•  Le Maillet et le Ciseau 

    Introduction

     La présente planche s’articulera donc selon le plan suivant :

    1. Dans quelles circonstances l’Apprenti découvre-t-il le Maillet et le Ciseau ?

    2. Quel sens pouvons-nous donner à notre « premier travail » d’Apprenti ?

    3. Sait-on depuis quand le Maillet et le Ciseau sont apparus dans nos Loges ?

    4. Qu’est-ce qu’un maillet et qu’est-ce qu’un ciseau ?

    Le sujet de cette planche pourrait me laisser supposer que le Maillet et le Ciseau sont réunis en permanence. C’est pourquoi une autre question me paraît pertinente :

    1. Le Maillet et le Ciseau sont-ils toujours associés ?

    2. Quels Maçons dans la Loge se servent d’un Maillet ? Comment le tiennent-ils et dans quelles circonstances ?

    3. Que représentent pour moi le Maillet et le Ciseau du point de vue symbolique ?

    4. Quelle est mon interprétation personnelle de l’association du Maillet et du Ciseau dans la Loge initiatique ?

    5. Quel est l’enseignement moral que je puis retirer de cette association ?

     

    * Le Maillet et le Ciseau

    * Le Maillet et le Ciseau

     

    Découverte du Maillet et du Ciseau

    Lors des enquêtes, la plupart des Profanes interrogés au sujet de leur connaissance éventuelle de l’un ou l’autre symbole maçonnique, mentionnent à 95 % l'Équerre et le Compas. Pratiquement aucun ne signale ce couple formé du Maillet et du Ciseau.

    C’est peu avant de recevoir son tablier blanc que l’Apprenti découvre le Maillet et le Ciseau. En effet, pour reprendre les paroles rituelles du Vénérable Maître, « notre symbolisme représente l’Apprenti sous la forme d’une Pierre brute qu’il convient de dégrossir à l’aide du Maillet et du Ciseau ».

    Les Récipiendaires sont en général bien trop émus et perturbés par l’ambiance de la cérémonie d’Initiation que pour repérer les coups de maillets qui retentissent à des moments précis du rituel : le début de chaque voyage annoncé par le coup de maillet du Vénérable Maître ; la fin de chaque voyage annoncée par le Premier Surveillant, etc.

    Un peu plus tard, vers la fin de la cérémonie d’Initiation, le Maître des Cérémonies vient chercher le nouvel Apprenti pour qu’il effectue son premier travail d’Apprenti à l’aide du Maillet et du Ciseau. Rappelons comment cela se passe et quel sens nous pouvons donner au premier travail de l’Apprenti.

    Le premier Travail de l’Apprenti

    * Le Maillet et le Ciseau

    Le premier Travail de l’Apprenti consiste à donner les trois premiers coups pour commencer à dégrossir sa pierre. Agenouillé à l’angle nord – est du Tableau de Loge, l'Apprenti se trouve en présence de trois éléments symboliques : la Pierre brute, le Maillet et le Ciseau. Invité à imiter le geste du Frère Maître des Cérémonies, l'Apprenti tient d'une main le Ciseau, placé sur la pierre à tailler, et de l'autre, il frappe le Maillet selon le rythme de la batterie de son grade.

    Le premier Travail de l'Apprenti s'accomplit à l'Occident, au point de départ d'un long chemin qui mène à l'Orient d'où jaillit la Vraie Lumière. Par contre, c’est souvent à l’Orient, au pied de la « stalle » de l’Orateur ou parfois au pied du pilier « Force », que se trouve la Pierre taillée, celle qui symbolise le travail effectué, toute chose acquise, vérifiée et exemplaire.

    L’Apprenti Maçon s’identifie à la Pierre brute car ce qu’il a en commun avec la pierre c’est la densité et l’imperméabilité, la densité étant considérée comme un facteur spirituel de retour à l’Unité. Le long chemin à parcourir par l'Apprenti, c'est celui du progrès à accomplir sur lui-même ; c'est la connaissance de lui-même. Il convient de retenir que l'Apprenti consacre la première partie de sa vie maçonnique à dégrossir cette pierre brute, à l’aide du Ciseau et du Maillet.

    Le Ciseau, mu par le Maillet qui le heurte et l'Apprenti conscient qui le dirige, a pour mission de faire disparaître les aspérités de la pierre, c'est-à-dire les erreurs et les préjugés. Le Ciseau pourrait représenter la faculté de discernement et le Maillet la faculté volitive. C’est pourquoi on considère que dans l’ordre opératif, la pierre est l’élément passif, et les outils l’élément actif. Par contre le ciseau, actif à l’égard de la pierre, est passif à l’égard du maillet.

    La Franc-maçonnerie ne peut viser qu'à délivrer ses membres des servitudes qui les paralysent et des préjugés qui les enchaînent. Le Franc-maçon est avant tout un travailleur. Le Vénérable Maître ne nous invite-t-il pas au travail au début de chaque Tenue ?

    Ce premier geste est donc destiné à faire prendre conscience à l’Apprenti que le travail est le cœur de son ascension personnelle vers la Lumière. Malheureusement, nul ne peut prévoir si l'Apprenti arrivera au bout de ses peines car le but qu'il s'assigne, c'est de transmuer cette Pierre brute en une pierre vivante avec laquelle l'Initié élève des temples. Physiquement, la Pierre brute c'est la pierre frustre extraite d'une carrière. C'est le matériau premier de la Maçonnerie qu'il faudra tailler, façonner, appareiller de sorte qu'elle puisse s'incorporer à la Maçonnerie, à l'édifice, au Temple.

    Travailler la Pierre brute, c'est donner des contours précis à la dimension éthique, morale et spirituelle de l'homme ; c'est faire émerger de la matière vulgaire originelle ce qu'il y a de meilleur et de plus fort en elle, par un travail constant qui gomme les imperfections.

    Cette transformation, qui va s'opérer au fil du temps, n'est pas sans rappeler le processus fusionnel de l'alchimie. Finalement, c'est bien de réactions et de modifications en chaîne dont il s'agit, à mesure que le Franc-maçon, aidé de ses instruments de bâtisseur (ciseau, maillet, équerre, niveau, fil à plomb, règle...) peaufine son matériau de base – lui-même – en vue de lui donner une forme parfaite.

    La Pierre brute évoque un commencement, dénué de tout paraître. Elle se caractérise par sa simplicité sans dynamisme propre. Dense, elle est informe, mais si elle n’est pas rejetée, c’est que sa qualité lui permet d’être taillée et de donner naissance ainsi à un chef d’œuvre.

    La Pierre brute, c'est le symbole de l'Apprenti, avec toutes les imperfections de son esprit et de son cœur, qu'il doit s'appliquer à corriger. Par l'Initiation maçonnique qui est une renaissance, il se débarrasse progressivement de tout ce que la société a pu lui apporter d'artificiel et de mauvais. Il retrouve sa liberté de penser. Avec les outils symboliques que la Loge lui procure, notamment le Ciseau et le Maillet, l’Apprenti se met à tailler lui-même sa pierre et espère parvenir à la rendre parfaite à son gré.

    Le maillet

    Le maillet, du vieux mot français « mail » dérivé du latin « malleus » se présente sous la forme d’un marteau de bois à deux têtes, comme un Tau grec.

    Attesté depuis l’Antiquité, classé parmi les outils dits « à percussion lancée », le maillet a été utilisé aux époques de rareté du fer. On n’en trouve aucune trace ni en Grèce, ni dans l’Empire romain sauf dans les représentations du Dieu au maillet.

    Le maillet traditionnel devrait être façonné dans le bois en usage dans la région. En tant qu’outil, il doit en effet répondre aux critères en vigueur dans le métier.

    Idéalement, le maillet devrait avoir été fabriqué dans le même bois que le plateau ou la table du Vénérable Maître et des Frères Surveillants pour que les vibrations et les résonances soient en harmonie, ce qui ne pourrait jamais exister avec des bois de densité différente !

    Cependant, dès l’Antiquité, le buis a été employé dans les rites funéraires. Restant toujours vert, ce bois évoque l’éternité, l’immortalité, plus simplement la pérennité, la persévérance. En ce sens, il est proche de l’acacia. Bois compact, très dur, sonore, le buis est dans le monde végétal ce que l’airain est dans le monde des métaux. C’est pourquoi son emploi semble s’être fort répandu dans la fabrication des maillets utilisés par le Vénérable et des deux Surveillants. Remarquons qu’il existe également des maillets en ivoire qui, pour leur part, symbolisent la pureté.

    Ceux qui voudraient voir le maillet en buis, en ivoire ou en ébène dénatureraient sa fonction d’outil et sa valeur symbolique. Malheureusement, des maillets maçonniques ont souvent été peints en noir pour les faire ressembler à l’ébène !

    Le maillet fut longtemps l’un des deux instruments majeurs, avec le ciseau, des tailleurs de pierre qui participèrent à la construction des cathédrales et autres beffrois au Moyen Age. A ce titre, le maillet était un outil de base de la Maçonnerie opérative. Qu’il s’agisse du Maillet de l’Apprenti, celui du Vénérable ou des deux Surveillants, ils n’ont en commun que leur fonction dynamique qui consiste à frapper.

    Le ciseau

    L’origine de cet outil est très ancienne. Sa présence est attestée dès l’Antiquité en Egypte, dans l’Ancien Empire. Pendant longtemps il a servi à la taille de la pierre tendre. C’est à partir du 6e siècle avant J.C. que son usage s’est répandu en Grèce et s’est étendu à la taille de la pierre dure.

    Le ciseau est un instrument essentiel en ce sens qu’il a pour mission de tailler la pierre brute jusqu'à lui donner une forme parfaite. Le ciseau, du latin « cisellus », substantif de « coedere » couper, se présente sous la forme d’un petit bâton en acier trempé, tranchant par un bout. Le ciseau, c'est l'outil qui détermine l'acte efficace, la pénétration au sein des éléments.

    On retrouve là, symboliquement, le mythe de la Pierre Philosophale auquel se réfère l’histoire de la construction du Temple de Salomon par Hiram.

    Dans la carrière ou sur le chantier, les pierres à bâtir ne se façonnent pas avec UN ciseau et UN maillet. Les ouvriers se servent en réalité de plusieurs ciseaux d’acier qu’ils frappent avec des masses et des marteaux également en acier, c’est-à-dire des outils à tête lourde et non à tête légère comme les maillets !

    Techniquement, l’association du ciseau métallique et du maillet végétal est donc une erreur, ce que ne serait pas, par contre, l’association du ciseau à bois et du maillet ou celle du ciseau à fer et de la masse, voire du marteau d’acier.

    Le Ciseau est l'outil symbolique spécifiquement réservé à l'Apprenti. Sa présence est cependant encore pleinement justifiée au second degré et même plus tard. Ne restons-nous pas Apprentis toute notre vie ?

    Apparition du Maillet et du Ciseau dans la Franc-maçonnerie

    Issus de la Franc-maçonnerie opérative, le maillet et le ciseau se retrouvent dans l'ensemble des outils de la construction : niveau, équerre, compas, perpendiculaire, maillet, ciseau, truelle, cordeau, règle, marteau...

    La présence du Ciseau dans la symbolique maçonnique remonte aux temps des francs mestiers et de la Maçonnerie opérative, lorsque cet instrument était un outil majeur des tailleurs de pierre qui construisaient les cathédrales.

    Le Maillet et le Ciseau ne sont apparus que fort tardivement dans les rituels de la Maçonnerie spéculative. Ces outils sont cités dès 1724 parmi les douze lumières de la Loge : « le Père, le Fils, le Saint Esprit, le Soleil, la Lune, le Maître Maçon, l'Équerre, la Règle, le Fil, le Plomb, le Maillet et le Ciseau » (The Whole Institution of Masonry).

    En 1726, le manuscrit « Graham » précise : « Pour ce qui est de l’équerre, la règle, le plomb, le fil, le maillet et le ciseau, ce sont six bons outils sans la plupart desquels un maçon ne peut accomplir un bon travail ».

    Symbolisme du Maillet et du Ciseau vus séparément

    Au siècle dernier, quelques auteurs Francs-maçons ont formulé quelques commentaires au sujet du symbolisme du Maillet et du Ciseau considérés séparément.

    1. Ainsi, pour Jean-Marie Ragon de Bettignies,  « le Maillet, emblème du travail et de la force matérielle, aide à renverser les obstacles et surmonter les difficultés», tandis que « le Ciseau est l’emblème de la sculpture, de l’architecture et des Beaux Arts. Le Ciseau est l’image du mordant des arguments de la parole avec lesquels on parvient toujours à détruire les sophismes de l’erreur ».

    2. Selon Edouard Plantagenet, « le Maillet est le symbole de l’intelligence qui agit et persévère, qui dirige la pensée et anime la méditation de celui qui, dans le silence de sa conscience, cherche la vérité», tandis que « le Ciseau représente le discernement sans l’intervention duquel l’effort serait vain, sinon dangereux ».

    3. Pour Oswald Wirth, « le Maillet figure la volonté qui exécute. Insigne de commandement que brandit la main droite, côté actif, le Maillet se rapporte à l’énergie agissante et à la détermination morale dont découle la réalisation pratique» tandis que « c’est le Ciseau d’acier qui s’applique sur la Pierre, tenu de la main gauche, côté passif, correspondant à la réceptivité intellectuelle, au discernement spéculatif ».

    4. Pour Jules Boucher, « le maillet symbolise la volonté active de l’Apprenti. Ce n’est pas une masse métallique lourde et brutale car la volonté ne doit être ni obstination ni entêtement ; elle doit être simplement ferme et persévérante. Mais l’homme ne peut agir directement sur la Matière : c’est alors le Ciseau qui servira d’intermédiaire. Celui-ci devra souvent être affûté : c’est-à-dire qu’il faudra sans cesse revoir les connaissances acquises : ne pas les laisser s’émousser. En d’autres termes, « ces connaissances acquises doivent être employées sinon l’intellectualité reste passive».

    5. Pour Raoul Berteaux, plus proche de nous, « l’étude de la symbolique du Maillet décèle trois formes de puissance : la puissance brutale, avec un caractère de primitivité, la puissance créatrice et ordonnatrice avec un caractère divin et la puissance de connaissance avec un caractère relationnel de l’humain au divin ». « Le modèle symbolique formé par la jonction du Maillet et du Ciseau est un signe de puissance créatrice. Basé sur l’image de la taille de la pierre, le sens de ce modèle peut être amplifié en le transférant dans des domaines variés. C’est à ce travail qu’est convié l’Apprenti par la présence des deux outils associés sur le tableau de Loge».

    Comment interpréter de nos jours le symbolisme du Maillet ?

    Le Maillet semble par excellence l’instrument de la volonté humaine : c’est cette dernière qui lui imprime la force, le mouvement et les nuances capables de conférer au ciseau toute son efficacité. C’est par son intermédiaire que se concrétisent le savoir et la maîtrise de celui qui souhaite atteindre la perfection de la Pierre Philosophale.

    Le Maillet à dégrossir représenterait aussi la force de la conscience qui doit abattre toute pensée vaine ou indigne qui pourrait se présenter à notre esprit afin que nos paroles et nos actions puissent s’élever, pures de toute souillure.

    Le Maillet de l’Apprenti pourrait aussi représenter la volonté agissante et créatrice qui lui permet de travailler avec le plus difficile des matériaux, c’est-à-dire lui-même.

    Le Maillet de l’Apprenti devient pour lui le moyen de façonner le monde à la lumière de ses nouveaux acquis initiatiques. Il devient dans le même temps l’instrument de sa volonté et l’expression concrète de son intelligence en éveil, le moyen de trouver sa propre voie sur le long chemin de l’Initiation.

    Le maillet travaille au plan subtil ou vibratoire. En Loge, les trois maillets annoncent l’accès prochain à une lumière ou plan nouveau. Ces maillets vibrent comme autant d’avertissements et d’annonces.

    Pour le Vénérable Maître comme pour l’Apprenti, c’est par le véhicule de l’énergie vibratoire, mise en action à différents plans, que le travail peut s’opérer.

    Outil du changement d’état immédiat et brutal, le maillet réfère tout naturellement au travail de transformation dévolu à l’Apprenti à la condition cependant que ce dernier possède toutes les qualifications requises par la véritable initiation.

    Pour qu’il n’y ait pas de confusion possible entre le Maillet de l’Apprenti et celui du Vénérable et des Surveillants, cet outil n’est jamais mis seul dans les mains de l’Apprenti ou du Compagnon. Il est toujours associé au Ciseau, afin de signifier clairement que l’on est dans le domaine opératif, que l’on attend de celui qui les porte un travail sur lui-même.

    Remarquons également que le Maillet est le prolongement de la main. Il permet le passage de l’Idée au réalisé par l’intermédiaire du Ciseau. Il évoquerait ainsi la volonté humaine qui veut transformer la matière, la détermination qui permet à l’homme de se perfectionner.

    Comment interpréter de nos jours le symbolisme du Ciseau ?

    Pour le Franc-maçon d'aujourd’hui, le Ciseau est devenu le moyen de mettre en œuvre sa volonté et la pureté de ses intentions, de ciseler et peaufiner ses objectifs jusqu'à parvenir au résultat idéal. C'est par l'action du Maillet que le Ciseau peut entailler la pierre brute selon l'impulsion que l'Apprenti va lui donner.

    Le ciseau, comme tous les outils tranchants, découpe, sépare, distingue. Il est le signe de la première opération de l’esprit.

    Soigneusement aiguisé, le ciseau est tenu de la main gauche, le tranchant appuyé contre la pierre. Le résultat de la taille va dépendre de plusieurs facteurs :

    • la connaissance de la matière: l’ouvrier doit savoir avec certitude comment est structurée la roche, deviner les éventuelles inclusions, les veines, les fissures…

    • la connaissance du travail à accomplir: l’ouvrier donne un angle précis au ciseau afin de dégager la quantité de matière qui convient pour respecter les consignes du Maître afin que la pierre puisse aisément trouver sa place dans l’édifice ;

    • la connaissance de soi et de l’outil: la force doit être parfaitement maîtrisée afin de ne pas briser la pierre.

    Appliqués à l’individu, ces facteurs deviennent la prise de conscience de ses imperfections et de ses potentialités, la volonté de travailler sur lui-même, le désir de dominer ses pulsions anarchiques, la connaissance et l’acceptation de ses limites.

    La pointe du Ciseau est appuyée contre la pierre brute. C’est selon l’endroit où elle est placée (connaissance de la matière) et l’angle que lui a donné l’ouvrier (connaissance du travail à accomplir) qui vont faire qu’au coup de maillet, donné avec une intensité et une force parfaitement maîtrisées (connaissance de l’outil et connaissance de soi) que le résultat sera bon ou mauvais.

    Si le ciseau a été mal posé sur la pierre brute, le résultat obtenu peut être fâcheux. Par contre, bien placé, il peut permettre de tendre vers des formes de plus en plus belles, de plus en plus précises et régulières.

