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* Approche de l’opéra « La Flûte enchantée »
Approche de l’opéra « La Flûte enchantée »
Présentation succincte
« La Flûte enchantée », dont le titre original en allemand est Die Zauberflöte, est une œuvre musicale pour le théâtre, mi-chantée, mi-parlée. Le livret en deux actes a été écrit par Emanuel Schikaneder et la musique composée par Wolfgang Amadeus Mozart.
La première représentation eut lieu le 30 septembre 1791 dans les faubourgs de Vienne, au théâtre de Schikaneder « auf der Wieden », petite salle en bois fréquentée par un public plus populaire que celui d'une salle d'opéra habituelle.
C'est dans cet opéra que l'on entend le célèbre air de la Reine de la Nuit : « Der Hölle Rache kocht in meinem Herzen ». Du fait de son succès, la 100ème représentation fut déjà atteinte un an plus tard !
Structure de l’opéra
L'œuvre est divisée en une ouverture et deux actes, chacun subdivisé en une série de huit et treize tableaux. C'est une succession d'arias (airs chantés par un chanteur en solo), de duos, de trios, de quintettes parfois avec chœur, et entrecoupée de textes parlés. La « Marche des Prêtres « (Acte II, n° 9) n'est pas chantée, comme une sorte d'ouverture au début du deuxième acte. Les finales de chaque partie (Acte I, n° 8 / Acte II, n° 21) réunissent l'ensemble des personnages déjà présentés.
Le thème
« La Flûte enchantée » est le dernier opéra joué du vivant de Mozart. Lorsqu'il compose cette œuvre, cela fait plusieurs années qu’il a cessé d’être « à la mode » et réussit alors laborieusement à vivre de sa musique. Pourtant, il crée là l’une de ses œuvres majeures. Pour rédiger le livret de ce « singspiel » (opéra allemand où passages parlés et passages chantés sont alternés), Mozart s’adresse à Emanuel Schikaneder, comédien, metteur en scène et directeur du Theater « auf der Wieden » de Vienne. Grâce à cette association naît une histoire qui se situe à mi-chemin entre le conte de fées et la fable symbolique. « La Flûte enchantée » représente d’ailleurs l’opéra maçonnique par excellence, que seuls les initiés parviendraient à décrypter. En effet, Mozart aurait été initié en 1784. C’est pourquoi les épreuves que doit relever Tamino rappellent sans conteste l’initiation du futur Franc-maçon, de même que les oppositions Lumière / Nuit – Bien / Mal…
« La Flûte enchantée » possède les divers éléments du conte de fées traditionnel : le jeune héros, après une suite d’obstacles, retrouve – et délivre – sa bien-aimée. C’est aussi et surtout le récit d’un voyage initiatique au terme duquel, après de nombreuses épreuves, les héros triomphent du mal. En outre, la quête des héros est aussi celle de l’amour puisque Tamino et Papageno trouveront, à la fin de leur aventure, leur idéal féminin. Amour et recherche de la sagesse sont donc deux des points essentiels présents dans « la Flûte enchantée ». Pour traiter ces thèmes, l’œuvre opère un incessant va et vient entre gravité et comique (interventions de Papageno). « La Flûte enchantée » peut être analysée à la lumière des symboles maçonniques, omniprésents.
Tentative de compréhension de l’histoire
Ouverture
Dans une simplicité à la fois profonde et déjà presque surnaturelle, c'est par un enchaînement ascendant de trois accords, entrecoupés de courts silences, que débute son premier volet, joué adagio. Eux-mêmes répétés trois fois chacun lorsqu'ils sont repris plus loin (à peu près à mi-parcours de cette ouverture), ils avertissent de la solennité d'une œuvre qui mêlera la gravité et l'humour. Ces accords rappellent aussi les coups frappés à l'entrée de la Loge maçonnique et rendent ainsi manifestes les trois points de la Franc-maçonnerie (voir le chapitre Analyse esthétique). En effet, Mozart, qui était franc-maçon, avait décidé de faire l'apologie de cet ordre initiatique, dans une œuvre qui lui est entièrement consacrée.
L'allegro qui succède sans interruption à cet adagio expose un thème vif, léger et joyeux sans être désinvolte, sachant aussi devenir majestueux et porteur d'une tension dramatique : il est d'abord exposé aux violons, avant de nourrir toute la polyphonie. L'ouverture de « la Flûte enchantée » est en effet la seule de tous les opéras de Mozart (et une des rares, sinon la seule de l'époque classique) qui présente un fugato développé, après un premier épisode plus lent et solennel. Elle se rattache ainsi, à sa manière, à l'ouverture à la française de l'époque baroque. Mais son second épisode se rattache également (et encore plus sûrement) à l'allegro de sonate. Selon Jean-Victor Hocquard : « Il ne s'agit pas ici d'une fugue à proprement parler, mais d'un mouvement de sonate qui adopte par moments le style fugué. Exemple frappant de la synthèse, caractéristique du dernier Mozart, entre l'écriture contrapuntique et le langage thématique ». C'est ainsi qu'après le rappel des accords initiaux, à peu près au centre de l'allegro, l'écriture fuguée reprend, un peu plus longuement que la première fois.
La brève coda est immédiatement suivie du premier acte.
Acte I
Égaré en voyage dans un pays inconnu, le prince Tamino est attaqué par un serpent (en allemand « Schlange »). Alors qu'il s'évanouit, sûr de mourir, il est sauvé par les trois dames d'honneur de la Reine de la nuit. Pendant que le prince est encore évanoui, les trois dames chantent la beauté du jeune homme.
Elles décident d'aller porter la nouvelle à leur reine, mais chacune d'elles veut rester près de Tamino proposant aux deux autres de porter le message. Après s'être disputées, elles disparaissent. Le prince se réveille et voit le corps inanimé du monstre. Se demandant s'il a rêvé ou si quelqu'un lui a sauvé la vie, il entend soudain un air de flûte de Pan (Faunenflötchen, ou Waldflötchen : petite flûte de la forêt). Il se cache et voit arriver Papageno l'oiseleur. Au cours de leur premier dialogue, Papageno se vante d'avoir tué le serpent. Les trois dames réapparaissent et le punissent de ce mensonge en lui donnant de l'eau à la place du vin et une pierre à la place du pain sucré qu'elles lui donnent d'habitude. Pour finir, elles le réduisent au silence en lui fermant la bouche avec un cadenas d'or.
Les trois dames révèlent à Tamino qu'elles lui ont sauvé la vie. Elles lui parlent ensuite de Pamina, la fille de la Reine de la nuit. Elles lui montrent son portrait, et disparaissent. À la vue du portrait, Tamino tombe amoureux de la jeune fille et songe au bonheur qui l'attend. Réapparaissent les trois dames qui lui disent de qui Pamina est prisonnière. Aussitôt, Tamino veut la délivrer. La Reine de la nuit apparaît alors dans un grondement de tonnerre et lui narre son désespoir de voir sa fille prisonnière (c'est l'air « O zittre nicht, mein lieber Sohn »). Elle dit finalement à Tamino que si elle le voit revenir vainqueur, Pamina sera sienne pour l'éternité. Puis elle disparaît. Tamino s'interroge alors sur ce qu'il a vu et prie les Dieux de ne pas l'avoir trompé.
Apparaît alors Papageno, triste de ne plus pouvoir parler. Les trois dames réapparaissent et le libèrent de son cadenas, en lui faisant promettre de ne plus mentir. Elles remettent également à chacun un instrument qui leur est envoyé par la Reine. Tamino se voit offrir une flûte enchantée, tandis que Papageno reçoit un carillon magique. Ces instruments les aideront à triompher des épreuves qui les attendent. Les deux hommes partent en quête de Pamina chacun de son côté.
Dans le palais de Sarastro, le serviteur maure Monostatos poursuit désespérément Pamina de ses assiduités. Survient Papageno. Le Maure et l'oiseleur se trouvent face à face. Chacun effraie l'autre, croyant être en présence du Diable. Monostatos s'enfuit, et Papageno se trouve seul avec Pamina. Il lui révèle alors qu'un prince va venir la délivrer, en ajoutant que le prince est devenu follement amoureux d'elle sitôt qu'il a vu son portrait. Pamina lui fait un compliment sur son grand cœur. Touché par ces paroles, Papageno raconte alors sa tristesse de ne pas encore avoir trouvé sa Papagena. Pamina le réconforte, et la princesse et l'oiseleur s'accordent pour chanter la beauté de l'amour avant de fuir.
