•  Droits et devoirs en Franc-maçonnerie 

    Introduction

    Toutes les formations humaines proclament et codifient des droits. La Révolution française a établi la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Curieusement, personne ne parle jamais de devoirs ! Il n’a jamais été question de rédiger une Déclaration des Devoirs de l’Homme. Peut-être n’y a-t-on pas songé ; peut-être a-t-on pensé que les devoirs découlaient de l’exposition des droits ?

    En Franc-maçonnerie il en va tout autrement : on n’y parle jamais de droits mais seulement de devoirs, estimant que les droits découlent de l’observation des devoirs et que les hommes doivent être plus soucieux de leurs devoirs que de faire valoir des droits.

    La Maçonnerie étant composée d’hommes évolués, il n’est pas besoin de leur exposer leurs droits mais il faut enseigner d’abord les devoirs car, par un penchant inné, les hommes ont toujours tendance à les oublier. Il n’est pas inutile de les leur rappeler et de les mettre constamment en présence de leurs devoirs.

    Il y a peu, en tirant quelques conclusions à l’issue d’un débat passionnant réunissant une vingtaine de Frères autour d’une bonne table, j’énonçais l’idée que j’ai fait mienne depuis plusieurs années : en Franc-maçonnerie nous n’avons que deux droits fondamentaux mais de nombreux devoirs. Je citais aussi une idée de mon parrain : « être Franc-maçon est un privilège ; l’assiduité aux Tenues est un devoir ». Telles sont les pistes que je me propose de développer dans le présent travail.

    Au cours de ma première année de Maçonnerie j’ai surtout recherché quels étaient mes devoirs d’Apprenti. Un peu plus tard, j’ai inventorié ceux de Compagnon. Je réalise aujourd’hui qu’il serait bon d’examiner les devoirs de ceux qui font en sorte que nous nous sentions heureux en Loge et qui sont chargés de nous transmettre la Tradition. Car, le moment venu, nous devrons nous aussi la transmettre à tous ceux qui nous succéderont dans cette chaîne sans fin qui se propose de construire le Temple à la gloire du Grand Architecte de l’Univers.

    Entrons donc dans le vif du sujet : quels sont nos deux droits fondamentaux en tant que Francs-maçons, quel que soit notre grade ?

    Deux droits fondamentaux

    De bonnes Tenues

    Si nous sommes entrés en Franc-maçonnerie régulière, c’est généralement parce que nous sommes désireux de vivre une certaine forme de spiritualité, de chercher à mieux nous connaître, à nous améliorer, à tisser des liens fraternels avec ceux qui poursuivent les mêmes objectifs personnels, avec ceux qui partagent nos motivations…

    La Franc-maçonnerie régulière peut être considérée comme une méthode initiatique mise à la disposition d’une élite qui cherche la Vraie Lumière. Cette méthode ne peut être efficace qu’à la condition d’être assidu aux Tenues, de chercher à comprendre le sens des rituels (ce que nous voyons, entendons, ressentons), et que tous ceux qui ont un rôle à jouer dans ces rituels s’y investissent du mieux qu’ils le peuvent. Et là nous entrons de plein pied dans le domaine des devoirs sur lesquels je m’étendrai dans la suite de cette planche.

    Nous avons donc, me semble-t-il, un droit fondamental, c’est celui de pouvoir bénéficier de bonnes Tenues. Mais qu’est-ce qu’une « bonne » Tenue ? Pour moi, c’est bien évidemment tout différent d’une simple réunion profane bien organisée ! C’est un moment privilégié où je réussis – en principe – à oublier complètement mes soucis profanes (familiaux, professionnels, matériels). C’est un moment où je parviens à me plonger entièrement dans les rituels et à vivre pleinement l’objet essentiel du « programme », sans distraction, pour « communier » avec mes Frères, c’est-à-dire réaliser que, grâce à leur présence, nous marchons ensemble, dans nos voies personnelles mais convergentes, dans la quête de la Vraie Lumière.

    C’est le moyen qui me permet de me libérer progressivement de mes défauts, de mes préjugés, de mes vices… C’est un espace-temps sacré qui me permet d’acquérir, dans le silence et loin des agitations profanes, des comportements de tolérance, de fraternité… C’est un moment privilégié qui me permet de me ressourcer et d’acquérir – progressivement et à condition d’être assidu – quelques vertus telles l’amour de mes Frères et de mon prochain.

    Méthode initiatique, la Franc-maçonnerie régulière met à notre disposition des moyens non négligeables pour nous permettre d’atteindre inconsciemment nos objectifs. « Inconsciemment » car des années de Maçonnerie ne suffisent pas toujours pour que les autres Frères perçoivent quelque évolution dans notre comportement !

    Pour vivre pleinement notre Maçonnerie à titre personnel, il convient tout d’abord, à chaque Tenue, de nous mettre en condition : c’est pourquoi la Colonne d’Harmonie fait généralement retentir ses plus beaux accords pour nous permettre de quitter virtuellement le monde profane afin d’entrer dans le monde sacré.

    Le rituel d’Ouverture des Travaux poursuit le même objectif. Mais ce rituel ne peut atteindre son but que si les Officiers chargés de le faire vivre mettent tout en œuvre pour qu’il en soit ainsi : tout leur cœur dans l’énonciation des phrases, dans la gestuelle et les déplacements propres à leur fonction.

    Ensuite, quel que soit l’objet essentiel de la Tenue (de la présentation d’un dossier de candidature à l’Initiation d’un Profane en passant par l’interrogatoire de ce dernier sous le bandeau ; un Passage au grade de Compagnon, une Élévation au sublime degré de Maître Maçon ; la célébration du Solstice de la Saint-Jean d’hiver ou d’été, le Réveil de la Loge, l’Installation d’un nouveau Vénérable Maître et de sa Commission d’Officiers Dignitaires ; l’écoute de Planches,…) et quel que soit notre grade, nous avons droit à bénéficier du meilleur Travail maçonnique possible afin qu’il serve efficacement la méthode initiatique et, in fine, que soit effective la transformation positive des faibles individus que nous sommes.

    Une bonne formation

    Mais pour arriver à vivre de tels moments magiques, il convient de tenter de comprendre ce qui se passe. C’est ici que surgit le problème de la formation maçonnique. La consultation d’une littérature maçonnique, de plus en plus vaste ces quinze dernières années, ne suffit pas. Une participation active à des séminaires organisés généralement par nos Frères Surveillants s’avère indispensable. Elle constitue un juste complément à notre assiduité en Tenue.

    Nous avons en effet le droit de nous former. Et pour moi, la formation maçonnique commence par le questionnement. Il convient, me semble-t-il, de se poser des questions à propos de tout ce que nous voyons et entendons au cours d’une Tenue. Arrêter de se poser des questions, ce serait arrêter de chercher la Lumière ; ce serait abandonner ce pourquoi nous sommes entrés en Maçonnerie.

    Certes, il ne s’agit pas, pour les Frères Surveillants, de donner un cours de symbolisme, mais plutôt de montrer le chemin que le Néophyte doit parcourir pour atteindre à plus de perfection, pour tendre vers cette Lumière qui éclaire l’esprit et fera de l’Homme un futur Initié. Dès lors, quelles seraient les qualités d’une bonne formation maçonnique ?

    Des séminaires de qualité

    Les jeunes Maçons sont en droit de se demander pourquoi il y a lieu de participer à des séminaires de formation. Tentons donc d’apporter une réponse à cette question.

    Les séminaires doivent permettre aux Maçons de trouver un endroit où ils peuvent s’exprimer, quel que soit leur grade ; échanger et confronter leurs idées, leurs réflexions. Le mieux est sans doute de ne pas y venir les mains vides mais muni ne fut-ce que d’un plan, mais surtout de questions. Le mieux, me semble-t-il, ce serait d’y arriver muni d’une petite planche, outil idéal qui favorise la structuration des idées.

    Tout séminaire, bien organisé, est un moment de convivialité exceptionnel, pour autant qu’il soit bien organisé, bien préparé par le Frère Surveillant qui en a la responsabilité. Pour moi, c’est le moment idéal où chaque Frère présent, communique oralement le contenu de sa planche, où les autres Frères présents ont la possibilité de réagir, de donner leur avis, de solliciter des explications complémentaires, de dire qu’ils n’ont pas tout compris sans crainte d’être jugés.

    Le contenu des séminaires

    Quels sont les grands axes de la formation maçonnique ?

    • Faciliter l’intégration des nouveaux Apprentis au sein du groupe des Apprentis et au sein de la Loge.

    • Faire découvrir les arcanes du grade d’Apprenti, du grade de Compagnon, du grade de Maître.

    • Observer, analyser, comprendre les différentes charges des Officiers Dignitaires pour pouvoir, à son tour, accepter sans craintes, l’une ou l’autre charge au sein de sa Loge.

    • Acquérir une culture maçonnique afin de pouvoir plus tard participer soi-même à la formation des jeunes Maçons.

     

    Au premier degré, une partie de la charge du Second Surveillant est d’organiser de bons séminaires dont le programme comprendrait :

    L’analyse du Tableau de Loge d’Apprenti et de tous les symboles qui le composent:

    • le Maillet, le Ciseau et le Temple symbolique à construire

    • la Perpendiculaire et le Fil à plomb

    • le Pavé mosaïque, les trois Piliers et le Carré long

    • les deux Colonnes surmontées des Grenades

    • la Corde à nœuds

    • la Voûte étoilée, le Soleil et la Lune

    L’analyse du Tuilage de l’Apprenti au cours de la cérémonie d’Initiation et, d’une manière plus approfondie :

    • le symbolisme du Nombre Trois

    • les mots, signes et attouchement du grade

    • la marche de l’Apprenti

    L’analyse des rituels d’Ouverture et de Clôture des Travaux au grade d’Apprenti mais aussi quelques premières réflexions à propos :

    • des sautoirs, bijoux et fonctions des Officiers Dignitaires ;

    • des luminaires et flambeaux dans la Loge.

    L’analyse de la cérémonie d’Initiation, c’est-à-dire :

    • l’expression de ses premières impressions après son Initiation et son premier travail d’Apprenti, après avoir subi des épreuves et effectué des voyages ;

    • une réflexion sur le sens de l’épreuve de la Terre ou du séjour dans le Cabinet de réflexion ; sur l’Abandon et la Restitution des Métaux ; sur les quatre éléments par lesquels le Néophyte est purifié ;

    • une réflexion sur le tablier et les gants blancs de l’Apprenti ainsi qu’une recherche sur la signification du bijou de la Loge.

    D'autres sujets, tels que, de manière non exhaustive :

    • les devoirs de l’Apprenti ;

    • l’interrogatoire sous le bandeau ;

    • la régularité maçonnique et la Constitution de notre Obédience ;

    • le Règlement général de l’Obédience et le Règlement particulier de notre Loge ;

    • la structure de notre Obédience et son organisation ;

    • les Officiers de la Loge, les Grands Officiers de l’Obédience et leur charge respective ;

    • le vocabulaire symbolique spécifique (« Tracé », « Respectable Loge », « Frère », « Vénérable Frère », « Respectable Frère », « Planche » et « Planche d’excuses », « Colonnes », « Degré » et « Grade », « Métaux », « Morceau d’architecture », « Sac aux propositions », « Tronc de solidarité »…).

    Le Frère Second Surveillant devrait aussi impérativement mettre l’accent sur les aspects opératifs du cheminement des Apprentis :

    • la préparation de la salle des banquets en collaboration avec le Maître des Banquets ;

    • la préparation du temple en collaboration avec le Frère Architecte et le Maître des Cérémonies ;

    • le service à table : servir mais aussi débarrasser et ranger ;

    • l’implication personnelle dans la vie de la Loge.

     

    Au deuxième degré, les séminaires organisés sous la responsabilité du Frère Premier Surveillant, devraient comprendre au minimum :

    • une réflexion à propos du Passage au grade de Compagnon qui s’effectue par des outils, des gestes, des actions…

    • une analyse approfondie de la cérémonie du Passage au grade de Compagnon et le sens des voyages accomplis et à accomplir ;

    • l’étude du nombre du Compagnon et des nouveaux symboles rencontrés à ce grade ;

    • l’analyse du Tableau de la Loge de Compagnon ;

    • une réflexion approfondie sur la symbolique des outils, sur la signification des Colonnes, sur les trois fenêtres du Tapis de Loge aux deux premiers degrés ; sur les divers sens du mot de passe du grade et sur l’évolution de la pierre brute à la pierre cubique à pointe.

    Mais le Frère Premier Surveillant peut aussi favoriser les réflexions à propos :

    • de la loi du silence et du secret maçonnique ;

    • des devoirs des Compagnons…

    Sans oublier de les préparer à devenir Officiers Dignitaires. D'où une réflexion à propos de la fonction de ces derniers et de leur place dans la Loge.

     

    Au troisième degré, les séminaires de Maîtres organisés sous la responsabilité du Frère Orateur – pour autant qu’il ait déjà rempli la charge de Vénérable Maître – devraient envisager pour le moins :

    • une réflexion à propos de la maîtrise ;

    • une analyse approfondie de la cérémonie d'Élévation à la maîtrise ;

    • l’étude des nombres du Maître et la gestuelle symbolique de ce grade ;

    • l’analyse du Tableau de la Chambre du Milieu ;

    • l’examen approfondi des charges des Officiers de la Loge ;

    Afin que chaque Frère présent puisse bénéficier de la meilleure Tenue possible, il convient à présent d’examiner l’autre volet de ce travail : celui des devoirs, et en premier lieu celui des Officiers Dignitaires qui se mettent au service de tous les Frères présents.

    Les devoirs des Officiers Dignitaires

    Un poste d’Officier Dignitaire n’est pas un titre honorifique dans une Loge. Il est une charge que le Maçon doit remplir au mieux de ses possibilités. Dans une Loge, il n’y a pas d’officier plus important que les autres. Tous ont leur utilité, leur rôle à jouer. Il suffit que l’un d’eux, quel que soit sa fonction, faille à sa tâche et c’est tout l’Atelier qui en souffre. Une Tenue maçonnique n’a de valeur et de sens que si tous les Officiers, portés par les autres membres de la Loge, travaillent ensemble dans une même direction.

    Les devoirs du Vénérable Maître

    Pour une Loge, il est essentiel de formuler les devoirs du Vénérable Maître car c’est donner la possibilité à chacun des Frères qui la composent, d’exprimer sa propre compréhension de ce qu’est le rôle du Maître de la Loge et d’enrichir ainsi cette fonction, fondamentalement unique dans sa cohérence, de ses multiples facettes qui reflètent les engagements de chacun et qui donnent ainsi, une image réelle de la vie initiatique au sein de la Loge.

    Ramener le rôle du Vénérable Maître à celui d’un simple gestionnaire élu pour un mandat d’un ou deux ans, c’est considérer la Loge uniquement comme une association profane, dépourvue de tout esprit initiatique et traditionnel. Par contre, lui conférer la charge de faire vivre et de transmettre l’Initiation, c’est lui donner certainement la tâche immense, la plus difficile qui soit, celle de maintenir et de faire évoluer la Loge dans le courant traditionnel des bâtisseurs.

    Le Vénérable Maître n’est pas un modèle car, en initiation, nous ne sommes pas dans une relation de maître à disciple. Éveilleur, il lui faut en revanche être un exemple pour ses Frères, un être aimable, vénérable à cause de ce qu’il fait et de ce qu’il est. C’est là la seule source de légitimité et il est reconnu par tous pour cela.

    Le Vénérable Maître doit être entièrement au service de l’œuvre. La recherche du moindre pouvoir serait une faute impardonnable. Aussi, désappropriation et don de soi seront ses qualités indispensables. En incarnant la fonction qui lui a été attribuée, le Maître de la Loge reçoit une énergie qui ne lui appartient pas et qu’il doit redistribuer à tous ceux qui œuvrent sur le chantier.

    Le devoir essentiel du Vénérable Maître est de traduire dans ce qu’il construit la présence lumineuse. Il rend ainsi visible l’invisible, faisant rayonner la connaissance. Construire doit être sa raison d’être.

    Aussi, le devoir essentiel du Vénérable Maître est d’initier et de transmettre l’Initiation. Un Maître de Loge qui se satisferait de ce qui a été réalisé ne serait plus digne de porter cette fonction.

    Puisque le Vénérable est choisi parmi les Maîtres, il doit donc avoir droit plus que les autres à ce titre de Maître, c’est-à-dire avoir réalisé complètement son Initiation. Il doit être un homme parfait sous tous ses rapports et aucune des qualités que doivent posséder les Maîtres, ne doivent lui faire défaut.

    Dire que le Vénérable Maître doit faire respecter intégralement le Rituel me paraît superflu. Lors de toutes les cérémonies, son rôle est très important. Il doit veiller à ce que celles-ci soient bien préparées pour ne laisser place à aucun flottement.

    Le rôle du Vénérable est si important qu’il ne souffre pas d’être tenu à moitié, car la vie de l’Atelier risque d’en être compromise. Il faut que celui qui est investi de la confiance de ses Frères se pénètre bien de sa mission et qu’il l’accomplisse en toute loyauté, en toute conscience.