    Travailler trop lentement, c’est ralentir la vie du chantier. Vouloir aller trop vite, faire sauter de trop gros éclats, c’est risquer de faire exploser la pierre, et là encore, retarder la construction de l’édifice. Le bon ouvrier devant la pierre brute doit avoir en lui non seulement l’image de ce que sera sa pierre taillée, mais aussi et surtout l’image de la cathédrale achevée.

    Ainsi, la Pierre brute représenterait l’Ego ; le Ciseau, les résolutions que l’on a prises ; le Maillet, la volonté qui agit ; la cathédrale, la Franc-maçonnerie telle qu’on se plaît à l’imaginer !

    La fonction du Maillet et du Ciseau réunis

    Le rôle du Maillet s’affirme dès le premier degré. En effet, l’Apprenti « reçoit » symboliquement un Maillet et un Ciseau dès son arrivée dans l'atelier. Ils lui permettent d’effectuer son premier travail.

    Ces deux instruments lui seront essentiels car ils représentent la première étape de son cheminement initiatique, laquelle consiste, dans l’optique de la construction de son temple personnel dédié à la Connaissance, en un dégrossissage de la « pierre brute » qui sera ensuite longuement travaillée et affinée avant de parvenir à la perfection des formes. Devenu Compagnon, il devra s’instruire de la qualité et de l’emploi des matériaux. Il ne pourra donc pas se dispenser du maniement pénible du Maillet et de la conduite précise du Ciseau.

    Le Maillet et le Ciseau réunis mettent en avant les notions d’enseignement, de formation, de travail sur soi afin que puisse s’opérer la transformation de l’individu. Au premier degré de la Franc-maçonnerie, Pierre brute, Maillet et Ciseau sont indissociables. C’est un aspect qui donne sa vraie grandeur à l’Apprenti-Maçon.

    Symbolisme du Maillet et du Ciseau réunis

    Les symboles « opératifs » liés à l’art de bâtir remontent à la nuit des temps et les maçons, les charpentiers, les tailleurs de pierre représentent les plus anciens métiers en l’art d’élever le plan.

    Le Maillet et le Ciseau sont compatibles, indissociables et même dépendants à raison de ce qu’ils signifient. Et ce signifié justifie pleinement l’unité du couple qu’ils forment chaque fois que ce couple travaille, chaque fois que le Ciseau, sous les coups du Maillet, entame la Pierre pour en « rectifier » la forme, la modeler, l’améliorer, l’embellir.

    Ces deux instruments, qui servent à dégrossir la Pierre brute, ne nous indiquent-ils pas comment nous devons nous corriger de nos défauts, en formant de sages résolutions qu’une détermination énergique met à exécution ?

    L’analogie apparaît alors clairement : le Ciseau figure le discernement et le Maillet la volonté.

    Le discernement, guidé par une vigilance de tous les instants, est le pouvoir de déceler ce qui doit être chassé du mental, soit en priorité (dégrossissage du premier degré), soit un peu plus tard (taille du deuxième degré) : égoïsme, colères, haines, agressivités, hypocrisies, apathies, racismes, autosatisfactions, jalousies, apriorismes, préjugés, duplicité, concepts périmés, fausses valeurs morales, entêtements, étroitesse d’esprit, etc…

    La volonté est l’énergie intérieure qui pousse l’être humain à séparer la paille du grain, à l’image du tailleur ou du sculpteur de pierre qui détache la matière indésirable, morceau après morceau, coup après coup. C’est une œuvre de longue haleine qu’une seule vie humaine ne suffit pas, la plupart du temps, à terminer. Le Ciseau et le Maillet constituent donc un couple symbolique qui associe la force et  l'habileté. Ces deux outils restant indissociables, il convient de les examiner conjointement. Cette paire d’outils impose à la pierre la volonté de l’ouvrier. D'une main, il frappe le ciseau avec le maillet pour tailler et créer une forme à la ressemblance de celle qu’il imagine.

    Pour tailler la pierre, le ciseau ou le maillet seuls sont inefficaces. La complémentarité de l’actif et du passif est évidente dans le symbolisme de cette paire d’outils. Le maillet est, bien évidemment actif puisqu'en frappant le ciseau, il lui procure de la force. Mais, en réfléchissant bien, peut-on vraiment dire que le ciseau est passif ?

    Jusqu'ici, c’est principalement sur le Maillet et le Ciseau de l’Apprenti qu’a porté ma réflexion. Mais, j’y ai déjà fait allusion, le Maillet doit aussi être analysé en tant qu’attribut des trois Lumières de la Loge.

    Le Maillet des trois Lumières

    * Le Maillet et le Ciseau

    Le Maillet est l’attribut du Vénérable et des deux Surveillants qui le font sonner lorsque l’attention des Frères est requise ou quand ils doivent faire preuve d’autorité. Nul ne peut prendre la parole après le coup de maillet du Vénérable.

    Ce symbole est fondamental dans la mesure où il montre qu’un Atelier maçonnique se différencie d’un groupe quelconque de profanes assemblés de manière anarchique et qu’il y règne une autorité partagée sans quoi rien de constructif n’est possible. Les Francs-maçons sont essentiellement des constructeurs et le respect de quelques règles de bonne conduite au sein de la micro-société qu’est une Loge favorise grandement la conduite de chaque Maçon sur le chemin de son Initiation et sur les chemins de sa vie dans la société des hommes.

    La fonction du Maillet des Trois Lumières de la Loge

    Le Maillet est utilisé en diverses occasions :

    1. Quand la couverture extérieure de la Loge est assurée, les deux Surveillants, maillet sur le cœur, parcourent les Colonnes et vérifient l’identité maçonnique des participants. Les Frères doivent se mettre à l’ordre au passage de leur Surveillant respectif. Les Surveillants ont autorité pour faire sortir du Temple celui qui n’a pas la qualité requise.

    2. Le Maillet ponctue le rituel d’Ouverture des Travaux. L’Ouverture de la Loge commence par un coup de maillet du Vénérable, signifiant que tout est en ordre dans le Temple. Tous les membres présents doivent se montrer attentifs car le passage du monde profane au monde sacré est imminent. Le maillet se tient de la main droite, et l’ordre se tient en posant le maillet sur le cœur, le bras et l’avant-bras droits formant équerre.

    3. Les paroles émanant du Vénérable Maître et répétées successivement par les deux Surveillants sont souvent ponctuées par les sons produits par les coups de leur maillet. En Loge, répercutés de l’Orient vers l’Occident, les vibrations sonores produites par les maillets marquent des rythmes chargés de la puissance de l’énergie cosmique. La diffusion des ondes sonores de l’Orient à l’Occident annonce que la Loge est consacrée.

    4. Durant les Tenues, le Maillet est également utilisé pour marquer le passage à un nouveau sujet, pour donner la parole ou la retirer, pour rétablir le silence, pour marquer certains « moments » d'une Tenue, certains temps affectés à telle ou telle activité.

    5. Le Maillet du Vénérable Maître joue un rôle de première importance lors de l’Initiation d’un nouveau Maçon, lorsque le Vénérable crée, consacre et reçoit un nouveau Frère. Des coups de maillet sont frappés rituellement, selon le rythme prescrit par le rite, sur la base des trois épées qui se croisent au-dessus de la tête du Récipiendaire, tenues par les trois Maîtres qui dirigent la Loge. C’est ainsi que le Vénérable fait du Profane un Apprenti, de l’Apprenti un Compagnon, du Compagnon un Maître.

    6. Les trois maillets sont utilisés pour rythmer les batteries (voir ci-après l’expression « maillets battants »).

    7. En fin de Tenue, le Maillet ponctue également la Clôture des Travaux.

    Symbolisme du Maillet des Trois Lumières de la Loge

    Entre les mains du Vénérable et des deux Surveillants, le Maillet symbolise leur pouvoir. Il sert à provoquer des ondes sonores rythmiques. Les Maillets posés sur les plateaux du Vénérable Maître et des Surveillants sont des signes de puissance potentielle, en l’occurrence du pouvoir qui est conféré à ces Officiers Dignitaires.

    Dans l’enceinte du Temple, seules ces trois personnes sont habilitées à utiliser un maillet. Dans leurs mains, cet instrument est le gage de l’autorité, de la parfaite maîtrise initiatique et du droit à commander. Il est l’emblème de leur puissance, de leur pouvoir, de leur autorité. En saisissant en main le Maillet, ils annoncent qu’ils vont faire usage de ce pouvoir. Le Maillet est par conséquent associé à l’autorité, au commandement, à la volonté agissante.

    C’est la présence d’un maillet sur le plateau du Vénérable Maître, du Premier Surveillant et du Second Surveillant qui fait désigner respectivement ces trois officiers sous les noms de Premier Maillet, Deuxième Maillet et Troisième Maillet.

    Le symbolisme du Maillet est clairement exprimé par le Maître Installateur qui dit au nouveau Vénérable Maître de la Loge : « Je vous remets également ce Maillet, emblème du pouvoir temporel qui vous servira à maintenir l’ordre dans la Loge, particulièrement à l’Orient ».

    Dans certains rites, le Vénérable, installant ses Surveillants, leur confie le Maillet et déclare : « Je vous remets ce Maillet, emblème du pouvoir, pour vous habiliter à m’assister à faire régner l’ordre dans la Loge, particulièrement au Midi et au Nord ».

    Les coups de maillet

    Si les coups des maillets battent et rythment le travail rituel en Loge, nous sommes en droit de nous demander la signification de cette nécessité « opérative » et la raison des changements des nombres de coups selon les grades.

    Le maillet, répétons-le, sert à frapper ; à frapper sur une caisse de résonance destinée à augmenter le niveau vibratoire engendré par la frappe.

    Depuis la nuit des temps, les hommes, les initiés, les mages, les prêtres et autres sorciers de toutes les parties du monde ont accordé une importance particulière au fait de faire résonner des tambours, des cloches, des trompes, de toutes formes, tailles et matières. C’est que tout bruit émis par résonance se trouve symboliquement lié à l’émission du Son primordial en rappel de la mise en action de l’énergie principielle lors de la création du monde. Ce qui est l’expression de la manifestation de l'Eternel à travers le mouvement universel en perpétuelle expansion.

    Ainsi, c’est pour que la vie de l’Initié devienne réalité que la vibration du maillet ébranle le nouvel être par la « batterie de création, de constitution et de réception » en un monde nouveau.

    Les différentes rythmiques nous permettent d’accéder à divers niveaux de conscience selon que le rythme s’avère lent ou rapide. La rythmique des batteries maçonniques conduit celui qui s’y laisse porter vers d’autres niveaux de perception s’il sait se mettre en état de réception, s’il s’oublie à lui-même.

    Lorsque l’âme rencontre un rythme vital, elle s’éveille, vibre et le suit. Comme les vibrations des chants grégoriens, les vibrations du maillet sont liées à la vie, au centre du monde.

    L’expression « Maillets battants »

    L’expression « maillets battants » signifie que le Vénérable et les Surveillants usent ensemble de leur maillet en coups alternés et cadencés, selon le Rite pratiqué, lorsque des Dignitaires de l’Ordre font leur entrée dans le Temple.

    Jules Boucher précise que « les coups sont frappés successivement et alternativement par le Vénérable, le Premier Surveillant et le Second Surveillant. Ce « bruit » monotone et régulier réalise le « silence intégral » puisqu'il supprime tout son adventice ».

    A certains rites, ces Dignitaires (le Grand Maître ou son représentant) sont reçus « maillets battants » au rythme de la batterie de 9 fois 3 coups. Cette entrée sonore n’existe ni au Rite Écossais Rectifié ni dans les rites anglais.

    L’expression « sous le Maillet »

    On dit qu’une candidature est placée « sous le maillet » lorsqu'un des deux parrains a déposé une lettre de candidature dans le Sac aux Propositions et que le Vénérable Maître en a pris possession, juste avant la Fermeture des Travaux. D’un Profane on dit aussi qu’il est « sous le Maillet » pour signifier que son Initiation est prochaine ou pressentie. Par ailleurs, un Maçon donnera une information « sous le Maillet » lorsqu'il veut qu’elle soit gardée secrète.

    Lorsque le sac aux Propositions revient à l’Orient, il peut aussi contenir :

    • une demande d’augmentation de salaire (d’un Frère Apprenti qui souhaite passer au grade de Compagnon ; d’un Compagnon qui souhaite être élevé à la maîtrise) ;

    • toute suggestion, question ou courrier confidentiel adressé au Vénérable.

    Ces messages sont aussitôt « placés sous le Maillet », ce qui signifie que le Vénérable Maître les accepte et les examinera ultérieurement.

    L’expression « Maillet en bande »

    La mise du maillet « en bande » concerne les Surveillants et le Vénérable Maître. Ce geste consiste à tenir le Maillet et à le poser à plat, en diagonale, sur le côté gauche de la poitrine, « sur le cœur ». Lors du défilé processionnel, le Vénérable et les Surveillants entrent en Loge en tenant le maillet « en bande », sauf au Rite Écossais Rectifié où le maillet doit se trouver préalablement sur les plateaux. Ils font de même lorsqu'ils prennent la parole en Loge. Cette gestuelle remplace le signe d’ordre usuel chez les autres Frères.

    Conclusion personnelle et provisoire

    Des générations de Maçons ont subi à propos du et du Ciseau des assertions découlant, pour la plupart, de considérations triviales spécifiquement morales et profanes. Les affirmations du type « le ciseau est tenu dans la main gauche, le maillet dans la main droite », « le ciseau est passif et le maillet actif » laissent pantois par leur vide et leur incohérence. Ils révèlent une incompréhension et une méconnaissance symboliques graves.

    Le Ciseau n’est pas passif puisque lui seul permet le choix de l’angle d’attaque de la pierre et ses variations indispensables pour œuvrer d’une manière parfaite. Toute l’intelligence, toute la décision se trouvent dévolues au Ciseau, ce qui s’avère indispensable car c’est lui qui doit parvenir au centre de la pierre, au « cœur de l’être ». Alors que le ciseau peut travailler avec d’autres formes de percuteurs, le maillet ne peut pas se passer du ciseau pour couper, trancher, parfaire la pierre dans l’aplomb.

    Le Maillet apparaît, lui aussi, comme un symbole très important en Franc-maçonnerie :      

    • Trois officiers dignitaires l'utilisent : le Vénérable Maître et les deux Surveillants.

    • Signe du travail et de la force, il est devenu l'insigne du Vénérable Maître qui dirige le Travail en Loge.

    • Représentant le pouvoir du Maître, le Maillet est capable de donner la vie (au premier degré) ou la mort (au troisième degré).

    • Par ses coups qui battent et rythment le Travail rituel en Loge, il contribue à véhiculer l’énergie vibratoire qui peut conduire celui qui s’y laisse porter vers d’autres niveaux de perception, à l’extase, à la fusion avec l’énergie de la Vie.

    • Outil du changement d’état, il permet le travail de transformation dévolu à l’Apprenti.

    Sans le concours du Maillet et du Ciseau, rien ne saurait s’accomplir. L’Initiation ne se contente pas d’enseigner à raisonner correctement et à voir juste ; ce n’est là que la première partie de son programme, celle qui se rapporte plus spécialement au grade d’Apprenti. C’est pourquoi le Compagnon est plus spécialement appelé à s’entraîner à l’action par la culture rationnelle de sa puissance de volonté. Il doit achever de s’éclairer ; il doit apprendre à vouloir. Ces deux outils sont profondément significatifs à cet égard.

    R:. F:. A. B.

    Bibliographie

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995 - Pages 40, 41, 101, 102

     

    Béresniak Daniel - Rites et Symboles de la Franc-maçonnerie

    Tome I : « Les Loges Bleues » - Editions Detrad, Paris, 1997 - Pages 67, 98, 104 à 106, 141, 188, 194

     

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade d’Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986 - Pages 31 à 34

     

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade de Compagnon

    Editions Edimaf, Paris, 1986 - Pages 51 à 56

     

    Boisdenghien Guy - La vocation initiatique de la Franc-maçonnerie

    Sentiers de la Tradition - Editions L’Etoile, Bruxelles, 1999 - Pages 130, 131, 161, 188, 221

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995 - Pages 11, 23

     

    Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 71, 167, 168

     

    Ferré Jean - Dictionnaire des symboles maçonniques

    Editions du Rocher, Monaco, 1997 - Pages 287 à 294

     

    Guigue Christian - La formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 1996 - Pages 87 à 90 et 205

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 2003 - Pages 178 à 185 et 470 à 471

     

    Login J.P. - Le Compagnon

    Editions Detrad, Paris, 1994 - Pages 15 et 16

     

    Mainguy Irène - La symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2006 - Pages 347 à 349 ; 357 à 358 ; 385 à 386

     

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail en Loge d’Apprentis

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 107 à 108

     

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail en chambre de Compagnons

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Page 128

     

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail en chambre du Milieu

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Page 107

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    1ère partie : «L’Apprenti» - Editions Dervy, Paris, 1994 - Page 212

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    2ème partie : «Le Compagnon» - Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 45 à 48 et 123

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    3ème partie : «Le Maître» - Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 81, 93 et 104


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  •  Les pas ou la marche de l'Apprenti 

    Introduction

    LES PAS, LA MARCHE

    De même qu’il possède ses attributs, sa batterie ou ses signes de reconnaissance, tout grade maçonnique a sa « marche ». Celle-ci consiste en un certain nombre de pas et sert essentiellement à pénétrer dans le Temple de manière rituelle.

    Le pas est par essence ce qui définit la marche d’un individu. Or, on sait que chaque élément du comportement d’un Franc-maçon en Loge a son importance symbolique. C’est pourquoi un nombre précis de pas correspond à chaque grade et doit être effectué lors de l’entrée dans la Loge. C’est également le moyen de vérifier que celui qui pénètre dans le lieu sacré dédié à la Franc-maçonnerie est bien habilité à être présent dans cette assemblée.

    Chaque degré de la Maçonnerie symbolique se caractérise par une marche différente que l’on évoque par l’expression « faire les pas » et qui s’avère obligatoire lors de l’entrée individuelle en Loge. La marche, accompagnée des signes spéciaux à chaque degré, est obligatoire pour tous les Maçons qui pénètrent dans une Loge lorsque les Travaux sont ouverts. « Pratiquement, nous dit Jules Boucher, ceux-ci le sont presque toujours au grade d’Apprenti ; les marches de Compagnon et de Maître ne sont utilisées ou mieux « remémorées » que lors des initiations à ces degrés. »

    Le pas constitue le mouvement de base. Il ne s’opère pas identiquement pour tous les rites. Ainsi, on entre :

    du pied gauche au Rite Écossais Rectifié, au Rite Écossais Ancien Accepté,

    du pied droit au Rite français moderne, au Rite belge moderne, au Rite Émulation.

    Faire le pas, c’est mettre les deux pieds en équerre, avancer d’un pas, se remettre en équerre. Le nombre de pas fait pendant au nombre mystérieux du grade. Les Surveillants ont pour devoir de vérifier avec un soin tout particulier que les Apprentis et Compagnons maîtrisent totalement cette gestuelle de base en matière d’entrée en Loge.

