• Questions et réflexions

    à propos de la célébration 

    du Solstice de la Saint-Jean d’hiver

     

    Introduction

    Tout Apprenti qui se définit comme un cherchant peut se demander d’une manière générale à quoi servent nos rituels. Mais ce qui me paraît plus opportun et primordial durant les deux périodes solsticiales, d’hiver et d’été, c’est qu’il se pose une série de questions en relation directe avec l’une et l’autre cérémonie de célébration que nous vivons au mois de décembre et au mois de juin.

    Quelques questions – Quelques éléments de réponse

    Et la toute première, au mois de décembre, ne devrait-elle pas être…

    1. A quoi peut servir le rituel de célébration du Solstice de la Saint-Jean d’hiver ?

    Il me semble utile de rappeler tout d’abord toute l’importance qu’il y a de bien nommer les évènements par leur nom et non par des raccourcis inappropriés. Car ce que nous venons de célébrer, c’est bien le Solstice de la Saint-Jean d’hiver et non pas le « solstice d’hiver » qui est une fête païenne ! Nous, Maçons, nous célébrons les deux fêtes de Jean !

    Dès lors Il peut être utile de rappeler combien les deux saints Jean sont important au sein de notre Ordre.

    2. Quelle est l’importance des deux Jean en Franc-maçonnerie ?

    Nous avons probablement tous été frappés depuis notre Initiation, par l’une ou l’autre invocation à saint Jean dans nos rituels.

    Rappelons cette interrogation présente dans le tuilage de l'Apprenti par l’Expert :

    • D'où venez-vous ?

    • De la Loge de saint Jean, Vénérable Maître.

    A qui fait-on allusion ? Pourquoi cette référence biblique est-elle présente dans les rituels de nombreuses obédiences ?

    L’importance des deux saints Jean dans la Maçonnerie française et continentale en général se manifeste tout d’abord par le fait que toutes les loges en portent le nom, quel que soit par ailleurs leur signe distinctif.

    D’anciens catéchismes d’Apprenti nous le rappellent :

    • Mon Frère, d’où venez-vous ?

    • D’une Loge de saint Jean.

    Dans nos rituels au Rite moderne, lors du « tuilage » de l’Apprenti notamment, cette évocation est également présente :

    • Comment s’appelle votre Loge ?

    • La Loge de saint Jean.

    Une autre question se pose alors : pourquoi parle-t-on de « Loges de saint Jean ?

    3. Pourquoi parle-t-on de « Loges de saint Jean » ?

    Au 18ème siècle, l’installation du Vénérable et des Officiers Dignitaires avait lieu à l’époque de la Saint-Jean d’été, comme le montrent abondamment les « livres d’architecture » des loges.

    L’édition des Constitutions de 1738 rapporte que c’est à l’occasion de la Saint-Jean-Baptiste de 1717, le 24 juin, jour de la fête rattachée au solstice d’été, jour de plus grande lumière, que les quatre premières loges maçonniques de Londres se sont réunies pour fonder la première obédience de la Franc-maçonnerie spéculative et élire le premier Grand Maître. Le procès-verbal du pasteur Anderson, secrétaire désigné pour cette réunion, le prouve.

    Mais la tradition maçonnique de célébrer la Saint-Jean est attestée antérieurement à 1717 par le Manuscrit « Dumfries ». Celui-ci témoigne du fait que l’usage selon lequel toutes les loges portent le nom de saint Jean vient d’Angleterre :

    • Dans quelle loge avez-vous été entré ? (sic)

    • Dans la vraie loge de saint Jean.

    Dans la Maçonnerie du 18ème siècle, les deux saints Jean apparaissent comme les saints patrons de la société. Le terme leur est souvent appliqué explicitement, comme dans les statuts adoptés en 1777 par la Grande Loge de France alors rivale du Grand Orient de France.

    L’usage de faire un banquet le jour de la Saint-Jean d’été ou un jour aussi proche que possible de cette date, était universellement répandu, et c’était aussi en général à ce moment-là que les Loges installaient leur nouveau Vénérable et le nouveau collège d’Officiers Dignitaires.

    4. Pourquoi les Maçons accordent-ils autant d’importance à Jean l’Évangéliste ?

    Dans les Loges françaises et continentales en général, la Bible est ouverte au premier chapitre de l’Évangile de saint Jean. C’est donc sur le Prologue de cet Évangile que tout Récipiendaire prête son serment. Cet usage était déjà celui de la Maçonnerie du 18ème siècle. Mais l’usage de prêter serment sur l’Évangile de saint Jean appartenait également à la Maçonnerie anglaise qui l’a transmis à la France.

    L’usage de la Bible ouverte à l’Évangile de saint Jean est une coutume maçonnique qui remonte pour le moins aux tout premiers commencements de la Maçonnerie spéculative comme en témoigne le Manuscrit des Archives d’Édimbourg, datant de 1696.

    Mais l’usage de prêter serment sur l’Évangile de saint Jean appartenait déjà à la Maçonnerie écossaise du 17ème siècle, Maçonnerie de transition entre la Maçonnerie opérative et la Maçonnerie spéculative.

    Il n’est malheureusement pas possible de remonter plus loin dans le temps et d’avoir la certitude que cet usage ait pu déjà appartenir à la Maçonnerie opérative médiévale car bien que le patronage de l’un ou l’autre des deux saints Jean soit attesté pour certaines confréries de Maçons opératifs, et que d’autre part certains manuscrits des « Old Charges » fassent allusion à un serment sur la Bible, les saints Jean n’apparaissent pas dans les « Old Charges ».

    5. En quoi l’Évangile de Jean peut-il nous intéresser ?

    L’Évangile de Jean, dans son ensemble, se distingue des autres Évangiles par le sens symbolique qu’il offre à l’Initié capable de le décrypter. Ce texte, et tout particulièrement son Prologue, a une valeur initiatique d’une portée universelle.

    Il est dès lors compréhensible que les Francs-maçons l’aient reconnu comme tel puisqu’il veut démontrer la possibilité pour tout homme de sortir de la confusion et de trouver la Lumière. Même si ce texte a probablement été écrit, à l’origine, par Jean, l’un des disciples de ce grand initié universellement reconnu en la personne de Jésus – IESCHOUA  en hébreu – « Yahveh nous sauve »), il a certainement été réécrit, traduit, remanié, corrigé, repensé, par des symbolistes de l’époque, pour lui donner un sens ésotérique que n’ont pas les autres Évangiles. Et ce n’est pas un hasard s’ils ont donné le nom de Jean à son auteur présumé.

    Quant à Jésus, s’il est reconnu comme un grand initié par les Francs-maçons, c’est parce qu’il a enseigné que les souffrances de l’homme ont pour cause son égoïsme, ses passions, son matérialisme, qui en font un homme divisé, et il a indiqué le moyen d’en sortir par l’amour de l’autre et l’intelligence du cœur. Son exemple devient pour l’humanité une source d’espoir. C’est l’essentiel de ce que veut transmettre Jean.

    L’Évangile de Jean est, parmi les textes sacrés fondamentaux, celui qui, proche de nous, correspond le mieux à la démarche maçonnique. Lu au premier degré, il peut paraître primaire, désuet, ou incohérent. Il convient d’en chercher le sens caché, et d’en dégager la pensée intuitive. Le symbole ne veut pas aboutir à une preuve logique et le langage symbolique est adapté à l’expression des vérités de la vie intérieure. La Franc-maçonnerie en a fait un élément fondamental. En fait, l’intention de l’Évangéliste est de conduire le lecteur à la recherche du sens profond qui se tient derrière le récit. Il veut rendre évidente la vérité proposée, non l’expliquer.

    6. Que représente le Prologue de l’Évangile de Jean ?

    * Saint Jean et le solstice d'hiver

    Dans son Prologue, Jean englobe, en un Tout, le symbole des mouvements ordonnancés de l’univers, celui des causes premières, celui de la double nature de l’homme, la matière et l’Esprit, et celui de la connaissance par l’amour, en insistant sur le fait qu’en tout homme existe une parcelle de Lumière qui peut devenir illumination ou rester inconnue de lui-même.

    Car le nom de Jean, associé au solstice, a ce double sens : c’est la permanence dans le temps qui fuit. Symboliquement il mesure le temps entre ces deux passages que sont les courts moments d’apparente stabilité : temps ascendant de la lumière visible en hiver et au printemps, puis temps descendant ensuite quand cette lumière s’intériorise au cœur de l’homme : c’est le court passage de l’homme sur la terre, face au grand cycle de l’univers créé.

    Le Prologue est un texte court qui donne à chaque individu une possibilité de trouver la Lumière en lui-même, malgré l’emprise des soucis quotidiens de sa vie matérielle et la désacralisation apparente du monde qui l’entoure, parce que cette Lumière est la vraie source vive de bonheur pour les hommes.

    La pensée résumée du sens du Prologue indique que le mythe de l’incarnation de la Parole est celui du divin incarné en l’homme, de l’incréé dans le créé, de l’infini dans le fini. C’est la manifestation symbolique de la vie en évolution et de la voie initiatique qui mène à la réalisation de l’homme libéré de ses conditionnements.

    7. Pourquoi évoque-t-on saint Jean dans ces rituels ?

    L’importance de la lumière est bien connue pour les bâtisseurs. C’est elle qui décidait de la percée des ouvertures dans les murs des cathédrales et de l’emplacement de leurs vitraux. En ce qui concerne précisément la lumière solaire, deux jours de l’année présentent une particularité intéressante : le solstice d’hiver, le jour le plus court de l’année qui correspond à la fête de saint Jean l’Évangéliste, et le solstice d’été, le jour le plus long, qui correspond à celle de saint Jean le Baptiste.

    8. Qu’est-ce que le « solstice d’hiver » et le « solstice d’été » ?

    Les solstices sont des phénomènes naturels de l’univers, que l’homme a découverts très tôt. Le solstice est un moment, qui se répète deux fois par an, où le soleil se trouve à son plus grand éloignement angulaire du plan de l’équateur. Là, aux yeux des hommes, il semble alors s’arrêter car il reste pendant trois jours dans le 23e degré de déclinaison avant de commencer soit à redescendre soit à remonter vers le plan de l’équateur.

    Les solstices marquent des saisons différentes : à partir de celui du mois de décembre, la durée d’ensoleillement va augmenter progressivement, jusqu’au maximum d’un épanouissement qui se situe entre le 21 et le 24 juin avant de décroître à nouveau. A partir de cette date, la lumière va diminuer, jusqu’aux jours les plus courts, entre le 22 et le 25 décembre, et ainsi de suite.

    L’alternance des saisons a permis à l’Homme de fixer des points de repère et de fêter ces moments de mort apparente et de renouveau : ce sont les fêtes solsticiales de décembre et de juin. Ces fêtes rituelles ont toujours été celles de la fécondité, de la vie, de la lumière et de l’espérance de l’homme dans son alliance avec la nature. En répétant l’acte de création, elles assignaient à l’homme sa place naturelle dans le temps sacré, ordonnancé, cosmique. Dès lors, il n’est pas impossible que les fêtes des deux Jean aient perpétué le lien avec les mystères païens qui sacralisaient en quelque sorte le travail de l’homme.

    9. Quelle est la signification profonde du solstice d’hiver, pour nous Maçons ?

    Selon la coutume, vers le 21 décembre, l’ordre du jour des Travaux prévoit la célébration de la fête de saint Jean l’Évangéliste, celui qui a rendu témoignage de la Vérité, le disciple du Maître qui a été choisi pour transmettre aux hommes l’Évangile de l’Amour. Initié parfait, il les incite à méditer sur l’origine et le mystère des choses et à conduire leur esprit vers le Juste et le Vrai.

    Le rituel utilisé devrait faire prendre conscience des Ténèbres et inviter les Maçons à construire leur vie pour devenir des Fils de la Lumière et suivre ainsi les pas de saint Jean l’Évangéliste. Au seuil de l’univers des ténèbres et de la terreur, le rituel devrait inviter les Frères à regarder plus profondément en eux-mêmes, à écarter l’hypocrisie, la lâcheté et l’indifférence.

    Chercher sans relâche et sans trêve, tel est le destin assumé par le Maçon ; telle est l’œuvre royale du Maçon. Chacun a besoin de retrouver la Sagesse pour guider ses pas car l’intolérance, la vanité, l’intérêt, l’égoïsme et la lâcheté sont autant de pièges et de tentations fortes qui le guettent dans la pénombre.

    10. Le rituel de célébration du solstice de la Saint-Jean d’hiver ne nous apporte-t-il rien d’autre ?

    Tout rituel utilisé en cette occasion devrait aussi montrer toute l’importance que les Francs-maçons accordent aux trois Piliers. En décembre, la Lumière est en danger et il leur faut en prendre soin. A partir du jour le plus court de l’année commence la remontée du soleil, le grand astre qui fait don de la lumière, reflet de la Lumière intemporelle qui fut, qui est et qui sera.

    Tout rituel de la Saint-Jean d’hiver devrait rappeler que les Lumières que les Maçons ont rallumées dans leur Loge peuvent les conduire, à travers les épreuves, dans le labyrinthe de leur monde intérieur.

    Lorsque le rituel de la Saint-Jean d’hiver se termine, c’est sous la conduite du Passé Maître Immédiat portant les Trois Grandes Lumières, suivi d’un Apprenti, d’un Compagnon et d’un Maître, tous trois porteurs d’un flambeau, que tous les Frères gagnent généralement ensemble la salle des banquets, en paix et dans l’ordre, où les Travaux reprennent force et vigueur et où les santés d’obligation indiquées sont commandées : au Roi et aux chefs d’états étrangers et protecteurs de l’Ordre ; au Très Respectable Grand Maître et aux Grands Officiers Dignitaires de l’Obédience puis aux Frères visiteurs. Une santé d’obligation est aussi commandée par le Frère Premier Surveillant en l’honneur du Vénérable Maître. Une santé en l’honneur de tous les Maçons de l’Univers est annoncée par le Frère Orateur et ensuite commandée par le Vénérable Maître.

    L’exécution du chant des Apprentis par tous les Frères présents clôt généralement cette cérémonie avant la Clôture des Travaux. Mais il faut parfois se contenter de la seule audition de ce chant grâce au disque car sa connaissance tend à disparaître et son exécution parfaite devient malheureusement rare.

    11. Quelle est la signification du solstice d’été, pour nous, Maçons ?

    Selon la coutume, vers le 21 juin, l’ordre du jour des Travaux prévoit la célébration du Solstice d’été, fête de saint Jean-le-Précurseur ou le Baptiste, antique tradition qui, par son symbolisme, incite lui aussi les Maçons à la réflexion.

