• * La recherche de la Lumière

     La recherche de la Lumière 

    Introduction                                                

    La première version de cette planche, je l’ai tracée lorsque j’étais encore Apprenti.

    Après avoir quelque peu médité sur bon nombre de symboles du premier degré, je m’étais dit que ces symboles qui sont présents dans la Loge ou représentés sur le tapis recouvrant le Carré long ne pouvaient être visibles et aisément distingués que s'ils étaient suffisamment éclairés.

    Cette condition d'éclairage efficace m'avait alors rappelé ce que je suis venu chercher en Franc-maçonnerie et ce que j'ai demandé en y entrant : la Lumière !

    J’avais donc décidé de tracer une planche à ce sujet. Depuis lors, j’ai remis plusieurs fois l’ouvrage sur le métier et je me suis proposé de vous livrer mes réflexions, aujourd'hui mieux organisées, à la manière d’un jeune Maître qui est à présent censé savoir tracer des plans. Selon mes habitudes, j’y ai incorporé quelques informations que j'ai recherchées dans la littérature maçonnique.

    J’évoquerai successivement la lumière dans ses aspects physique et symbolique ; le Soleil et la Lune, les étoiles et les ténèbres ainsi que le feu.

    Je vous rappellerai comment apparaît la lumière dans la Loge, sur le Tableau de Loge ainsi que dans le langage maçonnique.

    Je terminerai ce tracé en rappelant la finalité de la Maçonnerie et en vous livrant mes réflexions et mes conclusions que je qualifie toujours de provisoires.

     

    Qu’est-ce que la lumière ?

    Physiquement, la lumière est un rayonnement émis par des corps portés à haute température et qui est perçu par les yeux. Elle est constituée par des ondes électromagnétiques. Dans cette définition, c’est surtout le mot «rayonnement» qui devrait retenir notre attention.

    La lumière trouve une source naturelle dans les étoiles et les corps célestes naturels que sont les astres.

    Les étoiles sont des astres qui brillent dans le ciel nocturne.

    Une étoile est un astre doué d'un éclat propre dû aux réactions thermonucléaires dont il est le siège. Les étoiles naissent de la contraction de vastes nuages de matière interstellaire (nébuleuses). Lorsque leur température devient suffisante, des réactions thermonucléaires s'amorcent dans leurs régions centrales et leur permettent de rayonner.

    Quittons provisoirement le domaine de la physique pour entrer dans celui du symbolisme. Symboliquement, de tout temps, la lumière a été considérée par essence comme source de vie. Elle est la clarté qui s'oppose à l'obscurité.

    De nombreuses religions et autant de courants de pensée en ont fait l'expression de la puissance divine.

    Le mot « Lumière » est apparemment devenu synonyme :

    • de force divine pouvant être transmise à l'homme,
    • de connaissance, de spiritualité,
    • de révélation dont tout individu peut acquérir les bienfaits à condition qu'il la reconnaisse et s'engage à sa recherche dans une voie d'étude et de respect.

    Dans cette optique, il était inévitable que la lumière prit une place particulière dans l'univers maçonnique.

    Chaque Rite, dans ses pratiques quotidiennes, pare la lumière des nuances qui lui conviennent. Ainsi, au Rite Écossais Ancien Accepté, la lumière est considérée comme « petite » lorsque le bandeau est ôté pour un bref instant des yeux du récipiendaire afin qu'il aperçoive les épées des Frères dirigées vers lui ; elle est considérée comme « grande » lorsqu'au terme de l'Initiation le bandeau est définitivement enlevé de devant les yeux de l'Initié.

     

    Le Soleil

    Revenons un instant au domaine de la physique pour nous rappeler que le Soleil, écrit avec une majuscule, est l'étoile autour de laquelle gravite la Terre. Il est par conséquent le centre de notre galaxie. Notons encore qu'il y a des milliards de soleils dans chaque galaxie. Que de lumière potentielle !

    Depuis toujours semble-t-il, le Soleil a joué un rôle primordial dans la vie de l'homme. En premier lieu car il est synonyme de lumière et de chaleur, mais aussi et surtout, par la valeur hautement symbolique que lui ont accordée les civilisations qui se sont succédé au fil des siècles.

