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* La charité
La charité
Avertissement
Il m’a paru important de tracer cette Planche pour attirer l’attention de tous mes Frères sur la nécessité de se montrer généreux, charitable et fraternel lors de la circulation du Tronc de Bienfaisance, en prenant soin de ne pas y déposer des boutons de culotte ou des piles usagées. Avec l’espoir aussi que certains abandonnent ces attitudes hypocrites qui consistent à faire semblant d’avoir oublié leur portefeuille ou leur porte-monnaie ou encore d’avoir « déjà donné » !
Dans la suite de cette Planche, après un examen de l’étymologie du mot, j’examinerai successivement la charité dans la perspective de la Bible, de la religion catholique, dans la religion juive et dans la religion islamique. Je développerai ensuite la charité du point de vue de la laïcité et de notre point de vue de Maçons.
Introduction
Vous souvenez-vous encore, mes Frères, de cet extrait de notre rituel d’Initiation ?
Il se situe à l’issue du troisième voyage.
V:. M:.
MONSIEUR, AU COURS DU TROISIÈME VOYAGE
ONT RÉGNÉ L'ORDRE ET LA PAIX.
LES FLAMMES PAR LESQUELLES VOUS ÊTES PASSÉ ONT ACHEVÉ VOTRE PURIFICATION.
PUISSENT-ELLES ENTRETENIR À JAMAIS EN VOTRE CŒUR L'ARDEUR DE LA CHARITÉ !
Silence.
V:. M:.
COURAGE, SAVOIR, VERTU
NE SONT QUE DE VAINS MOTS SANS LA CHARITÉ.
Cet extrait renferme deux fois le mot « charité » !
En écoutant régulièrement la communication du faible montant récolté à chaque Tenue via le « Tronc de Bienfaisance », appelé aussi « Tronc de Solidarité » ou « Tronc de la Veuve », selon le rite pratiqué, il m’a semblé utile de faire le point sur le concept de « charité », trop souvent négligé à mon avis, voire méprisé !
Comprenons-nous bien le sens de la « charité » ?
Étymologie
Le mot « charité » est la francisation du latin caritas, caritatis, signifiant d'abord cherté, puis amour.
Cicéron, par exemple, prônait la « caritas generis humani », ce qu'on peut traduire par « amour du genre humain ». C'est par caritas que saint Jérôme, dans sa traduction latine de la Bible, rend le mot grec agapè du Nouveau Testament. Le terme hébreu correspondant est hesed (חסד), que le dictionnaire de Brown – Driver – Briggs traduit par « amour ». Le concept de hesed (charité, bonté, amour de Dieu et du prochain) apparaît à de nombreuses reprises dans l'Ancien Testament.
Consultons d’autres dictionnaires pour plus de précisions !
Définition du concept de « charité »
En 1983, le Larousse définissait la charité sur une colonne entière. L'édition de 2003 n'en parlait plus que sur quelques lignes. C'est qu'à n'en pas douter, il s'est produit un glissement sémantique du terme de charité vers celui de solidarité et, pourtant, ce n’est pas tout à fait la même chose. Je considère que la solidarité s'exerce de manière transversale alors que la charité s’exerce de manière verticale.
Aujourd'hui, il semble que la charité ne soit plus considérée autrement que dans le sens de sa connotation religieuse et, plus particulièrement, catholique, alors que la solidarité serait laïque. Nous verrons, à la fin de la présente planche, ce qu’il en est de notre point de vue maçonnique.
Je vois quatre sens possibles au nom « charité ».
- Le premier sens est celui de l’amour de Dieu et de son prochain.
N’oublions pas que la charité est une des vertus chrétiennes et qu’elle a pour synonyme le mot « philanthropie ».
- Le deuxième sens est celui d’indulgence, de bonté.
- Le troisième sens est celui d’un acte de bonté, de générosité fait envers autrui.
Il a alors pour synonyme le mot « secours ».
- Enfin, dans son sens dérivé, « la charité» est le nom donné à certains hôpitaux ou hospices religieux, dans lesquels ces œuvres de bienfaisance sont réalisées.
Le mot « charité » semble avoir 17 synonymes : aide, altruisme, amour, aumône, bienfait, bienveillance, bonté, désintéressement, don, fraternité, générosité, indulgence, miséricorde, philanthropie, secours, service, vertu.
La charité est un acte charitable, un bienfait, une faveur. Exemples : Vivre des charités des autres. Faites-moi la charité de m'écouter.
La charité est une vertu spirituelle qui est l'amour parfait venant de Dieu et dont Dieu est l'objet, lien d'unité intime entre Dieu et les hommes, créatures de Dieu.
A ma connaissance, le premier à avoir introduit le principe de charité est Jésus, dit « de Nazareth » : il a exhorté ses contemporains à l'amour des autres et à la tolérance.
Avant d’aller plus loin dans la conception de la charité des différents points de vue religieux, permettez-moi de rappeler cette citation de Ghandi : « La règle d’or de la conduite est la tolérance mutuelle car nous ne penserons jamais tous de la même façon ; nous ne verrons qu’une partie de la vérité et sous des angles différents ».