    Au moment où le Soleil atteint son apogée, la lumière spirituelle trouve la perfection de sa forme concrète et porte en elle toutes les potentialités d’une moisson abondante. Cette concrétisation de la lumière spirituelle est symbolisée par Jean-le-Baptiste, Précurseur de la lumière rédemptrice ou du Christ solaire et qui témoigne de la Lumière qui est. Le rituel rappelle que c’est ainsi que les Francs-maçons sont devenus les disciples de saint Jean car ils sont Enfants de la Lumière. C’est en recevant celle-ci que le Maçon trouve le chemin de la Vérité.

    Le jour du solstice d’été, symbole de l’idéal maçonnique, les Francs-maçons participent à la joie universelle. En cet instant précis où le soleil apparaît dans son plus grand éclat, ils décorent leur Temple de roses blanches qui représentent la joie de vivre qui se manifeste en leur cœur ainsi que la plénitude qui est pureté et silence. Mais ces roses blanches sont aussi là pour leur rappeler les deux vertus principales du Maçon : la recherche de la vérité et l’acceptation du devoir.

    Tandis que les Travaux s’arrêtent sur les Colonnes, un Frère Apprenti range les outils pour les récupérer le jour où les Travaux reprendront au Réveil de la Loge en septembre.

    12. Que savons-nous de plus des deux Jean que nous fêtons ?

    • Celui que nous fêtons à la fin du mois de juin, c’est Jean-le-Baptiste, celui qui annonce la venue du Christ qu'il baptisera.

    * Saint Jean et le solstice d'hiver

    Au moment de ce baptême décrit dans les évangiles, une colombe s'envola dans le ciel, représentant la Paix et l'Esprit nouveau du Christ. C'est lors du baptême de Jésus que Jean le reconnut comme le Messie lorsque l'Esprit descendit sur lui sous la forme d'une colombe. En dépit de l'honneur qui lui était fait, Jean-le-Baptiste tint à marquer son admiration et sa confiance à Jésus en lui disant ces mots restés célèbres : « Je ne suis pas digne de délier la courroie de ta sandale ». Jean-le-Baptiste est reconnu prophète par toutes les religions du Livre. Cet homme, d'une spiritualité très profonde, dérangeait les puissants : Jean sera en effet emprisonné pour avoir reproché à Hérode Antipas son union incestueuse avec Hérodiade, la femme de son frère. C'est Salomé, la fille d'Hérode Philippe et d'Hérodiade, qui obtiendra de son oncle qu'il fasse décapiter Jean et que sa tête soit présentée à sa mère Hérodiade sur un plateau d'argent. Jean-le-Baptiste est avant tout le prophète contemporain du Christ. Il mena une vie de jeûne et de pénitence dans le désert. Le message de saint Jean dans le désert fut d'abord de demander au peuple d'Israël de se préparer à la venue du Messie qu'il annonçait imminente. A la suite de ce message, de nombreux juifs vinrent se faire baptiser par lui dans les eaux du Jourdain. C’est le jour de la Noël, que nous fêtons la naissance de Jésus. Noël est aussi la fête de la naissance du soleil nouveau. Le soleil du solstice d'été, étant à son apogée, ne peut que décroître. C'est pourquoi Jean-le-Baptiste dira : « Il faut que je décroisse pour qu'il croisse ». Autrement dit, il faut que la lumière extérieure qui nous inonde aujourd'hui cède la place au soleil intérieur du solstice d'hiver.

    • Celui que nous fêtons à la fin du mois de décembre, c’est Jean l’Évangéliste qui fut l'un des douze apôtres du Christ et l'un des quatre Évangélistes. 

    * Saint Jean et le solstice d'hiver

    Différentes scènes du Nouveau Testament témoignent de la présence de Jean auprès du Christ. Jean l'Évangéliste apparaît en effet dans plusieurs épisodes du Nouveau Testament : il assiste à la pêche miraculeuse, à la transfiguration du mont Thabor. Jean est auprès de Jésus au mont des Oliviers et lors de la Cène. Au pied de la croix, il soutient Marie que le Christ lui a confiée. Puis, il quitte la Palestine : la Tradition raconte qu'après la mort de Jésus et la dispersion des apôtres, Jean se rend en Asie et se fixe à Éphèse, où Marie le rejoint. Il y est arrêté alors qu'il est très âgé et est jeté dans l'huile bouillante dont il sort indemne. Exilé sur l'île de Patmos (île des Sporades), il y rédige l'Apocalypse qui porte son nom. Amnistié, il peut retourner à Éphèse et y rédige son Évangile. Dans l'Evangile et au sein du collège apostolique, saint Jean occupe une place de choix. Représentant l'amour, il marche à côté de Pierre, qui symbolise la doctrine. Jésus semble avoir réservé à cet apôtre les plus tendres effusions de son cœur. Plus que tout autre, en effet, Jean pouvait rendre amour pour amour au divin maître. C’est dans cet amour du Christ qu’il semble avoir puisé cette charité et cette science des choses de Dieu, qu'il répandit dans ses écrits et au sein des peuples auxquels il porta le flambeau de l'Evangile. Saint Jean fut, parmi les apôtres, le seul à être resté fidèle à Jésus dans ses souffrances. Il le suivit dans l'agonie du calvaire et accompagna la Mère de Jésus dans ces douloureux instants. Il était juste que saint Jean, ayant participé aux souffrances de la Passion, goûtât l'un des premiers les joies pures de la Résurrection. Le jour où le Sauveur apparut sur le rivage du lac de Génésareth, pendant que les disciples étaient à la pêche, saint Jean fut le seul à le reconnaître. « C'est le Seigneur », dit-il à saint Pierre. Tout l'Evangile le prouve : Jean était bien le disciple que Jésus aimait le plus.

    13. Que pouvons-nous retenir des fêtes solsticiales des deux saints Jean ?

    La « Saint Jean d'été » (Solstice d'été, Saint-Jean-Baptiste, 24 Juin) et la « Saint-Jean d'hiver » (Solstice d'hiver, Saint-Jean l'Évangéliste, 27 décembre) forment un couple étonnamment contrasté. Alors que la première est une fête d'extérieur, à la fonction sociale affirmée grâce aux « feux de joie », la seconde est une fête d'intérieur toute familiale qui s'est longtemps manifestée autour d'une bûche flambant dans la cheminée.

    14. Quels rapports y a-t-il entre les deux Jean et le dieu romain Janus ?

    Bien avant les fêtes de saint Jean, aux deux solstices, les Romains célébraient la fête de Janus, le dieu qui « ouvre » et qui « ferme » les portes du cycle annuel, « janua » signifiant « porte, accès ».

    Curieusement, Janus était représenté avec deux visages, celui d’un vieillard tourné vers le passé et ainsi vénéré comme le dieu des origines de toutes les choses et l’autre, d’un adolescent tourné vers l’avenir. A ce titre, Janus était craint et respecté comme le maître du temps qui détruit ce qu’il produit mais aussi comme le gardien des portes célestes qui détient les clefs des étapes du chemin vers la Lumière, symbole de l’immortalité de l’Esprit. Les expressions « porte des hommes » et « porte des dieux » en découlent. Les noms de « porte de l’enfer » et « porte du ciel » leur ont aussi été donnés.

    Janus, dieu romain, était en effet le dieu des portes de la ville. Il faut se souvenir que les villes romaines étaient circulaires et coupées en quatre – d’où le terme de « quartier » – par deux voies principales, l'une nord - sud appelée « cardo », l'autre est - ouest appelée « decumanus ». Janus gouvernait les deux portes symboliquement principales, c'est-à-dire la porte Nord (porte des Enfers) et la porte Sud (porte du Ciel).

    Dieu des portes, Janus était aussi le dieu des « commencements » : « Initiare »  signifiant « commencer », Janus était le dieu de l'initiation. C'est lui qui ouvrait le cycle des campagnes militaires. C'est lui également qui ouvrait et fermait le cycle annuel. Janus a été remplacé par les deux Jean. Jean-le-Baptiste, ouvrant la Porte du Ciel, est devenu le patron des Francs-maçons et de tous les Initiés.

    Après la christianisation des mythes païens, les deux Jean prirent la place de Janus aux deux visages. Ce fut Jean le Précurseur, dit le Baptiste, celui qui baptisait d’eau et annonçait la venue de celui qui baptiserait de feu, puis ce fut Jean l’Évangéliste, le "confirmateur", témoin de cet amour fusionnel et symbolique du feu et de l’eau. Le feu est un symbole très présent aux solstices ou aux équinoxes.

    Les noms de Janus, Johan, Juana, Jehan, Jean ont la même racine hébraïque Yôhânân (Yahveh fait grâce, ou la grâce de Yahveh) latinisée puis francisée.

    Les deux Jean et Jésus sont des « dieux » solaires : le Baptiste annonce le lever du soleil : il est donc représenté par un coq. C'est celui qui figure sur les clochers des églises. Quant à l' Évangéliste, il était en effet le disciple préféré de Jésus. C'est lui qui posa sa tête sur le cœur du maître. Il est logiquement symbolisé par un aigle, (cf. « l’Aigle de Patmos »), seul animal à pouvoir fixer le soleil dans tout son éclat.

    15. Quelle est la signification des deux Jean dans la spiritualité maçonnique ?

    La symbolique de Jean l'Évangéliste est très complexe. Les deux saints Jean sont riches d’enseignements spirituels pour le Maçon. Jean-le-Baptiste a prêché le repentir. Il est celui qui invite à se préparer à la venue de la Lumière, à se mettre en état de la recevoir. Il enseigne l’humilité, le renoncement à soi, sans lesquels il n’y a ni initiation ni progrès spirituel.

    Si Jean-le-Baptiste enseigne au Maçon comment se préparer à recevoir la Lumière, Jean l’Évangéliste est le type de l’homme qui l’a reçue et qui a donc atteint une certaine connaissance.

    La voie que nous révèlent les deux Jean est une voie alchimique : il s’agit du passage de l’Eau au Feu, ou plutôt de l’union de l’Eau et du Feu dans le centre de transmutation qu’est la loge.

    Jean le Baptiste baptise le Christ dans les eaux du Jourdain pour le faire naître à sa vocation rédemptrice qu’il achèvera sur la Croix et qu’il poursuivra dans le feu de l’amour que l’Évangéliste devra transmettre. Il y a transfert du Baptiste à l’Évangéliste sur la Croix. C’est par la Croix que l’Initié passera du baptême dans l’eau au baptême dans l’Esprit, l’Esprit d’amour qui est eau d’éternité. Le Baptiste rencontre le Christ dont l’Esprit animera l’Évangéliste.

    L’Évangile de saint Jean est par excellence l’Évangile de l’amour.

    Le commandement d’amour est proclamé d’une manière particulièrement solennelle dans l’Évangile de saint Jean : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ».

    Le commandement d’amour fraternel est mis dans la perspective de la Révélation trinitaire : l’amour des frères entre eux est à l’image de celui que le Fils a pour eux et dans lequel ils demeurent, et celui-ci est lui-même à l’image de l’amour que le Père a pour le Fils et dans lequel le Fils demeure, cet amour étant ce dont procède l’Esprit. Les deux Jean symbolisent ces deux phases de cette Révélation, phases que chaque Maçon doit revivre dans sa progression initiatique, passant par l’attente, dans l’effort et dans les œuvres qui sont déjà amour, de la venue de la Grâce et de la Lumière qui feront éclore en lui, en même temps que la connaissance, l’amour dans sa perfection.

    Quelques éléments du rituel un peu complexes

    Fort de ces quelques éléments de réponses aux questions principales, l’Apprenti peut aussi se pencher sur certains aspects du rituel qui peuvent lui paraître un peu plus obscurs.

    Il y est notamment question de la « Table d’émeraude ». Qu’est-ce à-dire ?

    • La Table d’émeraude

    * Saint Jean et le solstice d'hiver

    La découverte, vers l'an mille, de ce texte mystérieux a bouleversé les pensées.

    On dit que le texte contenait les arcanes d'un savoir immense aussi ancien que le monde.

    La copie latine (ci-contre) de ce texte permit sa diffusion.

    Les études modernes ont défini sa provenance d'un original égyptien en langue grecque du 4ème siècle de notre ère.

    Des légendes inépuisables sont apparues autour de ce texte. La plus fameuse racontait que son auteur mythique l'avait inscrit sur l'émeraude chue du front de Lucifer, le jour de la défaite de l'ange rebelle : ainsi vint qu'on l'appelât la Table d'Emeraude...

    La Table d’émeraude (Tabula Smaragdina en latin) est un des textes les plus célèbres de la littérature alchimique et hermétique. C’est un texte très court, composé d'une douzaine de formules allégoriques et obscures, dont la fameuse correspondance entre le macrocosme et le microcosme : « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ».

    Selon la légende, elle présente l’enseignement d’Hermès Trismégiste, fondateur mythique de l'alchimie, et aurait été retrouvée dans son tombeau, gravé sur une tablette d’émeraude. La plus ancienne version connue se trouve en appendice d’un traité arabe du 6e siècle. Traduite en latin au 12ème siècle, elle fut commentée par de nombreux alchimistes au Moyen Âge et surtout à la Renaissance.

    Après le discrédit scientifique de l'alchimie et le développement de la chimie moderne au 18ème siècle, elle a continué à fasciner occultistes et ésotéristes.

    La Table d’émeraude d’Hermès Trismégiste, père des Philosophes (traduction de l’Hortulain) :

    « Il est vrai, sans mensonge, certain, et très véritable : ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut ; et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d'une seule chose. Et comme toutes les choses ont été, et sont venues d’un, par la méditation d’un : ainsi toutes les choses sont nées de cette chose unique, par adaptation. Le soleil en est le père, la lune est sa mère, le vent l’a porté dans son ventre ; la Terre est sa nourrice. Le père de tout le télesme [1] de tout le monde est ici. Sa force ou puissance est entière, si elle est convertie en terre. Tu sépareras la terre du feu, le subtil de l’épais doucement, avec grande industrie. Il monte de la terre au ciel, et derechef il descend en terre, et il reçoit la force des choses supérieures et inférieures. Tu auras par ce moyen la gloire de tout le monde ; et pour cela toute obscurité s’enfuira de toi. C'est la force forte de toute force : car elle vaincra toute chose subtile, et pénétrera toute chose solide. Ainsi le monde a été créé. De ceci seront et sortiront d'admirables adaptations, desquelles le moyen en est ici. C’est pourquoi j'ai été appelé Hermès Trismégiste, ayant les trois parties de la philosophie de tout le monde. Ce que j’ai dit de l'opération du Soleil est accompli, et parachevé. »

    Puisque « ce qui est en bas est semblable à ce qui est en haut pour accomplir les miracles d’une seule chose », selon la Table d’Emeraude, il est normal que l’homme, ayant eu révélation de l’existence d’une proportion privilégiée procurant l’harmonie esthétique, se serve de cette proportion à travers ses propres créations, et plus spécialement dans toutes celles ayant un rapport direct avec le divin, à commencer par le Temple, demeure symbolique de Dieu.