    Le Vénérable Maître n’aura droit au respect de ses Frères que par son humilité, par sa bonté, par sa compréhension, par son humeur toujours égale ; par ses qualités d’organisateur.

    Mais le rôle du Vénérable Maître ne se limite pas à la conduite des Travaux en Loge : son activité doit aussi s’exercer d’une façon très efficace en dehors des Tenues de son Atelier.

    Sur lui repose l’organisation du Travail. Il doit tout prévoir pour que les Frères puissent apporter leur pierre à l’édifice. Avec le concours de sa Commission d’Officiers Dignitaires, il doit dresser un plan de travail coordonné qui réponde aux aspirations de sa Loge afin d’éviter les pertes de temps. Il faut qu’il coordonne le travail en utilisant judicieusement les aptitudes de chacun, en mettant en valeur tous les éléments de son Atelier, en veillant notamment à ce que les jeunes Frères prennent place pour, petit à petit, se former au contact de leurs aînés. Ainsi chacun prendra sa part et s’intéressera à la vie commune.

    Le Vénérable Maître est aussi le conseiller, le confident ; il doit s’occuper de ses Frères aussi bien individuellement que collectivement. Il doit s’inquiéter des absences, s’enquérir de la cause du manque d’assiduité, rappeler aux Frères chargés de travaux qu’ils doivent les présenter à la date convenue.

    C’est sur lui que repose la représentation extérieure de l’Atelier. Il doit rendre visite à d’autres Loges, participer aux Travaux du Collège des Vénérables Maîtres, participer aux Tenues de Grande Loge. Il lui faut aussi rendre visite aux Frères malades ou déléguer des Frères auprès d’eux ; soulager les infortunes, réconforter les découragés, avec beaucoup de tact, de souplesse et de bonté. Dans cette famille de Frères que constitue la Loge, le Vénérable Maître joue le rôle de père attentif et prévoyant. Il ne devra jamais perdre de vue que sur lui repose l’harmonie.

    Le Vénérable Maître a la garde de la Lumière dans son Atelier. Il devra veiller à ce qu’elle ne subisse pas d’éclipse. Il devra entretenir la Foi en chacun.

    C’est sur ses Frères que le Vénérable Maître aura à compter pour organiser le Travail en Loge. Aussi nous devons lui faciliter la tâche. Nous lui devons le respect et la reconnaissance car il est notre incarnation, notre représentant, notre émanation, notre père. Un vieil adage maçonnique résume tous ses devoirs : « Aimer, instruire et consoler ».

    Cette tâche est si écrasante qu’aucun Maître ne pourrait seul la mener à bien. Aussi le Rituel prévoit-il de nombreux Frères qui le seconderont dans sa mission.

    Les devoirs des Frères Surveillants

    Le Vénérable Maître est seul à diriger dans une Loge mais les deux Surveillants ont pour mission de le seconder. C’est pourquoi nous trouvons dans le « tuilage » de l’Apprenti l’expression « trois la dirigent ». Les Premier et Second Surveillants sont respectivement les deuxième et troisième Lumières de la Loge, les deuxième et troisième Maillets.

    Le rôle des Surveillants est très important pour la bonne exécution des rituels d’Ouverture et de Clôture des Travaux : ils sont chargés de l’inspection des Colonnes puis, avec le Vénérable Maître, de l’allumage et de l’extinction des Etoiles sur les Piliers. Leur rôle est capital au cours des cérémonies d’Initiation et des Augmentations de Salaire. Ils sont chargés de vérifier si les mots, signes et attouchements ont été correctement transmis.

    Leur premier rôle est de faire régner la discipline sur leur Colonne. Le Premier Surveillant a pour premier devoir de veiller sur la Colonne du Midi et de diriger les Travaux des Compagnons. Le Second Surveillant veille sur la Colonne du Nord et instruit les Frères Apprentis.

    Les devoirs du Premier Surveillant

    Assis derrière son plateau et placé à la tête de la Colonne des Compagnons, le Premier Surveillant, le regard attentif, a pour devoir principal de maintenir une discipline, qu’il s’applique aussi à lui-même, et qui constitue la surveillance proprement dite. Celle-ci consiste à faire régner au mieux le calme parmi les Compagnons et les Maîtres placés au Midi.

    Avec le Niveau pour bijou suspendu à son sautoir, le Premier Surveillant doit veiller à ce qu’une égalité absolue règne entre tous. Cette égalité doit être cherchée en élevant ce qui est en bas au niveau de ce qui est en haut. En d’autres termes, il doit faire l’éducation des Compagnons pour les amener au niveau des Maîtres. Il doit les guider sur le chemin de l’Initiation.

    Le deuxième devoir principal du Premier Surveillant consiste à distribuer la parole dans le temple. Cette distribution de la parole comprend trois actes : l’obtention, le refus et le retrait. Une fois la parole obtenue, il convient à tout Frère de remercier le Surveillant qui la lui a accordée. Le Premier Surveillant refuse la parole à tout Frère qui la prend sans l’avoir obtenue, soit parce qu’il ne l’a pas demandé, soit parce que le Vénérable Maître ne la lui a pas accordée.

    Quand la sérénité d’une Tenue est menacée, le Premier Surveillant a le devoir, pour ce qui regarde sa Colonne, d’attirer l’attention du Vénérable Maître sur la pondération de toute prise de parole en Loge.

    Au moment adéquat, le Premier Surveillant est impérativement chargé de signaler au Vénérable Maître que plus personne ne désire prendre la parole sur les Colonnes, en utilisant par exemple l’une ou l’autre des phrases suivantes, selon le Rite pratiqué : « Les Colonnes sont muettes, Vénérable Maître », « Le silence règne sur l’une et l’autre Colonne, Vénérable Maître »…

    Le Premier Surveillant est chargé de l’instruction maçonnique des Compagnons. L’instruction au deuxième degré aide les Compagnons à augmenter leur Salaire et à accéder à la Maîtrise. Fidèles à l’esprit progressif de l’Ordre, nous devrions considérer l’instruction maçonnique comme une promotion au troisième degré.

    Les devoirs du Second Surveillant

    Durant les Travaux, le Second Surveillant, assis derrière son plateau, est la « tête » de la Colonne du Nord et son premier responsable. Le regard attentif, il a lui aussi pour devoir principal de maintenir une discipline – qu’il s’applique également – et qui constitue également la surveillance proprement dite. Celle-ci consiste à faire régner au mieux le calme parmi les Apprentis et les Maîtres placés au Nord. Le Second Surveillant fait en sorte d’éviter la naissance de tout brouhaha, source de perturbation des Travaux.

    Tout comme le Premier Surveillant, le Troisième Maillet de la Loge distribue la parole sur la Colonne du Nord.

    Le Second Surveillant est chargé de l’instruction maçonnique des Apprentis, de leur promotion au Compagnonnage. Il est donc chargé de la transmission orale d’éléments de base du thésaurus maçonnique, appelée « instruction au premier degré ».

    Le Second Surveillant collabore avec le Maître des Banquets pour assurer une juste répartition des tâches opératives entre les Apprentis et pour veiller à ce que ceux-ci les accomplissent « avec zèle, fidélité et dévouement » : servir au bar, dresser les tables, desservir, faire la vaisselle…

    Les devoirs du Frère Orateur

    Placé à la gauche du Vénérable Maître, se trouve le Frère Orateur dont le rôle paraît effacé car il n’intervient que rarement et pourtant on ne peut passer au vote sur n’importe quel sujet sans lui avoir demandé ses conclusions. Aussi sa mission est-elle plus importante que beaucoup le pensent. Son rôle est assez mal compris en général.

    Pour Bernard Baudouin, la mission de l’Orateur consiste à faire respecter la Constitution et le Règlement général qui définissent l’organisation et le fonctionnement dans l’Obédience suivant le Rite pratiqué. Le devoir principal du Frère Orateur est donc de veiller spécialement à l’observation stricte des règlements : ceux de l’Obédience (Règlement général et Décrets) et celui de la Loge (Règlement particulier).

    Pour Christian Guigue, en cette qualité, le Frère Orateur est chargé de rappeler les Frères à l’ordre en cas de dérapage ou de manquement aux principes, traditions et règlements de l’Ordre. Généralement, il ne prend pas part aux échanges pouvant avoir lieu dans l’Atelier. Sa fonction lui impose de prendre du recul, de rester lucide pour présenter la synthèse des Travaux ou de procéder à des commentaires divers.

    Pour Jean Ferré, l’Orateur est le dépositaire du Règlement d’ordre intérieur de la Loge et des Règlements généraux de l’Obédience. C’est à lui de vérifier qu’ils sont respectés. Il est l’organe de la Loi maçonnique. En ce sens, il est chargé de donner ses conclusions, favorables ou non, à l’issue d’une Planche tracée ou d’une discussion. Il pourra donc demander des rectifications, des suppressions, avant de donner son assentiment. Une fois ses conclusions mises aux voix, personne dans l’Atelier ne peut reprendre la parole sur le sujet.

    Pour Bernard Baudouin, le Frère Orateur dispose à ce titre d’un grand pouvoir et peut s’opposer à certaines pratiques qu’il juge « déviantes » : il est le garant de la « loi maçonnique ». Il est ainsi le seul Officier à pouvoir interpeller le Vénérable Maître sans passer par les Surveillants, afin de le reprendre sur un point précis – jugé inadéquat – dans le déroulement d’une Tenue ou d’une cérémonie.

    Officier siégeant à l'Orient de la Loge, l’Orateur a donc pour charge essentielle de faire respecter la loi maçonnique, c’est-à-dire, dans notre Obédience, la Constitution de la G.L.R.B. et le Règlement général de la G.L.R.B. Il est le garant de l'orthodoxie, le garant du respect des règles.

    Il doit notamment vérifier les dossiers des candidats à l’Initiation et s’assurer que toutes les formalités exigées par nos règlements sont bien observées.

    D'une manière générale, le Frère Orateur est l’Officier de la Loge chargé de prononcer des discours. Dans le cadre restreint de la Loge, l’Orateur a notamment pour rôle de produire des « morceaux d’architecture » dans la plupart de nos cérémonies. Sa tâche consiste à exprimer dans un discours, les sentiments de la Loge après l’Initiation d’un Apprenti ou après une Augmentation de salaire (Passage au degré de Compagnon ou Élévation à la maîtrise). C’est le discours de bienvenue, la « première instruction du grade », qu’il est tenu de rédiger. C’est l’Orateur qui a en charge la lecture des planches officielles.

    Occasionnellement, nos Tenues laissent aussi la place à la présentation de planches qui ne sont pratiquement jamais suivies de débat afin de préserver la sérénité au sein de la Loge. Mais, lorsqu'un Frère Apprenti ou un Frère Compagnon est amené à présenter sa planche dite « d’augmentation de salaire », les Frères Maîtres se réunissent ensuite en Chambre du Milieu où un bref débat peut avoir lieu au sujet du contenu de la planche entendue, au sujet de l’assiduité du Frère concerné, de son engagement maçonnique et de son investissement personnel dans sa Loge.

    Le Frère Orateur est alors appelé à conclure ce débat d’un point de vue strictement maçonnique et, éventuellement, à donner ses conclusions en vue d'un vote demandé par le Vénérable Maître. Tout vote en Loge ne peut en effet avoir lieu qu’après la conclusion formulée par le Frère Orateur sur le sujet en question. Car le Vénérable Maître ne peut pas commettre d’erreurs en présence des Frères de la Loge. Seuls ses Officiers Dignitaires peuvent éventuellement se tromper – car nul n’est parfait – tandis que le Vénérable Maître doit s’efforcer de ne montrer qu’un exemple parfait. Il incarne la Lumière et doit en permanence faire preuve de sagesse !

    Les devoirs du Frère Secrétaire

    La charge de Secrétaire revêt une grande importance du fait de la multiplicité de ses fonctions. Au plan purement maçonnique, on dit qu’il est la mémoire de la Loge. Il a pour fonction essentielle de rendre compte des Travaux maçonniques.

    Pour ce faire, durant les Tenues, il observe les faits essentiels qui se passent, prend des notes, écoute les communications et les échanges verbaux lorsque les Frères ont obtenu la parole, résume et transcrit les propos issus des planches présentées.

    Grâce au registre des présences, signé avant toute Tenue tant par les Frères de l’Atelier que par les Frères Visiteurs, il note le nombre de Frères présents et les excuses des Frères absents.

    A partir de cette esquisse, il rédige ensuite le procès-verbal de la réunion que l’on nomme « Projet de Tracé de la Tenue » et qui sera lu aux membres de l’Atelier lors de la Tenue suivante. Remarquons que lors de la Tenue suivante, ce « Projet de Tracé de la Tenue précédente » peut faire l’objet de petites corrections à la demande des membres de l’Atelier puis, éventuellement, d’un commentaire de la part de l’Orateur. Après quoi il doit être adopté par les Maîtres qui y étaient présents, signé par le Secrétaire, par le Vénérable et parfois par l’Orateur. Ce tracé rejoint enfin les autres documents de ce type dans le « Livre d’Architecture ».

    C’est le Secrétaire qui, avec le Vénérable Maître, prépare les convocations reprenant l’ordre du jour de nos travaux. Il les envoie à chacun des membres de l’Atelier ainsi qu’aux instances supérieures.

    Mais le Frère Secrétaire a d’autres fonctions, d’autres devoirs : il tient en ordre le registre matricule des membres de la Loge, par ordre d’admission ; s’occupe de la correspondance en général ; enregistre les votes et gère tous les actes administratifs et relationnels entre la Loge et ses membres, entre la Loge et l’Obédience (le Grand Secrétariat) mais aussi entre la Loge et les Loges des autres régions.

    Le Secrétaire enregistre toutes les décisions prises par les Frères Maîtres de l’Atelier. Il note le résultat d’un vote après le dépouillement du scrutin. Parfois il est amené à compter les voix favorables et défavorables exprimées par les mains levées.

    Il doit établir les dossiers de candidature, préparer les dossiers d’augmentation de salaire, signaler à l’administration maçonnique les différents changements qui peuvent s’opérer au sein de la Loge : Initiations, Passages au 2ème degré, Élévations au 3ème degré, démissions, radiations, affiliations, décès … afin que le fichier de l’Obédience soit également tenu à jour.

    Dans tout courrier qu’il rédige, imprime, photocopie ou expédie, le Frère Secrétaire agit « par mandement du Vénérable Maître ».

    Les devoirs du Frère Maître des Cérémonies

    En règle générale, le Frère Maître des Cérémonies est chargé d’introduire, de guider, de conduire les Frères dans la Loge. Il assiste le Vénérable Maître et intervient dans l’Ouverture et la Clôture des Travaux en allumant ou en éteignant les luminaires.

    Il précède et conduit le Vénérable Maître dans ses déplacements. Gardien du bon déroulement des cérémonies, il se déplace autant qu’il convient pour corriger ce qui manque ou semble incorrect.

    Le Frère Maître des Cérémonies est responsable de toutes les cérémonies dont il doit parfaitement connaître le déroulement. Ceci implique qu’il se soit bien imprégné de tous les rituels en usage dans la Loge. Il doit s’assurer que les candidats aux différents degrés sont convenablement préparés.

    Pour l’accueil des Autorités maçonniques éventuellement présentes, il doit prévoir la désignation de trois porteurs d’étoile, notamment lorsque le Grand Maître ou son adjoint viennent rendre visite à la Loge. Il doit aussi veiller à ce que les épées nécessaires à la formation de la voûte d’acier aient été préparées au bon endroit.

    Les devoirs du Frère Aumônier – Hospitalier

    Le travail du Frère Aumônier – Hospitalier (ou "Hospitalier" au R.E.A.A. ou encore "Eléémosynaire" au R.E.R.) se fait essentiellement à l’extérieur de la Loge. Son rôle est très important et délicat car il doit apporter un soutien dans les moments difficiles. Il devrait être la personnification de la fraternité et de l’entraide maçonnique. C’est à lui de mettre en pratique, plus que tout autre Maçon, la fraternité et la charité. Cet office apparaît très difficile et très exigeant.

    Dans les Loges qui comptent un assez grand nombre de Maîtres, ce poste est généralement confié à l’un ou l’autre Maçon expérimenté qui sait comprendre et pardonner les erreurs et les errements, qui sait faire la différence entre un ennui passager et une situation qui s’aggrave. Il lui faut donc beaucoup de sagesse et de dévouement. Dans les Loges peu nombreuses, cet usage ne peut malheureusement pas toujours être appliqué.

    L’aide que le Frère Aumônier – Hospitalier peut apporter n’est pas que matérielle. Il doit en effet apporter son soutien dans les moments difficiles. Mais pour pouvoir exercer sa mission correctement, il faut qu’il soit tenu au courant des problèmes, des difficultés, des épreuves que peuvent vivre certains Frères de l’Atelier, afin de pouvoir agir au mieux de leurs intérêts, de les réconforter, de les aider à la fois spirituellement et matériellement.

    Le Frère Aumônier – Hospitalier doit se trouver choisi parmi les Maîtres qui disposent de beaucoup de temps, qui manifestent une grande sociabilité et qui sont capables de pratiquer une chaleureuse solidarité. Cette fonction exigeante et difficile met le Maçon au pied du mur. Les membres de l’Atelier peuvent vérifier, dans le cadre de cette fonction, la réalité de sa fraternité sinon sa façon de comprendre ou de pratiquer les vertus maçonniques.