    Le soleil est devenu un élément majeur de la symbolique maçonnique. C'est pourquoi, il est considéré comme le premier «luminaire» et figure à ce titre sur le tableau d'Apprenti. De même, le Soleil est très souvent mentionné dans les rituels, quel que soit le rite pratiqué.

    L'organisation de la vie quotidienne au sein du Temple maçonnique est calquée sur le rythme solaire. Comme l'indique notre rituel, nos travaux maçonniques commencent symboliquement à Midi, lorsque le soleil est à son zénith en plein ciel et se terminent à Minuit, quand il est au nadir.

    Notre positionnement comme celui de nos Frères Officiers Dignitaires lors des Tenues ainsi que l’itinéraire que nous devons suivre dans le Temple, correspond à une « dynamique solaire » très précise.

    Ainsi, alors que notre Vénérable se tient à l'Orient où se lève le Soleil, c'est-à-dire d'où vient la lumière, les Apprentis sont regroupés dans la partie du Temple la moins éclairée. Cette disposition correspond à leur faible élévation dans la hiérarchie maçonnique.

    Par sa vocation encourageant la vie, l'astre solaire est assimilé à la droite, à l'activité. Il est donc en relation avec la Colonne B:. et parmi les Officiers de la Loge, il est relié à l'Orateur qui remplit un rôle fondamental dans le maintien de l'éthique maçonnique.

     

    La Lune

    Parmi les astres les plus proches de notre Terre, il convient de remarquer que la Lune est dépourvue de lumière propre : elle ne fait que réfléchir la lumière qu'elle reçoit du soleil !

    La Lune est l'un des trois luminaires qui figurent en bonne place dans le Temple maçonnique. On la considère à juste titre comme le reflet du Soleil. Alors que le Soleil est synonyme d'expression concrète, la Lune rappelle les forces cachées, profondes, qui sont celles de la maturation, de l'imagination, de la créativité qui génèrent par la suite les formes concrètes.

    Depuis les temps les plus anciens, la Lune est considérée comme l'astre de la fécondité, de la lente et secrète production de la vie, l'astre qui donne la lumière dans la nuit. La Lune est de ce fait étroitement liée aux vertus cachées de l'Initiation qui éclairent l'homme vivant dans l'obscurité.

    Du point de vue maçonnique, la Lune évoque traditionnellement la passivité et la réceptivité. On a coutume d'associer généralement la Lune à la colonne J:. placée à gauche de l'entrée du Temple.

     

    Les étoiles et les ténèbres

     Les étoiles

    Les étoiles ont de tout temps symbolisé la lumière jaillissant des ténèbres. A ce titre, elles aussi ont trouvé une place de choix dans l'univers maçonnique dont l'objet premier est la recherche de la Lumière dans le sens de la connaissance.

    Nous pouvons dès lors mieux comprendre pourquoi le plafond du Temple maçonnique est généralement orné d'une peinture représentant un ciel d'un bleu profond, illuminé d'une foule d'étoiles dorées et scintillantes.

    Les ténèbres

    Les ténèbres : voilà un mot fréquemment employé dans le langage des Francs-maçons en diverses occasions :

    • négativement, elles désignent le contraire de la Lumière maçonnique ;
    • positivement, elles évoquent l'obscurité nécessaire au retrait de la vie et à la pensée, dans le cabinet de réflexion où séjourne celui qui subit les épreuves de l'Initiation ;
    • enfin, elles désignent une étape nécessaire qu'un Maçon doit vivre et traverser, tel un tunnel avant de parvenir, par le biais de l'Initiation, au grade suivant dans sa trajectoire maçonnique.

     

    Le feu,  les flammes

    Qu'est-ce que le feu ? 

    La physique nous apprend que le feu est un dégagement simultané de chaleur, de lumière et de flamme produit par la combustion vive de certains corps.

    Le feu a, de tout temps, été l’un des éléments de base qui constituent la vie, au même titre que l'air, l'eau ou la terre. C'est sans doute la raison pour laquelle il ne pouvait qu'acquérir au fil des siècles une valeur symbolique, d'autant plus forte que, dans son aspect physique, il présente de nombreuses vertus décapantes et purificatrices !

    Par analogie avec sa capacité à consumer ce dont il s'empare, le feu est considéré symboliquement comme un instrument de purification.