    * Saint Jean et le solstice d'hiver

    Dans ce même rituel, le symbolisme de la roue est aussi suggéré.

    • Le symbolisme de la roue

    Le symbolisme de la roue tient à la fois de son rayonnement solaire et de son mouvement cyclique qui représente la périodicité du voyage des astres tout au long du cycle de l’année.

    Le symbole de la roue est un prototype ou un modèle de l’idée archétypale que le cosmos tout entier ne fait que manifester. Et comme modèle du cosmos, il pourrait bien être qualifié d’universel dans la plus large acception du terme. Il est donc encore plus étonnant de constater que, malgré son importance particulière, on ne lui donne pas l’importance qui lui est due, bien que ce soit un héritage fondamental présent dans toutes les formes traditionnelles.

    Le symbole de la roue est l’expression du mouvement et de la multiplicité, de l’immobilité primordiale et de la synthèse. C’est également l’expression symbolique de l’expansion et de la concentration, de l’énergie centrifuge, qui va du centre vers la périphérie, et de l’énergie centripète qui retourne à son centre, son axe ou sa source...

    Ce symbole est également la manifestation de ce qui, étant tout juste virtuel (le point) génère un espace ou un plan (qui délimite la circonférence). Par conséquent, il est évidemment lié à l’espace et au temps, et se rattache ou s’associe à toute notion de cosmogonie[2] et de création.

    En ce sens, le mouvement superficiel ou externe de la roue se rapporterait à la manifestation, tandis que la virtualité, l’immobilité du point central, moyeu ou axe, serait connectée avec le non-manifesté.

    On pense aussi que la roue détient un rôle très important depuis les plus anciennes cosmogonies, notamment dans les mythes qui relatent la naissance de l’univers. A ce propos, nous pouvons nous reporter à un passage fort important de l’œuvre de René Guénon : « On sait que la roue est en général un symbole du monde : la circonférence représente la manifestation, produite par irradiation du centre; ce symbolisme est par ailleurs susceptible de revêtir des significations plus ou moins particularisées ».

    Ensuite, ce métaphysicien français rappelle qu’en Inde deux roues associées, c’est-à-dire le char, correspondent à des parties diverses de l’ordre cosmique. La forme circulaire de la roue est le symbole des révolutions cycliques auxquelles sont soumises toutes les manifestations, qu’elles soient terrestres ou célestes ; ainsi les deux roues pourraient bien représenter l’univers dans ses parties.

    • La roue à six rayons et le point central – le symbolisme du nombre 7

    Il est possible que, d’entre les symboles sacrés de tous les peuples, celui de la Roue soit le plus universel. L’universalité même des significations de la roue, et leur connexion directe ou indirecte avec les autres symboles sacrés, en particulier les nombres et les figures géométriques, font de celle-ci une sorte de modèle symbolique, une image du cosmos. Car, sur le plan, la jante est un cercle, et la circularité est une manifestation spontanée de tout le cosmos.

    Entre le point central et la circonférence se forme le cercle ; la valeur arithmétique assignée au premier est l’unité, représentation naturelle du point géométrique, et pour la seconde c’est le neuf, le nombre du cycle, puisque c’est celui de la circularité.

    La somme des deux nous donne la dizaine (1 + 9 = 10), le modèle numérique de la Tétraktys pythagoricienne[3], ce qui peut être rapporté à toute autre arithmosophie, puisque les nombres – et les figures géométriques – sont des modules harmoniques archétypaux, valables dans toute la manifestation et donc pour tout temps et tout lieu de ce cycle humain.

    Ce point central de la Roue du Monde est en communication avec la périphérie à travers ses rayons, qui sont donc les intermédiaires entre eux ; et tandis que la roue tourne sur elle-même, symbolisant le mouvement et le temps, l’axe demeure fixe, exprimant l’immobilité et l’éternel.

    Le centre est, avant tout, l’origine, le point de départ de toutes les choses ; c’est le point principiel, sans forme ni dimensions, donc indivisible et, par conséquent, la seule image que l’on puisse donner de l’Unité Primordiale.

    Le nombre sept est considéré comme le point central d’une roue à six rayons. En réalité, le sept est le point central du cube, qui possède six faces et douze arêtes, un autre des symboles-modèles de l’univers.

    En guise de conclusion provisoire…

    Si la Maçonnerie anglaise actuelle est beaucoup plus discrète que la Maçonnerie française et continentale en général à propos des deux saints Jean, leur importance se manifeste aussi par la célébration de leurs fêtes. De nos jours, cette célébration se limite parfois à un banquet, mais celui-ci est alors conduit selon le rituel de table complet, avec une Ouverture et une Clôture solennelle des Travaux, le Volume de la Sainte Loi étant ouvert sur l’autel, à l’Orient.

    Mais de nombreuses Loges utilisent, lors de ces deux célébrations, différents rituels dont il serait fort ambitieux de faire une analyse exhaustive. C’est pourquoi, dans cette planche, le rituel utilisé par notre Respectable Loge au mois de décembre, n’a pas été analysé en détails. Sa structure non plus n’a pas été dégagée car elle est assez évidente.

    Comme de coutume, c’est sur base de mon questionnement le plus élémentaire que j’ai construit cette planche, avec l’espoir qu’elle aura pu apporter quelques modestes précisions au lecteur.

    R:. F:. A. B.

     

    Bibliographie

    Behaeghel Julien

    Symboles et initiation maçonnique

    Editions du Rocher, Monaco, 2000

    Pages 141 à 153

     

    Ducluzeau Francis

    Ethique, sagesse et spiritualité dans la Franc-maçonnerie

    Editions du Rocher, Monaco, 2002

    Pages 204 à 214, 215 à 233

     

    Ferré Jean

    Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1994

    Pages 234 et 235

     

    Lhomme Jean – Maisondieu Edouard – Tomaso Jacob

    Dictionnaire thématique illustré de la Franc-maçonnerie

    Editions du Rocher, Monaco, 2002

    Pages 299 à 306, 306 à 308 et 308 à 310

     

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    [1] Je n'ai trouvé le mot « télesme » que dans le dictionnaire Mytho-Hermétique de Dom Pernety, et encore n'en donne-t-il qu'une définition succincte : fin, perfection, complément.

    [2] La cosmogonie est une science qui a existé chez tous les peuples archaïques et traditionnels. Elle se réfère à la connaissance de l’homme (cosmos en miniature) et de l’univers (homme en grand), ce qui s’est répété de façon unanime et pérenne au long du temps (histoire) et de l’espace (géographie), décrivant une seule et unique réalité, celle du cosmos, qui est d’ailleurs la même que nous, contemporains, vivons et habitons aujourd’hui, car elle est essentiellement immutable malgré les formes changeantes par lesquelles elle peut être exprimée ou appréhendée, puisqu’elle demeure éternellement vivante.

    Cette science, pratiquement inconnue de l’être humain actuel, ce produit du rationalisme, du positivisme, du matérialisme et de la technologie, a cependant été la structure de base, la structure primaire sur laquelle aussi bien les peuples primitifs que les grandes civilisations de l’antiquité (les égyptiens, par exemple) ont fondé leurs croyances, et l’instrument qu’ils ont utilisé pour construire leur vie et leur culture, qui, dans le cas cité en exemple, a duré trois mille ans. L’on pourrait en dire autant de l’empire chinois, ou plus exactement de la Tradition extrême-orientale, bien que cette science soit en réalité un dénominateur commun à toutes les traditions connues, qu’elles soient vivantes comme la tradition hindoue ou le djaïnisme, ou apparemment mortes, comme les traditions précolombiennes.

    Nous devons préciser que le mode d’expression normal de cette Cosmogonie Universelle et Pérenne est le symbole, ou un ensemble de symboles en action constituant des codes et des structures qui se conjuguent entre eux de façon permanente, manifestant et véhiculant la réalité, c’est-à-dire la pleine possibilité du discours universel qui devient, par leur intermédiaire, audible et compréhensible. Le symbole est par conséquent la traduction intelligible d’une réalité cosmogonique et, en même temps, cette réalité en soi, au niveau où elle s’exprime

    [3] 10 est le nombre de la Tétraktys pythagoricienne, somme des 4 premiers nombres. Il a le sens de la totalité, de l'achèvement, du retour à l'unité après le cycle des 9 premiers nombres. Pour les pythagoriciens, c'est le chiffre le plus sacré, symbole de la création universelle. La Tétraktys était représentée par un triangle de 10 points disposés en pyramide de quatre étages.

     


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  •  La Voute Etoilée 

    Introduction

    Pendant vingt-cinq ans, le plafond de notre Loge n’a pratiquement toujours été qu’une surface de teinte bleu ciel sans la moindre représentation stellaire ! Peut-être les Frères fondateurs avaient-ils estimé qu’une mise en conformité de la Voute Étoilée avec la Tradition n’était pas urgente ? Cela témoignerait-il d’une prise de distance par rapport au Grand Architecte de l’Univers ?

    Il y a environ une dizaine d’années, un de nos VV:. FF:. avait soulevé le problème de l’absence de cette représentation, s’était engagé à combler ce manque par un travail opératif personnel, mais le temps lui a sans doute manqué…

    Alors que nous venons de célébrer le vingt-cinquième anniversaire de l’érection des Colonnes de « Sambre et Meuse », quelques Frères semblent avoir pris conscience de la nécessité d’apporter ce complément indispensable au symbolisme de nos Travaux.

    C’est dans le but de soutenir leur action opérative que je leur propose humblement la présente recherche, mais aussi pour faire prendre conscience à tous mes Frères de l’importance de rechercher et de comprendre les origines de nos symboles.

    J’ai quelques fois fait le triste constat que, toutes Loges confondues, trop de Frères ne semblent pas trop s’attarder à rechercher dans la symbolique maçonnique, les origines des outils qui nous sont proposés et que, par habitude, nous manipulons en Loge. C’est ainsi que, peu à peu, au fil des générations montantes, nous risquons de perdre le sens du sacré et que se créent des mouvances parallèles qui n’ont plus de Maçon que le nom, bien que l’esprit traditionnel soit plus ou moins préservé lors des cérémonies d’Initiation.

    Si pour certains d’entre nous, les symboles et les nombres utilisés par la Franc-maçonnerie sont les éléments familiers d’un langage universel inscrit dans notre cosmologie, nombre de Frères initiés aux différents Rites de nos obédiences ne réalisent pas toujours la portée symbolique des outils qu’ils observent et manipulent en Loge. Leur regard est naturellement attiré par les éléments les plus remarquables, mais ils se contentent trop souvent des explications volontairement succinctes trouvées dans les rituels.

    Nombre d’éléments présents dans nos Loges attestent que notre spiritualité est solaire. L’invocation que nous faisons lors de l’Ouverture des Travaux « à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers », introduit cette notion importante, que nous symbolisons par des signes plus ou moins parlants tels que le Soleil et la Lune, l’espace sacré recevant le Pavé mosaïque. Pour les anciens Égyptiens, notre Grand Architecte était symbolisé sous le nom de Rê par le disque solaire, non pas comme étant Dieu mais comme sa première manifestation dans le monde visible. Il se manifeste par la Lumière qu’il diffuse et qui crée la vie. Il n’est pas le « Dieu créateur de toutes choses », mais le principe de mutation des ondes dites cosmiques qu’il véhicule et qu’il transforme en énergie créatrice.

    Les Francs-maçons consacrent leurs Loges à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers dont ils symbolisent la présence par le Tableau de Loge posé sur le Pavé mosaïque, entouré sur trois de ses angles par trois Piliers (Sagesse, Force, Beauté), parfois par des colonnettes de différents styles (dorique, ionique et corinthien). Pour nous Maçons, comme pour les anciens Égyptiens, cet espace réputé sacré, symbolise la Terre comme faisant partie intégrante de l’Univers qui l’entoure.

    D’autres symboles décorant nos Ateliers, attestent encore que notre spiritualité est d’origine solaire : la Voute Étoilée, le Soleil et la Lune, l’Etoile flamboyante, la forme pyramidale du triangle, la référence à la Lumière etc. L’énergie cosmique y est aussi parfois suggérée par la présence d’un fil à plomb symbolisant l’Axe du monde sur le centre du Tableau de Loge. Sa verticalité est également représentée sur le décor des Premier et Second Surveillants. Ces symboles manifestent la présence du Grand Architecte de l’Univers. 

    La Voute Étoilée

    La Voute Étoilée composées de petites étoiles à cinq branches est un symbole égyptien. Peinte sur le plafond des tombeaux royaux, elle représentait le monde où séjournaient les dieux. Lorsque Pharaon, considéré par le peuple comme un dieu vivant, rejoignait, au crépuscule de sa vie, l’Orient éternel, une nouvelle étoile était censée s’allumer dans le ciel. En Egypte, il n’y a jamais eu d’autres formes d’étoiles que celles à cinq branches que nous observons au plafond de nos Ateliers. Dans nos Loges, les Travaux sont ouverts à la gloire du Grand Architecte de l’Univers que symbolise également cette Voute Étoilée.

    Tentons de comprendre pourquoi il importe que le plafond de notre Loge soit  rapidement garni d’étoiles, de quelques étoiles… de deux ou trois constellations maximum – car « ici, tout est symbole » – et pour autant que leur représentation soit correcte ! L’objectif est de maintenir le symbole à sa place, pas de provoquer des distractions  mais de susciter la réflexion.

    Une des caractéristiques de la Voute Céleste telle qu’elle est généralement représentée dans nos Loges, c’est qu’elle est étoilée… parfois trop ! Alors, combien de fois les regards de Frères assis sur les Colonnes se sont-ils perdus dans ce vaste champ sidéral ? Et que voit le nouvel Initié lorsqu'on lui enlève le bandeau qui lui recouvre les yeux si ce n’est – outre la Lumière de l’Orient – le Soleil, la Lune et ce vaste champ d’étoiles au-dessus de sa tête ?

    Une constante de l’activité maçonnique dans le Temple est la confrontation avec la Voute céleste et les astres. Un symbolisme de l’espace, la Voute Étoilée, représente la part céleste dans l’ensemble cosmique. Elle évoque le sacré, le passage du fini à l’infini, de la vie temporelle à la vie éternelle, mais elle nous fait aussi prendre conscience que nous sommes bien observateurs entre Zénith et Nadir.

    Les astres qui suivent leurs trajectoires harmonieusement combinées font penser inévitablement que c’est là que règne le Grand Architecte de l’Univers. Et le ciel est un symbole par lequel s’exprime la croyance en un Etre supérieur, créateur de l’univers, pure manifestation de la transcendance, de la puissance et de la pérennité. Pythagore ne s’était d’ailleurs pas trompé lorsqu’il parlait de l’harmonie des sphères, harmonie perçue comme « la juste consonance des parties au Tout en une céleste octave ».

