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* Planche d'instruction à propos de la saint-Jean d'hiver
Saint Jean et le Solstice d'hiver
L’importance de la lumière est bien connue pour les bâtisseurs, et notamment pour les bâtisseurs de cathédrales. C’est elle qui décidait de la percée des ouvertures dans les murs des édifices religieux et de l’emplacement de leurs vitraux. En ce qui concerne précisément la lumière solaire, deux jours de l’année présentent une particularité intéressante : ce sont les deux solstices. Le solstice d’hiver, le jour le plus court de l’année qui correspond à la fête de saint Jean l’Évangéliste, et le solstice d’été, le jour le plus long, qui correspond à celle de saint Jean le Baptiste. C’est avec le solstice d’hiver que nous fêtons ce Midi, que commence la phase ascendante du cycle annuel.
1. Ma première réflexion de ce Midi concernera précisément le sens des solstices. Faut-il rappeler que les solstices sont des phénomènes naturels de l’univers, que l’homme a découverts très tôt. Le mot « solstice » vient du latin « sol » qui signifie « soleil », et « stare » qui se traduit par « s’arrêter ». Les rites des fêtes solsticiales sont très anciens.
Le solstice est le moment, qui se répète donc deux fois par an, moment où le soleil se trouve à son plus grand éloignement angulaire du plan de l’équateur. Là, aux yeux des hommes, il semble alors s’arrêter car il reste pendant trois jours dans le 23ème degré de déclinaison avant de commencer à redescendre ou à remonter vers le plan de l’équateur.
Logiquement, la fête de saint Jean l’Évangéliste aurait dû être fixée au 25 décembre, mais cette date avait déjà été attribuée à la naissance du Christ. C’est pourquoi, les théologiens ont imposé deux jours de décalage. La concordance de la fête de la Nativité et celle de saint Jean l’Évangéliste qui annonce une ère nouvelle, celle de la naissance d’une nouvelle humanité, est symboliquement explicite.
La vie des anciens était très liée au rythme des jours et des nuits et au rythme des saisons car leurs ressources et leur mode d’existence étaient eux-mêmes tributaires de la culture et des produits de la terre. Chaque événement de la nature donnait lieu à des fêtes, à des cultes aussi, à des célébrations solennelles où la superstition n’était pas toujours absente, et à des sacrifices divers. Il fallait s’attirer la bonne grâce des dieux pour être assuré de survivre. La mythologie égyptienne, avec la déification du Nil, et la mythologie grecque, en sont des témoignages. Même si c’est là l’interprétation qu’en donnent les historiens des religions, il ne faut pas oublier que les hommes de l’époque avaient aussi une approche symbolique des phénomènes naturels. Ce sont les anciens qui nous ont transmis les bases principales de notre initiation.
Les mystères célébrés dans le temple consacré à la déesse Déméter, déesse du blé et de la germination, ont montré comment l’homme apprenait le rythme de la vie : naître dans la joie et mourir dans l’espérance. Avec le premier champ de blé, la vie organisée commença sur la terre. Le pouvoir supra humain qui fait germer les semences a été attribué à une déesse et non à un dieu.
Nous retrouvons ici suggérée l’image de la graine enfouie dans la terre – mère, le ventre de la mère. La fête de Déméter se célébrait au moment des moissons. Mais après la moisson, la terre s’engourdit, s’endort. Chaque année le changement se produit sous les yeux des hommes.
L’alternance des saisons lui a permis de fixer des points de repère et de fêter ces moments de mort apparente et de renouveau : ce sont les fêtes solsticiales, de décembre et de juin. Ces fêtes rituelles ont toujours été celles de la fécondité, de la vie, de la lumière et de l’espérance de l’homme dans son alliance avec la nature. En répétant l’acte de création, elles assignaient à l’homme sa place naturelle dans le temps sacré, ordonnancé, cosmique. Dès lors, il n’est pas impossible que les fêtes des deux saints Jean aient perpétué le lien avec les mystères païens qui sacralisaient en quelque sorte le travail de l’homme.
2. A l’occasion de la célébration de ce Solstice d’hiver, nous avons choisi de nous réunir en ce lieu historique particulièrement remarquable, un site gallo-romain, intéressant à plus d’un titre [1]. Ce choix n’est pas innocent car, bien avant les fêtes de saint Jean, aux deux solstices, les Romains célébraient la fête de Janus qui « ouvre » et qui « ferme » les portes du cycle annuel, Janua signifiant « porte, accès ». Et de Janus, il est notamment question dans notre rituel de ce Midi, ce qui m’amène à ma deuxième réflexion !
Curieusement, Janus était représenté avec deux visages, celui d’un vieillard tourné vers le passé et ainsi vénéré comme le dieu des origines de toutes les choses et l’autre, d’un adolescent tourné vers l’avenir. A ce titre, Janus était craint et respecté comme le maître du temps qui détruit ce qu’il produit mais aussi comme le gardien des portes célestes qui détient les clefs des étapes du chemin vers la Lumière, symbole de l’immortalité de l’Esprit. Les expressions « porte des hommes » et « porte des dieux » en découlent. Les noms de « porte de l’enfer » et « porte du ciel » leur ont aussi été donnés.
