•  Les quatre éléments : terre, air, eau & feu

    Introduction

    Le domaine des éléments présente des différences selon qu’on le considère dans sa conception orientale ou occidentale.

    Conception orientale

    L’Asie retient cinq éléments. En Chine, une tradition vieille de plusieurs millénaires fait état de cinq éléments : l’eau, le feu, le bois, le métal et la terre. Notons que l’air est absent. On les retrouve parmi les fondements du système astrologique chinois où leur symbolisme se situe dans le temps et l’espace en parfaite harmonie avec la nature et l’activité terrestre de l’homme à travers les phases cosmiques ou cycles de vie. L’Inde ajoute l’éther. Les cinq éléments se conjuguent dans le « microcosme ». Le sage est celui qui fait vivre le « microcosme » en harmonie avec le « macrocosme ».

    Conception occidentale

    Les systèmes de pensée occidentaux divisent le cosmos en quatre éléments de base : le feu, l’air, l’eau et la terre. Les stoïciens estimaient que ces quatre éléments s’équilibraient dans le monde grâce à la puissance et la volonté d’un esprit divin.

    Si pour l’occident, les diverses traditions font état de quatre éléments, l’eau, l’air, la terre et le feu, également constitutifs du système astrologique usité, un vieil averti remarque cependant vite qu’un cinquième élément, implicite, participe en fait des quatre autres, c’est l’éther, la quintessence ou cinquième « essence », qui revêt une valeur considérable dans le cheminement initiatique.

    Plus près de nous, Paracelse, au 16ème siècle, faisait habiter les éléments par des créatures que l’on retrouve dans de nombreuses mythologies ou légendes. Les ondines peuplent les eaux, les sylphes l’air, les gnomes les entrailles de la terre, la salamandre le feu.

    Pour l’école néo-pythagoricienne, l’univers est divisé en deux hémisphères. L’air et le feu appartiennent au monde supérieur, la terre et l’eau au monde inférieur.

    Il existe une coutume que l’on rencontre quasiment partout où l’on considère qu’il existe quatre éléments : elle consiste à créer deux couples de contraires : feu - eau et air - terre.

    La filiation entre l’initiation aux mystères antiques et l’initiation maçonnique est incontestable. Nous pouvons aisément suivre la trace de ce que nous savons des mystères de Bacchus, de Mithra, de Cérès et de Cybèle. Nous pouvons constater une certaine analogie, bien que si les épreuves étaient jadis « physiques » et « réelles », elles ne sont plus en maçonnerie moderne que purement symboliques.

     

    Les quatre éléments et les rites maçonniques

    Avec des variantes d’un Rite à l’autre, la Franc-maçonnerie met le néophyte au contact des éléments soit dès le séjour dans le Cabinet de Réflexion soit uniquement dans le Temple, au cours de la cérémonie d’Initiation.

    Lors de celle-ci, tous les rites maçonniques font accomplir au récipiendaire trois voyages. Entre chaque voyage, le postulant subit une épreuve au contact de chacun des quatre éléments : l’épreuve de l’air, l’épreuve de l’eau et l’épreuve du feu. Quant à l’épreuve de la terre, elle a le plus souvent été vécue auparavant : c’est le séjour dans le Cabinet de Réflexion.

    Les quatre éléments, air, eau, feu, terre, renvoient à la physique des anciens et nous instruisent sur les commencements de notre rapport avec la réalité. La Franc-maçonnerie retient principalement ces éléments alors que d’autres écoles de pensée y ajoutent le bois et le métal. La Franc-maçonnerie utilise bien sûr ces deux derniers, mais de façon moins systématique et moins approfondie.

    La Franc-maçonnerie attache à l’eau, à l’air et au feu une notion de purification progressive afin de faire parvenir le cherchant à un état d’élévation. Les rituels articulent leur cérémonie d’initiation sur cette base élémentaire et quaternaire.

    Tentons de comprendre ce qui se passe au Rite moderne tel qu’il est pratiqué dans de nombreuses Loges de la Grande Loge régulière de Belgique.

     

    Les épreuves des quatre éléments au Rite moderne

    Les plus anciens Rituels maçonniques font état de la purification par les quatre éléments,  probable résidu d’une symbolisation totémique du développement de la vie à l’aide et à travers ces entités élémentaires primordiales.