    La Voute Céleste ou Étoilée fait naître dans nos Loges un sentiment de sécurité, et elle en fait une sorte de refuge. C’est dans cet espace entre Voute Céleste et Pavé mosaïque que le macrocosme et le microcosme se rejoignent et que la jonction en nous est possible. Sans doute nous montre-t-elle que la construction de notre Temple ne sera jamais terminée, mais elle témoigne également que la Franc-Maçonnerie n’entend pas limiter son travail à la seule connaissance mais s’adonner encore à la contemplation et à l’admiration de ce qui la dépasse. La Voute céleste étoilée reste une puissante source d’inspiration et pousse chaque Frère à s’élever par une irrésistible aspiration vers l’infini cosmique devant lui permettre de transcender sa condition d’homme.

    La Voute Étoilée surplombe le Pavé mosaïque, l’un reflétant l’autre. Et comme il est dit que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, on peut alors y voir un symbole de multiplicité, une entrevue des infinies possibilités, des nombreux chemins possibles. Chaque étoile semble être similaire à une autre mais comme les humains, chaque être est différent et la richesse vient de la non-conformité, de la différence. Chaque étoile est une.

    Approche du symbolisme des étoiles

    Par leurs mouvements, les étoiles semblent déterminer la course du temps et mettre la vie au rythme du cosmos. Ce ballet sidéral, preuve manifeste d’une perfection extérieurement inaccessible, nous renvoie à l’intérieur de nous-mêmes.

    Les Francs-maçons n’ont-ils pas mis des étoiles dans la Voute Céleste de leurs Loges pour dire : « Vous êtes sur la Terre mais tout vous ramène au divin. C’est ce chemin-là que vous devez suivre, librement mais avec constance » ?

    Et ces étoiles ne seraient-elles pas l’expression de la promesse qu’au bout de l’obscurité il y a la Lumière, celle de la Connaissance ? N’y a-t-il plus clair appel à nous perfectionner ?

    Pour les Francs-maçons qui étudient la Voute Étoilée comme symbole et support à leur réflexion, elle est généralement considérée comme le symbole du ciel parsemé d'étoiles et visible de Midi à Minuit. Elle suggère l'infini, la progression spirituelle, le toit du Temple de Salomon ouvert à la connaissance et au progrès.

    C'est justement au nom de la connaissance et du progrès qu’ils récusent tout mythe consistant à prédire un hypothétique avenir à partir de l'observation des astres. Ne parlons donc pas de l'astrologie moderne qui est une imposture et une escroquerie.

    La Voute Étoilée couvre le toit du temple et en même temps brille de mille feux grâce aux étoiles, la Lune et le Soleil, de Midi à Minuit. Il n’y a pas de nuit noire dans la Loge pendant les Travaux : la Lumière y règne. Le ciel parsemé d'étoiles est infini à l'image de l'univers, infini mais borné ! C'est un paradoxe en effet pour le sens commun mais qui a une explication physique et rationnelle. Et du fait de cette infinité tout observateur à n'importe quel point de l'univers est au centre. Quel plus beau symbole d'égalité !

    Puissance du symbolisme de la Voute Céleste ou Étoilée

    Pour la contempler, nous levons haut la tête, symbole de volonté, de perfection et de liberté de l’Homme, car la Voute Céleste ou Étoilée, c’est le face à face avec l’incommensurable, la prise de conscience de l’infini qui est toujours bien présent dans notre vie mais qui, d’une certaine façon, perturbe nos esprits rationnels et limités qui se retrouvent parfois débordés par tant d’inconnu. Elle nous ramène sans cesse à notre dimension microcosmique face au macrocosme des « espaces infinis » dont le «silence éternel» effrayait déjà Pascal.

    Mais la voute proprement dite c’est aussi, du point de vue de la géométrie, un segment de la circonférence. Elle induit donc la notion de roue, de sphère et de cercle (illustrant l’esprit) en nous invitant à travailler avec le compas symbolisant l’intelligence.

    Mais c’est aussi une notion de mouvement : perdus au milieu d’un univers en perpétuelle mutation, nous n’échappons pas, nous non plus, au renouvellement. Nous y sommes sans cesse contraints dans la vie profane. Et, dans notre vie maçonnique, qu’avons-nous vécu d’autre lors de notre Initiation ou de notre Élévation ? Ce renouvellement qui nous est « naturellement » imposé est aussi le moteur du progrès, de l’évolution de l’Homme et corollairement de sa capacité d’adaptation à son environnement. Il existe donc bel et bien une dynamique de notre monde au sein de l’univers.

    La Voute Céleste illustre les orbites décrites par les astres dans le cosmos, les cycles de la nature et de la vie, le temps qui passe et ce grand tourbillon qui entraîne notre monde et nous avec lui. Parfaite illustration de la gravitation universelle, la Voute Céleste oscille entre Ténèbres et Lumière en évoquant le sens qui, du chaos, fait jaillir le monde. Cette Voute Céleste, c’est, par une illustration partielle, la révélation d’un tout : le témoignage que ce que nous voyons porte en soi ce qui nous est invisible, démonstration fulgurante des principes d’analogie et de dualité contenus dans l’aphorisme d’Hermès Trismégiste : « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas pour faire des miracles d’une seule chose ».

    Depuis l’aube de l’humanité, l’Homme lève les yeux vers le ciel. Cette humanité a toujours été fascinée, intriguée, saisie de joie et de crainte, voire d’angoisse devant les manifestations de la Voute Céleste, sa grandeur et ses mystères insondables. L’Homme  l’a sacralisée et a essayé d’y comprendre et d’y édifier la création et de faire concorder ses vues étoilées, avec ses croyances. L’Homme exprimait ainsi une filiation mystérieuse avec l’univers, le cosmos. Il y a vu la demeure des divinités, chaque peuple y a mis et y met toujours ce qu’il veut.

    Dès l’origine des temps, la contemplation du ciel étoilé d’une nuit sans nuages a conduit l’homme à s’interroger sur lui-même et sur sa place dans l’univers. Dès que son évolution a donné à son cerveau l’accès à l’abstraction et l’a fait passer de l’état de primate animal à celui d’être doué de conscience, la vision de l’immensité étoilée l’a porté à se demander : d’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Comment suis-je ici et, surtout, pourquoi suis-je ici ?

    C’est l’observation du firmament qui a conduit l’être doué de conscience à donner les premières réponses à ses interrogations. Admiratif et effrayé par sa splendeur et son immensité, il y a projeté ses questions et cherché les réponses à ses préoccupations infiniment petites dans cet infiniment grand.

    En architecture, la voute est présente dans tous les édifices religieux. La voute, ou ce qui la représente dans la nature ou dans les œuvres de l’homme, joue un rôle métaphysique important. Elle est présente dans tous les lieux privilégiés où, de tout temps, l’homme a cherché à établir une relation avec le divin. Elle a un caractère magique. L’envoutement y fait du reste étymologiquement référence. La voute subjugue et fascine celui qui la contemple.

    Dans nos Loges, espace à trois dimensions, la voute est figurée au plafond du temple et, en son milieu, descend – théoriquement – le Fil à plomb constituant l’axe du monde. La voute est, bien plus qu’un arc de cercle, un dôme tout entier, tracé à sa base par le cercle qui englobe l’humanité toute entière, pour l’inviter à s’élever au-dessus de son monde terre-à-terre et se rapprocher du divin.

    Qu’elle soit naturelle ou création de l’homme et constituée du toit du temple, la voute impose la notion d’une séparation entre la terre et le ciel, entre le dedans et le dehors, entre le visible et l’invisible, entre le matériel et l’immatériel, entre l’humain et le divin.

    Dans la symbolique maçonnique dévolue au ciel et à la terre, cette dualité se retrouve : la Loge est couverte par la Voute Étoilée. Incluse dans le Pavé mosaïque, la terre reflète en partie, comme ses étendues d’eau, les étoiles tracées sur la Voute. Notre architecture, en même temps, rappelle les correspondances que les Maçons cherchent à établir entre elles, puisque le parcours initiatique conduit le Profane de la terre où il se meurt, au ciel où il s’accomplit.

    La Voute est la séparation entre l’obscurité dans laquelle nous sommes plongés et dans laquelle nous évoluons à tâtons et le ciel, domaine de la divinité et de la lumière absolue. Elle nous invite à nous réunir pour avancer ensemble dans notre nuit vers la Lumière, dont nous percevons les traces par la contemplation du firmament.

    Le symbolisme de la Voute Étoilée ne rappelle-t-il pas au Maçon que sa quête de la Vérité et de la Lumière doit se diriger dans cette direction ? N’est-elle pas aussi là pour le guider ?

    La Voute Étoilée, symbole d'unité

    Dans cette Voute Étoilée, nous pouvons imaginer, par reflet, les Francs-maçons éparpillés sur toute la surface de la Terre, mais aussi les Frères passés à l’Orient Éternel, tous ensemble sur la carte du ciel, les plus humbles comme les plus illustres, les plus pauvres comme les plus riches ; le dernier Initié, comme le premier, mort depuis des lustres. C’est une chaine d’union à travers les âges, à travers l’espace et le temps qui relie les cœurs et les âmes appelant puissamment l’Égrégore.

    Ne peut-on y voir aussi une représentation de toutes les loges du monde, chaque étoile symbolisant une loge allumée, une loge au travail au nom de la Franc-maçonnerie universelle ? Par toute la Terre, il est toujours Midi ou Minuit quelque part, une Loge s’ouvre, une autre clôt ses Travaux, une autre, peut-être, s’éteint.

    Que ce ciel étoilé nous rappelle ainsi la fin des Travaux lorsque nous rentrons contents et satisfaits, et que nous en avons retiré profit et joie.

    La Voute Étoilée, source de méditation

    Les ciels des temples maçonniques sont normalement bleus, cloutés d'étoi­les. Un bleu tendre et clair, le bleu des Loges bleues et des cordons de Maître (au Rite français !), un bleu de plein jour. Point de nuit au-dessus de nos têtes, mais les étoiles rendues visibles de Midi à Minuit par la Lumière de la Loge !

    Jean-Marie Ragon de Bettignies explique que « la Voute du Temple est azurée et étoilée comme celle des cieux, parce que, comme elle, elle abrite tous les hommes, sans distinction de rang ni de couleur ».

    Même ceux qui ne savent presque rien de la Franc-Maçonnerie rattachent à notre tradition le symbolisme du Temple inachevé, à ciel ouvert. Ils vous diront, avec ou sans ironie, que les Francs-maçons prétendent élever une construction déclarée par eux-mêmes interminable, ce qui permet de ne point juger trop sévèrement l'apport de chacun. Le langage courant a d'ailleurs adopté, en la galvaudant, notre expression «apporter sa pierre à l'édifice». Malheureusement, il s'agit bien souvent de saluer par cette formule toute faite la touchante bonne volonté de celui qui n'a pas abouti faute de temps, de moyens ou d'envergure.

    Ayant posé le principe fondamental qu'aucune limite ne peut être mise à leur recherche de la Vérité, les Francs-maçons ne veulent donner de la tête dans aucun plafond. Si l'ambition de la Loge était philosophique, scientifique, sociale, ce serait avoir là beaucoup d'orgueil et de présomption. Mais l'ambition de la Loge symbolique, régulière et traditionnelle, est initiatique. Il s'agit, au bout du chemin, de ne point se retrouver tel qu'on était au départ, sans que la nature des transformations intérieures de chacun ait été prescrite, voulue ou obtenue par quiconque. Aucun conditionnement : la diversité des Maçons, de leurs comportements, de leurs idées, en est la preuve. Donc, point de toit, car point de dogme. Point de couverture au-dessus des têtes, mais seulement la Voute Céleste avec ses étoiles visibles en plein jour. Ainsi la Loge travaille à ciel ouvert et nous trouvons là un second trait commun à la très grande majorité des Francs-Maçons : ils se veulent solidaires du cosmos. 

    La Voute Étoilée, en plus de mettre l’homme au centre du cosmos, doit apporter à nos Travaux une autre dimension. En effet, depuis la nuit des temps, et quelle que soit la latitude sous laquelle il réside, l’homme regarde et interroge cette voute lointaine. La contemplation d’un ciel étoilé donne une grande quiétude et une remarquable sérénité d’esprit. Elle incite, non pas à la rêverie, mais plutôt à la méditation.

    Pour Jules Boucher, « la voute constellée des temples maçonniques est en même temps que le symbole de son universalité, celui de sa véritable transcendance ». Cette représentation du cosmos qui plane au-dessus de nos têtes durant nos Tenues, doit nous apporter sérénité et humilité. La contemplation d’un tel espace nous rappelle l’écart, selon la définition de Pascal, entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. Ainsi le Franc-maçon doit-il rester humble face aux éléments, et apprécier justement la place de l’homme dans l’univers …

    La Voute qui s’élève au-dessus de nos têtes constitue la frontière entre le monde matériel, qui nous est accessible, et le monde immatériel, qui nous est inconnu et vers lequel se dirigent nos interrogations. Dans toute Loge régulière, la voute est symboliquement celle du ciel. Elle y apparaît semée d’étoiles sur fond bleu. Les étoiles représentées au plafond de la loge sont une image du cosmos, terme venant du grec et désignant tout à la fois le Monde, l’Univers, la Création. Leur présence rappelle que le Travail maçonnique s’accomplit à la frontière du visible et de l’invisible, dans un monde intermédiaire qui sépare le terrestre, domaine du limité, du royaume de la divinité, domaine de l’infini.

    La Voute Étoilée, visible de l’intérieur de la Loge témoigne d’une part que les murs de la loge n’ont pas la prétention de s’élever jusqu’au ciel, mais d’autre part que le Maçon ne limite pas son travail à une connaissance de soi, à ce qui est terre-à-terre, mais aussi à la contemplation et à la recherche de ce qui le dépasse, de ce qui le surpasse, de ce qui se trouve dans le monde de l’invisible, au-delà de la Voute Étoilée. Les étoiles brillent en Loge comme autant de parcelles de la lumière céleste qui protège et guide les chercheurs de Vérité sur le chemin de la Connaissance. Cette représentation du cosmos enseigne aussi que l’action de la divinité ne se borne pas seulement au monde qui est le sien pour celui qui sait devenir une étoile vivante. Ce qui est en haut existe aussi ici-bas. La Voute Étoilée est le trait d’union entre l’humain et le divin d’une part, entre la divinité et l’humanité d’autre part.

