•  Symbole, symbolisme et symbolique maçonnique 

    Pratiquer le symbolisme

    Nous, Francs-maçons, désirons tous devenir meilleurs et plus éclairés. Nous savons que nous avons été formés, dans la vie profane, pour réagir et souhaitons devenir des hommes « libres », c’est-à-dire des hommes qui agissent selon leur propre voie.

    L’homme libre est précisément l’idéal du moi proposé par la voie dite « initiatique » qui associe l’introspection à la pédagogie et conduit à une transformation de l’être en soi. Pour y parvenir, l’Initié – celui qui s’engage dans cette voie – pratique le symbolisme.

    Avant d’évoquer cette pratique du symbolisme et d’en comprendre la signification  profonde, je voudrais tenter de mettre un peu d’ordre dans ces concepts tels que symbolisme, symbolique et symboles.

    Symbolisme ou symbolique ?

    Jean Chevalier distingue la symbolique, en tant que science positive fondée sur l’existence des symboles, leur histoire, leurs lois, du symbolisme, science spéculative fondée sur l’essence du symbole et sur ses conséquences normatives. Les deux termes ne seraient donc pas synonymes. Alors tentons d’y voir plus clair !

    Le symbolisme

    Le dictionnaire Robert définit le substantif « symbolisme » comme étant l’emploi de symboles, la figuration par des symboles ou un système de symboles.

    Le symbolisme maçonnique

    Lorsque nous parlons du symbolisme maçonnique, nous parlons autant de l’emploi de certains symboles par les Francs-maçons que de la figuration d’idées et de concepts.

    Le symbolisme maçonnique est fondé sur l’emploi de symboles déterminés. Dès lors, la pratique du symbolisme réside dans l’emploi, dans l’usage des symboles. En ce sens le symbolisme maçonnique est bien plus qu’un catalogue défini de symboles. Il n’a rien de figé. Il n’existe que parce qu’il est vécu, utilisé, partagé, discuté, soumis aux interprétations personnelles les plus diverses.

    Le symbolisme maçonnique n’est pas une théorie. Il ne peut être approché, disséqué et compris par les Francs-maçons que dans une démarche d’appropriation et d’implication intérieures qui nécessite un travail personnel obligatoire s’il souhaite que son initiation soit véritable.

    Pour le Franc-maçon qui se trouve impliqué dans la pratique du symbolisme, le système de symboles est présent devant lui comme un donné objectif qu’il doit s’approprier, à l’intérieur d’une Tradition. Le symbolisme maçonnique est un monde à lui seul qui mérite d’être exploré jusque dans ses moindres recoins.

    Synthétisons cette première approche en définissant le symbolisme maçonnique comme étant l’emploi vécu d’un système cohérent de symboles figurant des idées ou des concepts et ouvrant éventuellement sur un dépassement de la réalité sensible.

    La symbolique

    Selon le dictionnaire Robert, la symbolique, c’est d’abord la logique symbolique, ensuite la science ou la théorie générale des symboles, enfin un ensemble de symboles relatifs à un domaine déterminé, à un peuple, à une époque.

    La symbolique maçonnique

    La connaissance de la langue symbolique est indispensable pour comprendre l’enseignement ésotérique maçonnique.

    La symbolique maçonnique est l’ensemble des symboles et des symbolismes. Elle développe un ordonnancement des symbolismes et des symboles qui la constituent. Ainsi, le symbolisme de la construction et le symbolisme des outils viennent en premier lieu. Ils se sont intimement liés au symbolisme biblique. Puis viennent d’autres symbolismes qui s’ordonnent et se développent selon les rites et les degrés. Ainsi, l’ordonnancement constitutif de la symbolique maçonnique se décompose en autant de symboles et de symbolismes surajoutés au gré du défilement de la tradition maçonnique.

    La symbolique maçonnique fait appel aux systèmes symboliques suivants : la cosmologie, l’architecture, la géométrie, les outils et instruments, les couleurs, les nombres (marches, batteries, âges…), les mots sacrés et les mots de passe, le schéma corporel (mises à l’ordre, signes,…).

    La symbolique maçonnique est une langue ; elle est une science ; elle est un art.

    En tant que langue, la symbolique maçonnique a un caractère universel. Si les langues profanes se sont développées en s’adaptant aux circonstances locales et temporelles de la vie des communautés, la langue symbolique est restée inchangée. Un modèle symbolique est universel lorsqu'il appartient à un lointain passé (ce que l’on vérifie en recherchant des modèles analogues dans les vestiges de civilisations anciennes) et lorsqu'il appartient à des civilisations éloignées dans l’espace (ce que l’on vérifie en recherchant des modèles analogues dans divers continents).

    En tant qu’art, la symbolique maçonnique exprime la vie de l’imagination créatrice.

    La symbolique maçonnique est une science logique, inductive, qui étudie les symboles du corpus maçonnique comme un objet extérieur. En ce sens, la symbolique maçonnique est exposée dans des ouvrages tels celui de Jules Boucher. Les symboles y sont recensés, expliqués à l’aide de considérations historiques et ésotériques.

    En tant que science, la symbolique a ses lois.

    • La première de ces lois est la « loi de correspondance».

    Un même symbole peut avoir plusieurs significations. C’est pourquoi on dit du symbole qu’il est ambivalent. La loi de correspondance peut dès lors s’exprimer de la façon suivante : « à un même signifiant symbolique correspondent plusieurs signifiés ».

    Prenons l’exemple du modèle symbolique binaire « Soleil – Lune » qui présente un caractère universel en ce sens qu’il est utilisé par de nombreuses traditions échelonnées dans le temps et réparties dans l’espace. Ce modèle symbolique formé par l’association de ces deux images déclenche des processus relationnels tels que Jour – Nuit ; Lumière – Ténèbres ; Émettre – Refléter ; Donner – Recevoir ; Enseigner – Apprendre…  Les divers processus énoncés « se correspondent » ; tous sont exprimables par le seul modèle symbolique Soleil – Lune.

    • La seconde de ces lois est la « loi de corrélation ».

    Cette loi s’énonce comme suit : « un même signifié peut être exprimé par plusieurs signifiants symboliques ».

    Soit plusieurs signifiants A, B, C, D. un même signifié 1 peut être exprimé par plusieurs signifiants A, B, C, D, …

    Partons du modèle symbolique du carré inscrit dans un cercle.

    Du point de vue de la figuration symbolique, le carré peut être remplacé par une croix orthogonale à branches égales car les deux figures géométriques ont quatre angles droits et quatre segments droits isométriques. Il peut aussi être remplacé par un ensemble de quatre points disposés aux sommets d’un carré.

    De même, le cercle peut être remplacé par son centre.

    Toutes ces figures ont donc le même sens. Ces modèles sont « corrélatifs ».

    On peut aussi passer de la géométrie aux nombres. Ainsi, l’homologue du carré est quatre ; l’homologue du cercle est le nombre un.

    En passant au domaine des outils maçonniques, le modèle symbolique « Équerre – Compas » est corrélatif du modèle « Carré – Cercle », l'Équerre étant l’homologue du Carré et du nombre Quatre, et le Compas étant l’homologue du Cercle et du nombre Un.

    Revenons à présent à la pratique du symbolisme.

    Pratiquer le symbolisme

    Pratiquer le symbolisme, c’est regarder tout ce qui existe comme une grande écriture chiffrée. C’est penser la pensée et parler du langage. Le but de notre travail n’est pas d’apprendre ou de mémoriser un maximum de connaissances mais au contraire de parler à son ego, de se servir de son vécu, de l’imaginaire, et par l’utilisation du symbole, faire naître en soi la vérité, ou du moins se donner l’envie et la volonté de la chercher. C’est de reconnaître la réalité telle qu’elle est, c’est-à-dire en devenir. L’important n’est pas la connaissance elle-même mais l’assimilation de cette connaissance. C’est l’amélioration de la personnalité qui est recherchée.

    La pratique du symbolisme libère des idées reçues à condition qu’elle ne soit pas dogmatique, c’est-à-dire qu’elle ne soit pas conçue comme une mémorisation d’affirmations non vérifiées. Travailler sur les outils de la Franc-maçonnerie, c’est réunir ce qui est épars en l’homme : raison, intuition, imaginaire.

    Le symbolisme spécifiquement maçonnique propose d’approcher, parmi les symboles, ceux qui se réfèrent à la construction. Les outils des bâtisseurs doivent être regardés comme les outils de la construction de l’homme libre. Construire le Temple, c’est se faire soi-même, devenir un être éveillé, c’est-à-dire réellement libre.

    C’est ainsi qu’au grade d’Apprenti, les symboles de la Franc-maçonnerie sont essentiellement des outils de construction : fil à plomb, niveau, compas, équerre… et des figures géométriques, essentiellement le triangle. La géométrie constitue l’entrée royale dans le monde de l’imaginaire tout en étant soumise à une stricte rigueur au plan du raisonnement et des règles. Cultiver la géométrie est indispensable pour tirer profit de l’enseignement maçonnique.

    Pour que l’étude du symbolisme stimule l’esprit en réunissant toutes ses facultés, raison, intuition, la pensée qui globalise et la pensée qui découpe, il faut admettre que des réponses différentes sont également recevables. Chaque réponse est un éclairage et chaque éclairage participe à la lumière sans jamais être à elle seule toute la lumière.

    La phrase « ICI TOUT EST SYMBOLE », extraite du rituel d’Initiation au Premier Degré, décrit la voie symbolique : elle dit en effet « Ici, nous voulons apprendre à regarder la modalité symbolique de tout ce qui existe ».

    L’étude des symboles maçonniques et l’étude maçonnique des symboles n’ont rien à voir avec une mémorisation de « paroles de maîtres » dont la finalité serait une mise en conformité avec une représentation générale du monde obligatoire. L’enjeu de l’approche du symbole est l’Eveil de facultés endormies justement par l’apprentissage de la conformité dans le monde profane.

    Les symboles

    L’univers de la Franc-maçonnerie initiatique est peuplé de symboles. Temple, Porte, Colonnes, outils… Tout est symbole dans une Loge maçonnique parce que le symbole apparaît comme l’unique manière de « parler l‘initiation ».

    Présents dans le cadre d’une dialectique spécifique, que ce soit dans le temps comme dans l’espace, ils servent de vecteurs majeurs à la transmission de la Connaissance aux Initiés ; d’autre part, ils contribuent à masquer les fondements essentiels de l’esprit et du travail maçonniques au regard des Profanes.

    Qu’est-ce qu’un symbole ?

    On peut définir le symbole comme étant un segment de l’expérience finie qui nous offre, dans sa plénitude emblématique, un sens ou une clé d’accès à une réalité qui ouvre sur l’investigation du « que penser ? ». Cette ouverture intervient comme la marque d’une avancée vers le contenu inscrit par le symbole et que chacun doit approcher, recommencer à explorer par ce processus du questionnement qui relève inévitablement de la pensée.

    Le propre d’un symbole est d’être porteur d’une infinité de sens qui ne sauraient être enfermés dans une définition de dictionnaire. Chaque symbole éclaire une facette du Principe même de création, de l’unité inaccessible à l’esprit humain.

    Le symbole est un ensemble qui réunit plusieurs éléments, de manière à ce que le tout soit plus et autre chose que la somme des parties. C’est du rassemblement de ces facettes et des multiples aspects du symbole que naissent les lumières qui éclairent la Loge.

    Si nous voulons connaitre la nature d’un symbole, il nous faut étudier tout particulièrement son nom et la raison qui se trouve à l’origine de cette attribution, en ne manquant pas d’analyser sa forme, son nombre et son son, ce qui conduit à chercher sa fonction.

    « Aucun symbole n’est simple, dit Jung, car le symbole recouvre toujours une réalité complexe qui est tellement au-delà de toute expression verbale qu’il n’est guère possible de l’exprimer d’un seul coup. »

    Signes concrets, directement perceptibles par les sens humains, les symboles maçonniques évoquent des éléments d’information abstraits par le biais d’un code conventionnel.

    Peuvent devenir symboles, des objets (ex. la truelle), des emblèmes (ex. le delta est l’emblème du Grand Architecte de l’Univers et, par extension, celui de la Création), des concepts abstraits mais aussi des mots (Tubalcaïn), voire des lettres prises isolément (J., B.) ou des nombres considérés individuellement ou projetés mathématiquement au carré ou au cube. Le support importe peu car c’est le sens qui crée le symbole.

    Le symbole ne peut pas s’inventer : il est créé. Surgissant de l’inconscient individuel ou collectif, il a une vie qui échappe à l’homme mais lui est conditionnée. Il apparaît, venu on ne sait d’où, quand l’univers qui l’intègre est prêt à révéler toute sa dimension.

    Essai de classification de quelques symboles présents au Premier Degré

    Des symboles mythiques

    La Pierre brute et la Pierre Polie ; le Temple à construire ; le Grand Architecte de l’Univers ; la Voûte étoilée ; les Luminaires ; les Etoiles ; les Flambeaux ; l'Épée flamboyante ; les Glaives ; la Corde à entrelacs ; la Canne du Maître des Cérémonies ; les symboles du banquet d’ordre…

    Des symboles fondamentaux

    • Les quatre Eléments : la terre ; l’eau, le feu, l’air ;

    • Le Cabinet de Réflexion ; le Temple maçonnique ; les Colonnes du Temple ; la Chaîne d’union ; l’Autel des serments ; le Nadir et le Zénith ; le Pavé mosaïque ; les Piliers et le Tapis de Loge ; les Maillets des Officiers ; le Nombre 3 ; la Loge…

    Des symboles instrumentaux

    Le Ciseau et le Maillet ; le Fil à plomb et le Niveau ; l'Équerre ; le Compas ; la Règle…

    Des symboles vestimentaires

    Le Tablier et les Gants ; le Baudrier, le Sautoir ; la vêture du candidat lors de l’initiation.

    Des symboles gestuels

    Le Signe d’ordre ; les Batteries de mains ; l’accolade ; la marche ; la circumambulation ; l’attouchement ; les voûtes ; les Chaines d’union…

    Des symboles sonores

    Les acclamations ; les batteries de maillets ; les mots ; la Colonne d’Harmonie ; les silences…

    Des symboles temporels

    Midi, Minuit.

    Des symboles ponctuels

    Les symboles de l’Initiation ; la Porte basse ; les Bijoux des diverses fonctions des Officiers Dignitaires (généralement suspendus à leur sautoir) …

     

    Ce sont là près d’une centaine de symboles que les Apprentis ont à découvrir et tenter d’interpréter.

    Les symboles maçonniques s’écrivent généralement avec une majuscule.

    C’est seulement par l’étude des symboles qu’on peut parvenir à l’ésotérisme. C’est en ne considérant que l’exotérisme des symboles, c’est-à-dire en interprétant ceux-ci dans un sens quasi littéral, qu’on en arrive à juger les rites désuets et périmés.

    L’étude approfondie des symboles et en particulier des symboles maçonniques peut conduire fort loin. Ici-bas tout est symbole. Les mots eux-mêmes ne sont, en réalité, que des symboles d’idées.

    La Franc-maçonnerie et les Maçons ont la fâcheuse tendance à employer le mot « symbole » à toutes les sauces, ce qui a engendré un appauvrissement du mot. De nombreux « symboles » et leur « explication » ne sont que de tristes lapalissades. En voici quelques exemples : les gants blancs symbolisent la pureté. Le tablier symbolise le travail. L'Équerre symbolise la rectitude. Le Compas symbolise l’intelligence…

    Par définition, un symbole ne peut être expliqué, ne peut être transmis. On dit qu’il est transcendant et incommunicable. Le symbole passe par la vie intérieure de l’être ; il s’adresse au cœur, à l’âme, à l’esprit. Le symbole est éveil ; il est mouvement vers le haut. Il n’est jamais figé, même pour l’homme qui l’a appréhendé.

    Pour conclure, toujours provisoirement…

    La méthode symbolique ne serait-elle pas l’antidote à tout sectarisme ou dogmatisme ? N’est-ce pas un instrument d’ouverture d’esprit sur les autres, sur l’univers, et sur l’intérieur de soi ?

    Dans cette planche, ce sont essentiellement les mots « symbolisme » et « symbolique » que j’ai tenté de différencier car on les emploie trop souvent, à tort, comme des synonymes.

    Le symbolisme est l’utilisation des symboles. C’est également l’interprétation de leur essence, du fondement des objets ou images comme support de symboles (exemple : le symbolisme du Compas). C’est encore une école de pensée considérée d’après ses symboles : on parle fréquemment du symbolisme maçonnique.

    La symbolique est la théorie des symboles. C’est aussi l’ensemble des interprétations d’un symbole, alors que le symbolisme n’en considère qu’un aspect (exemple : la symbolique de l'Équerre). Enfin, la symbolique, c’est aussi l’ensemble du système symbolique d’un groupe de pensée : on peut évoquer la symbolique maçonnique.

    Ces tentatives de définitions sont tout en nuances, à l’instar de leur origine, c’est-à-dire le symbole !

    Notre méthode de travail est fondée sur le travail rituel effectué avec et sur les symboles au sein du cosmos de la loge, car la communion avec ces symboles permet d’éveiller l’intelligence du cœur. C’est le rituel qui donne corps au spirituel et réanime l’ensemble des forces créatrices. Les rituels initiatiques racontent la création en esprit par le jeu des symboles, véritables paroles de vie qui rendent présentes les fonctions rituelles remplies par les Frères. Ainsi les rituels relient-ils les symboles entre eux pour leur donner leur pleine et entière signification et nous permettre de les vivre.

    Participer aux rituels est un acte majeur pour tous les Frères de la Loge, et chaque rituel est une nouvelle naissance, à la fois de la Loge elle-même et de chacun de ses Frères.

     

    R:. F:. A. B.

    Bibliographie

     

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995 - Page 150

     

    Béresniak Daniel - Rites et symboles de la Franc-maçonnerie

     Tome I : « Les Loges bleues »

    Editions Detrad, Paris, 1997 - Pages 3 à 5

     

    Beresniak Daniel - L’apprentissage maçonnique, une école d’éveil ?

    Editions Detrad, Paris, 1983 - Pages 27 à 36

     

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade d’Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986 - Pages 9, 59 à 66, 68 à 71

     

    Boisdenghien GuyLa vocation initiatique de la Franc-maçonnerie - Sentiers de la Tradition

    Editions l’Etoile, Bruxelles, 1999 - Pages 96 à 98, 101 à 104

     

    Boucher Jules - La Symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995 - Pages XV à XVIII

     

    Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 249 à 251

     

    Guigue Christian - La formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 1995 - Pages 270 à 272

     

    Mondet Jean-Claude - La Première Lettre

    L’Apprenti au Rite Ecossais Ancien et Accepté

    Editions du Rocher, Monaco, 2007 – Page 99

     

    Nefontaine Luc - Symboles et symbolisme dans la Franc-maçonnerie – Tome 2

    Editions de l’Université de Bruxelles, Bruxelles, 1997

    Pages 17 à 23, 33, 104 à 128, 139 à 149, 178


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  •  Les signes de l'Apprenti 

    Introduction

    Dans les ordres religieux, il existe une règle comme instrument de la construction du moi intérieur et spirituel, une règle de vie qui indique l'esprit qui doit régner au sein de la communauté mais qui régit également l'organisation pratique. De même, en Franc-maçonnerie, nous avons besoin d’ordre, de respect, de moralité au sens de liberté et de réflexion, au sens de questionnement.

    Au cours de la cérémonie d’Initiation, après avoir été revêtu de ses décors, l’Apprenti reçoit sa première instruction : mot de passe, mot sacré, signes, mots et attouchement. Il devra suivre cette règle sans jamais y déroger. Puisqu'il vient de prêter serment, il devra désormais accepter de se plier aux us et coutumes de la Franc-maçonnerie.

    Au cours de cette communication des arcanes du grade, le Vénérable Maître instruit notamment le Néophyte en lui expliquant comment se fait la mise à l’Ordre, le Signe d’Ordre ainsi que le Signe de Fidélité. L’analyse de l’exécution de ces signes et des tentatives d’interprétation font l’objet de cette planche.

    Le Signe d’Ordre

    Dans les anciens catéchismes, le Signe d’Ordre est appelé « signe guttural » bien que ce dernier terme ne soit pas à proprement parlé le mieux adapté si l’on se réfère à son étymologie.

    L’expression « Signe guttural » est encore utilisée dans certaines Loges françaises qui pratiquent le Rite Écossais Ancien et Accepté. Il est dit « pectoral » dans certaines Loges françaises pratiquant le Rite Français ou le Rite Écossais Rectifié.

    Le Signe d’Ordre tient une place essentielle dans la gestuelle du rite, notamment par le lieu où il s’effectue et qui correspond à un point de chakra ; ensuite, parce qu’il est un outil de la discipline ou maîtrise sur le corps et qu’il possède la vertu d’élever l’esprit en ordonnant le corps. Selon Christian Guigue, « c’est à partir de ce contrôle total opéré sur soi que le Maçon peut se laisser guider vers la réalité symbolique et qu’il peut appréhender l’essence initiatique du rite en travaillant à « ouvrir » l’intelligence du Cœur ».