    De ce point de vue, le premier exemple à citer reste le fait qu'en une époque lointaine on l'utilisait pour brûler ceux dont les pratiques étaient jugées démoniaques.

     

    Approche du symbolisme du feu

    Dans le cadre maçonnique, le feu est présent par sa relation avec la maîtrise nécessaire pour le dompter et surtout la lumière qu'il prodigue. La Lumière étant assimilée à la Connaissance, le feu devient un « instrument de connaissance » et acquiert ainsi une dimension symbolique de toute première valeur : il est celui qui éclaire, celui qui illumine, qui transforme les ténèbres en champ lumineux, celui qui permet de voir... donc de savoir. Je dirais donc que le feu est un révélateur de l'essence des choses.

    Ce n'est surement pas par hasard si, dans la Loge, ce que l'on nomme les étoiles, qui autrefois guidaient la marche des voyageurs, sont des cierges au sommet desquels brûle le feu. Leur lumière éclaire la quête spirituelle des initiés Maçons.

    Le feu se veut à la fois d'essence divine, tant il sait être purificateur mais aussi implacable en certains instants, et initiateur par sa faculté à montrer le chemin, à permettre à l'homme de voir et comprendre.

     

    La Lumière dans la Loge

    La lumière physique est présente dans la Loge au sommet des candélabres.

    Luminaires et candélabres

    Un candélabre est une source de lumière, fixe, dont la fonction est d'éclairer le Temple. Il ne faut pas confondre le candélabre avec les autres sources lumineuses que sont le flambeau ou l'étoile qui, pour leur part, sont investis d'une valeur et d'un rôle symboliques.

    Dans le langage profane, le mot «luminaire» désigne tout appareil d'éclairage, les lampes, les cierges utilisés dans le culte chrétien, mais aussi le Soleil ou la Lune.

    Dans le langage maçonnique, le mot « luminaire » désigne trois éléments distincts :

    • ce sont, d'une part, le Soleil et la Lune, encore appelées « Etoiles » ;
    • ce sont, d'autre part, les Flambeaux, ces flammes par lesquelles le Temple doit être symboliquement éclairé, ces chandeliers disposés dans le Temple dont les bougies ne doivent jamais être soufflées lorsqu'on les éteint !

    La notion de luminaire se rattache ainsi à tout ce qui tient à la lumière. Or, dans le monde maçonnique, vous commencez à le remarquer, la lumière joue un rôle fondamental ! 

    On appelle « Trois Petites Lumières » le Soleil, la Lune et le Maître de Loge. Le Soleil règne sur le jour, la Lune préside à la nuit et le Vénérable Maître gouverne et dirige la Loge.

    Notez que dans ce contexte précis, le Vénérable Maître est considéré comme dispensateur de la Lumière fraternelle qui permet aux Maçons d'accomplir leurs devoirs maçonniques.

    Les « Trois Grandes Lumières » sont le Volume de la Loi Sacrée, l’Équerre et le Compas.

    C'est sur ces trois éléments de base de l'univers maçonnique que nous avons prêté serment lors de notre initiation.

    La même expression « Trois Grandes Lumières » semble aussi désigner le Vénérable Maître et les deux Surveillants.

    Sont également désignés par l'expression « Lumières de l'Atelier » les cinq premiers Officiers d'une Loge, c’est-à-dire le Vénérable Maître, les deux Surveillants, l’Orateur et le Secrétaire.

    Remarquez encore que

    • les Apprentis sont placés au Nord parce qu'ils ont besoin d'être éclairés ; ils reçoivent ainsi la pleine lumière de la fenêtre du Midi.
    • Placés au Midi, les Compagnons ont besoin de moins de lumière car l'ombre portée par le mur du Temple les éclaire suffisamment. On dit aussi que les Compagnons se tiennent au Midi parce qu'ils sont assez avancés pour supporter l'éclat du jour. Ils sont appelés à devenir des foyers ardents, sources de chaleur et de lumière.
    • Le Vénérable, l'Orateur et le Secrétaire reçoivent de face la seule lumière du couchant. Par contre, les Surveillants sont alertés dès l'aurore par la lumière qui vient les frapper.

     

    Les cierges

    Au degré d'Apprenti, on remarque parfois trois cierges : le Vénérable et les deux Surveillants ont chacun un chandelier sur leur plateau.