    La référence à la Voute Étoilée nous invite à méditer sur le plan spirituel. Elle favorise notre réflexion. Sa contemplation nous ramène à notre juste dimension dans l’immensité de la Création. Elle nous porte à donner aux choses d’ici-bas la relativité qui est la leur. Ne dit-on pas souvent que la nuit porte conseil ? La Voute qui est présente dans nos Loges repose sur les murs de la loge. Cela ne signifie pas que notre loge a la prétention de s’élever à la hauteur du divin. Nos murs supportant la Voute Étoilée sont là pour inviter le Maçon à diriger sa recherche de la Lumière dans cette direction, puisque son travail ne se limite pas à la connaissance de soi, mais aussi à la recherche de ce qui le dépasse.

    En guise de conclusion provisoire...

    La construction du Temple restera toujours inachevée, et le travail toujours en cours. L’homme ne peut faire table rase de son histoire et grandit en l’assimilant, évitant de reproduire les erreurs du passé tout en conservant son esprit d’initiative, sa liberté d’entreprendre, sa puissance créatrice. Le travail de chacun vaut ce qu’il vaut. Chaque Franc-maçon transmet ce qu’il reçoit et apporte ce qu’il peut. Aucune limite ne peut être mise à la recherche de la Vérité. Point de toit à notre Respectable Loge car point de dogme : ni philosophique, ni scientifique, ni social. 

    Trois idées me paraissent dominer le symbolisme de la Voute Étoilée : la relativité des choses, la relativité du temps, les différents aspects de la Lumière : Lumière – séparation : jour / nuit et saisons ; Lumière – génération : ascendante et descendante qui permet la Renaissance ; Lumière – harmonie : opposant ordre et chaos ; Lumière – orientation : étoile guide ; Lumière – illumination qui nous fait sortir des Ténèbres ; Lumière créatrice : année de Vraie Lumière.

    Pour moi, la Voute Étoilée semble un des plus riches de tous les symboles présents dans toute Loge maçonnique. Il reprend les notions de la dualité, au même titre que le Pavé mosaïque, de relativité des choses, du continuum de la révolution temporelle et de la genèse de la vie, de la verticalité. Le Fil à plomb qui part théoriquement de la Voute Étoilée pour la transmission de l’énergie cosmique m’apparait alors comme un signe d’espoir. 

     

    R:. F:. A. B.

     


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  •  Le Frère Maître des Cérémonies 

    Sa responsabilité générale

    Le Frère Maître des Cérémonies est chargé d’introduire, de guider et de conduire les Frères dans la Loge. Il assiste le Vénérable Maître dans toutes les Tenues et cérémonies et intervient dans l’Ouverture et la Fermeture des Travaux en allumant ou en éteignant les luminaires.

    Il précède et conduit le Vénérable Maître dans ses déplacements. Gardien du bon déroulement des cérémonies, il se déplace autant de fois qu’il convient pour corriger ce qui manque ou ce qui semble incorrect.

    Le Frère Maître des Cérémonies est responsable de toutes les cérémonies dont il doit parfaitement connaître le déroulement. Il s’assure que les candidats aux différents degrés sont convenablement préparés.

    Pour l’accueil des Autorités maçonniques éventuellement présentes, il prévoit la désignation de 3 Frères porteurs d’étoile, notamment lorsque le Très Respectable Grand Maître ou son adjoint viennent rendre visite à la Loge. Il veille aussi à ce que les épées nécessaires à la formation de la voûte d’acier aient été préparées et mises à la disposition des Frères qui doivent s’en servir.

    Lors de l’installation de la nouvelle Commission d’Officiers Dignitaires, il prête le serment d’usage sur les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie. Pour la transmission des décors, l’ordre à respecter est le suivant : d’abord le sautoir, puis le tablier de fonction, et enfin la canne.

    Comme pour tous les autres Officiers Dignitaires de la Loge, le Frère Maître des Cérémonies est reconnaissable au bijou qui orne son sautoir, ainsi qu’à l’attribut qui lui a été octroyé de tradition : la canne.

    Son sautoir

    Le sautoir du Frère Maître des Cérémonies est orné d’un bijou composé de deux cannes croisées et liées par un ruban.

    * Le Frère Maître des Cérémonies

    Symbolisme de son bijou

    Ces deux cannes entrecroisées et liées par un ruban reproduisent le symbole mythique de la Canne dont cet officier ne se départit jamais quand il se déplace dans la Loge.

     

    L’attribut de sa charge : une canne

    Comme Hermès et Moïse, le Maître des Cérémonies porte un bâton de commandement : une canne. Ce bâton représente l’axe du monde qui soutient le ciel, tout en reposant sur la terre, mais aussi l’axe qui relie le céleste et le terrestre. Il représente l’autorité matérielle et spirituelle, la maîtrise des énergies célestes et terrestres. Il est le trait d’union entre ces deux forces, comme objet permettant d’accomplir les miracles du ciel sur la terre parce qu'il touche le ciel par un bout, et la terre par l’autre.

    Tout comme cet autre puissant symbole de la Vie et de la Verticalité, l’Arbre, qui met en communication les trois niveaux du cosmos, le souterrain à travers ses racines, la surface à travers son tronc, et les hauteurs à travers ses branches, la canne établit un rapport entre la terre et le ciel à travers l’Homme.

    Les ouvrages sur les rites, symboles et accessoires rituels de la Franc-maçonnerie ne manquent pas mais l’allusion à l’emploi de la canne est assez rare.

    Irène Mainguy, dans son livre « La Symbolique maçonnique du troisième millénaire » écrit à ce propos : « Le Maître des Cérémonies siège devant le Trésorier en tête de la Colonne du Midi, face au Nord et à l’Expert. Il est chargé de la réception des visiteurs et annonce les dignitaires maçonniques qu’il introduit avec solennité dans le temple portant toujours sa canne ».

    Il s’agit donc d’une canne d’apparat, analogue à celle du suisse, qui se déplace dans l’église pour y placer les fidèles ou précéder les entrées et sorties des ministres du culte.

    Contrairement à ce que certains auteurs ont écrit, ce type de canne n’a aucun rapport avec celle des compagnons du tour de France, dont elle n’est pas issue. Cette dernière est une canne de marche servant occasionnellement à l’exercice de certains rites, mais elle n’est pas originellement une canne de cérémonie mais de marche. De plus, si elle est attestée de longue date (1650) dans sa double fonction au sein des compagnonnages, la canne n’est pas signalée dans les plus anciens documents maçonniques.

    La fonction de Maître des Cérémonies n’est pas toujours très bien définie et sa canne ne paraît pas avoir été utilisée jusqu’à la fin du 19ème siècle pour l’accomplissement d’un rite particulier. C’était plutôt l’insigne de la fonction de celui qui la tenait et qui se déplaçait dans la Loge.

    La rareté des mentions de la canne dans la plupart des rituels et autres documents datant des 18ème et 19ème siècles ne signifie pas qu’elle était inusitée, mais cela atteste que son emploi n’était pas codifié. Le Maître des Cérémonies portait une canne parce que c’était l’attribut normal de sa fonction, sans qu’il y ait besoin de le spécifier. Cependant, il en existe quelques mentions éparses.

    La marche du Maître des Cérémonies

    Dans ses déplacements, le  Frère Maître des Cérémonies se déplace en principe en martelant le sol de son bâton. Cette attitude, ce martèlement, confère  une majesté bien plus importante et est à mettre  en relation avec les traditions antiques où cet usage était courant. Dans notre obédience, cette habitude semble souvent méconnue ou oubliée.

    Dans certaines anciennes Loges, pour la  plupart au Grand Orient de France, le déplacement du Maître des Cérémonies est bien plus ostentatoire puisque, à chaque pas, il décrit un triangle dans un plan horizontal avec l’extrémité supérieure de son bâton. Ceci peut nous sembler exagéré mais on ne peut nier toute la magnificence qui se dégage d’une telle action.

    Lors de ses déplacements en Loge, le Frère Maître des Cérémonies  est conscient de ses pieds et du sol, du mouvement de ses jambes, concrètement et symboliquement. Il devient conscient de l’énergie qui circule dans son corps et de l’être qui l’habite.

    Tous les déplacements en Loge devraient être exécutés avec la conscience de l’être ou la vigilance nécessaire à éveiller cette conscience.

    Beaucoup de Maîtres de Cérémonies oublient qu’il y a lieu de tenir cette canne fermement de la main droite, et qu’il convient aussi, dans les déplacements de synchroniser ses coups de façon naturelle avec chaque troisième pas.

    Le Frère Maître des Cérémonies en marche nous rappelle que, tout comme le pèlerin sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, si nous n’avançons pas, nous n’atteignons pas notre but.

    Analyse du rôle du Maître des Cérémonies

    Le Frère Maître des Cérémonies est en fait le Maître des Rituels. Il a un rôle important dans le bon fonctionnement de la Loge, tant sur le plan matériel que sur le plan spirituel. Il relie les deux plans permettant aux Frères de passer avec aisance de l’un à l’autre.

    Le Frère Maître des Cérémonies est aussi assisté du Frère Expert qui garde l’épée relevée, connaît l'ordre universel et recueille l'énergie nécessaire à la défense de l'harmonie de la fraternité.

    Souvent avec l’aide du Frère Architecte, il veille à ce que la Loge soit prête tant pour les cérémonies que pour les Tenues ordinaires.

    Il introduit les Officiers et les Frères lors des entrées rituelles et intervient lorsque l’ordre supérieur l’exige.

    Signe d'ordre et signe de fidélité

    Lorsque le Vénérable Maître demande la mise à l’ordre, le Frère Maître des Cérémonie redresse sa canne, son bras formant alors une équerre avec son avant-bras.

    Lorsqu'il est en attente de toute demande du Vénérable Maître, le Frère maître des Cérémonies est censé être au Signe de Fidélité, que qu’il exécute en inclinant sa canne à sa droite, son avant-bras étant alors tendu dans le prolongement de son bras.

    Aspects symboliques de la fonction de Maître des Cérémonies

    Le Frère Maître des Cérémonies connaît l’ordre cosmique ou sa représentation géographique sur terre, projetée à l’intérieur de la Loge. Il règle les déplacements dans le corps de la Loge en veillant à la prédominance de l’ordre universel.

    Il est la représentation des lois divines et le garant de l’ordre maçonnique. Il est libre de ses pulsions émotionnelles, libre de ses idées, libre de son corps pour exécuter avec conscience les gestes justes qui correspondent à l’harmonie éternelle et qui ont été codifiés au rituel.

    Le Frère Maître des Cérémonies est le symbole de l’ordre cosmique et maçonnique qu’il respecte et illustre dans ses manifestations au sein de la Loge.

    Il assiste le Vénérable Maître afin que la descente de la Lumière respecte cet ordre. Tout comme l’aveugle qui frappe le sol devant lui avec sa canne, le Frère Maître des Cérémonies fait de même quand il avance en Loge.

    Il est aussi un guide qui a la sagesse de savoir qu’il est aveugle et a besoin pour avancer vers la Lumière, en plus de ses deux jambes, d’un troisième support : sa canne.

    Son rôle lors de l’Ouverture des Travaux

    Le Frère Maître des Cérémonies, assisté du Frère Expert au Rite Écossais Ancien Accepté, secondé par les Frères Surveillants au Rite moderne, aide le Vénérable Maître à ouvrir la Loge. Ce n'est pas simplement ouvrir le local où les Frères sont rassemblés, mais plutôt ouvrir l'esprit et rassembler ce qui est épars pour en faire une unité.

    Ainsi ouvrir la Loge, c'est procéder à notre ouverture d'esprit. Le rituel a pour but d’harmoniser les forces, de permettre une concentration vers un même objectif, de combler le fossé qui pourrait exister entre l’intérieur et l’extérieur.

    L’enceinte une fois fermée devient un lieu consacré.

    C’est donc avant même le départ, une invitation pressante à cultiver le regard intérieur, à se connaître soi-même. Chaque Frère devient ainsi acteur, un acteur qui vit intensément son rôle, entouré de mystère. Cette attitude agit sur la nature même de l’individu et son sens secret.

    Invitation au travail et à l’abandon des métaux

    Sur les parvis, avant d’entrer en Loge, le Frère Maître des Cérémonies gère l’attente, ménage l’énergie qu’il va ensuite contribuer à répartir sur les Colonnes. Il nous invite au silence, au travail et à l’abandon des métaux, c’est-à-dire les choses futiles, négatives et impermanentes qui ne sont absolument plus nécessaires ni dans la Loge, ni dans notre cœur. Cette invitation rituelle permet de passer d’un état extérieur à un état intérieur.

    Le Frère Maître des Cérémonies va fixer le mouvement des Frères autour de l'axe vertical qui va du Zénith au Nadir par la circumambulation. La circulation empêche l'écart de l'axe central où tout est UN, provoque la concentration, favorise le silence intérieur et le travail sur soi-même auquel nous invite le Vénérable Maître.

    « Une révolution autour d’un point est un mouvement contenu par la fixité. Car la circulation empêche l’écart, et l’écart empêché se fixe dans la circulation. L’opposition de ces deux mouvements produit un état stable toujours maintenu par les résistances mutuelles ». (Extrait du Corpus Hermeticum)

    Donc la stabilité est le résultat d’un mouvement, d’une dynamique, de ces résistances mutuelles et non pas une absence de mouvement, une inertie.

    Le Frère Maître des Cérémonies est donc là pour inviter à la maîtrise du mouvement extérieur afin que « le mouvement contenu par la fixité du point », l’axe central ou tout est un, provoque la concentration, favorise le silence intérieur et le travail auquel nous invite le Vénérable Maître.

    Le Frère Maître des Cérémonies est donc là pour veiller à l’instant, au présent, à l’ordonnancement. Il appelle à l’ordre, à sortir du chaos.

    Il nous invite au silence, à la prise de conscience, à préparer nos esprits au calme afin que le mental, tellement proche du fonctionnement « matière » et duel laisse place aux propositions de la tri-unité.

    De l’entrée en Loge

    Après un instant de silence, par un coup de canne frappé sur le sol, le Frère Maître des Cérémonies appelle les Apprentis et les Frères visiteurs à le suivre. Le coup de canne plonge les Frères dans une autre atmosphère, afin de les faire bénéficier de l’action qui va se dérouler. La musique diffusée par le Frère Maître de la Colonne d’Harmonie prédispose l’esprit à la contemplation des choses divines.

    Lorsque nous pénétrons dans la Loge, seule une faible lumière scintille à l’Orient et il est nécessaire d'avancer pour que cette petite flamme parvienne à un éclairage total.

    Il convient que la circulation dans la Loge suive un sens déterminé. Les Frères sont obligés d’être conduits afin de ne pas s’éloigner de la voie, dans la crainte de s’égarer, de tomber dans l’abîme.

