• * L'abandon et la restitution des métaux

     L'abandon et la restitution des métaux 

    Introduction

    Peu de temps avant que ne débute la cérémonie de mon Initiation au grade d’Apprenti, je me suis laissé « dépouiller des métaux », selon l’expression habituellement utilisée pour désigner le fait que j’ai été prié de remettre au Frère Expert tout ce que je possédais à ce moment sur moi comme monnaie métallique ou de papier, comme bijoux ou autres objets en métal.

    J’ai donc remis sans restriction et en confiance ces choses qui, dans la vie courante, facilitent l’insertion sociale et constituent les signes d’une certaine « respectabilité », valeur toute relative il est vrai.

    Au sens propre, ce geste est généralement présenté comme signe de dépouillement, mais il était déjà bien entendu pour moi que le sens figuré prenait toute son importance : c’était l’abandon volontaire de tous pouvoirs, possessions et vanités afin de me présenter tout simplement en tant qu’homme.

    Depuis que je suis devenu Apprenti-maçon, deux expressions parmi tant d’autres ont retenu mon attention : « être dépouillé des métaux » et « la restitution des métaux ». Mais s’il convient de « laisser nos métaux hors du Temple », selon cette troisième expression rituelle, j’ai aussi remarqué que certains objets métalliques ont une place et une utilité non négligeables dans certaines circonstances : je songe aux épées, aux glaives et aux bijoux. Ce n’est cependant pas ce dernier aspect qui occupera l’essentiel de mes réflexions dans la présente planche : réfléchir à l’abandon et à la restitution des métaux en Franc-maçonnerie en constitue en effet l’objet principal.

    Ma démarche : la philosophie de la rectification !

    Bien après mon séjour dans le Cabinet de Réflexion, j’ai longuement réfléchi quant au sens du verbe « rectifier » contenu dans la formule hermétiste « V.I.T.R.I.O.L. », ces lettres qui évoquent une formule alchimique exprimée en latin : « Visita Interiora Terrae, Rectificando Invenies occultam lapidem », ce qui signifie « Visite l’intérieur de la Terre, en rectifiant tu trouveras la pierre cachée ».

    Pour moi, la rectification, dont il est question dans cette formule, me rappelle que chercher la vérité, c’est observer, supposer, généraliser et corriger sans cesse. Toute observation suggère une théorie appelée à être démolie par l’expérience, par la mise à l’épreuve et par la réflexion. La rectification est donc, pour moi, l’opération essentielle qui autorise la progression du savoir : il me faut pouvoir reconnaître l’erreur.

    Grâce à mes lectures et mes recherches, je m’aperçois souvent que les explications données par tel ou tel auteur sont tantôt naïves ou simplistes, tantôt compréhensibles en fonction du contexte historique dans lequel elles ont été formulées, tantôt acceptables dans le cadre de l’alchimie, de l’hermétisme. Quoi qu’il en soit, si je veux progresser, il me faut donc remettre régulièrement en question toute tentative d’explication des rites, des symboles et des allégories.

    L'abandon des métaux

    Quel sens pouvons-nous donner à l’abandon des métaux ?

    « Pourquoi ce tabou du métal dans la Loge ? »

    Daniel Béresniak s’est aussi posé cette question. Et il a émis l’idée suivante :

    « Si, aux métaux, les Francs-maçons associent les préjugés et tout ce dont il faut se départir pour réunir et construire, c’est que, à l’origine, il y a un tabou, une interdiction dont il faut connaître l’histoire et le sens. Le symbolisme est l’étude de l’histoire des associations sémiotiques et, par conséquent, il apporte un éclairage précieux sur la nature humaine ».

    Cette voie nous invite dès lors à remonter dans le passé, à creuser le sol pour éclairer ce qu’il y a dessous, c’est-à-dire à remonter aux sources !

     

    1. Ne s’agirait-il pas de renoncer aux valeurs temporelles ?

    Dans le monde entier et en tous temps, les sociétés fermées qui se sont donné une vocation spirituelle ont apparemment exigé de leurs néophytes une « renonciation » aux valeurs temporelles. La plupart des écrivains maçons commentent en effet le symbolisme des métaux à partir de cette idée.