    L'ENTRÉE  EN  LOGE

    Quel que soit le rite suivi, l’entrée en Loge se fait dans le respect des usages anciens codifiés d’après des normes rigoureuses. Ainsi, l’entrée dans une Loge demeure rigoureusement identique aujourd’hui à celle qui se pratiquait en 1778.

    Lorsqu'un Frère arrive en retard et que les Travaux se trouvent commencés, il vient frapper à la porte de l’Atelier suivant la batterie de son degré où les Travaux sont ouverts.

    Le retardataire doit attendre avec patience que l’entrée lui soit accordée, ce qui peut se produire tardivement si une cérémonie est commencée !

    Lorsque le Vénérable Maître donne l’ordre d’admettre le Frère en Loge, le Couvreur ouvre la porte et accueille le nouveau venu. L’arrivant doit attendre que le Vénérable Maître le regarde pour procéder à l’entrée rituelle, c’est-à-dire faire les pas, suivis du salut.

    LA MARCHE RITUELLE DES RETARDATAIRES

    Tout Maçon pénétrant dans le Temple après l’Ouverture des Travaux doit marcher rituellement. A chaque pas, le second pied vient rejoindre le pied placé en avant, en équerre.

    LA   GESTUELLE   TYPIQUE

    Dans un premier temps, le Frère place (le plus souvent) ses pieds en équerre.

    Dans un second temps, il se met à l’ordre.

    Au troisième temps, il effectue les pas du grade.

    Au quatrième temps, il fait le signe d’ordre ou salut.

    DU PIED GAUCHE OU DU PIED DROIT ?

    Quelques auteurs jugent la marche écossaise peu conforme à la symbolique, du fait qu’elle démarre du pied gauche. Il est à noter cependant que si l’on part du pied gauche, on ouvre le côté droit du corps, on l’oriente vers le Pavé mosaïque.

    L'Ecossisme « attaque » les pas du pied gauche, la plupart des autres rites les commencent du pied droit.

    Comme pour l’analyse d’autres symboles, gestes et attitudes, de nombreux auteurs Francs-maçons ont pris, à ce sujet, des positions parfois proches, parfois divergentes. Cherchons la Lumière !

    « Aucune raison, bonne ou mauvaise, dit Oswald Wirth, n’a été jusqu'ici mise en avant en faveur du pied gauche. Quant à la marche du pied droit, elle se justifie par le fait que la droite figure l’activité, l’initiative, le raisonnement, alors que la passivité, l’obéissance et le sentiment se rapportent à la gauche. C’est donc le pied droit qui, logiquement, doit se porter en avant, appuyé par la gauche dont le rôle est de suivre».

    Edouard Plantagenet abonde dans le même sens : « La marche du pied gauche nous parait inexplicable ; il n’est point convenable qu’en Maçonnerie il puisse y avoir, à quelque degré de la hiérarchie que ce soit, une passivité aveugle ou un abandon absolu aux réactions affectives justifiant le symbolisme de la gauche. Nous savons, au contraire, que la fécondité même de l’Initiation repose entièrement sur l’intensité du travail personnel, conscient, délibéré. La marche s’affirme, d’ailleurs, comme inconciliable en soi avec le départ du pied gauche et dès lors on ne voit pas comment on pourrait justifier rationnellement cette prescription ».

    « Il ne fait aucun doute, dit-il encore, que cette altération des enseignements traditionnels propage une erreur flagrante : la marche écossaise prescrit le départ du pied gauche, côté de l’affectivité passive et sentimentale ».

    Pour Jules Boucher, au contraire, « la marche du pied gauche se justifie aisément parce que précisément alors on s’appuie sur la droite, la raison qui reste stable tandis que la gauche, le sentiment, est seule mobile. Inversement, en partant du pied droit, on lance en avant la raison et le point d’appui étant le pied gauche semblerait montrer qu’on s’appuie sur l’affectivité « passive et sentimentale ». Le pied droit venant s’appliquer sur le pied gauche « rectifie » les erreurs que la gauche a pu commettre ».

    On voit qu’il est facile de réfuter les arguments « rationnels » des adversaires de la marche partant du pied gauche. Ces arguments sont d’ailleurs purement sentimentaux !

    UN  PEU  D'HISTOIRE !

    L’usage des trois pas effectués à certains moments des cérémonies remonte à l’époque de la Maçonnerie opérative mais pour nous aider à les situer dans la pratique moderne, il nous faut nous référer aux anciennes « exposures » anglaises.

    Ainsi, le « Manuscrit Wikinson » (1727) et Samuel Prichard (1730) nous indiquent que les candidats doivent avancer par trois pas vers l’autel avant de prendre leur obligation sur la Bible. Cette façon de procéder relève d’une nécessité symbolique mais ces documents ne nous fournissent aucune explication sur la manière de les faire.

    Un document plus tardif, daté de 1760, le « Three Distinct Knocks », signale que « le candidat avance seulement d’un pas au 1er degré, de deux au Second degré, de trois pas au 3ème degré ». Ce qui énonce en l’occurrence que le premier pas régulier en Franc-maçonnerie est celui qui va se traduire par la prise de l’obligation qui entérine définitivement la réception dans la fraternité car c’est l’engagement qui fait le Maçon. Sans serment sur la Bible, il n’y a point de Maçon.

    LE  PREMIER  PAS  RÉGULIER  EN  FRANC – MAÇONNERIE

    Ce pas effectué à partir des pieds mis en équerre avec les talons joints remonte au moins vers 1700 puisque nous en trouvons la mention dans le manuscrit Sloane. La Grande Loge des « Moderns » le modifia avec l’adoption des trois pas tandis que la Grande Loge des « Antients » le maintint.

    LA  GRANDEUR  ET  LE  NOMBRE  DE  PAS

    Certains rituels précisent que les pas ne doivent pas être d’égales longueurs, le premier étant un petit pas, le deuxième un peu plus grand, le troisième encore un peu plus grand !

    La marche de trois pas est celle de l’Apprenti. Serait-ce trahir un secret que de révéler ici que la marche du Compagnon est celle de l’Apprenti à laquelle viennent s’ajouter deux autres pas et que celle du Maître est celle du Compagnon à laquelle viennent s’ajouter trois pas spécifiques ?

    Le plus important n’est-il pas de découvrir, au moment adéquat, la manière de les effectuer et de les « vivre » au moment de la cérémonie de Passage au grade de Compagnon ou de l'Élévation à la Maîtrise ?

    La Marche ou les Pas de l’Apprenti

    Au grade d’Apprenti, il s’agit d’accomplir trois pas.

    Placée comme d’autres symboles du Premier degré sous le règne du nombre Trois, la marche d’Apprenti se pratique en réalité peu souvent. Accompagnée du Signe d’Ordre, elle a seulement lieu lorsqu'un Frère arrive très tard en cours de Tenue ou bien lors de l’introduction rituelle d’une délégation de visiteurs ou de dignitaires. Elle est toujours remémorée au cours de la cérémonie de l’Initiation d’un Profane.

    Pour Guy Boisdenghien, « la marche consiste à effectuer trois pas en avant, les pieds en équerre, dirigés vers l’Orient. Geste ternaire de jambes, la marche symbolise l’avancée de l’Apprenti sur le chemin de l’Initiation. Le premier pas est un essai en tant qu’image de l’ignorance native. Le deuxième pas permet de prendre conscience de la nécessaire prudence que nous devons toujours garder à l’esprit en raison de l’imperfection du langage. Le troisième pas est celui de l’attention. Ainsi, tous les sens sont tendus vers la compréhension de l’instruction initiatique ».

    Pour Gilbert Alban, les trois pas doivent être assez petits, égaux et surtout glissés et prudents afin de bien rappeler la marche intérieure du Néophyte quand il pénètre pour la première fois dans les ténèbres de son moi. Cependant ces pas hésitants ne sauraient être exagérés à cause de la volonté et du courage requis de l’Apprenti pour dégrossir sa Pierre.

    La Marche de l’Apprenti et le symbolisme de l'Équerre

    Pour Jules Boucher, la marche de l’Apprenti est rectiligne et se fait à l’aide de l'Équerre parce qu’il a été mis dans la « voie droite », parce qu’il a été « initié ». Sa marche lui rappelle les difficultés qu’il va rencontrer et la nécessité où il se trouve de ne pas s’écarter de son chemin.

    Mais pour Patrick Négrier, qui veut expliquer les symboles maçonniques d’après leurs sources, « la disposition des pieds en forme d’équerre renvoie évidemment au symbolisme de l'Équerre. L'Équerre renvoie à la forme carrée de l’autel des holocaustes. La Lettre G désigne la mer de bronze. Quant au Compas, il renvoie au ciel indiqué par la « montée » de la fumée des holocaustes et représentée par les douze bœufs soutenant la mer de bronze. Les pas sembleraient donc reprendre la symbolique universelle des voyages, le premier pas reliant la terre au ciel (c’est le trajet indiqué par la « montée » de la fumée des holocaustes ) ; le second pas reliant ensuite le ciel et la terre (c’est le trajet indiqué par la réflexion des constellations à la surface de l’eau remplissant la mer de bronze) ; et le troisième pas conduisant en réalité de la mer de bronze entre les deux colonnes Yakin et Boaz, c’est-à-dire en définitive devant la porte de l’hêkal du Temple de Salomon ».

    Quant aux trois pas considérés en eux-mêmes, Gabriel-Louis Pérau donne l’explication suivante à leur sujet : « Le premier temps se fait de la porte d’Occident à l'Équerre ; le second de l'Équerre à la Lettre G, et le troisième, de la Lettre G au Compas, toujours les pieds en équerre, pour aller chercher la Lumière ».

    Edouard Plantagenet juge pénible cette marche rituelle : « brutalement coupée par trois arrêts, elle brise notre élan. A chaque fois, elle nous contraint à un nouvel effort pour repartir ! »

    Symbolisme astrologique de la Marche de l’Apprenti

    La marche ne s’est pas introduite dans notre rituel par hasard. Il ne s’agit pas d’une invention ni un symbole construit de toutes pièces à la faveur de l’heureuse inspiration d’un esprit familiarisé avec les abstractions ! En effet, la marche et ses trois étapes semblent correspondre, comme rythme et signification, avec les trois premiers signes du zodiaque qui sont, faut-il le rappeler, le Bélier, le Taureau et les Gémeaux et qui répondent aux mois de mars, avril, mai et juin, c’est-à-dire au printemps, et sont en concordance avec l’année maçonnique qui commence le premier jour de mars !

    L’astrologie nous apprend que le Bélier est sous l’influence de la planète Mars et évoque par conséquent l’idée de lutte qui est confirmée par le renouveau solaire. Le Taureau, qui inspire le second pas, exprime le travail persévérant et désintéressé. Quant aux Gémeaux, qui sont sous l’influence planétaire de Mercure, ils sont considérés comme le signe de la fraternité.

    Faut-il accepter ou rejeter ce symbolisme astrologique sur lequel Edouard  Plantagenet s’étend complaisamment ? Il nous est loisible de l’accepter dans la mesure où tous les symbolismes vrais se recoupent et se vérifient l’un l’autre.

    De plus, si l’on s’en rapporte aux Eléments, le Bélier est signe de FEU, le Taureau signe de TERRE et les Gémeaux signe d’AIR. Le premier pas indiquerait alors l’ardeur, le second la concentration et le troisième l’intelligence.

    Conclusion provisoire

    Au risque de le répéter, les marches peuvent varier d’un Rite à un autre en fonction du symbolisme qui leur est attribué : partir du pied droit ou du pied gauche, avoir les pieds droits ou en équerre, faire des pas plus ou moins grands, faire des demi-cercles, faire monter un escalier…, mais elles gardent la même signification, à savoir le fait de marquer l’appartenance à un grade précis.

    Les marches s’exécutent pas à pas pour rappeler que la progression vers la Lumière se réalise par étapes successives.

    La position de départ, pieds en équerre, indique la droiture de conduite qui est la première qualité du Maçon.

    Mais dans la recherche de la droiture de sa propre conduite, ne convient-il pas avant tout de s’efforcer de ne pas arriver en retard à une Tenue ?

    Si l’un ou l’autre Frère arrive exceptionnellement en retard, sachons alors profiter de cette arrivée tardive pour nous imprégner une nouvelle fois du symbolisme de sa marche tel que j’ai tenté de l’analyser dans ce travail.

    Mieux vaut cependant profiter des moments de tuilage qu’offrent les cérémonies d’Initiation, de Passage au Second degré ou d'Élévation à la Maîtrise pour nous imprégner du symbolisme des différentes marches ou pour nous les remémorer.

    Cette quatrième version de cette planche, tracée pour la première fois en septembre 2000, comprend à présent un chapitre de plus, à propos de la marche à reculons du Compagnon qui vient recevoir son salaire de Maître Maçon. C’est une marche qui permet de prendre du recul vis-à-vis de soi-même avant d’accéder au seuil d’une confrontation avec un Absolu qui le dépasse.

     

    R :. F :. A. B.

    Bibliographie

    Alban Gilbert - Guide de l’Apprenti

    Editions Detrad, Paris, 1996 - Pages 231 et 232

     

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995 - Page 121

     

    Boisdenghien Guy - La Vocation Initiatique de la Franc-maçonnerie

    Sentiers de la Tradition - Editions l’Etoile, Bruxelles, 1999 - Pages 100 et 101

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 314 à 321

     

    Chauvet  (Dr) - Esotérisme de la Genèse

    Tome 1er, 1946 - Page 148

     

    Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 170 à 172

     

    Guigue Christian - La formation maçonnique

    Editions Guigue ? Mons-en-Baroeul, 1995 - Pages 147 à 149 ; 206 ; 225 et 226

     

    Mainguy Irène - La symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2006 - Pages 367 à 369

     

    Négrier Patrick - Les symboles maçonniques d’après leurs sources

    Editions Télètes, Paris, 1998 - Pages 108 et 109

     

    Pérau Gabriel-Louis - Le secret des Francs-maçons

    Editions Slatkine, Genève, 1980

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    Tome 3 : « Le Maitre » - Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 38, 85, 93, 169, 170


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  •  Les mots et l'attouchement de l'Apprenti 

    Introduction

    Il est une expression dans le rituel de chacune de nos trois cérémonies (Initiation, Passage au degré de Compagnon, Élévation à la maîtrise) qui mérite de retenir tout particulièrement notre attention et de susciter notre réflexion : « Pour se reconnaître entre eux, les ….. Maçons ont des Mots, des Signes et Attouchements ».

    J’ai déjà tracé une planche à propos des Signes de l’Apprenti. Je ne m’attarderai donc pas ici sur ce sujet.

    Comme pour bien d’autres phrases du rituel sinon toutes, il importe de se poser des questions et de tenter de rechercher des réponses, tout d’abord en nous-mêmes, ensuite en interrogeant des Frères plus avancés dans leurs recherches et enfin en consultant la littérature maçonnique si nécessaire.

    Voici quelques questions qui me sont venues spontanément à l’esprit à la lecture de cette phrase :

    • Pourquoi les Francs-maçons doivent-ils se reconnaître ?
    • Dans quelles circonstances ?
    • Quels sont les mots de reconnaissance mis à leur disposition ?
    • Sont-ils différents selon les grades, selon les rites ?
    • Quel est l’Attouchement de l’Apprenti ?
    • Que signifie le Mot de l’Apprenti?
    • Quelle interprétation pouvons-nous avoir de ces symboles ?

     

    Circonstances d’une reconnaissance

    Dès que le Récipiendaire est reçu et consacré Apprenti Franc-maçon, le Vénérable Maître, assisté de l’Expert, l’instruit pour qu’il puisse dorénavant se faire reconnaître par les signes, mots et attouchements spécifiques de son grade.

    Dans quelles circonstances les Compagnons ou les Maîtres Maçons peuvent-ils être amenés à se reconnaître ? Il me semble que la question est devenue un peu obsolète. En effet, lorsque nous rendons visite à des FF:. d’autres Loges, le plus souvent nous nous retrouvons sur les Parvis, en salle humide, où nous n’avons généralement pas encore revêtu nos décors. Difficile dans ces circonstances de savoir quel est le grade de chaque Frère qui nous accueille et réciproquement !

    C’est dans ce contexte qu’il faut replacer cette fichue manie des Frères Maîtres de saluer tous les Frères en Maître et de divulguer ainsi « le Signe du Maître » à des Apprentis et des Compagnons. Ne conviendrait-il pas, en salle humide, de se présenter à chaque Frère en précisant son grade (Apprenti, Compagnon), venant de la R:. L:. " X " ?

    Ce n’est généralement qu’au sein-même de la Loge de Compagnons au cours de la cérémonie de Passage au grade, ou dans la Chambre du Milieu, au cours de la cérémonie d'Élévation à la Maîtrise, que les mots, les signes et l’attouchement sont contrôlés symboliquement.

    Sans doute, autrefois, lorsque les Compagnons visitaient beaucoup d’autres Loges, était-il opportun d’énoncer le mot de passe à haute et intelligible voix, d’effectuer le signe d’ordre devant le V:. M:. et les FF:. Surv:., de donner l’attouchement au Frère Expert ou au Frère Couvreur !

    Puisque l’attouchement semble intervenir comme l’élément premier de reconnaissance du Maçon, je vais commencer par ce premier aspect des moyens de reconnaissance.

     

    L’Attouchement de l’Apprenti

    Il est probable que l’usage de l’attouchement comme signe de reconnaissance, soit à relier avec la pratique du « topage » dans le compagnonnage. Le voyage est défini comme un ancien usage compagnonnique permettant de savoir si un compagnon rencontré fait partie du même devoir et du même corps de métier. Par questions et réponses, les deux compagnons s’assuraient ainsi de leur identité [1].

    Au premier degré, l’Attouchement est ternaire. Au deuxième degré il est quinaire. Tous deux reproduisent la batterie du grade selon le rythme du rituel pratiqué.

    Bien souvent l’Attouchement est à considérer comme une demande du Mot sacré. La communication du Mot sacré ne peut alors s’exécuter qu’avec une grande prudence. Elle fait référence (notamment au R.E.R. et au R.E.A.A.) à la science des lettres, en particulier au premier et au deuxième grade (J. et B.).

    Au grade d’Apprenti, l’Attouchement se fait en se prenant mutuellement la main droite de manière que les quatre doigts de l’un soient dans la paume de l’autre. Pour se reconnaître, on pose alors l’extrémité du pouce, en le pliant, sur la phalange de l’index de l’autre et l’on exerce des pressions avec le pouce : deux précipitées et une troisième bien séparée. L’Expert fait ce signe de reconnaissance au jeune Apprenti qui doit lui répondre de la même manière.

    Je passerai sous silence l’attouchement des Compagnons et des Maîtres.

     

    Les Mots de l’Apprenti

    Lorsque nous parlons de mots, nous savons qu’il y a lieu de faire une distinction entre « Mot sacré » et « Mot de passe ».

    Parmi les éléments secrets du métier figurent les mots de passe qui ont pour but de vérifier si le degré possédé par un Frère correspond bien à celui des Travaux du jour. Ils permettent d’obtenir l’entrée en loge.