    Le premier élément est la terre, le domaine souterrain où se développent les germes et les semences. Elle est figurée par le Cabinet de Réflexion où est enfermé le Récipiendaire.

    Le premier voyage se rapporte à l’air, le second à l’eau, le troisième au feu.

    Les commentaires que donne Jean-Marie Ragon de Bettignies à ce propos n’apportent aucune explication valable, me semble-t-il, et peuvent même fausser le jugement des néophytes.

    Les commentaires d’autres auteurs maçonniques, comme Oswald Wirth, toujours inclinés vers un « moralisme » assez bénin, ne varient guère. Certains font correspondre aux quatre éléments les quatre périodes de la vie humaine : enfance, adolescence, âge mûr et vieillesse. D'autres les font correspondre aux quatre points cardinaux, aux quatre saisons, aux quatre âges du monde : âge d’or, âge d’argent, âge d’airain, âge de fer. Toutes ces comparaisons sont assez banales et n’aident guère l’intelligence des symboles.

    Les écrivains Maçons se fourvoient dans leurs explications parce qu’ils n’évitent pas la grave cause de confusion qui consiste à vouloir expliquer l’une par l’autre la philosophie, la religion et l’initiation. S’il est possible d’affronter et de comparer entre elles les initiations, il est par contre impossible d’expliquer la philosophie par la religion, ou l’initiation par la philosophie. Leurs plans de pensée ne sont pas les mêmes, leur langage est différent et le résultat de telles tentatives amène à une incohérence totale.

    Les philosophies parlent à la raison ; les religions touchent le cœur ; l’initiation émeut la partie spirituelle de l’être et permet l’accession à la compréhension métaphysique la plus haute du sens de la vie. La plupart des religions confèrent à leurs adeptes leur première initiation par un baptême d’eau purificateur. La Franc-maçonnerie n’impose aucun dogme religieux ou philosophique. En cela elle se montre conséquente avec les plus antiques initiations. Peu lui importe les religions et les philosophies puisqu'elle se situe au delà et en dehors d’elles.

    Dans l’Initiation maçonnique, le récipiendaire sort d’abord de la terre. Il est ensuite, successivement, purifié par l’air, par l’eau et par le feu. Il s’affranchit par paliers de la vie matérielle, de la philosophie et de la religion et parvient à l’initiation pure.

    Les rites de purification sont aussi anciens que les systèmes religieux et philosophiques eux-mêmes. En Franc-maçonnerie, les purifications se justifient car le postulant est remonté de la terre – du Cabinet de Réflexion – premier stade de sa renaissance où il a subi une putréfaction de la graine. L’épreuve de la terre est un emblème qui signifie la mort du vieil homme indispensable à la germination de l’homme nouveau. Ainsi, en certaines circonstances, l’impur vient de la terre.

     

    Les épreuves des quatre éléments dans d’autres Rites

    Le Rite Français fait subir au Récipiendaire une triple purification par l’eau ; une double purification par l’air et une seule purification par le feu. Il semble ainsi donner, implicitement, le nombre quatre à l’élément terre et réaliser la « Tetraktys » pythagoricienne. La Tetraktys, qu’il ne faut pas confondre avec le nombre quatre, est la série des quatre premiers nombres dont la somme est égale à dix. Elle avait, chez les pythagoriciens, un caractère sacré. Considérée en elle-même, la Tetraktys, par les nombres qui la composent, résume tous les enseignements relatifs au monde créé :

    • l’esprit créateur

    • la matière

    • l’union de l’esprit et de la matière

    • la forme créée.

    En réalité, le Récipiendaire n’accomplit pas trois voyages mais quatre. Le premier est celui qui le mène du Cabinet de Réflexion à la porte du Temple. Arrivé à cette porte il est virtuellement deux fois né. En sortant du Temple sera-t-il vraiment en possession de la nouvelle naissance symbolique ? Lui seul est capable de répondre, car lui seul est capable de « vouloir » sincèrement qu’il en soit ainsi.

    Au Rite Écossais Rectifié, on estime que l’épreuve de l’air est vécue par le néophyte au cours de ses pérégrinations dans le Temple.