Janus, dieu romain, était le dieu des portes de la ville. Il faut se souvenir que les villes romaines étaient circulaires et coupées en quatre – d’où le terme de « quartier » – par deux voies principales, l'une nord - sud appelée « cardo », l'autre est – ouest appelée « decumanus ».
Janus gouvernait les deux portes symboliquement principales, c'est-à-dire la porte Nord (porte des Enfers) et la porte Sud (porte du Ciel).
Dieu des portes, Janus était aussi le dieu des « commencements » : « Initiare » signifiant « commencer », Janus était le dieu de l'initiation. C'est lui qui ouvrait le cycle des campagnes militaires.
C'est lui également qui ouvrait et fermait le cycle annuel. Janus a été remplacé par les deux Jean. Jean le Baptiste, ouvrant la Porte du Ciel, est devenu le patron des Francs-maçons et de tous les Initiés.
Après la christianisation des mythes païens, les deux Jean prirent la place de Janus aux deux visages. Ce fut Jean le Précurseur, dit le Baptiste, celui qui baptisait d’eau et annonçait la venue de celui qui baptiserait de feu, puis ce fut Jean l’Évangéliste, le « confirmateur », témoin de cet amour fusionnel et symbolique du feu et de l’eau. Le feu est un symbole très présent aux solstices. Vous l’aurez remarqué en venant en ce lieu !
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3. Ma troisième réflexion de ce Midi, mes Frères, portera sur les raisons de l’appellation « Loge de Saint-Jean » et de l’importance que les Maçons ont toujours accordée à cet Évangéliste.
La tradition maçonnique de célébrer la Saint-Jean est attestée antérieurement à 1717, notamment par le Manuscrit « Dumfries ». L’usage de la Bible ouverte à l’Évangile de saint Jean est une coutume maçonnique qui remonte pour le moins aux tout premiers commencements de la Maçonnerie spéculative comme en témoigne aussi le Manuscrit des Archives d’ Édimbourg, datant de 1696.
L’usage de prêter serment sur l’Évangile de saint Jean appartenait également à la Maçonnerie anglaise – qui l’a transmis à la France – et à la Maçonnerie écossaise du 17ème siècle, Maçonnerie de transition entre la Maçonnerie opérative et la Maçonnerie spéculative.
L’édition des Constitutions de 1738 rapporte que c’est à l’occasion de la Saint Jean Baptiste de 1717, le 24 juin, jour de la fête rattachée au solstice d’été, jour de plus grande lumière, que les quatre premières loges maçonniques de Londres se sont réunies pour fonder la première obédience de la Franc-maçonnerie spéculative et élire le premier Grand Maître.
Dans les loges françaises et continentales en général, la Bible est ouverte au premier chapitre de l’Évangile de saint Jean. C’est donc sur le Prologue de cet Évangile que tout récipiendaire prête son serment. Cet usage était déjà celui de la Maçonnerie du 18ème siècle qui prévoyait l’installation du Vénérable et des Officiers Dignitaires au moment de la Saint-Jean d’été, comme le montrent abondamment les « livres d’architecture » des loges.
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4. Enfin, mes très chers Frères, il ne paraît pas concevable de célébrer la Saint-Jean sans évoquer brièvement le Prologue de l’Évangile de Jean qu’il serait bon de relire chaque année.
Et ce Midi, ma quatrième et dernière réflexion concernera cette courte phrase, extraite précisément du Prologue et que le Vénérable Maître énonce en clôturant nos Travaux à chaque Tenue.
Cette phrase qui, selon notre rituel officiel de la G.L.R.B., ne doit être prononcée qu’à moitié pour éviter les différentes interprétations possibles de sa seconde partie.
Il s’agit du verset « La Lumière luit dans les Ténèbres et les Ténèbres ne la reçoivent pas » (ou « ne l’ont pas comprise » ou « ne l’ont pas reçue », etc.).
Ce verset serait incompréhensible en l’abordant autrement que par la symbolique. En voici une interprétation : la Lumière qui brille dans les Ténèbres est la Vérité éternellement présente en tous lieux et en toutes circonstances, même lorsqu'elle est bafouée par les hommes. Les Ténèbres sont le symbole des hommes qui ne peuvent être pénétrés par la Lumière tant les voiles de toutes sortes qui masquent la nature essentielle sont épais. Ces voiles sont ceux de l’ignorance, des passions et de la dualité.
R:. F:. A. B.
Planche tracée dans le cadre de ma charge d'Orateur au sein de la R:. L:. "La Lumière des Ardennes" n° 24 à l'Or:. de Forrières
[1] La villa gallo-romaine de Malagne fut un des grands centres agricoles de la Gaule du Nord dès le premier siècle après J.C. Avec ses caves et ses thermes sur hypocauste, Malagne fut certainement le lieu de résidence d’un personnage important de l’Empire Romain. Le site actuel s’étend sur plusieurs hectares. Autour des vestiges de la villa (corps de logis, annexes, écuries, forge et maison du forgeron), Malagne reconstitue les activités d’une ferme gallo-romaine : travail de la terre (poterie, argile dans la construction : torchis, pisé...), artisanat (métier à tisser, corderie, vannerie...), travail du fer : bas fourneau et forge, cultures et élevage de races anciennes de façon artisanale, cuisson du pain dans un four gallo-romain.
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