    Bien que rarement exigé à l’entrée de nos Loges pratiquant le Rite moderne, le mot de passe est, faut-il le rappeler, celui qu’il y a lieu d’énoncer au Frère Couvreur pour pouvoir normalement entrer dans le local maçonnique avant l’Ouverture des Travaux. Il agit aussi comme une clé pour accéder à l’espace intemporel lorsqu'un Frère arrive en retard.

    Chaque grade se caractérise aussi par l’attribution d’un Mot sacré aux Frères qui s’y trouvent reçus. Il s’agit, pour les premier et deuxième grades d’éléments partiels, éparpillés. Il leur appartiendra plus tard de rassembler ce qui est épars pour avancer plus avant vers la compréhension initiatique du système.

     

    Le Mot de passe de l’Apprenti

    Comme son nom l’indique, un mot de passe (parfois aussi appelé « mot du guet ») permet de passer, de franchir un seuil. Ce mot serait apparu vers 1745 comme mot de passage ou plutôt d’entrée au premier grade.

    T..... est ce mot de passe (au Rite moderne belge), B........... (au R.E.A.A.) un mot qui donne accès à la Loge. On peut penser que cet usage permet à l’Apprenti de se distinguer d’un Profane. On peut considérer que la Franc-maçonnerie, héritière des mystères antiques, utilise les mots de passe, en rappel des usages propres aux mystères d’Eleusis.

     

    Quelques hypothèses sur l’origine de ce mot

    De toutes les thèses avancées sur l’utilisation de T......... comme mot de passe du premier grade – notamment au Rite français – aucune explication ne paraît a priori justifier ce choix.

    Arturo Reghini [2] considère qu’un mot de passe est nécessaire pour passer d’un grade à un autre, du premier au deuxième grade par exemple, mais que c’est une erreur d’avoir attribué T.............. au premier grade [3].

    Selon Marcel Spaeth, T.....-C..... était le « premier maître pour la fonte de l’airain » et certaines versions maçonniques admettent même qu’il pouvait être le second d’Hiram et c’est lui qui aurait fondu les colonnes J et B du Temple de Salomon.

    Yabal évoque le verbe « ybl » (conduire) ; Ybal ressemble à « yôbel » (trompette) ; Tubal est aussi le nom d’un peuple du Nord (Genèse 10 ; 2) au pays des métaux.

    C......, qui signifie « forgeron », paraît avoir été joint à T..... comme une explication de ce nom et sans doute pour souligner que ce forgeron-là est bien le descendant de Caïn, un des fils du premier homme.

    D’ailleurs « T......... » devrait, suivant la prononciation en hébreu s’énoncer plutôt comme Joubal ou Zoubal, son qui n’a pas d’équivalent en français, mais qui s’apparente au Th anglais.

    La référence à T.....-C..... propose au jeune Maître un travail essentiel. Ne dit-on pas en effet que T.....-C...... sépara l’airain des scories ?

    Il semble difficile de trouver une formule plus noble et plus juste définissant le devoir essentiel d’un Franc-maçon que celle-ci : « avec l’aide du feu, débarrasser la matière des scories », dans les relations des hommes entre eux mais avant tout dans les relations avec soi-même.

    En Maçonnerie, cette référence à l’art du forgeron est en étroite analogie avec la Chaîne d’union dont les maillons doivent être du plus pur métal.

    Les catéchismes de 1724 à 1730 ne rapportent aucun mot de passe. Reghini avance une hypothèse selon laquelle leur introduction correspondrait à des mesures prises vers 1735 en France pour se protéger des Frères dissidents. Mais cela mériterait d’être vérifié !

    En tout cas, on trouve la première trace de T......... donné comme mot de passe du premier grade en 1745, dans le rituel de l’Ordre des Francs-maçons trahi et le secret des Mopses [4] révélé.

    Jackson [5], dans un article paru dans les Ars Quatuor Coronatorum en 1974, traite des mots de passe, de leur développement et utilisation au début du 18ème siècle. Il reconnaît dans ses conclusions que leurs origines restent du domaine de la spéculation.

    Jackson considère que les mots de passe ont été utilisés surtout en France, s’apparentant à des mots de guet pour s’assurer de l’appartenance à la Franc-maçonnerie d’un Frère inconnu de passage dans une loge. Depuis 1728, date probable de la première Grande Loge Française, le nombre de loges s’accrut rapidement. Si les Maçons français ont utilisé des mots de passe, il est improbable, toujours selon Jackson, que ce soit pour des raisons de sécurité qui étaient à cette époque souvent assez élémentaires.

    Il y aurait une forte probabilité pour que les mots de passe aient une origine irlandaise ou anglaise et non pas française car ces mots seraient apparus dans les rituels dès 1725 durant les changements causés par le développement du système en trois grades. Leur apparition officielle, imprimée en 1760 à Londres, n’exclut donc pas la possibilité d’une existence antérieure.

     

    Symbolisme du Mot de passe « T............. »

    Irène Mainguy développe quelques essais d’interprétation du mot « T.......... » en fonction de l’hermétisme d’une part, et l’alchimie d’autre part.

    Caïn, fils d’Adam et Ève, est aussi le nom de la matière en putréfaction parvenue au noir. Elle est reliée à la malédiction divine qu’encourut Caïn après le meurtre de son frère Abel, et aussi par la suite au désordre sur la terre que causèrent ses descendants, ce qui amena le déluge. En alchimie, le déluge est représenté par la dissolution de la matière et ses effets par la putréfaction.

    Ces opérations alchimiques nous rappellent l’épreuve subie par le Néophyte dans le Cabinet de Réflexion avant d’être présenté ni nu, ni vêtu à la Porte de la Loge, c’est-à-dire boitant, les yeux bandés. L’état de ni nu ni vêtu du postulant à l’Initiation rappelle l’état du boiteux sous lequel est le plus souvent présenté le forgeron. Cette préparation, qui n’a rien d’une brimade, est faite pour faire prendre conscience de l’état d’infirmité spirituelle, d’opposition interne et d’incomplétude dans lequel se trouve toute personne en quête de Lumière, venant frapper à la Porte de la Loge.

    Le candidat à l’Initiation, présenté dans l’état d’infirmité du forgeron, dépouillé de ses métaux les plus vils, part à la recherche des métaux les plus nobles, prenant pour maître Tubalcaïn, modèle de la conciliation des oppositions nécessaires et fécondes, lui traçant la voie à suivre.

    En hébreu, T.....-C...... signifie « possession du monde ». Le Maître en effet, possède le monde entier, représenté par la Loge, puisqu'il lui est permis de voyager de l’Orient à l’Occident, du Midi au Nord et sur toute la surface de la Terre.

    Issu de la « chair », de la matière corruptible, des ténèbres couvrant cette terre maudite (qui va disparaître prochainement avec le déluge et l’avènement d’une nouvelle humanité post-noachite), T........... devient celui qui va rechercher tous les moyens de s’approprier la puissance, puisqu'il doit se passer de la divinité, pour maîtriser la connaissance de l’univers de la matière sans se soucier des conséquences ni des aspects positifs ou négatifs que l’on nomme le Bien et le Mal.

     

    Je passerai sous silence les mots de passe des Compagnons et des Maîtres.

     

    Le Mot sacré de l’Apprenti

    L’Apprenti apprend qu’il existe un mot sacré qui ne peut jamais être prononcé mais seulement épelé. Il en découvre la première lettre sur la Colonne du Septentrion : c’est la Lettre J, qui débute le mot « J........ » qui se traduit généralement par « Qu’il établisse ! », c’est-à-dire « Que le Grand Architecte de l’Univers établisse ! ». Le Mot sacré de l’Apprenti se rapporte en effet au nom donné dans la Bible à l’une des deux colonnes qui étaient situées à l’entrée principale du Temple de Salomon.

    Le Vénérable Maître lui enseigne comment réagir lorsque ce mot sacré lui sera demandé. Il devra répondre qu’il ne sait ni lire ni écrire mais seulement épeler. Il demandera que son interlocuteur lui fournisse la première lettre et il lui répondra en lui donnant la suivante et ainsi de suite.

    On constate ainsi que l’Apprenti n’énonce que les voyelles A et I, tandis que le Maître qui l’interroge énonce les consonnes J, K et N.

    Ce qui est significatif, c’est l’enseignement qui consiste en la manière d’épeler lettre par lettre le nom de cette colonne. Si le Mot sacré ne se prononce pas, c’est qu’il fait allusion à ce qui est inexprimable et ne se prête à aucun exposé systématique ou doctrinal. Ainsi, l’Apprenti est mis sur le chemin, pour faire l’effort de penser et de le trouver en lui, selon la théorie platonicienne de la réminiscence où tout est en soi. On le retrouve dès qu’on se met à l’écoute.

    Les termes d’épeler, lire et écrire font appel à la science des lettres et à l’art de mémoire.  Cette parole est communiquée par bribes, lettre après lettre qui, ajoutées les unes aux autres et assemblées, à l’aide d’un guide, donnent la méthode initiale pour assembler ce qui est épars. C’est la première phase de l’apprentissage. La Genèse est liée à la manifestation du verbe créateur. Apprendre à lire et à écrire, sur un plan initiatique, consiste à retrouver la trace du Principe dans les phases éparses de la manifestation.

    Le mot sacré de l’Apprenti se rapporte au nom donné dans la Bible à l’une des deux colonnes qui étaient situées à l’entrée principale du Temple de Salomon. Ce qui est significatif, c’est l’enseignement qui consiste en la manière d’épeler lettre par lettre le nom de la première Colonne.

    L’instructeur met le Néophyte sur la voie en prononçant la lettre initiale, ce qui permet à l’Apprenti de donner la seconde lettre. La troisième lettre lui sera encore donnée pour qu’il puisse trouver la quatrième.

    Selon René Guénon, « le Maçon qui n’est pas parvenu au grade de Maître est encore incapable de rassembler ce qui est épars et c’est pourquoi il ne sait qu’épeler ».

    La manière de communiquer « le mot sacré » : « Donnez-moi la première lettre et je vous donnerai la seconde » nous enseigne que l’Initiation est faite de plusieurs étapes, l’une qui vient de l’apport de la Tradition, l’autre qui résulte du travail personnel de l’Apprenti. Le mot sacré qui se compose en assemblant les lettres l’une après l’autre représente le processus initiatique dans sa globalité. Celui-ci demande de faire l’effort d’en rassembler les éléments épars selon la méthode du puzzle.

    Le mot sacré épelé fait partie des symboles sonores.

    Quel que soit le rite, on constate que l’Apprenti ne sait qu’épeler et qu’en avouant « Je ne sais ni lire, ni écrire, je ne sais qu’épeler », il se laisse guider pour être mis sur la Voie par son instructeur. Épeler, c’est commencer à lire, balbutier, ce sont les premiers jalons intelligibles de l’acquisition du langage.

    Au grade d’Apprenti, le mot sacré peut avoir plusieurs sens : « il établira » ou « il érigera », du verbe hébreu « koun », il était debout. J......... s'épelle en hébreu par quatre lettres : iod, caph, iod, nun.

    Si Jakin signifie « il établira », le mot établir vient du latin stabilire (installer solidement, fixer, construire). On parle d’établir des lois, l’ordre, des pierres pour un édifice. Stabilis veut dire ferme, solide, durable et stabilitas est donné comme synonyme de fortia, les choses fortes, les actes de bravoure, d’où la force.

    Si le mot sacré J....... signifie « stabilité », « résistance », « fermeté », ce sont là les qualités essentielles de l’Apprenti-Maçon qui doit avoir une volonté efficiente pour entreprendre et persévérer dans sa quête.

     

    Je passerai sous silence le mot sacré des Compagnons et des Maîtres.

     

    Pour conclure, du moins provisoirement

    Lorsqu'il est dit qu’un Maçon se reconnaît à ses signes, paroles et attouchements, cela signifie qu’il sait mettre en pratique à l’extérieur de la Loge ce qu’il y a intégré physiquement par ses signes et attouchements et intellectuellement par certaines paroles précises.

    Ainsi, pour se reconnaître entre eux, tous les Francs-maçons disposent de mots, de signes et d’attouchements spécifiques à leur grade, à leur rite. Le tuilage de l’Apprenti en atteste :

    • A quoi reconnaîtrais-je que vous êtes Maçon ?
    • A mes mots, signes et attouchements.

    Mais cette question et sa réponse sont précédées d’une autre phrase qui me paraît tout aussi importante sinon davantage, une autre phrase que j’ai entendue pour la première fois le soir-même de mon Initiation :

    A la question de savoir « Etes-vous Maçon ? » il fut répondu :

    • Mes Frères me reconnaissent comme tel !

     

    R :. F :. A. B.

     

    [1] Encyclopédie du Compagnonnage, Histoire, symboles et légendes, Editions du Rocher, 2000, p. 596.

    [2] Reghini Arturo, Les Mots sacrés et de passe des trois premiers grades et le plus grand mystère maçonnique

    Editions Archè, Milan,  1985.

    [3] Si la signification de ce mot de passe au premier degré de la Maçonnerie ne semble pas avoir trop d’importance, c’est probablement parce que le sens de Tubalcaïn serait à découvrir au troisième degré.

    [4] L’Ordre des Mopses est né en Saxe, après que le Pape Clément XII ait fulminé l’excommunication de la Franc-maçonnerie en 1738.

    Si cette excommunication n’eut pas d’effet en France, le Parlement de Paris ayant refusé d’enregistrer la Bulle papale, des catholiques de certaines principautés allemandes choisirent de créer cet Ordre mixte et paramaçonnique tirant son nom du mot allemand Mops qui signifie « carlin ». Ce petit chien symbole de fidélité était aussi l’animal favori du Prince-Electeur de Saxe, Frédéric-Auguste.

    [5] Jackson, « Masocnic paswords their development and use in the early 18th century »

    in Ars Quatuor Coronatorum, Vol. 87, 1974.

    Bibliographie générale

    Guigue Christian - La formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 2003 - Pages 70 à 72 ; 500 à 501 ; 694 à 695

     

    Mainguy Irène - La Symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2001 - Pages 66 ; 83 ; 86 ; 168 ; 195 à 201 ; 322 ; 324 à 326

    Bibliographie spécifique aux mots et à l’attouchement de l’Apprenti

    Béresniak Daniel - Rites et symboles de la Franc-maçonnerie

    Tome 1 « Les Loges bleues » - Editions Detrad, Paris, 1995 - Page 83

     

    Guigue Christian - Les planches de l’Apprenti

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 1996 - Pages 169  à 175

     

    Mainguy Irène - La Symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy,  Paris, 2001 - Pages 71 à 74 ; 75 à 77 ; 165 à 168

     


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  •  Le symbolisme et l’origine des symboles maçonniques 

    Introduction

    La Franc-maçonnerie n’a pas inventé le symbolisme ! Elle a hérité du symbolisme des traditions anciennes, parfois disparues. Les représentations symboliques sont moins étroitement limitées que le langage ordinaire. C’est pourquoi elles sont plus adaptées pour être le véhicule de vérités transcendantes. Le symbolisme ouvre des possibilités de conceptions illimitées. Il est le langage initiatique par excellence. Il relie le présent au passé et au futur.

    Le symbolisme apparaît comme un langage universel, un ensemble de signes, de codes que chacun perçoit en fonction de son entendement, de sa faculté de raisonnement analogique et de l’état d’éveil intérieur de sa conscience.

    Tenter de définir un symbole, c’est le limiter et lui donner une signification réductrice.

    Le symbole n’impose rien. Il est une fenêtre ouverte sur l’univers, support privilégié qui mène à une action subordonnée à la méditation. Par ses multiples facettes, le symbole suggère. Il est association d’images. Chacun y voit ce que sa capacité visuelle lui permet de percevoir.

    Bien que les premières véritables loges de Francs-maçons, distinctes des corporations, soient apparues au 17ème siècle en Écosse, la Franc-maçonnerie a toujours ajouté à cette origine historique une origine légendaire et symbolique plus ancienne, support du travail initiatique de ses membres.

    Les origines de la Franc-maçonnerie

    Les premiers Francs-maçons positionnaient symboliquement cette origine mythique aux origines de l'art de bâtir. Dans un siècle où les travaux de la paléontologie n'existaient pas encore, il fut tout naturel pour eux de placer cette origine à l'époque d'Adam, le premier homme, selon la conception de l'époque, à celle de Noé avec la construction de l'arche ou, beaucoup plus fréquemment, à celle de la construction du Temple de Salomon.

    * Le symbolisme  et l’origine des symboles maçonniques

    Vers 1390 déjà, le « Manuscrit Regius », qui décrivait les usages des maçons anglais, plaçait emblématiquement leur corporation sous l'égide d'Euclide et de Pythagore, pères de la géométrie, et sous la protection du roi Athelstan d'Angleterre.

    En 1736, en France, le chevalier de Ramsay défendit l’idée de rattacher la Franc-maçonnerie aux Croisés. Un peu plus tard, d’autres, en Allemagne, en Angleterre et en France ont pensé qu’il fallait la rattacher à l'Ordre du Temple !

    A la suite de la redécouverte de l'Égypte antique par les occidentaux, c'est tout naturellement que certains rituels maçonniques ont déplacé l'origine symbolique de la Franc-maçonnerie à l'époque de la construction des pyramides.

    Au milieu du 19ème siècle romantique enfin, à l'occasion de la redécouverte de l'héritage du Moyen Âge, le mythe maçonnique a tout aussi naturellement renforcé ses références à la construction des cathédrales.

    Derrière toutes ces apparentes modifications symboliques se détache clairement une constante : la Franc-maçonnerie s'est toujours placée sous le patronage symbolique de tous ceux qui firent progresser, tout au long de l'histoire, l'art de bâtir et les valeurs dont elle se réclame.

    La Franc-maçonnerie « symbolique » ou « bleue », celle des trois premiers degrés de l'Initiation, emprunte beaucoup de ses symboles à l'art de bâtir pratiqué par les constructeurs des cathédrales au Moyen Âge qu'elle considère comme ses prédécesseurs et dont elle a hérité la notion même de loge, l'endroit où se réunissaient les ouvriers. À ce titre, la Franc-maçonnerie ou Art royal a des points communs avec le compagnonnage et partage avec lui des symboles et valeurs. Mais tous les symboles maçonniques n’ont pas cette origine.

    Sept origines

    Ceci m’amène à évoquer les origines des symboles qu'utilisent les Francs-maçons. La Franc-maçonnerie nous propose de nombreux symboles qui doivent nous permettre de nous comprendre au-delà des barrières sociales.

    Sans encore entrer dans les détails, disons que les différents symboles maçonniques ont en fait des sources diverses. Il y a les symboles explicitement cosmiques et donc universel ; il y a des symboles d'origine pythagoricienne ou platonicienne ; il y a encore des symboles de source biblique. Il existe aussi des symboles d'origine compagnonnique, des symboles de source chevaleresque et des symboles de nature alchimique. Certains sont hérités de la kabbale ou de l’hermétisme mais la plupart proviennent des outils des tailleurs de pierre. Puis il reste des symboles d'origine proprement maçonnique. Les couleurs ont leur symbolisme également mais leur source reste souvent indéterminée. Enfin, plusieurs nombres et formes ont aussi leur place dans la Franc-maçonnerie et chacun a son symbolisme propre.