Pendant ce temps, Tamino est conduit vers les trois temples de la Sagesse, de la Raison et de la Nature par trois génies qui lui recommandent de rester « ferme, patient et discret ». Après que Tamino s'est vu refuser l'entrée des deux premiers temples, un prêtre s'adresse à lui pour lui expliquer que Sarastro n'est pas un monstre comme la Reine de la nuit le lui a décrit, mais qu'il est au contraire un grand sage. Tamino, saisi par la solennité de la cérémonie, veut la comprendre et se met à poser des questions aux prêtres. Il saisit sa flûte magique et en accompagne son chant. Il se retrouve alors entouré de bêtes sauvages sorties de leur repaire, et qui viennent se coucher à ses pieds, charmées par le son de l'instrument. Seule Pamina ne répond pas aux sons cristallins de la flûte, mais Papageno répond à Tamino sur sa flûte de Pan. Réjoui, le prince essaie de les rejoindre.
De leur côté, Papageno et Pamina espèrent retrouver Tamino avant que Monostatos et ses esclaves ne les rattrapent. Les voici qui surgissent tout à coup et le Maure ordonne alors que les fugitifs soient enchaînés. Papageno se souvient alors qu'il possède un carillon magique et s'en sert pour envoûter Monostatos et ses esclaves qui se mettent à danser et à chanter avant de disparaître. Une fanfare de trompettes interrompt soudain le silence : c'est Sarastro suivi d'une procession de prêtres. Papageno tremble de peur et demande à Pamina ce qu'il faut dire. Pamina répond qu'il faut dire la vérité même s'il leur en coûte, et s'agenouille devant Sarastro. Comme elle a décidé de dire la vérité, elle explique alors à Sarastro qu'elle tente d'échapper à Monostatos. Celui-ci refait alors son apparition, traînant avec lui Tamino qu'il a capturé.
Aussitôt qu'ils se voient, Pamina et Tamino se jettent dans les bras l'un de l'autre en présence de Monostatos et des prêtres. Ce dernier les sépare et se prosterne devant Sarastro pour ensuite vanter ses mérites personnels. Il s'attend à être récompensé, mais est au contraire condamné à recevoir soixante-dix-sept coups de fouet.
Sarastro ordonne alors que Papageno et Tamino soient conduits au Temple des Épreuves.
Acte II
Sarastro annonce aux prêtres que les Dieux ont décidé de marier Tamino et Pamina. Mais auparavant, Tamino, Pamina et Papageno devront traverser des épreuves avant de pénétrer dans le Temple de la Lumière qui leur permettra de contrer les machinations de la Reine de la nuit. Sarastro prie Isis et Osiris d'accorder aux candidats la force de triompher de ces épreuves.
Les prêtres interrogent Tamino et Papageno sur leurs aspirations. Celles de Tamino sont nobles, tandis que Papageno n'est intéressé que par les plaisirs de la vie, y compris par l'idée de trouver une compagne. Leur première épreuve consiste en une quête de la Vérité. Les prêtres leur enjoignent de conserver le silence complet et les laissent seuls. C'est alors qu'apparaissent les trois dames de la Reine de la nuit. Tamino leur oppose un silence résolu, mais Papageno ne peut s'empêcher de leur parler. Les prêtres réapparaissent pour féliciter Tamino et gronder la faiblesse de Papageno.
Pendant ce temps, Pamina est étendue, assoupie dans un jardin. C'est alors qu'entre Monostatos, décidé à attenter à nouveau à la vertu de la jeune fille. La Reine de la nuit apparaît alors dans un coup de tonnerre, faisant fuir Monostatos. Elle donne un poignard à sa fille et la somme de tuer Sarastro, menaçant même de la renier si elle ne lui obéit pas (Air de la Reine de la nuit).
Et la Reine de la nuit disparaît. Monostatos revient alors vers Pamina et tente de la faire chanter. Mais Sarastro apparaît et renvoie Monostatos sans ménagement. Le Maure décide d'aller trouver la mère de Pamina. Sarastro déclare alors à Pamina qu'il fera payer sa mère.
Dans une pièce sombre, les prêtres ont une nouvelle fois demandé à Tamino et Papageno de garder le silence. Comme toujours Papageno ne peut se maîtriser et engage la conversation avec une vieille femme qui se présente à lui. Elle disparaît avant de lui avoir dit son nom.
Pamina entre et, ignorante de leur vœu de silence, s'approche des deux hommes. Mais elle désespère de recevoir une réponse de leur part. Croyant que Tamino ne l'aime plus, elle sort le cœur brisé.
Les prêtres réapparaissent et proclament que Tamino sera bientôt initié. Sarastro le prépare à ses dernières épreuves. Pamina est introduite les yeux bandés après qu'on lui a dit qu'elle verrait Tamino pour qu'il lui fasse un dernier adieu. Il s'agit en fait d'une épreuve et Sarastro s'applique à rassurer Pamina, mais elle est trop abattue pour comprendre le sens de ses paroles.
Pendant ce temps, Papageno se voit accorder le droit de réaliser un vœu. Il demande un verre de vin, mais prend conscience qu'il aimerait par-dessus tout avoir une compagne. Il chante alors son désir en s'accompagnant de son carillon magique. La vieille femme réapparaît, et menace Papageno des pires tourments s'il ne consent pas à l'épouser. Il lui jure alors fidélité et elle se transforme en une jeune et belle femme. Mais un prêtre les sépare sous prétexte que Papageno ne s'est pas encore montré digne d'elle.
Dans un jardin, les trois génies annoncent l'avénement d'une ère nouvelle, de lumière et d'amour. Ils voient soudain Pamina, agitée par des idées de suicide. Ils la sauvent et la rassurent sur l'amour de Tamino.
Les prêtres conduisent Tamino vers ses deux dernières épreuves : celle du feu et celle de l'eau. Pamina se joint à lui, et le guide à travers ses dernières épreuves. Ils sont accueillis triomphants par Sarastro et les prêtres.
De son côté, Papageno est toujours à la recherche de Papagena. Désespéré, l'oiseleur envisage de se pendre à un arbre. Les trois génies apparaissent alors, et lui suggèrent d'utiliser son carillon magique pour attirer sa compagne. Profitant de ce qu'il joue de l'instrument, les trois génies vont quérir Papagena et l'amènent à son amoureux. Après s'être reconnu, le couple peut enfin converser dans la joie.
À la faveur de l'obscurité, Monostatos mène la Reine de la nuit et ses dames vers le temple pour une dernière tentative contre Sarastro. Mais le ciel est alors inondé de lumière et elles s'évanouissent dans les ténèbres ainsi que lui. Sarastro et le chœur des prêtres apparaissent pour vanter les mérites des nouveaux initiés, et louer l'union de la Force, de la Beauté et de la Sagesse (Stärke, Schönheit, Weisheit).
