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* Le Rite Écossais Ancien Accepté
Introduction
La Loge dans laquelle nous travaillons ce Midi pratique un Rite Écossais. Certains d’entre nous fréquentent aussi très régulièrement l’une ou l’autre Loge qui travaille au Rite Moderne, voire même à un autre Rite Écossais.
Mais, en ce qui nous concerne plus précisément au sein de notre Respectable Loge, nous sommes-nous déjà demandé ce que signifient les termes « Rite », « Écossais », « Ancien », « Accepté » ?
Pour évoquer les rites qualifiés d’écossais et qui sont pratiqués dans notre Obédience, je débuterai cette planche par quelques considérations d’ordre général à propos du nom « rite ».
Le contenu initiatique et ésotérique de la Franc-maçonnerie est véhiculé par des rites, dont chacun présente les contenus maçonniques à sa façon, avec une sensibilité différente et une progression particulière.
Qu’est-ce qu’un rite ?
Ce qui définit un rite maçonnique est le respect d’un certain nombre de règles de base, les fameux Landmarks, ou principes intangibles.
Pour être maçonnique, il me semble qu’un rite doit être initiatique, se référer à la Tradition, utiliser la méthode symbolique, avoir une progression par degrés ou grades, et avoir pour but de permettre à l’individu de construire son unité corps – âme – esprit de façon qu’il puisse agir dans la société d’une façon consciente et cohérente.
Un rite maçonnique est constitué d'un ensemble cohérent de pratiques de la Franc-maçonnerie dans ses différents degrés. Ces pratiques sont le plus souvent codifiées dans des « constitutions », pour les principes généraux du rite, et dans des « rituels », pour ce qui concerne l'organisation des cérémonies. En d’autres termes, on peut dire qu’un rite maçonnique est un ensemble relativement homogène de cérémonies maçonniques.
Combien y a-t-il de rites ?
L’historien Jean-Marie Ragon de Bettignies a recensé cinquante-deux rites différents. Bernard Baudouin les cite tous dans son Dictionnaire de la Franc-maçonnerie mais précise que son énumération n’a pas la prétention d’être exhaustive. Elle permet de constater quelles furent et quelles sont encore les orientations, les similitudes et les évolutions des pratiques au sein de la Franc-maçonnerie dans des rites qui s’inscrivent tous, à des degrés divers, dans une même affirmation fervente de l’idéal maçonnique.
L’intitulé des rites et leur existence sont parfois confirmés par des textes d’époque, sans toutefois que l’on ait pu cerner avec précision la nomenclature exacte et la hiérarchie des grades. Les rites sont donc très nombreux et certains sont particulièrement difficiles d’accès pour cause de secret bien gardé !
Quels sont ceux pratiqués en Belgique ?
A la G.L.R.B. le rite officiel est le Rite Moderne. Ce rite nous vient du Grand Orient de Belgique mais il a été adapté aux spécificités de notre Obédience. A ce sujet, je vous renvoie à une excellente planche [1] tracée par notre T:. R:. F:. Louis de B.
A côté de ce Rite moderne (belge), sept rites sont tolérés. Ainsi, certaines Loges utilisent le Rite Écossais Ancien Accepté (dit familièrement « R.E. deux A. ») que nous mettons en pratique ici-même. Six Loges pratiquent le Rite Écossais Rectifié, quelques-unes le Rite Français. Le Rite Écossais philosophique est pratiqué à la R:. L:. « Param ». Le Rite California et le Rite New York (tous deux en anglais) sont utilisés par les Loges anglophones régulières installées sur le territoire belge.
Trois rites pratiqués au sein de notre G.L.R.B. comprennent le mot « écossais » dans leur appellation : le Rite Écossais Philosophique, le Rite Écossais Rectifié et le Rite Écossais Ancien et Accepté. Je me suis interrogé sur les raisons qui ont amené les créateurs de ces Rites à y inclure ce qualificatif.