    Exécution

    Le Signe d’Ordre se fait en retirant d’un geste rapide la main de la gorge et en abaissant le bras droit jusqu'à ce qu’il pende le long du corps, comme le bras gauche.

    Le Signe d’Ordre se fait uniquement debout, les pieds en équerre, lors d’une prise de parole ou lors du déroulement du rituel, jamais en position assise. Tout Frère sur les Colonnes, tout Frère siégeant à l’Orient, y compris l’Orateur ou le Secrétaire, doit donc se lever pour exécuter ce signe après toute communication ou toute intervention.

    Le Signe d’Ordre touche un centre subtil de l’être. Comme le précise le rituel de l’Initiation au premier degré du Rite moderne belge,  « il se fait par Équerré, Niveau et Perpendiculaire » indiquant la voie de réalisation et de rectitude à suivre. La répétition de ce signe rituel devrait logiquement imprégner progressivement le physique et le mental du Maçon assidu.

    Bien accompli, le Signe d’Ordre favorise en effet l’éveil de la conscience et favorise la concentration nécessaire à tout travail d’ordre intérieur. On peut mesurer l’efficacité du geste et du rite à l’attention qui lui est donnée dans son accomplissement, autant que par l’excellence de sa bonne exécution.

    Interprétations

    Le Signe de l’Apprenti se fait par horizontale et verticale afin de lui rappeler à chaque fois que son voyage est initiatique.

    Le Signe d’Ordre reproduit également trois symboles: l’Équerre avec la main droite, le Niveau avec le bras droit, la PerpendiculaireFil à plomb avec le bras gauche vertical.

    Observons que le trinaire Équerre – Niveau – Perpendiculaire rendu vivant par la mise à l’Ordre est une incarnation de ces trois symboles majeurs. Quand nous nous mettons à l’Ordre, l’image mentale de ceux-ci apparaît aussitôt à notre conscience, preuve que cette incarnation pénètre le moi, à condition toutefois de la laisser y pénétrer !

    Par ce signe, l’Apprenti peut ainsi apprendre qu’il devra toujours être d’équerre, se comporter avec franchise, fraternité et fidélité, qu’il doit être un être loyal, respectueux de son serment, tolérant envers les autres et rigoureux envers lui-même.

    Le symbolisme du Signe d’Ordre le plus fréquent est singulièrement ésotérique. Hormis le fait qu’il serve de signe de reconnaissance entre Maçons, le Signe d’Ordre possède plusieurs décryptages. Le premier, aujourd’hui désuet, voudrait que la main glissant sur la gorge signifie « J’aimerais mieux avoir la gorge tranchée plutôt que de révéler les secrets qui m’ont été confiés». Il rappellerait de manière continuelle le châtiment contenu dans le serment prêté.

    Ce Signe d’Ordre ramène l’Apprenti au serment qu’il vient de prêter : s’il trahit son serment, s’il révèle les secrets, les signes, les mots, l’attouchement, c’est la mort fatale qui l’attend, la gorge tranchée. La gorge tranchée marque bien entendu une autre signification que les mots eux-mêmes : « la gorge tranchée, précise Claude Darche, c’est la mort du Verbe, la Parole où s’inscrit l’homme ».

    Ce signe sépare la tête du reste du corps, l’intellect de l’affectif. La main est posée sur la gorge soulignant cette fonction vitale de canal du souffle dans l'inspir et dans l'expir, mais aussi le siège d’expression de la parole. Ce signe d’équerre placé sous la gorge en appelle en effet à la parole qu’il ne pourra pas prendre durant le temps de son apprentissage. Par ce signe d’Ordre, l’Apprenti est mis en garde contre le mauvais usage de la parole et est invité à un silence probatoire car c’est dans le silence, par l’écoute et la méditation qu’il pourra régénérer et affermir progressivement sa parole en expression de vérité.

    Si ce signe est bien celui de l’Apprenti, il est aussi le signe pratiqué par les Compagnons et les Maîtres lorsque la Loge travaille au Premier degré. Tous les Maçons présents font le même signe pour l’Ouverture et la Fermeture des Travaux. Ils le font également et restent à l’ordre tout le temps de leur prise de parole éventuelle. Ainsi, le flux verbal ne se déverse qu’avec parcimonie.

    En Loge, on ne prend en effet pas la parole de la même façon que dans le monde profane. Le Maçon réfléchit, cherche les termes justes, essaie d’enrichir la réflexion, de soulever des questions. Il ne se lance pas sans avoir mûrement réfléchi. C’est ainsi que les Maçons peuvent prendre la parole avec sérénité, dans l’harmonie et l’écoute de l’autre. Chacun apprend ainsi à respecter les différences, à s’ouvrir à des idées, à des opinions radicalement différentes des siennes, mais aussi vraies et authentiques.

    Remarquons ensuite que le contact de la main sur la gorge est un geste naturel, instinctif. On porte une main, voir les deux à la base du cou lorsqu'on éprouve une vive émotion, un choc moral. Il est regrettable que l’on ne fasse presque jamais attention aux gestes naturels car ils affichent des significations ésotériques de valeur.

    La région gutturale correspond au moi de l’homme, au moi expressif de la phonation, donc de la parole, moi situé un peu au-dessus du moi psychique qui, par l’entremise du cerveau, génère les gestes du corps.

    Il faut savoir aussi que la partie supérieure de la poitrine est le siège des glandes thyroïdes, appelées ainsi parce qu’elles sont en forme de bouclier. L’influence de ces glandes endocrines sur la physiologie et le psychisme est considérable. On n’ignore pas que le débit de leurs sécrétions possède une action sur le caractère des individus. Ainsi, l’hyperthyroïdie se traduit souvent par un tempérament excessif, emporté, colérique, et l’hypothyroïdie par un tempérament opposé à celui-ci.

    Un nouvel aspect du symbolisme de la mise à l’Ordre se déduit par conséquent de ces deux dernières lectures du geste maçonnique. Bouclier adjoint ou bouclier thyroïdien, la main sur la gorge a pour fonction, en Tenue, de maîtriser le caractère imparfait des Frères, de protéger les Travaux en Loge contre des « sécrétions » de métaux par le moi, de maintenir dans le temple un égrégore fraternel.

    Les signes maçonniques faits avec les bras et les mains se réfèrent à des points-repères du corps humain. Il est plus facile de comprendre la portée de tels signes en évoquant les chakra de la tradition hindoue.

    Textuellement chakra signifie roue. Il s’agit de centres d’énergie distribués le long de la colonne vertébrale. La kundalini, figurée  par deux serpents lovés au niveau de la vertèbre inférieure peut être éveillée par un exercice spirituel approprié ; elle s’élève alors au niveau des chakra qui sont figurés par des roues ayant chacune un certain nombre de rayons ou bien par des fleurs de lotus ayant chacune un certain nombre de pétales. Les cinq chakra principaux ont respectivement quatre, six, huit, douze et vingt rayons ou pétales. Cette distribution comporte des variantes.

    Raoul Berteaux précise que la mise à l’Ordre au degré d’Apprenti correspond au chakra situé au niveau de la gorge. C’est un signe statique. Par contre, la marche en trois pas de l’Apprenti est un exemple de la mise en œuvre d’une dynamique de la symbolique gestuelle.

    Le signe d’Ordre est comme un mundra indien, il favorise le silence intérieur, la concentration, l’accueil des mots qui vont être dits. Il incite à une soudaine mise en respect devant les valeurs essentielles de vie. Il nous rappelle à l’ordre !

    Le Maçon est en Loge pour travailler, progresser, apprendre, découvrir, questionner et se questionner. Il est également là pour combattre ses passions et donner le meilleur de lui-même.

    Le Maçon est un homme de courage qui construit sans trêve et sans relâche le monde d'aujourd’hui, tout en construisant le monde de demain sans négliger les leçons du passé. Le signe d’ordre est la marque concrète, la manifestation tangible et extérieure de ce qui se passe à l’intérieur. Extérieur et intérieur doivent être en parfaite correspondance, au fil du temps et de l’imprégnation des symboles.

    Quand l’être s’apercevra, un jour ou l’autre dans sa vie, que extérieur et intérieur se parlent et se répondent, alors le signe d’Ordre deviendra l’esprit du Maçon. Il sera ce que le Maçon vit en son être intérieur et dans sa conscience.

    La mise à l’Ordre

    Exécution

    La manière de se mettre à l’ordre consiste d’abord à porter la main droite à la hauteur de la gorge avec appui possible sur celle-ci, les quatre doigts joints en équerre par rapport au pouce, le bras droit  à l’horizontale, le bras gauche pendant le long du corps.

    Interprétation

    Cette gestuelle rappelle les trois symboles fondamentaux : l'Équerre (par la forme de la main droite portée à la gorge), le Niveau (par la position horizontale du bras droit) et la Perpendiculaire (par la position du bras gauche le long du corps).

    La mise à l’Ordre est statique par rapport à l’exécution du Signe d’Ordre qui est un mouvement, donc dynamique.

    Un geste comme celui de la mise à l’ordre n’est pas subordonné à la production d’un résultat extérieur et matériel. Son objectif est de « faire signe » : « je suis à l’ordre » d’abord extérieurement, puis progressivement intérieurement.

    Après l’évocation du signe, nous pouvons nous interroger sur la notion d’ordre.

    Ordre se traduit en grec par kosmos. La cosmologie est la science des lois de l’univers. Si on admet que le microcosme est le reflet du macrocosme, la vie intérieure de chacun est une partie intégrante de l’univers. Dès lors tout Maçon qui se met consciemment à l’ordre, en vivant sincèrement son Initiation, s’intègre peu à peu au cosmos en s’unissant à lui, dans l’intimité de son unité absolue.

    Dans le rituel maçonnique, aucun des gestes effectués n’est anodin. Tous engagent l’être sur tous les plans. Ainsi, un Apprenti peut être rappelé à son devoir par l’expression « A l’ordre, mon Frère ! » prononcée par le Vénérable Maître ou son Surveillant. Cette parole réactualise le sens de sa démarche volontaire dans un lieu « à part ».

    Le rite est un symbole agi. Ce symbole lui-même est la fixation d’un geste rituel, ce qui amène à penser que le rite est du même ordre que le geste, qui contribue à établir une alliance avec le domaine spirituel. Tout geste est signe en Franc-maçonnerie. Les gestes rituels ont trois vertus : ils ordonnent le corps, assurent le pouvoir de l’esprit et relient à l’universel. Ils unifient le corps, l’âme et l’esprit.

    Il nous reste à présent à envisager un dernier signe, le signe de fidélité.

    Le Signe de Fidélité

    Rappelons que tous nos déplacements en Loge s’effectuent au Signe de Fidélité, sous la conduite du Frère Maître des Cérémonies. Nous nous mettons au Signe de Fidélité pour entrer dans la Loge. Nous abandonnons ce signe une fois sortis du temple.

    Exécution

    Le bras gauche restant le long du corps, le Signe de Fidélité se fait en plaçant la main droite sur le cœur, le pouce aligné sur les quatre autres doigts.

    Tentative d’interprétation

    La main étant placée sur le cœur, le Signe de Fidélité réunit deux grands symboles corporels : la main qui trace le plan et construit le temple. La main qui donne est prolongement de l’esprit et du cœur. Le cœur, centre symbolique de l’âme et de l’amour, est le symbole par excellence, la coupe de vie et du temps humain. Il est l’horloge universelle. Ses battements rappellent les battements de l’enclume du grand forgeron mythique : Tubalcaïn, celui qui sort les cœurs, rouges du feu, de l’athanor cosmique.

    Pour conclure, du moins provisoirement

    Hormis le fait qu’il serve de signe de reconnaissance entre Maçons, le Signe d’Ordre nous rappelle à chaque fois que notre voyage est initiatique. S’il est bien accompli, ce signe favorise l’éveil de notre conscience, favorise la concentration nécessaire à tout travail d’ordre intérieur. Il favorise l’accueil des mots qui vont être dits. Intégrant trois de nos symboles fondamentaux, Équerre, Niveau et Perpendiculaire, il nous incite à une mise en respect devant les valeurs essentielles de vie. Il nous rappelle que nous sommes en Loge pour travailler, progresser, apprendre, découvrir, questionner et nous questionner. Il est également là pour combattre nos passions et donner le meilleur de nous-même. Qu’il en soit ainsi !

     

    R:. F:.  A. B.

     

    Bibliographie

    Alban Gilbert - Guide de l’Apprenti

    Manuel pratique du Second Surveillant

    Editions Detrad, 1998

     

    Behaeghel Julien - L’Apprenti Franc-maçon et le monde des symboles

    La Maison de Vie, Fuveau, 2000

     

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade d’Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986

     

    Darche Claude - Vade-mecum de l’Apprenti

    Editions Dervy,  Paris, 2006

     

    Guigue Christian - La formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Barroeul, 1995

     

    Mainguy Irène - La Symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy,  Paris, 2001


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  •  Le Grand Architecte de l'Univers 

    Introduction

    Le Grand Architecte de l’Univers est une notion fondamentale dans le Rite Écossais Ancien et Accepté. C’est aussi le premier des principes de la spécificité de la Grande Loge de France, de la Grande Loge Nationale Française et de la Grande Loge Régulière de Belgique. C’est une notion assez subtile et souvent mal assimilée. C’est pourquoi j’ai souhaité tracer cette planche pour tenter d’en comprendre mieux la portée.

    Les fondements de la Franc-maçonnerie

    Il est généralement admis par l’Ordre maçonnique et l’ensemble de ses institutions, principalement celles qui sont ou se disent régulières, respectueuses des anciens usages, que les références aux « Landmarks » correspondent à des limites ou règles qu’il convient de ne pas toucher sous peine d’être considéré comme irrégulier.

    Les « Landmarks »

    La première mention écrite du mot « Landmarks » apparaît dans les Constitutions d’Anderson de 1723, à la fin des « Règlements généraux ».

    Il convient de remarquer qu’on ne trouve nulle trace du mot « Landmark » dans les comptes-rendus de la Grande Loge des « Moderns » (de 1723 à 1758) et qu’il n’est cité qu’une seule fois dans ceux de la Grande Loge des « Antients » (de 1752 à 1760).

    Les « Landmarks », règles immuables, sont les limites de l’espace dans lequel nous nous trouvons en Franc-maçonnerie régulière et à l’extérieur duquel nous nous en séparons. Ces règles sont le substrat de l’Ordre. Les Anglo-saxons considèrent les «Landmarks» comme existant depuis des temps immémoriaux et comme étant une sorte de loi non écrite qui exprime l’essence même de l’Ordre et que tout Maçon doit maintenir inchangée.

    Pour Triaca Ublado, il n’y a pas un document unique dans lequel tous les «Landmarks» seraient exposés dans le détail. Ils existaient dans un passé éloigné, bien avant le regroupement des quatre loges à Londres en 1717 et étaient consignés dans des manuscrits qui auraient été volontairement brûlés en 1720.

    Pour Jean Lhomme, il existe de nombreuses listes de « Landmarks » qui ont été publiées depuis la naissance de la Franc-maçonnerie spéculative. Les listes existantes compilées par de nombreux auteurs en comptent entre cinq et septante-cinq !

    Ainsi, la liste dressée par Harry Carr en garde cinq, reconnus unanimement :

    1. le Maçon doit professer la croyance en Dieu, Grand Architecte de l’Univers ;

    2. le Volume de la Loi sacrée doit être présent en loge et ouvert au vu de tous ;

    3. le Maçon doit être un homme libre et d’âge suffisamment mature ;

    4. le Maçon, de par ses actions et déclarations, doit allégeance à l’Etat et à la Franc-maçonnerie ;

    5. le Maçon croit à l’immortalité de l’âme.

    Pour Guy Boisdenghien, ces règles immuables sont au nombre de six :

    1. la croyance en Dieu, Grand Architecte de l’Univers ;

    2. la présence sur l’autel du Volume de la Loi Sacrée recouvert de l'Équerre et du Compas ;

    3. l’interdiction des discussions politiques et religieuses en Loge ;

    4. l’obligation de travailler en Loge ;

    5. le respect des pouvoirs civils de la nation ;

    6. l’observance du secret maçonnique.

    Ces règles sont le substrat de l’Ordre, étant la nature même du lien qui unit les Frères. Il est donc inadéquat de les interpréter en termes profanes comme certains Maçons non réguliers qui, gênés par ces exigences, traitent la Franc-maçonnerie traditionnelle de dogmatique !

    La Franc-maçonnerie Traditionnelle n’est pas dogmatique car l’Initiation vise la réalisation intérieure de l’individu. Cette Initiation ne peut évidemment s’effectuer si l’on est soumis à quelque dogme que ce soit !

    Pour Marius Lepage, « une seule affirmation historique est traditionnellement possible : personne n’a jamais vu un Landmark, parce qu’en réalité, un Landmark n’est qu’un mythe forgé par un poète. Personne ne sait ce que les Landmarks contiennent ou ce qu’ils excluent. Ils ne se rapportent à aucune autorité humaine, parce que tout est Landmark pour l’interlocuteur qui veut nous réduire au silence, mais rien n’est Landmark de ce qui lui barre le chemin ».

    Parmi tous les « Landmarks » anglo-saxons, la croyance en l’existence de Dieu, considéré comme le Grand Architecte de l’Univers est un « Landmark » d’une extrême importance par les discussions qu’il a suscitées.

    La notion du Grand Architecte de l’Univers est, en Maçonnerie, à la fois plus ample et plus restreinte que celle du Dieu des diverses religions.

    Dès son origine, la Franc-maçonnerie, en adoptant cette expression, a ainsi montré sa conception de la divinité dans ses rapports avec le monde et avec l’homme.

    Pour René Guénon, « le Grand Architecte de l’Univers trace le plan idéal qui est réalisé en acte, c’est-à-dire manifesté dans son développement indéfini par les êtres individuels qui sont contenus dans son Etre Universel ; et c’est la collectivité de ces êtres individuels, envisagée dans son ensemble, qui constitue le Démiurge, l’artisan ou l’ouvrier de l’Univers ».

    Les Old charges

    Sont appelés « Old charges » des manuscrits anglais s’étendant du 14ème au 18ème siècle. Cette expression est généralement traduite en français par « Anciens devoirs ». Ils enseignent l’histoire du métier. Les seuls manuscrits du Moyen Age restant sont le « REGIUS » datant de 1390 et le « COOKE » datant de 1425.

    Ces manuscrits qui se ressemblent beaucoup par leur contenu, sont divisés en deux parties :

    • Histoire légendaire de la Maçonnerie identifiée à la Géométrie et aux Arts libéraux ;

    • Exposé des devoirs du métier et de la corporation.

    Les « Old charges » énonçaient des règles qui, avant de devenir des symboles d’un perfectionnement moral et spirituel, étaient, pour les maçons opératifs, immédiatement applicables à leur vie quotidienne et à leur activité professionnelle.

    En 1986, cent treize textes différents de « Old charges » ont été recensés !

    Les Constitutions d’Anderson

    Peu d’années après la formation de la première Grande Loge parurent les Constitutions d’Anderson qui étaient destinées, dans l’esprit de leur auteur et de la Grande Loge qui les commanditait, à remplacer les « Old charges ».

    C’est au cours de l’année 1723 qu’elles ont été publiées. Il s’agit du texte fondateur de la Franc-maçonnerie spéculative mais il est en même temps l’aboutissement d’une longue histoire, celle des Maçons opératifs qui avaient constitué des loges dès le Moyen Age.

    Cet ouvrage, dû au Pasteur James Anderson, contient les charges d’un Franc-maçon qui font toujours autorité actuellement, bien que le texte ait déjà été modifié en 1738, 1813, 1929 et 1989.

    Le G.A.D.L’U. et les différentes obédiences

    La Franc-maçonnerie universelle invoque le Grand Architecte de l’Univers et professe la croyance en l’immortalité de l’âme mais elle n’impose aucun précepte. Aucun culte n’y est enseigné. Aucune vérité n’y est révélée. Société initiatique à base philosophique, elle admet la liberté de conscience et la tolérance mutuelle. Le symbole du Grand Architecte de l’Univers se retrouve dans les principes de base et caractéristiques de la plupart des différentes obédiences, avec quelques nuances qu’il convient de préciser.

    Principes de base de la Grand Loge Nationale Française

    Les principes de base de la Grand Loge Nationale Française sont formulés dans une règle en 12 points qui a pour fondement traditionnel la foi en Dieu Grand Architecte de l’Univers ; la nécessité d’observer les « Landmarks » et de s’instruire des Anciens Devoirs (Old Charges) ; la prestation de serment sur le Volume de la Loi Sacrée ; l’absence de femmes en loge ; le respect des opinions et croyances et enfin l’assistance fraternelle envers les Maçons dans le besoin.

    Caractéristiques générales de la Grande Loge de France

    Obédience spécifiquement masculine, la Grande Loge de France travaille à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers. Elle a adopté comme texte de référence les Constitutions d’Anderson et se réfère au Grand Architecte de l’Univers comme expression symbolique du principe créateur, librement interprétable par chacun des membres de l’obédience.

