formes finales) dans les neuf cases d’un carré, à raison de trois lettres par case et en utilisant une double ponctuation [4].

    Le principe de l’alphabet maçonnique apparaît aux alentours des années 1745 avec les premières divulgations françaises [5].

    L’adoption de l’alphabet maçonnique semble être une innovation française apparue peu après l’introduction de la Franc-maçonnerie en France. Elle eut rapidement beaucoup de succès et se retrouve publiée dans de nombreuses divulgations.

    Qu’entend-on par « alphabet maçonnique » ? [6]

    Ecriture cryptée et hiéroglyphique se caractérisant par l’usage de signes géométriques destinés à voiler aux yeux indiscrets et profanes les particularités de l’ordre.

    L’alphabet maçonnique est un système de cryptage de l’alphabet profane.

    Il existe différents types d'alphabets maçonniques.

    L’alphabet maçonnique s’écrit autour d’une armature linéaire figurée sur la planche à tracer. Cette trame se trouve constituée par quatre croix discrètes suivies de la croix de Saint André (qui a son importance dès le 4e grade du R.E.R.).

    L’alphabet est inscrit dans un carré formé par deux lignes parallèles, verticales, coupées par deux lignes horizontales, aussi parallèles.

    * La Planche à tracer

    Ce carré, comme on le voit, produit neuf cases, tant ouvertes que fermées, contenant l’alphabet ordinaire, mais dont plusieurs lettres sont différenciées par un ou deux points.

    Pour tirer de cette figure l’alphabet maçonnique, il s’agit de supprimer ces lettres, et de représenter à leur place les cases où elles sont, soit sans point, soit avec un ou deux points. Ces neuf cases divisées forment donc par le secours de la ponctuation, qui les distingue dans leur double et triple emploi, les caractères de l’écriture maçonnique [7].

    Edmont Mazet relève que l’origine de l’alphabet maçonnique n’est pas maçonnique, car on trouve mention d’un code fondé sur le même principe au 16e siècle, dans un milieu fort éloigné de la maçonnerie opérative de l’époque [8].

    Guy Tamain considère que l’alphabet maçonnique est hérité des carrés magiques utilisés dès l’Antiquité, retrouvés par les ésotéristes arabes de la fin du 8e siècle, aménagés et arrangés par les kabbalistes juifs, puis adaptés par les occultistes et hermétistes chrétiens, tout au long du Moyen Age et de la Renaissance. Il était fondé sur une grille cryptographique directement calquée sur le carré de trois. Cet alphabet contient la clé géométrique qui permet de retrouver aisément toutes les figures élémentaires du triangle, ainsi que le carré, la ligne droite, les équerres, avec le point au centre de la structure [9].

    Dans les cases où se trouvent deux lettres, la première se forme seulement des lignes de la portion de la figure qui lui est propre ; la seconde, de la même portion de figure avec un point au centre [10].

    Il faut savoir que de nombreuses variantes de l’alphabet maçonnique existent.

    Voici deux variantes des l'alphabet sont encore utilisés par les Francs-Maçons.

    • L’Alphabet Maçonnique complet informatique :

     

    * La Planche à tracer

     

    • L’Alphabet maçonnique français : 

    Voici le développé de la Pierre cubique à pointe tel qu’on le trouve sur la Planche à tracer.

     

    * La Planche à tracer

     

    * La Planche à tracer

    La double clef de cet alphabet est contenue dans un carré de Saturne (3 x 3), ouvert, et dans une croix de Saint-André.

    Notons l'absence des lettres j, remplacée par le i ; k, remplacée par le c ; v et w, remplacées par le u.

    Clef de l'alphabet maçonnique français :

    Chaque lettre se construit à partir de la portion du carré ou de la croix dans lequel ou laquelle elle se trouve dans la double clef.

    Pour les lettres contenues dans le carré, on procède de la manière suivante : on laisse la case vide pour la lettre de gauche, et on inscrit simplement un point au milieu de la case pour la lettre de droite.

    Ainsi, pour prendre deux exemples concrets, les lettres a et b se construisent à partir de la case tronquée dans laquelle elles se trouvent. La lettre a étant la lettre de gauche dans la clef, on laisse la case vide ; le b étant la lettre de droite, on inscrit un point dans la case.

     

    * La Planche à tracer

     

    * La Planche à tracer

     

    La méthode est similaire pour les lettres contenues dans la croix de Saint-André :

    * La Planche à tracer

    Table de l’Alphabet maçonnique

    * La Planche à tracer

    Des alphabets qui nécessitaient une double ponctuation pour certaines lettres ont été abandonnés au profit de l’utilisation de la croix de St André où les lettres sont disposées dans les cases selon une loi régulière simple.