    Avant l'Ouverture des Travaux, seule la place occupée par le Vénérable présente un cierge allumé. A l’Ouverture des Travaux le Vénérable « donne la lumière » aux deux Surveillants.

    Ce n’est pas toujours le cas au Rite moderne. Dans certaines Loges, un chandelier à trois branches est disposé sur le plateau du Vénérable Maître et les Surveillants n’en n’ont pas.

    Les cierges des trois Piliers sont allumés avant que le Vénérable et les deux Surveillants ne prennent chacun la lumière destinée à leur plateau respectif.

    Munis du flambeau que leur tend le Maître des Cérémonies, le Vénérable et les deux Surveillants viennent allumer les cierges placés au sommet des Piliers qui leur sont attribués, Sagesse, Force et Beauté. Il y a alors six lumières dans le Temple, six cierges qui doivent brûler pendant toute la durée de la tenue : trois sur le plateau du Vénérable Maître et trois au sommet des Piliers situés aux angles du Carré long.

    Toujours à propos de flambeaux, Bernard Baudouin évoque l'usage d'un chandelier particulier pour introduire un Grand Officier Dignitaire dans le Temple. Un Frère marche devant lui en portant un flambeau, symbole de la Lumière initiatique. Notre rituel le désigne comme un « porteur d’étoile ».

    A propos de la présence des bougies dont les flammes semblent vivantes, il me semble qu'elles évoquent dans le même temps :

    • l'idée de protection contre les dangers, telle que les premiers hommes l'ont vécue dans les cavernes

    et

    • l'idée de purification car on sait que le feu dévore et « nettoie » tout ce dont il s'empare.

    Dans le même temps, présent bien tranquillement au sommet d'une bougie, le feu apparaît comme domestiqué par l'homme... ce qui ne fait que souligner le pouvoir de ce dernier.

    Le Franc-maçon, par son savoir et la connaissance que lui confère la Lumière lors de l'Initiation, maîtrise les éléments naturels.

    C'est sans doute pour toutes ces raisons que les cérémonies d'allumage et d'extinction des flambeaux revêtent une telle importance lors de chaque Tenue dans notre Loge. Éclairer celle-ci à l'aide des luminaires, c'est faire pénétrer dans ce lieu consacré à la fois la lumière de la vie et les Lumières de l'Initiation.

        

    Le Delta

    A l'Orient, derrière et au-dessus du siège du Vénérable, apparaît parfois, dans certaines Loges, un Triangle ou Delta lumineux. Le Delta lumineux maçonnique porte souvent en son centre le Tétragramme sacré I E V E, en lettres hébraïques, ou bien l’Œil divin.

    Ce Delta figure au fronton du Temple représenté sur le Tableau de Loge.

    Les études sur le Tétragramme sacré sont nombreuses, variées et assez confuses. Le Tétragramme formé des lettres Iod, , Vau, , est le nom divin dont la prononciation était réservée au grand-prêtre, chez les Hébreux, une seule fois par an.

    L’Œil qui apparaît bien souvent au centre du Delta symbolise, sur le plan physique, le Soleil visible d'où émane la vie et la lumière ; sur un plan intermédiaire, le Principe créateur, et sur le plan spirituel ou divin, le Grand Architecte de l'Univers.

    L’Orient

    J'ai évoqué le terme « L'Orient » en parlant du Soleil qui se lève à l'Est.

    Dans le langage maçonnique, le mot « orient » peut avoir différentes significations selon le contexte dans lequel il est employé.

    Dans son acception la plus commune et profane, il s'agit de la direction d'où vient le soleil à son lever. Au-delà de la simple orientation cardinale, l'Orient est donc lié symboliquement à l'origine, la naissance de la lumière.

    La lumière étant assimilée au sacré, dans l'univers maçonnique - dont l'Initiation n'est pas sans rappeler certains Rites solaires - l'Orient délimite un espace sacré : c'est là, au cœur de tous les symbolismes, que nait l'essentiel ; c'est de là que jaillit la Connaissance, la Vérité.

    Ceci explique que le Temple maçonnique s'érige de l'Orient à l'Occident.

    Lors des Tenues, c'est ici, dans ce périmètre de lumière, véritable « sanctuaire » que siègent le Vénérable Maître, l'Orateur et le Secrétaire, mais aussi les visiteurs de marque.