    Si la coutume lui attribue le rôle de collecter les finances destinées à soulager les infortunes, de visiter et d’assister les Frères malades, le Frère Aumônier – Hospitalier est avant tout le confident des membres de la Loge qui peuvent rencontrer toutes sortes de difficultés, y compris celles d’ordre pécuniaire.

    Les Frères qui subissent une gêne momentanée ou qui se trouvent dans l’impossibilité de payer leur cotisation pour cause de chômage ou de problème personnel exceptionnel et qui sont l'objet d'une détresse particulière doivent s'en ouvrir auprès de cet Officier.

    Les confidences sont couvertes par le secret. Le titulaire de cette charge n’est redevable d’explications qu’au Vénérable Maître de l’Atelier. Lorsque l’Aumônier Hospitalier évoquera une affaire en Chambre du Milieu, ce sera en parlant d’un Frère dans le besoin ou l’affliction, mais sans en préciser le nom.

    Les devoirs du Frère Couvreur

    Le Frère Couvreur désigne l’Officier de la Loge chargé de la garde de la porte de la Loge. En d’autres termes, il est l’Officier chargé de protéger et d’assurer la sécurité des Travaux. On dit qu’il « assure la couverture du temple ».

    Selon les Obédiences et les Loges, il se peut qu’il y ait parfois deux Couvreurs : l’un à l’intérieur de la Loge, l’autre à l’extérieur. Dans certains cas, le Couvreur n’est autre que l’ancien Vénérable de la Loge, comme souvent au Rite Écossais Ancien Accepté. Il est en effet d’usage à plusieurs rites que ce soit le Vénérable Maître descendant de charge qui remplisse cet office car il fait passer celui qui dirigeait la Loge, de l’office le plus élevé, au plus humble, enseignant ainsi que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas.

    Idéalement, et pour l’exemple d’humilité qu’il donnerait, la fonction de Couvreur extérieur pourrait être exercée par l’ancien Passé Maître Immédiat. Mais le nombre de Maîtres dans la Loge n’est pas toujours suffisamment élevé pour qu’il en soit ainsi.

    La fonction de Couvreur concerne tout ce qui a trait à la garde des abords, extérieur et intérieur, de la porte. Anciennement, précise Irène Mainguy, il était appelé Frère Terrible à cause de la rigueur et de la vigilance que réclamait la fonction. Il était recommandé au Couvreur « de tenir fermement le glaive qui écarte les indiscrets non préparés à participer aux travaux ».

    Le Couvreur a une fonction qui désigne symboliquement la ligne de séparation très mince entre la Loge en activité et le monde profane, et ce, durant toute la durée des Travaux d’une Tenue, tant que le temple doit être « à couvert ».

    Le Frère Couvreur est mandaté par le Vénérable Maître pour laisser entrer les Francs-maçons qui doivent assister à une Tenue et permettre éventuellement à des visiteurs autorisés de se joindre à la cérémonie. Si nécessaire, il doit également écarter les profanes indiscrets.

    Les devoirs du Frère Trésorier

    Le Frère Trésorier est responsable de la gestion des fonds de la Loge. Il établit un budget et présente l’état des comptes chaque année lors de la Tenue administrative. Le Frère Trésorier participe aux réunions du Comité de Gestion des locaux dans lesquels se tiennent les Tenues. A chaque réunion de la Commission des Officiers Dignitaires, le Frère Trésorier doit être en mesure de présenter clairement la situation comptable de la Loge.

    Le Frère Trésorier prévoit le fond de caisse pour le Frère Compagnon responsable du bar. Il perçoit le montant des frais de participation aux agapes. Il peut être aidé dans ce cas par le Frère Maître des Banquets.

    A l’issue de chaque Tenue il évalue, avec le Frère Aumônier - Hospitalier, le contenu du Tronc de Bienfaisance. Il clôture la caisse du bar en collaboration avec le Frère Maître des Banquets.

    Le Frère Trésorier a un rôle très ingrat à jouer : quoi de plus pénible que d’avoir à réclamer de l’argent ! Il invite chaque Frère à régler par virement au compte de la Loge le montant de la cotisation annuelle, semestrielle ou mensualisée. Aussi faut-il que les Frères lui épargnent cette peine et que d’eux-mêmes ils règlent leur dû au plus vite. Ils savent que rien ne peut se faire sans argent, et qu’un Trésor à l’aise facilite grandement la marche matérielle de l’Atelier.

    En vue ou à l’issue d’une Initiation, le Frère Trésorier invite tout nouvel Apprenti à s’acquitter du montant de la cotisation annuelle et des frais d’Initiation ; au moment d’un Passage au Second degré, le Frère Trésorier invite le nouveau Compagnon à s’acquitter du montant des frais de Passage au grade de Compagnon ; à l’issue d’une Élévation au Troisième degré le Frère Trésorier invite le nouveau Maître à s’acquitter du montant des frais d'Élévation à la Maîtrise.

    Le Frère Trésorier verse à la fin de chaque semestre les capitations de la Loge au Grand Secrétariat de notre Obédience, la Grande Loge Régulière de Belgique. Il n’y a pas de capitations à virer en ce qui concerne les membres d’honneur de la Loge. Il vire également une capitation lorsqu'un Frère a reçu une « augmentation de salaire » (Passage ou Élévation).

    Mais le Frère Trésorier doit être le confident discret auquel chacun ne doit pas craindre de se confier. Si un Frère est dans la gêne, il doit s’en ouvrir au Trésorier qui, si le cas n’est pas grave et la gêne passagère prendra sur lui d’accorder les délais demandés. Mais, si le cas est sérieux, le Trésorier aura le devoir d’alerter le Vénérable Maître pour qu’une décision soit prise pour venir en aide à ce Frère si le besoin s’en fait sentir.

    Chaque année, lors de la Tenue administrative, le Frère Trésorier présente le bilan de l’exercice écoulé. En présentant la situation de la caisse de la Loge, le Frère Trésorier doit aussi être à même d’établir des prévisions de dépenses et de recettes pour l’année à venir.

    Les devoirs du Frère Maître de la Colonne d’harmonie

    Le rôle de la Colonne d’Harmonie est d’accompagner le rituel et de le servir de manière adaptée à ses besoins en restant en parfaite adéquation avec lui. C’est pourquoi le Maître qui en a la responsabilité n’a pas la tâche facile.

    Le Maître de la Colonne d’Harmonie se doit de bien connaître les rituels utilisés dans sa Loge. Sa mission comporte un temps de préparation assez long qui consiste à rechercher des œuvres convenant le mieux aux effets recherchés et prescrits dans les rituels. Choisir ces extraits dans les œuvres du répertoire classique, baroque, moderne… est laissé à l’appréciation du Maître. Afin de ne pas distraire les Frères participant à la Tenue mais les placer dans les meilleures conditions de réceptivité, il vaut mieux qu’il ne choisisse pas des extraits trop connus.

    Le devoir du Frère Maître de la Colonne d’Harmonie est de fédérer, unifier, créer une sorte de communion, transcender et participer à la création d'un égrégore positif dont chacun bénéficiera. Il ajoute ainsi une dimension, parallèlement au rituel, qui n'est pas du domaine de la raison mais de l'émotion. Le Maître de la Colonne d'Harmonie n’est pas là pour remplir des « vides » mais pour contribuer à créer une nouvelle perspective, un nouveau regard sur l'instant vécu collectivement et individuellement.

    Son travail est l’équivalent d'une planche à part entière, avec un début, une fin, un développement, un sens. Sa collaboration à la Tenue est partie prenante de la Transmission qui est une des missions essentielles de la Franc-maçonnerie.

    Les devoirs du Frère Expert

    Le Frère Expert est essentiellement chargé de veiller au respect des rituels, à leur bonne exécution. Il est donc indispensable qu’il les connaisse bien, sans doute mieux que quiconque dans la Loge !

    En outre, il est chargé du « tuilage » des Frères visiteurs lorsqu’ils sont encore en salle humide et lorsque le moindre doute subsiste quant à leur qualité effective de Maçon. Il faut reconnaître que cette démarche est relativement rare.

    Le Frère Expert a aussi pour devoir de « tuiler » l’Apprenti « qui demande à participer aux Travaux » au cours de la cérémonie d’Initiation ainsi que le Compagnon qui fait la même demande au cours de la cérémonie de Passage au deuxième degré. Par contre le Vénérable tuile le Frère Expert au cours de la cérémonie d’Elévation au sublime degré de Maître Maçon. En ce qui concerne cet aspect particulier de la charge de l’Expert, il me paraît donc évident que les questions de tout tuilage soient mémorisées à la perfection afin de ne pas perturber le Frère Apprenti ou le Frère Compagnon qui, lui, connaît ses réponses de mémoire et dans l’ordre !

    Les devoirs du Frère Maître des Banquets

    Le Frère Maître des Banquets organise les Travaux de Table et veille à ce qu’ils soient de qualité mais à des prix acceptables par tous les Frères. Il assiste le Frère Trésorier au cours des réunions du Comité de Gestion des locaux dans lesquels se tiennent les Tenues.

    En arrivant au local le Frère Maître des Banquets assure la mise en place de la table avec les Frères Apprentis.

    En étroite collaboration avec les Frères Surveillants, il veille à ce qu’un Frère Compagnon assume effectivement la responsabilité de l’encaissement au bar et que les Frères Apprentis dressent la table, assurent le service, la vaisselle des verres, le rangement des vidanges, le réapprovisionnement des frigos ainsi que la remise en ordre du bar.

    Le Frère Maître des Banquets veille à ce que les Frères Apprentis respectent les doses prescrites pour les différentes boissons.

    Le Frère Maître des Banquets inscrit d’office les Frères de la Loge aux agapes, prend note du nom des Frères qui n’assistent pas aux agapes, tient compte des inscriptions de Frères visiteurs puis calcule avec le plus de précision possible le nombre de participants. Il établit avec précision le montant des frais des repas et veille à encaisser les éventuels achats de bouteilles de vin et d’eau. Il veille à la bonne diligence du service et coordonne le travail des Frères Apprentis. En collaboration avec le Frère Trésorier, il paie les fournisseurs éventuels et vérifie le nombre de bouteilles de vin et d’eau qui ont été consommées lors des agapes.

    Avant de partir, après chaque Tenue, le Frère Maître des Banquets assure le rangement final des locaux.

    Les devoirs de tout Frère Maître

    Se rendre maître de soi correspond, pour une large part, au programme de la vie. Si nous prenons peu à peu possession de nos organes et de nos facultés, sans parvenir, le plus souvent, à réaliser toutes les possibilités, l’Initiation nous convie à surpasser la commune mesure. Ce qui distingue l’Initié, c’est qu’il se possède mieux et plus complètement. Mais la tâche est ardue. C’est pourquoi les exigences sont proportionnées au degré initiatique atteint.

    Le Maître achève de soumettre ce qui doit obéir. De la gorge, sa main s’est portée sur son cœur et finalement sur son ventre, siège des appétits que l’Initié s’efforce de réduire au silence. L’art d’éviter la décrépitude et de vieillir en pleine vigueur d’esprit n’est pas le dernier mot de l’Initiation. Une sage hygiène physique et mentale doit permettre de prolonger la vie individuelle.

    Nul n’est Maître s’il ne possède l’Art à fond. Mais comme toutes choses, l’Art évolue et s’adapte aux nécessités puisqu’il est destiné à progresser sans cesse. Le progrès est l’œuvre des Maîtres qui rénovent les traditions en les affranchissant de la routine. 

    L’Initié se consacre au Grand Art qui est celui de la vie. Il aspire donc à la maîtrise vitale : c’est la vraie Vie, celle qu’il doit comprendre et sentir. Une judicieuse compréhension de la Vie est, en effet, à la base de toute sagesse initiatique. Sa supériorité réside donc dans son pouvoir d’approfondir. Ce pouvoir, l’Initié doit le développer. Aller au fond des choses, tel est la tâche essentielle du Maître Penseur. 

    Si les Hermétistes devaient chercher la Pierre cachée des Sages dans l’intérieur de la Terre, ces mêmes profondeurs révéleront au Maçon la Parole Perdue. C’est à force de descendre que l’on pénètre dans la Chambre du Milieu où resplendit la Lumière centrale explicative de toutes les énigmes. Seule la clarté rapportée des profondeurs permet au Maître d’éclairer ses Frères.

    Celui qui devient Maître contracte l’engagement de travailler, surtout pour autrui. Il doit en effet aux Apprentis et aux Compagnons la lumière indispensable à l’accomplissement de leur tâche. Ce n’est donc pas pour nous reposer que nous atteignons le degré de Maître. Nous devons redoubler d’efforts constants afin que rien de ce qui concerne l’Art ne reste obscur pour nous.

    Le Maître s’élèvera de plus en plus dans le domaine de la compréhension en saisissant la pensée d’autrui, en allant à la recherche de la contradiction. La méditation silencieuse a en effet son complément et, au besoin, son correctif dans la libre discussion, d’autant plus féconde si les idées échangées sont plus opposées. L’incessante préoccupation de s’assimiler le Vrai développera en lui le sentiment de tolérance, vertu essentielle du véritable Franc-maçon. Toute opinion largement répandue renferme du vrai car c’est la vérité qui captive l’esprit humain. Aucune croyance n’est méprisable car aucune n’est fausse d’une manière absolue.

    Reconnaissant ses défauts et ses faiblesses, le Maître se gardera bien de s’attribuer une quelconque supériorité sur ses Frères. Une fois passés de l'Équerre au Compas, ces deux symboles doivent retenir notre attention en permanence. Quel que soit notre statut dans la vie profane, quelle que soit notre activité professionnelle, l'Équerre est le symbole qui doit nous rappeler le devoir de rectitude de notre comportement en toutes circonstances, tandis que le Compas doit nous rappeler la nécessité de nous ouvrir aux autres, à tous nos Frères, à notre prochain.

    Donnant en permanence l’exemple à suivre, nous sommes tous au service de notre Loge, surtout lorsque nous y avons une fonction d’Officier Dignitaire à remplir. Mais, sur les Colonnes, lorsque nous n’avons aucune fonction particulière, nous nous devons d’être toujours à l’écoute de nos Frères, qu’ils soient Apprentis, Compagnons ou Maîtres.

    Nous sommes tous là pour travailler, sur nous-mêmes en priorité, pour le bien de la Loge et le développement de l’Obédience. Plus que quiconque, nous devons être assidus. Mais notre assiduité doit être désirée : c’est une assiduité de conviction. Outre les devoirs de l’Apprenti et du Compagnon que nous faisons nôtres, nous avons de surcroît le devoir d’être vigilant au recrutement et celui de transmettre aux plus jeunes les éléments de la Tradition maçonnique.

     

    *   *   *   *   *   *   *

    Afin qu’un jour, quand leur temps sera venu, les Frères Apprentis et Compagnons puissent eux aussi se mettre au service de la Loge, examinons à présent quels sont les devoirs de leur grade respectif.

    Les devoirs des Frères Apprentis

    Tout Frère Apprenti a des devoirs envers lui-même – être sincère et apprendre à se connaître – mais il a aussi des devoirs généraux comme tout Initié, à savoir :

    • être discret et se taire devant les Profanes ;

    • méditer les enseignements du rituel, étudier les symboles, pratiquer le symbolisme et la rectification ;

    • se soumettre à la Loi et la respecter ;

    • chercher la Vérité, être à la recherche permanente du Vrai ;

    • être tolérant et ne priser que la vertu ;

    • aimer ses Frères et pratiquer la fraternité ;

    • être bienveillant envers les autres, faire le bien et assister les faibles ;

    • vouloir la justice et l’appliquer envers tous ;

    • vouloir la dignité envers soi-même ;

    • être assidu, travailler et tirer profit de la taille de la Pierre brute ;

    • découvrir le sens de l’Initiation.

    Les attitudes suivantes me semblent aussi essentielles :

    1. La sincérité qui nous est demandée implicitement à nous montrer tels que nous sommes est une des conditions primordiales qui rendront valable ou non notre Initiation.

    2. Ce qui me paraît être notre premier devoir, c’est la méditation des enseignements du rituel afin d’y conformer notre conduite. Pour tout ce que nous entendons, observons, vivons, il convient de se poser des questions, de chercher des réponses en nous-mêmes d’abord, auprès de nos Frères ensuite, dans la littérature maçonnique enfin. C’est là notre devoir par excellence qui comprend tous les autres.

    3. La discrétion qui nous est imposée implique un devoir de réserve et de silence. Ce n’est qu’à la faveur de ce long silence que nous pourrons faire cet indispensable retour sur nous-mêmes qui nous affranchira définitivement de l’influence pernicieuse de notre existence antérieure et nous fera découvrir, en même temps, que la Lumière que nous sommes venus chercher dans le Temple se trouve déjà en nous.