En évoquant le concept de charité, je ne serai pas forcément exhaustif, et les points de vue que je développerai ne conviendront pas forcément à tous. Je pense même que certaines prises de position risque d’en déranger plus d’un !
La charité, dans la Bible et dans la religion catholique
Dans les versions contemporaines de la Bible, comme dans le langage théologique, la charité a le même sens général que l'amour, désignant la vertu chrétienne fondamentale, et non pas les sens dérivés et particuliers d'indulgence, de bienfaisance ou d’aumône.
Dans le langage ordinaire, la charité est une vertu qui porte à désirer et à faire le bien d'autrui. C'est donc un acte inspiré par l'amour du prochain. Dans le langage des théologiens, elle désigne à la fois l'amour de Dieu pour lui-même et du prochain comme créature de Dieu.
La première encyclique du pape Benoît XVI s'intitule « Deus caritas est » (c’est-à-dire « Dieu est amour »), en référence à la Première Épître de Jean. Et d’expliquer que la Charité est l'amour que Dieu nous donne et que nous Lui rendons ainsi qu'à tous les hommes, à l'image de Son Amour pour nous et de la Passion du Christ, tandis que le partage est une expression de cet amour.
La Charité, c'est la vertu qui nous aide à préférer Dieu et Ses volontés à toute autre chose. Cette vertu nous aide à aimer Dieu pour Lui-même, c'est-à-dire en raison de ce qu'Il est. Et, par conséquence logique, notre prochain quel qu'il soit. La raison en est que, malgré les défauts que nous pourrions lui connaître, ce prochain a été créé lui aussi « à la ressemblance ou à l’image de Dieu ».
On s'exposerait à perdre la Charité envers Dieu par l'acceptation habituelle du péché dans notre vie. De même que l'on s'exposerait à porter atteinte à notre amour du prochain, dans la mesure où nous délaisserions plus ou moins la charité fraternelle en des domaines où nous devrions être attentifs à ce même prochain.
Ainsi, retenons que dans la théologie chrétienne, le mot « charité » désigne l’amour de Dieu et du prochain comme créature de Dieu. Rappelons que la Foi, l'Espérance et la Charité sont les trois vertus théologales.
La charité, vertu théologale
La charité est la vertu reine des vertus : l'amour de Dieu et du prochain. Dans une perspective chrétienne, elle est la vertu théologale par laquelle on aime Dieu par-dessus toute chose pour lui-même, et son prochain comme soi-même pour l’amour de Dieu. Elle assure et purifie la puissance humaine d’aimer et l’élève à la perfection surnaturelle de l’amour divin.
Saint Paul en a donné une définition : « La charité prend patience, la charité rend service, elle ne jalouse pas, elle ne plastronne pas, elle ne s’enfle pas d’orgueil, elle ne fait rien de laid, elle ne cherche pas son intérêt, elle ne s’irrite pas, elle n’entretient pas de rancune, elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle trouve sa joie dans la vérité. Elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle endure tout. Les trois demeurent : la foi, l’espérance et la charité. Mais la charité est la plus grande. » (I Co 13, 1-7. 13).
Supérieure à ces deux vertus, elle constitue le « lien de la perfection ». Thomas d'Aquin ira jusqu'à dire qu'elle est la forme suprême de toutes les vertus théologales, commentant un verset de saint Paul ; la foi et l'espérance seraient rendues caduques par le retour de Dieu parmi les hommes, ne laissant de place qu’à l'exercice de la charité : « Maintenant donc demeurent foi, espérance, charité, ces trois choses, mais la plus grande d’entre elles, c’est la charité ».
Dès le 12ème siècle, dans un monde confronté à l’urbanisation, la charité s’organise en même temps qu’émerge la réalité sociale des pauvres ; l’on distingue dès lors plusieurs catégories de pauvreté. Du point de vue théologique se généralise la notion de pauvreté volontaire (paupertas spontanea), adoptée par les moines dans un souci d’humilité et de vie apostolique. Cette pauvreté volontaire s’inscrit dans une démarche plus large d’imitation du Christ qui entraîne le développement de l’assistance pour une double raison : l’imitation des actes du Christ et la révération (1) des pauvres considérés comme des reflets de l’image de Jésus.
Ainsi, la charité constitue l’une des questions philosophiques centrales dès le 12ème siècle, puisque Bernard de Clairvaux, Aelred de Riévaulx, Guillaume de Saint-Thierry, Richard de Saint-Victor ou encore Pierre de Blois y ont consacré d’amples réflexions.
Cette réflexion théorique aboutit à une classification des œuvres de miséricorde, codifiées au 12ème siècle comme suit : nourrir les affamés, désaltérer les assoiffés, vêtir les démunis, soigner les malades, visiter les prisonniers, enterrer les morts, selon ce que préconise l'Evangile.
Ces six formes de don charitable représentent un devoir pour chaque chrétien. Cependant le Moyen Âge voit les ordres religieux s’en emparer jusqu'à s’en faire une règle pour certains.
Ainsi, les Antonins, les Trinitaires, les frères du Saint Esprit et bien entendu les Hospitaliers pratiquent cette charité et la transforment en une pratique d’assistance collective dès le 12ème siècle.