    Lorsque nous quittons la Loge en fin de Tenue, c'est « l'Orient d'abord » : c’est-à-dire que tous les Officiers Dignitaires qui siègent dans la partie surélevée du Temple en sortent les premiers.

    Lors de l'Initiation, nous prêtons serment sur un autel qui est situé à l'Orient.

    La voûte étoilée

    Le plafond du Temple est quelques fois en forme de voûte et celle-ci est constellée. Le plus souvent désignée par l'expression « voûte étoilée », elle représente le ciel, la nuit, avec une multitude d'étoiles.

    A l'Est, sont visibles les rayons du Soleil levant ainsi que ceux de l'Etoile Flamboyante guidant ceux qui cherchent la Lumière, au sens propre comme au sens figuré. Par ce biais, il est fait allusion à la dimension cosmique, aussi bien de l'homme Franc-maçon que de l'Initiation et du travail maçonnique.

    Jean-Marie Ragon de Bettignies explique que «la voûte du Temple est azurée et étoilée comme celle des cieux, parce que, comme elle, elle abrite tous les hommes, sans distinction de rang ni de couleur».

     

    La Lumière sur le Tableau de la Loge

    Les premiers luminaires que j'ai cités et que sont le Soleil et la Lune sont aussi présents sur le Tableau de la Loge d'Apprentis en haut, à droite et à gauche.

    Le Soleil, actif, est à droite, du côté de la Colonne B:. et la Lune, passive, est à gauche, du côté de la Colonne J:..

    Soleil et Lune se font face pour montrer que leur évidente différence est également synonyme de complémentarité et qu'ils embrassent la totalité de l'univers.

    Ceci nous rappelle le symbolisme fort des cultes solaire et lunaire des anciennes civilisations dont la plupart adorèrent l'un ou l'autre de ces astres, voire les deux.

    Le Soleil est l'astre du jour, la Lune celui de la nuit. Ils sont deux expressions différentes de la lumière qui règne sur le monde en permanence. L'un brille dans la clarté du jour, l'autre dans l'obscurité de la nuit, mais toujours avec un rayonnement suffisant pour éclairer les hommes en quête d'évolution sur le chemin de leur devenir.

    Selon Bernard Baudouin, le Soleil, évoque l'existence extérieure de l'individu. Tandis que la Lune évoque son existence intérieure. C'est donc l'être dans sa globalité qui se retrouverait dans ces deux luminaires.

    La lumière est aussi représentée sur le Tapis de Loge par trois fenêtres : la première à l'Orient, la seconde au Midi et la troisième à l'Occident. Il n'y a pas de fenêtre au Nord et les trois fenêtres indiquées sont grillagées.

    Selon Edouard Plantagenet, mais cela n’engage que lui, elles représentent les trois portes du Temple de Salomon. Cet auteur nous indique que l'on sait de façon certaine que le temple s'ouvrait à l'Est et était ainsi éclairé par le Soleil à son lever.

    Les maçons constructeurs ont toujours orienté les temples avec leur entrée à l'Occident et les trois fenêtres du « Tableau » suivent la marche du Soleil. Il n'y a pas de fenêtre au Nord parce que le soleil n'y passe pas.

    Les fenêtres sont grillagées non pas pour interdire aux profanes de regarder dans le Temple mais simplement pour en défendre l'accès. Cependant, le grillage qui protège ces ouvertures pourrait aussi nous indiquer que le travail des ouvriers est soustrait à la vue des profanes. Si le Temple était éclairé intérieurement, un simple grillage ne suffirait pas pour empêcher de voir ce qui s'y passe.

    Le Temple est isolé du monde profane et le Maçon ne doit avoir aucune tentation de devenir simple spectateur de ce même monde. Au contraire, il faut qu'en sortant du Temple, après y avoir puisé de nouvelles forces, le Maçon redevienne acteur dans la foule anonyme et y répande, entre autres, la Sagesse qu'il est venu y acquérir.

    La Lumière dans le langage maçonnique

    La lumière est omniprésente à plusieurs titres dans le langage des Francs-maçons :

    • d'une manière globale : elle a un caractère sacré ;
    • dans le cadre de l'Initiation, deux expressions au moins méritent d'être relevées :
    • Etre initié, c'est recevoir la Lumière.
    • C'est un profane qui erre dans les ténèbres et qui aspire à la Lumière.