    4. L’assiduité aux Tenues comme aux séminaires est primordiale car, pour progresser, il me paraît indispensable de suivre un rythme de travail et de rencontres. Sans cette assiduité, le travail à opérer sur soi-même me semble difficile car il implique le concours de tous nos Frères. Rappelons ici que le travail maçonnique est avant tout l’activité de l’homme en soi, la conquête de son identité, la maîtrise de ses passions, la reconnaissance de ses faiblesses et de ses vertus.

    5. Enfin, pour tirer un réel profit de la taille de la Pierre brute, l’adoption d’un comportement à la fois critique et bienveillant me paraît hautement souhaitable.

    Les devoirs des Frères Compagnons

    Les Compagnons ont-t-ils des devoirs particuliers dans notre Ordre ?

    Les Frères Compagnons ont les mêmes devoirs que les Apprentis car ils seront toute leur vie d’éternels Apprentis ! Ces devoirs sont le dégrossissement de la Pierre brute. La perfection n’étant pas de ce monde, il faudra la chercher toute la vie durant pour s’en approcher de plus en plus.

    Comme les Apprentis, ils doivent poursuivre leur perfectionnement intellectuel et moral, mais avec des moyens nouveaux, mis à leur disposition par un symbolisme plis étendu.

    La plupart des devoirs des Compagnons sont clairement explicités dans le rituel du Passage au second degré !

    • Par leur serment, ils réitèrent tous les engagements qu’ils ont déjà contractés dans notre Ordre.

    • En ce qui concerne l’observation fidèle des lois, ils promettent de se conduire en toutes circonstances de manière à mériter toujours d’être proposé en exemple aux Apprentis.

    • Ils sont désormais directement intéressés au dévouement envers leurs Frères et notre Loge. Ils ne reçoivent jamais qu’en proportion de ce qu’ils donnent. Par contre, s’ils se cantonnent en un égoïsme inintelligent, ils ne tireront jamais aucun bénéfice réel de la Franc-maçonnerie.

    • Plus qu’auparavant  ils auront le souci de la permanence du travail bien fait et l’amour du métier.

    • Ils veilleront à abandonner autant que possible leurs défauts, à reconstruire leurs structures mentales imparfaites ou incomplètes.

    • Ils doivent, en permanence, faire preuve de courage, de persévérance, d’espoir et de confiance.

    • Pour les nouveaux Compagnons, tout se résume en une seule résolution : celle de devenir de réels Initiés et de s’instruire en conséquence, afin de pouvoir se consacrer de toutes leurs forces et en pleine conscience à l’œuvre de la Franc-maçonnerie. Pour cela, il leur faut souvent consulter leur conscience, juge suprême à qui ils ne peuvent rien cacher.

    • Enfin, tout au long de cette nouvelle période de l’Initiation qui s’ouvre à eux, ils doivent tacher de percer le sens des nouveaux symboles que la cérémonie leur a fait découvrir.

    Il y a cependant des devoirs qui me paraissent encore plus importants pour les Compagnons : l’assiduité et la ponctualité, le travail, la tolérance, le silence, la domination de soi-même, le devoir de voyager

    L'ASSIDUITÉ

    La présence du vrai Maçon aux Tenues de son Atelier apporte à ses Frères un concours inappréciable d’énergie psychique. Il contribue à charger cette pile de dynamisme humain dont les membres réellement actifs d’une Loge sont les éléments constitutifs.

    Si chacun d’entre nous prend la Maçonnerie à cœur, s’il s’inspire de son idéal et s’enthousiasme pour son œuvre, chacun des membres de notre Loge y puisera une force immense. C’est pourquoi la fréquentation régulière de notre Loge représente pour moi une obligation afin que se forge la fraternité et pour que s’élabore cette relation complexe entre nous, Frères rassemblés par un désir commun, par une volonté partagée et inspirés par une même aventure spirituelle. Ne désigne-t-on pas nos réunions par l’expression « Tenues d’obligation » ? Faut-il le rappeler ici : être Maçon est un privilège ; assister aux Tenues est un devoir.

    La fréquentation de notre Loge est liée au travail. Certes nous y trouvons le plaisir des retrouvailles mais les Compagnons, qui doivent montrer en tout temps l’exemple, devraient prendre part aux Travaux de notre Atelier avec une scrupuleuse assiduité.

    Un dévouement sincère constitue en effet une force immense et notre ferveur de Maçons, notre attachement à la Maçonnerie, ne peut se manifester que par le zèle avec lequel nous suivons tous les Travaux de notre Loge.

    Notre institution sera d’autant plus vivante, plus forte et active, que chaque Apprenti, chaque Compagnon et chaque Maître Maçon fréquentera sa Loge avec plus de ferveur et d’assiduité.

    LA PONCTUALITÉ

    Tout groupement qui veut agir n’obtient un résultat que si ses éléments composants ont su accepter une discipline. S’ils n’ont pas consenti à s’imposer une certaine contrainte en vue de coordonner et d’unifier leurs efforts, toute leur agitation resterait stérile.

    Quitte à paraître particulièrement exigeant – mais ne le suis-je pas d’abord pour moi-même ? – je pense qu’il ne suffit pas de participer à une partie seulement des Travaux et de faire tardivement acte de présence : il faut commencer strictement à l’heure prescrite. D'ailleurs, l’arrivée tardive d’un Frère n’est-elle pas source de distraction et de déconcentration pour chacun d’entre nous ?

    J’ai personnellement le sentiment de participer à cette œuvre commune en tant que membre d’une collectivité agissante. Je pense que chacun peut et doit en prendre conscience puis agir dans le même sens.

    Le Travail maçonnique impliquant une coopération méthodiquement réglée, tout bon Compagnon devrait toujours veiller à être scrupuleusement à son poste en temps voulu et à ne pas craindre de s’imposer les sacrifices nécessaires pour ne jamais manquer l’Ouverture des Travaux de son Atelier. Mais qu’est-ce qui empêche les Apprentis et les Maîtres d’adopter la même attitude positive ?

    Cette discipline est d’une extrême importance car elle seule donne à la Loge sa force et lui permet d’exercer une action effective, tant sur ses propres membres que sur le monde extérieur. Un groupement peu nombreux mais uni et strictement discipliné devient une sorte d’accumulateur de dynamisme à haute tension. Rien ne lui résiste si chacun de ses éléments donne ce qu’il peut donner. Composée de vrais Maçons, une Loge est une puissance capable d’obtenir tout ce qui est juste, pourvu qu’elle sache le vouloir avec énergie et avec persistance.

    Certes, il nous faut aussi accepter que chaque Franc-maçon suive la voie qui est la sienne. Chacun peut avoir des obligations professionnelles, des responsabilités familiales qui constituent autant de freins à sa progression  personnelle. Mais au moment des premiers contacts avec nos parrains, notre disponibilité personnelle, l’avis de notre conjointe ont été évoqués pour nous faire comprendre toute l’importance de l’assiduité et de la disponibilité dont les Francs-maçons doivent faire preuve.

    C’est donc en pleine connaissance de cause que les Compagnons devraient s’imposer la règle de ne jamais se dérober au travail commun, tant opératif que spirituel.

    LE TRAVAIL

    Tout Frère présent sur une Colonne ne devrait jamais oublier que son travail consiste d’abord à travailler sur lui-même avant que d’apprécier le travail d’un Frère. Pour le Compagnon résolu à s’associer sérieusement au Grand Œuvre, être actif signifie bien autre chose qu’un concours purement financier. Un Maçon qui se montrerait exemplairement assidu et ponctuel n’a pas encore nécessairement satisfait de cette façon à tout son devoir d’activité. Participer régulièrement au travail commun qui s’accomplit en Loge c’est fort bien mais ce n’est pas tout.

    Le travail symbolique a une grande importance, sans doute, mais il ne serait qu’une lettre morte s’il n’avait pas pour effet de faire travailler l’esprit des Maçons en dehors de leurs réunions périodiques.

    Pour moi, le vrai Compagnon c’est celui qui parviendrait à puiser dans sa Loge une excitation à penser. C’est celui qui en reviendrait chaque fois méditatif et ne manquerait jamais, dans l’intervalle des Tenues, de se préoccuper des sujets à l’étude, de préparer des travaux et de consacrer à la Loge en particulier ou à la Franc-maçonnerie en général, un maximum du temps dont il pourrait disposer sans toutefois négliger sa famille, ses proches. Seul le Maçon qui travaillerait ainsi, sans jamais perdre de vue le Grand Œuvre, serait en droit de se dire pleinement actif, me semble-t-il.

    Le travail opératif doit se poursuivre. Lorsque les Apprentis sont en nombre réduit, la collaboration aux tâches opératives s’impose. En Maçonnerie, il n’y a pas de tâches ingrates. Toutes doivent nous aider à rester humbles en toutes circonstances. Il m’est arrivé de voir des Passés Maîtres débarrasser la table au cours d’agapes. Quel bel exemple d’humilité pour nous tous !

    L’ILLUMINATION

    Afin qu’elle ne dégénère pas en activité stérile, l’activité que nous déployons devrait être judicieuse. C’est pourquoi il nous importe tant de voir clair. Le Compagnonnage devrait nous rendre attractifs pour le vrai et nous en rapprocher. Il nous appartient de nous tourner vers la lumière et de marcher dans sa direction.

    Rappelons à ce sujet les propos d’Oswald Wirth : « Cheminant sans faiblir, observant toujours, raisonnant et comparant, tout en s’efforçant de deviner, l’esprit humain s’illumine peu à peu, au fur et à mesure que la lumière se fait dans l’entendement ».

    LA TOLÉRANCE

    Le Maçon ne peut que constater la diversité des croyances et chercher une communauté fondée sur l’amour de l’homme en tant qu’expression singulière de la qualité humaine. Or, la qualité humaine repose sur la conscience de chacun et sur le sentiment d’un destin commun. La tolérance ne suffit donc pas à définir l’attitude maçonnique.

    Ce qui la définit, c’est la compréhension et l’amour de ce qui constitue l’Ordre humain, la vie dans ses manifestations différentes commandées par les temps et les lieux et acceptée comme vérité pour l’homme.

    LE SILENCE

    Pendant toute la période d’observation que nous avons traversée en tant qu’Apprenti, nous avons été contraints au silence. A présent, les Compagnons sont en droit de se demander si la qualité du silence qui leur est demandée est différente de celle imposée à l’Apprenti.

    Le Compagnon a le droit de prendre la parole en Tenue, mais il ne doit rien révéler de ce qu’il a appris ni aux Profanes ni aux Apprentis. Le droit de parler n’est pas contradictoire avec le devoir de se taire car le silence du Compagnon n’est pas celui de l’Apprenti !

    Dans la Loge, le Compagnon a le droit de parler pour s’exercer à l’expression juste et à l’échange courtois, tout en poursuivant le silence intérieur. Mais la parole est si précieuse qu’il vaut mieux ne pas la gaspiller !

    Le silence du Compagnon est une nécessité pour assurer la confiance que l’on peut avoir en lui. Trop parler nuit, surtout lorsqu’on parle à des ignorants ou à des malveillants.

    En se taisant, les Compagnons peuvent prendre conscience de l’importance des connaissances dont ils ont surpris l’usage. Sans doute ce silence doit-il leur permettre de peser le privilège qui leur est accordé de participer à une entreprise constructive. Il doit leur faire découvrir que l’enjeu est la survie de l’Ordre maçonnique. Ils devraient comprendre que le silence est l’arme des forts et se souvenir que notre Ordre ne peut durer que par le secret !

    Toute la force du Compagnon réside en sa participation à l’âme de la Franc-maçonnerie. Le silence prend donc pour lui une importance capitale. Tout se résume d’ailleurs pour le Compagnon en une seule résolution, celle de devenir un réel Initié et de s’instruire en conséquence, afin de pouvoir se consacrer de toute son âme à l’œuvre de la Franc-maçonnerie.

    LA DOMINATION DE SOI-MÊME

    En se mettant à l’ordre de Compagnon, son geste invite à dompter son propre cœur, à contenir tout bouillonnement d’une ambition personnelle et à étouffer tout sentiment qui ne serait pas absolument noble et généreux. Il lui faut arriver à ne pouvoir rien désirer qui ne soit juste.

    Sa volonté n’a qu’une action très restreinte tant qu’elle émane de son caprice individuel. Mais lorsque l’individu s’oublie pour mettre toute son énergie au service d’une grande cause, il acquiert une puissance immense dont il ne devrait jamais user arbitrairement.

    « Pour devenir maître de toute chose, nous dit Oswald Wirth, il faut donc commencer par se dominer soi-même d’une manière absolue. Ne rien désirer pour soi autorise à vouloir impérieusement ce qui rentre dans l’ordre universel des choses et ne doit profiter qu’au bien général ».

    LE DEVOIR DE VOYAGER

    Jadis, le Compagnonnage était avant tout une association d’ouvriers dont le but était la transmission d’un métier, dans ce qu’il avait de purement technique mais également dans ce qu’il avait de formateur.

    Depuis toujours le Compagnonnage vise le complet accomplissement de l’individu grâce au perfectionnement de sa valeur professionnelle, à l’éducation de son caractère, à la solidarité et à la fraternité rencontrées tout au long du grand voyage que l’on nommait autrefois « Le Tour de France » et que devait effectuer tout compagnon.

    De nos jours, l’enseignement du Compagnon s’articule encore autour des notions de voyage et de travail. C’est l’invitation à aller au-delà du paysage familier, à rompre avec les habitudes et à créer. La marche du Compagnon ne le lui indique-t-elle pas symboliquement ?

    Aujourd’hui, le devoir de voyager se traduit par l’obligation de rendre visite à d’autres Respectables Loges, quel que soit le rite qu’elles pratiquent. Ces visites doivent non seulement nous permettre de compléter notre information sur le plan du symbolisme et des usages rituels mais également nous permettre de tisser davantage de relations humaines positives avec tous ceux qui sont nos Frères, tous ceux qui ont un jour désiré partager notre idéal de fraternité. Mais au-delà de ces aspects matériels, informatifs et relationnels, il y a aussi le passage d’un savoir-faire à un savoir-être, donc un aspect formatif non négligeable.

    Le Maçon doit voyager : il n’est pas bon qu’il reste confiné dans sa loge, dans son rite et dans ses habitudes. Quand un paysage nous devient trop familier, nous avons tendance à moins le regarder ! La coexistence de nombreux rites est certainement une source de richesse. Que les Francs-maçons ne partagent pas toujours les mêmes opinions à propos de la Franc-maçonnerie est sans doute une fort bonne chose également.

    Pour se maintenir sur la « Voie du Milieu », il n’y a qu’un seul moyen, c’est d’avancer ! La variété des paysages maçonniques a un sens. Elle institue l’union dans la diversité, modèle que la Franc-maçonnerie propose à l’extérieur du Temple. Chacun est un éclairage précieux qui participe à la lumière et personne ne se perçoit ni n’est reconnu comme toute la lumière. La fraternité induite par l’union dans la diversité se réalise entre « cherchants ». Les Frères sont tels dans la mesure où, ensemble, ils veulent « aller plus loin », pratiquer le vrai dialogue.

    ŒUVRER DANS TOUTES LES DIRECTIONS

    Ce que l’Initiation au grade de Compagnon nous a sans doute suggéré, c’est d’œuvrer dans toutes les directions. Comme le rappelle le rituel dans un autre rite, chaque art libéral est une facette de l’ultime vérité à aborder de tous les points de vue, tant que nous ne l’avons pas trouvée au centre de notre cœur.

    Certains Frères peuvent croire que leur mission est l’action positive dans des réalités concrètes. D'autres Maçons peuvent imaginer la nécessité d’acquérir des connaissances sur la façon dont les hommes ont résolu les difficultés de la vie en commun et des rapports entre l’homme et ce qui le dépasse. Certains peuvent encore s’élever jusqu'à pouvoir percer le mystère de la Connaissance et recevoir la dernière Lumière susceptible d’éclairer l’esprit humain.

    C’est une question tout à fait personnelle quant à l’adhésion et à l’adoption concernant tel ou tel point de vue. Mais, au moins, sachons apprécier la richesse des solutions apportées par les hommes au cours de leur longue marche de la nuit au jour, de la haine à la Fraternité, de la nécessité à l’Amour.

    Conclusion provisoire

    Lors de notre interrogatoire sous le bandeau, les premières qualités qui ont été exigées de chacun de nous pour être admis dans l’Ordre – sans lesquelles nous ne pourrions vraiment être initiés – nous ont été communiquées par le Vénérable Maître : faire preuve de la plus grande sincérité, d’une docilité absolue et d’une constance à toute épreuve.

    Le soir de notre Initiation, nous avons prêté un serment : celui de ne jamais révéler aucun des secrets de la Franc-maçonnerie, celui d’aimer nos Frères et de les secourir selon nos facultés, celui d’observer la Constitution, le Règlement général et les Décrets de la Grande Loge Régulière de Belgique ainsi que le Règlement particulier de notre Loge.

    Nous avons donc aussi le droit d’être aimé par nos Frères, le droit d’être secouru si nous nous trouvons dans une situation difficile… A ce sujet, j’ai évoqué la mission du Frère Aumônier – Hospitalier mais rappelons-nous que cet Officier Dignitaire est loin d’être le seul à pouvoir apporter aide, assistance et amour à chacun d’entre nous : c’est un devoir mutuel pour chacun d’entre nous !