    La voie symbolique

    Le langage symbolique fonctionne selon la structure des « langues sacrées ». La symbolique est une langue ; elle est une science ; elle est un art.

    En tant que langue, elle a un caractère universel.

    En tant que science, la symbolique a ses lois.

    En tant qu’art, la symbolique exprime la vie de l’imagination créatrice.

    La symbolique maçonnique fait appel aux systèmes symboliques suivants : la cosmologie, l’architecture, la géométrie, les outils et instruments, les couleurs, les nombres, les mots sacrés et mots de passe, le schéma corporel.

    Les choix de ces systèmes contribuent à la réalisation d’un tout. L’architecture, la géométrie, les couleurs et les outils forment un ensemble qui concerne le « Temple », en tant que modèle – réplique du cosmos. Dans cet ensemble, l’architecture, la géométrie et le choix des couleurs se réfèrent à la conception, tandis que les outils se réfèrent à la réalisation.

    C’est par les nombres et les mots que se transmet la « connaissance », ce terme étant pris dans le sens de la « gnose ».

    Quant à l’enseignement, il est transmis de façon vécue par l’ensemble des images regroupées sous le signe du schéma corporel, à savoir : la mise à l’ordre, le signe, la marche, la batterie, le voyage, l’attouchement de reconnaissance.

    Mais tentons tout d’abord de bien comprendre ce qu’est un symbole.

    L’origine du mot « symbole »

    Beaucoup de cherchants se sont posé la question « Qu’est-ce qu’un symbole ? » et ont rédigé de multiples ouvrages sur ce sujet. Plus nombreux encore sont ceux et celles qui ne se la sont jamais posée et qui utilisent pourtant régulièrement ce terme. Cela explique sans doute pourquoi ce mot ne recouvre pas la même signification en toutes circonstances, pourquoi il est si difficile à comprendre et par conséquent de se faire comprendre lorsque l'on parle des symboles. En effet, le concept de symbole est tellement riche et vaste dans sa signification, qu'il se prête à tous les usages mais aussi à toutes les confusions !

    Le mot symbole est issu du grec ancien sumbolon, qui dérive du verbe sumbalein (symballein) signifiant « mettre ensemble », « joindre », « comparer », « échanger », « se rencontrer », « expliquer ».

    En Grèce, un symbole était au sens propre et originel un tesson de poterie cassé en deux morceaux et partagé entre deux contractants. Pour liquider le contrat, il fallait faire la preuve de sa qualité de contractant (ou d'ayant droit) en rapprochant les deux morceaux qui devaient s'emboîter parfaitement. Le sumbolon était donc constitué des deux morceaux d'un objet brisé, de sorte que leur réunion, par un assemblage parfait, constituait une preuve de leur origine commune et donc un signe de reconnaissance très sûr.

    Dans le pythagorisme, le mot « symbole » désigne une parole, un enseignement secret, avec sa double face : une expression énigmatique et un sens profond. Le terme « symbole » est attesté en français depuis 1380.

    Au figuré, le symbole devient l'ensemble qui lie deux représentations de la même signification. Par dérivation, le symbole se réduit à l'élément imagé ou audible qui est relié à un sens caché qu'il signifie.

    Par la suite, des formes d'abstraction, comme le langage ou la gestuelle, ont pu remplacer les objets dans leur fonction de représenter un engagement, une promesse, une alliance, un contrat, un pacte scellé entre deux partenaires. Par exemple, une poignée de main sera le symbole d'un accord.

    Dans ce sens, un symbole est donc un objet sensible qu'on « pose côte à côte avec » une réalité abstraite ou surnaturelle qu'il est destiné à représenter. Le symbole est le terme visible d'une comparaison dont l'autre terme est invisible.

    Un symbole se perçoit par la sensation et non par la raison. Le symbole, par nature, est ressenti et non compris. En ce sens, on pourrait voir le symbole comme un émetteur d'énergie.

    Il est inutile d'analyser un symbole pour le comprendre. Il est par contre nécessaire d'en percevoir la nature pour le connaître intuitivement. L'intuition, en cette matière, est la seule voie possible. L'intelligence rationnelle, trop souvent déformée par l'enseignement intellectuel reçu, mène à l'incompréhension par l'application de réflexes acquis impropres. Et l'on confond ainsi « l'intelligence cérébrale » et « l'intelligence du cœur ».

    La seule manière de connaître le sens d'un symbole, sa signification profonde, c'est de renaître avec lui (« co – naître »), et l'unique voie pour y parvenir est celle de l'intuition, de « l'intelligence du cœur ».

    L'intelligence du cœur, c'est l'émotion, c'est la larme versée sans raison apparente, sans raison consciente.

    Toute autre voie est stérile, car elle sclérose les sensations qui mènent aux symboles.

    Symboles et méthode symbolique

    L’esprit humain recourt à de nombreux symboles, c’est-à-dire des images ou des objets qui renvoient à une réalité différente, souvent abstraite.

    La méthode symbolique confère à l'Homme une meilleure connaissance de lui-même. Cette connaissance de soi doit permettre de faire des choix délibérés dans la vie et de travailler ainsi à son propre perfectionnement.

    De nombreux symboles sont communs à la Franc-maçonnerie et aux religions. Cependant la Loge les utilise dans le cadre d’un rituel visant une recherche personnelle au plus profond de notre être. La Franc-maçonnerie est donc avant tout une méthode de travail.

    La Franc-maçonnerie recourt à de nombreux symboles qui remontent à la plus haute antiquité et qui se retrouvent dans plusieurs cultures, comme les quatre éléments, les étoiles et les planètes et les figures géométriques

    Elle reprend en particulier la symbolique de la construction. Le Compas et l'Équerre, sont universellement connus !

    L’utilisation de la symbolique de la lumière est également une caractéristique importante de la Franc-maçonnerie.

    Examinons à présent en détails différentes origines possibles de nos symboles maçonniques.

    Les symboles cosmiques ou universels

    Un modèle symbolique est universel lorsqu'il appartient à un lointain passé ou à des civilisations éloignées dans l’espace.

    Ce sont par exemples les étoiles, le soleil ou la lune peut-être parce que les Francs-maçons travaillent de « Midi à minuit ».

    Les images de la Lune et du Soleil sont empruntés à la cosmologie.

    Le Soleil et la Lune

    Le Soleil et la Lune, les deux astres les plus visibles, sont souvent associés en un modèle symbolique binaire au sein duquel les deux éléments constitutifs sont liés par le principe de complémentarité.

    Le Soleil est l’astre du jour, source de vie et de lumière ; la Lune celui de la nuit. L’un est actif, l’autre passif. Ils sont deux expressions différentes de la lumière qui règne sur le monde en permanence. L’un brille dans la clarté du jour, l’autre dans l’obscurité de la nuit, mais toujours avec un rayonnement suffisant pour éclairer les hommes en quête d’évolution sur le chemin de leur devenir.

    Le symbolisme du Soleil et de la Lune est à explorer parce qu’il raconte toutes les attentes et toutes les craintes de l’homme. La perception du temps et de l’espace, la chaleur et la lumière, la fécondité, le rythme des saisons, l’idéal du moi, les dieux, les rites, les mythes fondateurs des religions sont impliqués et éclairés par ce qui est dit et rêvé de ces deux astres. Ils sont les premiers repères de celui qui regarde le ciel. Le travail sur ces symboles est formateur pour les Maçons dont la vocation est de connaitre l’homme et de  l’améliorer.

    La Voûte étoilée

    En plus des images de la Lune et du Soleil, le Tableau de Loge présente une constellation d’étoiles avec quelques courbes esquissant des nuages. La Voûte étoilée n’a de valeur symbolique qu’en tant qu’élément « complémentaire » de l’élément Terre ou de l’élément Temple qui s’y substitue. L’ensemble des deux éléments forme un modèle symbolique binaire, corrélatif au modèle Équerre – Compas.

    La Voûte étoilée, c’est en réalité le ciel, la voûte céleste parsemée d’étoiles. Elle est le symbole du caractère cosmique et universel du Temple et de la Franc-maçonnerie elle-même. C’est pourquoi le plafond du Temple, traditionnellement constellé d’étoiles sur un fond bleu, est appelé « Voûte étoilée ». La contemplation d’un ciel étoilé nous apporte une grande quiétude et une remarquable sérénité d’esprit. Elle nous incite à la méditation davantage qu’à la rêverie. La Voûte constellée des Temples maçonniques est le symbole de son universalité et, simultanément, celui de sa véritable transcendance.

    L'Univers, d'après les astrophysiciens, serait infini dans le Temps et dans l'Espace. L'Homme est un être fini – en apparence – qui ne peut donc – avec sa raison – concevoir l'infini. Il ne peut donc pas plus concevoir les réponses aux questions que crée pour lui son angoisse devant cet infini.

    Seul l'Univers possède ces réponses ; et elles sont offertes à l'Homme au sein des symboles. C'est pourquoi le symbole cosmique ne peut être inventé, fabriqué par l'homme. Il ne peut qu'être constaté et, le cas échéant, reproduit, recopié.

    Pour comprendre la nature du symbole et le sens du symbolisme, il faut donc accepter ce postulat que l'Univers comporte les réponses à toutes les questions, y compris les plus fondamentales, et qu'elles sont contenues dans les symboles.
    Si l'Homme veut trouver ces réponses, il faut et il suffit qu'il soit capable de déchiffrer le sens des symboles. Pour cela il faut donc d'abord comprendre ce qu'est un symbole, afin de ne pas se tromper d'objet.

    Parce qu'il est un objet naturel, un symbole est universel, autant dans la dimension spatiale que dans la dimension temporelle.

    Et sa signification profonde, cachée, sera fonction de la nature-même de cet objet, de cette plante, de cet animal. En ce sens, le symbole est une porte ouverte sur la compréhension du monde, puisque chaque symbole puise dans la nature son sens caché, donc révélateur.

    Les symboles n'imposent pas, ils proposent ; ils n'enseignent pas, ils éveillent. S'appuyer sur les symboles pour avancer c'est d'abord affirmer et préserver sa propre liberté et celle d'autrui. Mais c'est aussi cheminer à son propre rythme, sans contrainte, sans échéance imposée. Le symbolisme ignore le dogme et la vérité révélée.

    Les symboles contiennent la Vérité, l'Homme y cherche (et parfois y trouve) sa parcelle de vérité, personnelle et incommunicable. La trouver, c'est vivre l'harmonie en soi.

    C'est dire combien l'approche des symboles est une démarche totalement subjective, excluant absolument objectivité et rationalisme. C'est dire que la seule étude de l'utilisation des symboles à travers les civilisations ne peut aucunement mener à leur intégration comme outil de progression individuelle.

    Par contre, les symboles universels et cosmiques doivent permettre à l'Homme qui les appréhende et fait vivre leur interprétation de contribuer à rétablir ou renforcer l'harmonie cosmique universelle.

    Les symboles d'origine pythagoricienne ou platonicienne

    Parmi les symboles maçonniques, les quatre Eléments, la pierre cubique… sont d’origine pythagoricienne ou platonique.

    Je passe ici sous silence les symboles spécifiques du 2ème degré, celui du grade de Compagnon.

    Les quatre éléments

    Dans le cadre de la philosophie naturelle, la théorie des quatre Éléments est une façon traditionnelle de décrire et d'analyser le monde. Dans l’Initiation maçonnique, les quatre Eléments signifient une purification par le feu, l’eau l’air et la terre. Il est incontestable que l’origine de ces quatre éléments et de leur compréhension faisait partie intégrante des initiations antiques. Cependant, l’astrologie les utilise sans en discerner le sens cosmique et les interprète avec plus ou moins de bonheur.

    Chaque élément a une fonction ambivalente, comme tout symbole, selon la manière dont on l’aborde, que ce soit sous l’aspect bénéfique ou maléfique. Le jour de sa Réception, le Récipiendaire est amené à prendre conscience de l’interaction des éléments car, pendant les trois voyages dans la Loge où il subit les purifications par l’air, l’eau et le feu, les yeux bandés, le Postulant a les sens en éveil, plus particulièrement l’ouïe et le toucher. L’air et l’eau représentent des états différents de la matière, tout comme la terre, alors que le feu correspond à l’énergie qui elle-même se transforme en matière et inversement. La terre est l’image du concret, contrairement aux trois autres éléments. Le Récipiendaire sort donc du concret pour être confronté à des manifestations d’énergie plus abstraites, car nul ne peut bâtir sur l’air, l’eau ou le feu. On ne peut bâtir que sur la terre qui est le réceptacle de toutes les formes. Si la terre, qui représente une forme arrêtée de l’espace, peut être qualifiée de statique, les trois autres éléments, par lesquels le Récipiendaire est éprouvé et purifié, sont dynamiques.

    Le Récipiendaire sort du monde terrestre du Cabinet de réflexion pour faire ses premiers pas dans le monde aérien qui va correspondre à celui des idées, du monde intermédiaire. L’initiable, à ce stade, est confronté au domaine du mental. Confronté aux idées contradictoires, il doit se servir de sa faculté de discernement pour trouver son chemin, sans se perdre dans les aspects contradictoires de la dualité.

    L’idée que l’homme se fait de l’Univers est rigoureusement relative à lui-même. Aussi, avant d’oser parler de conquérir « LA » vérité, chacun de nous devrait d’abord s’appliquer à établir « sa » vérité !

    La Pierre cubique

    Placée à l’Orient, la Pierre cubique est considérée comme le symbole de la fonction « Connaissance » que maîtrise le Vénérable Maître. Par son aspect fini, elle est assimilée à la parfaite maîtrise intellectuelle et à la plus haute élévation morale.

    Symbole de l’œuvre achevée et parfaite, la Pierre cubique formule tous les aspects de la science traditionnelle. Celui qui part à sa recherche doit comprendre que cette science n’est pas le fruit d’un progrès, mais l’expression de la connaissance des lois d’harmonie, totalement définie dès la création du monde. Ainsi, comme le veut la Tradition, l’Initié [1], tel le sculpteur qui doit percevoir l’œuvre dans le bloc de pierre avant de le tailler, doit partir à la découverte de ces lois, et n’est donc en aucune sorte un créateur mais plus précisément un découvreur.

    A l'aide de l'équerre et de la règle, la forme obtenue, avec ses lignes de taille et ses angles, est désormais susceptible de participer à la construction de l'édifice. Outre son aspect fonctionnel en tant que matériau de construction, la forme cubique revêt également un caractère éminemment symbolique. Ses surfaces égales, ses angles identiques, ses lignes similaires concourent à la création du cube, qui, par excellence, est une forme parfaite en termes de symétrie, d'harmonie et d'équilibre.

    Le cube serait le solide le plus parfait, du moins pour le grade d'Apprenti. S'il possède six faces, huit sommets et douze arêtes, il convient de remarquer qu'il est impossible de voir plus de trois faces à la fois et que le cube a trois axes de symétrie.

    La Pierre cubique serait la représentation de la perfection intellectuelle et spirituelle que l'Apprenti devra s'efforcer de réaliser en lui dès que possible, mais surtout une fois parvenu au grade de Compagnon. Elle pourrait donc être un guide, une borne, en tout cas un point de ralliement.

    Les images de la Pierre cubique ou cubique à pointe sont empruntées au métier du tailleur de pierre.

    Les symboles bibliques

    Il existe aussi des symboles de source biblique comme le Volume de la Loi Sacrée, la Pierre brute, les Colonnes Jakin et Boaz, le Pavé mosaïque.

    La Bible est pleine de symboles, comme cela est souvent le cas pour les textes sacrés. Ils servent à tenter d'exprimer l'indicible (le sentiment de Dieu, la foi, les pressentiments...).

    Le livre de l'Apocalypse est un bon exemple de livre biblique riche en symboles (le dragon, l'agneau, la bête, les quatre chevaliers, etc.). La lecture en est même difficile pour les non-spécialistes.

    Les nombres dans la Bible ont également une portée symbolique. Par exemple, 4 = le monde, 7 = perfection, 40 = le temps d'une génération, etc.

    Ainsi, pour comprendre un symbole biblique, il est parfois nécessaire de lire les autres récits bibliques où ce symbole apparaît, afin d'y trouver un sens commun et de mieux le comprendre.

    L’inspiration biblique est rappelée par les deux Colonnes qui ornent l’entrée des Loges mais les images des deux Colonnes sont empruntées à l’architecture.

    Le Volume de la Loi sacrée

    * Le symbolisme  et l’origine des symboles maçonniques

    Sur l’autel des serments est posé le Volume de la Loi Sacrée sous forme de livre ouvert. Il représente le livre du Verbe créateur, manifesté sous l’aspect de la révélation. La Tradition révélée par le Volume de la Loi Sacrée dans son sens ésotérique est source de connaissance et de méditation. L'Eternel créa le monde par le Verbe qui s’incarne dans la langue sacrée et dans la parole rituelle qui contient l’essence primordiale. Un livre fermé garde son secret. Un livre ouvert instruit celui qui le lit, dévoile ce qui est caché.

    Ce livre contient un double message. Le premier comporte un enseignement extérieur, représenté par les dogmes et une loi morale à caractère exotérique. Le second message développe une cosmogonie [2] et contient un message symbolique à décrypter et qui est à caractère ésotérique. Le second n’exclut pas le premier mais, au contraire, l’éclaire en ouvrant sur le champ indéfini des possibles et permet de dépasser les limites étroites de la dualité.

    Certains considèrent que le Volume de la Loi Sacrée contient le message d’une Tradition intemporelle, celle-ci étant l’expression de la relation entre la Vérité et la Sagesse, mais à moindre niveau elle contient une loi morale sur laquelle devrait s’appuyer tout Franc-maçon.

    La Pierre brute

    Physiquement, la Pierre brute c'est la pierre frustre extraite d'une carrière. C'est le matériau premier de la Maçonnerie qu'il faudra tailler, façonner, appareiller de sorte qu'elle puisse s'incorporer à la Maçonnerie, à l'édifice, au Temple.

    Travailler la Pierre brute, c'est donner des contours précis à la dimension éthique, morale et spirituelle de l'homme ; c'est faire émerger de la matière vulgaire originelle ce qu'il y a de meilleur et de plus fort en elle, par un travail constant qui gomme les imperfections.

    Cette transformation, qui va s'opérer au fil du temps, n'est pas sans rappeler le processus fusionnel de l'alchimie. Finalement, c'est bien de réactions et de modifications en chaîne dont il s'agit, à mesure que le Franc-maçon, aidé de ses instruments de bâtisseur (ciseau, maillet, équerre, niveau, fil à plomb, règle...) peaufine son matériau de base – lui-même – en vue de lui donner une forme parfaite.