    Le sens est donné en considérant que tout Frère regarde l’Orient, car il vénère et cherche la Lumière, le soleil naissant. En fait, le temps profane ne compte plus car nous sommes dans un symbolisme solaire et aussi bien l’évocation de l’heure que l’orientation de la Loge, la disposition des Frères, la position des Colonnes témoignent de l’observation du soleil. La Porte de la Loge est placée à l’Occident, car le Maçon vient des Ténèbres, du monde profane pour approcher de l’Orient, à la recherche de la Lumière. Et pour parvenir à l’Orient, il faut passer entre les Colonnes. Il ne faut pas oublier que l'atmosphère d'une Loge est créée à partir d'actes rituels et d'objets symboliques disposés selon un ordre bien déterminé.

    Puis vient le tour des Compagnons qui siègent sur la Colonne du Midi, face aux Apprentis. Ils se séparent des Apprentis une fois entrés en Loge. Enfin vient le tour des Maîtres qui ont le droit de prendre place librement sur l’une ou l’autre Colonne.

    La Commission des Officiers Dignitaires entre généralement ensuite, les Frères Surveillants, le Passé Maître Immédiat et le Vénérable Maître en dernier lieu.

    Le Frère Maître des Cérémonies accompagne tous les Frères de la Loge tout comme les Frères visiteurs dans tous leurs déplacements. Au sein de la Loge, il est le seul à circuler et nul ne se déplace sans être accompagné par lui. Remarquons cependant qu'au Rite Français moderne, le Vénérable Maître, tout comme le Frère Expert, peuvent se déplacer seuls dans certaines circonstances.

    Des Travaux

    Selon l’ordre du jour des Travaux de la Loge, le Frère Maître des Cérémonies peut n’avoir qu’un rôle succinct à jouer, comme, par exemple, guider le Frère conférencier jusqu’à la stalle de l’Orateur puis le raccompagner jusqu’à sa place sur les Colonnes à l’issue de son exposé.

    Mais lorsqu’il s’agit d’une cérémonie d’Initiation (Réception au grade d’Apprenti), d’un Passage au grade de Compagnon, d’une Élévation à la Maîtrise… le rôle du Frère Maître des Cérémonies est assez important et il convient qu’il ait une connaissance parfaite du rituel de chaque cérémonie.

    De la Clôture des Travaux

    Lorsque arrive le moment de la Fermeture des Travaux, le Frère Maître des Cérémonies passe pour faire circuler le « Sac aux Propositions » et recueillir les oboles dans le « Tronc de la Veuve » ou « Tronc de Bienfaisance » ou « Tronc de Solidarité » (selon le rite pratiqué).

    Enfin, au Rite Écossais Ancien Accepté, il se place devant chacun des Piliers du Carré long (Beauté, Force, Sagesse) pour éteindre la flamme qui le surmonte suivant les dispositions du rituel propre à la Loge et au rite auquel elle travaille. Au Rite moderne, il passe l’éteignoir à chaque Frère Surveillant puis au Vénérable Maître qui éteignent eux-mêmes la bougie qui brûle devant eux.

    Le Tableau de Loge est généralement recouvert par le plus jeune des Apprentis. Le Vénérable Maître quitte sa stalle (son « plateau ») suivi par tous les Frères, dans un ordre bien précis, conforme au rituel pratiqué par la Loge.

    En guise de conclusion provisoire

    Le Frère Maître des Cérémonies se doit de connaître parfaitement les rituels pratiqués dans sa Loge afin de participer efficacement aux parties essentielles de la cérémonie. Ce n’est qu’ainsi qu’il deviendra un exemple pour ses Frères. Il se doit aussi d’être prudent, circonspect et scrupuleux. Véritable gardien de l’harmonie de la Loge, il veille à sa sérénité.

     

    R:. F:. A. B.

     

    Bibliographie

     

    Alban Gilbert

    Manuel pratique du Grand Expert et du Maître de Cérémonies

    ou de l'exécution correcte des Rituels aux Trois degrés 

    Collection « Les Officiers de Loge »

    Editions Detrad, Paris, 1995

     

    Bayard, Jean-Pierre

    Symbolisme Maçonnique Traditionnel

    Edimaf, Paris, 1982

     

    Béresniak Daniel

    Les offices et les officiers de la Loge

    Editions Detrad, Paris, 2008

     

    Darche Claude

    Vade-mecum de l’Apprenti

    Editions Dervy, Paris, 2006

     

    Delclos, M. - Caradeau, J.-L.

    Les Symboles Maçonniques

    Editions Trajectoire, Paris, 2009

     

    Frankeski, F.

    L'Art de l'Officier en Loge

    Edition de Midi, Nice, 2008

     

    Guigue Christian

    La formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 2003

     

    Ligou Daniel (dir.)

    Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Presse universitaire de France,‎ 2012

     

    Mainguy Irène

    La Symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2001, p. 359 – 360

     

    Ménard Louis

    Hermès  Trismégiste

    Traduction complète précédée d'une étude sur l'origine des livres hermétiques

    Deuxième édition

    Librairie Académique Didier & Cie, Libraires Éditeurs, Paris, 1867

     


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  •  Le Réveil de la Loge 

    Introduction

    La plupart des Loges pratiquant le Rite moderne et qui ont l’habitude de fêter les deux saint Jean à chacun des deux solstices, ont l’habitude de procéder au Réveil de leur Loge après les deux mois consacrés au repos. C’est, une fois de plus, l’occasion de se poser des questions à propos de l’un ou l’autre aspect de ce rituel.

    Nos Loges sont libres d’adopter tel ou tel rituel pour cette cérémonie : tout comme pour la célébration des fêtes solsticiales, il n’y a aucune imposition de la part de la Commission des rituels de notre Obédience régulière.

    Comme pour tout symbole et tout rituel, il convient de se poser un maximum de questions au sujet de cette cérémonie du « Réveil de la Loge » que nous venons de vivre en ce début du mois de septembre.

    Il me paraît utile de signaler d’amblée que cette cérémonie n’a pas lieu au R.E.R.  Ce rite chrétien, voire christique, ne célèbre pas les solstices, n’a aucun rituel spécifique pour indiquer la mise au repos des Ouvriers de la construction du Temple et, par conséquent, n’estime pas nécessaire de « se réveiller » après les deux mois de vacances !

    Le but de la présente planche sera de resituer la cérémonie du Réveil dans le contexte de différents rituels en vigueur au Rite (belge) Moderne, de tenter de répondre à quelques questions fondamentales et à toutes celles qui en découlent :

    ·         Pourquoi une Loge doit-elle se réveiller ?

    ·         Quels sont les moments forts de ce rituel ?

    ·         Pourquoi certains Frères ont-ils un rôle particulier à y jouer ?

    ·         Quel est le rôle du Passé Maître Immédiat ?

    ·         Quel est celui de l’Aumônier-Hospitalier ?

    ·         Pourquoi chacun des Frères présents doit-il s’engager individuellement ?

    ·        

    J’évoquerai aussi successivement chacun des moments forts de la cérémonie :

    ·         le retour des outils utilisés par les Apprentis

    ·         le retour de la flamme de la charité

    ·         le passage du flambeau de main en main

    ·         l’engagement individuel

    ·         la gestuelle du Passé Maître Immédiat et du plus jeune des Apprentis

    ·         certains aspects techniques (musique et éclairage)

    La célébration du Solstice de la Saint-Jean d’été

    Rappelons tout d’abord deux extraits du rituel :

    QUE LA LUMIÈRE DE LA FLAMME QUE VOICI………….. CIRCULE DANS CE TEMPLE AFIN QUE CHACUN EN GARDE L’ECLAT DANS SON ESPRIT ET DANS SON CŒUR DURANT NOTRE DISPERSION MOMENTANÉE.

    Le Vénérable Maître confie alors le flambeau au Frère Orateur ou à un Vénérable Maître visiteur éventuel siégeant à l’Orient. Ce dernier le transmet au Trésorier qui le donne au Maître des Banquets puis, passant de Frère en Frère, il descend toute la Colonne du Sud vers le 1er Surveillant puis aux Frères placés à l’Occident, ensuite par le 2nd Surveillant, il remonte la Colonne du Nord jusqu’au Passé Maître Immédiat.

    A chaque fois que le flambeau est mis en présence d’un bougeoir à la stalle d’un Officier, celui-ci éteint la flamme du bougeoir en étouffant la flamme avant de passer le flambeau allumé au Frère suivant.

    Pendant la progression du flambeau, la lumière décroît par l’extinction de toutes les sources d’éclairage, bougeoirs compris sauf les grands chandeliers du Tableau ainsi que le Soleil et la Lune.

    Le flambeau entre les mains, le Passé Maître Immédiat se dirige vers le Frère Aumônier – Hospitalier auquel il dit :

    FRÈRE AUMÔNIER – HOSPITALIER, QUE TOUTES LUMIÈRES ÉTEINTES DANS CETTE LOGE, VOUS CONSERVIEZ PRÉCIEUSEMENT LA FLAMME DE LA CHARITÉ.

    Au moment de la Clôture des Travaux, le Vénérable Maître explique :

    A PRÉSENT, TANDIS QUE LES LUMIÈRES DE CE TEMPLE DEMEURERONT ÉTEINTES, NOUS EMPORTERONS LES OUTILS DE NOTRE ATELIER, POUR LES RAPPORTER LE JOUR OU NOUS REPRENDRONS NOS TRAVAUX.

    Le plus jeune des Apprentis ramasse ensuite le Maillet et le Ciseau à proximité de la Pierre brute, au pied du Tableau de Loge, et les emporte à l’extérieur du temple au moment de la sortie rituelle des Frères.

    Toute lumière extérieure ayant disparu, seule la lumière de notre conscience nous éclaire. Le dernier flambeau resté allumé a circulé dans le temple afin que chacun en garde l’éclat dans son esprit et dans son cœur durant notre dispersion momentanée.

    Tandis que les Travaux se sont arrêtés sur les Colonnes, les Frères ont formé une dernière fois la Chaîne d’union puis ont emporté leurs outils pour les rapporter le jour où leurs Travaux reprendront.

    C’est sous la conduite du Frère Aumônier-Hospitalier, muni de ce dernier flambeau, source de lumière que rien ne peut éteindre parce que c’est la source de la vie même, que les Frères se sont retirés en paix sous la Loi du Silence et au signe de fidélité pour prendre quelque repos bien mérité.

    Ainsi le décor est planté pour le retour des Frères au mois de septembre : les outils de l’Apprenti (Maillet et Ciseau) ont été placés symboliquement en dehors de la Loge tandis que le chandelier, transmis par le Passé Maître Immédiat au Frère Aumônier-Hospitalier, se retrouve lui aussi à l’extérieur de la Loge, sur le Parvis.

    Les moments forts du rituel du Réveil de la Loge

    Deux mois ont passé. Nous voici au mois de septembre. Tous les Frères ont été convoqués pour participer à la Tenue du Réveil de la Loge. Au moment de l’entrée silencieuse, le temple vient d’être plongé dans l'obscurité tandis que la Colonne d'Harmonie diffuse une musique de circonstance en sourdine.

    Sous la conduite du Maître des Cérémonies, les Frères se sont rangés au Signe de Fidélité, debout, sur les Colonnes.

    Après un bref moment, toujours guidés par le Maître des Cérémonies, les Officiers Dignitaires sont entrés avec leurs attributs : les Premier et Second Surveillants, l'Orateur, le Secrétaire, le Trésorier, l'Expert et le Maître des Banquets. Ils ont pris place à leur « stalle » mais sont restés debout.

    Le retour des outils

    Ont alors suivi deux Frères Apprentis munis du Ciseau et du Maillet qu'ils ont déposés près de la Pierre brute puis ont gagné leur place. Est ensuite entré le Frère Passé Maître Immédiat [1] muni de la Flamme qu’il devait précieusement conserver depuis la célébration du Solstice de la Saint-Jean d’été.

     

    Ensuite, après un temps, le volume de la musique est devenu plus important : le Maître des Cérémonies venait d’introduire le Vénérable Maître portant les trois Grandes Lumières.

    Ayant déposé les Trois Grandes Lumières sur l'Autel, le Vénérable Maître récupéra le Flambeau des mains du Passé Maître Immédiat et le déposa sur sa stalle.

    Et le Vénérable Maître d’expliquer ce qui se passait à ce moment :

    LE TEMPLE EST PLONGE DANS LES TÉNÈBRES, MAIS EN MÊME TEMPS QUE LES TROIS GRANDES LUMIÈRES DE LA FRANC-MAÇONNERIE, JE VOUS AI APPORTE  CETTE FLAMME QUE PRÉCIEUSEMENT NOTRE FRÈRE AUMÔNIER HOSPITALIER A CONSERVÉE DEPUIS LA CÉLÉBRATION DU SOLSTICE DE LA SAINT-JEAN D’ETE.

    Ainsi, après un long séjour dans le monde profane, les Frères de notre Respectable Loge se sont réunis en un point de rencontre connu des seuls enfants de la Lumière. Bien que les Ouvriers étaient manifestement prêts à reprendre le travail, le Temple est resté encore quelques instants plongé dans l’obscurité jusqu’au moment où la flamme, conservée précieusement pendant l’interruption des Travaux après la célébration du Solstice de la Saint-Jean d’été, y a été ramenée.

    Le retour de la flamme de la charité

    Il me paraît tout-à-fait judicieux de se demander pourquoi cette flamme de la charité a été confiée au Frère Aumônier-Hospitalier à l’issue de la célébration du Solstice de la Saint-Jean d’été alors que le rituel du Réveil, tel qu’il a été appliqué lors de notre dernière Tenue, l’a fait revenir par le Passé Maître Immédiat !

    Nos Loges travaillant au Rite moderne sont libres d’adopter tel ou tel rituel ou même d’en créer un nouveau pour ce genre de cérémonie [2].

    Tout comme c’était déjà le cas pour la célébration de la fête solsticiale d’été, on peut imaginer que ces deux rituels ont été adoptés ou créés à des moments différents et que nos prédécesseurs n’ont jamais pensé à corriger ce « détail » qui nous interpelle aujourd’hui à juste titre !

    Puisque nous sommes libres de revoir ces rituels, nous pourrions envisager sans difficulté de réécrire l’une ou l’autre réplique ou l’une ou l’autre disposition de mise en scène afin d’ajuster nos deux rituels en toute logique.

     

    Que s’est-il passé ensuite ?

    Le Vénérable Maître nous a invités à reprendre peu à peu conscience de l’Art Royal. Mais au début du rituel, ni les Apprentis ni les Compagnons ne pouvaient reconnaître leurs outils alors que les Maîtres étaient impatients de recommencer l’œuvre, la construction – symbolique – du Temple.

    La Lune est d’abord apparue, versant un peu de clarté froide sur la Colonne du Nord, suivie du Soleil qui commençait à éclairer la Colonne du Sud. Symboliquement sont apparus les détails du Grand Œuvre et les Maîtres ont retrouvé les dessins de l’ouvrage (toujours) inachevé (et toujours à poursuivre !). La Lumière a encore cru tandis que chacun était impatient de se saisir de ses outils.