    En tant qu’Apprentis, Compagnons et Maîtres, nous avons tous le droit de participer aux meilleures Tenues possibles chaque fois que notre Loge se réunit.

    Chaque fois que le Vénérable Maître nous appelle au Travail, nous sommes tous en droit d’attendre de chacun de nos Frères qu’il remplisse son rôle particulier avec la plus grande rigueur, avec le souci du travail bien fait, avec amour fraternel. C’est pourquoi j’ai évoqué non seulement quelques aspects des fonctions des Officiers Dignitaires mais également les travaux opératifs – qui concernent les Apprentis, les Compagnons comme les Maîtres – et qui sont des devoirs de la plus grande importance.

    En tant qu’Apprentis et Compagnons, nous avons droit à l’organisation de séminaires de qualité. C’est pourquoi j’ai évoqué à ce propos les devoirs des Surveillants mais j’ai aussi précisé que les apports individuels de tout Apprenti et de tout Compagnon, que ce soit sa bonne volonté, les travaux qu’il réalise, qu’il apporte, qu’il présente, la qualité de ses réflexions… sont aussi à mettre en relation avec ses devoirs maçonniques.

    Les jeunes Maçons d'aujourd’hui, Apprentis et Compagnons, seront Maîtres demain. Quelle Maçonnerie espèrent-ils ? Pourront-ils préserver et transmettre à leur tour la Maçonnerie Traditionnelle ?

    Puisse la présente réflexion avoir pu les aider et les mettre sur la voie car elle consiste à faire le point sur les conditions imposées aux candidats à l’Initiation, sur l’ensemble des nombreux devoirs qui concernent tant les Néophytes que les Apprentis – Maçons, les Compagnons et les Maîtres. Ces devoirs nous concernent tous depuis notre première démarche en vue de notre admission en Franc-maçonnerie jusqu'à notre Passage à l’Orient Éternel.

    R:. F:. A. B.

    Bibliographie

    En ce qui concerne les devoirs de l’Apprenti

    Béresniak Daniel - Rites et Symboles de la Franc-maçonnerie

    Tome I : « Les Loges Bleues » - Editions Detrad, Paris, 1997 - Pages 2, 30 et 39

     

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade de Compagnon

    Editions Edimaf, Paris, 1986 - Pages 34 à 37

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995 - Pages 204 à 206

     

    Login J.P. - Le Compagnon

    Editions Detrad, Paris, 1994 - Pages 65 & 66

     

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail en chambre de Compagnons

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 119 à 121

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    2ème partie : « Le Compagnon » - Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 107 à 114

                                                                                                  

    En ce qui concerne les devoirs des Apprentis et Compagnons

    Béresniak Daniel - Rites et Symboles de la Franc-maçonnerie

    Tome I : «Les Loges Bleues» -  Editions Detrad, Paris, 1997 - Pages 39, 100, 138

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995 - Pages 30 à 32

     

    Dubrun Jean-Patrick - Qu’est-ce qu’un Apprenti Franc-maçon ?

    La Maison de Vie, Fuveau, 2002 - Pages 35 à 37

     

    Gloton Edmond - Instruction maçonnique aux Compagnons

    Maison de Vie Editeur, 2009 - Pages 59 à 66

     

    Login J.P. - Le Compagnon

    Editions Detrad, Paris, 1994 - Pages 65 à 66, 113 à 115

     

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail en loge d’Apprentis

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 6 à 9 ; 26 à 30 ; 34

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    Tome 1 : « L’Apprenti » -  Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 141, 142, 159 à 167

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    Tome 2 : « Le Compagnon » - Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 71, 72, 86, 90 et 91

     

    En ce qui concerne les devoirs du Maître

    Alban Gilbert - Manuel pratique du Second Surveillant

    Guide de l’Apprenti - Editions Detrad, 1996

     

    Alban Gilbert - Manuel pratique du Premier Surveillant

    Editions Detrad, 1996

     

    Dangle Pierre - La Franc-maçonnerie initiatique

    Le livre du Maître

    La Maison de Vie, Fuveau, 1999 - Page 93

     

    Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Editons Dervy, Paris, 1994

     

    Gloton Edmond - Instruction maçonnique aux Apprentis

    Maison de Vie Editeur, 2009 - Pages 99 à 109

     

    Gloton Edmond - Instruction maçonnique aux Maîtres

    Maison de Vie Editeur, 2009 - Pages 65 à 87

     

    Mainguy Irène - La Symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2002 - Page 373

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    3ème partie : « Le Maître » -  Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 149 à 164

     


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  • A mon bien aimé et Respectable Frère Marc, pour sa suggestion stimulante.

    Octobre 2011 – Janvier 2012

     Qu'est-ce qu'un devoir ? 

    Introduction

    La scène suivante se passe à l’école primaire, en 5ème année : "Prenez votre journal de classe ! Indiquez : Devoir ; le verbe « plancher » à tous les temps connus."

    Dans ce contexte, le mot « devoir » désigne toute tâche que je pouvais imposer quotidiennement à mes élèves il y a plus de 30 ans, lorsque j’étais instituteur.

    Mais à présent, la cloche a sonné ; l’école est finie pour moi !

    La première idée, assez simple, que nous pouvons nous faire à propos du mot « devoir », n’est-ce pas cette tâche imposée par un enseignant à ses élèves, principalement dans l’enseignement primaire ? Car, au niveau secondaire, le nombre de leçons à étudier dépasse de loin celui des tâches écrites à effectuer à domicile. Quant à l’enseignement supérieur ou universitaire, ce sont plutôt les travaux à réaliser seul, en groupe ou en équipe, qui y sont à l’honneur.

    Mais le mot « devoir », pris dans ce sens, se retrouve dans la relation « officier / soldats » ou dans la relation entre un supérieur hiérarchique et ses subalternes.

    Cette introduction en forme de clin d’œil ou d’autodérision me rappelle que pendant plus de quinze ans j’ai exercé le métier d’instituteur puis celui de directeur d’école primaire et qu’il me faut à présent un peu plus sérieux pour aborder la notion de « devoir » en Franc-maçonnerie.

    La notion de « devoir » en Franc-maçonnerie

    Dans quelques-unes des planches que j’ai eu le bonheur de tracer, je me suis plu à affirmer sans regrets qu’à côté des deux ou trois droits essentiels que nous avons tous en Franc-maçonnerie, il existe une multitude de devoirs auxquels nous ne pouvons pas échapper pour autant que nous ayons réellement bien pris conscience de ce que nous sommes venus faire en Loge.

    Je ne vais pas rappeler ici l’énumération presque exhaustive des devoirs que j’avais listés tant pour l’Apprenti que pour le Compagnon, pour tout Maître, pour un Vénérable Maître et chacun de ses Officiers Dignitaires, pour les Députés, voire même pour les Grands Officiers de notre Obédience.

    Non, mes Frères, mon propos de ce Midi, c’est de vous livrer le fruit de mes réflexions nocturnes à propos de ce petit mot « devoir », un mot abstrait qui mérite de s’y attarder quelque peu.

    Au cours d’une récente conversation avec notre R:. F:. Marc J. est apparue cette question difficile mais o combien importante : « Qu’est-ce qu’un devoir ? ».

    « Qu’est-ce qu’un devoir ? »

    Le devoir pris au sens abstrait pourrait être considéré comme une obligation morale, non pas à travers telle ou telle règle ou action particulière mais prise pour elle-même.

    Le devoir me semble être la grande loi de la Franc-maçonnerie. L'approfondissement de la notion de devoir, à chaque stade de la vie maçonnique, est l'essence même de la recherche de la vérité. La récompense ne se trouve pas dans un quelconque résultat espéré mais dans la démarche, c'est-à-dire la découverte d'un sens à l'existence. Pour moi, l'accomplissement du devoir fait partie intégrante du travail initiatique maçonnique.

    La Tradition a transmis parmi les Maçons un grand nombre de préceptes relatifs aux devoirs, et dont l’ensemble forme un admirable code de morale pratique.

    C’est, en effet, un trésor conservé dans le patrimoine de l’institution. Mais ce n’est pas un corps de doctrine. En donnant la Lumière, la Franc-maçonnerie n’impose pas ce qu’elle permet de voir. En nous prescrivant d’observer le plus strictement possible les devoirs, la Franc-maçonnerie s’adresse à notre probité, à notre honneur, à nos sentiments, certaine de ne pas contrarier nos croyances religieuses ou philosophiques. Il s'agit ainsi de promouvoir des valeurs morales et spirituelles, qui conduisent à un perfectionnement individuel sans limite, et à un idéal social.

    Pour illustrer mon propos, pour tenter de bien me faire comprendre et d’arriver à dégager le dénominateur commun de tous nos devoirs, le plus simple n’est-il pas de prendre appui sur quelques exemples ?

    Un devoir de Grand Officier

    Je commencerai par le devoir de Frères que nous ne voyons pas très souvent dans nos Loges. Un des devoirs d’un Grand Officier en visite dans une Loge n’est-il pas de venir soutenir l’action du Vénérable Maître et de ses Officiers ? Qu’est-ce à dire ? Encourager, féliciter sans flatter, rappeler fraternellement tel ou tel détail du rituel qui pourrait être amélioré ; redéfinir ou apporter des précisions…

    Ce devoir essentiel n’est pourtant pas inscrit dans un règlement. Ce serait plutôt une attitude volontaire, librement consentie, de la part d’un Maître qui, par son mérite, s’est vu confier quelques missions importantes, dont celle de représenter le Grand Maître dans les Loges de l’Obédience et celle d’apporter un message de soutien et d’encouragement à tous les Frères à progresser dans l’Art Royal.

    Un des devoirs du Vénérable Maître

    Un des premiers devoirs de tout Vénérable Maître, c’est de bien préparer ses Tenues, afin que chacun de ses Frères présents puisse en retirer le meilleur profit spirituel puisqu'un des principaux droits de tout Maçon est de bénéficier des meilleures Tenues possibles.

    Ramener le rôle du Vénérable Maître à celui d’un simple gestionnaire élu pour un mandat d’un ou deux ans, ce serait considérer la Loge uniquement comme une association profane, dépourvue de tout esprit initiatique et traditionnel !

    Par contre, lui conférer la charge de faire vivre et de transmettre l’Initiation, c’est, dans le contexte actuel où ces valeurs sont en perdition, lui donner certainement la tâche immense, la plus difficile qui soit, celle de maintenir et de faire évoluer la Loge dans le courant traditionnel des bâtisseurs.

    Le Vénérable Maître n’est pas un modèle car, en initiation, nous ne sommes pas dans une relation de maître à disciple. Par contre, le Vénérable Maître devrait être un éveilleur. Il devrait être un exemple pour ses Frères, un être aimable, vénérable à cause de ce qu’il fait et de ce qu’il est. C’est là la seule source de légitimité et, pour cela, il est reconnu par tous. Le devoir essentiel du Vénérable Maître est d’initier et de transmettre l’Initiation.

    Ce devoir non plus ne figure pas dans un règlement. Il est implicite dans la cérémonie de son Installation et dans les traditions de toute Loge initiatique.

    Certes, le Vénérable Maître n’est pas seul. Avec ses Officiers Dignitaires, il peut beaucoup plus ! A lui d’animer cette équipe de Frères au service de la Loge et de tous les autres Frères en leurs grades et qualités.

    Certes, ce n’est là qu’un exemple car le Vénérable Maître a bien d’autres devoirs.

    Je ne passerai pas en revue les devoirs de tous les Officiers Dignitaires. Mais parmi ceux-ci, j’en choisirai un dont la mission est particulièrement difficile.

    Les multiples devoirs du Frère Hospitalier

    Les devoirs du Frère Aumônier – Hospitalier (ou Hospitalier au R.E.A.A., ou Eléémosynaire au R.E.R.) sont multiples mais ne sont pas listés dans un règlement. Ils me semblent eux aussi implicites : être à l’écoute de ses Frères qui peuvent lui confier leurs difficultés, leurs problèmes de santé ; être à l’écoute des nombreux Frères absents parfois excusés ; rendre visite aux Frères malades ou accidentés ; faire rapport de ses démarches auprès du Vénérable Maître…

    Nous avons malheureusement tous connu des Frères Hospitaliers qui n’ont généralement rien fait de ce strict minimum, à part la collecte bimensuelle et se faire entendre en Commission des Officiers Dignitaires ! Peut-être justement parce que cette énumération de devoirs est implicite et n’est pas écrite dans les règlements.

    Un des devoirs du Compagnon

    Un des devoirs de tout Frère Compagnon est de voyager, c’est-à-dire de rendre visite à d’autres Respectables Loges. La première question que tout Compagnon devrait se poser, c’est, me semble-t-il, « pourquoi me demande-t-ion de voyager ? »

    Jadis, le Compagnonnage était avant tout une association d’ouvriers dont le but était la transmission d’un métier, dans ce qu’il avait de purement technique mais également dans ce qu’il avait de formateur.

    Depuis toujours le Compagnonnage vise le complet accomplissement de l’individu grâce au perfectionnement de sa valeur professionnelle, à l’éducation de son caractère, à la solidarité et à la fraternité rencontrées tout au long du grand voyage que l’on nommait autrefois « Le Tour de France » et que devait effectuer tout compagnon.

    De nos jours, l’enseignement du Compagnon s’articule encore autour des notions de voyage et de travail. C’est l’invitation à aller au-delà du paysage familier, à rompre avec les habitudes et à créer. La marche du Compagnon ne nous l’indique-t-elle pas symboliquement ?

    Aujourd’hui, le devoir de voyager se traduit par la nécessité de rendre visite à d’autres Respectables Loges, quel que soit le rite qu’elles pratiquent. Ces visites doivent non seulement permettre au Compagnon de compléter son information sur le plan du symbolisme et des usages rituels mais également lui permettre de tisser davantage de relations humaines positives avec tous ceux qui sont ses Frères, nos Frères, tous ceux qui ont un jour désiré partager notre idéal de fraternité. Mais au-delà de ces aspects matériels, informatifs et relationnels, il y a aussi le passage d’un savoir-faire à un savoir-être, donc un aspect formatif non négligeable.

    Le Maçon doit voyager : il n’est pas bon qu’il reste confiné dans sa Loge, dans son Rite et dans ses habitudes. En effet, mes Frères, quand un paysage nous devient trop familier, nous avons tendance à moins le regarder ! La coexistence de nombreux rites est certainement une source de richesse. Que les Francs-maçons ne partagent pas toujours les mêmes opinions à propos de la Franc-maçonnerie est sans doute une fort bonne chose également.

    Le devoir de voyager est généralement prescrit par le Règlement particulier des Loges. Il précise même parfois le nombre de voyages prescrits. Mais tout Compagnon qui a un peu réfléchi à propos des raisons de cette obligation se rendra compte que pour se maintenir sur la « Voie du Milieu », il n’y a qu’un seul moyen, c’est d’avancer ! La variété des paysages maçonniques a un sens. Elle institue l’union dans la diversité, modèle que la Franc-maçonnerie propose à l’extérieur du Temple. Chacun est un éclairage précieux qui participe à la Lumière et personne ne se perçoit ni n’est reconnu comme toute la lumière. La fraternité induite par l’union dans la diversité se réalise entre « cherchants ». Les Frères sont tels dans la mesure où, ensemble, ils veulent « aller plus loin », pratiquer le vrai dialogue.

    Un des devoirs de l’Apprenti

    Pendant un an au moins, tout Frère Apprenti aura été contraint au silence.

    Pourquoi ce devoir de silence ? N’est-ce pas pour permettre à l’Apprenti de mieux observer, de méditer, de réfléchir, de formuler mentalement des hypothèses ?

    Ce n’est qu’à la faveur de ce long silence que nous pouvons arriver un jour à faire cet indispensable retour sur nous-mêmes, retour qui nous affranchira définitivement de l’influence pernicieuse de notre existence antérieure et nous fera découvrir, en même temps, que la Lumière que nous sommes venus chercher dans le Temple se trouve déjà en nous.

    Pendant toute la période d’observation que nous traversons en tant qu’Apprenti, nous sommes contraints au silence. Ce devoir de silence fait partie de nos traditions.

    Devenus Compagnons, nous avons le droit de prendre la parole en Tenue, mais nous ne pouvons rien révéler de ce que nous avons appris, ni aux Profanes ni aux Apprentis. Le droit de parler n’est pas contradictoire avec le devoir de se taire car le silence du Compagnon n’est pas celui de l’Apprenti !

    Dans la Loge, désormais, le Compagnon a le droit de parler pour s’exercer à l’expression juste et à l’échange courtois, tout en poursuivant le silence intérieur. Mais la parole est si précieuse qu’il vaut mieux ne pas la gaspiller ! Le silence du Compagnon est une nécessité pour assurer la confiance que l’on peut avoir en lui.

    Les devoirs du Maître, Parrain d’un jeune Initié

    Ne sommes-nous pas tous ici pour travailler, sur nous-mêmes en priorité, pour le bien de la Loge et le développement de l’Obédience ? Plus que quiconque, ne devrions-nous pas être assidus ? Mais notre assiduité devrait, me semble-t-il, être désirée : c’est une assiduité de conviction. Outre les devoirs antérieurs de l’Apprenti et du Compagnon que nous faisons nôtres, n’avons-nous pas aussi, de surcroît, le devoir d’être vigilant au recrutement et celui de transmettre aux plus jeunes les éléments de la Tradition maçonnique ?