Représentations de la charité
- Dans la tradition iconographique chrétienne, l'allégorie de la Charité est souvent celle d'une jeune femme allaitant des nourrissons. Les peintres italiens de la Renaissance représentent également la Charité sous les traits d'une jeune femme donnant le sein à un vieillard décharné. Ils reprennent ainsi le thème de la Charité romaine.
- Dans la religion catholique, le « Sacré-Cœur » est devenu le symbole de la charité chrétienne issue de Dieu.
- Dans le rituel maçonnique du 18ème degré, Souverain Prince Rose-Croix, au Rite Écossais Ancien et Accepté (R.E.A.A.), il est fait mention des trois vertus théologales. Le Souverain Prince Rose-Croix porte un bijou en sautoir représentant un pélican nourrissant ses petits, symbole de charité et d'amour.
Le troisième pilier de l’islam : la charité obligatoire
La charité, dans la religion islamique, est non seulement recommandée, mais obligatoire pour tout musulman qui est stable financièrement. Donner la charité à ceux qui sont dans le besoin fait partie de la nature du musulman et constitue un des cinq piliers de l’islam.
La zakat
La zakat est une « charité obligatoire ». En effet, il est obligatoire, pour ceux que Dieu a comblés de richesses, de venir en aide aux membres de la communauté musulmane qui sont dans le besoin. Certaines personnes, dépourvues de tout sentiment d’amour et de compassion envers autrui, ne savent qu’amasser les richesses et les faire fructifier encore en les prêtant à intérêts.
Les enseignements de l’islam sont aux antipodes de ce genre d’attitude. L’islam encourage le partage des richesses et fait en sorte que les gens arrivent à se débrouiller et à devenir des membres productifs de la société.
En arabe, cette charité obligatoire est connue sous le nom de zakat, qui signifie littéralement « purification », car elle purifie le cœur d’une personne de toute avarice. L’amour des richesses est une chose naturelle et pour qu’une personne consente à se départir d’une partie de ses biens, sa foi en Dieu doit être très ferme.
La zakat doit être calculée selon la valeur de différentes catégories de biens – or, argent, liquidités, bétail, produits de l’agriculture et marchandises commerciales – et doit être acquittée une fois l’an, au moment où les biens d’une personne ont été en sa possession durant une année complète. Elle équivaut à 2,5% de la totalité des biens d’une personne.
Comme la prière, qui est une obligation à la fois individuelle et communautaire, la zakat est l’expression de l’adoration et de la gratitude du musulman envers Dieu, qu’il manifeste en aidant ceux qui sont dans le besoin. Dans la religion islamique, c’est à Dieu qu’appartient toute chose et non à l’homme. L’acquisition des biens pour le simple plaisir de les posséder ou dans le but de se sentir important et supérieur est une chose blâmable. L’acquisition des biens n’a aucune valeur aux yeux de Dieu ; l’homme n’en tire aucun mérite, ni dans sa vie terrestre ni dans l’au-delà. L’islam enseigne que les gens doivent acquérir des biens dans l’intention de les dépenser pour leurs propres besoins et ceux des autres.
Dans l’islam, les richesses sont considérées comme un cadeau de Dieu. Et de ce cadeau, Dieu a réservé une partie pour le pauvre, de sorte qu’à ce dernier revient un droit sur les richesses des plus fortunés. La zakat rappelle donc aux musulmans que tous les biens qu’ils possèdent appartiennent en réalité à Dieu.
Les biens que Dieu donne à l’homme sont une responsabilité que ce dernier doit savoir gérer, et un des objectifs de la zakat est de libérer les musulmans de leur amour de l’argent. Dieu n’a guère besoin du montant payé en zakat, et ce n’est pas Lui qui le reçoit. Il se situe bien au-delà de ce genre de dépendance.
Mais, dans Son immense miséricorde, Dieu promet une généreuse récompense à ceux qui aident les gens dans le besoin à la condition que la zakat soit payée avec la pure intention de chercher Sa satisfaction.
En d’autres termes, la personne qui donne ne doit pas, en retour, exiger ou attendre des faveurs de la part des bénéficiaires de son don, ni chercher à passer pour un philanthrope. Jamais celui qui donne ne doit offenser un bénéficiaire en le faisant sentir inférieur ou en lui rappelant qu’il l’a aidé.
La zakat ne doit être donnée qu’à certaines catégories de personnes. La loi islamique stipule que les principaux bénéficiaires de la zakat sont les pauvres, les orphelins, les veuves, ceux qui sont endettés. Elle stipule également qu’elle peut servir à libérer des esclaves ou à aider des gens faisant partie d’autres catégories, telles que mentionnées dans le Coran (9:60). La zakat, qui a été établie il y a quatorze siècles, est une forme de sécurité sociale dans les sociétés musulmanes.
Ni les écritures juives ni les écritures chrétiennes n’encouragent la libération des esclaves en l’élevant au rang d’adoration. En fait, l’islam est l’unique religion au monde qui a encouragé les croyants à financer la libération des esclaves et qui a élevé cet acte au rang d’adoration pour autant qu’il soit fait dans l’intention de plaire à Dieu.
À l’époque des califats, la collecte et la distribution de la zakat relevait de l’État. Dans le monde musulman contemporain, la zakat a été laissée à la discrétion de chaque individu, sauf dans quelques pays où l’État remplit ce rôle jusqu'à un certain degré.