Les airs chantés
Acte I
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n° 1 Introduction« Zu Hilfe! Zu Hilfe! » (Tamino, Trois dames)
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n° 2 Aria « Der Vogelfänger bin ich ja » (Papageno)
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n° 3 Aria« Dies Bildniss ist bezaubernd schön » (Tamino)
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n° 4 Aria« O zittre nicht, mein lieber Sohn! » (Reine de la nuit)
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n° 5 Quintette« Hm! hm! hm! » (Papageno, Tamino, Trois dames)
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n° 6 Trio« Du feines Täubchen nur herein! » (Pamina, Monostatos, Papageno)
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n° 7 Duo « Bei Männern, welche Liebe fühlen » (Pamina, Papageno)
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n° 8 Finale« Zum Ziele führt dich diese Bahn » (Trois garçons, Tamino, Pamina, Papageno, Orateur, Monostatos, Sarastro, chœur)
Acte II
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n° 9 Marche des prêtres
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n° 10 Aria « O Isis und Osiris » (Sarastro, chœur d'hommes)
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n° 11 Duo « Bewahret euch vor Weibertücken »(Deux prêtres, Orateur)
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n° 12 Quintette « Wie? Ihr an diesem Schreckensort? » (Trois dames, Tamino, Papageno)
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n° 13 Aria « Alles fühlt der Liebe Freuden » (Monostatos)
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n° 14 Aria « Der Hölle Rache kocht in meinem Herzen » (Reine de la nuit)
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n° 15 Aria « In diesen heil’gen Hallen » (Sarastro)
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n° 16 Trio « Seid uns zum zweitenmal willkommen » (Trois garçons)
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n° 17 Aria « Ach, ich fühls, es ist verschwunden » (Pamina)
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n° 18 Chœur des prêtres « O Isis und Osiris, welche Wonne! » (chœur d'hommes)
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n° 19: Trio « Soll ich dich, Theurer, nicht mehr seh’n? » (Pamina, Tamino, Sarastro)
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n° 20: Aria « Ein Mädchen oder Weibchen » (Papageno)
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n° 21: Finale « Bald prangt den Morgen zu verkünden » (Trois garçons, Pamina, deux hommes en armure, Tamino, Papageno, Papagena, Monostatos, Reine de la nuit, Trois dames, Sarastro, chœur)
Instrumentation de « La Flûte enchantée »
Quels sont les instruments de musique utilisés dans cet opéra ?
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un ensemble d’instruments à cordes : les premiers violons,les seconds violons, les altos, des violoncelles, des contrebasses ;
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un ensemble de « bois » : deux flûtes, l'une jouant aussi du piccolo ; deux hautbois ; deux clarinettes jouant aussi du cor de basset ; deux bassons ;
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un ensemble de « cuivres » : deux cors, deux trompettes ; trois trombones (alto, ténor et basse) ;
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des percussions: deux timbales, un glockenspiel.
L’orchestration de l’opéra
C'est un orchestre symphonique classique qui sert de base à l'instrumentation de « la Flûte enchantée », une des flûtes jouant le piccolo, les clarinettes, dans différents tons comme les trompettes, jouant elles du cor de basset cher à Mozart dans ses musiques de chambre pour vents.
À noter l'utilisation de plus en plus fréquente des trois trombones (alto, ténor et basse) et, dans l'avant-dernier numéro (Acte II, no 20), la présence du glockenspiel fréquemment remplacé par un célesta confié à un pianiste (arpèges très virtuoses en accompagnement du couplet final). Dans l’aria « Der Vogelfänger bin ich ja » (Acte I, n° 2), Papageno doit jouer de la flûte de Pan, le plus souvent doublée par le piccolo de l'orchestre ou parfois par une flûte à bec.
Tentative d’analyse esthétique
Combat de la lumière contre la nuit, les illusions et les tromperies permettent l'instauration d'un ordre nouveau, héritant de l'ordre ancien et des Lumières. Le bien, symbolisé par l'amour trouvé par les personnages, triomphe.
Le choix de la flûte repose sur le fait que cet instrument est symbole d'air, fabriqué sous l'averse (symbole d'eau) au bruit du tonnerre (symbole de la terre) et à la lueur des éclairs (symbole du feu). Le pouvoir magique de cette flûte vient du fait qu'elle réunit les quatre éléments primordiaux en elle.
La hiérarchie des rôles principaux est faite de complémentarités :
Soleil – Lune
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Sarastro est le symbole statique de l'homme, du bien, il ne connaît pas la passion. Il garde le domaine de l'Esprit en ayant succédé au père de Pamina qui en était le Maître. Il est symbolisé par le Soleil. Il est inspiré du personnage de Zoroastre.
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La Reine de la nuit est le symbole de la révolte de la femme contre la suprématie de l'homme. La Reine de la Nuit est le symbole de l'ignorance et des superstitions. Passionnée, elle apparaît comme manipulatrice et prêt à tout pour arriver à ses fins. Elle est symbolisée par la Lune. Elle ne représente pas le mal en soi, mais plutôt, la passion non raisonnée, l'ignorance, les superstitions et les mauvais sentiments.
Feu - Eau
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Tamino est destiné à former le couple dans la plus haute acception du terme grâce à l'amour lui faisant surmonter les épreuves de l'initiation. Il est symbolisé par le feu et joue de la flûte magique.
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Pamina est complémentaire de Tamino en étant le moteur de leur initiation commune. Elle change de monde en passant du règne de la Nuit à celui du Soleil par l'amour et par l'initiation. Elle est symbolisée par l'eau.
Air – Terre
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Papageno, figure l'humanité « ordinaire » pleine de bonne volonté mais sans courage et sans intelligence. Il est donc « indigne » d'être initié. Il est au service de la Reine de la Nuit mais son voyage avec Tamino lui permet de passer dans le règne du jour. Il est symbolisé par l'air. Son nom, et celui de « Papagena », sont fondés sur le mot allemand « Papagei » qui signifie « perroquet ». C'est pour cette raison que leur costume est couvert de plumes multicolores.
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Monostatos le Maure est le seul homme du Royaume de la nuit après sa trahison (il fait le chemin inverse de Papageno). Sa noirceur de Maure est liée à son état civil traditionnel des gardiens d'esclaves. Elle évoque aussi l'obscurité de la Terre qu'il symbolise.
En faisant abstraction des étiquettes (nuit, lumières, etc.), la trame apparaît complexe, mêlant des éléments classiques et d'autres plus originaux. On y voit notamment :
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une puissance (la reine) qui demande l'aide de quelqu'un qui n'est pas encore armé, et auquel elle fournit les instruments du succès ; devenu prince victorieux, il la supplante ;
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un homme (le prince) qui échappe à sa condition de serviteur en conquérant pour son propre compte ce qu'il avait pour mission de reprendre, et en exploitant intelligemment une idéologie à laquelle il se soumet en apparence (l'histoire ne dit pas s'il le fait réellement) ;
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un homme (le prince) et la femme qu'il aime qui traversent victorieusement des épreuves initiatiques, apprennent à se maîtriser (cacher leurs sentiments, etc.) et par là conquièrent le monde (l'amour, le trône) ; un autre homme (le serviteur) et la femme qu'il aime agissent naïvement et se font conquérir ;
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un penseur, philosophe, qui instruit le chevalier pour faire triompher la Lumière et la Sagesse, fonde grâce à lui une domination légitime, de sorte que le monde retournera à l'équilibre (comme du temps où le père de Pamina et mari de la Reine de la Nuit régnait avant Sarastro) ;
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une révolution où tout est changé : au début de cet opéra, tout est chaos et lutte entre la Reine de la nuit et Sarastro. Par la double initiation de Tamino et Pamina, la force et la noblesse du couple ayant vaincu les obstacles, la Beauté et la Sagesse sont couronnées pour l'éternité, la terre devient un royaume céleste et les mortels sont semblables aux dieux.
Les thèmes abordés dans cet opéra sont pour beaucoup empruntés au rituel d'initiation de la Franc-maçonnerie dont Mozart et le librettiste Emmanuel Schikaneder faisaient partie bien que, pour Schikaneder, celui-ci en ait été chassé, n'ayant jamais dépassé le grade de Compagnon. Le parcours initiatique de Tamino et Pamina (voués au dieu Min) dans le Temple de Sarastro est inspiré des cérémonies d'initiation maçonnique au sein d'une Loge.
Dans son ouvrage « La Flûte enchantée, opéra maçonnique » (Editions Robert Lafont), le musicologue Jacques Chailley explore les riches allusions musicales aux symboles maçonniques. Rien que dans les premières notes de l'ouverture, on reconnaît le rythme 5 (-/--/--) symbolisant les femmes puis se succèdent trois accords, chacun répété trois fois, dans une tonalité en mi bémol majeur comportant trois bémols à la clef. On peut y voir une allusion au Nombre de l'Apprenti [1], symbolisant l'harmonie de la trinité Osiris, Isis et Horus, assurant l'unité et l'équilibre du monde.