    A première lecture, le dépouillement des métaux serait donc à associer à la renonciation aux valeurs temporelles. Ainsi dépouillé de tout signe de reconnaissance sociale et de tout pouvoir d’acheter un bien, tout Récipiendaire est invité à sortir de cette idée d’avoir, de posséder et, de ce fait, il est aussi invité à « être », à être lui-même. Se dépouiller des métaux, c’est renoncer à confondre l’être et l’avoir.

    Il s’agissait donc pour moi de me montrer tel que j’étais, avec pureté, avec sincérité, avec une certaine innocence, comme celle de l’enfant qui va naître.

     

    2. Ne serait-il pas question de libérer l’homme ?

    Dans une explication simpliste et terre à terre, une de nos Sœurs, Amélie Gédalge, auteure d’un « Manuel du premier degré », prétend que c’est pour « libérer le Récipiendaire » qu’on le dépouille de ses métaux : « C’est pour lui enseigner que tout se paie en ce monde et qu’on ne peut espérer recevoir sans donner ».

    Et d’ajouter : « Le dépouillement des métaux symbolise encore l’abandon de l’attachement aux idées préconçues. Le profane doit s’efforcer de penser par lui-même et ne point garder de trop vif attachement pour les pensées qui lui avaient paru les plus agréables jusqu’alors ».

    L’usage de dépouiller le candidat de ses métaux est ancien mais se fait avec une rigueur variable, comme le souligne encore un auteur anonyme du 18ème siècle qui écrit ceci : « Par suite de l’aversion de la Maçonnerie pour tous les métaux, on pousse le scrupule jusqu’à faire dépouiller un homme de ses habits quand il s’y trouve du galon. L’observation est juste, mais on a souvent dérogé comme on déroge encore à cet usage dans plusieurs loges ».

    Anonyme - Le sceau rompu ou la loge ouverte aux profanes par un Franc-maçon - 1765

    Presque toutes les instructions de la fin du 18ème siècle associent le métal à la souillure. J’en veux pour preuve cet extrait d’un ancien catéchisme :

    • Pourquoi les outils de métal étaient-ils interdits ?

    • Pour que le Temple ne soit pas souillé !

    La source de l’association du métal à la souillure est biblique. Sans entrer dans des détails qui allongeraient inévitablement cette recherche, je dirais que les références bibliques nous invitent à réviser certaines idées reçues sur les notions de sacré, de profane, de pureté et de souillure.

    Le sens de ces mots a changé dans le contexte chrétien en Europe et, par suite, dans les textes maçonniques. Mais une exploration de la Bible permet d’éclairer l’association métal / impur et aussi de relier la cérémonie du dépouillement des métaux à l’assemblage en silence des éléments qui constituent le Temple.

     

    3. Abandonner les métaux, ne serait-ce pas renoncer aux richesses pour en acquérir d’autres ?

    Au niveau de la préparation du candidat avant l’Initiation, le dépouillement des métaux n’a rien à voir avec la démarche symbolique. Selon Daniel Béresniak, il s’agit d’un rite apparenté à une tradition universelle, celle qui repose sur l’idée d’une renonciation à certaines richesses pour en acquérir d’autres d’un ordre différent. L’originalité de la Franc-maçonnerie consiste en ce qu’elle rappelle ce rite sans l’appliquer entièrement puisqu’elle restitue les métaux. Par conséquent les métaux ne sont pas objet de mépris.

     

    4. Ne s’agirait-il pas d’abandonner ses passions ?

    En Maçonnerie, l’expression « les Métaux » possède les deux sens : un sens propre et un sens figuré.

    Au sens figuré, ce serait l’abandon volontaire de toute passion au moment d’entrer en Loge. Certains auteurs préfèrent en effet commenter le symbolisme de l’abandon des métaux en songeant aux passions, aux préjugés dont le Néophyte doit absolument se défaire.

    Ainsi, pour Jean-Pierre Bayard, comme pour Oswald Wirth, les métaux symbolisent « tout ce qui brille d’un état trompeur » et « en étant dépouillé des métaux, c’est l’abandon des passions, des anciennes conceptions, des préjugés ».