    En se référant aux trois premiers jours de la Création, on s’aperçoit que le premier jour a eu lieu la séparation des ténèbres et de la lumière (feu). Le deuxième jour se produit la séparation des eaux (eau). Enfin le troisième jour apparaissent les continents (terre). C’est vraisemblablement dans cet esprit que le Rite Écossais Rectifié a choisi les éléments et leur ordre dans les voyages.

    A l’inverse, dans d’autres rites, qui présentent les éléments air, eau et feu, on pense que l’épreuve de la terre se vit dans le Cabinet de Réflexion et là uniquement. Ainsi, au Rite Écossais Ancien Accepté on considère que l’élément terre fait partie du monde profane. Le candidat fait son travail d’introspection avant son entrée dans le lieu sacré qu’est la Loge.

    Pour le Rite Écossais Rectifié, le candidat n’est plus tout à fait un profane car il a franchi la porte du Temple.

    Malgré les divergences apparentes, le message de l’élément terre est le même pour tous les rites maçonniques : il convient d’effectuer un mouvement vers soi, vers l’intérieur, afin de pouvoir trouver sa vraie nature. Il faudra alors s’en dépouiller pour renaître à une nouvelle vie.

    Au Rite Écossais rectifié, comme le postulant ne subit pas l’épreuve de la terre, il est accueilli dans une Chambre de Préparation. Il accomplit les trois voyages dès son entrée dans la Loge. Lors du premier, il a la qualité de Cherchant et est purifié par le feu. Au deuxième voyage, il est considéré comme Persévérant et est purifié par l’eau. C’est pourquoi, lors du troisième voyage, il est invité à palper de la terre friable contenue dans un vase. On lui explique que le grain mis en terre reçoit la vie mais que par contre le grain altéré subit la putréfaction. Cette mise en garde lui enseigne la polarité positive et négative incluse dans tout symbole ou combinaison symbolique.

     

    Tentons à présent d’approcher le symbolisme de ces différents éléments.

     

    Le symbolisme de la terre

    Universellement, la terre est une matrice qui conçoit les sources, les minerais, les métaux. La terre est vue comme un creuset d’où émerge le règne végétal, puis viennent les autres formes de vie.

    A l’âge d’or, les hommes naissent de la terre, comme les blés dans un champ creusé de sillons.

    La terre symbolise la fonction maternelle. Elle donne et reprend la vie. Très tôt, la terre a été assimilée à la femme, et de nombreuses sociétés établissent des analogies entre le travail de la terre et la procréation. Assimilée à la mère, la terre est un symbole de fécondité et de régénération.

    Selon les rites auxquels l’un et l’autre existent, la terre et le Cabinet de Réflexion sont un seul symbole ou des symboles séparés.

    La terre dont il s’agit est le minéral et non la planète.

    Lorsque le passage dans le Cabinet de Réflexion se substitue à l’épreuve de la terre (palper de la terre ou s’agenouiller dessus), il est le symbole de la terre dans la mesure où son étroitesse, la couleur noire de ses murs sans fenêtre, la durée pendant laquelle le futur Apprenti y est enfermé avec une bougie pour éclairage unique, concourent à faire de cet espace sombre et caverneux un lieu de séjour souterrain propice à l’introspection, à la concentration mentale ou, plutôt, une matrice favorisant la gestation féconde d’un être nouveau, régénéré, qui entreprend une longue descente en soi, qui commence un immense chemin initiatique.

    Plus impressionnant pour le candidat que de toucher un peu de terre, le Cabinet de Réflexion le prépare, sans qu’il s’en rende compte, à explorer son moi en un parcours vertical.

    En sa qualité d’élément, de principe fondateur, la terre – Cabinet de Réflexion symbolise les ténèbres de l’inconscient qu’une faible lueur éclaire pourtant : celle encore occultée de la Conscience – Energie dont le profane, enfoui dans cette prison tellurique, va devoir peu à peu augmenter en lui le rayonnement. Ne faut-il pas que le grain « meure » en terre pour y germer puis s’épanouir sous la lumière du jour ?