    La Pierre brute, c'est le symbole de l'Apprenti, avec toutes les imperfections de son esprit et de son cœur, qu'il doit s'appliquer à corriger. Par l'Initiation maçonnique qui est une renaissance, il se débarrasse progressivement de tout ce que la société a pu lui apporter d'artificiel et de mauvais. Il retrouve sa liberté de penser. Avec les deux outils que la Loge lui procure – le Ciseau et le Maillet – il se met à tailler lui-même sa pierre et espère parvenir à la rendre parfaite à son gré.

    La Pierre brute que travaille l’Apprenti n’est pas seulement une image de lui-même, elle est aussi un élément qui porte le secret de la construction, et cette construction est d’origine céleste. Cette pierre brute, si modeste en apparence, ne contient-elle pas toute l’harmonie du Temple ?

    L'interprétation selon laquelle l'Apprenti doit « dégrossir la Pierre brute » et tendre à se transformer en « Pierre taillée » relève de l'allégorie qui exprime un progrès dans le temps, par l'éducation, vers un état de perfection.

    Les Colonnes Jakin et Boaz

    Les deux Colonnes – J et B – marquent symboliquement la transition entre le monde profane et l’univers des initiés, induisant la transformation de celui qui franchit cette limite, ce qui est le propre de la démarche initiatique.

    Selon la Bible, les colonnes d’airain du Temple de Salomon marquaient le point où se rencontraient, où fusionnaient, l’homme et le divin, le profane et le sacré, donnant à tout cherchant sincère la matière et les valeurs propres à sa quête spirituelle. Pour Jean Ferré, les Colonnes, en tant que symboles dans la Loge, matérialiseraient le point où s’interpénètrent l’homme et le divin, le profane et le sacré.

    Raoul Berteaux nous propose simplement de retenir que les deux Colonnes identiques qui se trouvent à l’entrée de la Loge forment un modèle binaire de type gémellaire. L’une des Colonnes porte la Lettre J et l’autre la Lettre B. Si l’on fait appel au symbolisme des couleurs, la Colonne J devrait être rouge tandis que la Colonne B devrait être blanche ou noire. Mais si l’on s’en tient au texte biblique, comme le propose Jules Boucher, les deux Colonnes étaient en airain et toutes deux de la couleur naturelle de ce métal. Pour les différencier certains ont voulu y ajouter des couleurs mais cette adjonction est arbitraire et discutable.

    Le Pavé mosaïque

    Alex Horne considère que la définition du Pavé mosaïque comme élément architectural du Temple est mythique, et qu’il n’existe aucune preuve archéologique ou biblique susceptible de confirmer le bien fondé de cette définition. Par ailleurs, sur un plan architectural, le Pavé mosaïque serait d’origine gréco-romaine et non hébraïque.

    Ces carreaux noirs et blancs disposés en damier correspondent aux deux luminaires : celui du jour et du réel, celui de la nuit avec ses illusions et ses rêves. Il symbolise la juxtaposition des contraires.

    Selon Christian Guigue, pour tenter de percer la signification du Pavé mosaïque, il faut remonter à l'origine de l'adjectif mosaïque se rapportant à Moïse car c'est dans l'univers du Décalogue et la loi mosaïque qu'il faut rechercher les enseignements, les oppositions, les ruptures, les dépendances ou les potentialités salvatrices.

    Pour faciliter la perception de cet emblème complexe, il convient d'interpréter le symbole en procédant à l'analyse des éléments qui ressortent du Pavé mosaïque : le blanc et le noir, le rapport numérique du pavement, l'échelle et les diversités d'états d'être, le passage axial ou accès au centre de l'univers qui correspond à une projection dans un futur donné du retour de l’Élu à son origine divine.

    Comme les deux Colonnes, le Pavé mosaïque fait appel à un symbolisme apparemment binaire. Mais en réalité, ce symbolisme est ternaire.

    Le véritable Initié, digne de ce nom, cherchant toujours l'au-delà des apparences ainsi que la maîtrise de son moi se rend compte que le blanc n'est que l'aspect complémentaire du noir et qu'il n'y a ni carreaux blancs ni carreaux noirs sur le Pavé mosaïque à partir du moment où il dirige son mental vers les lignes virtuelles que forment les carreaux côte à côte. Médianes, ces lignes sont donc hors de la dualité blanc-noir et leur ensemble compose l'élément ternaire du symbole.

    Ainsi, le Pavé mosaïque pourrait désigner aux Maçons la droiture de la voie médiane d'une Initiation bien conduite, voie grâce à laquelle se résolvent peu à peu les contradictions de la vie profane.

    * Le symbolisme  et l’origine des symboles maçonniques

    Les symboles de source chevaleresque

    Au moins deux symboles maçonniques trouvent leur source dans la chevalerie. Ce sont l'épée et l'accolade fraternelle.

    L’épée

    Le port de l’épée est attesté dans la Maçonnerie française au 18ème siècle où beaucoup de postulants étaient gentilshommes et donc détenteurs d’une épée. Désormais accessible aux Maçons qui n’étaient pas nobles, l’épée s’est imposée comme le symbole de la fraternité, d’une certaine idée de l’égalité que prônaient les idéaux maçonniques.

    Son usage intervient à différents moments du rituel, principalement aux moments les plus solennels : Ouverture et Clôture des Travaux, prestations des Obligations par le Récipiendaire. Les circonstances dans lesquelles sa présence se remarque le plus sont sans conteste lorsque les Maçons forment la voûte d’acier lors de la Réception d’un Dignitaire dans la Loge et lors de la cérémonie d’Initiation d’un Profane.

    L’épée est l’attribut principal des fonctions d’Expert et de Couvreur. Celle du Vénérable Maître, c’est l'Épée flamboyante dont il se sert lors de toute Réception à un grade.

    * Le symbolisme  et l’origine des symboles maçonniques

    Dans une étude sur le symbolisme de l’épée, Coomaraswamy [3] montre que l’épée dérive d’une racine ou d’un archétype qui est l’éclair.

    Le symbolisme de l'Épée est riche et complexe. Elle permet de rendre la justice. Elle est symbole de protection, de vigilance, de courage et d’autorité. Par le pouvoir qu’elle donne, l'Épée symbolise la force, la puissance, la capacité d’agir et de maîtriser les éléments.

    L’accolade fraternelle

    L’accolade est sans doute un des premiers signes qu’apprend l’Apprenti Franc-maçon. A ce titre, elle est chargée d’une symbolique très forte. Elle se pratique sous la forme d’une triple accolade. Elle se donne en trois temps (gauche, droite, gauche) entre Frères qui sont heureux de se retrouver.

    C’est le baiser de paix et de fraternité, la marque d’un attachement fraternel entre deux Frères. Elle peut varier selon les Rites, mais le plus souvent, elle s’accompagne de trois coups de la paume droite sur l’épaule gauche du Frère que l’on gratifie de l’accolade.

    L’accolade pourrait avoir pour origine le « baiser de paix » utilisé dans la liturgie ou le baiser de l'ancienne chevalerie. Une des principales cérémonies observées dans la réception d'un chevalier consistait ordinairement à donner trois coups du plat de l'épée sur l'épaule ou sur le cou de celui qu'on armait chevalier, après quoi on l'embrassait.

    Les symboles de nature alchimique ou hérités de l’hermétisme

    La Franc-maçonnerie vise à former des Initiés, c'est-à-dire des hommes dans la plus belle acception du mot. Le Maçon doit donc opérer sur lui-même une transmutation semblable à celle des alchimistes. 

    Actuellement, les derniers alchimistes spirituels se nomment Francs-maçons. De nos jours, dans leurs temples déistes ou humanistes, ils ne fabriquent pas de pierre philosophale. Cependant, il faut noter que, dans les Loges, il est fait usage du soufre, du sel et du mercure.

    Cela se passe dans le Cabinet de réflexion, petit réduit sombre dans lequel le Profane, futur Franc-maçon, va passer la première épreuve symbolique de son initiation. Au mur on trouve inscrit la maxime alchimique bien connue « V.I.T.R.I.O.L. » (Visita Interioram Terrae Rectificandoque Invenies Occultum Lapidem) qui signifie « Visite l’intérieur de la terre et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée (des sages) ».

    Cette devise s’appliquait pour les alchimistes opératifs à la recherche de la matière première. Dans son sens symbolique, elle s’est appliquée aux adeptes spirituels, puis à tous ceux qui se servirent du symbolisme alchimique, comme base de leur propre philosophie.

    Dans nos lieux d’initiation nous rencontrons aussi des symboles d’origine alchimique :

     - Sur la petite table où le Néophyte écrit son testament philosophique, se trouvent trois flacons contenant les trois éléments de base de toute transmutation, soufre, sel et mercure.

    - Le coq, symbole de la lumière renaissante après la nuit. Son chant accompagne le lever du jour. Il représente aussi le mercure alchimique.

    Le message maçonnique de cette épreuve peut se comprendre ainsi : le futur Initié n’est qu’une matière première appelée « Pierre brute » par les Maçons, qui va se dégrossir à travers les épreuves. Ces dernières se nomment en alchimie : putréfaction, coagulation et dissolution. Respectivement, elles correspondent en symbolique maçonnique à mort, résurrection et initiation.

    Des points communs existent entre ces deux arts que sont l’alchimie et la Franc-maçonnerie. Tous les deux ont quitté une essence manuelle (le compagnonnage pour les Francs-maçons) et pratique pour aboutir à un art tant intellectuel que spirituel.

    Leurs symboles se ressemblent beaucoup, et à plus d’un titre le jeune initié Maçon pourrait se trouver des points communs avec les adeptes de la philosophie alchimique.

    Le Franc-maçon est l’alchimiste moderne d’une matière première qui s’appelle l’Homme.

    Énumérons-en les ressemblances :

    • Comme l’adepte, le Franc-maçon veut transformer symboliquement une pierre brute (materia prima) en une pierre taillée (pierre philosophale, parfaite).

    • La matière première, tout comme le Profane, doivent subir les épreuves des quatre éléments : eau, terre, air et feu.

    • La mort ou la putréfaction sont nécessaires pour obtenir une résurrection (initiation, phénix) ainsi qu’une nouvelle vie.

    • Avant l’Initiation maçonnique, le Profane doit se dépouiller de ses métaux (impurs) comme la matière première devait être plusieurs fois purifiée de sa gangue infâme.

    • Le cinquième élément alchimique, la quintessence, se trouve dans l’Initiation, rendue possible par les quatre éléments, mais on peut également affirmer qu’elle se trouve dans l’égrégore maçonnique.

    Elle peut se définir ainsi : consensus magique qui veut que la somme collective des pensées exprimées soit supérieure à la somme individuelle des pensées des membres du groupe.

    Cette idée se retrouve dans la Bible lorsqu'il est écrit : « Quand vous serez deux à penser en mon nom je serai parmi vous ». L’égrégore est donc une forme de quintessence spirituelle.

    • Autant les philosophes alchimistes veulent accéder à une totale harmonie avec le monde naturel, autant les Francs-maçons désirent parvenir par une Initiation toujours renouvelée à une parfaite harmonie de l’humanité.

    Les Francs-Maçons se veulent les alchimistes modernes de la société. Bien avant notre époque, ceux qui s’appelaient Rose-Croix poursuivaient le même but.

    Ainsi, trois symboles maçonniques, qui ont leur place et leur importance dans le Cabinet de Réflexion, sont de nature alchimique ou hérités de l’hermétisme : des représentations de sel, de soufre et de mercure.

    Selon Ambelain, auteur de la Symbolique des outils dans l’Art Royal, ce sont les Rose-Croix qui auraient pénétré sciemment les Loges maçonniques aux 17ème et 18ème siècles et qui y auraient introduit l’hermétisme et l’alchimie.

    Pour Daniel Béresniak, « Le Grand Œuvre alchimique et la Construction du Temple sont en réalité des allégories en miroir. Ils se projettent l’un dans l’autre. Ils signifient l’art de faire de l’homme aliéné, esclave de ses passions, un homme libre de ses actes, capable de distinguer l’action de la réaction. La finalité de l’alchimie est donc de sauver l’homme de sa servitude ».

    Le sel

    Depuis fort longtemps, le sel est, avec le soufre et le mercure, au nombre des éléments de base de l’alchimie, science de la transmutation. Sur ce plan, il lui est généralement attribué un caractère « neutre », stabilisateur et rééquilibrant.

    D’un point de vue symbolique, le sel se devait d’être présent dans le rituel initiatique des Francs-maçons, qui est lui-même inscrit dans une dynamique de transformation de l’être. C’est pourquoi on le trouve dans le Cabinet de Réflexion, lors de la toute première Initiation qui fait passer un homme du monde profane au monde sacré des Initiés.

    Le sel constitue l’un des premiers éléments offerts à la vision du futur initié au cœur du Cabinet de Réflexion où il écrit son testament symbolique. C’est la pierre initiale pavant la voie initiatique, première perception du Souffle qui l’accompagnera dans le silence qui lui est offert et qu’il apprendra, s’il en a la capacité et s’il l’accepte, à entendre d’abord puis à écouter.

    Le sel symbolique qui repose au cœur de la Terre, premier véritable voyage de l’initiation, se présente sous la forme cristalline de notre sel de cuisine. Mais, cette image, comme tous nos symboles, est une représentation d’éléments aux significations plus complexes. La démarche maçonnique implique de ne pas s’attarder sur les apparences mais bien de rechercher, comme le disait Rabelais, la « substantifique moelle » des choses, le sens caché derrière les voiles de la forme première.

    Ainsi, la compréhension du sel, comme celle de tous les symboles maçonniques, offre au nouvel Apprenti les outils de l’analogie qui lui permettront d’accéder à ses significations.

    Le sel est généralement par excellence, de par sa fonction première, le symbole de l’hospitalité. Il s’inscrit donc d’emblée dans l’élan de fraternité qui caractérise initialement la Franc-maçonnerie.

    Le mercure

    Corps simple, argenté, liquide à la température ordinaire, le mercure est un métal considéré depuis fort longtemps comme l’un des éléments clés de la vie. A ce titre, il appartient de plein droit au symbolisme alchimique pour lequel la transmutation est une action fondamentale.

    Dans l’univers maçonnique, toujours nimbé de sa dimension hermétique, le mercure tient une part non négligeable dans les rituels initiatiques. C’est la raison pour laquelle on le retrouve dans le Cabinet de Réflexion où doit pénétrer l’individu en cours d’initiation, en compagnie du soufre (principe masculin) et du sel dans lequel se rencontrent les deux précédents.

    Le soufre

    Le soufre est considéré comme le principe dynamisant qui, par son action sur le mercure, participe au Grand Œuvre.

    Symboliquement, il représente l’Esprit qui agit sur la matière. De ce fait, on l’assimile à la création, au soleil, au positif, au caractère masculin.

    Comme principe actif de l’alchimie, le soufre se devait d’être présent dans la démarche initiatique des Francs-maçons, laquelle ne conçoit l’élévation spirituelle et intellectuelle de l’Initié que dans sa transformation permanente. C’est pourquoi on trouve le soufre dans le Cabinet de Réflexion, première étape décisive d’une longue suite d’épreuves, où le postulant prend réellement contact avec l’univers sacré des Initiés et se voit peu à peu détaché du monde profane. De ce point de vue, le soufre est considéré en quelque sorte comme le noyau incandescent, générateur d’énergies, à partir duquel va se développer la dynamique maçonnique qui animera la trajectoire de l’Initié tout au long de sa vie.

     

    Pour Irène Mainguy, le sel, le soufre et le mercure sont trois principes hermétiques, purement symboliques. Le souffre est symbole de l’esprit, le mercure, l’âme, le sel, celui de la sagesse et du savoir. Ils sont disposés dans une coupe, qui est elle-même le symbole idéographique de la descente au centre, tronc de cône renversé ; c’est au fond de la coupe que se dépose la lie.

    Ce ternaire alchimique, sel, soufre et mercure, réunis dans le Cabinet de Réflexion, n’est pas immédiatement parlant au Récipiendaire, ignorant qu’il est de toute connaissance hermétique. Selon l’hermétisme, qui a rapport au Grand Œuvre et à la transmutation des métaux, tout se compose de soufre, de mercure et de sel.

    Le ternaire alchimique soufre, mercure et sel, peut être mis en correspondance avec le ternaire esprit, âme et corps.

    Présents également dans le Cabinet de Réflexion, des symboles comme le sablier et la faux sont plus universels et leur source respective reste indéterminée.

     

     

    * Le symbolisme  et l’origine des symboles maçonniques

     

    * Le symbolisme  et l’origine des symboles maçonniques

    Les symboles d'origine proprement maçonnique

    Il reste les symboles d'origine proprement maçonnique que sont le Cabinet de Réflexion, la Chaîne d'union, ou encore les trois Pas de l'Apprenti.

    Le Cabinet de Réflexion

    Le Cabinet de Réflexion se présente comme une sorte de sas entre deux mondes où le futur Initié se dépouille des aspects profanes de son être pour devenir réceptif à la Lumière de l’Initiation qui lui sera offerte. L’objectif est d’isoler le Récipiendaire de son entourage familier, de le séparer du monde profane. Durant cet isolement, il est confronté à quatre facteurs ambiants : le silence, la solitude, l’immobilité et l’obscurité. Ces facteurs devraient favoriser sa confrontation avec lui-même car il se trouve brusquement dans un univers inconnu qu’il peut percevoir comme hostile.

    Le Cabinet de Réflexion symbolise une descente intérieure au centre de la terre. Le passage d’un cycle à l’autre s’accomplit dans l’obscurité, ce qui correspond également à un changement d’état. Cette mise en condition s’explique par la nécessité qu’il y a de prendre conscience de la force réelle de ses convictions dans ses engagements vitaux.

    * Le symbolisme  et l’origine des symboles maçonniques

    Ce lieu de méditation qui met en scène tout ce qui concerne la mort, permet à chacun de faire une incursion dans sa tombe avant l’heure ! C’est pourquoi il est censé être enfoui au sein de la terre, ce qui est d’autant plus perceptible si le Cabinet est situé dans les caves.

    Le Cabinet de Réflexion invite le postulant à mourir à lui-même pour renaître et l’incite à poursuivre le parcours de son existence, en rectifiant, afin d’éveiller sa conscience à une autre dimension pour donner un autre sens à sa vie. Ce moment privilégié de méditation permet de faire un bilan du passé et d’effectuer par anticipation une mort symbolique virtuelle, ce passage devant déboucher sur un nouveau commencement.

    La Chaîne d’union

    Les Frères assemblés rituellement et formant une chaîne tout autour du Tableau de Loge porte le nom de Chaîne d’Union qui se pratique « longue » ou « courte » selon l’importance de l’assemblée.

    Pour Irène Mainguy, « la Chaîne d’Union relève d’un geste rituel, d’une mise en relation active par l’union des mains de tous les participants d’une Loge, contrairement à la corde à nœuds avec laquelle elle est souvent confondue et qui, elle, est une représentation statique ».

    Les mains doivent être dégantées pour optimiser le contact et éliminer les isolants de toute nature pouvant gêner la qualité de cette précieuse communion. La Chaîne d’Union est vécue par tous les membres présents, sans distinction de grade. Elle est formée facultativement avant la Clôture des Travaux et obligatoirement pour l’incorporation d’un nouvel Apprenti à la Loge.