Comment faut-il comprendre le vocable « écossais »?
Le mot « écossais » est difficile à définir. Il évoquerait un système concurrent du système anglais né en Ecosse au 16ème siècle et apparu en France dans le milieu des Stuardistes réfugiés. Tentons d’y voir plus clair.
Dans son sens premier et profane, l’adjectif qualificatif « écossais » est relatif à tout ce qui touche l’Ecosse, pays de la Grande-Bretagne.
Mais « écossais » se dit aussi des rites propres à certaines branches de la Franc-maçonnerie. Parmi les nombreux rites maçonniques, plusieurs portent en effet le qualificatif d'« écossais », par référence aux origines de la Franc-maçonnerie et bien qu'historiquement ils aient été créés en dehors de ce pays !
En France, pendant tout le 19ème siècle, l'expression « Rite écossais » désignait, dans le langage courant et avec quelque impropriété, l'ensemble des Ateliers du Suprême Conseil de France (1804), par opposition à ceux du Grand Orient de France (1773) qui pratiquaient très majoritairement le Rite français.
Dans la terminologie en usage en France depuis les premières décennies de la Maçonnerie :
- le terme « Ecossisme [2] » est synonyme d'existence de hauts grades ;
- un rite est dit « Écossais » lorsqu'il possède de tels hauts grades ;
- un grade est « Écossais » lorsqu'il est un haut grade, c'est-à-dire un grade au-delà de celui de Maître.
Jean Ursin a tenté de chercher à travers l’histoire de France et d’Ecosse, à travers celle du début de l’Ordre en France ce qui peut expliquer cet engouement pour le terme « écossais ». Il ne néglige pas les légendes car souvent « les vieilles légendes ont dit vrai » ! Il avance l’explication suivante : les Loges qui se disent « écossaises » se rattacheraient à des faits historiques remontant au 14ème siècle, à une tradition non pas légendaire mais reposant sur d’antiques et vénérables manuscrits, détenus par les Loges opératives d’Ecosse. Elles remonteraient ainsi aux prestigieux bâtisseurs.
Pour Jean Van Win, l’adjectif « Écossais » n’implique pas le moindre rapport ni avec les cornemuses, ni avec le whisky, les kilts ou le monstre du Loch Ness ! « Écossais » signifie tout simplement que la structure particulière du rite comporte des grades dits « hauts », c’est-à-dire des développements thématiques rituels ultérieurs à celui du grade de Maître. Le grade d’Écossais est le premier qui apparut en France vers 1743, certains Frères Maîtres marquant par cette distinction nouvelle leur souci de se distinguer du commun des mortels, d’autres manifestant un souci d’approfondissement.
Je me suis aussi demandé d’où provenaient trois rites dits « écossais » proches de nous. C’est pourquoi j’ai examiné brièvement ce qu’on appelle « le Rite Écossais Primitif ».
Le Rite Écossais Primitif
Le Rite Écossais Primitif tient une place particulière au sein de la Franc-maçonnerie. Il aurait été introduit en France à Saint-Germain-en-Laye dès 1688 par les Loges militaires des régiments écossais et irlandais ayant suivi le Roi Jacques II Stuart en exil. Toutefois, comme il n'existe aucune preuve historique de l'existence d'un tel rite en France en 1688, ces affirmations demeurent controversées.
La devise du Rite Écossais Primitif « Primigenius more majorem » fait allusion à l'ancienneté de ce rite. Le rituel du Rite Écossais Primitif est sobre et épuré.
J’en viens à présent au Rite Écossais Ancien Accepté.
Le Rite Écossais Ancien Accepté
Le Rite Écossais Ancien Accepté, familièrement désigné par l’ensemble des premières lettres des quatre mots de son appellation « R.E.A.A. », fait référence à la Maçonnerie de Métiers, au Nouveau Testament, en particulier à l’Évangile de saint Jean. Il a subi l’influence de l’Hermétisme, de la Kabbale, de la Rose-Croix et de l’astrologie notamment.