    Principes de base du Droit Humain

    Les principes et les méthodes de travail adoptés par l’Ordre Maçonnique Mixte International le Droit Humain sont ceux des Grandes Constitutions Écossaises de 1786, révisées par le Convent de Lausanne. Cet ordre maçonnique ne professe aucun dogme et travaille à la recherche de la vérité. Il se définit comme une institution initiatique, philosophique, laïque et philanthropique qui se donne pour mission d’œuvrer au progrès de l’humanité. Les loges du Droit Humain travaillent à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers et/ou au progrès de l’Humanité.

    Principes de base du rite Émulation

    Le rite Émulation demande à ses participants la croyance au Grand Architecte de l’Univers, la présence sur l’autel des Trois Grandes Lumières (le Volume de la Loi sacrée, l'Équerre et le Compas) ainsi que le respect des Anciens Devoirs.

    Principes de base du Grand Orient de France

    Le Grand Orient de France, la plus ancienne obédience française est l’ancêtre de toutes les obédiences apparues par la suite. Le Grand Orient de France pratique la liberté absolue de conscience. Il laisse à ses membres le choix ou non en une vérité révélée, de pratiquer la religion de leur choix ou de n’en pratiquer aucune. Il pratique la tolérance mutuelle et la lutte contre les dogmatismes et exclusions de toutes sortes.

    Tentons de comprendre comment le Grand Orient de France en est arrivé à abandonner toute référence au Grand Architecte de l’Univers.

    De la suppression de toute référence au Grand Architecte de l’Univers

    Le Grand Orient de Belgique avait déjà retiré l’invocation au Grand Architecte en 1872. C’est en 1877 qu’un pasteur, Frédéric Desmond, proposa au Convent du Grand Orient de France de supprimer lui aussi toute référence au Grand Architecte de l’Univers dans les rituels et dans les travaux. La fine argumentation du pasteur convainquit les décideurs du Grand Orient de France : la croyance en l’immortalité de l’âme et l’invocation au Grand Architecte de l’Univers disparurent de ses loges.

    Depuis cette date, les obédiences maçonniques se divisent entre celles qui reconnaissent  le Grand Architecte de l’Univers et celles qui ne le reconnaissent pas. Elles s’excommunient les unes les autres ! Et puis il y a telle ou telle obédience à tendance religieuse qui affirme que le Grand Architecte, c’est Dieu.

    Comment se reconnaître dans ce débat ? Peut-être simplement en se rappelant que le Grand Architecte de l’Univers est un symbole majeur de toutes les confréries de bâtisseurs depuis l’Antiquité.

    Depuis l’Egypte ancienne, les mentions d’un architecte créateur des lois du cosmos sont très nombreuses. Ce concept symbolique incarne l’harmonie de l’univers dans sa fonction créatrice et il est donc le modèle du Maître d’Œuvre sur le chantier.

    L’exclure ou le considérer comme un objet de croyance, c’est sortir du champ de la Franc-maçonnerie initiatique pour se réduire à une association politique ou para-religieuse.

    Luc Benoist rappelle qu’au « sens ancien, le métier épousait la nature de l’homme et pouvait devenir un art, c’est-à-dire une activité conforme à une certaine perfection.

    Cette conformité donnait au travail un certain prolongement surnaturel qui l’assimilait à la contemplation et à la prière. Elle donnait à l’artisan la conscience de travailler « comme le Grand Architecte de l’Univers » et de devenir, lui aussi, un créateur. Il collaborait humainement à l’œuvre divine ».

    C’est pourquoi, aujourd’hui, il me paraît essentiel de travailler « à la gloire du Grand Architecte de l’Univers », et non pour une institution humaine, pour une idéologie, pour une croyance ou pour un individu.

    Grâce notamment à la présence de ce symbole, nos Apprentis savent qu’ils œuvrent dans une Loge qui fait de l’Initiation son souci majeur et permanent.

    Toute la Tradition des bâtisseurs rappelle un précepte majeur : nous devons tenter de construire comme les dieux l’ont fait au commencement, et c’est pourquoi le modèle et la symbolique du Grand Architecte de l’Univers sont essentiels. Sans lui, il est à craindre que les ouvriers ne construisent que de l’illusoire et des bâtiments sans nulle dimension initiatique.

    Jean Hani nous rappelle que, sur un pilier de Notre-Dame de Paris, est posée une plaque sur laquelle on peut lire la formule « A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers », gravée au-dessus d’un pentagone et de Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie, la Règle, le Compas et l'Équerre. Ainsi, l’œuvre accomplie a-t-elle été restituée à son véritable auteur, le principe créateur !

    Notre serment

    Lors de notre Initiation, nous nous sommes tous engagés par notre serment à respecter la constitution et le règlement général de notre obédience.

    Prêté la main droite dégantée et posée sur le Volume de la Loi Sacrée afin que nous nous engagions sur ce qu’il y a de plus sacré, notre serment nous enjoint :

    • de garder le secret ;

    • de rester fidèle et discret, c’est-à-dire de ne trahir ni l’ordre maçonnique ni nos Frères ;

    • de persévérer dans le perfectionnement, c’est-à-dire de marcher sur le chemin de l’Initiation.

    Il me semble aussi utile de rappeler pourquoi nous avons prêté notre serment sur la Bible. Depuis toujours, les Francs-maçons prêtent serment sur un livre considéré comme sacré et qui donne à leurs engagements un caractère solennel et irrévocable.

    Dans les pays occidentaux, ce livre a toujours été la Bible mais aujourd’hui un candidat Franc-maçon, dont les racines religieuses personnelles ne se reconnaissent pas dans la Bible, peut prêter son serment d’engagement sur le livre de son choix tel le Coran ou la Torah qu’il n’est pas rare de voir sur l’autel des Loges maçonniques en plus de la Bible.

    Par tout serment solennel, l’homme renonce à une certaine part de sa liberté, ce qu’il fait devant une autorité qui a le pouvoir en tous lieux et en tout temps de connaître un manquement à cette renonciation et de le punir. A ce sujet, René Désaguliers s’est interrogé : « Quelle peut être une telle autorité sinon un Dieu ou le Dieu unique ? »

    C’est cet aspect qui est plus particulièrement marqué dans le mot latin « sacramentum », d’où le terme « serment » dérive directement. « Sacramentum » est lié au mot « sacer » qui signifie sacré ou ce qui appartient au monde divin.

    « S’il est vrai, poursuit René Désaguliers, que le serment est un acte essentiel de la Franc-maçonnerie, nous devons de toute nécessité, nous demander sur quels fondements lui-même repose. La réponse est à la fois simple et redoutable. Pratique extrêmement ancienne de l’humanité, le serment est obligatoirement sanctionné par une autorité supérieure à l’homme, par une transcendance capable de le juger ».

    En Franc-maçonnerie, le serment consiste en une promesse solennelle faite par le Néophyte qui s’engage à garder les secrets de la Maçonnerie et à se conformer en toutes choses aux règlements de l’Ordre, conformes aux lois en vigueur dans le pays.

    Le serment est empreint d’un caractère solennel, de la gravité d’un pacte, du sérieux extrême de l’engagement indissoluble entre celui qui le prête et celui qui le reçoit. Ce serment initiatique a aussi un caractère antique et sacré. Il est prononcé de la libre volonté du Récipiendaire, sans contrainte et devant une assemblée de Maçons témoins qui vont devenir ses Frères et en présence du principe de l’Ordre.

    Ce serment spécifique se décompose en trois parties : une invocation, une promesse, une imprécation. Le plus souvent, et en tout cas dans notre Obédience régulière, l’invocation est faite à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers.

    Le serment est prêté le plus souvent sur la Bible, ouverte au prologue de l'Evangile de Jean. On peut considérer que le serment a un caractère d’alliance cosmique avec l'Eternel. C’est une obligation réciproque consentie librement entre l’Ordre et le Néophyte qui est accepté en qualité de nouveau maillon de la chaîne initiatique. Cette promesse au caractère solennel engage l’être tout entier à être fidèle à sa promesse.

    Peut-il y avoir un serment sans la croyance en Dieu ? L’honnêteté historique oblige René Désaguliers à répondre par la négative. Pour les Maçons anglo-saxons, c’était là la raison essentielle de l’obligation pour un Maçon de croire en Dieu. Mais il faut aussi remarquer que les Anglo-saxons font preuve d’une tolérance très large dans le cadre de cette croyance. Le serment est avant tout une affaire de conscience dans laquelle il est impossible de s’immiscer sans se comporter avec une indécence inconcevable.

    La régularité de notre Obédience repose sur huit conditions essentielles. En vertu  même de son adhésion aux idéaux maçonniques traditionnels, trois principes universels définissent le caractère régulier de notre Obédience.

    • La croyance en Dieu, Grand Architecte de l’Univers et en sa volonté révélée, est une condition impérativement nécessaire pour l’admission de nouveaux membres dans une de nos Loges.

    En effet, la Franc-maçonnerie affirme l’existence [1] de Dieu, Etre Suprême qu’elle désigne sous le vocable de « Grand Architecte de l’Univers ». La Franc-maçonnerie ne définit pas l’Etre Suprême. Elle laisse à chacun la liberté absolue de le concevoir mais elle requiert de tous ses membres qu’ils admettent cette affirmation. Cette exigence est absolue et ne peut faire l’objet d’aucun compromis ni d’aucune restriction. La croyance en Dieu, Grand Architecte de l’Univers, demeure, pour toutes les Grandes Loges indépendantes du monde, le critère essentiel de régularité et de fidélité aux « anciens devoirs ».

    • Tout travail maçonnique se fait à la gloire du Grand Architecte de l’Univers et en présence des Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie: le Volume de la Loi Sacrée sous l'Équerre et le Compas sur lesquels sont prêtés tous les serments.

    C’est pourquoi les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie doivent toujours être exposées pendant les travaux de la Grande Loge et des Loges placées sous son contrôle. Tous les Initiés doivent prêter leur Obligation sur le Livre de la Loi Sacrée dans lequel est exprimée la Révélation d’En Haut.

    Par ailleurs,

    • notre Obédience est dite « régulière » parce que son origine est régulière, c’est-à-dire qu’une Grande Loge dûment reconnue ou trois Loges au moins, elles aussi régulièrement constituées, ont parrainé sa création ; 

    • une Grande Loge ainsi que les Loges qui lui sont rattachées sont exclusivement composées d’hommes. En effet, la Tradition maçonnique n’admet que des hommes à l’Initiation. Il s’agit du respect strict d’anciens usages qui reflètent une vieille expérience initiatique bien antérieure à la Franc-maçonnerie ;

    • les discussions d’ordre politique ou religieux sont strictement interdites en Loge ;

    • la Grande Loge exerce une souveraineté absolue sur les trois grades bleus (Apprenti, Compagnon, Maître). Il existe en effet un pouvoir administratif qui concerne la promulgation et l’application des statuts et règlements généraux de la Franc-maçonnerie locale.

    Ce pouvoir administratif est exercé, dans notre pays, par la Grande Loge Régulière de Belgique, composée de l’ensemble des délégués des Loges de l’Obédience ainsi que du Grand Comité, organe directeur de la G.L.R.B.

    • Notre groupement, à vocation initiatique, œuvre en observant des règles qui lui sont propres et demeure en symbiose avec le respect de la Tradition et des buts de l’acte initiatique. Les principes des « Landmarks » ou « Anciens Devoirs », coutumes et usages du « Métier de Maçon » doivent être strictement observés.

     

    Le G. A. D. L’U. et la Grande Loge Régulière de Belgique

    La fidélité aux principes de la Franc-maçonnerie régulière implique donc la reconnaissance de Dieu, Etre Suprême que la Franc-maçonnerie appelle traditionnellement le « Grand Architecte de l’Univers ».

    Les Grandes Loges régulières sont dans la logique de leurs objectifs initiatiques lorsqu'elles requièrent de leurs membres, avec la croyance en l’Etre Suprême, une option spirituelle dans un sens qui n’est ni défini, ni explicité : chacun se fait du Grand Architecte de l’Univers, c’est-à-dire de Dieu, une conception qui peut être purement personnelle ou même s’identifier à celle d’une religion.

    Notre Maçonnerie authentique garantit à ses membres la totale liberté de l’esprit en s’interdisant de définir Dieu et en laissant à chacun le droit et le soin d’interpréter, de définir ou de ne pas définir ce qu’est pour lui le Grand Architecte de l’Univers.

    A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers

    L’invocation qui préside à l’ouverture et à la fermeture des Travaux des Loges – « A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers » – indique clairement que le rite auquel participent les Francs-maçons réunis dans leur Temple place les travaux de réflexion et l’inspiration qui les anime sous une Lumière qui n’appartient pas au monde spatio-temporel. C’est donc affirmer la spiritualité de la Franc-maçonnerie qui pratique ce rite.

    Dès les premiers siècles du christianisme primitif existait, dans l’esprit des philosophes et des théologiens, ce principe créateur qui se manifeste dans les lois de la Nature et qui fait que l’équilibre du monde est intelligible, comme cette « Lumière en tout homme venant au monde » de l'Evangile de Jean, mais dont le sens caché et l’existence même ne se révèlent pas à tous.

    Cette orientation doit nous inciter à réfléchir et à méditer. Nous ne pouvons aller par notre pensée humaine jusqu'à l’origine des choses : nous pouvons seulement avoir l’intuition de leur commencement qui est peut-être seulement le commencement de notre aptitude à penser. Face à cette pensée intuitive et au sens sacré qu’elle contient, certains Maçons continuent à être sous l’influence des philosophes du 18e siècle qui ont développé une pensée rationaliste qui proclame qu’il n’y a rien sans raison, qu’il n’y a pas d’effet sans cause compréhensible par l’esprit humain.

    Si nous rapprochons ces deux pensées, spirituelle et humaniste, nous trouvons le fondement de la tolérance philosophique et religieuse en Maçonnerie. C’est là l’originalité d’une démarche qui allie l’intelligence de la raison, celle du cœur et de l’intuition spirituelle.

    La racine grecque du mot architecte est un composé de « arkhê », qui indique le rang supérieur, le pouvoir, le commandement, et « tektôn », charpentier, constructeur. Le sens d’origine est « constructeur en chef ».

    « En travaillant à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers, nous ne ferions que parier sur un sens possible d’un grand Tout, le visible et l’invisible, le créé et l’incréé, le fini et l’infini, au nom duquel nous nous efforçons de construire notre propre unité ». Telle est l’interprétation de Michel Barat, Ancien Grand Maître de la Grande Loge de France.

    Si l’historicité et la date d’apparition exacte de l’expression « Grand Architecte de l’Univers » dans la Franc-maçonnerie n’a qu’une importance relative, je désire quand même y  consacrer le chapitre suivant !

    Le G.A.D.L’U. dans les anciens textes maçonniques

    L’appellation de « Grand Architecte de l’Univers », appliquée à Dieu, est à juste titre considérée comme un trait caractéristique de la terminologie maçonnique. Elle est également caractéristique de la spiritualité maçonnique. Et pourtant, on ne la trouve pas dans les sources les plus anciennes : elle ne figure ni dans les « Old charges » ni dans les parties des anciens catéchismes maçonniques anglais du 17e siècle.

    Il y a cependant plusieurs références de la présence de la quête spirituelle dans la Franc-maçonnerie. La première est le Manuscrit Regius datant de 1390, qui est la plus ancienne charte des « Francs mestiers des bâtisseurs ».

    Puis il y eut la Charte des premières loges d’Angleterre, vers 1704, qui reproduit le texte des anciennes chartes et statuts de Maçons opératifs.

    Une autre se réfère à la Constitution que les loges anglaises réunies en obédience ont voulu se donner. « Les Constitutions d’Anderson » est en effet le premier texte dans lequel apparaît l’appellation de « Grand Architecte de l’Univers ». Il date de 1723 et c’est la première occurrence maçonnique connue de cette appellation de Dieu.

    En fait, cette appellation « Grand Architecte de l’Univers » est beaucoup plus ancienne puisqu’elle apparaît dans « L’Architecture » de Philibert Delorme, dans l’épître aux lecteurs de l’édition de 1567. L’appellation « Architecte » appliquée à Dieu semble de toute évidence fort courante à cette époque et l’épître de Philibert Delorme est bien révélatrice de la manière dont les hommes des 16e et 17e siècles concevaient Dieu comme architecte. Pour eux, le monde est un édifice harmonieux, construit suivant des rapports géométriques et des accords musicaux qui étaient contenus dans l’intelligence divine et que celle-ci a mis en œuvre dans la création.

    Le Traité de la « Divine proportion » de Luca Pacioli (1498) et le « Mystère cosmographique » de Kepler (1596) sont des exemples particulièrement remarquables de mise en œuvre de cette conception tendant à édifier un système complet d’explication mathématico-architectonique de l’univers.

    La conception de Dieu comme architecte n’est pas complètement absente des textes maçonniques d’avant Anderson. Une seule occurrence se trouve dans le Manuscrit Dumfries n° 4 dans lequel il est question d’un commandement donné aux Maçons de « sincèrement honorer et adorer le Grand Architecte du ciel et de la terre ».

    Une des plus anciennes occurrences de l’expression « Grand Architecte de l’Univers » se trouve dans Masonry Dissected de Prichard (1730).

    Dans ces textes, Dieu apparaît comme ayant créé le monde en mettant en œuvre avec « sagesse » la Géométrie ou les Divines Proportions contenues de toute éternité dans son intelligence.

    Le Pasteur Anderson précise une chose très importante pour la spiritualité maçonnique : cette Géométrie selon laquelle il a ordonné le monde, le Grand Architecte l’a inscrite dans le cœur d’Adam, créé à son image.

    Une étonnante cosmogonie opérative

    Pour poursuivre cette étude, je me propose de rapporter le point de vue de Julien Behaeghel concernant la relation entre l’Initiation et le Grand Architecte de l’Univers.

    « Accepter que l’Initiation nous permette de prendre conscience du chemin et du sens de la vie, accepter que ce chemin va de l’inconscience à la conscience, de la Terre au Ciel, c’est accepter implicitement que le sens est celui de l’intelligence et par conséquent que le plan premier est celui qui vient du grand artiste créateur et que ce grand artiste est indiscutablement un architecte de génie.

    Le Grand Architecte de l’Univers exprime le symbole de l’intelligence première et dernière de la manifestation visible et invisible, temporelle et intemporelle. C’est la vision de tous les devenirs possibles. Le plan est indéfini, la vision est universelle et illimitée.

    Le Grand Architecte est l’œil qui prévoit tout ce qui s’est créé, tout ce qui se crée et tout ce qui se créera. Il contient en lui le Soleil et ses rayons, la Terre et son reflet, la Lune et tous les effets qu’elle aura sur le vivant.

    L’œil contient tous les germes de toutes les naissances et c’est bien pourquoi il s’agit de l’œil de l’architecte. Seul l’architecte peut maîtriser l’espace et y inscrire le temps. Seul l’architecte peut construire l’escalier à vis qui réunit Terre et Ciel, autour de l’axe du monde. Seul, il peut tout mesurer, tout étalonner, tout organiser. Pourquoi alors ne pas simplement appeler le Grand Architecte, Dieu ? Pourquoi associer cette image plus à la Terre qu’au Ciel ?

    Précisément parce que le travail maçonnique est un travail de bâtisseur. Le Maçon construit le temple, et le temple contient l’Un et son infini pouvoir mais il contient aussi le plan et l’image d’une autre cité, celle que Jean de Patmos, dans l’Apocalypse, appelle la Jérusalem céleste. Et il faut que ces deux plans, celui de la Terre et celui du Ciel, coïncident pour que le projet réussisse. Le projet est d’inscrire le divin dans l’humain, et l’œil, comme le dit H. Bergson, contient déjà tout le programme à venir.

    Le plan est déjà dans le rayon de lumière qui émane de l’œil du Dieu. On devrait donc dire que c’est plutôt l’humain qui doit s’inscrire dans le divin ; l’humain, ce reflet en devenir d’un plan à jamais incomplet.

    Nous ne pouvons qu’approcher, d’une façon imparfaite, le modèle que nous portons en nous mais que nous ne pouvons ni comprendre ni reproduire. La finitude ne peut contenir l’infinitude. L’œil est ainsi source de lumière et, dans l’optique christique, elle est source de toute vie ».

    « Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Par lui tout a paru. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes [2]… »

    « La complémentarité Verbe – Lumière – Vie est étonnante. Dire et voir sont les deux temps de la création. Il s’agit ici d’une lumière verbale qui est source de vie. Elle est ce point qui concentre en lui force, feu et lumière que la symbolique maçonnique associe à l’étoile. Le Grand Architecte n’est un que dans l’absolu. L’un est la divinité à l’état pur et il nous est impossible de le concevoir sinon comme résultante du deux devenant trois [3].

    Le Grand Architecte sera donc symbolisé entre le Compas et l’Equerre soit comme œil créateur, œil mesureur, soit comme étoile, synthèse morphologique de l’Equerre et du Compas. L’Equerre et le Compas symbolisent d’une part la Terre et le Ciel. Le symbole de l’œil associé à l’Equerre et au Compas est passage de la vision à la forme   le cercle pour le Compas et le carré pour l’Equerre. L'œil créateur est présent dans beaucoup de cosmogonies ».