    Pour Irène Mainguy, la Chaîne d’Union remplit auprès de chaque Maçon le double rôle de bouclier protecteur et d’appareil émetteur / récepteur d’influences bénéfiques. Elle symbolise ce que devrait être sur la terre une fraternité humaine permanente et profonde. Cette chaîne unit les Francs-maçons en dehors de l’espace et du temps. Le monde des apparences tient les êtres physiquement prisonniers, mais les esprits sont libres au-delà des murs du temple, des frontières et des mers, les mains jointes dans une Chaîne d’Union établissent la pérennité de la fraternité qui devrait régner entre tous sur la terre.

    Pour Guy Boisdenghien, la Chaîne d’Union, composée d’une suite d’anneaux engagés les uns dans les autres est l’emblème de l’action commune. En Franc-maçonnerie, elle prend la forme théorique du Cercle (le Ciel) et les mains entrelacées font passer de Frère en Frère l’influx conjugué de la Loge.

    Pour Christian Guigue, la Chaîne d’Union est une communion spirituelle collective réalisée par les Frères présents, liés physiquement et immatériellement par l’âme et le cœur les uns des autres. C’est cette conjonction particulière que l’on nomme égrégore. Elle provoque l’ébranlement vibratoire d’une énergie « spiritueuse » par la réalisation du triple cercle symbolique, par la chaîne constituée aux trois niveaux et plans particuliers.

    La Chaîne d’union est la matérialisation de la solidarité, de la fraternité qui lie les Maçons.

    Lorsque toutes les conditions sont réunies intentionnellement, circule alors, entre les participants, comme un véritable courant magnétique, régulateur d’énergie. Quand la Loge œuvre bien, quand le Vénérable a su bâtir l’unité dans son Atelier, il y a « un courant qui passe ». Il se crée un phénomène dont chaque maillon est à la fois émetteur et récepteur.

    Les trois Pas de l’Apprenti

    Chaque degré de la Maçonnerie symbolique se caractérise par une marche différente que l’on évoque par l’expression « faire les pas » et qui s’avère obligatoire lors de l’entrée individuelle en loge. La Marche, accompagnée des signes spéciaux à chaque degré, est obligatoire pour tous les Maçons qui pénètrent dans une Loge lorsque les Travaux sont ouverts.

    Faire les pas, c’est mettre les deux pieds en équerre, avancer d’un pas, se remettre en équerre, trois fois successivement. Tout Maçon pénétrant dans le Temple après l’Ouverture des Travaux doit marcher rituellement. A chaque pas, le second pied vient rejoindre le pied placé en avant, en équerre.

    La Marche de trois Pas est celle de l’Apprenti. Placée comme d’autres symboles du Premier degré sous le règne du Nombre trois, la Marche d’Apprenti se pratique en réalité peu souvent. Accompagnée du Signe d’Ordre, elle a seulement lieu lorsqu'un Frère arrive très tard en cours de Tenue ou bien lors de l’introduction rituelle d’une délégation de visiteurs ou de dignitaires. Elle est toujours remémorée au cours de la cérémonie de l’Initiation d’un Profane.

    Les symboles hérités de la kabbale

    L'origine judéo-chrétienne de certains symboles maçonniques est plus que claire. Ils mêlent également des éléments venant de l'alchimie et de la kabbale selon les grades.

    La Kabbale, parfois écrit Cabbale, est une tradition ésotérique du judaïsme, présentée comme la « Loi orale et secrète » donnée par YHWH à Moïse sur le Mont Sinaï, en même temps que la « Loi écrite et publique » que l’on nomme « la Torah ».

    Le mot « Kabbale » (Qabalah en hébreu) signifie « réception ». Il s'agit donc de la sagesse du recevoir. Le terme est parfois interprété comme « tradition ». Le Kabbaliste est donc celui qui a reçu (Qibel) la tradition. Le mot « Kabbale » ne désigne pas un dogme mais un courant à l'intérieur du judaïsme et un état d'esprit.

    Les Francs-maçons seraient entrés en relation avec la kabbale juive par l'intermédiaire de la kabbale chrétienne, une kabbale revisitée à partir du 15ème siècle par les humanistes de la Renaissance, de Pic de la Mirandole à Guillaume Postel.

    La Kabbale se veut être un outil d'aide à la compréhension du monde en ce sens qu'elle incite à modifier notre perception du monde (ce que nous appelons « la réalité » malgré la subjectivité de notre perception). Pour ce faire, la Kabbale met à disposition de ses adeptes un diagramme synthétique : l'Arbre de la Vie ou des Sephiroth, et autres clés de lecture pour de multiples ouvrages, ainsi qu'un foisonnement de concepts (degrés de signification, contraction, etc.).

    Elle propose ses réponses aux questions essentielles concernant l'origine de l'univers, le rôle de l'homme et son devenir. Elle se veut à la fois un outil de travail sur soi et un moyen d'appréhender d'autres systèmes de pensée.

    La Franc-maçonnerie de tradition aurait emprunté à la Kabbale le symbolisme du feu.

    Le Feu

    Dans la philosophie chinoise, le feu fait partie des cinq éléments avec le métal, l'eau, le bois et la terre. Chez les alchimistes occidentaux, il fait partie des quatre éléments inertes de base composant chaque matière avec l'eau, l'air et la terre selon l'enseignement bien antérieur d'Aristote. Le feu est un élément central de plusieurs doctrines fondées sur les quatre éléments. Le feu est naturellement associé au Soleil, qui est également une source de chaleur et de lumière. Le Feu est aussi un symbole de purification.

    Le Feu demeure l'un des plus grands symboles en raison de sa signification et de son rôle. D'origine divine, provenant du ciel, il anime, vivifie et spiritualise. Il est un grand thème initiatique, la Lumière étant émanation du Feu.

    L'importance du feu se révèle dans la gnose chrétienne, dans l'ésotérique soufique mais également dans la Kabbale.

    Les symboles d’origine compagnonnique

    L'origine compagnonnique de la Franc-maçonnerie est une des thèses répandues par les historiens. De fait, on retrouve dans la Franc-maçonnerie la plupart des symboles utilisés pendant plus de mille ans par les Compagnons du Devoir. Les grades sont restés longtemps les mêmes : Apprentis, Compagnons et Maîtres.

    Les symboles et rituels de la Franc-maçonnerie et du Compagnonnage sont très différents, bien qu'ils aient quelques éléments communs. Ainsi l’Équerre et le Compas sont les insignes des deux fraternités.

    L'Équerre et le Compas, le Maillet et le Ciseau, le Niveau et le Fil à plomb, la Règle et le Levier, la Truelle figurent parmi les symboles qui proviennent du Compagnonnage.

    Comme les rites, les symboles varient d'une société à une autre et d'un métier à l'autre. Ils définissent l'identité propre de chaque compagnonnage et expriment ses valeurs et ses principes : la canne, les rubans, le surnom ont une forte valeur symbolique quant à la tradition du Compagnonnage.

    D'autres symboles que l'on retrouve encore de nos jours représentés un peu partout, sur nos maisons, dans nos églises, sur les monuments sont bien sûr le fameux Compas entrecroisé avec l’Équerre, le temple de Salomon, les mains enserrées, les cannes disposées en croix et peut-être moins connus les palmes, le labyrinthe, le chien, les abeilles et la ruche ou encore la couronne de fleurs...

    Les couleurs

    Le symbolisme des couleurs concerne l’historien, le sociologue, le psychologue, le styliste, mais aussi tous ceux qui suivent un parcours spirituel personnel. Une littérature abondante lui est consacrée, et dans des domaines très variés, du symbolisme ésotérique au symbole graphique, et passant par l’art religieux et le compagnonnage. Suivant les domaines, les lieux ou les époques, les significations des couleurs sont semblables ou différentes, voire contradictoires, car chaque civilisation, chaque groupe, s’est forgé un symbolisme émanant de sa propre culture.

    Les couleurs occupent une place exceptionnelle dans la symbolique traditionnelle depuis le début de l’humanité. Elles ont eu la même signification chez tous les peuples de la haute antiquité. Cette conformité indique une commune origine qui se rattache au berceau de l'humanité, et trouve sa plus haute énergie dans la religion de la Perse. Leur langage, intimement lié à la religion, passe dans l’Inde, en Chine, en Egypte, en Grèce, à Rome... reparaît dans le Moyen Âge, et les vitraux des cathédrales gothiques trouvent leur explication dans les Vedas [4] et les peintures des temples égyptiens !

    Les formes

    La symbolique des figures géométriques est l'étude des figures géométriques (point, lignes, surfaces, volumes) en tant que symboles, dans leur capacité à désigner, à signifier ou même à agir.

    Le symbolisme des figures géométriques concerne les dimensions en tant que symboles, dans leur puissance à représenter analogiquement, à être interprétés, à porter sens et valeurs, en plus de l'aspect pratique ou scientifique.

    On entre dans l'étude des figures géométriques en tant que symboles (symbologie [5] ) ou en tant que systèmes (symbolique) ou dans l'examen de leur capacité à désigner, à signifier, voire à exercer une influence (symbolisme).

    Toute figure géométrique en général a son symbolisme. Elle représente les limites, l'étendue des choses. La sphère représente le milieu parfait ; le cercle représente l'espace clos.

    Par symbolisme des figures géométriques, on entend la capacité qu'a une figure de désigner autre chose qu’elle-même. Par exemple, le cercle véhicule le symbolisme de la perfection. Le symbolisme des figures concerne donc leur capacité à représenter : non seulement à signifier des êtres ou des pensées, peut-être à agir, influencer, activer les esprits ou les choses, mais encore à être interprétés. Le symbolisme est donc la puissance d'une chose à désigner, signifier, révéler.

    Une symbolique est un ensemble, un système de symboles. La symbolique des figures concerne le système signifiant des figures : d'une part, elles forment ensemble un système, un tout, un ensemble, un complexe ; d'autre part, chacune entre dans un réseau de symboles, forme une constellation avec d'autres symboles (chacune appelle son opposé, son proche, etc.).

    Examinons quelques figures bien présentes dans le symbolisme maçonnique.

    Le Triangle

    Cette figure appartient au symbolisme du nombre trois. Il peut ainsi  être investi de significations à connotation pythagoricienne, et éventuellement mis en rapport avec d'autres figures géométriques. Dans la symbolique de la Franc-maçonnerie, qui donne une place importante à cette figure et où elle est qualifiée par exemple de Delta lumineux ou de Triangle sublime, le triangle peut même, selon son espèce, correspondre à un élément : l'eau est associée au triangle rectangle ; la terre, au triangle équilatéral ;  le feu, au triangle isocèle ; et l'air au triangle scalène...

    Le triangle peut également, et plus banalement, se rencontrer chaque fois qu'il s'agit de symboliser des triades. C'est par exemple le cas le symbolisme républicain (« liberté - égalité – fraternité »), mais aussi dans celui du Christianisme où cette figure est aujourd'hui associée couramment à  la Trinité.

    Il est cependant intéressant de noter que le triangle n'est pas très souvent représenté sur les premiers monuments chrétiens, à une époque où les réticences à représenter directement Dieu étaient importantes et où, pourrait-on imaginer, le triangle aurait pu offrir une alternative commode.

    En ésotérisme, le triangle symbolise le feu, le cœur, le sexe masculin et la spiritualité lorsqu’il pointe vers le haut. Lorsqu’il pointe vers le bas, il représente le sexe féminin, l’eau et la fécondité.

    Le Carré

    Figure parfaite qui évoque la stabilité et la solidité, le carré est l'un des quatre symboles le plus universel, avec le cercle, le centre et la croix. Le carré est l'emblème du monde qui s'est créé, équilibré et fixé. Il est aussi l’emblème de la nature par opposition à l'incréé et au créateur. Cette figure géométrique évoque la progression accomplie de la manifestation.

    Il résume le symbolisme du nombre quatre, l'ordre de l'Univers et la nécessaire opposition des contraires. Il est symbole d'unité, d'intégralité et d'équilibre des quatre fonctions psychiques : pensée, sensation, intuition, sentiment.

    Il représente la perfection de la Création, l’ordre du monde, la sécurité, l’équilibre, l’harmonie, la rigueur morale. Il symbolise la Terre et le cosmos.

    Symbole en relation avec la terre, le carré est une figure fixée sur ses 4 côtés, qui empêche l'écoulement de l'énergie, à l'inverse du cercle. Cela peut indiquer un arrêt, surtout temporel. Tentative de stabilisation, peur de l'inconnu, solidification, stagnation, le carré évoque la matière, un besoin de rendre parfait l'instant présent et d'arrêter ainsi les réminiscences du passé.

    Dans l'architecture sacrée, le carré est souvent associé au cercle pour exprimer la dualité ciel-terre.

    Je passe ici sous silence la figure caractéristique du 2ème degré, celui du grade de Compagnon.

    Les nombres

    L'origine du nombre est probablement liée à un besoin d'appropriation. Dénombrer c'est mesurer, mesurer l'étendue d'un avoir : dénombrer le nombre de têtes d'un troupeau, mesurer une parcelle de terre, qualifier une proportion. Dénombrer suppose un certain nombre de processus intellectuels qui, bien que naturels à notre époque, ne sont pas aussi évidents que cela ! Ainsi pour dénombrer le nombre de bêtes dans un troupeau, encore faut-il qualifier ce qui est semblable de ce qui est dissemblable, autrement dit sélectionner et discriminer donc classer les objets par famille, races, ressemblances, différences, analogie ; autrement dit de structurer la pensée.

    L'arithmétique ou opération sur les nombres est une étape ultérieure qui permet, à partir du dénombrement de faire des opérations non plus sur le réel mais sur le nombre lui-même.

    Une autre propriété des nombres est celle de caractériser des rythmes, à partir de faits récurrents. C'est la mesure du temps, c'est le cycle des saisons, mais c'est aussi la possibilité de prévoir en fonction de la connaissance réelle ou supposée des rythmes de la nature.

    Et enfin, le nombre peut caractériser l'harmonie, la proportion entre les choses, l'équilibre qui est également justice.

    Le langage des nombres est donc un langage universel qui permet de rendre l'univers perceptible, intelligible à la pensée humaine.

    En fait, les nombres sont partout en Franc-maçonnerie, à commencer par le symbole ternaire (triangle ou pyramide), image symbolique par excellence de tout ce qui est maçon.

    Le Nombre trois, le plus utilisé de tous les nombres maçonniques, est représenté par une multitude de symboles : les trois Grandes Lumières (Volume de la Loi sacrée, Équerre, Compas), par le Triangle divin qui représente à la fois les trois mondes (matière, esprit, âme) et leur unité, mais aussi les trois dimensions de l'espace. A cela on peut ajouter que les trois grades de la Maçonnerie bleue, que sont les grades d'Apprenti, de Compagnon et de Maître, s'établissent par le dévoilement progressif de la quadrature hermétique du cercle universel.

    Le Nombre cinq est celui du milieu, l’axe central des neufs premiers nombres. Cette position fait de lui le symbole de l’union, de l’harmonie, de l’équilibre et de l’accomplissement, mais aussi d’une notion moins évidente : celle de la perfection. Le cinq représente l’univers, un centre où se croisent un axe vertical et un axe horizontal. Cette croix, (le quatre) devient alors le symbole du rayonnement de l’énergie (le cinq), qui part du centre et se propage aux quatre coins du monde, vers les quatre points cardinaux.

    Le Nombre cinq représente aussi l’énergie d’union de l’esprit et de la matière : il est la somme du premier nombre pair (2) et du premier nombre impair (3). Ce mariage du principe céleste 3 et du principe terrestre de la mère 2, n’est rien de moins que l’union du ciel et de la terre.

    Si la mystique touche aux harmonies du cœur, la Franc-maçonnerie et son symbolisme touchent aux harmonies de la structure du monde, donc à la mesure de l'univers à la fois dans ses formes (géométrie) et dans les rapports mathématiques qu'entretiennent entre elles ses composantes (arithmétique divine). C'est ainsi que le Temple de Salomon est censé refléter cet univers et qu'en cherchant la Lumière, tout Maçon est en mesure de percer les secrets des lois universelles qui régissent ce Temple. Le corps de l'homme en est à la fois l'image secrète et le sanctuaire.

    C'est bien pourquoi l'Initiation et les enseignements de la Franc-maçonnerie sont si intimement liés à la sagesse des philosophes grecs tels que Platon et Pythagore.

    En ce qui concerne le Nombre sept, les Ouvriers du Grand Œuvre acquièrent la Force par l’étude des sept symboles initiatiques fondamentaux ; ils atteignent la Beauté par la pratique des sept arts libéraux ou sciences libérales ; ils accèdent à la Sagesse par les sept vertus maçonniques.

    Mais le nombre sept évoquerait aussi sept autres vertus : les trois vertus théologales (qui ont Dieu pour objet) et les quatre vertus cardinales qui sont les vertus essentielles, fondamentales.

    Pour conclure, du moins provisoirement…

    Le chemin des symboles est un chemin de liberté, où chacun fixe ses propres limites, qui peuvent varier à mesure de l'évolution intérieure mais que nul autre ne peut connaître. Sur ce chemin, chacun avance à son rythme, s'arrête et repart à sa convenance, et ne trouve que ce qui lui convient - ou plus précisément, fait naître à sa propre conscience ce qu'il avait en lui inconsciemment.

    Pour comprendre ce qu'est un symbole, il faut tout d'abord percevoir absolument qu'il est plus destiné à être ressenti qu'expliqué, constaté qu'analysé.

    C'est pourquoi, lorsque j’ai rédigé ces quelques pages, mon but n'était pas d'imposer quoi que ce soit mais de proposer ; non pas de montrer, mais de suggérer. Ainsi naîtra peut-être, pour certains, une vibration en harmonie avec leur attente intérieure, parfois inconsciente.

     

    R:. F:. A. B.

     

    [1] Littéralement, « celui qui est placé au début » de la voie.

    [2]  La Cosmogonie (du grec cosmo- « monde » et gon- « en­gendrer ») était, en 1762, définie par le Dictionnaire de l'Académie française, comme « science ou système de la formation de l'Univers ».

    [3] Coomaraswamy A. K., Le symbolisme de l’épée, in Etudes Traditionnelles n° 217, janvier 1938, pp. 11 à 17.

    [4] Le Véda est une « connaissance révélée » transmise oralement de brahmane à brahmane au sein du védisme, du brahmanisme, et de l'hindouisme jusqu'à nos jours. Cette connaissance, aujourd'hui rassemblée en un ensemble de textes, aurait été révélée par l'audition aux sages indiens nommés Rishi. Les hindous pensent que le Véda est éternel et singulier.

    [5] La symbologie est la théorie des symboles.