S’il fait appel au Nouveau Testament, le Rite Écossais Ancien Accepté n’est cependant pas un rite chrétien. Les Maçons, de quelque confession qu’ils soient, pourront s’y sentir à l’aise. Rien ne viendra choquer leurs convictions.
Le Rite Écossais Ancien Accepté impose à ses membres la croyance en l’existence d’un principe créateur appelé « Grand Architecte de l’Univers », et interdit dans ses Loges toute discussion politique ou religieuse.
Le Rite Écossais Ancien et Accepté est l'un des rites maçonniques les plus répandus dans le monde.
Les origines du Rite Écossais Ancien Accepté
C’est sous l’influence du chevalier Michel de Ramsay que sont apparus les premiers Hauts Grades, notamment dans la Respectable Loge Saint-Jean de Jérusalem, régulièrement constituée par le comte de Clermont, et qui devait servir par la suite de référence aux Loges de France. Car, dans son fameux « Discours », Ramsay situe la naissance de la Franc-maçonnerie à Jérusalem, pendant les Croisades ! Selon lui, la Franc-maçonnerie serait née de la Chevalerie, ce qui semble bien une erreur !
En 1754, le chevalier de Bonneville crée le Chapitre de Clermont, qui aura de profonds retentissements sur l’évolution de la Maçonnerie.
En 1761, Etienne Morin, négociant à Bordeaux et membre de la Loge « La Française », part à Saint-Domingue, avec la mission, entre autres choses, de faire connaître le rite et de créer des Loges. Bien que la Révolution française perturbe fortement la croissance de l’Ordre, le Rite Écossais va prendre de l’ampleur grâce à l’action de deux Français, Jean-Baptiste Delahogue, notaire à Saint-Domingue, et son gendre, Auguste de Grasse-Tilly, fils du célèbre amiral de Grasse. Ces deux Frères Français ont ainsi fait partie des fondateurs du Suprême Conseil de Charleston.
Formellement, le R.E.A.A. est né lors du Congrès de Charleston aux Etats-Unis, le 31 mai 1801 par la création du premier Suprême Conseil au monde, présidé par John Mitchell, Souverain Commandeur, assisté de Frédéric Dalcho, Lieutenant Grand Commandeur. Ce Congrès a donné au Rite Écossais Ancien Accepté une existence « légale », une réalité. Il sera suivi en 1804 par le Congrès de Paris. Ces deux Congrès, très importants dans l’histoire de la Franc-maçonnerie, sont à l’origine du R.E.A.A. et l’on peut donc affirmer que ce rite est fondamentalement français puisqu'il se trouve articulé sur le Rite de Perfection à peine réaménagé.
Néanmoins, à titre historique, cela ne l’autorise pas à récupérer tout ce qui existait et présentait un caractère écossais avant lui, ce que beaucoup d’auteurs actuels non objectifs ne manquent pas de faire !
Quelques-uns cherchent désespérément des textes originaires d’Ecosse pour affirmer le caractère écossais du R.E.A.A., n’hésitant pas à mélanger rite originaire d’Ecosse, réellement écossais, avec des rites originaires de France, faussement écossais.
La Maçonnerie réellement écossaise vénère saint André alors que les Maçons français se placent sous les auspices de l’un ou l’autre saint Jean, voire des deux.
A l'origine, le R.E.A.A. est donc un rite destiné uniquement aux grades qui suivent le grade de Maître et il n'acquiert sa pleine pertinence qu'à partir du 4ème degré.
Les Grandes Constitutions du Rite Écossais Ancien et Accepté datent de 1786. Elles font état d’une hiérarchie de trente-trois grades successifs et sont attribuées à Frédéric II de Prusse
Ce rite est habituellement pratiqué dans le cadre de deux organismes complémentaires mais distincts :
- une Obédience maçonnique qui fédère des Loges des trois premiers grades de la Franc-maçonnerie ;
- une « juridiction » de Hauts Grades maçonniques, dirigée par un « Suprême Conseil », qui regroupe des Ateliers du 4ème au 33ème degré.