    Souvent placé au centre de l’Orient et situé au-dessus du Vénérable Maître, le Delta lumineux est la représentation symbolique la plus significative d’un des aspects du principe : c’est l’œil qui voit tout.

    Il s’agit bien évidemment d’un œil frontal, qui correspond au troisième œil, œil du cœur, celui du Grand Architecte de l’Univers, symbole d’omniscience, mais aussi œil d’une conscience intérieure qui est, par reflet, symbole d’une conscience supérieure.

    C’est encore un symbole de vigilance et de clairvoyance qui permet de discerner la réalité de l’illusion. Il symbolise la conscience en permanence en éveil. Cet œil central dans le Delta remplit une position centrale, non seulement dans le triangle, mais aussi par rapport au soleil et à la lune.

    L’œil frontal est un symbole de transcendance.

    Si la représentation du Delta dans son ensemble est considérée comme une représentation du Principe, il est aussi un symbole d’équilibre.

    Cet œil est non seulement celui de la Connaissance, mais aussi d’une conscience éveillée, apte à transcender les contingences de toutes sortes, indispensable à toute vraie élévation spirituelle.

    « Le mariage maçonnique du cercle (Compas) et du carré (Équerre) engendre l’Etoile à cinq pointes, symbole de l’homme divinisé.

    Il s’ensuit que le Grand Architecte de l’Univers est à la fois le cercle de la totalité vide contenant l’œil de la vision et la triade créatrice, la tri-unité, capable d’inscrire l’esprit dans la manifestation visible par l’étoile imprimée dans la pierre. Cette pierre que le Maître devra travailler avec les outils du nombre et de la forme, l'Équerre et le Compas. Telles sont les bases de cette étonnante cosmogonie opérative ».

    René Guénon [4]  indique que la pierre cubique à pointe, considérée sous l’angle de la géométrie plane à deux dimensions, est susceptible de comporter 26 points de façon harmonique et ordonnée, c’est-à-dire la valeur numérique des lettres formant le tétragramme hébraïque (Jod – Hé – Vaw – Hé) qu’il définit comme l’un des noms du Grand Architecte de l’Univers (traduit maladroitement par les chrétiens par « Yahvé » ou « Jéhovah » [5]).

    « Le concept du Grand Architecte de l’Univers est donc celui d’un principe créateur en action dans sa création. Il construit sur terre un devenir de Lumière, une cathédrale intemporelle ».

    Le rituel d’Initiation mène le postulant à sortir progressivement des Ténèbres pour l’amener graduellement à la découverte de la Lumière. Les trois voyages effectués dans la Loge constituent une préparation à cette réception essentielle.

    L’être qui frappe à la Porte du Temple est en quête de Vérité et de retour à l’Unité principielle qui correspond précisément au passage des Ténèbres à la Lumière.

    Selon Guillemin de Saint Victor, la connaissance de la Lumière signifie l’ensemble de toutes les vertus, symbole du Grand Architecte de l’Univers.

    « Le Grand Architecte de l’Univers est trois et sa triade est opérative. Cela veut dire que l’homme initié participe à la dilatation de l’esprit dans l’inconscience du temps. Ou comme l’explique aussi J. Servier dans « L’Homme et l’invisible », que « le seul secret pour l’homme est la volonté d’inscrire sur terre le nom divin en nombre d’homme ». Et pour ce faire, il doit accepter sa condition, d’autant que sa condition est exceptionnelle puisqu'il peut participer à l’œuvre de création en multipliant l’esprit Un dans la matière et le temps, pour participer à la montée universelle de la conscience ».

    Telle semble, pour Julien Behaeghel, la vraie raison d’être de l’Initiation et du symbole : participer volontairement et consciemment à la montée de la conscience. Cela est du reste confirmé par la totalité de la mythologie. L’homme n’a qu’un seul objectif ici-bas : découvrir sa substance éternelle.

    Multiplier l’esprit dans le temps implique obligatoirement de refaire les gestes du Démiurge, c’est-à-dire refaire les signes, redessiner le plan, prononcer, après lui, le nom et le nombre.

    Le Grand Architecte se place dans la lignée des grands fondateurs de l’humanité. En fait il les rassemble tous dans une même symbolique, dans une même essence. Il est un transformateur de matière en lumière avec la différence, par rapport à Osiris, Dionysos, Shiva ou le Christ, que sa transformation est entre les mains de l’homme. C’est l’homme qui accepte de recevoir les outils du ciel et de les utiliser pour construire sur terre une cité nouvelle, calquée sur l’image qui nous est restée de notre passage dans l’Eden. Nous avons en nous l’archétype de la cité de lumière, et il nous appartient de la ressusciter entre Équerre et Compas, c’est-à-dire en lui imprimant notre sensibilité et notre créativité humaines.

    Il ne faut pas confondre le Grand Architecte avec un Dieu anthropomorphe ou appartenant à une religion dogmatique. Le Grand Architecte est l’initiateur du plan. Il est la totalité de tous les tracés possibles.

    Quelques réflexions

    L’invocation du Grand Architecte de l’Univers, au début et à la fin des Travaux en Loge, constitue une notion essentielle à laquelle certains Maçons n’accordent pas toujours assez d’attention pour en ressentir une véritable résonance en eux. Elle contient une vérité qui nous éclaire sur le sens de notre démarche. La pensée maçonnique écossaise affirme reconnaître l’existence de valeurs morales telles que la liberté, la justice, la fraternité, mais aussi celle de valeurs éternelles de l’Esprit incarné dans l’homme telles que l’amour inconditionnel, l’équité, l’acte juste.

    Tout cela est contenu dans la notion de Grand Architecte de l’Univers qui ne peut être un dogme, ni une loi exotérique car la recherche transcende la vie courante, la vie matérielle, le domaine spatio-temporel. Le mystère de l’Etre en nous se fait plus présent.

    Que l’on accepte ou non qu’il puisse exister un principe organisateur, c’est sur la compatibilité entre le monde inanimé et notre conscience que l’on ne peut qu’être d’accord. L’Initiation apprend à l’homme à ne pas se laisser accaparer par l’apparence des choses. Derrière ce qui est apparent se cache le sens réel des choses, et c’est cette recherche qui constitue la « quête » maçonnique que nous appelons la recherche de la Vérité ou la voie de la Connaissance. Le but de l'Initiation maçonnique, c’est passer de la vérité que l’on croit détenir à la vérité que l’on est. Par l’apport de ses rituels, la Franc-maçonnerie donne la possibilité à chacun de se dépasser et d’accéder à un niveau supérieur.

    Le Grand Architecte de l’Univers n’est ni une image anthropomorphe, ni un dieu voyeur qui nous suit partout, ni une idole, ni un objet de croyance, ni un dogme. C’est une idée qui a valeur d’analogie. C’est l’émanation d’un principe, d’une source d’énergie et de lumière. C’est la Parole, au sens d’une intelligence créatrice qui  nous dépasse et que nous portons en nous, que nous cherchons à expérimenter.

    Alors, « travailler à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers » ne revient-il pas à exprimer une grande espérance et souhaiter que cette source d’énergie et de Lumière éclaire les échanges entre les hommes ?

    Quant au mot « gloire », je pense le comprendre comme le poids d’une présence invisible mais réelle, souvent décrite dans la Bible comme la Lumière, symbole de Connaissance suprême.

    Puisque la Loge se réunit en son nom, elle souhaite que le Grand Architecte de l’Univers en tant que « symbole de réalité ultime » éclaire ses travaux et oriente les pensées de tous les Frères qui y participent. Rendre gloire, c’est alors replacer les choses et les êtres dans l’ordre universel, à la source de la Lumière éternelle. Tel est le sens que je donne à nos travaux en Loge.

    Invoquer le nom du Grand Architecte de l’Univers, c’est faire mémoire qu’au milieu de notre vie ordinaire, il y a une présence qui nous fait vivre l’instant, que certains appellent éclairs de Lumière, dans un autre monde qui pourtant est déjà là.

    Le « Grand Architecte de l’Univers », est donc une notion qui me paraît essentielle du Rite auquel nous travaillons. Elle laisse à chacun de nous la plus grande liberté de pensée et n’impose aucune limite dans cette recherche de compréhension du principe de vie, non seulement de la vie physique ou de la transmission de la vie, d’une façon rationnelle, mais aussi de la vie spirituelle.

    Ce n’est pas dans la réalité apparente de notre moi que nous trouverons les fondements de notre être et de notre devenir mais dans le symbole du Grand Architecte de l’Univers perçu, non comme un être mystérieux qui préside d’une façon lointaine à la destinée du monde, mais comme une énergie créatrice universelle à la fois transcendante et immanente qui l’habite et lui fait prendre conscience de la réalité intérieure du souffle qui l’anime. Dès lors, la vie spirituelle est une manière d’être face à l’absolu qui est au fond de nous-mêmes et des autres.

    Ma conclusion provisoire

    Depuis l’époque où ont été écrits les Manuscrits Dumfries, le Masonry Dissected de Prichard puis les Constitutions d’Anderson, la Franc-maçonnerie travaille « à la gloire du Grand Architecte de l’Univers » et exige de ceux qui veulent participer à ce travail la croyance en Dieu et en sa volonté révélée. C’est le premier et le principal des « Landmarks » qui définissent la régularité. Supprimer cette exigence, sous prétexte d’associer à l’œuvre maçonnique les hommes de bonne volonté qui ne partagent pas cette croyance, c’est ruiner les fondements de cette œuvre et en dénaturer l’esprit.

    On peut en dire autant de l’attitude qui consiste à conserver la formule du Grand Architecte de l’Univers mais à la vider de son contenu en considérant que chacun peut y mettre ce qu’il veut.

    Vue dans la perspective de l’authentique tradition maçonnique, l’appellation « Grand Architecte de l’Univers » est, au contraire, pleine d’un sens très précis et très riche.

     R:. F:. A. B.

     


    [1] Il serait plus judicieux d’affirmer l’essence de Dieu.

    [2] Jean, I, 1 - 5

    [3] Dans la pensée chinoise, le premier nombre manifesté est le trois.

    [4] Guénon René – Symboles fondamentaux de la Science sacrée - Chapitre XIV – la Tétractys et le carré de quatre - p. 129 et 130

    [5] Pour rendre à Dieu son nom véritable, André Chouraqui utilise dans ses ouvrages une sorte de petit logo traduisant fidèlement le Tétragramme sacré qui, par essence, est ineffable – un nom qui, par définition, appartient au silence : I HV Helohim  (HV étant équivalent à Adonaï)


    Bibliographie

    Behaeghel JulienSymboles et initiation maçonnique

    Editions du Rocher, Monaco, 2000 - page 41 à 50

     

    Dangle PierreLe livre de l’Apprenti

    Editions « La Maison de Vie », Fuveau, 1999 - pages 37 à 41

     

    Ducluzeau Francis - Ethique, sagesse et spiritualité dans la Franc-maçonnerie

    Editions du Rocher, Monaco, 2002 - pages 133 à 142

     

    Maisondieu Edouard - A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers

    In Dictionnaire thématique illustré de la Franc-maçonnerie

    Editions du Rocher, Monaco, 1993 - pages 133 à 142

     

    Mainguy Irène - La symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2001

    pages 30, 79, 84, 108, 118, 152, 200, 239, 255, 319,

    376, 382, 386 à 388, 397, 410, 412, 414, 433, 448

     

    Pour aller plus loin

    Bergson H. - L’Evolution créatrice

    Editions Albert Skira, Genève, 1945 - page 70

     

    de Saint Victor Guillemin - Recueil de la Maçonnerie adonhiramique

     

    Ligou Daniel

    Article « Grand Architecte de l’Univers »

    Dictionnaire  de la Franc-maçonnerie

    Editions P.U.F., Paris, 1987 - pages 65 à 71

     

    Hani JeanLe symbolisme du temple chrétien

    Editions Trédaniel, Paris, 1978

     

    Guénon René - Les symboles fondamentaux de la science sacrée

    Editions Gallimard, Paris, 1962

     

    Guénon René - Etudes sur la Franc-maçonnerie et le compagnonnage

    Editions Traditionnels, Paris, 1973

     

    Le Régulateur du Maçon - 1801

    Heredon, Les Rouyat reprint - page 433

     

    Bayard Jean-PierreLa spiritualité de la Franc-maçonnerie

    Editions Dangles, Saint Jean de Braye, 1982 - pages 216 et 264

     

    Benoist LucLe Compagnonnage et les métiers

    Que sais-je ? - P.U.F., Paris, 1980 

     


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  •  Approche de l’opéra « La Flûte enchantée » 

    Présentation succincte

    « La Flûte enchantée »,  dont le titre original en allemand est Die Zauberflöte, est une œuvre musicale pour le théâtre, mi-chantée, mi-parlée. Le livret en deux actes a été écrit par Emanuel Schikaneder et la musique composée par Wolfgang Amadeus Mozart.

    La première représentation eut lieu le 30 septembre 1791 dans les faubourgs de Vienne, au théâtre de Schikaneder « auf der Wieden », petite salle en bois fréquentée par un public plus populaire que celui d'une salle d'opéra habituelle.

    C'est dans cet opéra que l'on entend le célèbre air de la Reine de la Nuit : « Der Hölle Rache kocht in meinem Herzen ». Du fait de son succès, la 100ème représentation fut déjà atteinte un an plus tard !

    Structure de l’opéra

    L'œuvre est divisée en une ouverture et deux actes, chacun subdivisé en une série de huit et treize tableaux. C'est une succession d'arias (airs chantés par un  chanteur en solo), de duos, de trios, de quintettes parfois avec chœur, et entrecoupée de textes parlés. La « Marche des Prêtres « (Acte II, n° 9) n'est pas chantée, comme une sorte d'ouverture au début du deuxième acte. Les finales de chaque partie (Acte I, n° 8 / Acte II, n° 21) réunissent l'ensemble des personnages déjà présentés.

    Le thème

    « La Flûte enchantée » est le dernier opéra joué du vivant de Mozart. Lorsqu'il compose cette œuvre, cela fait plusieurs années qu’il a cessé d’être « à la mode » et réussit alors laborieusement à vivre de sa musique. Pourtant, il crée là l’une de ses œuvres majeures. Pour rédiger le livret de ce « singspiel » (opéra allemand où passages parlés et passages chantés sont alternés), Mozart s’adresse à Emanuel Schikaneder, comédien, metteur en scène et directeur du Theater « auf der Wieden » de Vienne. Grâce à cette association naît une histoire qui se situe à mi-chemin entre le conte de fées et la fable symbolique. « La Flûte enchantée » représente d’ailleurs l’opéra maçonnique par excellence, que seuls les initiés parviendraient à décrypter. En effet, Mozart aurait été initié en 1784. C’est pourquoi les épreuves que doit relever Tamino rappellent sans conteste l’initiation du futur Franc-maçon, de même que les oppositions Lumière / Nuit – Bien / Mal…

    « La Flûte enchantée » possède les divers éléments du conte de fées traditionnel : le jeune héros, après une suite d’obstacles, retrouve – et délivre – sa bien-aimée. C’est aussi et surtout le récit d’un voyage initiatique au terme duquel, après de nombreuses épreuves, les héros triomphent du mal. En outre, la quête des héros est aussi celle de l’amour puisque Tamino et Papageno trouveront, à la fin de leur aventure, leur idéal féminin. Amour et recherche de la sagesse sont donc deux des points essentiels présents dans « la Flûte enchantée ». Pour traiter ces thèmes, l’œuvre opère un incessant va et vient entre gravité et comique (interventions de Papageno). « La Flûte enchantée » peut être analysée à la lumière des symboles maçonniques, omniprésents.

    Tentative de compréhension de l’histoire

    Ouverture

    Dans une simplicité à la fois profonde et déjà presque surnaturelle, c'est par un enchaînement ascendant de trois accords, entrecoupés de courts silences, que débute son premier volet, joué adagio. Eux-mêmes répétés trois fois chacun lorsqu'ils sont repris plus loin (à peu près à mi-parcours de cette ouverture), ils avertissent de la solennité d'une œuvre qui mêlera la gravité et l'humour. Ces accords rappellent aussi les coups frappés à l'entrée de la Loge maçonnique et rendent ainsi manifestes les trois points de la Franc-maçonnerie (voir le chapitre Analyse esthétique). En effet, Mozart, qui était franc-maçon, avait décidé de faire l'apologie de cet ordre initiatique, dans une œuvre qui lui est entièrement consacrée.

    L'allegro qui succède sans interruption à cet adagio expose un thème vif, léger et joyeux sans être désinvolte, sachant aussi devenir majestueux et porteur d'une tension dramatique : il est d'abord exposé aux violons, avant de nourrir toute la polyphonie. L'ouverture de « la Flûte enchantée » est en effet la seule de tous les opéras de Mozart (et une des rares, sinon la seule de l'époque classique) qui présente un fugato développé, après un premier épisode plus lent et solennel. Elle se rattache ainsi, à sa manière, à l'ouverture à la française de l'époque baroque. Mais son second épisode se rattache également (et encore plus sûrement) à l'allegro de sonate. Selon Jean-Victor Hocquard : « Il ne s'agit pas ici d'une fugue à proprement parler, mais d'un mouvement de sonate qui adopte par moments le style fugué. Exemple frappant de la synthèse, caractéristique du dernier Mozart, entre l'écriture contrapuntique et le langage thématique ». C'est ainsi qu'après le rappel des accords initiaux, à peu près au centre de l'allegro, l'écriture fuguée reprend, un peu plus longuement que la première fois.

    La brève coda est immédiatement suivie du premier acte.

    Acte I

    Égaré en voyage dans un pays inconnu, le prince Tamino est attaqué par un serpent (en allemand « Schlange »). Alors qu'il s'évanouit, sûr de mourir, il est sauvé par les trois dames d'honneur de la Reine de la nuit. Pendant que le prince est encore évanoui, les trois dames chantent la beauté du jeune homme.

    Elles décident d'aller porter la nouvelle à leur reine, mais chacune d'elles veut rester près de Tamino proposant aux deux autres de porter le message. Après s'être disputées, elles disparaissent. Le prince se réveille et voit le corps inanimé du monstre. Se demandant s'il a rêvé ou si quelqu'un lui a sauvé la vie, il entend soudain un air de flûte de Pan (Faunenflötchen, ou Waldflötchen : petite flûte de la forêt). Il se cache et voit arriver Papageno l'oiseleur. Au cours de leur premier dialogue, Papageno se vante d'avoir tué le serpent. Les trois dames réapparaissent et le punissent de ce mensonge en lui donnant de l'eau à la place du vin et une pierre à la place du pain sucré qu'elles lui donnent d'habitude. Pour finir, elles le réduisent au silence en lui fermant la bouche avec un cadenas d'or.

    Les trois dames révèlent à Tamino qu'elles lui ont sauvé la vie. Elles lui parlent ensuite de Pamina, la fille de la Reine de la nuit. Elles lui montrent son portrait, et disparaissent. À la vue du portrait, Tamino tombe amoureux de la jeune fille et songe au bonheur qui l'attend. Réapparaissent les trois dames qui lui disent de qui Pamina est prisonnière. Aussitôt, Tamino veut la délivrer. La Reine de la nuit apparaît alors dans un grondement de tonnerre et lui narre son désespoir de voir sa fille prisonnière (c'est l'air « O zittre nicht, mein lieber Sohn »). Elle dit finalement à Tamino que si elle le voit revenir vainqueur, Pamina sera sienne pour l'éternité. Puis elle disparaît. Tamino s'interroge alors sur ce qu'il a vu et prie les Dieux de ne pas l'avoir trompé.

    Apparaît alors Papageno, triste de ne plus pouvoir parler. Les trois dames réapparaissent et le libèrent de son cadenas, en lui faisant promettre de ne plus mentir. Elles remettent également à chacun un instrument qui leur est envoyé par la Reine. Tamino se voit offrir une flûte enchantée, tandis que Papageno reçoit un carillon magique. Ces instruments les aideront à triompher des épreuves qui les attendent. Les deux hommes partent en quête de Pamina chacun de son côté.

    Dans le palais de Sarastro, le serviteur maure Monostatos poursuit désespérément Pamina de ses assiduités. Survient Papageno. Le Maure et l'oiseleur se trouvent face à face. Chacun effraie l'autre, croyant être en présence du Diable. Monostatos s'enfuit, et Papageno se trouve seul avec Pamina. Il lui révèle alors qu'un prince va venir la délivrer, en ajoutant que le prince est devenu follement amoureux d'elle sitôt qu'il a vu son portrait. Pamina lui fait un compliment sur son grand cœur. Touché par ces paroles, Papageno raconte alors sa tristesse de ne pas encore avoir trouvé sa Papagena. Pamina le réconforte, et la princesse et l'oiseleur s'accordent pour chanter la beauté de l'amour avant de fuir.