Mozart, Franc-maçon dévoué à l'initiation, décide d'écrire une œuvre retraçant les grands mystères et célébrant enfin les noces alchimiques annoncées dans les opéras initiatiques que sont « Les Noces de Figaro », « Don Juan » et « Cosi fan tutte ».
Le compositeur rêve de ressusciter l'initiation égyptienne perdue et si importante à ses yeux pour la paix du Monde. Il veut redonner la place aux femmes, oubliées et pourtant au centre des croyances initiatiques. Certains observateurs estiment que le génie de Mozart s'exprime pleinement dans cet opéra qui atteint une perfection inégalée auparavant parce qu'il transporte l'auditeur au sein d'un rituel initiatique.
Un peu avant la fin de l'initiation, dans la troisième scène du « Finale » (acte 2, vingt-huitième entrée), au moment où Tamino est conduit au pied de deux très hautes montagnes par deux hommes en armure, Mozart fait aussi entendre le choral luthérien « Ach Gott, vom Himmel sieh darein » (Ô Dieu, du ciel regarde vers nous). Il est traité en choral figuré, chanté par les deux voix d'hommes en cantus firmus sur les mots « Der, welcher wandert diese Strasse voll Beschwerden, wird rein durch Feuer, Wasser, Luft und Erden,… » (Celui qui chemine sur cette route pleine de souffrances sera purifié par le feu, l'eau, l'air et la terre…) : s'élevant en valeur longues au-dessus d'une polyphonie en contrepoint, à l'orchestre. Ce choral rappelle la manière d'un Jean-Sébastien Bach.
Quelques mots à propos de la création de cet opéra
« La Flûte enchantée » est le prolongement d’une collaboration de Mozart avec la compagnie du Theater « auf der Wieden », un nouveau théâtre dans les faubourgs de Vienne, dirigé par Emanuel Schikaneder. L’empereur Joseph II autorise à cette époque l’ouverture de théâtres libres dans lesquels sont représentées des œuvres en langue allemande.
Cela explique sans doute pourquoi, après le succès mitigé de Don Giovanni (Don Juan), des Nozze di Figaro (Les Noces de Figaro) et de Cosi fan tutte, dans le domaine de l’opéra italien aristocratique, Mozart accepte la proposition que lui fait Schikaneder d’écrire à nouveau un « Singspiel » à la manière populaire de son théâtre avec des effets spéciaux et de la magie, d’autant plus populaire qu’il sera écrit dans une langue intelligible par tous et s’adressera à toutes les classes sociales.
La salle de spectacle n'est pourtant pas un théâtre de deuxième ordre, comme on l’a souvent affirmé: elle dispose au contraire d’importantes ressources techniques, qui ont permis les nombreux effets spéciaux et changements de décor qui abondent dans « la Flûte enchantée » et déterminent sa structure dramaturgique.
L’opéra relève en effet de l’esthétique du merveilleux et du spectaculaire propre au monde germanique, ce que remarquera Weber, ainsi que Wagner. Ainsi qu'il est apparu depuis peu, selon « l'Avant-scène opéra », Schikaneder faisait participer tous ses collaborateurs à ce qui était un travail de groupe, groupe auquel s'est joint Mozart, pour sa plus grande satisfaction, dans le but de divertir et de surprendre par des apparitions. C'est là qu'est l'originalité de la « Flûte ». Schikaneder a mis en scène d'une manière originale, la sienne, un conte de Wieland, « Lulu oder die Zauberflöte » (1786), qui est un conte de fée et y a ajouté des éléments d'une Initiation à la Franc-maçonnerie, mélangeant les genres « buffa » et « séria » (l'air de la Reine de la nuit), avec éclectisme.
« La Flûte enchantée » est, d’après le musicologue Alain Patrick Olivier, une œuvre collective résultant de la collaboration de Mozart avec la plupart des autres participants avec lesquels il entretenait des liens familiaux, fraternels ou idéologiques.
L’œuvre serait la réalisation en acte d’un principe maçonnique fondamental consistant à réaliser en commun un travail à destination spirituelle.
Le travail n’obéissait pas alors à une division stricte et la notion d'auteur comme génie propagée par le romantisme, justement à propos de Mozart, n'avait pas encore cours. Mozart a participé lui-même activement à l’écriture du livret, tandis que Schikaneder aurait composé lui-même certains numéros de musique (comme les deux airs de Papageno et le duo avec Pamina).
La symbolique maçonnique dans « La Flûte Enchantée »
Pour les Profanes, « la Flûte enchantée » apparaît soit comme un conte de fée ou encore comme une épopée amoureuse qui inclut le parcours d'un couple, Pamina et Tamino, vers la Connaissance, la connaissance de soi et partant celle des autres. Mais allons un tout petit peu plus loin. Comme Francs-maçons, nous pouvons y voir rapidement des liens. Tentons de déceler à présent certains éléments symboliques de l'œuvre. Il n’est pas possible de les mentionner tous car il y en a beaucoup trop.
L'action de « la Flûte Enchantée » reprend l'affrontement des clans symbolisés par le Jour et la Nuit l'Homme et la Femme, Sarastro et la Reine de la Nuit. Ce dualisme de situations suggère d'utiliser les deux Colonnes du Temple, Jakin et Boaz, pour aborder l'aspect symbolique de l'opéra. En effet, dans le respect des diverses significations allouées aux Colonnes, tentons de répartir les éléments majeurs de l’œuvre, à savoir : les principaux personnages, les objets et les décors.
Sur la Colonne du Sud, du côté de Jakin, peuvent prendre place SARASTRO ou le Soleil, TAMINO ou le Feu, PAPAGENO ou l'Air, l'Or de la Flûte, le Nombre 3 des batteries, la couleur rouge, la Maçonnerie masculine. Sur la Colonne du Nord, nous trouvons la Nuit ou la Reine du même nom, PAMINA ou l'Eau, MONOSTATOS ou la Terre, l'argent du Glockenspiel, le Nombre 5 des batteries, les couleurs blanche et noire, la Maçonnerie féminine ou d'adoption. Il faut souligner qu'on pourrait de la même manière répartir les éléments de la partition, à la note près dans beaucoup de cas.
Par ailleurs, nous verrons que PAPAGENO et MONOSTATOS permuteront sur les colonnes au cours de l'action : le premier quittera le camp de la Reine de la Nuit pour rejoindre celui de TAMINO et donc de SARASTRO. Le Maure fera le trajet inverse.
Examinons plus en détail les personnages et les objets alignés sur les Colonnes.
SARASTRO (J) : Sarastro évoque le nom de Zoroastre l'initié. Ce nom est inspiré de ZOROASTRE ou ZARATHOUSTRA, personnage historique et légendaire. Le vrai ZOROASTRE, expert en astronomie, serait l'inventeur de la magie. Dans l'opéra, il ne connaît ni passion, ni aventures.
Sans compagne, symbole solaire vivant, il règne sur un monde d'initiés masculins dont il veille à maintenir la suprématie sur le Monde des femmes et de la Nuit. Il a hérité des pouvoirs de l'époux décédé de la Reine de la Nuit matérialisés par un disque solaire porté en pendentif.
La Reine de la Nuit (B) : symbole lunaire de la révolte contre le sexe fort. Sarastro est symbole statique de l'homme, du bien ; il ne connaît pas la passion. Il garde le domaine de l'Esprit en ayant succédé au père de Pamina qui en était le Maître. Il est symbolisé par le Soleil.
TAMINO (J) : ce nom signifie « Homme consacré au dieu égyptien Min ». Il est prince, personnage de catégorie supérieure. Il subira, comme tout homme ordinaire, les épreuves de l'Initiation.
PAMINA (B) : ce devait être TAMINA, « Femme consacrée au dieu Min ». Fille de la Reine de la Nuit, l'Initiation la fera changer d'univers. Son personnage est chargé de symboles. Pamina est l'âme de Tamino, son moteur de leur initiation commune. Elle change de monde en passant du règne de la nuit à celui du Soleil par l'amour et par l'initiation. Symbole de l'Eau.