     

    Bibliographie

     

    Ambelain Robert - Symbolique des outils dans l’Art Royal

    Editions Edimaf, Paris, 1996

     

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995

     

    Behaeghel Julien - Symboles et initiation maçonnique

    Editions du Rocher, Monaco, 2002

     

    Béresniak Daniel - Rites et Symboles de la Franc-maçonnerie

    Tome I : « Les Loges Bleues » - Editions Detrad, Paris, 1997

     

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade d'Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995

     

    Chevalier, Jean et Gheerbrant Alain

    Dictionnaire des symboles

    Mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres

    « Bouquins » - Editions Robert Laffont, Paris, 1982

     

    Collectif - Encyclopédie de la Franc-maçonnerie

    Editions E. Saunier, Le livre de Poche, Paris, 2002

     

    Dachez Roger - Histoire de la Franc-maçonnerie française

    Que sais-je ? PUF, Paris, 2003

     

    Danielou Jean - Les symboles chrétiens primitifs

    1961

     

    Delclos Marie & Caradeau Jean-Luc

    Les symboles maçonniques éclairés par leurs sources anciennes

    Edition Trajectoires, 2009

     

    Ferré Jean - Dictionnaire des symboles maçonniques

    Editions du Rocher, Monaco, 1997

     

    Girard, Marc - Les symboles dans la Bible

    Recherches Nouvelle Série, 26

    Editions Cerf – Bellarmin, Montréal, 1992

     

    Mainguy Irène

    La Symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2001

     

    Négrier Patrick - Les symboles maçonniques d'après leurs sources

    Editions Télètes, Paris, 1998

     

    Sédillot Carole et Zana Elisabeth - ABC du symbole

    Editions Jacques Grancher, 2007

     

    Signier Jean-François & Thomazo Renaud - Les sociétés secrètes

    Editions Larousse, 2005

     

    Trévoux Guy - L’Origine des rites et symboles maçonniques

    Monaco, Éditions du Rocher, 2002

     


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  • * Nos déplacements en Loge

     Nos déplacements en Loge 

    Règle générale et exceptions

    La règle générale qu’il convient de suivre, c’est que nous ne pouvons jamais nous déplacer seuls dans la Loge mais toujours sous la conduite du Frère Maître des Cérémonie. Cette règle souffre de deux exceptions : le Frère Expert ainsi que le Vénérable Maître peuvent se déplacer seuls dans certaines circonstances bien précises que j’évoquerai dans un des chapitres de cette planche.

    Tous nos déplacements doivent s’effectuer par une circumambulation. Qu’est-ce à dire ?

    La circumambulation

    En tenant compte de l’étymologie du mot, la préposition latine circum signifiant autour et suivie du mot ambulation, le verbe circumambuler signifie déambuler en tournant autour. Le sens premier est celui de « promenade ». Mais dans notre contexte particulier, il s’agit d’un déplacement rituel, d'une circulation autour de l'espace sacré du Nadir. Cet espace sacré sur le Pavé Mosaïque est délimité par les trois Piliers (ou Chandeliers) « Sagesse », « Force » et « Beauté » qui encadrent le Tableau de Loge au centre de la Loge.

    Le rite de la circumambulation remonte à la nuit des temps. Les premiers hommes tournaient déjà autour du feu, puis autour des mégalithes dressés vers le ciel, le soleil et la lune. Cette marche collective matérialise un cercle et intervient comme un acte rituel agissant au plan de la sacralisation d'une aire.

    « Dans toutes les traditions, précise Irène Mainguy, la circumambulation peut être définie comme une marche effectuée autour d’un élément sacré, que ce soit une pierre, un autel ou tout autre axe vertical. Cette marche à caractère rituel suit le tracé d’un espace sacré ».

    On distingue deux types de circumambulation : celle dite « à droite » ou solaire et celle dite « de gauche » ou polaire, ce que l'on peut exprimer par les termes dextrocentrique (de la dextre ou nom autrefois donné à la main droite) et sinistrocentrique (de senestre ou nom attribué à la main gauche). Irène Mainguy nous dit que la circumambulation s’effectue soit sinistrorsum, soit dextrorsum (c’est-à-dire de gauche à droite ou l’inverse). En d’autres termes, ces circumambulations rituelles sont déterminées par une orientation polaire ou solaire. Dans le sens polaire, la circumambulation s’accomplit en ayant constamment le centre à sa gauche, dextrorsum.

    Aujourd'hui encore, les Musulmans lors de ce pèlerinage à La Mecque accomplissent sept circumambulations à la Mecque autour du premier temple en forme de cube, la Kaaba, fait de mains d’hommes. Ils réalisent ainsi un cercle autour de ce cube enfermant la pierre d'Abraham. En se déplaçant de façon circulaire, les pèlerins tracent des cercles, dont la fonction est ordonnatrice et protectrice autour d’un cube symbole de perfection et de stabilité.

    Les voyages se répétant, la figure géométrique se met en mouvement et cette expansion la fait passer du cercle à la spirale de l'évolution et de la projection à un autre plan, un autre univers ou état à l'image de la danse cosmique des soufis se fondant dans l'univers.

    Les Bouddhistes du Tibet tournent autour des chorten, les Juifs et les Chrétiens autour des temples ou églises (lors de la dédicace, mais ce cercle s'accomplit aussi à l'intérieur en d'autres circonstances), en Inde, on fait le tour des stupas, dans l'ancienne Indochine celui des maisons neuves que l'on veut bénir, etc

    En Franc-maçonnerie, les circumambulations autour des trois Piliers et du Pavé mosaïque se font dans le sens des aiguilles d’une montre, c’est-à-dire dans le sens solaire. C’est une marche sinistrorsum.

    René Guénon remarque que dans la Maçonnerie, sous sa forme actuelle, le sens des circumambulations est solaire, mais il paraît avoir au contraire été tout d’abord polaire dans l’ancien rituel opératif, selon lequel le trône de Salomon était placé à l’occident et non à l’orient, afin de permettre à son occupant de contempler le soleil à son lever.

    Controversée, la direction vers la droite ou vers la gauche est un problème secondaire de choix entre la reproduction du parcours réel ou apparent du soleil autour de la Terre. L’important se situe dans l'adoption et le maintien par la Loge d'une direction acceptée par tous ses membres. Le déplacement en Loge bleue se fait généralement en respectant le sens dextrocentrique, tel celui des aiguilles d'une montre qui tournent de gauche à droite dans sa partie supérieure.

    Le sens dextrocentrique est dit « solaire » parce qu'il s'accomplit dans le sens de la course du soleil vu de l'hémisphère boréal. Considéré comme favorable, il intervient comme un mouvement d'accompagnement de la lumière. Celui qui se déplace ainsi demeure dans l'attente ou la permanence de l'illumination.

    Le sens sinistrocentrique s'accomplit en ayant sa gauche vers l'intérieur du cercle et son côté droit vers l'extérieur. Considéré comme néfaste du fait du cheminement qui se fait a contrario du déplacement solaire, il annonce le monde des ténèbres et par extension toutes les pratiques dites de magie noire ou liées au domaine de la mort.

    Ces interprétations usuelles restent à manier avec précaution car il convient de ne pas accorder d'attention particulière au visible qui ne répond qu'à des critères exotériques, des aspects extérieurs tout juste bons à aider dans un premier temps celui qui cherche et à guider ses pas pour qu'il découvre le commencement du chemin. L'initié possède la Connaissance et la maîtrise qui lui permettent de se déplacer ou d'agir dans les deux systèmes. Ainsi le sens dextrocentrique se trouve réservé à ceux qui cherchent la lumière, l'orientation sinistrocentrique se voit dévolue à ceux qui sont devenus lumière ou porteurs de lumière.

    Pour comprendre et justifier ceci, faisons appel à Julien Behaeghel pour qui le rituel est le symbole en action. Il est le verbe créateur du monde intemporel, créateur du nom qui donne vie et de l’espace sacré qui s’inscrit dans le présent éternel, cet espace qui définit le sens, le sens qui va de l’ombre vers la lumière, de l’Occident vers l’Orient, de l’inconscience vers la conscience – connaissance. Le sens est la lumière et le rituel n’a d’autre raison d’être que de faire jaillir la lumière, la lumière invisible de l’Esprit. C’est bien pourquoi certaines circumambulations se font dans le sens de la lumière, de l’Occident vers l’Orient. Mais dans le rituel maçonnique cependant, le sens de la circumambulation est inversé afin de garder le centre à sa droite. Autrement dit, le Maçon défie le temps par le rituel : il l’inverse. C’est à l’envers du temps que se trouve la raison mystérieuse de notre devenir.

    Le candidat à l’Initiation devra donc faire le trajet inverse du trajet solaire pour recevoir la lumière : il ira de l’Occident à l’Orient. Et tous les déplacements en Loge, toutes les circumambulations se feront de l’Occident à l’Orient en passant par le Nord, en tournant autour du centre afin de devenir le centre.

    Le concept des voyages est une constante des traditions ésotériques. Dans notre Ordre, les voyages prescrits au cours de la cérémonie d’Initiation au Premier degré s’exécutent en trois déplacements dextrogyres autour du Tableau de Loge. Ces circumambulations autour du centre de la Loge ont pour but d’inciter le postulant à se concentrer sur son propre centre. C’est pourquoi le terme « voyage » acquiert ici une dimension très spécifique dans le contexte initiatique. Le postulant entreprend un déplacement éloigné dans la profondeur spirituelle de son être mais qu’il ne maîtrise pas faute de moyens.

    Bien que ce soit une marche au sens courant du mot, la circumambulation n’a rien à voir avec la Marche d’Apprenti et s’exécute à des moments très différents de celle-ci en Tenue.

    Remarquons qu’après être entrés dans le Temple, les Frères Surveillants exécutent à leur tour une circumambulation afin d’inspecter les Colonnes et d’assurer ainsi la couverture intérieure de la Loge.

    La manière de changer de direction

    Contrairement à ce que font les pèlerins à La Mecque qui réalisent un cercle autour d’un cube sacré, il s’agit pour nous, lors de nos circumambulations autour du tableau de Loge, à chaque changement de direction, de bien marquer les angles droits.

    Cette manière de procéder nous rappelle que l'Équerre que nous formons à chaque changement de direction nous suggère d’ordonner notre vie et nos actions suivant la Règle maçonnique et de vivre en harmonie avec les principes de la morale et de la vertu. L'Équerre traite implicitement de l’attitude et des actes relatifs au comportement moral et physique. D'où l’expression « rectitude morale » ou encore   « agir selon l'Équerre » qui se rapportent à cet idéal de perfection que doit atteindre le Maçon. Les lignes droites de l’équerre sont en effet l’émanation de la rectitude comme de la droiture, tant du point de vue physique de la plus concrète des manières que sur le plan spirituel.

    Les axes sont sans équivoque, les lignes tracées avec pureté… autant d’éléments induisant et incitant à une ligne de conduite d’une parfaite clarté et d’une grande luminosité.

    L'Équerre évoque donc la droiture de notre comportement, ce qui implique une idée de rectitude, de rigueur, de précision dans la pensée et dans les actes.

    Appel au Travail et entrée en Loge

    Tant que nous attendons sur les Parvis avant la Tenue, nous sommes libres de circuler librement. Une fois que le Maître des Cérémonies nous a appelés au Travail au nom du Vénérable Maître, nous nous disposons généralement en cortège pour entrer solennellement dans la Loge : les Apprentis en tête du cortège, suivis des Compagnons, des Maîtres puis de la Commission des Officiers Dignitaires.

    Le Vénérable Maître, le Passé Maître et les Surveillants entrent le plus souvent en dernier lieu. Tout en restant à notre place, nous nous mettons au signe de Fidélité pour les accueillir.

    Remarquons que dans certaines Loges, l’entrée des Frères dans la Loge se fait librement sous prétexte que les Travaux ne sont pas encore ouverts. Il faut regretter cette manière d’entrer en Loge, manquant franchement de solennité.

    Puisque tous nos déplacements doivent s’effectuer sous la conduite du Maître des Cérémonies, saisissons cette occasion pour évoquer les éléments les plus significatifs de cette fonction au sein de la Loge.

    Le rôle du Maître des Cérémonies

    Le Maître des Cérémonies est chargé de conduire la marche pour toute circulation dans le temple. Il montre le chemin. Sa fonction est essentiellement mobile. Il n’a pas de plateau comme les Surveillants, l’Orateur et le Secrétaire. Il porte en sautoir deux cannes entrecroisées au centre.

    Il se tient à l’ordre en tenant sa canne de façon à former une équerre. Cette canne devrait être en ébène et garnie d’ivoire, c’est-à-dire en matière noble et vivante. Cette canne est l’attribut spécifique du conducteur, que chacun suit volontairement.

    Il est hautement souhaitable que les déambulations du Maître des Cérémonies se fassent avec solennité et sobriété, selon un rythme calme et posé.

    Chargé de rendre les honneurs maçonniques au nom de l’Atelier, le Maître des Cérémonies va chercher les dignitaires sur les parvis et les annonce à la porte de la Loge avant de les introduire avec solennité. De même il veille à ce que chaque membre de la Loge soit à la place qui lui revient et conduit les visiteurs en fonction de leur grade et qualité.

    Les Frères Apprentis doivent siéger sur la Colonne du Nord (ou du Septentrion), les Frères Compagnons sur la Colonne du Sud (ou du Midi). Quant aux Frères Maîtres, ils prennent place où ils le souhaitent.

    Les Officiers Dignitaires ont une place bien précise. Ainsi, le Frère Expert, Aumônier-Hospitalier et Archiviste-Bibliothécaire siègent, dans cet ordre, en tête de la Colonne du Nord. Les Frères Trésorier, Maître des Banquets et Architecte s’assoient, dans cet ordre, en tête de la Colonne du Midi.

    A l’Orient, les Grands Officiers visiteurs siègent à la droite du Vénérable Maître (c’est-à-dire à gauche quand nous regardons vers l’Orient). Les Vénérables Maîtres visiteurs siègent à la gauche du Vénérable Maître (c’est-à-dire à droite quand nous regardons vers l’Orient).

    Lorsque le Grand Maître (ou son adjoint) rend visite à une Respectable Loge, il n’entre dans la Loge qu’après l’Ouverture des Travaux et à l’issue de la partie administrative. Cette entrée solennelle du Grand Maître et des Grands Officiers de l’Obédience fait l’objet d’un rituel particulier que le Maître des Cérémonies doit bien connaître.

    Le Frère  Maître  des  Cérémonies prend les dispositions nécessaires  et  se fait  accompagner  par  trois  Frères Maîtres,  porteurs  d'étoiles. Le Grand Maître est toujours reçu sous  la  voûte  d'acier, maillets  battants. Le rituel officiel de notre Obédience suggère que le nombre d’épées soit au minimum de cinq, réparties sur les deux Colonnes (trois au Septentrion, deux au Midi).

    Le Maître des Cérémonies précède le cortège, suivi d'un Frère porteur d'étoile, suivi du Grand Maître et des Grands Officiers qui l'accompagnent (par ordre de préséance). Le cortège est fermé par les deux Frères porteurs d'étoiles et enfin par le Maître des Cérémonies adjoint.

    Le Maître des Cérémonies conduit le Grand Maître devant l'Autel, place les autres Grands Officiers derrière lui et se place lui-même au Nord-est. Les Frères porteurs d'étoiles et le Maître des Cérémonies adjoint restent le long de la Colonne du Nord, jusqu'à ce que le Grand Maître ait pris place à l'Orient.

    Les deux exceptions à la règle

    Le Vénérable Maître peut se placer seul.

    • Lors de la communication des arcanes du grade au(x) Frère(s) nouvellement initié(s), le Vénérable Maître peut aller se placer librement devant lui (eux) afin de rendre cette partie du rituel plus personnelle, plus vivante, plus fraternelle et conviviale.

    • Dans la remise du tablier, des gants et des règlements, le Vénérable Maître se fait aider par le Frère Expert. Éventuellement, les Frères Secrétaire et Aumônier-Hospitalier, tout proches, peuvent également l’assister.

    • S’il ne peut, pour l’une ou l’autre raison toute particulière, faire appel au Frère Maître de Cérémonies ou à l’Expert, le Vénérable Maître peut prendre l’initiative de se déplacer et de corriger tout détail important et indispensable à la bonne exécution du rituel.

    L’Expert peut également se placer seul.

    • C’est le Frère Expert qui va quérir, seul, les réponses écrites par un candidat dans le Cabinet de Réflexion, le soir de son interrogatoire sous le bandeau.

    • Le Frère Expert est aussi amené à se déplacer seul lorsqu'il s’agit d’aller quérir un profane dans le Cabinet de Réflexion en vue de son interrogatoire sous le bandeau. C’est également lui qui reconduit le candidat à l’extérieur du Temple lorsque cette épreuve est terminée.

    • C’est encore le Frère Expert qui, au début de la cérémonie d’Initiation, va quérir le testament philosophique du candidat pour le déposer sur la stalle du Frère Secrétaire.

    • La préparation du candidat, c’est-à-dire le mettre « ni nu ni vêtu » relève également de la compétence du Frère Expert.

    • Si la position d’un objet du décor (par exemple le Tableau de Loge légèrement déplacé) doit être rectifiée, c’est encore le Frère Expert qui peut intervenir seul. Remarquons, par contre, qu’il n’est pas habilité à rallumer une bougie éteinte : ceci relève de la charge du Frère Maître des Cérémonies qui, dans ce cas, doit toujours aller rechercher la lumière à la bougie centrale du chandelier du Vénérable Maître !

    Autres exceptions à la règle générale

    1. Lors de la cérémonie d’Initiation, lorsqu'arrive le moment de la scène du « tuilage », le plus jeune des Frères Apprentis, ou en tout cas celui qui a été désigné pour jouer le rôle de l’Apprenti visiteur qui demande à pouvoir participer aux Travaux de la Loge, peut – et doit – sortir discrètement de la Loge pour se préparer à l’extérieur. Dans ce cas bien précis, pas question de circumambulation car un tel déplacement manquerait à son objectif, celui de la discrétion !

    2. Lorsqu'un Frère s’attend à devoir quitter la Tenue – et la Loge – pour des raisons professionnelles urgentes (c’est souvent le cas de Frères médecins), pour autant qu’il en ait averti le Vénérable Maître avant le début de la Tenue, peut se permettre de quitter discrètement et rapidement la Loge sans effectuer de circumambulation dès le moment où il est appelé d’urgence.

    Pour conclure, du moins provisoirement

    Dans cette longue réflexion, ce qui me semble le plus important, c’est la raison pour laquelle nos déplacements en Loge s’effectuent par circumambulations autour du Tableau de Loge : celles-ci nous incitent à nous concentrer sur notre propre centre. Cette marche collective matérialise un cercle et constitue un acte rituel agissant au plan de la sacralisation de notre Loge.

     

    R:. F:. A. B.

    Bibliographie

     

    Alban Gilbert - Manuel pratique du Second Surveillant

    Guide de l’Apprenti

    Editions Detrad, Paris, 1989

     

    Behaeghel Julien - L’Apprenti Franc-maçon et le monde des symboles

    La Maison de Vie, Fuveau, 2000

     

    Guénon René - La Grande Triade

    Editions Gallimard, Paris, 1973

    Chapitre VII, pages 65 à 73

     

    Mainguy Irène - La symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2001

     


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