    Pendant ce temps, Tamino est conduit vers les trois temples de la Sagesse, de la Raison et de la Nature par trois génies qui lui recommandent de rester « ferme, patient et discret ». Après que Tamino s'est vu refuser l'entrée des deux premiers temples, un prêtre s'adresse à lui pour lui expliquer que Sarastro n'est pas un monstre comme la Reine de la nuit le lui a décrit, mais qu'il est au contraire un grand sage. Tamino, saisi par la solennité de la cérémonie, veut la comprendre et se met à poser des questions aux prêtres. Il saisit sa flûte magique et en accompagne son chant. Il se retrouve alors entouré de bêtes sauvages sorties de leur repaire, et qui viennent se coucher à ses pieds, charmées par le son de l'instrument. Seule Pamina ne répond pas aux sons cristallins de la flûte, mais Papageno répond à Tamino sur sa flûte de Pan. Réjoui, le prince essaie de les rejoindre.

    De leur côté, Papageno et Pamina espèrent retrouver Tamino avant que Monostatos et ses esclaves ne les rattrapent. Les voici qui surgissent tout à coup et le Maure ordonne alors que les fugitifs soient enchaînés. Papageno se souvient alors qu'il possède un carillon magique et s'en sert pour envoûter Monostatos et ses esclaves qui se mettent à danser et à chanter avant de disparaître. Une fanfare de trompettes interrompt soudain le silence : c'est Sarastro suivi d'une procession de prêtres. Papageno tremble de peur et demande à Pamina ce qu'il faut dire. Pamina répond qu'il faut dire la vérité même s'il leur en coûte, et s'agenouille devant Sarastro. Comme elle a décidé de dire la vérité, elle explique alors à Sarastro qu'elle tente d'échapper à Monostatos. Celui-ci refait alors son apparition, traînant avec lui Tamino qu'il a capturé.

    Aussitôt qu'ils se voient, Pamina et Tamino se jettent dans les bras l'un de l'autre en présence de Monostatos et des prêtres. Ce dernier les sépare et se prosterne devant Sarastro pour ensuite vanter ses mérites personnels. Il s'attend à être récompensé, mais est au contraire condamné à recevoir soixante-dix-sept coups de fouet.

    Sarastro ordonne alors que Papageno et Tamino soient conduits au Temple des Épreuves.

    Acte II

    Sarastro annonce aux prêtres que les Dieux ont décidé de marier Tamino et Pamina. Mais auparavant, Tamino, Pamina et Papageno devront traverser des épreuves avant de pénétrer dans le Temple de la Lumière qui leur permettra de contrer les machinations de la Reine de la nuit. Sarastro prie Isis et Osiris d'accorder aux candidats la force de triompher de ces épreuves.

    Les prêtres interrogent Tamino et Papageno sur leurs aspirations. Celles de Tamino sont nobles, tandis que Papageno n'est intéressé que par les plaisirs de la vie, y compris par l'idée de trouver une compagne. Leur première épreuve consiste en une quête de la Vérité. Les prêtres leur enjoignent de conserver le silence complet et les laissent seuls. C'est alors qu'apparaissent les trois dames de la Reine de la nuit. Tamino leur oppose un silence résolu, mais Papageno ne peut s'empêcher de leur parler. Les prêtres réapparaissent pour féliciter Tamino et gronder la faiblesse de Papageno.

    Pendant ce temps, Pamina est étendue, assoupie dans un jardin. C'est alors qu'entre Monostatos, décidé à attenter à nouveau à la vertu de la jeune fille. La Reine de la nuit apparaît alors dans un coup de tonnerre, faisant fuir Monostatos. Elle donne un poignard à sa fille et la somme de tuer Sarastro, menaçant même de la renier si elle ne lui obéit pas (Air de la Reine de la nuit).

    Et la Reine de la nuit disparaît. Monostatos revient alors vers Pamina et tente de la faire chanter. Mais Sarastro apparaît et renvoie Monostatos sans ménagement. Le Maure décide d'aller trouver la mère de Pamina. Sarastro déclare alors à Pamina qu'il fera payer sa mère.

    Dans une pièce sombre, les prêtres ont une nouvelle fois demandé à Tamino et Papageno de garder le silence. Comme toujours Papageno ne peut se maîtriser et engage la conversation avec une vieille femme qui se présente à lui. Elle disparaît avant de lui avoir dit son nom.

    Pamina entre et, ignorante de leur vœu de silence, s'approche des deux hommes. Mais elle désespère de recevoir une réponse de leur part. Croyant que Tamino ne l'aime plus, elle sort le cœur brisé.

    Les prêtres réapparaissent et proclament que Tamino sera bientôt initié. Sarastro le prépare à ses dernières épreuves. Pamina est introduite les yeux bandés après qu'on lui a dit qu'elle verrait Tamino pour qu'il lui fasse un dernier adieu. Il s'agit en fait d'une épreuve et Sarastro s'applique à rassurer Pamina, mais elle est trop abattue pour comprendre le sens de ses paroles.

    Pendant ce temps, Papageno se voit accorder le droit de réaliser un vœu. Il demande un verre de vin, mais prend conscience qu'il aimerait par-dessus tout avoir une compagne. Il chante alors son désir en s'accompagnant de son carillon magique. La vieille femme réapparaît, et menace Papageno des pires tourments s'il ne consent pas à l'épouser. Il lui jure alors fidélité et elle se transforme en une jeune et belle femme. Mais un prêtre les sépare sous prétexte que Papageno ne s'est pas encore montré digne d'elle.

    Dans un jardin, les trois génies annoncent l'avénement d'une ère nouvelle, de lumière et d'amour. Ils voient soudain Pamina, agitée par des idées de suicide. Ils la sauvent et la rassurent sur l'amour de Tamino.

    Les prêtres conduisent Tamino vers ses deux dernières épreuves : celle du feu et celle de l'eau. Pamina se joint à lui, et le guide à travers ses dernières épreuves. Ils sont accueillis triomphants par Sarastro et les prêtres.

    De son côté, Papageno est toujours à la recherche de Papagena. Désespéré, l'oiseleur envisage de se pendre à un arbre. Les trois génies apparaissent alors, et lui suggèrent d'utiliser son carillon magique pour attirer sa compagne. Profitant de ce qu'il joue de l'instrument, les trois génies vont quérir Papagena et l'amènent à son amoureux. Après s'être reconnu, le couple peut enfin converser dans la joie.

    À la faveur de l'obscurité, Monostatos mène la Reine de la nuit et ses dames vers le temple pour une dernière tentative contre Sarastro. Mais le ciel est alors inondé de lumière et elles s'évanouissent dans les ténèbres ainsi que lui. Sarastro et le chœur des prêtres apparaissent pour vanter les mérites des nouveaux initiés, et louer l'union de la Force, de la Beauté et de la Sagesse (StärkeSchönheitWeisheit).

    Les airs chantés

    Acte I

    • n° 1 Introduction« Zu Hilfe! Zu Hilfe! » (Tamino, Trois dames)

    • n° 2 Aria « Der Vogelfänger bin ich ja » (Papageno)

    • n° 3 Aria« Dies Bildniss ist bezaubernd schön » (Tamino)

    • n° 4 Aria« O zittre nicht, mein lieber Sohn! » (Reine de la nuit)

    • n° 5 Quintette« Hm! hm! hm! » (Papageno, Tamino, Trois dames)

    • n° 6 Trio« Du feines Täubchen nur herein! » (Pamina, Monostatos, Papageno)

    • n° 7 Duo « Bei Männern, welche Liebe fühlen » (Pamina, Papageno)

    • n° 8 Finale« Zum Ziele führt dich diese Bahn » (Trois garçons, Tamino, Pamina, Papageno, Orateur, Monostatos, Sarastro, chœur)

    Acte II

    • n° 9 Marche des prêtres

    • n° 10 Aria « O Isis und Osiris » (Sarastro, chœur d'hommes)

    • n° 11 Duo « Bewahret euch vor Weibertücken »(Deux prêtres, Orateur)

    • n° 12 Quintette « Wie? Ihr an diesem Schreckensort? » (Trois dames, Tamino, Papageno)

    • n° 13 Aria « Alles fühlt der Liebe Freuden » (Monostatos)

    • n° 14 Aria « Der Hölle Rache kocht in meinem Herzen » (Reine de la nuit)

    • n° 15 Aria « In diesen heil’gen Hallen » (Sarastro)

    • n° 16 Trio « Seid uns zum zweitenmal willkommen » (Trois garçons)

    • n° 17 Aria « Ach, ich fühls, es ist verschwunden » (Pamina)

    • n° 18 Chœur des prêtres « O Isis und Osiris, welche Wonne! » (chœur d'hommes)

    • n° 19: Trio « Soll ich dich, Theurer, nicht mehr seh’n? » (Pamina, Tamino, Sarastro)

    • n° 20: Aria « Ein Mädchen oder Weibchen » (Papageno)

    • n° 21: Finale « Bald prangt den Morgen zu verkünden » (Trois garçons, Pamina, deux hommes en armure, Tamino, Papageno, Papagena, Monostatos, Reine de la nuit, Trois dames, Sarastro, chœur)

    Instrumentation de « La Flûte enchantée »

    Quels sont les instruments de musique utilisés dans cet opéra ?

    • un ensemble d’instruments à cordes : les premiers violons,les seconds violons, les altos, des violoncelles, des contrebasses ;

    • un ensemble de « bois » : deux flûtes, l'une jouant aussi du piccolo ; deux hautbois ; deux clarinettes jouant aussi du cor de basset ; deux bassons ;

    • un ensemble de « cuivres » : deux cors, deux trompettes ; trois trombones (alto, ténor et basse) ;

    • des percussions: deux timbales, un glockenspiel.

    L’orchestration de l’opéra

    C'est un orchestre symphonique classique qui sert de base à l'instrumentation de « la Flûte enchantée », une des flûtes jouant le piccolo, les clarinettes, dans différents tons comme les trompettes, jouant elles du cor de basset cher à Mozart dans ses musiques de chambre pour vents.

    À noter l'utilisation de plus en plus fréquente des trois trombones (alto, ténor et basse) et, dans l'avant-dernier numéro (Acte II, no 20), la présence du glockenspiel fréquemment remplacé par un célesta confié à un pianiste (arpèges très virtuoses en accompagnement du couplet final). Dans l’aria « Der Vogelfänger bin ich ja » (Acte I, n° 2), Papageno doit jouer de la flûte de Pan, le plus souvent doublée par le piccolo de l'orchestre ou parfois par une flûte à bec.

    Tentative d’analyse esthétique

    Combat de la lumière contre la nuit, les illusions et les tromperies permettent l'instauration d'un ordre nouveau, héritant de l'ordre ancien et des Lumières. Le bien, symbolisé par l'amour trouvé par les personnages, triomphe.

    Le choix de la flûte repose sur le fait que cet instrument est symbole d'air, fabriqué sous l'averse (symbole d'eau) au bruit du tonnerre (symbole de la terre) et à la lueur des éclairs (symbole du feu). Le pouvoir magique de cette flûte vient du fait qu'elle réunit les quatre éléments primordiaux en elle.

    La hiérarchie des rôles principaux est faite de complémentarités :

    Soleil – Lune

    • Sarastro est le symbole statique de l'homme, du bien, il ne connaît pas la passion. Il garde le domaine de l'Esprit en ayant succédé au père de Pamina qui en était le Maître. Il est symbolisé par le Soleil. Il est inspiré du personnage de Zoroastre.

    • La Reine de la nuit est le symbole de la révolte de la femme contre la suprématie de l'homme. La Reine de la Nuit est le symbole de l'ignorance et des superstitions. Passionnée, elle apparaît comme manipulatrice et prêt à tout pour arriver à ses fins. Elle est symbolisée par la Lune. Elle ne représente pas le mal en soi, mais plutôt, la passion non raisonnée, l'ignorance, les superstitions et les mauvais sentiments.

    Feu - Eau

    • Tamino est destiné à former le couple dans la plus haute acception du terme grâce à l'amour lui faisant surmonter les épreuves de l'initiation. Il est symbolisé par le feu et joue de la flûte magique.

    • Pamina est complémentaire de Tamino en étant le moteur de leur initiation commune. Elle change de monde en passant du règne de la Nuit à celui du Soleil par l'amour et par l'initiation. Elle est symbolisée par l'eau.

    Air – Terre

    • Papageno, figure l'humanité « ordinaire » pleine de bonne volonté mais sans courage et sans intelligence. Il est donc « indigne » d'être initié. Il est au service de la Reine de la Nuit mais son voyage avec Tamino lui permet de passer dans le règne du jour. Il est symbolisé par l'air. Son nom, et celui de « Papagena », sont fondés sur le mot allemand « Papagei » qui signifie « perroquet ». C'est pour cette raison que leur costume est couvert de plumes multicolores.

    • Monostatos le Maure est le seul homme du Royaume de la nuit après sa trahison (il fait le chemin inverse de Papageno). Sa noirceur de Maure est liée à son état civil traditionnel des gardiens d'esclaves. Elle évoque aussi l'obscurité de la Terre qu'il symbolise.

    En faisant abstraction des étiquettes (nuit, lumières, etc.), la trame apparaît complexe, mêlant des éléments classiques et d'autres plus originaux. On y voit notamment :

    • une puissance (la reine) qui demande l'aide de quelqu'un qui n'est pas encore armé, et auquel elle fournit les instruments du succès ; devenu prince victorieux, il la supplante ;

    • un homme (le prince) qui échappe à sa condition de serviteur en conquérant pour son propre compte ce qu'il avait pour mission de reprendre, et en exploitant intelligemment une idéologie à laquelle il se soumet en apparence (l'histoire ne dit pas s'il le fait réellement) ;

    • un homme (le prince) et la femme qu'il aime qui traversent victorieusement des épreuves initiatiques, apprennent à se maîtriser (cacher leurs sentiments, etc.) et par là conquièrent le monde (l'amour, le trône) ; un autre homme (le serviteur) et la femme qu'il aime agissent naïvement et se font conquérir ;

    • un penseur, philosophe, qui instruit le chevalier pour faire triompher la Lumière et la Sagesse, fonde grâce à lui une domination légitime, de sorte que le monde retournera à l'équilibre (comme du temps où le père de Pamina et mari de la Reine de la Nuit régnait avant Sarastro) ;

    • une révolution où tout est changé : au début de cet opéra, tout est chaos et lutte entre la Reine de la nuit et Sarastro. Par la double initiation de Tamino et Pamina, la force et la noblesse du couple ayant vaincu les obstacles, la Beauté et la Sagesse sont couronnées pour l'éternité, la terre devient un royaume céleste et les mortels sont semblables aux dieux.

    Les thèmes abordés dans cet opéra sont pour beaucoup empruntés au rituel d'initiation de la Franc-maçonnerie dont Mozart et le librettiste Emmanuel Schikaneder faisaient partie bien que, pour Schikaneder, celui-ci en ait été chassé, n'ayant jamais dépassé le grade de Compagnon. Le parcours initiatique de Tamino et Pamina (voués au dieu Min) dans le Temple de Sarastro est inspiré des cérémonies d'initiation maçonnique au sein d'une Loge.

    Dans son ouvrage «  La Flûte enchantée, opéra maçonnique » (Editions Robert Lafont), le musicologue Jacques Chailley explore les riches allusions musicales aux symboles maçonniques. Rien que dans les premières notes de l'ouverture, on reconnaît le rythme 5 (-/--/--) symbolisant les femmes puis se succèdent trois accords, chacun répété trois fois, dans une tonalité en mi bémol majeur comportant trois bémols à la clef. On peut y voir une allusion au Nombre de l'Apprenti [1], symbolisant l'harmonie de la trinité Osiris, Isis et Horus, assurant l'unité et l'équilibre du monde.

    Mozart, Franc-maçon dévoué à l'initiation, décide d'écrire une œuvre retraçant les grands mystères et célébrant enfin les noces alchimiques annoncées dans les opéras initiatiques que sont « Les Noces de Figaro », « Don Juan » et « Cosi fan tutte ».

    Le compositeur rêve de ressusciter l'initiation égyptienne perdue et si importante à ses yeux pour la paix du Monde. Il veut redonner la place aux femmes, oubliées et pourtant au centre des croyances initiatiques. Certains observateurs estiment que le génie de Mozart s'exprime pleinement dans cet opéra qui atteint une perfection inégalée auparavant parce qu'il transporte l'auditeur au sein d'un rituel initiatique.

    Un peu avant la fin de l'initiation, dans la troisième scène du « Finale » (acte 2, vingt-huitième entrée), au moment où Tamino est conduit au pied de deux très hautes montagnes par deux hommes en armure, Mozart fait aussi entendre le choral luthérien « Ach Gott, vom Himmel sieh darein » (Ô Dieu, du ciel regarde vers nous). Il est traité en choral figuré, chanté par les deux voix d'hommes en cantus firmus sur les mots « Der, welcher wandert diese Strasse voll Beschwerden, wird rein durch Feuer, Wasser, Luft und Erden,… » (Celui qui chemine sur cette route pleine de souffrances sera purifié par le feu, l'eau, l'air et la terre…) : s'élevant en valeur longues au-dessus d'une polyphonie en contrepoint, à l'orchestre. Ce choral rappelle la manière d'un Jean-Sébastien Bach.

    Quelques mots à propos de la création de cet opéra

    « La Flûte enchantée » est le prolongement d’une collaboration de Mozart avec la compagnie du Theater « auf der Wieden », un nouveau théâtre dans les faubourgs de Vienne, dirigé par Emanuel Schikaneder. L’empereur Joseph II autorise à cette époque l’ouverture de théâtres libres dans lesquels sont représentées des œuvres en langue allemande.

    Cela explique sans doute pourquoi, après le succès mitigé de Don Giovanni (Don Juan), des Nozze di Figaro (Les Noces de Figaro) et de Cosi fan tutte, dans le domaine de l’opéra italien aristocratique, Mozart accepte la proposition que lui fait Schikaneder d’écrire à nouveau un « Singspiel » à la manière populaire de son théâtre avec des effets spéciaux et de la magie, d’autant plus populaire qu’il sera écrit dans une langue intelligible par tous et s’adressera à toutes les classes sociales.

    La salle de spectacle n'est pourtant pas un théâtre de deuxième ordre, comme on l’a souvent affirmé: elle dispose au contraire d’importantes ressources techniques, qui ont permis les nombreux effets spéciaux et changements de décor qui abondent dans « la Flûte enchantée » et déterminent sa structure dramaturgique.

    L’opéra relève en effet de l’esthétique du merveilleux et du spectaculaire propre au monde germanique, ce que remarquera Weber, ainsi que Wagner. Ainsi qu'il est apparu depuis peu, selon « l'Avant-scène opéra », Schikaneder faisait participer tous ses collaborateurs à ce qui était un travail de groupe, groupe auquel s'est joint Mozart, pour sa plus grande satisfaction, dans le but de divertir et de surprendre par des apparitions. C'est là qu'est l'originalité de la « Flûte ». Schikaneder a mis en scène d'une manière originale, la sienne, un conte de Wieland, « Lulu oder die Zauberflöte » (1786), qui est un conte de fée et y a ajouté des éléments d'une Initiation à la Franc-maçonnerie, mélangeant les genres « buffa » et « séria » (l'air de la Reine de la nuit), avec éclectisme.

    « La Flûte enchantée » est, d’après le musicologue Alain Patrick Olivier, une œuvre collective résultant de la collaboration de Mozart avec la plupart des autres participants avec lesquels il entretenait des liens familiaux, fraternels ou idéologiques.

    L’œuvre serait la réalisation en acte d’un principe maçonnique fondamental consistant à réaliser en commun un travail à destination spirituelle.

    Le travail n’obéissait pas alors à une division stricte et la notion d'auteur comme génie propagée par le romantisme, justement à propos de Mozart, n'avait pas encore cours. Mozart a participé lui-même activement à l’écriture du livret, tandis que Schikaneder aurait composé lui-même certains numéros de musique (comme les deux airs de Papageno et le duo avec Pamina).

    La symbolique maçonnique dans « La Flûte Enchantée »

    Pour les Profanes, « la Flûte enchantée » apparaît soit comme un conte de fée ou encore comme une épopée amoureuse qui inclut le parcours d'un couple, Pamina et Tamino, vers la Connaissance, la connaissance de soi et partant celle des autres. Mais allons un tout petit peu plus loin. Comme Francs-maçons, nous pouvons y voir rapidement des liens. Tentons de déceler à présent certains éléments symboliques de l'œuvre. Il n’est pas possible de les mentionner tous car il y en a beaucoup trop.

    L'action de « la Flûte Enchantée » reprend l'affrontement des clans symbolisés par le Jour et la Nuit l'Homme et la Femme, Sarastro et la Reine de la Nuit. Ce dualisme de situations suggère d'utiliser les deux Colonnes du Temple, Jakin et Boaz, pour aborder l'aspect symbolique de l'opéra. En effet, dans le respect des diverses significations allouées aux Colonnes, tentons de répartir les éléments majeurs de l’œuvre, à savoir : les principaux personnages, les objets et les décors.