La plupart des musulmans, en Occident, acquittent leur zakat par l’intermédiaire d’organismes de charité islamiques ou de mosquées, ou alors simplement en donnant eux-mêmes leur don à une personne dans le besoin. L’argent n’est pas recueilli lors de services religieux ou dans des paniers de dons, mais dans certaines mosquées on retrouve, près de l’entrée, une boîte dans laquelle ceux qui souhaitent acquitter leur zakat par l’intermédiaire de la mosquée peuvent glisser leur don en argent.
Contrairement à la zakat, il est préférable de donner les autres formes de charité volontaires en privé, ou même secrètement, afin de préserver la pureté de son intention envers Dieu.
La sadaqah
En plus de la zakat, le Coran et la Sounnah (paroles et actions du prophète Mohammed) encouragent fortement la sadaqah, qui est une charité volontaire envers les pauvres. Le Coran encourage les croyants à nourrir le pauvre, à procurer des vêtements à ceux qui en ont besoin, à aider ceux qui sont dans le besoin, et plus une personne aide les autres, plus Dieu aide cette personne ; et plus une personne donne en charité, plus Dieu comble cette personne de bienfaits. Lorsqu'une personne prend soin des autres, Dieu prend soin d’elle.
L'idée de charité dans la religion juive
Dans l'actualité si trouble et si troublée, de contestation et de totale négation de tant d'idées et d'idéaux, la morale se doit d'évoquer les valeurs permanentes de la religion, celles du Judaïsme surtout. L'histoire de la médecine, celle de l'hygiène et de la santé publique, comme la sociologie morale, ne saurait aucunement faire abstraction ni de la Bible ni de la littérature post-biblique, pour tout ce qui concerne l'idée de l'amour du prochain et la pratique de l'assistance sociale.
Dans le Judaïsme, il n'est guère possible d'interpréter un texte quelconque ou une simple tradition rapportée à la Bible, sans l'aide de la littérature talmudique qui en constitue, en quelque sorte, le développement exégétique. Ainsi le précepte de la charité se trouve-t-il implicitement dans la vie exemplaire des Patriarches, de même que la Loi mosaïque le contient explicitement, que les Prophètes et certains Hagiographes l'élèvent au sommet de l'éthique religieuse.
Le libérateur et législateur d'Israël proclame les attributs de l'Eternel, en mettant en tête justement la charité divine. Le Code de la Mischna n'hésite pas à mettre les devoirs envers le prochain humain avant les devoirs envers Dieu.
La charité, dans le sens que l'histoire des religions lui donne, s'appelle d'abord, dans la Bible hébraïque, « hessed » ; mais l'acception théologique de Caritas, charité, vient d'ailleurs, notamment de la langue juive populaire de l'époque talmudique, c'est-à-dire, du judéo-araméen.
Le vocabulaire de la langue hébraïque est riche en synonymes pour désigner la charité pratique. Mais le Judaïsme en a retenu surtout deux termes : la « Gemilut-Hassadim » et, plus encore, la « Zedaka », acte de justice. La charité se présente comme une sorte d'antinomie si le Hessed est facultatif, la Zedaka est obligatoire.
Le Hessed avec ses multiples acceptions appartient essentiellement au domaine de la Bible tandis que la Zedaka, bien qu'étant également un mot de l'hébreu biblique, et même dans le sens des « bonnes œuvres », c'est surtout dans la littérature talmudique, et depuis cette littérature, dans celle des cabbalistes et des auteurs rabbiniques, que le langage juif l'emploie dans le sens de «charité».
Faire de l'aumône, contribuer aux œuvres de bienfaisance, pratiquer la « Zedaka ». Et la «Zedaka » n'est que la Justice. C'est la forme au féminin de « Zedek », toujours justice, équité, mais cette forme au masculin représente étymologiquement la justice distributive, surtout par la magistrature, par l'autorité, et aussi par l'individu qui se conforme à la discipline de la Loi ; tandis que la Zedaka est la justice réparatrice des injustices naturelles, sociales ou judiciaires, justice spontanée et gratuite et d'autant plus méritoire sous le rapport de l'éthique religieuse.
La charité, un concept ambigü
Dans le langage courant contemporain, le mot charité est à utiliser avec précaution car, selon certaines sensibilités, il peut être chargé de significations dérivées, éloignées du concept initial :
- la charité est parfois considérée comme obligatoirement liée à une pratique religieuse, ce qui a pour effet de rendre l'utilisation du mot délicate dans le contexte des sociétés francophones contemporaines laïques ;
- la charité est également perçue, dans certains contextes, comme une relation inégale impliquant une situation humiliante pour la personne aidée, et non comme un comportement social réellement bienveillant et utile.
Ces dérives de sens ont entraîné d'importantes restrictions d'usage du mot charité, qui a notamment disparu du vocabulaire administratif où il est remplacé par des notions alternatives jugées plus neutres comme solidarité, action sociale, et qui est même souvent utilisé avec une connotation péjorative dans le discours public.
On entend souvent dire que la solidarité, c'est la charité laïque.
De fait, la solidarité a été construite comme substitut moderne de la charité chrétienne.