    Jean-Pierre Bayard - Le Symbolisme maçonnique traditionnel - p. 247

    Lorsque l’esprit est inexpérimenté, il se laisse facilement séduire par les notions fausses communément admises. Le penseur doit donc se défier des opinions reçues. La monnaie courante des préjugés vulgaires constitue une richesse illusoire que le sage doit apprendre à mépriser.

    C’est dire qu’il faut se faire pauvre en esprit si nous voulons être initiés et parvenir à concevoir la vérité. On est probablement plus près de la vérité lorsqu’on ne sait rien que lorsqu’on reste attaché à des erreurs. Mieux vaut donc ne rien posséder plutôt que d’avoir des dettes !

    Oswald Wirth écrit encore : « l’homme qui aspire à être libre doit apprendre à se détacher des choses futiles ».

    Oswald Wirth - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    Les anciens sages méprisaient le luxe. La raison leur prescrivait de réduire leurs besoins au strict nécessaire et de chercher la richesse dans l’absence de désirs immodérés. Qui vit content de rien possède toute chose !

    Remarquons cependant que la Franc-maçonnerie n’astreint pas l’Initié à faire vœu de pauvreté. Il doit simplement se souvenir que la cupidité est le pivot de tous les vices antisociaux. Le penseur doit se déplacer lui-même dans les conditions de pureté et d’innocence qu’on attribue à l’état de nature. C’est donc en revenant à la simplicité du plus jeune âge qu’on réalise les conditions les plus favorables à la recherche désintéressée du vrai.

     

    5. Abandonner les métaux, serait-ce se débarrasser de ses préjugés ?

    « Se dépouiller des métaux » est une expression symbolique qui, pour Daniel Béresniak, signifie « se débarrasser de ses préjugés ». Mais il précise qu’il faut comprendre comment les préjugés surgissent et s’établissent, reconnaître leur fonction de défense de l’intégrité du « moi ».

    Ce travail implique l’écoute sans juger. En effet, dire des préjugés qu’ils sont négatifs, dangereux, pernicieux, ne sert à rien. Il faut regarder à quoi ils servent et observer leur vie sans malveillance ni bienveillance. Plutôt avec bienveillance quand même car, si on aime la vie, on aime aussi les jeux étranges auxquels se livrent les êtres vivants pour durer et être mieux.

    Tailler sa pierre, c’est la remettre en cause, la regarder comme « à être ». C’est donc reconnaître la légitimité du devenir. Chargé de métaux, le profane est un être parlé. Libéré des métaux, l’initié devient un être parlant.

     

    6. Faudrait-il dès lors se méfier de l’impureté des métaux ?

    Quelques auteurs font en effet allusion à l’impureté des métaux.

    En ce qui concerne le sens propre des « métaux », Jules Boucher cite Leadbeater : « Le candidat se voit enlever tous ses métaux car ceux-ci peuvent gêner la circulation des courants magnétiques ».

    Leadbeater - Le côté occulte de la Franc-maçonnerie1930

    En ce qui concerne la raison de cette prohibition rigoureuse, c’est, d’après quelques auteurs, le sentiment que les métaux seraient, jusqu’à un certain point, impurs.

    Jules Boucher estime qu’on peut considérer de deux façons l’Initiation maçonnique : soit au point de vue hermétique, soit au point de vue magique. Dans le premier cas, le profane doit être pur parce qu’il représente la matière première des Sages. Dans le second cas, le profane doit être pur magiquement, c’est-à-dire que rien ne doit pouvoir gêner les influx dans lesquels il va se trouver placé.

    Raoul Berteaux estime que nous sommes en présence d’allégories qui concernent les domaines moraux et sociaux. Les traditions occultes, alchimiques et astrologiques font appel au symbolisme des métaux, dont le nombre est souvent égal à sept, comme les planètes.

    Dans la tradition occulte, alchimique et astrologique, chacun des sept métaux correspondait à une planète et, à chacune de celles-ci, on peut faire correspondre l’un des sept péchés capitaux.