    Le passage du flambeau de main en main

    Le rituel permet à nouveau au Vénérable Maître d’expliquer ce qui se passe ensuite :

    AVANT DE LUI DONNER PLUS D'ÉCLAT, AVANT D'ILLUMINER LE LIEU DE NOS TRAVAUX, AVANT DE VOUS LAISSER MANIER À NOUVEAU VOS OUTILS DE MAÇONS, JE VOUS INVITE À REPRENDRE PEU À PEU CONSCIENCE DE L'ART ROYAL, D'EFFACER EN VOUS TOUTE PRÉOCCUPATION PROFANE, DE FAIRE TAIRE TOUT ÉCHO DU TUMULTE EXTÉRIEUR.

    REPRENONS NOTRE SÉRÉNITÉ MES FRÈRES ET LAISSONS NOS PENSÉES S'ÉLEVER, SE JOINDRE ET SE CONFONDRE DANS UNE SEULE ET MÊME INTELLIGENCE INFINIE.

    CETTE FLAMME, JE VAIS LA TRANSMETTRE…

    JE VAIS LA TRANSMETTRE AUX FLAMBEAUX….

    QU'ILS PASSENT DE MAIN EN MAIN LE LONG DE VOS COLONNES ET QU'ILS PARVIENNENT AUX FRÈRES SURVEILLANTS AFIN QUE CEUX-CI M’AIDENT À OUVRIR LES TRAVAUX.

     

    Le but est donc de transmettre la flamme aux deux Surveillants afin que les Travaux puissent s’ouvrir.

    Ensuite, le Vénérable Maître s’assure que chacun de ses Officiers Dignitaires est prêt à l’assister pour diriger les Travaux de la Loge. Il interroge successivement les deux Surveillants (Trois Frères dirigent la Loge) puis l’Orateur et le Secrétaire (car cinq Frères éclairent la Loge).

    Il lui faut ensuite s’assurer, comme d’habitude, que les Travaux sont bien à couvert. Le Frère Couvreur fait son office. La Loge étant couverte extérieurement et intérieurement, le rituel ressemble au rituel habituel de l’Ouverture des Travaux. Cependant il se passe plus lentement puisqu’il y a lieu de vivre un retour progressif de la lumière.

    C’est le Frère Second Surveillant qui fournit l’explication :

    LE TEMPLE EST OBSCUR. LES COLONNES DISPARAISSENT DANS L'OMBRE.

    LES OUVRIERS NE PEUVENT DISCERNER LE PLAN DE L'ŒUVRE ET NE RECONNAISSENT PAS LEUR TRAVAIL.

    VÉNÉRABLE MAÎTRE, IL N'EST PAS ENCORE MIDI.

     

    Nous ne travaillons en effet qu’entre Midi et Minuit, symboliquement s’entend !

    Et le Vénérable Maître de nous faire patienter :

    ATTENDONS, MES FRÈRES, QUE PLUS DE LUMIÈRE NOUS PARVIENNE.

    Et nous patientons au son d’une musique de circonstance jusqu’au moment où le Maître de la Colonne d’harmonie va faire en sorte que la Lune s’éclaire.

    Puis le Frère Second Surveillant nous fournit une nouvelle explication :

    LA LUNE A PARU, VERSANT UN PEU DE CLARTÉ FROIDE SUR LA COLONNE DU NORD, MAIS LES PROFONDEURS DU TEMPLE NE SE RÉVÈLENT PAS. IL N'EST PAS ENCORE MIDI.

     

    Le rituel nous fait ensuite prendre conscience de ce qui se passe sur la Colonne des Compagnons et le Frère Premier Surveillant de nous fournir à son tour une explication :

    LES COMPAGNONS N'ONT PAS ENCORE RETROUVE LE LIEU CALME ET SEREIN OU ILS AVAIENT COUTUME D'ŒUVRER.

    IL LEUR SEMBLE ENTENDRE ENCORE EN EUX LES RÉSONANCES DE L'AGITATION PROFANE. LEUR COLONNE EST OBSCURE.

    LES OUVRIERS NE SONT PAS ENCORE PRÊTS SUR LA COLONNE DU SUD.

     

    Les Frères Apprentis, eux non plus,  ne sont pas encore prêts à travailler.

    Pourquoi ?

    LEURS CISEAUX ET LEURS MAILLETS NE LEUR PARAISSENT PLUS FAMILIERS.

    ILS CHERCHENT DES YEUX LE MAÎTRE QUI DOIT LES GUIDER, MAIS L'OMBRE LE LEUR DÉROBE.

    LES OUVRIERS NE SONT PAS PRÊTS SUR LA COLONNE DU NORD.

    IL N'EST PAS ENCORE MIDI.

     

    En fait, tous les Frères attendent le retour de la pleine Lumière, celle qui resplendit à Midi plein, celle qui illumine notre cœur depuis notre Initiation !

    C’est le Frère Orateur qui nous fournit l’explication :

    SONGEZ, MES FRÈRES, QUE C'EST LE TRAVAIL SUR SOI-MÊME QUI PERMET

    A L'INITIE DE DÉPOUILLER LE PROFANE QUI EST EN LUI.

    SANS LA VRAIE LUMIÈRE QU’IL ACQUIERT AINSI,

    C’EST EN VAIN QU'IL CHERCHERAIT D'AUTRES FLAMBEAUX.

    C'EST EN VAIN QU'IL ATTENDRAIT UNE AUTRE ILLUMINATION.

     

    Et le Vénérable Maître de conclure :

    MES FRÈRES, TOURNONS NOS REGARDS EN NOUS-MÊMES, RECHERCHONS DANS NOS CŒURS LA LUMIÈRE QUE NOTRE INITIATION Y A ALLUME.

    Par les effets lumineux que réalise (idéalement) le Frère Maître de la Colonne d’Harmonie, la lumière revient peu à peu dans le temple : la Lune puis le Soleil.

     

    LE SOLEIL SE MET A ÉCLAIRER LA COLONNE DU SUD.

    DÉJÀ APPARAISSENT LES DÉTAILS DU GRAND ŒUVRE ET LES FRÈRES MAÇONS RETROUVENT LE DESSIN DE L’ŒUVRE INACHEVÉE.

    LES APPRENTIS ONT RETROUVE LEURS PLACES DEVANT LES PIERRES BRUTES. ILS SONT PRÊTS DES MAINTENANT A SAISIR LEURS CISEAUX ET LEURS MAILLETS ET A LES MANIER AVEC ZELE.

    LES COMPAGNONS SONT PRÊTS AUSSI ET LES MAÎTRES SONT A PRÉSENT IMPATIENTS DE REPRENDRE L’ŒUVRE.

    TOUS ONT DÉJÀ LES OUTILS A LA MAIN.

     

    Mais que viennent faire les Maçons en ce lieu ?

    DES MAÇONS REVIENNENT DANS CE TEMPLE, PRIVES DE LUMIÈRE.

    ILS CONNAISSENT LES BUTS ET LES RÈGLES DE L’ORDRE ;

    ILS  REVIENNENT POUR VAINCRE LEURS PASSIONS. 

     

    Que cherchent-ils ?

    ILS CONNAISSENT LES BUTS ET LES RÈGLES DE L’ORDRE ;

    ILS  REVIENNENT POUR FAIRE DE NOUVEAUX PROGRÈS

    DANS LA MAÇONNERIE.

    ILS RECONNAISSENT LA DISCIPLINE DE LA LOGE ;

    ILS SONT VENUS LIBREMENT ;

    ILS ACCEPTENT DE SOUMETTRE LEUR VOLONTÉ.

     

    Les conditions sont donc remplies pour que le Vénérable Maître puisse enfin procéder au Réveil de la Loge et à l’Ouverture des Travaux, mais le Frère Orateur se fait le porte-parole des Frères de la Loge pour exprimer une demande particulière.

    Il souhaite :

    QUE LA PLEINE LUMIÈRE MAÇONNIQUE RESPLENDISSE A NOUVEAU DANS CE TEMPLE…

    … POUR LA BEAUTÉ DU SYMBOLE ! Et d’expliquer que :

    LA LUMIÈRE QUE NOUS VENONS CHERCHER DANS LE TEMPLE EST POUR TOUS LES MAÇONS LE SYMBOLE DE LA VÉRITÉ ET DE LA SAGESSE.

    C’EST LE SYMBOLE DE NOTRE VICTOIRE SUR NOUS-MÊMES.

    C’EST LE SYMBOLE DE NOTRE EFFORT VERS CETTE VÉRITÉ, CETTE SAGESSE ET CETTE VICTOIRE.

    C’EST UNE INVITATION PRESSANTE A VAINCRE NOTRE IGNORANCE SANS CRAINDRE DE NOUS PENCHER SUR NOTRE NUIT.

    LA LUMIÈRE, C’EST LE COMBAT INCESSANT QUE NOUS DEVONS LIVRER AUX PRÉJUGÉS, AUX FANATISMES, AUX ERREURS, A NOS PASSIONS.

    LA LUMIÈRE POUR NOUS, FIDÈLES AU SERMENT DE TRAVAIL, DE FRATERNITÉ, DE TOLÉRANCE QUE NOUS AVONS PRÊTÉ LE JOUR DE NOTRE INITIATION, C’EST NOTRE INÉBRANLABLE VOLONTÉ DE PARTICIPER A LA CONSTRUCTION DU TEMPLE. C’EST LA VOLONTÉ DE NE PAS NOUS LAISSER DÉTOURNER DU CHEMIN QUE NOUS NOUS SOMMES TRACES.

    LA LUMIÈRE EST, POUR LE MAÇON, SON INEXTINGUIBLE SOIF DE PLUS DE BONTÉ, DE PLUS DE JUSTICE, DE PLUS DE TOLÉRANCE, DE PLUS DE VÉRITÉ.

    EN D'AUTRES MOTS, LA LUMIÈRE EST LE SYMBOLE DE L'ESPÉRANCE DANS LE DEVENIR DE L’HOMME.

     

    L’engagement individuel

    Le Frère Orateur parle pour lui-même : il nous rappelle les dangers de la Lumière, la pleine Lumière qui fait apparaître nos imperfections, la Lumière qui fait que nous nous découvrons tels que nous sommes, celle qui nous fera voir l’incohérence des incertitudes et des contradictions.

    Sa fonction est de résumer les opinions et de traduire les sentiments de ses Frères. C’est pourquoi il ne lui appartient pas de prendre un engagement rituel en leur nom.

    Voilà donc la raison pour laquelle il va demander que chaque Frère, tour à tour, s’engage personnellement, déclare s’il est prêt à recevoir à nouveau la Lumière maçonnique et s’il pourra la supporter, avec tous les inconvénients que cela suppose !

    Et, bien que le Frère Orateur ait confiance en ses Frères, il sait qu’ils ne sont que des hommes et qu’ils ont à lutter sans cesse en eux-mêmes ; il sait que leurs engagements doivent souvent être répétés pour se traduire en actes.

    Prudemment, le Vénérable Maître interroge l’ensemble des Frères : chacun à l’appel de son nom, va devoir s’engager à reconnaître les bienfaits de la vie claire en Loge, dans une lumière de sincérité, de liberté, d’estime mutuelle et d’amitié fraternelle, en pleine conscience des dangers (la Lumière peut en effet nous blesser, nous atteindre au plus profond de nous-mêmes ; elle peut être source de déceptions, de peine, de souffrance…).

    Et chacun de s’engager solennellement.

     

    L’Ouverture effective des Travaux

    Aidé par les deux Surveillants, le Vénérable Maître peut enfin ouvrir les Travaux, par Beauté, Force et Sagesse.

     

    Le rôle du Passé Maître Immédiat et du plus jeune des Apprentis 

    Il est alors demandé au Passé Maître Immédiat – qui représente la Tradition dans ce qu’elle a de plus pur – de donner à nos Travaux la première impulsion.

    Trois actions sont ainsi jouées par le Passé Maître Immédiat et le plus jeune Frère Apprenti devant l’ensemble de l’Atelier :

    ·         le partage du pain (le plus vieil acte de fraternité connu parmi les hommes),

    ·         le partage du vin (bu à la même coupe)

    et

    ·         les semailles symboliques des grains de blé sur le Tableau de Loge.

    Ces deux dernières actions signifiant que l’Apprenti et le Passé Maître sont guidés par un même idéal et qu’ils poursuivent le même but (l’œuvre leur est commune) : la réalisation du Temple idéal dont chacun devrait devenir une des pierres parfaites.

    En guise de conclusion provisoire…

    Il me paraît bien difficile de conclure l’analyse d’un tel rituel.

    Je formulerai dès lors quelques remarques :

    1.    Le rituel du « Réveil de la Loge », tout comme les deux rituels de célébration des solstices et ceux qui existent pour les Tenues funèbres sont laissés à la discrétion des Loges. Seuls les rituels d’Ouverture et de Fermeture des Travaux, le rituel d’Initiation au grade d’Apprenti, celui du Passage au grade de Compagnon et celui de l’Élévation à la Maîtrise sont imposés par la G.L.R.B. aux Loges qui pratiquent le Rite (belge) moderne.

    2.    La Commission des Officiers Dignitaires, sur proposition du Frère Orateur, peut se permettre d’apporter des modifications soit dans le rituel de la célébration du solstice de la Saint-Jean d’été  soit dans celui du Réveil de la Loge, afin d’apporter la cohérence nécessaire : si la flamme de la charité est emportée, fin juin, par le Frère Aumônier-Hospitalier, c’est celui-ci qui doit effectivement la rapporter en septembre.

    Faire ce choix ne diminuerait en rien le rôle du Passé Maître Immédiat puisque celui-ci, par le rôle qu’il joue en compagnie d’un Frère Apprenti en rompant le pain, en buvant à la même coupe de vin et en semant ensemble les grains de blé, grave en nos cœurs un spectacle particulièrement fraternel.

    3.    Le rituel donne au Maître de la Colonne d’Harmonie des indications au sujet de l’intensité lumineuse à répandre dans la Loge. A plusieurs reprises, il est indiqué que « la lumière croît ». Il n’est malheureusement pas toujours possible de réaliser ces effets à la perfection sans dispositif particulier tel qu’un bon rhéostat [3] pour chaque point lumineux.

     

     R:. F:. A. B.


    [1] Idéalement ce devrait être le Frère Aumônier Hospitalier !

    [2] Par contre il y a lieu de respecter à la lettre les rituels d’Ouverture et de Fermeture des Travaux, d’Initiation, de Passage, d’Elévation qui nous sont imposés par l’Obédience.