PAPAGENO (J) : en vieux français, le mot « Papageal » signifiait « perroquet ». Pourvoyeur des volières de la Reine et fournisseur du royaume en frivolités, il représente l'homme faible qui échoue dans sa démarche initiatique. Par construction théâtrale, il forme avec PAPAGENA le pendant au couple noble, et contribue à une fin heureuse de l’œuvre. Ce personnage avait été taillé sur mesure pour Emmanuel Schikaneder, avant tout, acteur comique.
MONOSTATOS (B) : (en grec : l'isolé). Noir de peau, comme l'est souvent le gardien d'esclaves mais aussi la brebis « galeuse » du troupeau, l'homme entré par erreur en Franc-maçonnerie. Il rejoindra d'ailleurs le Royaume de la Nuit.
Le noir le place sur la Colonne du Nord et l'associe au signe de « Terre ». Charnel, il appelle souvent PAMINA, dans ses assauts, ma petite colombe. Rappelons-nous que de l'arche de Noé se sont envolés un corbeau noir et une blanche colombe. Le premier, symbole du Mal, vole encore indéfiniment sans savoir où se poser. La seconde est revenue à l'arche en serrant dans son bec un rameau d'olivier, symbole de la paix.
Monostatos semble être la contraction de « mono » (un) et de « statos » (statique, celui qui n'évolue pas...) Monostatos le Maure est le seul homme du Royaume de la Nuit après sa trahison (il fait le chemin inverse de Papageno). Sa noirceur de Maure est liée à son état civil traditionnel des gardiens d'esclaves. Elle évoque aussi l'obscurité de la Terre qu'il symbolise.
PAPAGANA (B) : échoue dans les épreuves mais passe du physique d'une vielle femme à celui de la ravissante compagne de PAPAGENO. Du signe d'Eau, elle renverse une cruche sur ce dernier pendant son initiation.
Les trois Dames (B) : Au service de la Reine de la Nuit, elles sont les initiées féminines de l'époque.
Les trois enfants (J) : Pendants des trois dames dans le camp adverse, ils guident TAMINO et PAPAGENO vers le temple. Enfants, car les impétrants ne vont avoir que trois ans.
La Flûte enchantée (J) : (on devrait dire « magique »). Elle a un rôle modeste sans rapport avec ce que le titre peut laisser espérer. Ce titre a été maintenu pour attirer le public populaire. Elle est dorée, taillée dans un arbre millénaire. Par son usage, elle est liée à l'Air ; conçue par une nuit d'orage et de tonnerre, elle est aussi proche des éléments Eau, Terre et Feu. Réunissant les quatre éléments dans sa fabrication, elle est parfaite. Mozart, qui a par ailleurs écrit beaucoup pour cet instrument, a volontairement limité son importance musicale dans l'opéra. Elle n'est utilisée par TAMINO que dans ses moments de doute et de solitude.
Le glockenspiel (B) : pour des raisons de mise en scène, le vrai carillon reste dans la fosse d'orchestre, Sur la scène, fait de bois et d'acier, il est du signe de Terre et neutralise tous les éléments malveillants du même signe, notamment MONOSTATOS. Il attire, en revanche, PAPAGENA qui est d'un signe différent.
Après avoir attribué aux principaux personnages et objets de l’œuvre une place dans le temple, nous pouvons avoir une lecture différente du livret qui retrace les étapes préinitiatiques et les épreuves d'une initiation commune par laquelle Mozart propose de régler le conflit entre l'Homme et la Femme. Le premier acte : Il présente les préparations individuelles aux épreuves. TAMINO : Fuyant devant le serpent, symbolisant l'éveil des sens les plus naturels, ce prince japonais, donc venant de l'Orient, là où se lève le soleil éternellement, fuit sa condition de vie. Certes armé d'un arc puissant de potentialités certaines, il est malgré tout faible sans les flèches de l'expérience. D'épuisement et de frayeur, il s'évanouit, comme tous les futurs élus à un passage de grade, à une prise de fonction dans beaucoup de religions et surtout en Franc-maçonnerie.
Cette notion forte veut qu'on renaisse à une vie éternelle. A ce sujet, Mozart écrivit à son père mourant : « Comme la mort est le vrai but de notre vie, je me suis tellement familiarisé, depuis quelques années (depuis son entrée en Maçonnerie, avec cette véritable et excellente amie que son visage non seulement n'a plus rien d'effrayant pour moi, mais m'apparaît comme très apaisant et très consolant ».
Mozart reconnaît avoir reçu de la Maçonnerie un réconfort bien plus puissant que celui de l'Eglise face à la question de la mort. Il fait dire à SARASTRO que si TAMINO meurt dans les épreuves, il lui sera donné de goûter les joies divines auprès d'lsis et d'Osiris. TAMINO subit donc une première transformation. Quant au serpent, il est tué et découpé en trois morceaux par trois Dames avec une arme en argent.
Il faut rappeler que l'Initiation dans les Loges d'Adoption demande à l'impétrante de tenir un serpent, instrument de la tentation dans le jardin de l'Eden. Les trois Dames représentent la Maçonnerie féminine de l'époque. Elles sont toujours voilées car, imparfaitement initiées, elles ne peuvent avoir une vision correcte du monde extérieur. A son éveil, TAMINO découvre à son chevet PAPAGENO.
Les trois Dames, après avoir longuement chanté la beauté du jeune homme sont parties rendre compte à la Reine de la Nuit. PAPAGENO est du signe d'Air, complémentaire au signe de Feu de TAMINO.
Ayant menti en se déclarant le vainqueur du serpent, il est, au retour des trois Dames, muselé d'un cadenas comme l'est aussi l'impétrante lorsqu'on lui plaque sur les lèvres la truelle du sceau de la discrétion. Les trois Dames, renonçant à toute aventure galante avec TAMINO, lui proposent de libérer PAMINA, fille de la Reine de la Nuit et retenue prisonnière par SARASTRO, le Maître du Royaume Solaire. Elles lui donnent un portrait de PAMINA dont TAMINO tombe aussitôt amoureux. PAPAGENO doit l'accompagner dans cette mission.
PAMINA : après son enlèvement au milieu de cyprès, le sombre destin préfiguré par ce cadre mortuaire semble se poursuivre. Elle est sous la garde du perfide et charnel MONOSTATOS dont le signe de Terre est complémentaire du signe d'Eau de sa prisonnière.
En conformité avec son signe d'Eau, nous apprenons qu'elle a tenté de fuir par un canal. Elle a échoué, insuffisamment préparée aux épreuves de la vie. Rattrapée par son gardien, comme TAMINO, elle s'évanouit. C'est ainsi que nous la découvrons en scène. Subissant aussi une « transformation », elle est également rappelée à la vie par PAPAGENO qui lui décrit TAMINO et annonce qu'il est en route pour la délivrer.
Dans un touchant parallélisme, elle tombe amoureuse du jeune homme à l'écoute de sa description. Il est indiqué à TAMINO par trois jeunes garçons qui prennent la relève des trois Dames après la préparation. Ces enfants symbolisent par leur jeunesse la possibilité de grandir en connaissance pour devenir des hommes sages. Ils guident TAMINO jusqu'à la porte du temple. Pas mieux que ne l'auraient fait trois enquêteurs. A la porte Nord du temple, du côté obscur, un vieux prêtre l'accueille et va le faire passer sous le bandeau.
En effet TAMINO explique sa mission mais se heurte au calme du prêtre qui se contente de rectifier la sombre description faite de SARASTRO. Il apprend à TAMINO que pour entrer dans le temple, il doit subir les épreuves d'une initiation. Une décision à ce sujet lui sera bientôt communiquée. Se retrouvant seul à l'extérieur du palais et décontenancé, il joue de la flûte. PAPAGENO, du signe d'Air, lui répond aussitôt.
Il vient d'échapper avec PAMINA, à MONOSTATOS en jouant du glockenspiel. L'instrument en argent, du signe de Terre, a repoussé le gardien du même signe. Dans cette fuite, PAMINA a demandé la protection de SARASTRO entreprenant ainsi une démarche vers l'initiation, parallèle à celle de TAMINO.
SARASTRO décide alors de ne pas libérer PAMINA, de punir MONOSTATOS et de proposer au conseil l'initiation du couple. TAMINO, les yeux bandés, peut pénétrer dans le palais. Il traite des épreuves initiatiques au grade d'apprenti, des voyages et de la confrontation aux quatre éléments.