    En puisant dans les ouvrages de Raoul Berteaux et dans le plus connu de Jules Boucher, j’ai pu reconstituer le petit tableau synthétique suivant :

    METAUX

    PLANETES

    PECHES CAPITAUX

    Or

    Soleil

    Orgueil

    Argent

    Lune

    Paresse

    Fer

    Mars

    Colère

    Mercure

    Mercure

    Envie

    Etain

    Jupiter

    Gourmandise

    Cuivre

    Vénus

    Luxure

    Plomb

    Saturne

    Avarice

     

    7. S’agirait-il de se protéger des ondes magnétiques ?

    « Mais pourquoi le récipiendaire est-il dépossédé de tout métal avant de se présenter à l’initiation ? » insiste Raoul Berteaux. Cet auteur prétend que tout porteur de métaux capte, à son insu, des ondes électromagnétiques et qu’il est, à tout moment, soumis à des influences qu’il ne perçoit pas et, a fortiori, qu’il ne contrôle pas.

    Débarrassé des métaux, le Récipiendaire est mis à l’abri ; il est protégé selon un processus passif, comme il sera protégé selon un processus actif en portant le Tablier qui l’isole.

     

    8. Abandonner les métaux ne serait-ce pas simplement respecter la Tradition ?

    • Une autre lecture relie la coutume du dépouillement des métaux à la tradition spécifiquement maçonnique. Cette tradition s’établit, au cours des premières années du 18ème siècle, à partir de commentaires d’un passage de la Bible où il est question de la construction du Temple de Jérusalem.

    Ce texte est le suivant :

    « Lorsqu’on bâtit la maison, on se servit de pierres toutes taillées et ni marteau, ni hache, ni aucun instrument de fer ne furent entendus dans la maison pendant qu’on la construit ». I Roi 6 7.

    • Le manuscrit Graham, un texte maçonnique de 1726, reprend d’ailleurs ce passage.

    • Le « Masonic Manual » d’Anderson, rédacteur des Constitutions, texte fondateur de la Franc-maçonnerie moderne, dit : « Nos instructions maçonniques actuelles nous enseignent que nous apprenons de l’Histoire Sainte qu’on n’entendit pas le bruit d’une hache, d’un marteau ni d’aucun outil de fer pendant sa construction».

    • Les instructions Wooler, un texte maçonnique de la fin du 18ème siècle, rédigées en Écosse, proposent un enseignement par questions et réponses dans lequel figure ceci :

      • Pourquoi les outils de fer étaient-ils interdits ?

      • C’était le meilleur moyen de montrer l’ingéniosité de la maçonnerie à cette époque, car ces matériaux étaient préparés à une si grande distance de là que, quand on les assemblait, ils s’ajustaient de façon si parfaite qu’on eût dit l’œuvre du Grand Architecte de l’Univers plus que l’œuvre d’un mortel.

    Alex Horne - Le Temple de Salomon dans la tradition maçonnique - Londres, 1972

    traduit par Daniel Béresniak aux Editions du Rocher, Paris, 1990

     

    9. Abandonner les métaux reviendrait-il à apprendre dans le silence ?

    Le discours le plus ancien sur l’abandon des métaux se réfère à l’enseignement du silence. Le métal de référence y est le fer. Le discours moderne est plus moralisateur et le métal de référence est l’or.

    L’enseignement du silence est associé à la construction.

    Les instructions Wooler précisent aussi que les outils de fer sont interdits afin de montrer l’ingéniosité de la maçonnerie. Elles dégagent deux étapes dans la construction de l’édifice (et de l’homme, et de la société) : la préparation des éléments de la construction, d’une part et l’assemblage des éléments préparés, d’autre part.

    La première étape se passe là où les éléments existent : la forêt et la carrière.

    Dans la forêt, on coupe les arbres, on les débite, on taille le bois.

    Dans la carrière, on extrait des pierres et on les taille.

    Ces préparatifs produisent du bruit, un vacarme assourdissant.

    Les éléments de bois et de pierre sont ensuite portés là où se construit l’édifice, en un lieu choisi et distingué.

    En cet endroit les éléments s’assemblent et s’emboîtent alors silencieusement.

    Ce silence témoigne pour l’intelligence et cela pour la raison suivante : ceux qui ont coupé les arbres et taillé le bois, extrait et taillé les pierres avaient déjà en tête l’image de l’œuvre accomplie. Ils avaient déjà imaginé, mesuré, calculé, prévu jusque dans les moindres détails.