    Sur la Colonne du Sud, du côté de Jakin, peuvent prendre place SARASTRO ou le Soleil, TAMINO ou le Feu, PAPAGENO ou l'Air, l'Or de la Flûte, le Nombre 3 des batteries, la couleur rouge, la Maçonnerie masculine. Sur la Colonne du Nord, nous trouvons la Nuit ou la Reine du même nom, PAMINA ou l'Eau, MONOSTATOS ou la Terre, l'argent du Glockenspiel, le Nombre 5 des batteries, les couleurs blanche et noire, la Maçonnerie féminine ou d'adoption. Il faut souligner qu'on pourrait de la même manière répartir les éléments de la partition, à la note près dans beaucoup de cas.

    Par ailleurs, nous verrons que PAPAGENO et MONOSTATOS permuteront sur les colonnes au cours de l'action : le premier quittera le camp de la Reine de la Nuit pour rejoindre celui de TAMINO et donc de SARASTRO. Le Maure fera le trajet inverse.

    Examinons plus en détail les personnages et les objets alignés sur les Colonnes.

    SARASTRO (J) : Sarastro évoque le nom de Zoroastre l'initié. Ce nom est inspiré de ZOROASTRE ou ZARATHOUSTRA, personnage historique et légendaire. Le vrai ZOROASTRE, expert en astronomie, serait l'inventeur de la magie. Dans l'opéra, il ne connaît ni passion, ni aventures.

    Sans compagne, symbole solaire vivant, il règne sur un monde d'initiés masculins dont il veille à maintenir la suprématie sur le Monde des femmes et de la Nuit. Il a hérité des pouvoirs de l'époux décédé de la Reine de la Nuit matérialisés par un disque solaire porté en pendentif.

    La Reine de la Nuit (B) : symbole lunaire de la révolte contre le sexe fort. Sarastro est symbole statique de l'homme, du bien ; il ne connaît pas la passion. Il garde le domaine de l'Esprit en ayant succédé au père de Pamina qui en était le Maître. Il est symbolisé par le Soleil.

    TAMINO (J) : ce nom signifie « Homme consacré au dieu égyptien Min ». Il est prince, personnage de catégorie supérieure. Il subira, comme tout homme ordinaire, les épreuves de l'Initiation.

    PAMINA (B) : ce devait être TAMINA, « Femme consacrée au dieu Min ». Fille de la Reine de la Nuit, l'Initiation la fera changer d'univers. Son personnage est chargé de symboles. Pamina est l'âme de Tamino, son moteur de leur initiation commune. Elle change de monde en passant du règne de la nuit à celui du Soleil par l'amour et par l'initiation. Symbole de l'Eau.

    PAPAGENO (J) : en vieux français, le mot « Papageal » signifiait « perroquet ». Pourvoyeur des volières de la Reine et fournisseur du royaume en frivolités, il représente l'homme faible qui échoue dans sa démarche initiatique. Par construction théâtrale, il forme avec PAPAGENA le pendant au couple noble, et contribue à une fin heureuse de l’œuvre. Ce personnage avait été taillé sur mesure pour Emmanuel Schikaneder, avant tout, acteur comique.

    MONOSTATOS (B) : (en grec : l'isolé). Noir de peau, comme l'est souvent le gardien d'esclaves mais aussi la brebis « galeuse » du troupeau, l'homme entré par erreur en Franc-maçonnerie. Il rejoindra d'ailleurs le Royaume de la Nuit.

    Le noir le place sur la Colonne du Nord et l'associe au signe de « Terre ». Charnel, il appelle souvent PAMINA, dans ses assauts, ma petite colombe. Rappelons-nous que de l'arche de Noé se sont envolés un corbeau noir et une blanche colombe. Le premier, symbole du Mal, vole encore indéfiniment sans savoir où se poser. La seconde est revenue à l'arche en serrant dans son bec un rameau d'olivier, symbole de la paix.

    Monostatos semble être la contraction de « mono » (un) et de « statos » (statique, celui qui n'évolue pas...) Monostatos le Maure est le seul homme du Royaume de la Nuit après sa trahison (il fait le chemin inverse de Papageno). Sa noirceur de Maure est liée à son état civil traditionnel des gardiens d'esclaves. Elle évoque aussi l'obscurité de la Terre qu'il symbolise.

    PAPAGANA (B) : échoue dans les épreuves mais passe du physique d'une vielle femme à celui de la ravissante compagne de PAPAGENO. Du signe d'Eau, elle renverse une cruche sur ce dernier pendant son initiation.

    Les trois Dames (B) : Au service de la Reine de la Nuit, elles sont les initiées féminines de l'époque.

    Les trois enfants (J) : Pendants des trois dames dans le camp adverse, ils guident TAMINO et PAPAGENO vers le temple. Enfants, car les impétrants ne vont avoir que trois ans.

    La Flûte enchantée (J) : (on devrait dire « magique »). Elle a un rôle modeste sans rapport avec ce que le titre peut laisser espérer. Ce titre a été maintenu pour attirer le public populaire. Elle est dorée, taillée dans un arbre millénaire. Par son usage, elle est liée à l'Air ; conçue par une nuit d'orage et de tonnerre, elle est aussi proche des éléments Eau, Terre et Feu. Réunissant les quatre éléments dans sa fabrication, elle est parfaite. Mozart, qui a par ailleurs écrit beaucoup pour cet instrument, a volontairement limité son importance musicale dans l'opéra. Elle n'est utilisée par TAMINO que dans ses moments de doute et de solitude.

    Le glockenspiel (B) : pour des raisons de mise en scène, le vrai carillon reste dans la fosse d'orchestre, Sur la scène, fait de bois et d'acier, il est du signe de Terre et neutralise tous les éléments malveillants du même signe, notamment MONOSTATOS. Il attire, en revanche, PAPAGENA qui est d'un signe différent.

    Après avoir attribué aux principaux personnages et objets de l’œuvre une place dans le temple, nous pouvons avoir une lecture différente du livret qui retrace les étapes préinitiatiques et les épreuves d'une initiation commune par laquelle Mozart propose de régler le conflit entre l'Homme et la Femme. Le premier acte : Il présente les préparations individuelles aux épreuves. TAMINO : Fuyant devant le serpent, symbolisant l'éveil des sens les plus naturels, ce prince japonais, donc venant de l'Orient, là où se lève le soleil éternellement, fuit sa condition de vie. Certes armé d'un arc puissant de potentialités certaines, il est malgré tout faible sans les flèches de l'expérience. D'épuisement et de frayeur, il s'évanouit, comme tous les futurs élus à un passage de grade, à une prise de fonction dans beaucoup de religions et surtout en Franc-maçonnerie.

    Cette notion forte veut qu'on renaisse à une vie éternelle. A ce sujet, Mozart écrivit à son père mourant : « Comme la mort est le vrai but de notre vie, je me suis tellement familiarisé, depuis quelques années (depuis son entrée en Maçonnerie, avec cette véritable et excellente amie que son visage non seulement n'a plus rien d'effrayant pour moi, mais m'apparaît comme très apaisant et très consolant ».

    Mozart reconnaît avoir reçu de la Maçonnerie un réconfort bien plus puissant que celui de l'Eglise face à la question de la mort. Il fait dire à SARASTRO que si TAMINO meurt dans les épreuves, il lui sera donné de goûter les joies divines auprès d'lsis et d'Osiris. TAMINO subit donc une première transformation. Quant au serpent, il est tué et découpé en trois morceaux par trois Dames avec une arme en argent.

    Il faut rappeler que l'Initiation dans les Loges d'Adoption demande à l'impétrante de tenir un serpent, instrument de la tentation dans le jardin de l'Eden. Les trois Dames représentent la Maçonnerie féminine de l'époque. Elles sont toujours voilées car, imparfaitement initiées, elles ne peuvent avoir une vision correcte du monde extérieur. A son éveil, TAMINO découvre à son chevet PAPAGENO.

    Les trois Dames, après avoir longuement chanté la beauté du jeune homme sont parties rendre compte à la Reine de la Nuit. PAPAGENO est du signe d'Air, complémentaire au signe de Feu de TAMINO.

    Ayant menti en se déclarant le vainqueur du serpent, il est, au retour des trois Dames, muselé d'un cadenas comme l'est aussi l'impétrante lorsqu'on lui plaque sur les lèvres la truelle du sceau de la discrétion. Les trois Dames, renonçant à toute aventure galante avec TAMINO, lui proposent de libérer PAMINA, fille de la Reine de la Nuit et retenue prisonnière par SARASTRO, le Maître du Royaume Solaire. Elles lui donnent un portrait de PAMINA dont TAMINO tombe aussitôt amoureux. PAPAGENO doit l'accompagner dans cette mission.

    PAMINA : après son enlèvement au milieu de cyprès, le sombre destin préfiguré par ce cadre mortuaire semble se poursuivre. Elle est sous la garde du perfide et charnel MONOSTATOS dont le signe de Terre est complémentaire du signe d'Eau de sa prisonnière.

    En conformité avec son signe d'Eau, nous apprenons qu'elle a tenté de fuir par un canal. Elle a échoué, insuffisamment préparée aux épreuves de la vie. Rattrapée par son gardien, comme TAMINO, elle s'évanouit. C'est ainsi que nous la découvrons en scène. Subissant aussi une « transformation », elle est également rappelée à la vie par PAPAGENO qui lui décrit TAMINO et annonce qu'il est en route pour la délivrer.

    Dans un touchant parallélisme, elle tombe amoureuse du jeune homme à l'écoute de sa description. Il est indiqué à TAMINO par trois jeunes garçons qui prennent la relève des trois Dames après la préparation. Ces enfants symbolisent par leur jeunesse la possibilité de grandir en connaissance pour devenir des hommes sages. Ils guident TAMINO jusqu'à la porte du temple. Pas mieux que ne l'auraient fait trois enquêteurs. A la porte Nord du temple, du côté obscur, un vieux prêtre l'accueille et va le faire passer sous le bandeau.

    En effet TAMINO explique sa mission mais se heurte au calme du prêtre qui se contente de rectifier la sombre description faite de SARASTRO. Il apprend à TAMINO que pour entrer dans le temple, il doit subir les épreuves d'une initiation. Une décision à ce sujet lui sera bientôt communiquée. Se retrouvant seul à l'extérieur du palais et décontenancé, il joue de la flûte. PAPAGENO, du signe d'Air, lui répond aussitôt.

    Il vient d'échapper avec PAMINA, à MONOSTATOS en jouant du glockenspiel. L'instrument en argent, du signe de Terre, a repoussé le gardien du même signe. Dans cette fuite, PAMINA a demandé la protection de SARASTRO entreprenant ainsi une démarche vers l'initiation, parallèle à celle de TAMINO.

    SARASTRO décide alors de ne pas libérer PAMINA, de punir MONOSTATOS et de proposer au conseil l'initiation du couple. TAMINO, les yeux bandés, peut pénétrer dans le palais. Il traite des épreuves initiatiques au grade d'apprenti, des voyages et de la confrontation aux quatre éléments.

    En ouverture, Mozart nous montre une marche solennelle des prêtres, régulière et rythmée. Dans une allusion au rite égyptien de Memphis-Misraim, SARASTRO invoque Isis et Osiris, et adresse une prière au Grand Architecte de l'Univers. La scène se passe dans une palmeraie où les troncs sont en argent et les palmes en or. Nous savons que le palmier est une plante solaire et que les palmes sont signes de victoire, notamment sur la mort dans beaucoup de religions.

    Quant aux palmiers de l'opéra, ils nous rappellent que les hommes, les palmes d'or, sont bien sûr issus de la femme, le tronc en argent, mais finissent toujours par les dominer.

    Les trois Dames sortent de terre et tentent de faire renoncer TAMINO à l'initiation en discréditant les initiés, les prêtres. Dans ses réponses, Mozart fait dire à TAMINO ce qu'il pense des attaques publiques contre la Maçonnerie. TAMINO refuse le discours des trois Dames. Au contraire, il renforce sa détermination, il « rédige » ainsi son testament philosophique et réussit l'épreuve de la Terre.

    Sur le plan scénique, le Cabinet de Réflexion est rendu par un éclairage atténué, un décor de colonnes brisées, des débris de pyramides, des buissons d'épines et de lointains grondements de tonnerre. Au milieu de symboles de Terre : un jardin avec des bancs en gazon, des haies taillées en fer à cheval, PAMINA est endormie. Il fait nuit mais avec un ciel étoilé (le Royaume de la Nuit est là) et un clair de lune (astre féminin) soutenu.

    PAMINA dort parmi des roses semblables à celles qui ornent le sautoir de la Grande Maîtresse des loges d'adoption. PAMINA est dans le Cabinet de Réflexion, mais elle est dérangée par MONOSTATOS. Dans l'opposition de la noirceur du visage du Maure penché sur le sien baigné par la blanche clarté lunaire (le noir et le blanc sont les deux couleurs de la féminité), elle subit les assauts des forces élémentaires et instinctives de la Terre dans le Royaume de la Nuit.

    La Reine de la Nuit surgit du sol et fait fuir à l'écart le Maure. Elle tente de discréditer SARASTRO, arme sa fille d'un poignard et lui demande, dans un air célèbre, de l'assassiner sous peine de la renier en cas de refus. Le sens profond de la pièce, le conflit entre les Royaume du Jour et de la Nuit, entre l'Homme et la Femme, est clairement rappelé par les paroles. MONOSTATOS, témoin de la scène et convoitant les pouvoirs de SARASTRO matérialisés par le cercle solaire, va encourager PAMINA à réaliser ce meurtre et tenter d'abuser d'elle sous la menace de tout révéler si elle refuse.

    Arrive alors SARASTRO (le livret précise qu'il est sur un char tiré par des lions) qui fait arrêter MONOSTATOS et met fin à l'épreuve de la Terre de PAMINA. La nature de l'épreuve est annoncée par l'arrivée du char volant des trois enfants sur une musique très aérienne, fluide et sans basses. Le char est couvert de roses. Les trois enfants rendent à TAMINO et PAPAGENO leurs métaux : la flûte et le carillon. Ils apportent également un plateau chargé de victuailles et de vins.

    PAPAGENO a le tort de se jeter dessus, échouant ainsi dans cette épreuve. TAMINO, comprenant qu'on lui propose de choisir entre la chair et l'esprit, ignore cette nourriture et joue de la flûte. Il réussit l'épreuve de l'Air mais fait venir PAMINA à laquelle il ne peut adresser la parole. Il s'acquitte de son devoir de fermeté devant les femmes par deux fois : devant les trois Dames et devant PAMINA.

    On a vu qu'elle est associée à celle de TAMINO dans un rôle passif et cruel. Présentée voilée devant SARASTRO et les prêtres réservés, l'orchestre sonne alors les douze coups de Midi de l'Ouverture des Travaux…

    Seule, elle a ensuite la marche irrégulière et affolée de l'impétrant lorsqu'elle veut se poignarder devant le silence de TAMINO croyant que celui-ci ne l'aime plus. Les trois enfants retiennent son geste. Les épreuves communes de l'Eau et du Feu.

    C'est une des scènes les plus visuelles de la pièce. Elle commence avec les trois coups rituels. On entend le grondement de l'eau et le crépitement des flammes. Le décor représente deux montagnes. L'une, surmontée de nuages noirs, est recouverte par une cascade. L'autre crache du feu dans un ciel rougeoyant. Le reste de la scène est occupé par des rochers. Le rouge du feu, signe masculin, est associé au noir de l'eau, signe féminin. TAMINO est vêtu légèrement d'une tunique. Il a les pieds nus. Deux hommes en cuirasse l'encadrent. Leurs casques sont enflammés. Ils sont les gardiens du Feu et de l'Eau mais rappellent aussi par leur tenue les combats que l'Homme doit affronter. C'est l'allusion aux cliquetis des épées que nous connaissons. Il faut aussi souligner la différence de protection dont jouissent les initiés et les profanes.

    Les deux gardes lisent à TAMINO l'inscription figurant sur la tombe d'Hiram: « Celui qui s'engage sur cette route pleine de dangers sera purifié par le Feu, l'Eau, l'Air et la Terre. S'il peut surmonter la terreur de la mort, il s'élancera de la terre vers le ciel. Il sera alors en état de recevoir la Lumière et de se consacrer tout entier aux mystères d'lsis ».

    Au moment où TAMINO se dirige vers les flammes, il est rejoint par PAMINA qui veut partager avec lui les dangers du voyage. Elle révèle à TAMINO l'histoire de la flûte et l'intervention des quatre éléments dans sa conception. La Flûte change alors de dimension, de signe d'Air elle devient le symbole de la puissance divine de la musique. En jouant de l'instrument, donc en utilisant l'Air, TAMINO, signe de Feu, accompagné de PAMINA, signe d'Eau, va affronter au sein de la Terre (ils disparaissent derrière des rochers) les deux éléments de leur symbole respectif : le Feu et l'Eau. Nous sommes aussi les témoins d'une « Reconnaissance conjugale ». PAMINA n'est plus la femme inférieure du Royaume de la Nuit mais le complément indispensable dans le couple. Elle suit l'Homme dans ses épreuves et son ascension. Mozart nous montre de belle manière comment on peut, dans son activité professionnelle, appliquer la symbolique maçonnique, cet extraordinaire moyen de véhiculer à travers les âges nos idéaux. La méditation de son exemple ne peut-elle pas nous aider à développer nos valeurs ?

    En quoi « La Flûte Enchantée » est-elle une Initiation maçonnique ?

    Le 5 décembre 1791, Wolfgang Amadeus Mozart entre dans la nuit éternelle. Pressentant son prochain passage à̀ l’Orient Éternel, notre très illustre Frère du 18ème siècle a voulu léguer au monde son testament philosophique.

    C’est dans les trois derniers mois de sa vie que Mozart a composé un triptyque musical considéré́ comme son testament philosophique, à savoir « La Clémence de Titus », « la Flûte Enchantée », le « Requiem ».

    Au centre de ce triptyque, « la Flûte Enchantée » constitue l’oeuvre de Mozart à la fois la plus ésotérique et la plus riche de symboles, à l’image de son Initiation maçonnique. 
    Quelques temps après la cérémonie de notre Initiation personnelle, il convient de tracer une petite planche de rodage et de tenter d’y exprimer ses premières réflexions à propos de cette Initiation aux mystères de la Franc-maçonnerie.

    Cette épreuve est incontestablement un temps fort pour la plupart d’entre nous, un plus tard, en regardant une représentation de cet opéra de Mozart, en découvrant cette oeuvre mythique qu’est la Flûte Enchantée, nous pouvons revivre notre Initiation en pensée. L’oeuvre de Mozart peut nous dérouter par de nombreux aspects qui n’ont rien de maçonniques et par d’autres, dont l’ésotérisme dépasse notre compréhension.

    Deux ouvrages permettent de mieux connaître le contexte de l’oeuvre et de décrypter certains symboles : « Le testament philosophique de Mozart » de René Terrasson et « La Flûte Enchantée, Opéra maçonnique » de Jacques Chailley (sités dans la bibliographie de cette planche).

    Après la lecture de tels ouvrages, nous devrions ressentir une grande humilité vis à vis des auteurs qui ont consacré leur vie et leur passion à l’un des plus illustres musiciens de tous les temps.

    La Flûte Enchantée est une œuvre conçue à la fois pour le Profane et pour l’Initié. Mozart utilise un mode d’expression théâtral populaire, le « Singspiel », véritable comédie musicale avant la lettre, pour la plus grande joie du profane. Sous le couvert de drôlerie et de pitreries , il adresse aux seuls initiés son message philosophique, à travers les symboles et sa musique. Ce qui fit dire à Goethe, autre illustre 
    Maçon, « la foule prend plaisir au spectacle, dans le même temps sa haute signification n’échappe pas aux initiés ».

    Il faut aussi rappeler que l’ésotérisme de l’œuvre répondait d’abord à un souci de protéger le secret maçonnique, afin de ne pas encourir le discrédit du pouvoir à Vienne. En effet, Léopold, nouvel empereur d’Autriche, était convaincu de la responsabilité de la Franc-maçonnerie dans la Révolution française et redoutait une contagion idéologique, d’où une hostilité prononcée envers toute manifestation maçonnique, et d’où le pied de nez de Mozart aux autorités.

    L’action de la pièce a déjà été décrite ci-dessus. Il ne faut pas revenir non plus sur la symbiose entre le livret écrit par Emanuel Schikaneder, également Franc-maçon, et la musique composée par ce musicien exceptionnel qu’a été Mozart.

    Je souhaite simplement mettre l’accent sur les symboles que le Profane devrait découvrir à l’occasion de son Initiation maçonnique ou dont tout jeune Initié devrait déjà avoir pris conscience.

    Au lever du rideau apparaît le Temple, constitué de trois parties, à savoir le temple de la Sagesse, le temple de la Nature, le temple de la Raison. Le bâtiment, de style égyptien, est d’abord une allusion à la maçonnerie opérative, celle des bâtisseurs de cathédrales qui, en élevant leurs pierres, contribuent à  l’élévation spirituelle et culturelle des hommes. Les maçons des cathédrales se confondent naturellement avec les maçons des caractères.