    Les Parrains et les Frères enquêteurs doivent s’enquérir de la disponibilité des candidats et tout jeune Initié devrait avoir compris depuis ce moment-là qu’il lui faudra effectivement faire preuve de disponibilité en permanence. Mais ce devoir des Frères enquêteurs, lui non plus n’est pas explicité dans un règlement. Il fait partie de nos habitudes en matière d’enquêtes. Cet état d’ouverture d’esprit et d’accueil, cette assiduité aux Tenues et aux séminaires supposent que nous prenions du temps sur celui de notre vie profane, un temps librement consenti, un temps désiré.

    Mais le rôle du Parrain ne se limite évidemment pas à la présentation de son candidat futur filleul. Il doit l’accompagner dans tout son parcours, traditionnellement jusqu'à son Élévation à la maîtrise. Remarquons simplement que ce devoir général n’est écrit dans aucun règlement.

    Un des premiers devoirs des Surveillants

    Le premier devoir d’un Frère Surveillant ne serait-il pas de se souvenir que les Apprentis et Compagnons ont un droit élémentaire, celui de pouvoir participer à des séminaires de qualité, et dès lors de mettre tout en œuvre pour organiser ces réunions fraternelles de réflexion, de production, avec eux, chez eux ou en nos locaux, autour d’une agape frugale ?

    L’organisation de séminaires relève de la conception du travail du Surveillant telle qu’il la décrit lui-même – comme tous les autres Officiers Dignitaires de la Loge – juste avant sa prestation de serment. Elle peut aussi, dans certaines Loges, être rappelée par le Vénérable Maître. Il s’agit donc ici aussi d’une attitude volontaire dans le cadre de la transmission de la Tradition et des traditions de la Loge, plutôt que d’une obéissance à un règlement.

    Synthèse

    Vénérable Maître, mes très chers Frères, dans notre vie profane comme dans notre vie maçonnique, il me semble que nous pouvons rencontrer deux types de devoirs.

    Les uns correspondent à une réglementation d’ordre général comme la Constitution et les lois de notre pays ou comme la Constitution et les Règlements de notre Obédience. Ils nous invitent à nous soumettre sans réserve aux dispositions réglementaires.

    Certains devoirs correspondent à une règle particulière. Ainsi, le Règlement particulier ou Règlement d’ordre intérieur de notre R:. Loge impose une assiduité supérieure à 66 % pour pouvoir participer à un scrutin ou pour pouvoir prétendre à une augmentation de salaire.

    Certains devoirs s’appuient sur nos serments, dont le tout premier que nous avons prêté : celui d’aimer nos Frères. Et à propos d’aimer nos Frères, il me semble que rien qu’en me posant la question « comment les aimer ? », je suis amené à penser à une multitude d’autres devoirs mais sur lesquels je ne m’étendrai pas ce Midi.

    Enfin, il y a les devoirs que nous impose notre seule conscience. Mais ne faut-il pas, pour les remplir, avoir atteint un certain niveau de conscience, donc bénéficier d’une solide expérience, faire preuve d’autodiscipline, savoir gérer, anticiper, s’organiser, s’imposer des tâches librement, volontairement ?

    Finir par accepter cette autodiscipline, voire la rechercher en toutes circonstances, n’est-ce pas faire la preuve que la Franc-maçonnerie est une méthode ? Mais n’est- ce pas une méthode initiatique qui peut contribuer à faire des Francs-maçons, l’élite choisie par le Grand Architecte de l’Univers, des hommes venus sur Terre pour poursuivre l’œuvre du Créateur ?

    Voici venu le moment de conclure cette réflexion, mais, comme toujours, de manière provisoire.

    Conclusion en forme de nouveau questionnement

    Pour répondre à la question qui forme le titre de cette planche – « Qu’est-ce qu’un devoir ? » – il me semble qu’un devoir est une tâche que tout Franc-maçon devrait parvenir à s’imposer de manière spontanée, à réaliser du mieux qu’il peut pour rendre ses Frères heureux et, par l’exemple qu’il donne ainsi, leur faciliter la progression dans l’Art Royal.

    Accomplir son devoir, ses multiples devoirs de Maçon, n’est-ce pas avoir pris conscience des obligations imposées à la fois d’une manière générale et particulière, mais acceptées librement et volontairement afin de dépasser le stade de l’indifférence, de l’égoïsme, de l’égocentrisme… pour atteindre celui de l’écoute, de la compréhension, de l’empathie, de la compassion, du véritable Amour fraternel ?

    Accomplir ses multiples devoirs, n’est-ce pas aussi faire le Bien uniquement pour l’amour du Bien ?

    Pour un Franc-maçon, remplir son devoir, ses devoirs, n’est-ce pas se montrer capable de dépasser le stade de la simple obéissance pour réaliser les sublimes préceptes et les nobles objectifs de notre Ordre ?

     

    R:. F:. A. B.

     

     


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  •  Les devoirs de l'Apprenti 

    INTRODUCTION

    A l’issue des quelques mois qu’a duré mon Apprentissage, il m’avait paru opportun de faire le point sur les nombreux devoirs qui nous concernent depuis notre première démarche en vue de notre admission en Franc-maçonnerie. Pendant tout le temps de mon apprentissage, j’en ai sans doute intégré de nombreux, sinon tous, mais d’une manière inconsciente.

    Je m’étais proposé d’élaborer une synthèse relative aux conditions imposées au candidat à l’initiation, aux devoirs du Néophyte et à ceux des Apprentis-Maçons.

    AVANT L’INITIATION

    POSSÉDER UN MINIMUM d'INSTRUCTION ET DE DISPONIBILITÉ

    Au moment où nous avons sollicité notre admission en Franc-maçonnerie, la Loge a vérifié si nous possédions au moins l’instruction indispensable pour comprendre les enseignements maçonniques.

    Chacun de nous commence cependant à comprendre que ces «enseignements maçonniques» sont spécifiquement incommunicables, qu’ils naissent de l’ésotérisme de nos symboles au contact de notre pensée et qu’ils s’installent dans notre psychisme, s’étendent ou s’arrêtent au gré de nos efforts.

    Nos Frères se sont également enquis de notre disponibilité et nous avons compris depuis ce moment que nous devrions effectivement faire preuve de disponibilité en permanence. Cet état d’ouverture d’esprit et d’accueil, cette assiduité aux Tenues et aux séminaires supposent que nous prenions du temps sur celui de notre vie profane.

    DES DEVOIRS AVANT DE COMMENCER

    Au seuil du Temple, nos Frères – parrains et enquêteurs – ont également voulu s’assurer que nous avions bien conscience de quelques obligations que nous devions remplir pour pouvoir être considérés comme « initiables ».

    C’est pourquoi, enfermé par deux fois dans le Cabinet de réflexion, le Récipiendaire que nous avons tous été, a été invité – la 1ère fois – à répondre à trois questions sur ses devoirs et – la 2ème fois – à rédiger son « Testament philosophique ». 

    I.  LES TROIS QUESTIONS  AU SEUIL DU TEMPLE     

    Comme celle d’un navigateur au milieu de l’océan, là où l’origine et la destination sont hors de vue, cette démarche nous a permis de faire le point. Il nous a fallu dire où nous voulions aller et quelle route nous estimions devoir suivre.

    Ces trois questions ont varié selon les temps et les lieux, selon les rites et les époques.

    Jadis, les trois questions posées au profane étaient :

    1.    « Qu’est-ce que l’homme doit à Dieu ? »,

    2.    « Qu’est-ce que l’homme se doit à lui-même ? »

    3.    « Qu’est-ce que l’homme doit aux autres ? ».

    1. DES DEVOIRS ENVERS DIEU ?

    Dans son évolution, la Maçonnerie, du moins dans certaines obédiences, a remplacé l’interrogation du devoir envers Dieu par celle du devoir envers la Patrie. Mais était-ce opportun si l’on songe que la Maçonnerie est universelle, répandue sur toute la terre habitée ? La patrie du Maçon n’est-elle pas la Terre entière et non seulement le lieu où il est né ou la collectivité dans laquelle il s’est développé ? Quant à Dieu, la Maçonnerie moderne l’a remplacé par le « Grand Architecte de l’Univers ». Dans notre Obédience, il nous est  demandé d’accepter de travailler à la gloire de Celui-ci.

    Je m’interroge sur l’opportunité de ces questions. N’y en a-t-il pas d’autres qui pourraient utilement et davantage éclairer la Loge sur nos conceptions philosophiques : «D’où venons-nous ? » «Que sommes-nous ? » «Où allons-nous ?» dans lesquelles on retrouve le ternaire « passé, présent, avenir ».

    2. DES  DEVOIRS ENVERS SOI-MÊME

    « Quels sont vos devoirs envers vous-même ? » est la seule question qui ait été posée en tous lieux et en tout temps. La plupart des initiés avouent au moins implicitement venir chercher dans la Franc-maçonnerie quelque chose de plus haut et de noblement pressenti. Mais il faudrait qu’ils découvrent ce « quelque chose »  lorsque leur heure viendra. Les jeunes initiés ne devraient donc pas limiter leur ambition à la seule pratique de la solidarité et de la fraternité.

    ETRE SINCÈRE 

    L’homme se doit à lui-même et avant tout d’être sincère. Cela semble plus difficile qu’il ne paraisse de prime abord car l’homme se plaît généralement à revêtir plusieurs personnalités. Comme un acteur aux rôles multiples, son attitude est souvent différente envers chaque personne qu’il rencontre ou qu’il côtoie. Parfois la simplicité pour certains n’est plus possible car ils sont pris dans un monde factice qu’ils ont créé de toutes pièces. La sincérité qui nous est demandée implicitement à nous montrer tel que nous sommes est une des conditions primordiales qui rendront valable ou non notre Initiation.

    APPRENDRE A SE CONNAITRE 

    Le premier chemin que nous indique le rituel de l’Initiation maçonnique au grade d’Apprenti est le chemin à suivre pour rejoindre notre temple intérieur, là où nous pouvons nous retrouver et nous épanouir. Nous découvrons aussi que le Fil à plomb nous incite à descendre au plus profond de nous-même pour y découvrir ce que nous sommes vraiment. Plus tard, une fois en bas, par le même fil, nous pourrons, en sens inverse, nous élever vers la Lumière.

    Pour tirer profit de la taille de notre pierre brute, ayons, à l’égard de l’enseignement procuré par les rituels, un comportement à la fois critique et bienveillant. Les textes, véhicules de cet enseignement, sont pétris, eux aussi, dans les préjugés et les prêts-à-penser à la mode du temps de leur rédaction mais ils contiennent également des formules éclairantes et stimulantes, utiles à qui souhaite l’éveil. A nous de les découvrir, de les analyser, de les méditer pour ensuite agir.

    3. ETRE  BIENVEILLANT ENVERS LES AUTRES

    Lorsque je me trouvais dans le Cabinet de réflexion, il m’a paru plus aisé de répondre à la question : « Qu’est-ce que l’homme doit aux autres ? »  Pourtant l’altruisme inclus dans cette question est d’une application assez délicate. Certes, le Maçon a des devoirs précis envers lui-même, mais il en a d’autres et de plus impérieux envers les autres. Il doit savoir manier la Truelle à bon escient et ce n’est pas une tâche facile.

    La Truelle, c’est cet outil qui réunit, qui fusionne et qui unifie. C’est donc essentiellement l’emblème des sentiments de bienveillance éclairée, de fraternité universelle et de très large tolérance qui distinguent le véritable Maçon.

    Le Franc-maçon doit donc être « bienveillant », sans pourtant aller jusqu’à la faiblesse qui excuse indistinctement toutes les fautes.

    II. LE RAPPEL DE NOS DEVOIRS AVANT DE COMMENCER A TRAVAILLER

    Aujourd’hui, avec un peu de recul,  il me paraît sain que la Loge nous rappelle à nos devoirs parce que ceux-ci fondent notre dignité et parce que la dignité et la liberté sont consubstantielles. En outre, les droits et les devoirs sont inséparables. L’homme libre connaît et assume les devoirs correspondant à ses droits.

    Les réponses généralement fournies par les Récipiendaires sont souvent destinées à rassurer la Loge et traduisent un moralisme assez plat. Ce n’est cependant pas la faute des candidats : la société leur a appris à se conformer à un modèle obligatoire. Elle ne leur a pas assez appris à réfléchir. Ils ne connaissent que les réponses qui leur ont été soufflées depuis qu’ils sont tout petits !

    « Dans le monde profane d’où ils viennent, les questions servent de combustible aux réponses, nous dit Daniel Béresniak. Ce fait justifie l’existence d’un lieu où se pratique l’Art Royal. En ce lieu, ce sont les réponses qui servent de combustible aux questions ». 

    LES DEVOIRS GÉNÉRAUX DE L’INITIE

    Nous qui avons été reçus Maçons selon les formes traditionnelles, comprenons bien que nous n’avons pas acquis, par ce seul fait, les qualités qui distinguent le penseur éclairé de l’homme inintelligent. La cérémonie de Réception est une mise en scène d’un programme que nous devons suivre pour entrer en pleine possession de toutes nos facultés. 

    MÉDITER

    Notre premier devoir est donc de méditer les enseignements du rituel afin d’y conformer notre conduite. C’est là notre devoir par excellence. Ce seul devoir comprend tous les autres. Mais quels sont-ils ? Rappelons-nous les prescriptions plus précises contenues dans l’obligation que nous avons prêtée :

    • nous taire devant les Profanes 

    • chercher la Vérité 

    • vouloir la Justice 

    • aimer nos Frères 

    • nous soumettre à la Loi

    ETRE DISCRET

    Lors de chaque Tenue, nous nous tenons sur la Colonne du Nord car nous ne pouvons encore soutenir qu’une faible lumière. Nos intelligences ont besoin d’être préparées à recevoir LA Lumière : une clarté trop brusque nous aveuglerait et ne nous éclairerait point.

    Jeunes Maçons, nous devons donc nous montrer très réservés. Tout prosélytisme intempestif nous est interdit. Chercher à étonner en exposant des idées trop audacieuses est essentiellement antimaçonnique.

    S’interdire de parler pour s’astreindre à écouter, est une excellente discipline intellectuelle si nous voulons apprendre à penser. Les idées mûrissent par la méditation silencieuse. Celle-ci est une conversation avec nous-mêmes.

    Les opinions raisonnées résultent de débats intimes qui s’engagent dans le secret de notre pensée.

    « Le sage, nous dit Oswald Wirth, pense beaucoup et parle peu ».

    Il convient donc que nous soyons attentifs à ne heurter aucune conviction sincère, que nous écoutions chacun avec bienveillance, sans faire parade de notre manière de voir. Nous avons à former notre opinion. Aussi, sachons écouter les avis les plus contradictoires. Apprenons à juger sans parti pris afin de devenir des penseurs indépendants, des libre-penseurs dans le vrai sens du mot.

    Dans son sens maçonnique, la discrétion implique un devoir de réserve et de silence mais surtout de ne pas dévoiler nos Frères, de ne pas révéler les détails de nos rituels, le caractère sacré de nos Tenues par ailleurs difficilement communicable.

    PRATIQUER LA TOLÉRANCE

    Dans toutes les opinions exprimées se rencontre une part de vrai. Nul ne peut se flatter de posséder la vérité parfaite. Nous devrions donc être indulgents et ne pas demander à chacun de voir les choses comme nous-mêmes. Les manières de voir divergentes qui se font jour sont toutes également respectables lorsqu’elles émanent de personnes sincères. Elles expriment la vérité sous différents aspects en raison des multiples points de vue d’où elle est susceptible d’être envisagée.

    Nos intelligences sont faibles. Elles ne s’approchent de la Vérité que par étapes. Aussi, gardons-nous de procéder par affirmations, par des formules toutes faites ou par dogmes car rien n’est plus contraire à l’esprit maçonnique.

    Ne cherchons pas à imposer notre manière de voir mais amenons les autres à découvrir ce que nous avons trouvé nous-mêmes. Pensons et faisons penser.

    ETRE A LA RECHERCHE DU VRAI

    L’enseignement maçonnique ne comporte ni dogme ni credo d’aucune sorte. Chacun d’entre nous est appelé à construire par lui-même l’édifice de ses propres convictions. C’est dans ce but qu’il est initié à la pratique de l’Art de la Pensée. Cet art s’exerce sur des matériaux qu’il faut dégrossir. En d’autres termes, il s’agit d’élaguer les erreurs qui défigurent la Vérité. Celle-ci, qui est partout mais cachée, ne demande qu’à être extraite de tout ce qui est faux et superstitieux.

    Ne repoussons donc rien a priori car le véritable ami de la vérité ne saurait être un esprit borné. Au contraire, ce doit être une intelligence largement ouverte à toutes les idées susceptibles de provoquer une modification des convictions présentes. Celui qui a ses idées arrêtées et qui tient à les conserver n’est pas un homme de lumière et de progrès.