    Le silence de la seconde et dernière phase de la construction, la réunion des éléments épars, est le fruit de l’intelligence qui, pour concevoir l’édifice, a réuni l’art et la science. Et ce qui a mis en marche l’intelligence, c’est la passion de créer.

    L’exercice de l’intelligence, c’est l’art de visualiser ce qui est à être, c’est l’art de créer, de dominer la nature pour réaliser un projet, c’est l’art de construire, c’est l’Art Royal.

    Le candidat à l’Initiation se présente donc sur le parvis muni de tous les outils métalliques grâce auxquels il s’est construit comme partie d’un ensemble à être. Son argent, ses clefs, sa montre, ses médailles, ses bijoux… instituent son identité et représentent son lieu d’origine, son ancrage social, ses appartenances, sa fonction sociale. Il se dépouille de ces outils de taille et ainsi signifie qu’il est prêt à s’insérer parmi ses Frères, à trouver sa juste place dans un édifice encore à construire. Il se présente sur le Parvis du Temple comme la pierre que l’architecte attend.

    Tentons ici une conclusion provisoire !

    Le discours maçonnique sur les métaux dit, dans tous les cas, qu’il faut, à un certain moment, les écarter.

    Si nous voulons tirer profit du symbolisme, il nous faut collectionner les explications que nous fournissent de nombreux auteurs et comparer ces avis car la comparaison permet de construire du sens.

    Paraître ni nu ni vêtu, dépouillé de ses métaux, c’est-à-dire dans sa plus grande simplicité, telle serait donc la perfection « symbolique » demandée au Récipiendaire, au moment où il va recevoir l’Initiation. Il est donc invité à maîtriser toutes ses passions, en particulier celles de la possession, du pouvoir, de la vanité, etc., passions qui sont inhérentes, à des degrés divers, à l’homme commun.

    Retirer les métaux et la monnaie à l’aspirant, c’est lui enlever le plus grand corrupteur des consciences ; c’est prouver matériellement le renoncement aux biens matériels ; c’est montrer que la vraie « libération » ne peut s’accomplir que par l’ascension vers l’Esprit ; c’est aussi lui redonner cette « simplicité » et cette « nudité » dont parlent les Évangiles.

    L’enlèvement des métaux correspond à la Pierre brute que l’on va donner au nouvel Initié. On le replace « symboliquement » dans l’état de nature en supprimant le métal qui caractérise précisément la civilisation et tout ce qu’elle comporte de factice.

    Certaines analogies m’ont parfois paru douteuses. C’est pourquoi il me semble qu’il nous faut nous méfier de ces rapprochements hâtifs et légers entre les métaux et les passions.

    De même, je ne suivrai pas les interprétations données par certains auteurs qui voient dans le dépouillement des métaux l’enseignement du mépris à l’égard des richesses. Cette façon de voir les choses doit probablement beaucoup à une certaine influence d’origine catholique. La Franc-maçonnerie n’exige pas de ses membres le vœu de pauvreté mais elle exalte le travail. Tout son symbolisme blasonne l’amour du travail, seule véritable source de la dignité et seul moteur du progrès individuel et collectif. La Franc-maçonnerie ne peut admettre que le travail soit une punition infligée à l’homme.

    La richesse, dans la mesure où elle est le fruit du travail est une bénédiction.

    S’il ne méprise pas la richesse, obtenue grâce à son travail, l’Initié ne se laisse pas griser par elle et sait lui attribuer sa juste place, là où elle ne gêne pas son épanouissement spirituel.

    En synthèse, l’abandon des métaux, c’est :

    • Abandonner volontairement toutes possessions et vanités

    • Abandonner ses préjugés, ses passions et ses idées préconçues

    • Renoncer aux valeurs temporelles, le temps de la purification

    • Renoncer à l’idée de posséder

    • Etre invité à être soi-même, en toute simplicité

    • Renoncer aux richesses matérielles pour acquérir des richesses spirituelles

    • Respecter la Tradition

    Tel me semble le message le plus plausible qu’évoquerait le rite du dépouillement des métaux.