Tentons à présent de comprendre le qualificatif « Ancien ».
Le qualificatif « Ancien »
Le terme « ancien » se rapporterait à la Grande Loge des Anciens fondée
par Laurence Dermott. Tentons ici aussi d’y voir plus clair.Au début du 19ème siècle, le Rite Écossais nouvellement arrivé d’Amérique, voulut se doter, face au Grand Orient de France, de ses propres Loges bleues. Après avoir travaillé quelque temps au Rite Écossais Philosophique – qui est de type moderne – les Maçons du Rite Écossais Ancien Accepté ont opté pour un rite de Loge bleue qui leur fut propre et eurent l’idée de se réclamer de la Maçonnerie des « Anciens » qui jusque-là n’était pas représentée en France.
Le « Guide des Maçons écossais », qui est la forme achevée des premiers rituels du Rite Écossais Ancien Accepté, situe expressément ce rite dans la Maçonnerie des « Anciens ».
Les rituels pratiqués aux trois premiers degrés proviennent donc des rituels des Anciens, par l’intermédiaire de la Loge Saint-Jean d’Ecosse du Contrat Social, une des rares à les pratiquer en France au 18ème siècle et à laquelle appartenait Auguste de Grasse-Tilly.
Les grades suivants sont conférés et pratiqués dans des Ateliers particuliers de divers niveaux, chacun constituant un « cercle intérieur » des précédents dans lesquels il recrute. Ces grades, quasiment tous d’origine française, proviennent du Suprême Conseil de Charleston.
Si le qualificatif « Ancien » peut nous paraître à présent un peu plus clair, examinons pourquoi ce rite est aussi qualifié d’ « Accepté » ?
Le qualificatif « Accepté »
Bien que de nombreux ouvrages désignent encore ce rite en unissant les adjectifs « ancien » et « accepté » par la conjonction « et », il semble qu’il soit devenu plus courant de dire tout simplement « Rite Écossais Ancien Accepté ».
Les recherches publiées par des auteurs comme Pierre Chevalier, Le Forestier, Alec Mellor, Lindsay, sans parler de l'œuvre de Paul Naudon et de nombreux articles parus dans les « Cahiers de Villard de Honnecourt » ont permis d'éclaircir bien des points demeurés encore obscurs jusqu'à ces dernières années.
N'oublions pas le Très Illustre Frère Charles Riandey, ancien Grand Orateur du Suprême Conseil de France, qui refusait pour sa part d'accoler le mot « Maçonnerie » à celui de l'Ecossisme qu'il considérait comme « autre chose » que des pseudo-mystères de l'art de bâtir. Il substitua même le vocable d'Ordre Écossais à celui de Maçonnerie Écossaise.
« L'autre chose » dont il voulait parler, c’étaient les éléments traditionnels et initiatiques, tels que l'hermétisme, la Kabbale, la Gnose chrétienne, le néo-platonisme, ce que l'on pourrait désigner sous le terme de Christianisme transcendant tel qu'il fut défini par Joseph de Maistre et, enfin, le Templarisme, celui-ci ayant été introduit relativement tard avec la création du grade de chevalier Kadosch, vers 1765, d'origine allemande.
Mais ce sont principalement l'hermétisme, voire des éléments magiques qui ont inspiré les rituels du Rite Écossais. S. Theakston écrit que « dès sa naissance, l'Ecossisme s'était créé une filiation différente qui le rattache, non seulement aux Ordres de la Chevalerie, mais également aux formations traditionnelles et parfois légendaires ».
Il faut croire que le souvenir de la Tradition était encore vivant et c'est dans le but de le perpétuer que les fondateurs de l'Ecossisme avaient imaginé une institution où l'enseignement ésotérique pouvait se faire suivant les méthodes en usage dans les formations initiatiques depuis la haute Antiquité.