En ouverture, Mozart nous montre une marche solennelle des prêtres, régulière et rythmée. Dans une allusion au rite égyptien de Memphis-Misraim, SARASTRO invoque Isis et Osiris, et adresse une prière au Grand Architecte de l'Univers. La scène se passe dans une palmeraie où les troncs sont en argent et les palmes en or. Nous savons que le palmier est une plante solaire et que les palmes sont signes de victoire, notamment sur la mort dans beaucoup de religions.
Quant aux palmiers de l'opéra, ils nous rappellent que les hommes, les palmes d'or, sont bien sûr issus de la femme, le tronc en argent, mais finissent toujours par les dominer.
Les trois Dames sortent de terre et tentent de faire renoncer TAMINO à l'initiation en discréditant les initiés, les prêtres. Dans ses réponses, Mozart fait dire à TAMINO ce qu'il pense des attaques publiques contre la Maçonnerie. TAMINO refuse le discours des trois Dames. Au contraire, il renforce sa détermination, il « rédige » ainsi son testament philosophique et réussit l'épreuve de la Terre.
Sur le plan scénique, le Cabinet de Réflexion est rendu par un éclairage atténué, un décor de colonnes brisées, des débris de pyramides, des buissons d'épines et de lointains grondements de tonnerre. Au milieu de symboles de Terre : un jardin avec des bancs en gazon, des haies taillées en fer à cheval, PAMINA est endormie. Il fait nuit mais avec un ciel étoilé (le Royaume de la Nuit est là) et un clair de lune (astre féminin) soutenu.
PAMINA dort parmi des roses semblables à celles qui ornent le sautoir de la Grande Maîtresse des loges d'adoption. PAMINA est dans le Cabinet de Réflexion, mais elle est dérangée par MONOSTATOS. Dans l'opposition de la noirceur du visage du Maure penché sur le sien baigné par la blanche clarté lunaire (le noir et le blanc sont les deux couleurs de la féminité), elle subit les assauts des forces élémentaires et instinctives de la Terre dans le Royaume de la Nuit.
La Reine de la Nuit surgit du sol et fait fuir à l'écart le Maure. Elle tente de discréditer SARASTRO, arme sa fille d'un poignard et lui demande, dans un air célèbre, de l'assassiner sous peine de la renier en cas de refus. Le sens profond de la pièce, le conflit entre les Royaume du Jour et de la Nuit, entre l'Homme et la Femme, est clairement rappelé par les paroles. MONOSTATOS, témoin de la scène et convoitant les pouvoirs de SARASTRO matérialisés par le cercle solaire, va encourager PAMINA à réaliser ce meurtre et tenter d'abuser d'elle sous la menace de tout révéler si elle refuse.
Arrive alors SARASTRO (le livret précise qu'il est sur un char tiré par des lions) qui fait arrêter MONOSTATOS et met fin à l'épreuve de la Terre de PAMINA. La nature de l'épreuve est annoncée par l'arrivée du char volant des trois enfants sur une musique très aérienne, fluide et sans basses. Le char est couvert de roses. Les trois enfants rendent à TAMINO et PAPAGENO leurs métaux : la flûte et le carillon. Ils apportent également un plateau chargé de victuailles et de vins.
PAPAGENO a le tort de se jeter dessus, échouant ainsi dans cette épreuve. TAMINO, comprenant qu'on lui propose de choisir entre la chair et l'esprit, ignore cette nourriture et joue de la flûte. Il réussit l'épreuve de l'Air mais fait venir PAMINA à laquelle il ne peut adresser la parole. Il s'acquitte de son devoir de fermeté devant les femmes par deux fois : devant les trois Dames et devant PAMINA.
On a vu qu'elle est associée à celle de TAMINO dans un rôle passif et cruel. Présentée voilée devant SARASTRO et les prêtres réservés, l'orchestre sonne alors les douze coups de Midi de l'Ouverture des Travaux…
Seule, elle a ensuite la marche irrégulière et affolée de l'impétrant lorsqu'elle veut se poignarder devant le silence de TAMINO croyant que celui-ci ne l'aime plus. Les trois enfants retiennent son geste. Les épreuves communes de l'Eau et du Feu.
C'est une des scènes les plus visuelles de la pièce. Elle commence avec les trois coups rituels. On entend le grondement de l'eau et le crépitement des flammes. Le décor représente deux montagnes. L'une, surmontée de nuages noirs, est recouverte par une cascade. L'autre crache du feu dans un ciel rougeoyant. Le reste de la scène est occupé par des rochers. Le rouge du feu, signe masculin, est associé au noir de l'eau, signe féminin. TAMINO est vêtu légèrement d'une tunique. Il a les pieds nus. Deux hommes en cuirasse l'encadrent. Leurs casques sont enflammés. Ils sont les gardiens du Feu et de l'Eau mais rappellent aussi par leur tenue les combats que l'Homme doit affronter. C'est l'allusion aux cliquetis des épées que nous connaissons. Il faut aussi souligner la différence de protection dont jouissent les initiés et les profanes.
Les deux gardes lisent à TAMINO l'inscription figurant sur la tombe d'Hiram: « Celui qui s'engage sur cette route pleine de dangers sera purifié par le Feu, l'Eau, l'Air et la Terre. S'il peut surmonter la terreur de la mort, il s'élancera de la terre vers le ciel. Il sera alors en état de recevoir la Lumière et de se consacrer tout entier aux mystères d'lsis ».
Au moment où TAMINO se dirige vers les flammes, il est rejoint par PAMINA qui veut partager avec lui les dangers du voyage. Elle révèle à TAMINO l'histoire de la flûte et l'intervention des quatre éléments dans sa conception. La Flûte change alors de dimension, de signe d'Air elle devient le symbole de la puissance divine de la musique. En jouant de l'instrument, donc en utilisant l'Air, TAMINO, signe de Feu, accompagné de PAMINA, signe d'Eau, va affronter au sein de la Terre (ils disparaissent derrière des rochers) les deux éléments de leur symbole respectif : le Feu et l'Eau. Nous sommes aussi les témoins d'une « Reconnaissance conjugale ». PAMINA n'est plus la femme inférieure du Royaume de la Nuit mais le complément indispensable dans le couple. Elle suit l'Homme dans ses épreuves et son ascension. Mozart nous montre de belle manière comment on peut, dans son activité professionnelle, appliquer la symbolique maçonnique, cet extraordinaire moyen de véhiculer à travers les âges nos idéaux. La méditation de son exemple ne peut-elle pas nous aider à développer nos valeurs ?
En quoi « La Flûte Enchantée » est-elle une Initiation maçonnique ?
Le 5 décembre 1791, Wolfgang Amadeus Mozart entre dans la nuit éternelle. Pressentant son prochain passage à̀ l’Orient Éternel, notre très illustre Frère du 18ème siècle a voulu léguer au monde son testament philosophique.
C’est dans les trois derniers mois de sa vie que Mozart a composé un triptyque musical considéré́ comme son testament philosophique, à savoir « La Clémence de Titus », « la Flûte Enchantée », le « Requiem ».
Au centre de ce triptyque, « la Flûte Enchantée » constitue l’oeuvre de Mozart à la fois la plus ésotérique et la plus riche de symboles, à l’image de son Initiation maçonnique.
Quelques temps après la cérémonie de notre Initiation personnelle, il convient de tracer une petite planche de rodage et de tenter d’y exprimer ses premières réflexions à propos de cette Initiation aux mystères de la Franc-maçonnerie.Cette épreuve est incontestablement un temps fort pour la plupart d’entre nous, un plus tard, en regardant une représentation de cet opéra de Mozart, en découvrant cette oeuvre mythique qu’est la Flûte Enchantée, nous pouvons revivre notre Initiation en pensée. L’oeuvre de Mozart peut nous dérouter par de nombreux aspects qui n’ont rien de maçonniques et par d’autres, dont l’ésotérisme dépasse notre compréhension.
Deux ouvrages permettent de mieux connaître le contexte de l’oeuvre et de décrypter certains symboles : « Le testament philosophique de Mozart » de René Terrasson et « La Flûte Enchantée, Opéra maçonnique » de Jacques Chailley (sités dans la bibliographie de cette planche).