    L'initiation marque pour celui qui la vit le passage d'un monde à un autre, de l'obscurité à la clarté, de l'inculte à la culture, de l'ignorance au savoir et du profane au sacré.

    Remarquons aussi :

    • dans le rituel de l'ouverture de nos travaux des expressions comme :
    • Un voile épais me recouvrait les yeux.
    • Que la Vraie Lumière éclaire cette Loge !
    • lors de la fermeture des travaux, le Vénérable Maître nous dit : «La Lumière brille dans les Ténèbres» ;
    • lorsqu'un candidat a été reçu, il a pu voir «Trois Grandes Lumières disposées sur l'autel» ;
    • lors du «tuilage» de l’Apprenti, celui-ci ne dit-il pas à un certain moment «Cinq l'éclairent» ?

    Dans cette étude, vous aurez remarqué que la lumière se rencontre souvent dans des expressions évoquant le Nombre Trois  : « trois grandes lumières », « trois fenêtres », « trois luminaires », « trois cierges »…

    … et que toute source de lumière n'est jamais isolée mais, au contraire, souvent incluse dans un ternaire :

    • Soleil, Lune, Maître de Loge ;
    • le Vénérable Maître et les deux Surveillants ;
    • les trois cierges qui surmontent les Piliers aux angles du Carré long ;
    • les trois cierges du plateau du Vénérable Maître.

    Quant à l'expression « les fils de la lumière », elle est le surnom donné fréquemment aux Francs-maçons,  par analogie au fait que la démarche maçonnique initiale se veut être une quête spirituelle de la Lumière dans le sens de la recherche de la Connaissance.

     

    La finalité de la Franc-maçonnerie

    Après avoir examiné la plupart des expressions, vocables et symboles qui évoquent la lumière dans notre environnement maçonnique, il me semble à présent opportun de rappeler quelle est la finalité de la Franc-maçonnerie.

    Comme je l'avais déjà précisé en parlant du symbolisme des étoiles dans l'univers maçonnique, l'objet premier de la Franc-maçonnerie, c'est la recherche de la Lumière, la conquête de la connaissance.

    Je partage à ce sujet le point de vue de Daniel Béresniak qui précise que « la finalité de la Franc-maçonnerie, c'est la LUMIÈRE, c'est-à-dire l'Eveil, l'état de l'homme qui agit au lieu de réagir ».

    Il me semble donc important de méditer régulièrement en observant l'Etoile flamboyante car, pour Guillemain de Saint-Victor, l’Etoile flamboyante est le centre d'où part la « Vraie Lumière », synonyme de « Lumière maçonnique ».

    Mais, finalement, comment comprendre ce symbolisme de la lumière ?

     

    Approche du symbolisme de la Lumière

    La lumière qui éclaire nos Travaux n’est pas celle de l’illumination intellectuelle. L’intellection n’est que l’une des composantes de cette illumination que nous associons à l’initiation et de cette lumière que nous associons au travail maçonnique.

    La fonction propre de la lumière est de déployer un « milieu » où les choses et les êtres se donnent à voir. N’est-ce pas d’abord en ce sens que la lumière « éclaire nos Travaux » ? Dans l’espace de la Loge, qui reproduit l’espace du Monde, comme tout espace sacré, toutes les paroles sont perçues, et l’attention de chacun est dirigée sur leur sens. On laisse leur sens se dévoiler et par conséquent on permet à la vérité de se dévoiler à travers elles.

    L’harmonie de la Loge, lieu de recherche en commun de la vérité et du bien, est la manifestation d’une parcelle de cette lumière ; l’harmonie, l’unité de la Loge sont indissociables de cette transparence qu’on appelle lumière.

    La lumière représente le mode de conscience auquel l’homme peut accéder, lorsqu'il triomphe de l’opacité des pulsions instinctuelles et dirige son regard vers les formes intelligibles qui constituent l’ordre du monde dans son unité, sa vérité et sa beauté.