Charité bien ordonnée commence par soi-même
L’adage populaire ne dit-il pas : « Charité bien ordonnée commence par soi-même » ?
L’analyse intérieure, c’est le « Aime-toi » ; mais pour s’aimer, la condition nécessaire est de se connaître. C’est le « connais-toi toi-même ». Nous voilà de retour dans le Cabinet de réflexion… En effet, comment aimer l’Autre comme soi-même si on ne commence pas par s’aimer soi-même ?
Cette étape d’introspection franchie, qui nécessite souvent toute une vie initiatique, l’Amour du proche, du parent, de l’ami, est à portée du cœur et de la raison. Nous aimons très naturellement ceux qui nous entourent sinon nous nous serions éloignés d’eux…
On entend parfois des commentaires désabusés de ce proverbe. Ainsi : « Si tout le monde commence par s’occuper de lui-même, il n’y aura plus personne pour s’occuper des autres. »
En réalité, ce commentaire sarcastique n’a pas saisi la portée de ce proverbe plein de sagesse. De quoi s’agit-il ?
Ce proverbe signifie que la manière dont je m’occupe de moi n’est pas sans influence sur la manière dont je m’occupe des autres. Le terme de charité est une autre façon de parler de l’amour.
Nous pourrions reformuler le proverbe sous forme de question : comment aimer les autres si je ne m’aime pas moi-même ? Comment assurer les comptes d’une entreprise si je me perds dans les miens ? Comment conseiller la vie conjugale des autres si ma vie affective est une longue suite d’échecs ?
Dans la Bible on trouve cette sagesse toute simple lorsque saint Paul conseille son ami Timothée pour le choix des futurs responsables des communautés chrétiennes : qu’il soit l’époux d’une seule femme ; qu’il élève bien ses enfants ; qu’il soit sobre. Comment, en effet, être responsable de la famille des chrétiens si l’on ne peut être responsable de soi-même et de sa propre famille ?
On fustige aussi parfois ce proverbe en l’accusant de cultiver l’égoïsme. Deux remarques s’imposent ici : s’aimer soi-même est une bonne chose. Combien de personnes souffrent de ne s’être jamais pardonné telle ou telle action. De plus, s’aimer ne veut pas dire s’adorer ou s’idolâtrer. Si je m’aime vraiment, alors cet amour doit me conduire à me sortir de moi-même car « il n’est pas bon que l’homme soit seul ».
Une autre remarque porte sur la fin du proverbe : dire que charité bien ordonnée commence par soi-même, ne signifie pas qu’elle s’arrête à soi-même. Bien au contraire, si elle est bien ordonnée, elle doit me conduire au-delà de moi-même.
Mais il peut y avoir un usage excessif de ce proverbe.
En effet, combien de personnes attendent d’être parfaitement à l’aise avec elle-même pour s’autoriser de s’ouvrir aux autres au risque de ne jamais y parvenir. S’aimer soi-même ne signifie pas se rendre parfait et fort pour pouvoir aider ensuite les autres. S’aimer soi-même consiste avant tout à s’accepter avec ses misères petites ou grandes et à avoir un peu d’humour sur soi. C’est d’ailleurs ces dernières qui nous donneront la discrétion et l’humilité nécessaires à tout exercice de la charité.
Charité et Franc-maçonnerie
Au début de cette planche, j’évoquais les sommes peu élevées, recueillies via le Tronc de Bienfaisance. Je ne suis pas certain que nos plus jeunes Frères connaissent bien l’objectif poursuivi lorsque circule ce Tronc de Solidarité en fin de Tenue. C’est pourquoi je voudrais rappeler ici l’essentiel.
Les Francs-maçons ont, pour s’exprimer, des mots et des expressions spécifiques.
Ainsi, « Tronc de Bienfaisance », « Tronc de la Veuve » ou « Tronc de Solidarité » désignent le Tronc destiné à recevoir l’obole des Frères à la fin de chaque Tenue pour les œuvres d’entraide. Traditionnellement, à la fin de chacune de nos réunions, l'Hospitalier fait circuler une aumônière destinée à recueillir des oboles. Ce « tronc » peut circuler ou être présenté à la sortie de la Loge.
Pratiquer la charité en Loge, c’est aussi faire œuvre d’assistance fraternelle ou pratiquer la bienfaisance maçonnique. Elle est représentée dans chaque Loge par un Frère appelé « Hospitalier » qui joue un rôle essentiel dans notre vie maçonnique.
Ce Frère doit être à l'écoute de toutes les formes de détresses auxquelles les Frères sont confrontés dans leur vie quotidienne et s'efforcer de les résoudre, que celles-ci soient d'ordre moral, médical, matériel, familial ou autre... Il doit également aider les veuves, afin qu'elles ne sentent pas abandonnées.
Le Frère (Aumonier) – Hospitalier a donc la responsabilité des devoirs de charité et de philanthropie de la Loge. Il s’enquiert des besoins et détresses des Frères et des membres de leurs familles et, de concert avec le Vénérable Maître et le Trésorier, distribue les aumônes de la Loge.