    Il me faut à présent tenter d’apporter quelque réponse à la deuxième question :

    Quel sens donner à la restitution des métaux ?

    La restitution des métaux

    En Maçonnerie, le dépouillement des métaux a donc une valeur purement symbolique puisque le Néophyte les récupère après la cérémonie. Il ne s’agit pas, dans la tradition maçonnique, d’arracher le Néophyte au monde profane au sens concret du terme.

    Lorsque j’ai reçu communication des mots, signes et attouchements qui me permettraient dorénavant de me faire reconnaître Apprenti-maçon, lorsque mes Frères m’ont acclamé par la batterie d’usage et admis à prendre place en tête de la Colonne du Nord, je suis rentré en possession de ces métaux dont j’avais été dépouillé en tant que Profane.

    Le cérémonial de Réception se terminait donc par où il avait commencé ! En effet, dit Oswald Wirth, « le faux brillant des choses ne doit plus faire illusion à l’homme qui a été purifié intellectuellement et moralement. Quant aux richesses, il ne s’agit aucunement de les mépriser, mais de ne les rechercher qu’en vue de les employer dans l’intérêt de tous ».

    La Franc-maçonnerie n’exige pas de nous la renonciation au monde temporel. Elle prétend seulement nous enseigner à nous abstraire des contingences profanes, ce qui constitue la condition préalable à une réflexion sur nous-mêmes, à notre intériorisation. Elle indique la direction spirituelle, la voie « royale » qui nous permet  de cultiver notre réflexion, notre sensibilité, notre intuition.

    Formés à cette forme particulière d’ascèse, nous retournerons dans le monde profane avec des forces nouvelles.

    Notre attention ayant été attirée sur le sens du dépouillement des métaux, nous nous efforcerons donc au cours de notre vie de réaliser un équilibre aussi harmonieux que possible entre les valeurs matérielles et les valeurs spirituelles.

    Cet équilibre exclut nécessairement le mépris à l’égard des valeurs matérielles au profit des valeurs spirituelles ou réciproquement. La réalité est une totalité indissociable.

    Mais, je l’ai évoqué brièvement au début de cette planche, il y a un troisième aspect à envisager : c’est le fait de laisser dorénavant nos métaux à la porte de la Loge.

     

    Laisser les métaux à la porte du Temple

    Le Travail maçonnique dans la Loge exige aussi que l’on « laisse ses métaux à la porte du Temple ». Tous les rituels nous le rappellent ! Qu’en est-il ?

    En Loge, on ne se sert plus d’outils de fer qui préparent les pierres. Celles-ci sont prêtes. Il s’agit seulement de les assembler. Pour cela, on ne se sert que d’instruments de mesure : équerre, compas, fil à plomb, niveau, etc.… Ces instruments sont silencieux. Ils n’engagent pas les muscles mais uniquement les facultés intellectuelles.

    En Loge, tous les éléments dont nous pouvons disposer – les Frères avec leurs travaux et leurs points de vue personnels – doivent trouver leur juste place dans l’édifice, fruit du travail collectif. A ce niveau, les seuls outils sont les instruments de mesure, avec les qualités qui leur sont propres : précision et rigueur !

     R:. F:. A. B.

    Bibliographie

     

    Béresniak Daniel

    Rites et Symboles de la Franc-maçonnerie

    « Les Loges Bleues » Tome I

    Editions Detrad, Paris, 1997 - Pages 11 à 19 ; 97

     

    Béresniak Daniel

    L’apprentissage maçonnique, une école de l’éveil ?

    Editions Detrad, Paris, 1983 - Pages 112 à 115

     

    Berteaux Raoul

    La Symbolique au grade d’Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986 - Pages 77 et 78

     

    Boucher Jules

    La Symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995 - Pages 32 et 33

     

    Nefontaine Luc

    Symboles et symbolisme dans la Franc-maçonnerie

    Tome 2

    Editions de l’U.L.B., Bruxelles, 1997 - Pages 113 et 114

     

    Plantagenet Edouard E.

    Causeries initiatiques pour le travail en loge d’Apprentis

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Page 56

     

    Wirth Oswald

    La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    Tome 1 : « L’Apprenti »

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 124, 125, 147 et 157

     


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