    En tant qu’Apprenti je pense m’être déjà souvent approché de l’enseignement maçonnique en consultant tel ou tel ouvrage, tel ou tel auteur, et j’ai souvent rencontré des réponses différentes pour les mêmes questions. Souvent je risquais de choisir la réponse qui me convenait le mieux et d’exclure de ce fait les autres.

    Si j’avais été pressé de découvrir des repères, j’aurais risqué d’oublier de m’interroger sur les raisons de ce choix, de regarder les relations entre mes désirs personnels et les idées qui me plaisaient. J’aurais donc oublié d’étudier la relation entre le subjectif et l’objectif.

    Dans ces circonstances, le symbolisme que j’aurais cru pratiquer aurait alors été vécu comme la mémorisation de vérités absolues formulées une fois pour toutes, ce qui aurait figé et desséché mon esprit.

    Quelle attitude pourrions-nous adopter  lorsque nous, les Apprentis, nous nous trouvons dans une telle situation ?

    Pour que l’étude du symbolisme stimule notre esprit en réunissant toutes ses facultés, il me semble qu’il faut admettre que toutes les réponses obtenues peuvent être acceptables. Ces réponses ne s’annulent pas mais pourraient par exemple se superposer à la manière de couches sédimentaires. Les réponses seraient alors analogues aux pièces d’un puzzle.

    Mais cette métaphore du puzzle me paraît encore insuffisante car elle suggère une image figée. Or, chaque réponse se présente comme un éclairage possible et chaque éclairage participe à la lumière mais sans jamais être à elle seule toute la lumière.

    Personnellement, lorsque je me trouve en présence de plusieurs réponses à un problème, je tente d’en faire une synthèse en tenant compte de l’évolution possible entre les réponses, car bien souvent elles ont été émises à des époques et dans des contextes socioculturels très différents.

    En conséquence, si nous voulons tirer le meilleur profit du symbolisme, il me semble que nous devrions collectionner des réponses et les comparer car la comparaison permet de construire du sens.

    SOUS LA LOI DU SILENCE

    « Retirons-nous sous la loi du silence… » nous rappelle le rituel du Rite moderne. C’est-à-dire qu’il convient de ne pas enfreindre la loi du silence ! Tout d’abord, un Maçon doit s’abstenir de toute divulgation susceptible de porter préjudice à la Franc-maçonnerie ou à ses membres. Ainsi, nos moyens de reconnaissance doivent faire l’objet du secret le plus absolu. De plus, en dehors de la Loge, il nous est également interdit de parler des rites qui se pratiquent au sein des loges maçonniques. Enfin, en principe, il nous est interdit de prendre la parole en loge. Si nous pensons avoir une communication importante à faire, le Second Surveillant doit nous « couvrir ».

    Ce n’est qu’à la faveur de ce long silence que nous pourrons faire cet indispensable retour sur nous-même qui nous affranchira définitivement de l’influence pernicieuse de notre existence antérieure et nous fera découvrir, en même temps, que la Lumière que nous sommes venus chercher dans le Temple se trouve déjà en nous.

    ETRE ASSIDU

    On fait souvent de l’assiduité une obligation. Mieux, c’est une discipline, comme la mise à l’ordre, la marche, les batteries et la prise de parole. Nous ne venons pas en Loge parce que nous sommes simplement intéressés par ce qui s’y passe ou ce qui s’y dit : ce serait une erreur. Si la fréquentation de la Loge semble une obligation, c’est pour que s’y forge la fraternité, pour que s’élabore une relation complexe entre des hommes rassemblés par un désir commun, une volonté partagée et inspirés par une même aventure spirituelle. La fréquentation de la Loge est avant tout liée au travail : certains se font chercheurs, d’autres assument la responsabilité de la transmission, d’autres encore se soucient des ressourcements nécessaires, d’autres enfin plongent sans doute dans le mystère de la méditation.

    L’assiduité, c’est notre présence régulière aux Tenues comme aux séminaires. Elle est primordiale car, pour progresser, il me paraît indispensable de suivre un rythme de travail et de rencontres. Sans assiduité, le travail à opérer sur soi-même me semble difficile car il implique le concours et l’aide de nos Frères.

    TRAVAILLER 

    Alors que j’étais encore profane, j’avais déjà pressenti l’importance du Travail maçonnique sans toutefois en percevoir la nature exacte. Lors de mon Initiation, j’ai promis de travailler avec zèle, constance et régularité.

    A chaque Tenue, l’idée de  « travail » est formulée de nombreuses fois :

    • Mes Frères, le V:. M :. nous appelle au travail !

    • … j’ouvre les Travaux d’Apprentis…

    • … un Apprenti-Maçon qui demande à participer aux Travaux de cette Loge…

    • …pour travailler la pierre brute…

    • … le nouvel Apprenti a commencé son travail.

    • A quelle heure les Apprentis Maçons ont-ils coutume de clore leurs Travaux ?

    Mais en quoi consiste le travail maçonnique ?

    Le Travail maçonnique ne consiste nullement en des exposés plus ou moins brillants, compilés ou provocateurs, qui mettent en valeur l’élocution ou l’érudition d’un Frère. Le travail maçonnique, c’est l’intériorisation des pratiques, des actes accomplis en Loge ; c’est la méditation sur les symboles et le rituel.

    Le Travail maçonnique se partage. Les Frères y participent d’une manière enthousiaste. Ils reçoivent un salaire et des augmentations de salaire car le chantier est ouvert depuis longtemps et restera encore ouvert longtemps, tant que la Franc-maçonnerie existera.

    Le «travail» ainsi annoncé est en réalité cette transformation qui s’accomplit en chacun d’entre nous par la recherche de l’équilibre entre l’individu et le groupe que constitue la Loge.

    Si, pour les chrétiens, le travail est un châtiment («Tu gagneras ta vie à sa sueur de ton front… »), la Maçonnerie est établie par contre sur la notion de métier. Dans les pays anglo-saxons, notre Ordre est en effet désigné par le terme « craft » qui signifie précisément « le métier ».

    La conception chrétienne paraît difficilement conciliable avec la conquête de la nature, avec la maîtrise des choses, avec la domination sur l’Univers, qui, cependant, est aussi une vocation de l’humanité, exprimée dans l’Ancien Testament.

    Le mot « travail », quand il est pris dans sa pleine acceptation d’activité humaine, et non dans le sens dérivé de supplice, apparaît comme l’attribut fondamental de l’humanité.

    Sans l’activité, sans l’action, l’homme ne connaîtrait pas, l’homme ne pourrait pas s’élever au-dessus de lui-même. L’action est donc le facteur de développement par excellence.

    Le Travail maçonnique est en fait l’activité de l’homme en soi, la conquête de son identité, la maîtrise de ses passions, la reconnaissance de ses faiblesses et de ses vertus.

    PRATIQUER LA FRATERNITÉ 

    Il me semble aussi de la plus haute importance de contribuer par tous nos moyens à resserrer les liens qui unissent les Maçons, en commençant par ceux de notre Respectable Loge en premier lieu, par ceux de notre Obédience ensuite. Car, en Maçonnerie, l’union n’est pas l’effet d’une discipline imposée. L’union entre tous les Maçons ne peut naître que de l’affection que ressentent les uns pour les autres.

    PRATIQUER L’ALTRUISME 

    Sans l’action, la vie ne diffère en rien de la mort. Vivre oisif, ce n’est pas vivre, c’est végéter. Ne s’occuper que pour soi, c’est ne vivre qu’à demi. S’intéresser au bonheur universel des hommes, à commencer par celui de ceux qui nous sont les plus proches, et agir en conséquence, c’est véritablement vivre et sentir que l’on vit. Trop souvent le profane travaille pour vivre, alors qu’il appartient au vrai sage de vivre pour travailler. Tentons donc de nous comporter en sages !

    RESPECTER LA LOI 

    Au-dessus des lois conventionnelles, il est une Loi idéale, écrite dans le cœur des hommes de bien. C’est à cette règle souveraine que l’Initié se soumet sans réserve. Quant aux lois positives, souvent bien imparfaites, elles n’en sont pas moins respectables. Elles constituent l’élément fondamental de toute civilisation. Elles tentent de garantir contre l’arbitraire, d’assurer l’ordre et de s’imposer comme sanction nécessaire du pacte social.

    L’Initié doit donc se soumettre aux lois, même si elles lui donnent parfois l’impression d’être injustes. Il s’incline devant la volonté générale, même lorsque celle-ci se trompe. Ainsi, Socrate avait préféré boire la ciguë plutôt que de se soustraire à l’arrêt légal, mais inique, qui le frappait.

    « Les Francs-maçons se soumettent scrupuleusement à la législation de tous les pays où il leur est permis de se réunir librement », nous dit Oswald Wirth. « Ils ne conspirent contre aucune autorité légalement constituée. Leur action humanitaire ne peut donc porter ombrage qu’aux gouvernements qui ont conscience d’avoir contre eux le droit ».

    « En ce qui concerne la loi maçonnique, les Maçons en observent surtout l’esprit. Ils préconisent une ligne de conduite qui a pour elle l’autorité d’une longue expérience. Mais il ne faut jamais perdre de vue que les prescriptions réglementaires s’adressent à des hommes qui pensent et qui se dirigent selon la logique. Pour le Penseur, la Raison reste la loi suprême contre laquelle aucune stipulation écrite ne saurait être invoquée. L’Initié jouit d’une entière liberté, parce qu’il est pleinement raisonnable et que, par suite, il ne peut faire qu’un bon usage de sa volonté. C’est en ce sens que le Maçon doit être libre dans la Loge libre ». 

    PRATIQUER LA BIENFAISANCE 

    Lorsque chacun d’entre nous a appris qu’il venait d’être définitivement admis dans la Franc-maçonnerie, il a été invité à entrer dans la Chaîne d’union des Maçons. Cela n’était cependant possible qu’en faisant avec eux acte de solidarité par la participation aux œuvres de bienfaisance de l’Ordre. Chacun fait un don volontaire qu’il proportionne à ses moyens et dont la valeur reste cachée.

    C’est avec tact et discrétion que nous devons aider nos Frères. Ils ont tous droit à notre protection, à notre aide. Citons encore Oswald Wirth : « La bienfaisance est de pure justice car ceux qui manquent du nécessaire sont les créanciers de ceux qui jouissent du superflu ».

    La bienfaisance doit s’accomplir comme un devoir de solidarité mais sans jamais fournir de prétexte à des actes de vanité ou d’ostentation qui seraient sources d’orgueil pour celui qui donne et d’humiliation pour celui qui reçoit.

    Tous nous pouvons être utiles les uns aux autres. Chacun a besoin de tous. Il me semble que celui qui refuserait de secourir son semblable s’exclurait lui-même de la communion des Initiés par ce seul fait.

    RÉAGIR, DEVENIR HOMME « LIBRE » 

    L’Initié doit découvrir qu’il est entré en Franc-maçonnerie pour apprendre à réagir. Il désire devenir un homme « libre », un homme qui agit selon sa propre voie. L’homme libre est l’idéal du moi proposé par la voie « initiatique ». Celle-ci associe l’introspection à la pédagogie. Elle conduit en principe à une transformation de l’être. Pour y parvenir, celui qui s’engage dans cette voie pratique le symbolisme.

    PRATIQUER LE SYMBOLISME 

    Pratiquer le symbolisme est aussi un de nos devoirs. C’est regarder tout ce qui existe comme une grande écriture chiffrée. C’est penser la pensée et parler du langage. Comme l’indique le mot, le symbole est un ensemble qui réunit plusieurs éléments, de manière à ce que le tout soit plus et autre chose que la somme des parties.

    ETUDIER LES SYMBOLES 

    L’étude des symboles maçonniques et l’étude maçonnique des symboles n’ont rien à voir avec une mémorisation de « paroles de maîtres » dont la finalité serait alors une mise en conformité avec une représentation générale du monde obligatoire. L’enjeu de l’approche du symbole est l’éveil de facultés endormies justement par l’apprentissage de la conformité dans le monde profane.

    RECHERCHER LA VÉRITÉ 

    La vérité est un rapport et non une chose en soi. La vérité du texte, c’est ce que le texte révèle sur soi-même. Comment et pourquoi je réagis positivement ou négativement relativement au texte ? Telle est la question à se poser pour tirer profit d’un texte et avancer dans l’Art.

    PRATIQUER LA RECTIFICATION 

    C’est le moment de se rappeler la présence des lettres « V.I.T.R.I.O.L. » dans le Cabinet de réflexion, lors de l’Épreuve de la Terre, de se souvenir de sa traduction et de dégager le sens profond des quatre dernières lettres : «En rectifiant, tu trouveras la pierre cachée».

    La rectification est une remise en question de ce qui semble acquis, une interrogation sur le processus de la pensée, une révision des outils de la pensée. Elle met en route la quête d’ordre épistémologique, laquelle fait une pause dans la poursuite du vrai et substitue à la question « qu’est-ce qui est vrai ? » la question « pourquoi et comment je cherche du vrai ? ». La question ainsi rectifiée permet de reposer plus clairement la question d’origine. Enfin la rectification rappelle que chercher la vérité, c’est observer, supposer, généraliser et corriger sans cesse.

    DÉCOUVRIR LE SENS DE L’INITIATION

    Au cours de la première période de notre vie maçonnique, nous devrions découvrir, comme minimum de vérité, le sens de notre Initiation. Nous devrions nous rendre compte que l’idée que l’homme se fait de l’univers n’est relative qu’à lui-même, puisqu’il n’a pu l’édifier que par le truchement de sensations.

    Perçues par contrastes, ces sensations nous amènent à construire des idées qui varient d’un individu à l’autre : chacun s’est ainsi fait sa conception personnelle de l’univers et nous pouvons nous rendre compte qu’il n’existe pas de vérité intégrale, absolue, démontrée. Chaque individu dispose donc d’un aspect de vérité dont il pourrait toujours trouver la contrepartie.

    Mais la Vérité que nous venons chercher dans le Temple ne peut résider autre part que dans un « troisième terme » qui réalisera pour nous l’équilibre entre les contrastes et nous soustraira désormais au danger des généralisations unilatérales et hâtives.

    Entièrement soumis à l’influence de nos sensations matérielles, il convient avant tout de les spiritualiser afin de donner à notre mode de pensée une impulsion qui nous pousse vers le travail spéculatif, seul capable de nous permettre ensuite de réaliser les synthèses qui sont la finalité de l’Initiation.

    APPRENDRE LE SENS DE L’ACTION

    Au contact de notre Second Surveillant nous devrions apprendre « le sens de l’action ». Guidés par ce Maître en particulier, parfois aussi éclairés par d’autres Maîtres de la Loge, armé du Maillet et du Ciseau, chacun d’entre nous doit entreprendre son rude travail : le dégrossissement de la pierre brute.

    TIRER PROFIT DE LA TAILLE DE LA PIERRE BRUTE 

    Pour tirer profit de la taille de la Pierre brute, il nous faut adopter un comportement à la fois critique et bienveillant.

    « Tailler sa pierre, nous dit Daniel Béresniak, c’est la remettre en cause, la regarder comme « à être ». C’est donc reconnaître la légitimité du devenir ».

    La finalité du travail consiste dès lors à comprendre comment les opinions surgissent dans notre conscience. Se débarrasser de ses préjugés, ce n’est pas les rejeter a priori et en adopter d’autres. Pour se débarrasser des préjugés, se dépouiller des métaux selon l’expression symbolique, il nous faut comprendre comment les préjugés surgissent et s’établissent.

    Jules Boucher  nous rappelle notre objectif : « La pierre cubique, l’hexaèdre, c’est le chef-d’œuvre que l’Apprenti doit s’efforcer de réaliser ».

    EN GUISE DE CONCLUSION PROVISOIRE

    A présent que nous faisons partie de la grande famille maçonnique, ne croyons pas que tout est fini et qu’il nous est loisible de reprendre notre vie de profane là où nous l’avons laissée !

    En effet, si l’Initiation au premier des trois degrés de la Maçonnerie symbolique ne nous confère que fort peu de droits, elle nous astreint par contre, comme j’ai tenté de le montrer dans cette réflexion, à de nombreux devoirs.

    En quelque circonstance que ce soit, un Maçon se doit à lui-même de ne pratiquer que la tolérance, de ne priser que la vertu et de ne respecter que l’intelligence et le talent. Tels sont les devoirs rigoureux que nous avons assumés vis-à-vis de nous-même pour nous rendre dignes de la confiance que nos Frères ont mise en nous.

    Notre Constitution nous enjoint « d’étendre à tous les membres de l’humanité les liens fraternels qui unissent les Francs-maçons sur toute la surface du globe ». Elle nous recommande aussi « la propagande par l’exemple ».

    Nous avons prêté un serment solennel et juré de mettre en pratique, en toutes circonstances, la grande loi de solidarité humaine qui est la doctrine morale de la Franc-maçonnerie. Nous avons juré de pratiquer l’assistance envers les faibles, la justice envers tous et la dignité envers nous-mêmes.