Ce qui semble caractériser l'Ecossisme et ce qui le distingue de la Maçonnerie classique, c'est son éclectisme et son syncrétisme qui expliquent et justifient l'introduction dans le système de nombreux grades ouvrant au Maçon du R.E.A.A. de multiples moyens d'atteindre les cimes initiatiques en choisissant telle ou telle autre voie correspondant à ses goûts, ses penchants, ses affinités et ses possibilités.
C'est ainsi (et vue sous cet angle) qu'en parcourant les différents grades, le Maçon pratiquant le R.E.A.A. apprend ces principales voies menant à la Connaissance, inspirées tantôt par la bible et les Prophètes, tantôt la Kabbale, la Gnose ou les philosophes anciens et modernes.
Il est essentiel de souligner que tous les grades constituant le R.E.A.A. sont reliés entre eux par une seule et unique idée de l'Unité primitive, celle de la communion originelle du Grand Architecte de l'Univers, de Dieu, avec les hommes et qu'il appartient aux Maçons Écossais de retrouver.
L'épithète « accepté » semble se référer à l'acceptation dans les loges symboliques de membres extérieurs au métier. Un petit ouvrage de Didier Michaud paru dans la collection « Les symboles maçonniques » m’a été d’un grand secours à ce sujet !
Pour comprendre le terme « accepté » dans la dénomination du R.E.A.A., nous dit Didier Michaud, il faut se référer aux origines possibles du terme « francs » attribué à des maçons :
- d’une part, les constructeurs de cathédrales ont été appelés « maçons francs » parce qu’ils constituaient une main d’œuvre affranchie de toute allégeance, se regroupant en loges libres, isolées ou fédérées ;
- d’autre part, une certaine qualité de la pierre, dite « franche» a pu avoir eu une influence sur l’appellation des maçons qui la travaillaient.
A partir de là, le rapprochement s’impose avec le terme « accepted masons » qui, en Angleterre, désigne les maçons au même titre que « free masons ». Les termes « free » et « accepted » sont ainsi devenus équivalents. Ils nomment les nouveaux maçons libres à l’égard du métier, donc non opératifs.
En conséquence, ce qui faisait le « franc-maçon », c’était le fait d’être « affranchi » du métier de maçon. Donc de ne plus être maçon du tout ! C’est ce qui s’est passé avec la création de la Franc-maçonnerie anglaise moderne puis sa propagation sur le continent et tout particulièrement en France.
La Franc-maçonnerie anglaise du 18e siècle est devenue très vite un cercle réservé à une supposée élite sociale, noblesse ou grande bourgeoisie dans laquelle la maçonnerie n’avait plus rien à voir, ni d’ailleurs aucune forme de métier puisque les artisans en étaient d’office exclus.
C’est en Ecosse que le phénomène de « l’acceptation » de non-maçons de métiers dans les loges opératives a été la plus durablement attesté et qu’il s’est développé de nouveau en Angleterre lorsqu’un roi Stuart, écossais, y a régné. En Angleterre, la situation s’est en effet modifiée à partir de 1607, année où Jacques 1er s’est déclaré protecteur de la Maçonnerie. Des personnages de marque, désireux de culture, ont été incités à demander leur admission dans la Fraternité. Se faire recevoir Maçons est rapidement devenu une mode pour les nobles et les riches.
La transformation s’est accélérée sous des influences philosophiques, politiques et religieuses. Au moyen âge, les associations maçonniques avaient souvent donné accueil aux philosophes hermétistes et aux alchimistes, dont le langage symbolique recoupait et complétait celui des maçons. Au moment de la Renaissance, la philosophie, dans sa soif de connaissance, a repris la voie de la tradition initiatique.
C’est ainsi que le mouvement des Rose-Croix, qui ne se satisfaisait plus du langage symbolique des alchimistes, a alors imprégné le plus la Franc-maçonnerie. On peut donc affirmer que l’acceptation, telle qu’elle s’est pratiquée en Angleterre, est incontestablement d’origine écossaise.