     

    Le symbolisme de l’air

    Dès les premiers mots, la Genèse exprime l’idée que la Création est imminente. Elle parle de tohû et de bohû, le désert et le vide, des ténèbres qui couvrent l'abîme, et d’un vent de Dieu qui tournoyait sur les eaux. Ainsi donc, tout vient du souffle de Dieu qui permet au chaos de s’organiser.

    Le sixième jour, Yahvé crée l’homme. Là encore, c’est le souffle de Dieu qui est créateur. L’air est l’élément qui permet la transmission. Les ondes sonores se meuvent dans l’air et agissent sur l’ouïe. L’air permet la relation entre le ciel et la terre, et entre la terre et le ciel. En ce sens, sa symbolique rejoint celle de la colonne.

    L’air évoque la légèreté, la grâce. Il s’oppose à la pesanteur, à la gravitation, au terrestre et au matériel.

    L’air est par excellence l’élément léger, libre et immatériel. Rien d’étonnant, par conséquent, qu’il soit comparé à la finesse, à la subtilité de « l’esprit », d’un état d’être spirituel, intangible, impalpable.

    Pour quelques symbolistes, quand Dieu souffle dans la narine de l’homme, il ne lui communique pas seulement la vie, il lui donne en outre la faculté, le pouvoir de rêver, c’est-à-dire la possibilité de quitter le réel.

    Pas plus qu’un être humain n’a jamais vu Dieu, personne n’a jamais vu l’air physique ou même ses manifestations : vent, souffle, courant, son, parfum… mais seulement les effets de ses manifestations, des mouvements pour la plupart, arbres qui bougent, frissons sur la peau, vols d’oiseaux ou d’avions, vibrations auditives, autrement dit des déplacements provoqués par des énergies omniprésentes sur terre et dans le cosmos mais indécelables telles quelles.

    C’est pourquoi on peut se demander si l’air n’est pas le symbole le plus fidèle de toutes ces énergies, le symbole de la Lumière dynamique.

    Le Rite français et le Rire Écossais Rectifié ne procèdent pas à la purification par l’air. Cette purification accomplie dans la plupart des autres rites est considérée comme une faute initiatique née d’amalgames résultant d’altérations des rituels au 19ème siècle. Faute, car l’air est de Dieu soi-même. Il est la manifestation perceptible du souffle vital porteur de l’influence immatérielle de la force qui inspire, anime et crée.

    Le souffle est l’esprit de Dieu qui couve sur les eaux primordiales de la Genèse. Souffle et Verbe sont indissociables en ésotérisme. L’un véhicule l’autre. C’est pourquoi, lors de la fermeture des travaux, on éteint les bougies à l’aide d’un éteignoir et en aucun cas on ne les souffle ! Par sa nature le souffle humain est impur et souille ce qu’il touche.

     

    Le symbolisme de l’eau

    Le symbolisme de l’eau est présent et très riche dans toutes les civilisations traditionnelles, non seulement à cause de l’importance de l’eau pour la vie mais aussi à cause de ses multiples aspects. Les significations symboliques de l’eau peuvent se réduire à trois thèmes dominants : source de vie, moyen de purification, centre de régénérescence.

    Le symbolisme de l’eau est maintes fois évoqué dans la Bible où elle est présentée sous différentes formes : rosée, pluie, déluge, source, torrent, puits, fontaine, fleuve, mer. A chacune de ces formes correspond une symbolique.

    Dans la Genèse, l’eau est source de vie. L’eau est à l’origine de la Création. Toute vie est issue d’elle. Elle est la mère avant l’émergence de la terre. Indispensable à la vie terrestre, l’eau de mer semble avoir été, d’après les recherches scientifiques les plus sérieuses, à l’origine des premières cellules biologiques.

    Dans les traditions juives et chrétiennes, l’eau symbolise d’abord l’origine de la création. Symbole de pureté et de vertu, elle est un don de Dieu en tant que source de vie. Les Orientaux ont regardé l’eau comme un symbole de bénédiction car elle permet la vie. Mais elle est aussi l’emblème de la sagesse en tant que principe de la création. Avant tout symbole de vie dans l’Ancien Testament, l’eau est devenue symbole de l’Esprit dans le Nouveau Testament.