    Est-il possible d’interpréter la planche à tracer en tant que symbole ?

    Pour Irène Mainguy, le premier travail du Maître Maçon pose les bases de l’œuvre entreprise sur un plan universel, dont le cercle est un symbole.

    Le Maître sait lire et écrire. La planche à tracer, représentée sur le Tapis de Loge dès le premier grade, par l’alphabet maçonnique, représente la clé des lettres qui devient le symbole tangible de la maîtrise. C’est son support de travail.

    Arturo Reghini considère que la planche à tracer exige la connaissance des nombres sacrés, et, par sa forme même, elle souligne l’importance spéciale de la division ternaire. La planche à tracer symbolise l’art de la mémoire.

    Reghini précise que pour Platon, la compréhension est une anamnèse, un souvenir, une absence d’oubli et qu’il faut tenir compte de ce sens supérieur de la mémoire chez les Anciens, si l’on veut comprendre pourquoi elle est symbolisée précisément par la planche à tracer [11].

    Rectangle de proportion 1 sur 2, la planche à tracer forme la pierre tombale d’Hiram. Larose précise que tout édifice sacré est nécessairement fondé sur l’art de la mémoire. Si l’on réduit la planche à tracer au strict nécessaire pour tracer ces deux figures, l’on obtient un rectangle long (de proportion 1 sur 2) divisé en deux carrés égaux, l’un représentant le ciel et l’autre la terre, l’un représentant le schéma de fondation, l’autre le schéma de vérification [12] .

    Quel usage a-t-on encore de nos jours de cet alphabet maçonnique ?

    Certains hauts grades possèdent également leur écriture et on rencontre ce souci de discrétion et de préservation en d’autres systèmes comme le Martinisme notamment.

    L’alphabet maçonnique, essentiellement connu dans sa version française et dans sa version anglaise, reste peu pratiqué aujourd’hui. Cependant il pourrait s’avérer utile, dans le cadre d’une formation des Frères, de leur faire transcrire ne fut-ce que quelques courtes phrases afin qu’ils en connaissent l’existence et puissent l’utiliser au besoin.

    En guise de conclusion

    Sur cette Planche à tracer sont inscrits des lois divines et des plans moraux. Elle est donc aussi l'emblème du bon exemple que nous devons à nos Frères et à tous les hommes.

    Un petit jeu, pour ne pas se prendre trop au sérieux !

    Si vous voulez vous amuser, je vous suggère d’écrire, en utilisant l’alphabet maçonnique la phrase suivante :

    « J’appartiens à la Respectable Loge de saint Jean où l’on élève des temples à la vertu et creuse des tombeaux pour les vices ».

    R:. F:. A. B.

     

    [1]  Bazot E. F. - Vocabulaire des Francs-maçons - 1810.

    [2]  http://reunir.free.fr/fm/rituels/berne.htm

    [3] Chemin Dupontès - Cours pratique de franc-maçonnerie, publié chez l’auteur en 1860, p. 119.

    [4] Mazet Edmond - Notes sur l’alphabet maçonnique - in Renaissance Traditionnelle, n° 25, Janvier 1976.

    [5] Le Catéchisme des Francs-maçons de Louis Travenol, alias Gabanon, en 1744 ; 

           l’année suivante dans Le Sceau Rompu, puis dans l’Anti-maçon en 1748.

    [6] Quelques recherches dans la littérature maçonnique afin d’être le plus précis possible.

    [7] Clavel F.T.B.  - Histoire de la Franc-maçonnerieEditions Artefact, 1987, reprint de l’édition de 1843, p. 73.

    [8] Mazet Edmond - Notes sur l’alphabet maçonnique - in Renaissance Traditionnelle, n° 25, Janvier 1976.

    [9] et [10Tamin Guy - La clé géométrique du premier alphabet maçonnique (1745)

           in Chroniques d’Histoire maçonnique, n° 41, 2ème semestre 1988.

    [11] Reghini Arturo - Les Nombres sacrés dans la tradition pythagoricienne maçonnique

           Editions Archè Milano, 1981, pp. 154, 161-162.

    [12] Larose Marc Reymond

           Le Plan secret d’Hiram, fondements opératifs et perspectives spéculatives du Tableau de Loge

           Editions La Nef de Salomon, 1998, pp. 72 – 73, 81 - 99.


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