Après la lecture de tels ouvrages, nous devrions ressentir une grande humilité vis à vis des auteurs qui ont consacré leur vie et leur passion à l’un des plus illustres musiciens de tous les temps.
La Flûte Enchantée est une œuvre conçue à la fois pour le Profane et pour l’Initié. Mozart utilise un mode d’expression théâtral populaire, le « Singspiel », véritable comédie musicale avant la lettre, pour la plus grande joie du profane. Sous le couvert de drôlerie et de pitreries , il adresse aux seuls initiés son message philosophique, à travers les symboles et sa musique. Ce qui fit dire à Goethe, autre illustre
Maçon, « la foule prend plaisir au spectacle, dans le même temps sa haute signification n’échappe pas aux initiés ».Il faut aussi rappeler que l’ésotérisme de l’œuvre répondait d’abord à un souci de protéger le secret maçonnique, afin de ne pas encourir le discrédit du pouvoir à Vienne. En effet, Léopold, nouvel empereur d’Autriche, était convaincu de la responsabilité de la Franc-maçonnerie dans la Révolution française et redoutait une contagion idéologique, d’où une hostilité prononcée envers toute manifestation maçonnique, et d’où le pied de nez de Mozart aux autorités.
L’action de la pièce a déjà été décrite ci-dessus. Il ne faut pas revenir non plus sur la symbiose entre le livret écrit par Emanuel Schikaneder, également Franc-maçon, et la musique composée par ce musicien exceptionnel qu’a été Mozart.
Je souhaite simplement mettre l’accent sur les symboles que le Profane devrait découvrir à l’occasion de son Initiation maçonnique ou dont tout jeune Initié devrait déjà avoir pris conscience.
Au lever du rideau apparaît le Temple, constitué de trois parties, à savoir le temple de la Sagesse, le temple de la Nature, le temple de la Raison. Le bâtiment, de style égyptien, est d’abord une allusion à la maçonnerie opérative, celle des bâtisseurs de cathédrales qui, en élevant leurs pierres, contribuent à l’élévation spirituelle et culturelle des hommes. Les maçons des cathédrales se confondent naturellement avec les maçons des caractères.
Toute la pièce a pour cadre le Temple, chargé de mystères, semblable à la Loge que le profane va découvrir. Pour les raisons précitées, Mozart ne pouvait invoquer ou évoquer le Grand Architecte de l’Univers, aussi a-t-il choisi les divinités égyptiennes, à savoir la déesse Isis, mère universelle et symbole de vie, et le dieu Osiris, à la fois dieu de la mort et de la renaissance spirituelle après la mort.
Mozart rappelle ainsi sa conviction d’un Etre suprême, transcendant à l’homme et moteur de l’univers.
C’est dans le Temple que le profane va effectuer son parcours initiatique et c’est dans le Temple qu’il va recevoir la Lumière de la connaissance, avant d’être en mesure de la faire briller à l’extérieur du Temple.
Évoquons à présent la symbolique des participants.
La symbolique des participants
Tamino et Pamina représentent le couple tourné vers l’idéal spirituel. Ils sont orientés vers les interrogations de l’esprit. Ce sont les profanes au seuil de l’initiation, car ils ont été́ reconnus aptes à recevoir l’enseignement philosophique et à acquérir la sagesse. Leurs voix de ténor et de soprano sont claires et lumineuses, à l’image de leurs pensées et de leur idéal.
En revanche, Papageno et Papagena représentent le couple orienté vers l’idéal matériel. Ils sont sincères, mais pas susceptibles d’aller loin dans la voie de la connaissance. Ils se contentent de leur vie matérialiste et donnent ainsi une image conforme à ce qu’attend la majorité́ des spectateurs et des hommes sur terre. Papageno incarne la sincérité́ et le mensonge, mais il est aussi doté́ d’un robuste bon sens populaire, il s’interroge sur les questions fondamentales que se pose l’être humain. Sa voix de baryton est celle des chanteurs populaires qui plait aux profanes. Sa présence est nécessaire à Tamino, le futur initié, qu’il accompagne, mais sans vouloir le suivre sur le difficile chemin de la connaissance.
Le Maître du Temple est Sarastro. Il est le maître des connaissances liées au cercle solaire. Sarastro, qui représente bien sûr le Vénérable Maître en chaire, incarne la sagesse, la clairvoyance et la justice et s’adresse à tous avec sa voix profonde de basse. Sarastro le sage est accompagné́ de l’Orateur, dont Mozart n’a pas cherché́ à occulter ou travestir la fonction.
Ils représentent tous les deux la Lumière spirituelle et ils sont les dépositaires des secrets, secrets qu’ils décident de transmettre aux seuls élus qu’ils estiment dignes d’être initiés.
Les deux hommes d’armes sont les Surveillants du Temple. Avec leur voix
de ténor, ils incarnent la rigueur et ils sont les garants de la loi maçonnique et les gardiens du secret maçonnique.Tous les officiers présents sont accompagnés par le collège des sages qui sont bien évidemment les Frères réunis dans la Loge. Dès lors, la loge est juste et parfaite et il y règne la liberté́, l’égalité́ et la fraternité́.
Les trois jeunes garçons symbolisent les trois piliers de la Sagesse qui invente, de la Force qui exécute et de la Beauté́ qui orne. Mais ils sont aussi les trois enquêteurs chargés de mieux connaître le candidat. Leur rôle s’arrête au seuil du Temple. Avec leurs voix claires et pures, ils vont aider le profane Tamino sur le chemin de la vie parsemé́ d’obstacles et de dangers.
Dans l’antithèse des précédents personnages apparait Monostatos qui incarne les passions humaines sans limites et sans contrôle. Il est de ceux qui ne peuvent évoluer et se délivrer de leurs défauts. Son désir de profiter et d’abuser des autres, sa perversité́ sont soulignés par une voix de ténor nasillard. Monostatos ne peut prétendre être « un homme libre et de bonnes mœurs ». Il recherchera à entrer dans le camp des sages, mais son comportement aberrant ne lui permettra pas d’en faire partie. Il en sera exclu à tout jamais.
Avec la Reine de la Nuit, Mozart met en scène les faiblesses humaines, telles que l’envie, l’orgueil, la fureur. Elle s’écrie : « la vengeance de l’enfer bout dans mes veines ». Sa voix dite de colorature est sublime et invite tous ceux qui l’écoutent à boire ses paroles et à croire ce qu’elle dit. Mozart souligne que les faiblesses humaines sont parées de toutes les séductions, comme souvent nous pouvons nous en rendre compte nous-mêmes.
Toutefois, la Reine de la Nuit, qui remet la flûte magique à Tamino, incarne le dualisme du Mal et du Bien. Son royaume de la nuit ne s’oppose pas au soleil de Sarastro, il en est le complément nécessaire.
De la même façon, les Trois Dames qui sont à son service, apparaissent futiles et limitées par l’esprit. Mais en fin de compte, elles agissent dans le sens de la raison.
Les symboles
Dès le rideau levé́ apparaît le serpent, symbole des peurs cachées dans notre inconscient. A sa vue, le profane Tamino va s’évanouir. Son évanouissement est l’image de la mort symbolique du profane, mort préalable à sa renaissance à la vie spirituelle. La mort du serpent signifie aussi celle des tentations
humaines et elle permet à Tamino d’accéder aux marches du Temple pour entreprendre ses voyages initiatiques.Dans le contexte troublé de 1791, Mozart ne pouvait dévoiler les outils maçonniques rituels tels que compas, équerre, truelle. En revanche, il va introduire la flûte d’or, ainsi qu’un jeu de clochettes magiques, le « Glockenspiel ».
La flûte participe à toutes les traditions. Elle est le souffle de la vie et elle permet à Tamino de triompher des dangers qui sont représentés par les épreuves du feu et de l’eau.
La flûte de Pan, suspendue au cou de Papageno, est avec sa gamme limitée à 5 notes, l’expression du Matériel face au Spirituel de la flûte d’or de Tamino. Quant au Glockenspiel, remis par les Trois Dames à Papageno, il est également la marque de ceux qui ne recherchent que les seuls plaisirs terrestres.