    C’est aussi vers la Source de la lumière spirituelle que le symbolisme maçonnique oriente notre regard. La source originelle de la lumière spirituelle est symbolisée dans le Temple par le Delta lumineux. C’est précisément vers cet « illuminant » situé exactement à l’Orient, que nous tournons symboliquement nos regards. Cela signifie que nous avons, en « recevant la lumière » acquis la connaissance d’un fait simple et « évident » dont la reconnaissance est au fond de toutes les religions et de toutes les traditions initiatiques, à savoir que nous ne pouvons comprendre et créer que par participation à la Source éternelle de la Conscience et de la Créativité, que nous appelons le Grand Architecte de l’Univers et que le rituel invoque afin qu’il éclaire et protège nos Travaux.

    L’homme ne peut espérer participer au règne de la Lumière qu’à condition de réaliser en lui-même la juste et difficile proportion entre la pensée et le cœur, entre la lucidité et la ferveur.

     

    Mes conclusions provisoires

    Si le but suprême de la Franc-maçonnerie est la recherche de la Lumière, encore faut-il donner un sens plus personnel à cette expression.

    Que suis-je venu faire parmi mes Frères ?

    Chercher la Lumière ? Pourtant je n'ignore pas qu'elle ne se confère point !

    Que peut-elle être ? Certains y croient et l'appellent « Dieu ».

    D'autres pensent la détenir et l'appellent « Raison ». 

    Enfin certains la devinent et la cherchent : ils l'appellent « la Vérité ».

    La Lumière, n’est-ce pas avant tout la connaissance de soi ? Je pense que c'est en nous-même qu'elle se trouve et qu'elle apparaitra une fois que nous serons sortis des Ténèbres. Ce qui importe donc, finalement, c'est de CHERCHER.

     

    Pour pouvoir travailler en vue de notre élévation spirituelle, il nous faut construire nos connaissances par nos recherches personnelles, par l'introspection, par l'écoute attentive des points de vue exprimés par nos Frères plus anciens, par l’expression de leur expérience et par les ajustements appropriés de nos Surveillants.

    Pour pouvoir participer à l'amélioration du Monde et des Hommes en particulier, il nous faut en premier lieu songer à notre perfectionnement personnel, à devenir une Pierre bien taillée, adaptable dans l'édification du Temple idéal dont nous devrions devenir les pierres parfaites.

    Chacune des étoiles de la voûte de notre Temple symbolise comme une victoire de la lumière sur l'obscurité et du savoir sur l'ignorance. C'est pourquoi nous, Francs-maçons, dans notre trajectoire initiatique tournée vers l'éveil et la recherche de la pureté, nous pouvons nous apparenter ou nous identifier à l'une d'elles. Chacun d'entre nous n'est qu'un individu isolé, qui brille de sa propre lumière. Mais tous les Maçons réunis dans leur fraternité forment un ciel constellé de lumières qui sont autant de luminaires pour éclairer le monde.

    J'aimerais pour terminer provisoirement cette longue analyse citer une dernière fois Edouard Plantagenet.

    L'extrait qui suit m'a particulièrement plu et j'aimerais vous en faire profiter :

    « Hantez les forêts, mes Frères ! Car ce n'est qu'ainsi que vous pouvez espérer voir, un jour, sourdre en votre âme une première lueur de cette Lumière qu'ici vous êtes venu chercher, qui intensément vous entoure mais que vous ne pouvez percevoir car vous n'êtes pas encore sortis des ténèbres de vous-même.

    Mais les ténèbres ne sont point éternelles :

    • à force de PARLER de la Lumière, l'aveugle finit par oublier sa cécité ;
    • à force de CROIRE à la Lumière, l'aveugle finit par s'imaginer qu'il voit ;
    • à force de CHERCHER la Lumière, l'aveugle finit par la trouver, et c'est alors, mais alors seulement, en vérité, que le Temple s'éclaire et que nous pouvons dire que l'Ordre Universel de la Franc-maçonnerie compte un Maître de plus ».

     

    R :. F :. A. B.

    Bibliographie

     

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Paris, 1995, Editions De Vecchi – Pages 34, 64, 68, 97, 98, 99, 116, 146, 155, 171

     

    Béresniak Daniel - L’apprentissage maçonnique, une école de l’éveil ?

    Paris, 1983, Editions Detrad

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Paris, 1995, Editions Dervy – Pages 85 à 91 ; 116 et 117 ; 154 à 157 ; 231

     

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail d’Apprentis

    Paris, 1994, Editions Dervy – Pages 37 et 38

     


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