    Cet élément liquide suscite diverses interprétations. L’eau est aussi ce qui permet la vie de continuer, de s’organiser. A son aspect vital s’ajoutent les aspects purificateur (eau lustrale) et régénérateur (eau de pluie) ou générateur (eau de source), voire destructeur (inondation, noyade, déluge).

    Dans le rituel maçonnique, l’eau purificatrice, en tant qu’élément fécondant de l’âme, introduit à l’approche de l’Un, dont chacun de nous est par delà sa « momentanéité » terrestre un fragment. La purification par l’eau rappelle aussi au postulant celle de la matrice maternelle d’où émerge spirituellement pour vivre une nouvelle naissance.

    Presque toutes les religions font appel à l’eau pour les rites de purification : par libation, aspersion, simple contact, ablution ou immersion.

    Dans l’épreuve de l’eau que nous subissons lors de notre Initiation, ce sont plutôt ses significations purificatrice et régénératrice qu’il faut considérer car elles complètent les interprétations de la terre.

     

    Le symbolisme du feu

    Le feu est devenu symbole de purification et toutes les religions, dans leurs rites, font appel à cette symbolique souvent associée à celle de l’eau pour signifier la présence divine. La purification par le feu est complémentaire de celle par l’eau.

    On ne peut cependant ignorer que les rapports entre l’homme et le feu sont ambigus. Positivement, il est source de chaleur bienfaisante pour notre corps et l’aide à se nourrir par la cuisson de certains aliments. Aveugle, il devient incendie répandant le malheur sur son passage. L’imagerie chrétienne associe d’ailleurs le supplice des flammes éternelles à l’enfer. Donc, modéré, il vivifie ; violent, il tue.

    Il existe deux types de feu : le feu naturel contenu dans la matière et le feu contre nature obtenu par des moyens de combustion. C’est pourquoi la bougie utilisée pour la purification devrait être en cire d’abeilles et allumée au cierge du haut flambeau représentant le Maître de la Loge.

    Lors de la purification par le feu, au cours du troisième voyage, le postulant devrait prendre conscience de la dualité positive et négative de cet élément. Il comprendrait alors que le combat le plus pénible est celui que l’on entreprend contre soi-même.

    La purification par le feu, tel le soleil par ses rayons, symbolise l’action fécondante et illuminatrice. D'où l’importance implicite du feu dans le symbolisme maçonnique.

    Dans le rite initiatique, la purification par le feu est en rapport avec le feu intérieur, symbole de l’énergie mentale, qui anime la volonté de l’initié de se perfectionner. Symbole des flammes incendiaires qui libèrent le Maçon de ses vices les plus contraignants et qui détruisent ses passions, le feu allume dans le cœur du postulant l’amour de ses semblables. Ce feu intérieur nait de l’étincelle produite par le contact de la flamme sous la paume de la main.

    Le feu est la vraie connaissance, la vraie lumière. Ce feu est celui qui anime l’épée flamboyante et l’étoile flamboyante. Il est allumé par l’Initiation et nourri par l’enseignement des symboles et le vécu maçonnique. Dans la Loge, le feu incarne la présence du Grand Architecte. Bien qu’éteint entre chaque tenue, il est toujours le même, car allumé à l’Orient.

     

    Une interprétation du sens des quatre éléments

    Dans les pages qui suivent, j’ai synthétisé l’interprétation d’Alain Pozarnik au sujet du sens des quatre éléments, un des rares auteurs Maçons à l’avoir exprimée avec autant de développement. Je laisse à chacun la liberté d’apprécier cette interprétation.

    Pour découvrir le mystère immuable de la vie, la voie maçonnique considère, avec toutes les autres traditions, qu'il suffit de contempler la vie à l’œuvre en soi. Dans son fond l'homme dévoile la paix et l'amour. Pour percevoir la lumière de la vie en soi, il faut être silencieusement en contact avec son être ; si l'on est silencieux, l'attention éveille la conscience du soi infini. C'est au-dedans de lui-même, dans sa caverne secrète que se trouve son être et c'est dans cet être que brille la lumière.