    La relativité est l’essence même de la vie. Aussi ne croyons jamais aux vérités absolues. Rappelons-nous, par exemple, que les lois scientifiques ne sont qu’un instantané du relatif pris dans un point du temps et de l’espace. De même, ne nions jamais rien avec véhémence car peut-être n’avons-nous pas compris ce qui nous semble faux. Aussi, fuyons autant les dogmes que le sectarisme.

    Comme l’écrivit le grand Littré dans son Travail d’Apprenti qu’il présentait à ses Frères en 1876 : « Le principal devoir de l’homme envers lui-même est de s’instruire ; le principal devoir de l’homme envers ses semblables est de les instruire ».

    C’est donc par l’accomplissement strict de nos devoirs envers nous-mêmes que nous nous rendrons aptes, un jour, à collaborer utilement au Grand Œuvre de l’Ordre maçonnique.  

    * Les devoirs de l'Apprenti

    Planche tracée lorsque j'étais Apprenti

    R:. F:. A. B.

    Bibliographie

    Béresniak Daniel - Rites et Symboles de la Franc-maçonnerie

    Tome I : « Les Loges Bleues » - Editions Detrad, Paris, 1997 - Pages 39, 100, 138

     

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade de Compagnon

    Editions Edimaf, Paris, 1986 - Pages 34 à 37

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995 - Pages 204 à 206

     

    Login J.P. - Le Compagnon

    Editions Detrad, Paris, 1994 - Pages 65 & 66

     

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail en chambre de Compagnons

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 119 à 121

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    2ème partie : le Compagnon - Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 107 à 114


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  •  Mon premier Travail d'Apprenti 

    Quelle était la situation ?

    Agenouillé devant le tapis de Loge, je me trouvais en présence de 3 éléments : la Pierre brute, un maillet et un ciseau.

    Invité à imiter le geste du Frère Maître des Cérémonies, je tenais d'une main le ciseau, placé sur la pierre à tailler, et de l'autre, je devais frapper du maillet au rythme de mon grade.

    Analysons tout d'abord ce que représente chacun des éléments en présence.

    Les outils

    Le ciseau et le maillet sont deux outils, deux symboles parmi quelques autres de la Franc-maçonnerie.

    Issus de la Franc-maçonnerie opérative, on les retrouve dans l'ensemble des outils de la construction : niveau, équerre, compas, perpendiculaire, maillet, ciseau, truelle, cordeau, règle, marteau...

    Le Ciseau et le Maillet constituent un couple symbolique qui associe la force et  l'habileté.

    Le ciseau, c'est l'outil qui détermine l'acte efficace, la pénétration au sein des éléments.

    Mal posé sur la pierre brute, une fois frappé par le maillet, le résultat obtenu peut être fâcheux.

    Par contre, bien placé, il peut permettre de tendre vers des formes de plus en plus belles, de plus en plus précises et régulières.

    Le ciseau est l'outil spécifiquement réservé à l'Apprenti.

    C'est par l'action du maillet que le ciseau peut entailler la pierre brute, selon l'impulsion que l'Apprenti va lui donner. Il me semble pour trois raisons que le Maillet est un symbole très important en Franc-maçonnerie :      

    • Trois officiers dignitaires l'utilisent : le Vénérable Maître et les deux Surveillants
    • Signe du travail et de la force, il est devenu l'insigne du Vénérable Maître qui dirige le travail en Loge.
    • Le Maillet représente le pouvoir du Maître.

    Symbole de la force, de la puissance, de la volonté d'action et sa mise en œuvre, il sert à ouvrir et à fermer certains « moments » d'une Tenue, certains temps affectés à telle ou telle activité.

    La pierre brute

    Physiquement, la pierre brute c'est la pierre frustre extraite d'une carrière. C'est le matériau premier de la Maçonnerie qu'il faudra tailler, façonner, appareiller de sorte qu'elle puisse s'incorporer à la Maçonnerie, à l'édifice, au Temple.

    Plusieurs significations peuvent être données à ce  symbole :

    • C'est le symbole de l'Apprenti encore ignorant mais disponible.
    • Ce pourrait être aussi celui de la servitude, de l'esclavage.

    Travail à faire, ignorance à vaincre, il pourrait aussi être le symbole de la liberté : une pierre non façonnée peut encore rouler à peu près n'importe où.  Au contraire, la pierre taillée se trouve à une place bien déterminée dans l'édifice bâti.

    Réflexions en ce qui concerne l'acte accompli

    Mon premier Travail d'Apprenti s'est accompli à l'Occident, au point de départ d'un long chemin qui mène à l'Orient d'où jaillit la Vraie Lumière.

    A l'Orient précisément, au pied de l'autel, j'ai remarqué la présence d'une Pierre taillée, celle qui symbolise le travail effectué, toute chose acquise, vérifiée et exemplaire.

    Le long chemin à parcourir par l'Apprenti, c'est celui du progrès à accomplir sur lui-même ; c'est la connaissance de lui-même.

    Ce que je retiens surtout de ce premier Travail, c'est que l'Apprenti consacre la première partie de sa vie maçonnique à dégrossir cette Pierre brute.

    Le ciseau, mu par le maillet qui le heurte et l'Apprenti conscient qui le dirige, a pour mission de faire disparaître les aspérités de la pierre, c'est-à-dire ses erreurs et ses préjugés.

    La Franc-maçonnerie ne peut viser qu'à délivrer ses membres des servitudes qui les paralysent et des préjugés qui les enchaînent.

    Le Franc-maçon est avant tout un travailleur.

    Ce premier geste était destiné à me faire prendre conscience que le travail est le cœur de mon ascension personnelle vers la Lumière.

    Malheureusement, à ce stade nul ne peut prévoir si l'Apprenti que je suis arrivera au bout de ses peines car le but qu'il s'assigne c'est de transmuer cette Pierre brute en une pierre vivante avec laquelle l'Initié élève des temples.        

     

    Planche rédigée lorsque j'étais jeune Apprenti !

     

                                                                                                                                 R:. F:. A. B.


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  •  Mes premières réflexions après mon Initiation au grade d’Apprenti 

    Le 13 décembre 1996, date de mon Initiation au grade d’Apprenti, j'ai accompli mon « premier Travail ». La réflexion qui suit serait-elle le second ?

    Réflexions au sujet du « Passage ( ou interrogatoire ) sous le bandeau »

    De mon passage ou interrogatoire sous le bandeau, cérémonie qui, je pense, fait  partie du processus initiatique,  je souhaiterais revenir à une des questions qui me furent posées, à savoir si ce n'était pas uniquement la curiosité qui m'avait amené à la Franc-maçonnerie.

    Mes premières approches de la Franc-maçonnerie remontent à 1975 environ. A cette époque, je l'avoue, j'ignorais totalement l'existence de la voie maçonnique et il me parait bien normal que, comme pour toute notion nouvelle à laquelle un Etre humain porte un minimum d'intérêt, la curiosité se manifeste naturellement et se transforme progressivement en un besoin de plus en plus affirmé.

    C'est vers 1983 que j'ai éprouvé le besoin de m'informer davantage par la lecture. J'ai ainsi découvert quelques notions (les obédiences, le rituel, les symboles...) ainsi que les conditions morales pour entrer dans l'ordre : être disponible, avoir une ouverture d'esprit suffisante ainsi que la volonté de se remettre en question.

    Cet idéal vers lequel l'homme peut tendre m'a profondément marqué‚ au point de faire mien cet objectif et de commencer un travail d'amélioration de moi-même. Parce que depuis 1982 j'exerçais une profession difficile aux relations humaines multiples, et probablement parce qu’à cette époque j'ai éprouvé quelques difficultés et sans doute commis des erreurs, il m'a fallu attendre très longtemps pour que les premières démarches concrètes se produisent. J'ai ainsi traversé une longue période que j'ai mise à profit pour réfléchir davantage à cet idéal et poursuivre ce travail de perfectionnement.

    Lorsque j'ai rencontré mon premier parrain (le F:. G. B.) en 1996, j'ai eu l'impression que mon initiation commençait car cette rencontre constituait un réel encouragement à progresser, à travailler sur moi-même, à améliorer toute relation humaine.

    La phase finale de la pré-initiation, à savoir mon passage sous le bandeau, le 11 octobre 1996, m'a permis de ressentir l’atmosphère très particulière d'un lieu sacré dont j'ignorais encore les lois.

    Bien que cette épreuve soit généralement considérée comme assez pénible, il me semble, avec le recul, que l'ensemble des questions qui m'ont été posées m'a permis de faire une nouvelle fois le point quant à la pureté de mes intentions.

    Je pense que ma sincérité a été appréciée puisque me voilà parmi vous.

    Réflexions au sujet de la cérémonie d'Initiation

    La cérémonie vécue le 13 décembre 1996 m'a permis de vivre une initiation virtuelle. En effet, si elle m'a proposé quelques symboles, le temps de travail assidu qui me reste à vivre ne me suffira probablement pas pour découvrir entièrement les quelques paysages spirituels et initiatiques que cette cérémonie m'a à peine dévoilés.

    J'ai découvert mais pas forcément compris le Pavé mosaïque, les deux Colonnes, les trois Piliers, le Tableau de la Loge... J'en connaissais l'existence, sans plus.

    J'avais imaginé les Apprentis siégeant sur la Colonne du Nord et les Compagnons sur celle du Sud. J'ai découvert et apprécié que les Maîtres se répartissent sur les deux Colonnes, ce qui tendait de confirmer l’idée selon laquelle même lorsqu'on est Maître on apprend et s'initie encore et toujours.

    Pour me rendre à cette première Tenue, j'avais reçu comme consigne de revêtir un smoking, ce qui n'était pas une surprise. Par contre, ce qui le fut, c'était de devoir, au seuil de l'espace sacré, me défaire de ma veste, du nœud, d'une chaussure...  J'éprouvai d'abord un sentiment de tristesse de quitter ce que je considérais comme un bel habit, sentiment vite oublié‚ car je me rappelai aussitôt que la vertu n'a pas besoin d'ornements et que c'était pour la même raison que quelques instants auparavant je m'étais dépouillé de mes métaux, c’est-à-dire de ma montre, de mes bagues et de mon portefeuille !

    Cette gêne passagère résultant du sentiment de paraître quelque peu grotesque ainsi accoutré n'a pas eu un effet inhibitif prolongé sur mes facultés. Je savais que mon cœur était à découvert en signe de sincérité et de franchise, que mon genou droit était mis à nu pour marquer un sentiment d'humilité qui doit présider à la recherche du vrai et que mon pied gauche était déchaussé car j'allais fouler pour la première fois les dalles sacrées du Temple.

    Avec le recul de deux semaines environ, j'ai compris que la cérémonie d'initiation repose essentiellement sur les épreuves des quatre Eléments et sur le serment qui me lie dorénavant à la Franc-maçonnerie.

    Cette initiation m'a offert la possibilité de dépasser l'individu limité que j'étais dans le monde profane et de m'ouvrir à d'autres réalités. Elle constitue un premier pas dans un monde nouveau où je vais progressivement découvrir un langage symbolique difficile à percevoir d'emblée, où je vais tenter d'acquérir progressivement la maîtrise de moi-même avant de prétendre modifier mon entourage et contribuer à l'épanouissement d'autres individus.

    J'ai compris que c'est à partir du travail effectué dorénavant avec mes Frères, loin des passions et des désordres du monde extérieur, mais dans le secret de la Loge que je me transformerai d'une manière profonde.

    Le brusque passage de la rue dans le Temple ne suffit donc pas pour faire de moi un Franc-maçon. C'est à moi de savoir ce que je compte faire de l'Initiation que j'ai reçue. Mais l'Initiation ne s'arrête pas à la cérémonie de Réception que j'ai vécue : elle est un processus continu et les épreuves subies n'en sont que l'introduction !

    Mon premier travail

    Par le geste du «premier travail» j'ai compris que je suis assimilé à une pierre brute, une matière qu'il faudra façonner pour lui donner une forme harmonieuse qui pourra s'intégrer dans le Temple en perpétuelle construction.

    Les épreuves que j'ai subies (de la terre, de l'air, de l'eau et du feu) sont des symboles. Cette démarche symbolique vise à transformer ma nature de profane et devrait progressivement provoquer une mutation interne.

    Je n'ai pas considéré l'initiation comme une simple cérémonie. Je pense y avoir mesuré ce qui est exigé de moi : subir un face à face décisif avec moi-même, laisser s'opérer en moi un ébranlement profond, me livrer entièrement pour parvenir à me voir tel que je suis réellement, me mettre en état de percevoir en moi-même un événement fondamental : ma mort au monde profane et ma naissance en tant qu'Apprenti Franc-maçon.

    La cérémonie d'Initiation ne m'a pas fait sourire. Loin de moi aussi l'idée de la considérer comme archaïque ou d'être une apparente puérilité. J'ai pris tout ce cérémonial avec beaucoup de sérieux. Je me souviens n'avoir retrouvé mon sourire que lorsque j'ai découvert deux de mes amis siégeant en face de moi, très heureux de les considérer à présent comme Frères et réciproquement !

    La cérémonie correspondait assez bien à ce que j'avais imaginé au travers de mes premières lectures. J'ai le sentiment d'y avoir été très conscient mais je n'ai pas pu retenir tous les emblèmes ni toutes les allégories et encore moins toutes les formalités rituelles.

    Les étapes successives symbolisées par les quatre épreuves et les trois voyages m'ont invité à prendre conscience que le chemin à parcourir pour devenir un digne Franc-maçon est long, obscur, angoissant et semé d’embûches. Ce n'est qu'avec persévérance, en surmontant les obstacles, en vainquant le doute par la raison que je pourrai peut-être arriver à en percevoir la fin.

    Cependant, ce chemin que le Maître des Cérémonies m'a aidé à parcourir, ne m'a guère éloigné de mon point de départ réel. Il a donc un caractère symbolique qui m'incite à en reconstituer les différentes péripéties, le sens et la raison.

    Ainsi, l'épreuve de la Terre, subie dans le Cabinet de Réflexion, m'a invité à prendre conscience que se connaitre soi-même est un apprentissage long et continu ; que la perfection n'est peut-être pas de notre monde profane mais que seuls les Initiés peuvent y tendre et, qu’enfin, pour accéder à cette vie nouvelle, il me faut symboliquement mourir de ma vie de profane.

    Au seuil du Temple, je m'attendais à devoir franchir une porte basse et étroite. J'ai senti que j'ai dû me baisser très fort pour passer sous une barre. J'ai compris que ce geste correspondait à la mort à la vie profane et à une renaissance à une vie nouvelle à laquelle j'ai accédé comme l'enfant qui vient au monde. Ce geste m'a suggéré que l'humilité et l'effort sont les lois de l'homme qui veut conquérir la Lumière.

    Le bruit provoqué par les sabres n'a pas vraiment provoqué en moi un véritable choc hypnotique. Je pense au contraire être resté bien conscient de ce que le Maître des Cérémonies me faisait faire.

    Avant de recevoir la Lumière symbolique, j'ai dû subir les épreuves de l'air, de l'eau et du feu, toutes purificatrices.

    Le premier voyage m'a fait comprendre que pendant mon apprentissage je serais privé de lumière, inapte à me diriger seul mais avide de connaissance et assoiffé de vérité.

    Revenu au point de départ (à l'Occident), le second voyage accompagné du persistant cliquetis des épées, m'a fait prendre conscience des efforts à soutenir pour préparer sagement mon ascension.

    Le troisième voyage, beaucoup plus calme et silencieux, devait me faire subir l'épreuve du feu mais je l'ai à peine remarquée. Pourtant le feu me fait peur !

    Après avoir bu le calice d'amertume jusqu'à la lie, le bandeau qui couvrait mes yeux a été enlevé. J'ai lu quelque part que lorsque le bandeau me serait retiré se produirait un choc initiatique. Je me dois d'exprimer un profond regret dû au défaut de ma vision : privé de mes verres correcteurs, je n'ai pu percevoir que d'une manière très floue les effets lumineux recherchés ainsi que mes Frères pointant sur moi leur épée, symbole de la sauvegarde, de l'amour et du châtiment.

    Ces épreuves subies n'ont pas fait de moi un Franc-maçon. Elles m'ont implicitement enseigné comment je pourrais le devenir. La qualité de Franc-maçon ne s'acquiert en réalité que petit à petit par un patient effort de perfectionnement individuel.

    Tel me semble le message que suggère la cérémonie de Réception qui détermine les étapes et m'indique le sens de l'action dans lequel je me dois de travailler pour m'élever inconsciemment vers des plans supérieurs.

    Quant au rituel auquel j'ai été invité à me soumettre (les mots, le signe d'ordre, la marche), il me dictera continuellement mon devoir et m'incitera à l'accomplir sans défaillance.

    Dorénavant, avant de franchir la porte du Temple, je revêtirai d'une part un tablier blanc en peau d'agneau, insigne de mon grade d'Apprenti qui me rappellera que le travail, source de joie, est l'objet exclusif des réunions maçonniques, et d'autre part, des gants blancs.

    Le fait de revêtir ces deux emblèmes de pureté et de travail m'aidera à me souvenir que je suis voué aux durs travaux d'édification du Temple de l'Humanité.

    Planche tracée alors que j'étais encore un Apprenti

    R:. F:. A. B.

     


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