D’un point de vue pratique, il peut y avoir des différences d’une Loge à l’autre. Mais généralement, les dons déposés dans le Tronc de Solidarité (ou de Bienfaisance) sont comptabilisés séparément par le Frère Trésorier et peuvent être, sur l'ordre du Vénérable Maître, mis à la disposition du Frère Hospitalier pour les besoins de sa charge.
Le montant recueilli est destiné aux Frères dans le besoin. Ce n’est pas une aumône, ce n’est que le devoir de solidarité et de fraternité de tout Franc-Maçon qui s’enrichit spirituellement en même temps qu’il offre sa charité et son amour.
Chaque année, lors de la Tenue administrative, le Frère Trésorier présente à l'approbation de la Loge les comptes de l’année civile écoulée et, séparément, la situation financière du Tronc de Solidarité.
Au R.E.A.A., le « Tronc de la Veuve » (appellation officielle équivalant à « Bienfaisance » ou « Solidarité ») doit en principe venir en aide à tout Frère qui le réclamerait en fin de Tenue. Le rituel de Fermeture des Travaux prévoit un questionnement explicite du Vénérable Maître :
« L’UN D'ENTRE VOUS RÉCLAME-T-IL LE TRONC DE LA VEUVE ? »
Les Colonnes restent généralement silencieuses.
Personnellement, je pense que ceci relève du symbolisme.
Mais j’imagine que si le Frère Hospitalier et/ou le Vénérable Maître apprennent qu’un Frère, membre de la Loge, est en difficulté, un moyen sera trouvé pour que les Frères soient invités à se montrer bien plus généreux que d’habitude, de sorte que si le Vénérable Maître l’invite discrètement à réclamer le contenu du Tronc, le Frère concerné ne devrait y trouver que des billets et les plus grandes de nos pièces de monnaie !
Dans certaines Loges, sur décision conjointe du Vénérable Maître et du Frère Hospitalier, une somme peut être dégagée du compte particulier de solidarité, notamment lorsque l’Obédience sollicite chaque Loge pour contribuer à son action philanthropique envers certains organismes sociaux.
Dans le Règlement particulier d’une Loge, j’ai trouvé la disposition suivante : « Si l'urgence de la situation l'exige, le Tronc de Bienfaisance peut être utilisé par la Loge à des fins autres que philanthropiques. La décision est prise par la C\O\D\ mais est soumise au vote de la Chambre du Milieu ».
Entre gens bien, la générosité doit demeurer discrète !
« Donner avec ostentation, disait Pierre Dac, ce n'est pas très joli, mais ne rien donner avec discrétion, ça ne vaut guère mieux ! »
Il est juste d’insister sur la discrétion du don. Affirmer celui-ci ne serait-il pas le pervertir au profit de son ego ? Tout engagement solidaire, même ponctuel, publié à la criée apparaît suspect !
Mais qu’en est-il de nos actions de solidarité de Franc-maçon ?
Le « Tronc de la Veuve » est là pour nous rappeler cette exigence, à chaque Tenue et à chaque séance. Contribution sonnante et trébuchante, contribution anonyme. Encore faudrait-il que les Loges ne capitalisent pas leurs deniers mais osent les distribuer sans peur du lendemain !
Quelques mots encore à propos du rôle du Frère Hospitalier.
Aux Rites « Rectifié » et « Émulation », il est appelé « Elémosinaire » (du latin aumône) et parfois aussi « Aumônier ».
Ne devrions-nous pas tous être des Hospitaliers en puissance ?
En effet, parmi les valeurs que nous prônons en Franc-maçonnerie, il y a celle de fraternité et de solidarité. Certes la fraternité peut se comprendre par un partage de notre démarche intellectuelle et initiatique, mais il n'en est pas moins vrai que notre parcours s'effectue dans un cadre collectif, et que cette collectivité peut difficilement se concevoir sans une forme de solidarité entre Frères. Il me semble de même évident que cette solidarité ne peut se manifester que dans l'acte de fraternité.
Chez nous, Francs-maçons de toutes obédiences, ce que nous appelons « charité » c’est l’amour du prochain, l’amour d’autrui. Il ne s’agit donc pas ici de l’aumône ou de l’entraide envers les autres même si les oboles versées au Tronc de la Veuve ressemblent à s’y méprendre aux oboles que nous pourrions donner lors d’une quête dominicale ! Dans ce sens, verser son obole, faire la charité est certainement plus facile à l’égard des êtres que nous ne connaissons pas plutôt qu’à l’égard d’un proche !
Faire la charité au sens d’apporter son obole nous donne souvent bonne conscience. Nous avons fait preuve de bienfaisance et nous en sommes satisfaits tout comme le boy-scout est content d’avoir fait sa bonne action quotidienne ! A cet égard, il est certes bien plus difficile de faire l’aumône à un proche dans le besoin car ce proche peut juger nos actes de générosité à leur juste valeur contrairement à l’inconnu que l’on pense soulager en lui donnant quelques pièces.
La charité est-elle, pour le Franc-maçon, vertu ou faiblesse?
La charité est un lien spirituel moral qui pousse à aimer de manière désintéressée ou encore l’amour des hommes considéré comme des semblables ou encore tout simplement « humanité », « philanthropie ».
Le propre de la charité ainsi que de l’amitié, c’est d’être gratuite.