    Le travail de l'Apprenti consiste à descendre en lui pour observer les obstacles qui emprisonnent son être, à voir comment naît le monde factice qui pollue son esprit, à préparer l'éveil de son être.

    La Franc-maçonnerie présente une voie aux sédiments traditionnels, intuitivement intelligible. La transmission par symboles englobe le monde rationnel et éveille une connaissance omnisciente qui pénètre le cœur de la vie et révèle l'essence ordinairement inaccessible par la simple analyse des choses.

    Le rituel d'initiation au grade d'apprenti reprend la vieille théorie grecque des quatre éléments pour indiquer au récipiendaire qu'il doit désormais s'efforcer de connaitre la nature quaternaire de la matière qui le constitue.

    Les quatre voyages de l'Apprenti sont :

    • la Terre, symboliquement le corps,

    • l'Air, symboliquement l'intellect,

    • l'Eau, symboliquement les fonctions instinctives,

    • le Feu, symboliquement l'affect.

    L'étude de soi en vue de se connaitre commence par un voyage d'étude des quatre fonctions principales que sont :

    • la fonction motrice du corps physique,

    • les fonctions intellectuelles,

    • les fonctions instinctives,

    • les fonctions affectives (ou émotionnelles).

     

    Connaissance du corps

    Le point de départ de tout chemin spirituel est donc tout naturellement la connaissance du corps dans lequel l'Apprenti cherchera peut-être un jour la trace du souffle divin. La connaissance de soi peut conduire à la rencontre consciente de l'éternité et de l'éphémère.

    Pour le Maître « parfait », s’il existe, se connaitre, c'est posséder la dimension universelle, la sentir vivre en soi, en son cœur par delà les limites du monde de la multiplicité et de la dualité.

    L'initiation n'est pas une réflexion théorique sur la vie mais une attitude intérieure de vie, une perception, un contact direct avec la vie qui peut, après maturation, favoriser la réflexion mais pas l'inverse.

    Prendre conscience de la vie en s'appuyant sur la perception de la vie dans le corps éduque l'attention à se tourner vers l'intérieur, à se diviser entre le pôle extérieur et le pôle intérieur, c'est proprement apprendre à avancer sur la Voie Royale qui conduit au centre.

    Le corps physique et ses fonctions remplissent le rôle d'un pont entre lui et l'être intérieur qui remplit à son tour le rôle de pont entre lui et l'homme de Lumière. C'est ce cheminement qui constitue la voie initiatique.

    Établie au centre de l'homme de Lumière, la conscience se relie au centre de tout être et de toute vie sur terre. L’initié‚ devient alors un homme d'amour objectif, baigné‚ par la lumière incréée. C'est ce chemin que l'Apprenti entreprend à travers son corps pour espérer rejoindre un jour son essence absolue.

    Une part importante du travail initiatique consiste à effacer les souvenirs inconscients qui blessent le corps afin de lui donner une parfaite disponibilité, une parfaite transparence, une parfaite ouverture, pour vivre consciemment le moment présent.

    Assis à sa place, silencieux, l'Apprenti poursuit l'observation de son corps et imprime volontairement un relâchement à ses muscles pour laisser son regard pénétrer de plus en plus profondément en lui-même. L'Apprenti commence à percevoir enfin les circulations d'énergie en son corps qui devient habité.

    En définitive, le regard sur le corps en vue de se connaitre n'a pas pour but l'amélioration du fonctionnement du corps mais la connaissance et l'amélioration de ses fonctionnements en vue d'un  dépassement de ses limites pour sentir vivre les énergies cosmiques. Ces énergies concrètement ressenties équilibrent et libèrent le corps physique en l'irradiant d'une force consciente.

    L’œuvre de l'initié, qui a correctement accompli sa tâche d'Apprenti, est de réaliser consciemment la transparence du corps et de ses sens pour que vive l'âme intérieure alors qu'il est encore en pleine possession de tous ses moyens. L'initié concrétise consciemment le parcours d'un chemin naturel que le temps lui fera de toute manière parcourir.

     

    L'épreuve de l’air

    La deuxième étape lors de l'initiation, conduit le récipiendaire à traverser l'épreuve de l'air, symboliquement liée à l'esprit, à l'intellect, au mental.