Nous retrouvons les autres symboles habituels de la Franc-maçonnerie, symboles qui sont représentés par les personnages mis en scène par Mozart et par Schikaneder, l’auteur du livret. Le Soleil est Sarastro, la Lune est la Reine de la Nuit. Le Feu est Tamino et l’Eau, Tamina. L’Air est incarné par Papageno, dont le nom évoque le perroquet (Papagei) et dont le métier est précisément d’attraper des oiseaux. Le personnage de la Terre est Monostatos.
Le Cabinet de Réflexion, premier lieu de contact et de connaissance entre le Profane et l’univers maçonnique, est représenté́ par un décor désertique et obscur face à l’entrée du temple. A l’instar de Tamino, ressentons-nous le doute ou la crainte, malgré́ l’étrangeté́ du lieu et l’ésotérisme des symboles représentés, ésotérisme qui a pu provoquer en nous le désir de comprendre et de découvrir ce que nous ressentions très confusément ?
Le dépouillement des métaux n’est pas montré, mais le fait que la flûte est redonnée à Tamino après son parcours indique que cet élément du rituel a eu lieu.
Après avoir été́ dûment questionné, le profane Tamino peut entreprendre les trois voyages initiatiques, après avoir eu les yeux bandés. Le bandeau symbolise l’ignorance dans laquelle est plongée le Profane.C’est par la musique que Mozart évoque de façon symbolique les trois voyages de Tamino et Pamina à travers les dangers du feu, de l’eau, de l’air et de la terre. La flûte dont Tamino joue lui permet d’écarter les dangers du parcours initiatique, dangers qui sont ceux qu’il va rencontrer tout au long de son existence.
L’épreuve du silence imposée à Tamino correspond à la recommandation faite à celui qui est initié, avec l’obligation de taire tout ce qu’il peut voir et entendre en Loge.
Puis le bandeau est enlevé. Les yeux habitués au confort de l’obscurité perçoivent alors l’éclat d’une forte lumière, ils découvrent lentement le Temple, ce lieu encore bien étrange, découvrent les prêtres qui rendent hommage au nouveau Frère. A la nuit de l’ignorance succède l’illumination de la connaissance. La symbolique est forte, bien que dificile à comprendre par le nouvel Initié.En ce qui nous concerne, le moment où le bandeau nous a été retiré a probablement été le plus intense et le plus émotionnel, beaucoup plus que les trois voyages initiatiques. L’hommage que les Frères ont rendu avec leurs épées restera à jamais dans nos pensées. L’émotion ressentie ce soir là est sans doute plus forte que notre perception du sens de l’événement qui venait d’avoir lieu.
« La Flûte enchantée » peut nous aider sans nul doute à mieux comprendre le pourquoi de l’Initiation maçonnique. Nous pourrions tout d’abord y voir une acceptation volontaire de l’inconnu, mais dans un esprit de confiance, puis un fort désir de partage et d’échange en vue d’un enrichissement mutuel. L’Initiation permet au Profane de l’aider à mieux se découvrir lui-même et d’atteindre ainsi une autre dimension humaine. Tel est le sens du propos prêté à Sarastro « Celui qui ne reçoit pas avec joie des leçons de ce genre, ne mérite pas d’être un homme ».
Avec le temps qui passe, nous pouvons éprouver le sentiment que d’autres bandeaux tombent progressivement de nos yeux, signe que le processus de découverte de nous-même, de notre environnement et de notre relation à notre environnement, continue et que ce processus sans fin ne s’arrêtera que lorsque notre esprit ne sera plus en mesure d’exercer son activité.
Pour conclure, du moins provisoirement…
Oeuvre majeure du répertoire lyrique, « La Flûte enchantée » de Mozart connaît sans cesse de nombreuses réincarnations au gré des metteurs en scène. La Reine de la Nuit ne cessera d'inspirer les créateurs et de hanter les spectateurs avec ses vocalises magiques...
Cette œuvre représente le combat de la lumière contre la nuit, les illusions et les tromperies permettant l'instauration d'un ordre nouveau, héritant de l'ordre ancien et des Lumières, le bien symbolisé par l'amour trouvé par les personnages triomphe. A maints endroits dans la pièce, nous avons pu retrouver des allusions aux vertus. Dans le livret, il y a plusieurs fois l’association des vertus maçonniques : discrétion, sagesse, force, patience et bienfaisance ainsi que le secret qui est le pont fondamental en Loge.
Cette œuvre est un cheminement et une initiation semée d’épreuves dont se sortent Tamino et Pamina. Ils suivent leur chemin en progressant vers la Connaissance, la Vérité et la Lumière. Ce sera le triomphe de la raison, de la maîtrise de soi et de la sagesse sur les forces obscures.
Ce cheminement des Ténèbres vers la Connaissance et la Lumière évoque l’opposition entre la pensée moderne de l’époque et l’obscurantisme de l’Église. Les personnages dépeignent bien ce courant : la Reine de la Nuit, symbole du monde des Ténèbres est égoïste et animée d’une volonté de puissance et les 3 servantes par la cupidité. D’un autre côté, Sarastro illustre la grandeur d’âme et la générosité, et ce dans la lumière du soleil. Ce qui sous-entend que seulement les personnes aux cœurs purs, nobles et courageux pourront surmonter toutes les épreuves initiatiques.
Papageno, homme du commun, par son bavardage et sa superficialité échouera dans sa quête.
Finalement, cette œuvre ne nous rappelle-t-elle pas l’état d’esprit des Loges de l’époque, fréquentées uniquement par la bonne société ?
Aucun opéra n’a acquis une popularité mondiale comme « la Flûte Enchantée » de Mozart. Il faut certainement l’attribuer à la musique, mais aussi à l’influence magique qu’il exerce sur la psyché du spectateur, influence qui se communique principalement au subconscient.
« La Flûte Enchantée » est en général considérée comme un drame relatant la lutte de la Lumière et des Ténèbres, lutte qui finit par la victoire de la Lumière et un hymne à l’amour humain et divin.
Pour conclure, je citerai notre Illustre Frère Mozart et la mission qu’il a voulu donner à son oeuvre : « la Flûte Enchantée doit transformer les passions des hommes, rendre joyeux le mélancolique, amoureux le misogyne ».
Voilà un vœu à la fois simple et immense que nous pouvons et devons garder à l’esprit, tout au long du chemin ardu de notre vie.
Considérant la musique comme la langue universelle et comme une Chaîne d’union entre les hommes, ne manquons pas d’écouter de temps en temps l’un des plus beaux airs d’opéra de Wolfgang Amadeus Mozart, l’air de « la Reine de la Nuit ».
Enfin, si cette planche vous incite à vouloir mieux connaître Mozart, et à assister à une représentation de la « Flûte enchantée » j'aurai atteint l'objectif que je m'étais fixé.
R:. F:. A. B.
[1] Le Nombre 3 : Trois est universellement un nombre fondamental. Il exprime un ordre intellectuel et spirituel, en Dieu, dans le cosmos ou dans l'homme. Il synthétise la tri-unité de l'être vivant ou il résulte de la conjonction de 1 et de 2, produite en ce cas de l'Union de Ciel et de la Terre.
Nombre important dans la symbolique maçonnique, ce nombre apparaît dès les premières mesures de l'Ouverture. Avec trois accords initiaux et sa tonalité de mi bémol majeur (trois bémols à la clef). Reprise après la marche des prêtres qui introduit l’Acte Il, cette sonnerie relaye d’ailleurs un symbolisme numérique omniprésent dans la scénographie trois Dames, trois Enfants, deux fois trois lions, trois portes du Temple...Sagesse, raison et nature.
Bibliographie
Jean-Victor Hocquard - La Flûte enchantée
Editions Aubier Montaigne, Paris, 1979, 254 p.
La Flûte enchantée
Editions Avant-Scène Opéra, Paris, janvier 1976, 130 p.
Jacques Chailley - La Flûte enchantée : opéra maçonnique
Editions Robert Laffon, coll. « Accords », Paris, 17 octobre 2002
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