Pascal, dans les « Pensées », dit que « la charité est à la fois transcendante (en tant qu’amour de Dieu pour l’homme) et immanente (en tant qu’amour des hommes pour les hommes) redonnant ainsi et en partie à cette vertu la résonance humaniste que la religion avait mise sous le boisseau jusqu'au siècle des lumières, époque où la libération des idées ainsi que l’évolution sémantique a fait que ce mot, dans le monde profane, voit un affaiblissement du sens transcendantal et un renforcement du sens immanent ou social ».
Il suffit, pour s’en convaincre de consulter les éditions successives du « Dictionnaire de l’Académie Française » où l’on constate que, dans les éditions modernes, l’article consacré à la charité est plus court et plus sommaire que dans les éditions anciennes et que le sens théologique de la charité à savoir « amour de dieu pour ses créatures » disparaît au profit du sens social qui est le don, l’aumône.
Ou encore les définitions qui se déclinent en fonction de l’éditeur par « acte de bonté envers autrui » ou bien « vertu consistant à vouloir le bien d’autrui. »
De cet acte de charité étant explicitement résolu dans ces différentes définitions qu’il soit désigné par « créature » ou par « autrui » se pose alors le questionnement du vouloir et du comment dispenser le bien ou faire acte de bonté.
Étant bien entendu que le vouloir et le comment sont étroitement liés et que pour le Franc-maçon la charité ne se limite pas à l’aumône ou la bienfaisance, mais y englobe ces liens de fraternité, d’altruisme et d’amour qui font que nous sommes toujours heureux de nous retrouver.
Je voudrais également évoquer « la philanthropie » que nous définissons comme une générosité désintéressée. Elle doit aujourd’hui nous interpeller car nous assistons à un glissement idéologique remettant en cause son sens premier à travers la création de fondations qu’elles soient d’Etat ou d’entreprises. Fondations dont le but inavoué est de favoriser le remplacement d’une société solidaire qui nous est chère par une société distributive de charité dans son expression la plus humiliante pour une grande partie de l’humanité.
Et c’est au travers de cette charité que l’on peut en déceler les faiblesses.
Alors, avant de développer cette lente transformation programmée de la vie en commun, essayons de répondre à travers la générosité au vouloir et au comment indiqués plus haut.
La générosité
Lorsque j’évoque la générosité, instantanément mon esprit se focalise sur l’action de donner.
Alors s’installe en moi comme un malaise alors que l’action de donner, si elle est désintéressée, est un des éléments essentiels de cet amour du genre humain qui fonde l’action maçonnique.
Je dis bien un des éléments car comme il ne peut y avoir de droits sans devoirs la contrepartie de l’action de donner est l’action recevoir.
Et comme l’action de donner, il est essentiel, pour un Franc-maçon, de savoir recevoir, avec humilité, sans gêne ni honte.
Et ainsi savoir donner et recevoir renforcent les liens de fraternité et participent à l’élaboration de cet égrégore si nécessaire en Loge au bon équilibre de chacun.
Mais qu’en est-il de l’acte de donner dans le monde profane ? Quelle est la motivation de chacun ? Est-ce un besoin ? Est-ce un manque ? Et que donne -t-on ?
Il y a des « donneurs » invétérés, tellement tournés sur eux-mêmes qu’il leur importe peu de savoir si le bénéficiaire « reçoit » ou « refuse » car pour lui seul importe son besoin de donner afin de se donner bonne conscience ou satisfaire un égo glouton. Cela est faiblesse !
De cela il découle, pour nous, Francs-maçons, qu’Il est impératif, avant de vouloir apporter à l’autre, de prendre conscience des sentiments qui nous animent afin, si cela est nécessaire, de les surmonter et de faire une réelle offrande.
Il faut donc réaliser que le don véritable commence par soi-même (Polir sa pierre brute) ou encore « connais-toi toi-même » afin de se débarrasser de ces passions négatives qui empêchent de regarder l’autre avec amour.
La véritable générosité devient ainsi invisible, circule entre les êtres, pauvres ou riches, sans signes extérieurs, gratuite et spontanée, désintéressée, en se traduisant dans l’acte par son caractère intimiste, ni vu ni entendu mais dans l’ombre et le silence, entre soi et l’absolu. C’est dans cette unique condition que se vit la pure générosité qui est charité. Cela est vertu !
Dans ce sens, générosité est synonyme de l’intelligence du cœur, car elle fait agir non pas en fonction de telle ou telle chose, mais en harmonie avec les seules exigences de l’amour, de la volonté et de la fraternité.
La volonté, car c’est bien par elle et elle seule que se construit la générosité. Être généreux, c’est se vouloir libre de bien agir et agir comme tel. Ainsi libéré de ses affects, le Franc-maçon, maître de lui, n’a pas besoin de se chercher des excuses. La volonté lui suffit.
Il était donc nécessaire de faire une incursion à travers la générosité pour ne pas oublier qu’elle seule triomphe quand la volonté est en cause et qu’à l’instar de l’amour, ou de l’amitié, elle seule se soumet à notre vouloir.
En cela, Spinoza nous dit « que la générosité est un désir par lequel un individu, à partir du seul commandement de la raison, s’efforce d’assister les autres hommes et d’établir entre eux un lien d’amitié ».