    La difficulté de se connaitre en connaissant son mental, réside dans le fait que c'est l'intellect qui cherche à se connaitre. La pensée qui s'observe ne peut pas s'analyser, et si jamais elle tentait de le faire, elle serait limitée par ses propres capacités. Aller à la recherche de son mental exige dans une première observation, de voir de quoi est faite notre pensée ordinaire.

    L'Apprenti qui observe avec vigilance et neutralité sa pensée, voit ses fonctionnements tels qu'ils sont et non tels qu'il aimerait qu'ils soient ou tels que le regard des autres lui fait croire qu'ils sont ; l'Apprenti remarque que sa pensée est conditionnée et qu'en s'identifiant à elle, il devient lui aussi conditionné. La réalité du monde manifesté échappe à notre entendement au profit du monde créé par le mental.

    Le simple fait d'accepter ce qui existe, ce que notre regard intérieur voit, lui permet de ne pas s'accrocher, de ne pas refuser et de descendre un peu plus profondément pour éclairer la réalité. La tolérance au grade de l'Apprenti n'a pas d'autre but.

    Tolérer, c'est reconnaître ce qui est et non tout accepter même le pire. L'Apprenti a besoin d'un esprit intelligent et vigilant qui préserve son but. La tolérance sur son chantier maçonnique actuel n'a pas le sens mondain ou philosophique usuel mais veut dire connaitre sans réagir pour approfondir la cause, porter un regard tolérant et bienveillant sur l'objet de sa recherche pour voir, vraiment voir et seulement voir.

    En s'exerçant à la manipulation du compas, outil des Maîtres Maçons, l'Apprenti constate que l'ouverture de son esprit est limitée par les conditionnements sociaux, familiaux et éducatifs dans lesquels il a vécu.

    En ouvrant davantage encore les branches du compas, en élargissant le cercle de ses investigations sur le fonctionnement de son mental, l'Apprenti découvre qu'il est le jouet d'un autre conditionnement sournois : la propension à la comparaison. Cette manie de la confrontation agite l'esprit. Elle enfante la jalousie, l'intolérance et l'agressivité ; elle défigure la réalité et fragmente le rythme de la vie. Les pensées ainsi générées conditionnent les attitudes comportementales de l'Apprenti, tuent l'amour et détruisent le pouvoir créatif.

    La critique engendre généralement une fermeture et une vision superficielle de la situation. Quant à l'autocritique, il convient de ne pas l'assimiler au travail d'observation de soi de l'Apprenti. L'autocritique engendre un jugement et une comparaison qui bloquent le processus de vision de l'ego.

    C'est au moment où le mental de l'Apprenti lui souffle des raisons valables d'abandonner ou de dévier son travail initiatique qu'il est nécessaire de persévérer pour progresser.

    Le premier travail que l'Apprenti peut effectuer pour tailler son mental, lorsqu'il a clairement vu ses mécanismes de fonctionnement, est un travail de pacification pour le conduire vers le silence qui règne dans son champ opératoire. Il se rend compte alors qu'il n'a aucun pouvoir pour diriger sa pensée. L'Apprenti ne tient pas encore avec suffisamment de science son ciseau et son maillet.

    L'art du regard initiatique au grade d'apprenti n'est pas de créer ce qui n'existe pas, mais au contraire, de voir sans perturbation, les fonctions vitales.

    Notre mental fractionne la réalité. Par ce fractionnement automatique, le cerveau fractionne notre perception de l'espace et du temps en une multitude de réalités antinomiques qui nous éloignent de la perception de l'unité cosmique universelle.

    S'il veut aller trop vite, s'élever au-dessus de la matière sans l'avoir sérieusement observée, comprise et dominée, l'Apprenti risque de n'avoir pas assez d'éléments de connaissance de soi pour atteindre la conscience de soi.

    Savoir sans expérimenter accroît la confusion et l'illusion. Si l'attention ne transforme pas radicalement sa pensée, l'Apprenti pourra exprimer de merveilleuses idées mais son comportement dissocié demeurera toujours non conforme à sa pensée.

    Pour l'Apprenti ou pour le Maître qui œuvrent sans relâche, la dysharmonie entre la façon de vivre et le produit de la pensée est une vision intime du chemin qu'il leur reste à parcourir.