A partir de 1630, des personnes extérieures au métier de maçon sont apparues dans les Loges écossaises : elles étaient soit membres d’autres corps de métier que celui de maçon, soit des gentlemen.
Aucun lien de continuité n’est historiquement prouvé entre les rares mentions de métier anglaises du 17ème siècle et le début du 18ème, et la création de la Grande Loge de Londres. Les gentlemen, bourgeois vivant noblement, qui ont participé à des cérémonies organisées par des professionnels de la maçonnerie en Ecosse et en Angleterre ont modelé un groupe d’appartenance nouveau en 1717.
Ils ont adopté, en les transformant, à la fois le système écossais des loges de métier et ses usages, la tradition de l’acceptation de la Compagnie des maçons de Londres et celle des corporations médiévales.
C’est donc ainsi qu’est apparue une Maçonnerie que l’on qualifie de « spéculative », mais qui n’a plus grand-chose à voir avec l’ancienne acceptation, celle avec laquelle le R.E.A.A a voulu renouer.
Caractéristiques essentielles du Rite Écossais Ancien Accepté
Quelles sont donc les caractéristiques fondamentales du Rite Écossais Ancien Accepté ?
Ses deux caractéristiques principales sont d'être un rite :
- initiatique, car il met graduellement ses membres sur la voie de la réalisation spirituelle, grâce à un travail intérieur et collectif effectué à l'aide de symboles et de rituels qui constituent les moyens d'accès au contenu initiatique du rite ;
- traditionnel, car il se réfère à toutes les sources initiatiques ancestrales et universelles qui, sous forme de mythes et de symboles, maintiennent vivante la chaîne initiatique, support du cheminement vers la Connaissance.
Mais je relève d’autres caractéristiques importantes à mes yeux.
Tout d’abord le caractère a-dogmatique de l’Initiation au sein du Rite Écossais Ancien Accepté est à mes yeux la plus fondamentale.
Bien que l’une de ses origines soit judéo-chrétienne, et bien que par certains aspects, la démarche inclut une aspiration « religieuse », le Rite n’est en aucune manière une religion au sens habituel de ce terme.
Ce Rite ne propose aucun culte, n’assure aucune liturgie, n’impose aucun dogme à la conscience de chaque Frère.
Ensuite, l’invocation au Grand Architecte de l’Univers apparaît dans cette perspective comme une clef de voûte indispensable : une invocation à la gloire et non pas « au Nom » du Grand Architecte, pas plus que les Travaux ne se déroulent en présence du Grand Architecte ou au Nom du Très Haut.
Au Rite Écossais Ancien Accepté, les Travaux maçonniques ne font jamais référence, à une quelconque perspective théiste qui inclurait obligatoirement l’existence d’un Dieu – tel le Dieu biblique créateur – ou d’un autre. Les Maçons travaillent en toute humilité face à ce problème qui est du ressort de la conscience individuelle de chaque Frère. Travaillant à la gloire du Grand Architecte, ils œuvrent par rapport à un principe qui est aussi un symbole.
Le Grand Architecte est ici présenté comme un principe créateur. Mais il n’est pas question du Créateur au sens chrétien du terme, mais simplement d’un principe qui a créé le Monde et qui l’organise à partir des matériaux qu’il y a découverts. Le Rite n’impose nullement la croyance en une création ex nihilo. Il ne l’a réfute pas non plus. Et il s’agit bien d’un principe, c’est-à-dire, de ce qui a en lui-même la force de commencer et qui est déjà présent. Mais c’est aussi un symbole, non défini comme tout symbole complexe, et, de ce fait, parfaitement interprétable dans l’intimité de la conscience de chaque Frère.