    [3] Un rhéostat est un appareil permettant de régler l'intensité du courant électrique passant dans un circuit. Il est généralement constitué d'une résistance variable dimensionnée de manière à supporter l'intensité maximale du courant devant la traverser.

    On évite de l'utiliser de manière permanente pour régler le courant dans un dispositif nécessitant une grande puissance puisqu'il dégage beaucoup de pertes en chaleur.

     

     


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  •  Les grenades et leur symbolisme 

     

    En guise de préambule

    En tant qu'Apprenti le plus récemment initié, j'ai eu pendant une année l'honneur de pouvoir dérouler le Tapis de Loge lors de chaque Ouverture des Travaux. A chaque Tenue je profitais du temps de la planche musicale pour faire le point concernant les symboles qui s'y trouvaient : ceux dont j'avais déjà abordé l’analyse et ceux qui me restaient à interpréter.

    Regard sur le Tapis de Loge

    Deux petites taches rouges surmontant les colonnes représentées sur le Tapis de la Loge d'Apprenti m'ont longtemps intrigué mais jusqu’il y a peu, j'avais toujours trouvé un sujet de réflexion plus captivant ou un symbole plus important à analyser !

    * Les grenades et leur symbolisme

    Je me suis donc enfin décidé à approcher le symbolisme de la grenade.

    Une première constatation surprenante : je n'en ai pas trouvé trace dans la classification de Patrick Négrier !

    Raoul Berteaux n'en parle pas non plus car sa typologie, exposée dans l'ouvrage de Luc Nefontaine est limitée aux symboles mis en œuvre lors du Tuilage au cours des cérémonies d’Initiation. Il ne parle pas de symboles « graphiques », pourtant nombreux à faire partie du décor de la Loge.

    Ces premières constatations sembleraient-elles m'indiquer qu'il ne faut accorder que peu d'importance à ce symbole ?

    Afin de mieux le comprendre, je vais d'abord essayer de mieux percevoir l'objet réel et concret, à savoir la grenade en tant que fruit.

    Un beau fruit du Midi

    La première question qui me vient à l'esprit pour comprendre le symbolisme de la grenade est de savoir d'où proviennent les grenades et ce que l'on sait de l'arbre qui les porte.

    Le grenadier est un arbre de 3 à 8 mètres de haut, originaire de la Mésopotamie, de la Palestine, de la Perse et de l'Afghanistan ; le grenadier a conquis tout le bassin méditerranéen [1].

    * Les grenades et leur symbolisme

    Il se rencontre en effet à l'état semi-sauvage dans les régions subtropicales et tempérées des deux hémisphères, particulièrement dans la région méditerranéenne, le Portugal et l'Espagne.

    Arbuste ou arbre appartenant à la famille des punicacées, il produit des fleurs décoratives et des fruits comestibles appelés grenades.

    * Les grenades et leur symbolisme

    Ses fleurs, rouge écarlate, apparaissent en juillet ; ses fruits se forment sur les rameaux de l'année et mûrissent à l'automne. Le grenadier pousse en sol frais et fertile dans le midi de la France. L'écorce de sa racine, qui est toxique, est utilisée en pharmacie.

    La grenade est un fruit à peau dure dont la pulpe couleur vermillon renferme une multitude de graines charnues, rouges et rosées. Comestible, elle a la grosseur d'une belle pomme et une saveur aigrelette et agréable.

    La grenade est un fruit très rafraîchissant et sa pulpe se consomme avec ses graines !  En Inde, les graines écrasées et réduites en poudre servent à aciduler les viandes. C'est également avec les graines de grenade que l'on prépare le fameux sirop de grenadine qui a en réalité une couleur gris-rose et non rouge comme celui vendu dans le commerce !

    Jusqu'ici bien peu d'éléments me permettent d'approcher le symbolisme de la grenade. J'ai donc décidé de consulter un ouvrage de biologie afin de mieux saisir la structure de ce fruit. Celle-ci devrait en principe me conduire à une meilleure perception du lien entre le fruit et son symbole.

    Que constatons-nous ?

    En coupant une grenade en deux selon un plan horizontal, on peut constater la transparence de la pulpe et l'on découvre effectivement un nombre impressionnant de graines dont l'ordonnance est symétrique dans cinq cavités disposées selon les diagonales d'un pentagramme.

    Grande ouverte la grenade fait songer à un sexe féminin.

    Angélo de Gubernatis l'avait déjà fait remarquer : « Dans la forme de la grenade ouverte, on croyait reconnaître celle de la vulva ».

    La quantité impressionnante des semences, noyées dans un liquide rappelant le sang, est à l'origine d'une foule de symboles : la grenade est notamment le fruit de la fécondité.

    C'est ainsi qu'en Afrique du Nord, ses graines sont consommées fraîches pour accroître la fertilité. Si une femme berbère désire savoir le nombre d'enfants qu'elle mettra au monde, elle trace un cercle sur le sol.

    De bon matin, tournée face au soleil, elle laisse tomber une grenade mûre au milieu du cercle ; autant de graines projetées hors de la circonférence, autant d'enfants à naître !

    La botanique et une coutume berbère m'ont donc permis de comprendre pourquoi le grenade symboliserait la fécondité et aurait une connotation sexuelle.

    Coup d'oeil dans la Bible

    Mais tentons d'évoluer vers un peu plus de sérieux : le Volume de la Loi Sacrée m'en révélerait-il davantage ?

    D'après la Bible (Livre des Rois, VII, 18-20), des grenades ornaient les énormes chapiteaux de bronze surmontant les colonnes de ce même métal, à l'entrée du Temple de Salomon.

     

    Edouard  Plantagenet nous propose un extrait de la Bible, assez significatif [2] :

    -          Or, le roi Salomon avait fait venir de Tyr, Hiram.

    -          20. Or les chapiteaux étaient sur les deux colonnes ; ils étaient - dis-je - au-dessus, depuis l'endroit du ventre qui était au-delà des rets. Il y avait 200 pommes de grenades, disposées par rangs tout autour.

     

    Comment comprendre cet extrait ?

    La seule constatation à formuler, me semble-t-il, est la similitude entre les colonnes du Temple du roi Salomon et les colonnes qui décorent l'entrée des loges : elles sont

    surmontées de chapiteaux décorés de lys et de grenades.

    En effet, nous dit Luc Nefontaine, les grenades se retrouvent au sommet de chaque colonne et sont liées primitivement au symbolisme de la construction du temple. 

    Au sommet des Colonnes

    Tout nouvel Initié aura sans doute remarqué les grenades sur le Tapis de la Loge d'Apprenti, bien avant d'en constater également la présence au sommet des colonnes à l'entrée de la Loge.

    Bernard Baudouin remarque que la grenade est souvent citée dans les Écritures, et qu'on la trouve à plusieurs reprises en référence, au sein du Temple maçonnique, précisément au faîte de chaque colonne où sa forme de vase arrondi est caractéristique.

    La grenade et son symbolisme

    Selon Bernard Baudouin, ce fruit appelé « grenade » est  classiquement considéré comme un symbole de fertilité.

    Luc Nefontaine, considérant le mot au pluriel, nous dit qu' « elles peuvent symboliser le mystère de la génération ».

    Selon Jean-Marie Ragon de Bettignies, cité par Edouard Plantagenet, « un millier de pépins contenus dans un même fruit, un même germe, une même substance, un même asile, image du peuple Maçon, qui, tout multiplié qu'il est, ne fait qu'une seule et même famille. C'est ainsi que la pomme de grenade devient l'emblème de l'harmonie sociale ».

    Oswald Wirth évoque ce symbole par l'expression « Les grenades de l'amitié ».

    Cet auteur nous apporte encore une précision à propos du symbolisme des grenades dans un chapitre à propos du Temple : « La porte s'ouvrira à l'Occident, entre deux colonnes creuses, aux chapiteaux ornés de lys égyptiens et couronnés de pommes de grenade entrouvertes ; ces fruits aux grains symétriquement rangés rappellent la famille maçonnique, dont tous les membres sont harmonieusement reliés par l'esprit d'ordre et de fraternité ».

    Bien que la grenade ne soit pas citée parmi les exemples de symboles d'origine religieuse par Luc Nefontaine, c'est  pourtant son symbolisme religieux que Jules Boucher considère en priorité.

    Ce fruit dont les grains sont si nombreux, dit le pape saint Grégoire, symbolise la charité qui contient tant de vertus.

    La grenade qui, sous son écorce cache tant de grains succulents, symbolise l'humilité, dit Mgr Barbier de Montault. Ce même auteur en fait aussi l'emblème de la papauté qui exprime l'union de tous les enfants de l'Eglise dans son giron maternel [3] .

    Angelo de Bubernatis a bien pénétré le sens de la grenade.

    Dans l'ouvrage déjà cité ci-dessus, il écrit : « Le grand nombre de graines que le fruit du grenadier contient, l'a fait adopter, dans la symbolique populaire, comme le représentant de la fécondité, de la génération et de la richesse ».

    Toujours selon Angelo de Bubernatis, « on prétend que le fruit donné par Ève à Adam, et par Pâris à Vénus, n'était pas une pomme, mais une grenade, et qu'il faut presque toujours sous-entendre la grenade, lorsqu'il est fait mention d'une pomme dans les mythes et dans les usages populaires qui se rapportent au mariage ».

    Ce symbolisme sexuel et de fécondité serait à coup sûr le plus exact et c'est celui que retient Jules Boucher avec le plus de certitude. C'était le symbolisme des grands ésotérismes religieux antiques de la Babylonie et de la Grèce, en passant par la Syrie et par ses cultes féminins (cultes lunaires de provenance indiscutablement indienne et tantrique [4]).

    Mais un recours à l'étymologie nous permettra d'aller encore plus loin. En effet, le nom botanique de la grenade c'est Punica granatum ; le mot « punica » est généralement interprété comme venant de l'adjectif latin puniceus, rouge, en raison de la coloration des graines ;  cependant, il pourrait aussi indiquer une origine phénicienne, c'est-à-dire punique.

    Or, on sait que les fameuses guerres dites « puniques » sont celles qui opposèrent si longtemps Rome et Carthage, ville fondée par les Phéniciens qui avaient conquis une grande partie de la Sicile.

    Les Romains disaient « foi punique » pour qualifier la « mauvaise foi ». Et Montesquieu pense que les Carthaginois, auraient pu, sans injustice, qualifier de même la foi romaine !

    Quant à granatum, ce mot signifie grain et le mot malum qui signifie « pomme » étant sous-entendu, on peut traduire Punica granatum par "pomme à grains rouges".

    En Franc-maçonnerie nous dit encore Jules Boucher, les graines de la grenade, noyées dans une pulpe transparente, symbolisent les Maçons unis entre eux par un idéal commun.

    La présence de ce fruit dans l'univers maçonnique est sans aucun doute due au nombre surprenant et surtout à l'ordonnancement symétrique de ses graines.

    Jules Boucher résume ses propos en disant que les grenades symbolisent, en Franc-maçonnerie, la multiplication et l'union.

     

    Quant à moi, que vais-je retenir de cette analyse ?

    Que le fil à plomb me vienne une fois de plus en aide car c'est au plus profond de moi-même que luit la Lumière et mes possibilités d'interprétation de ce symbole !

    Contrairement à ce qu'il m'avait semblé en commençant la rédaction de cette planche, les grenades constituent un symbole important bien que placées très discrètement au sommet des deux colonnes. Peut-être est-ce pour compenser cette discrétion qu'elles ont été coloriées en rouge sur le tapis de notre Loge ?

    Mes interprétations personnelles

    1. Si l'écorce de la racine du grenadier est toxique, il m'est par conséquent loisible d'imaginer que la grenade doit nous faire comprendre que les Maçons sont issus d'un monde mauvais par essence et qu'ils doivent s'élever vers la perfection. Le nombre impressionnant de graines que renferme la grenade peut ainsi être associé aux très nombreux Francs-maçons qui tentent d'améliorer notre monde en commençant par leur amélioration personnelle.

    2.  Ces graines évoquent en moi le concept de fraternité, les liens étroits entre tous les Frères, l'idée d'une grande famille et surtout l'esprit solidaire qui doit régner au sein de cette famille qu'est la Franc-maçonnerie.   

    3.  Mais les grenades entrouvertes au sommet de nos deux colonnes me semblent aussi présentes pour nous encourager à la fécondité de nos Travaux.

    4.   L'ordonnancement des graines de la grenade me ferait également songer à l'interdépendance des êtres. Comme des atomes dans le déterminisme universel, les graines des grenades peuvent en effet nous aider à comprendre le caractère chimérique et illusoire de l'individualisme à outrance.

    5.  La grenade m'est aussi apparue comme une forme naturelle de la solidarité, celle qui résulte des lois de la nature, de l'ordre              cosmique.

    6.  Il me paraît enfin utile de rappeler que la Franc-maçonnerie est l'école de la solidarité en voie de réalisation et que son but, à cet égard, c'est que les hommes, connaissant et aimant le lien qui les unit dans la Nature et dans la Société, s'accoutument à se traiter en Frères, à agir chaque jour comme tels.

    7.   Mais la fraternité dans les mots n'a aucune portée si elle n'exprime pas celle des cœurs : rien n'est fait si le Franc-maçon n'a pas pris l'habitude de vivre à l'égard de ses semblables dans un état de sympathie et de bienveillance qui devient le diapason de son caractère car la Franc-maçonnerie ne comporte pas seulement un accroissement de connaissances et de culture intime, elle implique l'amour sincère de tout ce que l'on considère vrai, juste et beau.

    8.    Se traiter réciproquement en amis, en Frères, cela implique qu'on s'aimera les uns les autres !

    A.   B.

    (Planche tracée à l'époque où j'étais App:.)

     

    Bibliographie

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995 - Page  75

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995 - Pages 142 et 143

     

    de Gubernatis Angelo - Mythologie des plantes

    Tome II édité en 1882 - Page 167

     

    Nefontaine Luc - Symboles et symbolisme dans la Franc-maçonnerie - Tome 2

    Editions de l'Université de Bruxelles, Bruxelles, 1997 - Page 108

     

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail en loge d'Apprentis

    Editions Dervy, Paris, 1995 - Page 125

     

    Viard Michel - Les fruits et légumes du monde

    Editions Hatier, 1995

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    Tome I « L'Apprenti » - Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 85 et 210

     


    [1] Selon le Larousse agricole.

    [2] Du « Premier Livre des Rois », Chap. VII  15 à 22

    [3] Mgr Barbier de Montault, Traité d'Iconographie chrétienne tome premier, p. 226 & 324

    [4] Le tantrisme est un ensemble de croyances et de rites issus des tantra (textes et cultes) et relevant de l'hindouisme, du jaïnisme et du bouddhisme tardif. Le tantrisme se donne comme but le salut par la connaissance ésotérique des lois de la nature.

     


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