    Toute la pièce a pour cadre le Temple, chargé de mystères, semblable à la Loge que le profane va découvrir. Pour les raisons précitées, Mozart ne pouvait invoquer ou évoquer  le Grand Architecte de l’Univers, aussi a-t-il choisi les divinités égyptiennes, à savoir la déesse Isis, mère universelle et symbole de vie, et le dieu Osiris, à la fois dieu de la mort et de la renaissance spirituelle après la mort. 

    Mozart rappelle ainsi sa conviction d’un Etre suprême, transcendant à l’homme et moteur de l’univers.

    C’est dans le Temple que le profane va effectuer son parcours initiatique et c’est dans le Temple qu’il va recevoir la Lumière de la connaissance, avant d’être en mesure de la faire briller à l’extérieur du Temple. 

    Évoquons à présent la symbolique des participants.

    La symbolique des participants

    Tamino et Pamina représentent le couple tourné  vers l’idéal spirituel. Ils sont orientés vers les interrogations de l’esprit. Ce sont les profanes au seuil de l’initiation, car ils ont été́ reconnus aptes à recevoir l’enseignement philosophique et à acquérir la sagesse. Leurs voix de ténor et de soprano sont claires et lumineuses, à l’image de leurs pensées et de leur idéal.

    En revanche, Papageno et Papagena représentent le couple orienté vers l’idéal matériel. Ils sont sincères, mais pas susceptibles d’aller loin dans la voie de la connaissance. Ils se contentent de leur vie matérialiste et donnent ainsi une image conforme à ce qu’attend la majorité́ des spectateurs et des hommes sur terre. Papageno incarne la sincérité́ et le mensonge, mais il est aussi doté́ d’un robuste bon sens populaire, il s’interroge sur les questions fondamentales que se pose l’être humain. Sa voix de baryton est celle des chanteurs populaires qui plait aux profanes. Sa présence est nécessaire à Tamino, le  futur initié, qu’il accompagne, mais sans vouloir le suivre sur le difficile chemin de la connaissance.  

    Le Maître du Temple est Sarastro. Il est le maître des connaissances liées au cercle solaire. Sarastro, qui représente bien sûr le Vénérable Maître en chaire, incarne la sagesse, la clairvoyance et la justice et s’adresse à tous avec sa voix profonde de basse. Sarastro le sage est accompagné́ de l’Orateur, dont Mozart n’a pas cherché́ à occulter ou travestir la fonction.

    Ils représentent tous les deux la Lumière spirituelle et ils sont les dépositaires des secrets, secrets qu’ils décident de transmettre aux seuls élus qu’ils estiment dignes d’être initiés.

    Les deux hommes d’armes sont les Surveillants du Temple. Avec leur voix 
    de ténor, ils incarnent la rigueur et ils sont les garants de la loi maçonnique et les gardiens du secret maçonnique. 

    Tous les officiers présents sont accompagnés par le collège des sages qui sont bien évidemment les Frères réunis dans la Loge. Dès lors, la loge est juste et parfaite et il y règne la liberté́, l’égalité́ et la fraternité́. 

    Les trois jeunes garçons symbolisent les trois piliers de la Sagesse qui invente, de la Force qui exécute et de la Beauté́ qui orne. Mais ils sont aussi les trois enquêteurs chargés de mieux connaître le candidat. Leur rôle s’arrête au seuil du Temple. Avec leurs voix claires et pures, ils vont aider le profane Tamino sur le chemin de la vie parsemé́ d’obstacles et de dangers.

    Dans l’antithèse des précédents personnages apparait Monostatos qui incarne les passions humaines sans limites et sans contrôle. Il est de ceux qui ne peuvent évoluer et se délivrer de leurs défauts. Son désir de profiter et d’abuser des autres, sa perversité́ sont soulignés par une voix de ténor nasillard. Monostatos ne peut prétendre être « un homme libre et de bonnes mœurs ». Il recherchera à entrer dans le camp des sages, mais son comportement aberrant ne lui permettra pas d’en faire partie. Il en sera exclu à tout jamais.

    Avec la Reine de la Nuit, Mozart met en scène les faiblesses humaines, telles que l’envie, l’orgueil, la fureur. Elle s’écrie : « la vengeance de l’enfer bout dans mes veines ». Sa voix dite de colorature est sublime et invite tous ceux qui l’écoutent à boire ses paroles et à croire ce qu’elle dit. Mozart souligne que les faiblesses humaines sont parées de toutes les séductions, comme souvent nous pouvons nous en rendre compte nous-mêmes.

    Toutefois, la Reine de la Nuit, qui remet la flûte magique à Tamino, incarne le dualisme du Mal et du Bien. Son royaume de la nuit ne s’oppose pas au soleil de Sarastro, il en est le complément nécessaire.

    De la même façon, les Trois Dames qui sont à son service, apparaissent futiles et limitées par l’esprit. Mais en fin de compte, elles agissent dans le sens de la raison.

    Les symboles

    Dès le rideau levé́ apparaît le serpent, symbole des peurs cachées dans notre inconscient. A sa vue, le profane Tamino va s’évanouir. Son évanouissement est l’image de la mort symbolique du profane, mort préalable à sa renaissance à la vie spirituelle. La mort du serpent signifie aussi celle des tentations 
    humaines et elle permet à Tamino d’accéder aux marches du Temple pour entreprendre ses voyages initiatiques. 

    Dans le contexte troublé de 1791, Mozart ne pouvait dévoiler les outils maçonniques rituels tels que compas, équerre, truelle. En revanche, il va introduire la flûte d’or, ainsi qu’un jeu de clochettes magiques, le « Glockenspiel ».

    La flûte participe à toutes les traditions. Elle est le souffle de la vie et elle permet à Tamino de triompher des dangers qui sont représentés par les épreuves du feu et de l’eau.

    La flûte de Pan, suspendue au cou de Papageno, est avec sa gamme limitée à 5 notes, l’expression du Matériel face au Spirituel de la flûte d’or de Tamino.  Quant au Glockenspiel, remis par les Trois Dames à Papageno, il est également la marque de ceux qui ne recherchent que les seuls plaisirs terrestres.

    Nous retrouvons les autres symboles habituels de la Franc-maçonnerie, symboles qui sont représentés par les personnages mis en scène par Mozart et par Schikaneder, l’auteur du livret. Le Soleil est Sarastro, la Lune est la Reine de la Nuit. Le Feu est Tamino et l’Eau, Tamina. L’Air est incarné par Papageno, dont le nom évoque le perroquet (Papagei) et dont le métier est précisément d’attraper des oiseaux. Le personnage de la Terre est Monostatos.

    Le Cabinet de Réflexion, premier lieu de contact et de connaissance entre le Profane et l’univers maçonnique, est représenté́ par un décor désertique et obscur face à l’entrée du temple. A l’instar de Tamino, ressentons-nous le doute ou la crainte, malgré́ l’étrangeté́ du lieu et l’ésotérisme des symboles représentés, ésotérisme qui a pu provoquer en nous le désir de comprendre et de découvrir ce que nous ressentions très confusément ?

    Le  dépouillement des métaux n’est pas montré, mais le fait que la flûte est redonnée à Tamino après son parcours indique que cet élément du rituel a eu lieu. 
    Après avoir été́ dûment questionné, le profane Tamino peut entreprendre les trois voyages initiatiques, après avoir eu les yeux bandés. Le  bandeau symbolise l’ignorance dans laquelle est plongée le Profane.

    C’est par la musique que Mozart évoque de façon symbolique les trois voyages de Tamino et Pamina à travers les dangers du feu, de l’eau, de l’air et de la terre. La flûte dont Tamino joue lui permet d’écarter les dangers du parcours initiatique, dangers qui sont ceux qu’il va rencontrer tout au long de son existence. 
     
    L’épreuve du silence imposée à Tamino correspond à la recommandation faite à celui qui est initié, avec l’obligation de taire tout ce qu’il peut voir et entendre en Loge. 
     
    Puis le bandeau est enlevé. Les yeux habitués au confort de l’obscurité perçoivent alors l’éclat d’une forte lumière, ils découvrent lentement le Temple, ce lieu encore bien étrange, découvrent les prêtres qui rendent hommage au nouveau Frère. A la nuit de l’ignorance succède l’illumination de la connaissance. La symbolique est forte, bien que dificile à comprendre par le nouvel Initié.

    En ce qui nous concerne, le moment où le bandeau nous a été retiré a probablement été le plus intense et le plus émotionnel, beaucoup plus que les trois voyages initiatiques. L’hommage que les Frères ont rendu avec leurs épées restera à jamais dans nos pensées. L’émotion ressentie ce soir là est sans doute plus forte que notre perception du sens de l’événement qui venait d’avoir lieu.

    « La Flûte enchantée » peut nous aider sans nul doute à mieux comprendre le pourquoi de l’Initiation maçonnique. Nous pourrions tout d’abord y voir une acceptation volontaire de l’inconnu, mais dans un esprit de confiance, puis un fort  désir de partage et d’échange en vue d’un enrichissement mutuel. L’Initiation permet au Profane de l’aider à mieux se découvrir lui-même et d’atteindre ainsi une autre dimension humaine. Tel est le sens du propos prêté à Sarastro « Celui qui ne reçoit pas avec joie des leçons de ce genre, ne mérite pas d’être un homme ».

    Avec le temps qui passe, nous pouvons éprouver le sentiment que d’autres bandeaux tombent progressivement de nos yeux, signe que le processus de découverte de nous-même, de notre environnement et de notre relation à notre environnement, continue et que ce processus sans fin ne s’arrêtera que lorsque notre esprit ne sera plus en mesure d’exercer son activité.

    Pour conclure, du moins provisoirement…

    Oeuvre majeure du répertoire lyrique, « La Flûte enchantée » de Mozart connaît sans cesse de nombreuses réincarnations au gré des metteurs en scène. La Reine de la Nuit ne cessera d'inspirer les créateurs et de hanter les spectateurs avec ses vocalises magiques...

    Cette œuvre représente le combat de la lumière contre la nuit, les illusions et les tromperies permettant l'instauration d'un ordre nouveau, héritant de l'ordre ancien et des Lumières, le bien symbolisé par l'amour trouvé par les personnages triomphe. A maints endroits dans la pièce, nous avons pu retrouver des allusions aux vertus. Dans le livret, il y a plusieurs fois l’association des vertus maçonniques : discrétion, sagesse, force, patience et bienfaisance ainsi que le secret qui est le pont fondamental en Loge.

    Cette œuvre est un cheminement et une initiation semée d’épreuves dont se sortent Tamino et Pamina. Ils suivent leur chemin en progressant vers la Connaissance, la Vérité et la Lumière. Ce sera le triomphe de la raison, de la maîtrise de soi et de la sagesse sur les forces obscures.

    Ce cheminement des Ténèbres vers la Connaissance et la Lumière évoque l’opposition entre la pensée moderne de l’époque et l’obscurantisme de l’Église. Les personnages dépeignent bien ce courant : la Reine de la Nuit, symbole du monde des Ténèbres est égoïste et animée d’une volonté de puissance et les 3 servantes par la cupidité. D’un autre côté, Sarastro illustre la grandeur d’âme et la générosité, et ce dans la lumière du soleil. Ce qui sous-entend que seulement les personnes aux cœurs purs, nobles et courageux pourront surmonter toutes les épreuves initiatiques.

    Papageno, homme du commun, par son bavardage et sa superficialité échouera dans sa quête.

    Finalement, cette œuvre ne nous rappelle-t-elle pas l’état d’esprit des Loges de l’époque, fréquentées uniquement par la bonne société ?

    Aucun opéra n’a acquis une popularité mondiale comme « la  Flûte Enchantée »  de Mozart. Il faut certainement l’attribuer à la musique, mais aussi à l’influence magique qu’il exerce sur la psyché du spectateur, influence qui se communique principalement au subconscient.

    « La Flûte Enchantée »  est en général considérée comme un drame relatant la lutte de la Lumière et des Ténèbres, lutte qui finit par la victoire de la Lumière et un hymne à l’amour humain et divin.

    Pour conclure, je citerai notre Illustre Frère Mozart et la mission qu’il a voulu donner à son oeuvre : « la Flûte Enchantée doit transformer les passions des hommes, rendre joyeux le mélancolique, amoureux le misogyne ».

    Voilà un vœu à la fois simple et immense que nous pouvons et devons garder à l’esprit, tout au long du chemin ardu de notre vie.

    Considérant la musique comme la langue universelle et comme une Chaîne d’union entre les hommes, ne manquons pas d’écouter de temps en temps l’un des plus beaux airs d’opéra de Wolfgang Amadeus Mozart, l’air de « la Reine de la Nuit ».

    Enfin, si cette planche vous incite à vouloir mieux connaître Mozart, et à assister à une représentation de la « Flûte enchantée » j'aurai atteint l'objectif que je m'étais fixé.

    R:. F:. A. B.

    [1] Le Nombre 3 : Trois est universellement un nombre fondamental. Il exprime un ordre intellectuel et spirituel, en Dieu, dans le cosmos ou dans l'homme. Il synthétise la tri-unité de l'être vivant ou il résulte de la conjonction de 1 et de 2, produite en ce cas de l'Union de Ciel et de la Terre.

    Nombre important dans la symbolique maçonnique, ce nombre apparaît dès les premières mesures de l'Ouverture. Avec trois accords initiaux et sa tonalité de mi bémol majeur (trois bémols à la clef). Reprise après la marche des prêtres qui introduit l’Acte Il, cette sonnerie relaye d’ailleurs un symbolisme numérique omniprésent dans la scénographie trois Dames, trois Enfants, deux fois trois lions, trois portes du Temple...Sagesse, raison et nature.

     

    Bibliographie

    Jean-Victor Hocquard - La Flûte enchantée

    Editions Aubier Montaigne,‎ Paris, 1979, 254 p.

     

    La Flûte enchantée

    Editions Avant-Scène Opéra,‎ Paris, janvier 1976, 130 p.

     

    Jacques Chailley - La Flûte enchantée : opéra maçonnique

    Editions Robert Laffon, coll. « Accords »,‎ Paris, 17 octobre 2002


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  • * La Colonne d'harmonie

     Le Frère Maître de la Colonne d'Harmonie 

    Introduction

    La préparation de l’illustration musicale de chaque Tenue demande un temps certain et des choix personnels : il faut tracer un plan de travail en fonction de l’ordre du jour de la Tenue (qui est communiqué via la convocation), choisir un ou plusieurs compositeurs et écouter des œuvres musicales adaptées aux rituels selon ses critères personnels mais aussi en respectant certains principes.

    Au cours de la Tenue, il est très difficile de vivre le rituel comme si on était un Frère sur sa Colonne car la tâche relève d’actions très profanes : lire et suivre un plan de travail indispensable, manipuler un lecteur de CD's, une table de mixage, un amplificateur et des interrupteurs pour le réglage des lumières.

    Interrogeons-nous donc sur cette appellation « Colonne d’harmonie », voyons quelles sont ses origines et son évolution au fil du temps. Envisageons ensuite quelques principes relatifs à la charge.

    L’homme et la musique

    Partout et de tout temps, l'homme a accompagné de musique toutes ses activités qui sortent de l'ordinaire, de la banalité du quotidien, que ce soient les diverses fêtes de familles (rituelles ou pas) ou plus sociales comme les festivités (religieuses ou profanes) autour des saisons, des anniversaires, des commémorations etc.

    Les humains de toutes civilisations ont reconnu à la musique ses facultés incantatoires, de rassemblement, de mise en condition, de transcendance.
    Après les rythmes des percussions des origines, les chants sont venus ajouter la dimension humaine, l'harmonie au chaos du début.

    Avec l'amélioration des instruments de musique, on a ensuite assisté au développement d'une expression mélodique plus accentuée, plus élaborée, capable de faire écho aux sentiments les plus complexes et de les souligner. On pourrait dire qu'alors la musique devient supérieure à la parole et s'oppose, d'une manière positive, au côté rigide et pragmatique du langage. Même si, bien entendu, la dimension symbolique des mots reste un élément essentiel de réflexion.
    Seul l'Art, trait d'union vers l'Universalité, et surtout la musique, peut suggérer l'inexprimable et enrichir la perception du Sacré. Les diverses religions l'ont bien compris.

    La Franc-maçonnerie et la musique

    La Franc-maçonnerie ne pouvait se passer de cet élément fédérateur essentiel qu'est la musique. Dès les premières années du 18ème siècle, des orchestres – avec parfois des chanteurs – étaient présents dans les Loges et accompagnaient avec profit les rituels.

    Dans son livre « La Colonne d'Harmonie - histoire, théorie et pratique » Philippe Autexier écrit : « La musique est, elle-même, une « Maçonnerie » ; les éléments qui la composent ne sont pas des sons (des pierres brutes), mais des notes (des pierres taillées), mesurées dans leur hauteur (ce que l'on appelle la note proprement dite) dans leur longueur – ou leur durée – et dans leur densité (l'intensité de la note). Les trois paramètres qui régissent la taille de la pierre régissent aussi celle du son :

    • la FORCE réside dans la densité (l'intensité du son : forte ou piano par exemple)
    • la SAGESSE dans la longueur (la durée de la note)
    • la BEAUTÉ dans la hauteur (la note elle-même) »

    Comme le Franc-maçon au sein de la société, chaque note a sa place, son rôle dans la partition. Une place unique et fondamentale, comme la pierre taillée est indispensable à l'édifice que construit le Maçon. La musique, en Loge, n'a de sens que dans le vécu et le partage.

    Toutes ces qualités fédératrices de la musique sont à utiliser lors de la création d'une colonne d'Harmonie. Celle-ci ajoute une dimension supplémentaire aux passages du rituel les plus significatifs.

    Définition et fonction de la « Colonne d’Harmonie

    Définition

    L’expression « Colonne d’Harmonie » est le nom donné au 18ème siècle aux formations musicales qui jouaient les musiques nécessaires aux diverses phases des cérémonies d’admission ou de passage à un degré supérieur.

    La « Colonne d’Harmonie » s’est vue remplacée de nos jours par les chaînes stéréophoniques.

    En matière de Colonne d’Harmonie beaucoup d’idées et de conceptions ont circulé. Le problème, c’est qu’elles reposent pour la plupart sur des bases empiriques. Chacun peut donc lancer des affirmations chargées de subjectivité sans qu’il soit possible de trancher quant à leur bien fondé.

    L'expression s'applique originellement à un ensemble instrumental maçonnique composé de deux clarinettes, deux bassons, deux cors et un timbalier. Cette formation initiale, empruntée à la musique militaire, a subi quelques modifications et ajouts, en fonction du recrutement musical des Loges ou des progrès de la facture instrumentale. L'orgue, les flûtes traversières les cordes, la harpe ou les trompettes par exemple, ont également été entendus dans les temples.

    L’expression « Colonne d'Harmonie » a vite désigné tout ensemble instrumental ou vocal agrémentant les Travaux de Loges.

    Dans les comptes-rendus des cérémonies, le terme adopté est «harmonie» : «l'harmonie se fit entendre», «aux sons de l'harmonie» et, sous cette appellation générique, les Maçons ont pu aussi comprendre des artistes non initiés, parents de Maçons, ou sympathisants.

    La Colonne d'Harmonie pourrait se définir ainsi : « La Colonne d'Harmonie est constituée de l'ensemble de la musique diffusée au cours des Tenues ; elle doit s'inscrire harmonieusement dans les rituels ».

    Pour Irène Mainguy, « l’utilisation de la Colonne d’Harmonie devrait ouvrir l’accès à la communion avec l’harmonie des sphères, si on s’en réfère à l’expression pythagoricienne. Ceci signifie que l’usage de la musique en Loge demande au Frère Maître de la Colonne d’Harmonie une connaissance approfondie du répertoire maçonnique ainsi qu’une bonne compréhension du rituel ».

    Quelle est sa fonction ?

    • Elle doit d'abord fédérer, unifier, créer une sorte de communion, transcender et participer à la création d'un égrégore positif dont chacun bénéficiera.
      Elle ajoute une dimension, parallèlement au rituel, qui n'est pas du domaine de la raison mais de l'émotion.
    • La Colonne d'Harmonie ne remplit pas les « vides » mais, au contraire, elle contribue à créer une nouvelle perspective, un nouveau regard sur l'Instant vécu collectivement et individuellement.
    • Il s'agit d'une planche à part entière, avec un début, une fin, un développement, un sens ... en cela, elle est partie prenante de la Transmission qui est une des missions essentielles de la Franc-maçonnerie.
    • La Colonne d'Harmonie est le complément idéal des rituels (s'il n'y a pas de musique, le manque est perceptible). Les anciens l'avaient bien compris puisque, à défaut des moyens modernes de reproduction sonore, ils avaient – quand les moyens financiers étaient suffisants – de véritables musiciens ou des chanteurs en Loge.

    La Colonne d’Harmonie ponctue le rythme. La musique est l’art d’harmoniser les sons. Ceux-ci, ajustés dans leur hauteur, leur longueur et leur intensité, deviennent des notes. La musique est l’organisation cohérente du son, de plusieurs sons simultanés ou consécutifs. Répétons-le : la beauté du son est dans sa hauteur, sa force dans sa densité et sa sagesse dans sa longueur.