Une autre caractéristique du Rite, c’est la présence du Volume de la Loi Sacrée sur l’Autel des serments. Ce Volume étant la Bible par respect de la Tradition, et par référence au contenu initiatique de l’Ordre, ne se conçoit que s’il s’agit bien d’un livre de spiritualité, et non d’un livre d’une religion révélée. Le Franc-maçon, dans les Travaux de sa Loge, et même s’il est chrétien, ne peut pas considérer ce livre comme un livre religieux.
Il est alors possible pour chacun d’entre-nous d’en effectuer une lecture symbolique personnelle, afin d’y puiser les notions d’éthique, de justice, de devoir, d’Amour et d’Action qu’elle recèle et qui contribuent au développement de sa propre spiritualité.
Donner un sens à sa vie et tenter d’atteindre la Sagesse, c’est le but du Franc-maçon et c’est ce que propose le Rite Écossais Ancien Accepté.
Enfin, la méthode progressive qu’utilise ce Rite est tout aussi fondamentale. Elle se réalise par la médiation d’un cheminement en degrés successifs. Chaque degré apporte à l’Initié un outillage spécifique et un support de réflexion particulier.
L’outillage est initialement l’outillage symbolique hérité des métiers de la construction. Si, pour les bâtisseurs, il s’agissait de perfectionner l’architecture du temple, pour nous, Maçons d'aujourd’hui, il convient surtout, dans un premier temps, de poursuivre le travail de constant perfectionnement qui commence par nous-mêmes.
Mais, en même temps, il nous est demandé, et ce, dès le premier degré, de méditer et de comprendre le schéma mythologique et symbolique qui nous est présenté : l’outillage rationnel qui est présent dans la Loge, comme les Trois Grandes Lumières qui servent à éclairer la conduite du Franc-maçon, nécessite, dans un même mouvement discursif et intuitif, d’être utilisé pour nous construire et d’être intériorisé pour nous connaître.
Et c’est ainsi que de degré en degré, s’adjoignant de nouveaux outils symboliques et s’incorporant de nouveaux schémas mythologiques, l’Initié – du moins celui qui est véritablement sur le chemin de l’Initiation – progressera, abandonnant ses préjugés et ses métaux, améliorant du même pas Connaissance et Conscience. Chacun à son rythme, refusant tout dogme et toute injustice, avancera ainsi vers plus de liberté et plus d’Amour.
R:. F:. A. B.
[1] Parue dans le n° 14 de la revue « Acta Macionica », p. 371 à 377.
[2] L’Ecossisme est un terme qui est employé pour désigner globalement tout ce qui concerne l’apport des Loges « écossaises » à la Franc-maçonnerie en France. Cela concerne particulièrement l’innovation qu’a constituée l’introduction des Hauts Grades.
Bibliographie
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Editions De Vecchi, Paris, 1995
Chevallier Pierre - Histoire de Saint-Jean d’Ecosse du Contrat Social – Mère Loge Écossaise de France
Editions Ivoire-Clair, Groslay (France), 2002
Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie
Editions Dervy, Paris, 1994
Ferré Jean - Dictionnaire des symboles maçonniques
Editions du Rocher, Monaco, 1997
Guérillot Claude - Genèse du Rite Ecossais Ancien et Accepté
Editions Trédaniel, Paris, 1990
Guigue Christian - La formation maçonnique
Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 2003
Lhomme Jean, Maisondieu Edouard, Tomaso Jacob
Dictionnaire thématique illustré de la Franc-maçonnerie
Editions du Rocher, Monaco, 1993
Michaud Didier - Le Rite Écossais Ancien et Accepté
Les symboles maçonniques – n° 38
Editions « La Maison de Vie », Paris, 2010
Mondet Jean-Claude - La Première Lettre - L’Apprenti au Rite Ecossais Ancien et Accepté
Editions du Rocher, Monaco, 2007
Schnetzler Jean-Pierre
La Franc-maçonnerie comme voie spirituelle - De l’Artisan au Grand Architecte
Editions Dervy, Paris, 1999
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