Remarquons que la générosité, comme pour toutes les vertus, est plurielle, dans son contenu, comme dans les noms qu’on lui prête qui servent à la désigner. Jointe au courage, elle peut être héroïsme. Jointe à la justice, elle se fait équité. Jointe à la compassion, elle devient bienveillance. Jointe à la miséricorde, la voilà indulgence. Jointe à la douceur, elle s’appelle bonté. Mais son plus beau nom est son secret que chacun connait : jointe à la tendresse, elle devient Amour ».
Pour nous, Francs-Maçons, « être charitable » n’est pas synonyme de « faire la charité ». « Etre charitable », c’est aimer son prochain comme soi-même. Ce n’est pas simplement une des trois vertus théologales mais une vertu qui doit être la Vertu primordiale de l’altruiste, de l’humaniste, en un mot, du Franc-maçon que nous nous sommes engagés à devenir.
Il est bien plus facile d’être charitable avec son proche qu’avec son prochain mais devenir charitable au sens premier du terme, au sens noble du terme, c’est avoir l’esprit chevaleresque. C’est le combat de toute une vie, un combat pour l’Amour de soi et l’Amour des autres.
En guise de conclusion provisoire…
Au cours du 20ème siècle, à mesure que se mettait en place un certain nombre de nos lois sociales, le mot « charité » s'est transformé en synonyme de condescendance, de complaisance et même d'hypocrisie. Et alors qu'il devenait plus convenable que les aveugles soient des non-voyants, les sourds des malentendants et les infirmes, des personnes à mobilité réduite, au mot charité s'est substitué celui de solidarité. Si l'abandon d'une désignation usuelle au profit d'un euphémisme a pour conséquence d'en adoucir l'écoute, elle n'en modifie pas pour autant la problématique.
Or, la problématique aujourd'hui, c'est qu'une population importante survit en France, en Belgique, en Europe et dans le monde grâce à la charité, qu'il s'agisse de charité indirecte organisée par le milieu associatif ou celle, directe, qui répond à la mendicité.
Des associations de tous bords se multiplient pour venir en aide aux pauvres de la planète, aux enfants malades, à ceux qui ne sont pas scolarisés, aux handicapés, aux lépreux et j'en passe. Désormais, il ne nous est plus possible, même si on le veut, d'ignorer la misère du monde. Et contrairement aux dames patronnesses des siècles passés qui ne connaissaient de pauvres que ceux de leur paroisse et mettaient à bon compte leur conscience en repos, nous ne pouvons plus, du fait de l'hyper médiatisation, ignorer la pauvreté à l'échelle planétaire. Et quoique nous fassions de charitable ou de solidaire, nous ne sommes plus qu'en mesure de constater l'inépuisable insuffisance de nos actions.
On peut dire, au mieux, que l'aide humanitaire rend la misère plus tolérable à notre conscience.
Qu'il soit en fait question de solidarité ou de charité, il est clair que toutes deux ont évolué considérablement. Mais si on peut être solidaire sans le savoir on n'est jamais charitable sans le vouloir, ce qui signifie qu'on peut très bien, pour s'exonérer de la charité, se donner bonne conscience avec la solidarité, sous prétexte qu'on a « déjà donné ».
Mais peut-être faut-il tout simplement cesser de se demander ce qu'il vaut mieux être, charitable ou solidaire, et laisser ce genre de questionnement pour le jour improbable où la misère ne sera plus. En attendant, soyons solidaires ou charitables ou les deux à la fois, mais faisons ce que nous pouvons, le terrain de la pauvreté est suffisamment vaste.
La charité telle que je la conçois n'est pas seulement une façon de faire, c'est une façon d'être. Si à une époque on pouvait se croire charitable parce qu'on faisait la charité, cela n'induisait pas nécessairement le principe de charité et, à cause de cela, il ne fut pas difficile de mettre la charité au ban de notre vocabulaire.
Je conclurai en disant que si la charité n'est pas en nous, elle n'est pas ! Et, pour nous Francs-maçons, elle doit être beaucoup plus qu'un devoir : une éthique. Elle doit se situer bien au-dessus et aller bien au-delà de la générosité et de la solidarité qui ne sont que des réponses à des situations ponctuelles, elle est une obligation morale, une exigence du cœur et de la raison.
Pour moi, il s'agit d'un principe transcendant, capable de faire de nous des êtres ouverts et tolérants aux autres. C'est une force que nous devrions faire naître et préserver en nous afin d'établir et de consolider la chaîne qui nous relie à nos frères humains pour que chacun sache que si nous savions faire vivre la charité, aucun d'entre nous ne serait plus jamais seul.
R:. F:. A. B.
(1) Traiter avec le plus profond respect, montrer une grande révérence pour quelqu'un ou quelque chose. Révérer des écrivains, ses maîtres, des philosophes; révérer la liberté, l'action, le courage.
Bibliographie
Rituel d’Initiation - Rite Moderne Belge - G.L.R.B.
Lallemand L. - Histoire de la charité
III : le Moyen Âge
Paris, 1906
Lenoble C. - L'exercice de la pauvreté
Presses Universitaires de Rennes, 2013
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