    La Colonne d’Harmonie doit accompagner le rituel et le servir de manière adaptée à ses besoins en restant en parfaite adéquation avec lui, d’où la difficulté de la tâche impartie à celui qui en a la responsabilité.

    La Colonne d'Harmonie : symbole ou « accessoire » maçonnique ?

    Les historiens de l’Ordre maçonnique s’accordent généralement à dire que la Franc-maçonnerie spéculative utilise une symbolique et une méthodologie de Travail fondée analogiquement sur celle des Compagnons Tailleurs de Pierre. C’est donc sans surprise que le grade central des Ateliers Bleus est celui de Compagnon et que la méthode progressive qu’il emploie est celle de la transmission du « savoir et du savoir-dire » représentée par les Sept Arts Libéraux (rappelés dans la cérémonie de Passage au grade de Compagnon au R.E.A.A.), pour qu’un jour le Franc-maçon puisse « savoir-faire ».

    Classée usuellement comme sixième Art libéral, la musique propose, avec l’arithmétique et la géométrie, « l’équilibre physique des choses ». Depuis l’antiquité, en effet, la musique est reconnue indispensable pour la formation et l’épanouissement individuel de l’homme dans l’acceptation de soi et de l’autre. Elle est ainsi utilisée d’une manière pédagogique pour développer l’esprit du travail de groupe, notamment par le chant choral et par la musique d’ensemble.

    L’apprentissage d’un métier, ou mieux, la « transmission » d’un « Art » sont indissociablement liés à la connaissance de soi et à l’émancipation de l’individu.

    La Franc-maçonnerie spéculative a trouvé bon de réduire l’activité musicale à une symbolique théorique et, quand pratique il y a, elle reste facultative. Y a-t-il sens et nécessité, d’une part à écouter, d’autre part à faire de la musique dans nos Loges, l’un et l’autre considérés comme gestes conscients et actes culturels majeurs ?

    Contrairement à une idée largement répandue, le chant choral ou solo, avec accompagnement ou a cappella semble « l’épicentre » de la « construction » de la Colonne d’Harmonie.

    Cette approche paraît naturelle car la voix humaine est l’instrument musical par excellence, celui à partir duquel tous les autres instruments se construisent et se développent.

    Considérer la Colonne d’Harmonie selon un profil purement technique et statique fondé sur les moyens techniques ou la diversité des Frères musiciens dont disposeraient les Ateliers, paraît une démarche arbitraire. N’y a-t-il pas là un oubli de la raison d’être de cette même Colonne : le symbole de la musique et son rôle, sa pratique en Franc-maçonnerie ?

    De plus, est-il possible de ne faire qu’un usage et de ne donner qu’un sens au mot «harmonie» de la Colonne d’Harmonie ? Tel un Compas, la musique trace et mesure ; elle ouvre le cœur et marque l’action du Franc-maçon, qu’elle soit faite par une voix solo, « a cappella », par un ensemble de Frères ou entonnée par la Loge toute entière.

    La symbolique musicale est fondée, comme la plupart de nos symboles, sur la transmission. Celle-ci plonge l’Ouvrier dans des temps immémoriaux et varie naturellement selon les moyens logistiques et aujourd'hui techniques des Loges. La valeur intrinsèque de cette transmission est ou doit être pour nous à l’origine du besoin de faire et de faire entendre de la musique en Loge. Les louanges, les textes maçonniques historiques traitant de la symbolique musicale ainsi que les paroles utilisées par les chansonniers de toute époque soulignent l’importance de cette perspective.

    C’est sans surprise que nous trouvons, dès les premières approches de la musique au 18ème siècle, les syncrétismes propres aux symboles maçonniques, qu’ils viennent des écoles de pensée, des approches académiques, des courants spiritualistes etc.

    Soulignons que le terme d’harmonie, fondement central de la musique, symbole de concorde entre les hommes, désignait depuis le 18ème siècle les ensembles de musique constitués d’instruments à vent (bois et cuivres). Mais ces ensembles, d’usage courant dans certaines Loges, n’étaient ni une exclusive ni une « règle » musicale. Nous trouvons souvent des interventions d’orgue, des cordes et des voix solistes, duos, etc. et bien évidemment le chœur, traité à l’unisson ou pas.

    Progressivement et naturellement, toute pratique musicale, et pour cause, va être englobée dans la nomenclature « Colonne d’Harmonie » qui, aujourd’hui, est constituée, la plupart du temps, par une chaîne hi-fi.

    Il me semble qu’en Franc-maçonnerie spéculative il ne faut pas confondre technicité et symbolique.

    Certes, nous ne pouvons pas analyser l’histoire de l’Ordre par les symboles, comme l’ont fait certaines branches mystiques et par mode d’autres affabulateurs jusqu'à la moitié du 20ème siècle, certains effets néfastes perdurant jusqu'à aujourd'hui. Mais quand on parle de la pratique des Travaux maçonniques à partir de 1717, il faut tenir compte de leur évolution et de leur mutation, et il ne semble pas y avoir de justification historique valable pour considérer qu’une chaîne hi-fi puisse être considérée comme Colonne d’Harmonie et pas le chant. Bien au contraire. L’idée que, le moment « d’un chant », toute la Loge se « transforme » en une seule Colonne d’Harmonie, suffit pour valider sa symbolique.

    Un peu d’histoire

    La Franc-maçonnerie spéculative a toujours entretenu un rapport intime avec la musique et cela depuis sa naissance au 18ème siècle. Est-ce le concours de mécènes, souvent Maçons, qui a joué un rôle particulièrement important dans la création et le fonctionnement des « Sociétés de Concert », véritable innovation sociale ? Est-ce le besoin « d’extériorisation » qui a poussé la Franc-maçonnerie à utiliser la musique pour souligner et mettre en œuvre son aspiration égalitaire en élargissant l’accès du public à la musique savante dans des conditions dignes ?

    N’oublions pas que cette nouvelle pratique a pris forme dans les dernières années de l’Ancien Régime. Au 18ème siècle, le résultat social le plus palpable tiré de cette action est la mise en œuvre de l’indépendance progressive des musiciens du joug de la cour et l’opportunité donnée aux compositeurs d’avoir des commandes musicales libres d’entraves comme l’effroyable « convenance » de suivre la mode et le goût imposés par les courtisans. Sans oublier les rarissimes occasions qu’avaient les compositeurs de réentendre certaines de leurs œuvres.

    Les concerts organisés par ces Sociétés avaient également souvent un caractère de bienfaisance, ce qui permettait aux organisateurs de destiner les recettes à des œuvres philanthropiques, aux Frères nécessiteux ou à des orphelinats.

    Parmi les plus connues de ces « Sociétés de Concert » au 18ème siècle, ayant une nature presque ou complètement paramaçonnique, nous trouvons : le « Philo-musicae » et « Architecturae Societas Apolloni », le Concert Spirituel, le Concert des Amateurs et la Société Olympique, émanation directe de la Loge « L'Olympique de la Parfaite Estime » qui a été le commanditaire des six symphonies n° 82 à 87 dites «les symphonies parisiennes» écrites par notre Frère Joseph Haydn et créées en 1787.

    L’effectif instrumental de base était celui d’une formation orchestrale « classique » du 18ème siècle (cordes, bois, cuivres et timbales). Dans les Loges, la musique était plutôt assurée par des ensembles à « géométrie variable » comme « l’harmonie » (instruments à vent – bois et/ou cuivres), l’orgue avec ou sans soliste, des chœurs et d’autres possibilités qui englobaient aussi des instruments à cordes etc.

    Dans le monde profane, la révolution de 1789 va clôturer le siècle des Lumières et annoncer l’aube du 19ème siècle. Après les événements révolutionnaires, les Travaux ainsi que les activités musicales des Loges reprendront avec force et vigueur.

    Au cours de la première moitié du 19ème siècle, ces « Sociétés de Concerts » prennent la forme de véritables « collèges musicaux ». Parallèlement, les Obédiences ont créé des structures similaires pour leurs cérémonies et c’est ainsi que, vers la moitié du 19ème  siècle, les activités musicales dans les Loges sont à leur apogée. C’est en France, aux environs de 1840, que nous voyons apparaître pour la première l’appellation si bien choisie de « Colonne d’Harmonie ».

    Jusqu'alors on appelait les ensembles instrumentaux des Loges « l’harmonie » (surtout pour les vents – bois et cuivres), les « Frères d’harmonie », les « collèges musicaux » mais aussi tout simplement les « musiciens ».

    Cette nouvelle nomenclature, non seulement éclaircit le rôle de la musique au sein des Ateliers, mais s'insère également de façon remarquable dans les idéaux maçonniques. Surtout, cette « apogée » coïncide avec la prise de conscience du besoin d’appliquer « l’égalité sociale » aussi bien à l’intérieur qu'à l’extérieur du Temple.

    La révolution de 1848, l’événement fondateur de la Commune de Paris de 1870, la réalité dramatique des luttes ouvrières ont imposé comme priorité absolue la conquête des libertés individuelles, ce qui servit d’impulsion à l’action directe des Frères dans le monde profane.

    Avec le recul « panoramique » de l’histoire, nous voyons que, paradoxalement, à partir de la révolution de 1848 les Colonnes d’Harmonie se font de plus en plus rares. Irène Mainguy affirme même que « la Révolution de 1848 a vu disparaître les formations musicales des loges qui avaient peu auparavant pris le nom de colonnes, rappel des autres colonnes du temple maçonnique en usage dans l’antiquité qui voulait que les listes soient inscrites sur des colonnes de pierre ».

    Cependant, même affaiblie par la raréfaction de son moyen privilégié de diffusion, la musique est encore présente dans les Loges car elle va de pair avec l’aspiration majeure de l’émancipation symbolique de l’individu vers et dans le réel.

    Mais, dans le crépuscule des « tourmentes » romantiques du 19ème la « dernière nuit » cache l’aube d'un siècle qui sera le plus effroyable qu'ait connu l’humanité. Le voile du 20ème siècle tombe et avec lui une nouvelle mythologie voit le jour, celle de l’homme machine. Le travail étant de plus en plus déshumanisé, l’artisanat est remplacé progressivement par la mécanique.

    Sans étonnement, nous voyons qu’après la paix, les arts subissent la même destinée et la musique, dans le monde profane, détournée de son but d’harmonie, d’émancipation et d’union des humains est instrumentalisée vers une unification homogène de masse à des fins productivistes et d’illusion politique et/ou économique.

    Mise en conserve par les disques au cours de la première moitié du 20ème siècle ou relayée par la radio, la musique se rend, passive, à domicile et dans les Loges. Les méfaits de la mécanisation et du rythme de vie asphyxiant de la société industrielle ne laissent pas de place à la sensibilisation des Frères quant au besoin de faire et d’entendre de la musique en Loge. L'absence de continuité dans les quelques tentatives des Obédiences, de certains Ateliers et de certains Frères interdit de relancer la réflexion sur la pratique musicale. Les Colonnes d’Harmonie vivantes y compris le chant en Loge, deviennent quasi inexistantes et leur remplacement par l’apparent confort de l'utilisation des chaînes hi-fi se traduit dans la pratique comme une simple ponctuation, voir une distraction rituelle.

    Ces facilités techniques apparentes apportées par les phonogrammes et le support numérique (CD) ont-elles contribué à banaliser la Colonne d’Harmonie au point de la déshumaniser ? Question difficile !

    Même si cette possibilité de diffusion ne peut remplacer une Colonne d’Harmonie vivante, elle présente, au moins, la possibilité de pouvoir exploiter une diversité de répertoire immense et cela sans les problèmes logistiques inhérents à cette diversité.

    Cela mériterait une réflexion approfondie sur la forme à donner aux interventions musicales en rapport avec le fond du rituel.

    Notre préoccupation est, précisément, de proposer aux futurs Frères Maîtres qui auront la charge d’animer la Colonne d’Harmonie, qu’ils soient musiciens, mélomanes ou néophytes, une base de réflexion et la possibilité de constituer un programme cohérent avec l’essence des Travaux et ses différentes variantes rituelles.

    La possibilité que donne la musique de susciter l’effort d’appropriation, puis de réelle assimilation du passé par le présent, effort que semble devoir intégrer toute évolution musicale, va de pair avec le développement de l'ensemble des connaissances humaines. Jusqu'au tout début du 20ème siècle, la musique n'a cessé d'être un récit de ses propres origines, et plus précisément un récit qui porte en soi la célébration d'une identité et d'un langage. Or notre période contemporaine nous fait mesurer le progrès ou la stagnation de ce langage, comme celui de l'intérêt que suscite la musique elle-même, comme aussi celui de l'écoute musicale.

    Du « Frère à talent » au Frère Maître de la Colonne d’Harmonie

    Pour le 18ème siècle, ils étaient les « Frères à talent », « Frères musiciens », « Frères artistes » ou « Frères de l’Harmonie ». Ils s’occupaient et/ou jouaient au sein des diverses formations musicales des Loges.

    Pour le 19ème siècle, ils sont aussi appelés « Directeur du collège musical ». Aujourd’hui, l’appellation qui semble la plus adaptée est celle de « Frère Maître de la Colonne d’Harmonie » car elle tient compte à la fois, de son rôle, de son office et de son « symbole ». Il va apporter la musique en Loge, la placer dans le rituel pour le compléter.

    Le fait d’être la seule variante rituelle acceptée en Loge souligne l’importance que peut prendre cet office s’il est pratiqué comme un acte conscient et « fonctionnel » par rapport au rite. Dans le cas contraire, il est vite réduit à une gêne ou une distraction passagère.

    Y a t-il un « office libre dans une Loge libre » ? – Oui, celui de Maître d’Harmonie. Rappelons-nous que cet office est facultatif voire complètement inexistant selon certains règlements généraux. « Sept la rendent Juste et Parfaite », et il ne fait pas partie des « Sept ». Pourquoi ? « L’Harmonie » symbolisée par la musique serait-elle juste un agrément de la pensée, comme le travail du Maître des Banquets ne servirait qu'à l'agrément du corps ? Ne rendent-il pas l’un et l’autre la Loge Unie et Humaine ? L’adjectif – Unie – complèterait le binaire, un tant soit peu aseptisé et donnerait : « Maître d’Harmonie et Maître des Juste, Parfaite et Unie ».

    Les « Frères Maîtres des Banquets », symbolisent à eux seuls la nourriture sensorielle de la pensée et la nourriture sensorielle du corps – ou d’après une « analogie » chère au 18ème siècle - « la nourriture céleste et la nourriture terrestre » ou encore « la musique des sphères et l’éveil des sens ».

    Est-ce utile en ce début du 21ème siècle de vouloir renforcer le sens artistique des membres de l’Art Royal, d'apporter dans les Ateliers le vécu, l'émancipation et l'humanité par ce symbole vivant qu'est la musique ?

    Quelques principes à respecter

    Le Maître de la Colonne d’Harmonie est chargé de préparer un programme pour chaque Tenue. Il peut être amené à soumettre son choix d'œuvres au Vénérable Maître. Autrefois, les simples Frères à talent n’étaient tenus d'assister qu'aux travaux incluant des interventions musicales.

    Dans la plupart des cas, les règlements ne prévoient que des recours occasionnels à la musique, notamment pour les fêtes de Saint-Jean ou pour les cérémonies funèbres. La réglementation touche peu au répertoire : il suffit qu'il soit « analogue à la cérémonie » et ne choque pas la morale. Des pièces profanes peuvent même être adoptées dès lors qu'elles s'inscrivent, dans l'esprit, au motif de la réunion.

    Il semble que dans la plupart des Obédiences françaises, la Colonne d’Harmonie soit le plus souvent utilisée par les Loges pour accompagner les cérémonies d’Initiation, de passage de grades, les Tenues funèbres, etc.  Dans les Loges de notre Obédience régulière, la musique est habituellement présente lors de chaque Tenue et joue aussi un rôle important de mise en condition tant lors de l’Ouverture que de la Clôture des Travaux.

    Elle ne peut qu’apporter un accompagnement approprié du rituel et non pas un divertissement. Si elle est utilisée comme bouche-trou ou moyen de meubler le silence, il est préférable de s’en passer, l’observation du silence étant plus éloquent.

    Le répertoire utilisé dans les Colonnes d‘harmonie pourrait être constitué principalement d’œuvres maçonniques de Mozart, de Haydn, de Liszt ou Sibelius. Mais la musique baroque est souvent de très bon goût également.

    Le bijou du Maître de la Colonne d’harmonie

    * La Colonne d'harmonie

    Le bijou suspendu au sautoir du Maître de la Colonne d’Harmonie représente une lyre. La lyre, inventée par Hermès ou par l’une des neuf Muses, Polymnie, est l’instrument de musique d’Apollon et d’Orphée, aux accents prestigieux, et le symbole des poètes. Plus généralement, elle est le symbole et l’instrument de l’harmonie cosmique : au son de la lyre, Amphion bâtit les murs de Thèbes.

    Dans l’iconographie chrétienne, elle évoque la participation active à l’union béatifique. Ce rôle est celui de la harpe de David.

    Les sept cordes de la lyre correspondraient aux sept planètes : elles s’accordent dans leurs vibrations, comme celles-ci dans leurs révolutions cosmiques ; quand le nombre des cordes fut élevé à douze, on voulut y voir une correspondance avec les douze signes du Zodiaque.

    Présentation d’un ouvrage : « La Colonne d’harmonie »

    Cet ouvrage de Philippe Alexandre Autexier concerne l’histoire, la théorie et la pratique de la Colonne d’Harmonie. Il est paru en septembre 1995 chez Detrad – AVS à Paris.

    On peut résumer cet ouvrage de la manière suivante : comment, de la simple trompette à l'orchestre complet, en passant par l'orgue ou la musique de chambre, les compositeurs ont épousé dans leurs œuvres les rituels de la Franc-maçonnerie. L'ouvrage présente une méthode très rigoureuse pour créer des programmes riches et bien assortis aux rituels. Ce livre est le premier travail d'ensemble sur la Colonne d'harmonie.

    De l'histoire de cette formation, il y a encore tout à découvrir, car l'abondante littérature sur la « musique maçonnique » a presque systématiquement ignoré la Colonne d'Harmonie proprement dite. On découvrira qu'elle n'a trouvé son nom que tardivement, au 19ème siècle, qu'elle a très tôt pris les visages les plus divers, de la simple trompette à l'orchestre, en passant par l'orgue ou par de petits ensembles souvent composites, comment les musiciens ont épousé dans leurs œuvres le symbolisme et les rituels de la Franc-maçonnerie, et comment ils ont agi au-delà de la porte du temple. On découvrira enfin une théorie de la musique fonctionnelle, avec ses exigences et son esthétique propres.

    L'exposé sur l'histoire et la théorie est suivi d'un véritable manuel pratique. Y sont décrits les moyens de la Colonne d'Harmonie et la méthode pour composer des programmes riches et bien assortis au rituel. Très développée, la méthode s'appuie sur de nombreux exemples – une dizaine pour la seule cérémonie de Réception – pris dans tout le répertoire qui correspond aux trois siècles que couvre l'histoire de la Colonne d'Harmonie elle-même. Elle permet d'utiliser toutes les œuvres qui ont été conçues pour les Tenues maçonniques, tel le fameux recueil de Sibelius, mais aussi de travailler sur le champ ouvert de toute l'histoire musicale, entre autres en compagnie de Bach, Mozart, Beethoven ou Brahms.

    L'auteur, souvent consulté pour des programmes de Colonne d'Harmonie, a travaillé pendant plus de vingt ans sur la question, ce qui l'a conduit en particulier à étudier toutes les grandes collections d'archives maçonniques en Europe (Paris, Strasbourg, Zurich, Vienne, Bayreuth, Berlin, La Haye, etc.). Il a déjà signé une centaine de publications sur la musique maçonnique, dont le livre « Mozart et Liszt sub Rosa » (qui a bouleversé les connaissances sur les rapports de Liszt avec les Loges) et l'édition critique de la version originale avec chœur de l'Ode funèbre maçonnique de Mozart (sous le titre de « Musique de Maîtrise »).

    Au sommaire :

    Histoire
    Théorie
    · Prémisses esthétiques
    · La fonction dans le rituel
    · Du symbole
    · L'utilisation du matériel
    · Les avantages de chaque lecteur
    · Le répertoire

    Pratique
    · L'examen d'une œuvre
    · Les implications musicales
    · Variations sur un thème
    · Autres programmes homogènes
    · Œuvres rituelles de l'après-guerre
    · Finale

     

    Bibliographie

    Autexier Philippe - La colonne d'harmonie : Histoire - Théorie - Pratique

    Editions Detrad, Paris, 1995

     

    Autexier Philippe - La Lyre maçonne

    Editions Detrad, Paris, 1997

     

    Cotte Roger - La musique maçonnique et ses musiciens

    Editions du Borrego, Le Mans, 1991

     

    Gefen Gérard - Les musiciens et la Franc-maçonnerie

    Collection « Les chemins de la musique » - Editions Fayard, 1993

     

    Guigue Christian - La formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 1995

     

    Mainguy Irène - La symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2001


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