    La vérité, si l'on observe le mental, c'est qu'il mène sa propre existence, produit ses propres illusions et crée son propre monde chimérique. Tel quel, il nous éloigne toujours de la réalité. Pourtant l'intellect est l'outil de connaissance par excellence. Aussi devons-nous connaitre l'état actuel de cet élément pour le purifier et le rendre apte à remplir son vrai rôle dans notre initiation finale.

     

    L'épreuve de l’eau

    La troisième étape de l'initiation conduit à l'épreuve de l'eau, symbole des fonctions instinctives qui se manifestent en nous.

    Nos fonctions instinctives se nourrissent directement à la source du Grand Architecte de l'Univers et s'ordonnent conformément aux lois naturelles de cet univers.

    Nos organes vitaux puisent leurs énergies à l'arbre de vie qui leur dispense le rythme cosmique sans que nous ayons à intervenir.

    Ordinairement, dans la société occidentale actuelle, la spontanéité est considérée comme une vertu. Pour l'Apprenti qui commence à comprendre les différents niveaux de réalité, être spontané c'est devenir capable d'être toujours et partout en harmonie avec les lois d'amour des forces universelles pour être automatiquement leur porte-parole.

    Cela mérite quelque prudence et l'observation attentive de l'expression de la spontanéité la plus élevée ou plus simplement de la manifestation de « l'instinctivité » de notre fonctionnement organique.

    L'évolution spirituelle nécessite une lente progression plutôt que le rêve d'une action spectaculaire qui n'arrivera jamais.

    Aller à la recherche de la sagesse et de la connaissance exige une lente pénétration dans le monde parce que c'est dans le monde que se cache la lumière.

    Le cheminement maçonnique de l'Apprenti au Maître s'effectue en se dirigeant de la lumière matérielle vers la lumière spirituelle. La lumière naturelle de départ est d'une extrême importance, elle constitue la réalité sur laquelle le regard se pose pour s'élever progressivement vers la lumière immanente.

    Dès que l'Apprenti marche vers la lumière, il comprend qu'il ne peut accepter que sa bonne ou sa mauvaise humeur dépende de ses idées ou du fonctionnement automatique d'un organe. Il lui appartient de corriger une tendance comportementale qui ne correspond en aucune manière à l'être qu'il sent parfois vivre en lui. L'Apprenti assume la lumière lorsqu'il combat les ténèbres.

    L'édifice maçonnique repose sur le même ensemble logique que la pyramide cellulaire, du plus simple au plus complexe. A la base, nous trouvons l'homme, engendré par la multiplicité et perdu dans la temporalité, ensuite la loge, réunion ou assemblage de plusieurs hommes où chacun a une fonction précise pour que le temple vive, enfin l'obédience, gardienne de la lumière, qui œuvre pour qu'en bas, dans la loge, chacun des frères puisse édifier son temple intérieur universel.

    L'énergie de l'obédience se manifeste par l'énergie de chacun des frères, comme l'énergie de chacun des frères se manifeste par l'énergie cosmique en chacun de ses organes.

    Nous avons besoin d'une attitude droite, axée sur la colonne vertébrale comme un fil à plomb.

    Dans le temple, lors de ses déplacements scrupuleusement codifiés, l'Apprenti peut garder une attention sur ses organes, sur les attitudes automatiques de son corps et les rectifier en fonction de la perception des énergies qu'il sent circuler en lui. Il s'agit de laisser l'être intérieur trouver sa place, ce qui générera une attitude juste.

    Il y a là toute une conscience nouvelle à acquérir dans nos maintiens et déplacements. Cette prise en considération de la vie intérieure est une attitude d'amour et de respect qui s'exprime vis-à-vis de nous-mêmes mais surtout vis-à-vis des énergies naturelles en action. Une telle préoccupation exerce au discernement et conduit à la sagesse.

    Grâce à sa présence régulière, à son écoute qu'ensemence la parole de ses frères en son cœur, grâce à son attention vigilante exercée dans le temple et à l'extérieur, l'Apprenti, passé Compagnon, puis élevé Maître, sentira dans la sphère énergétique des lieux organiques, un point de jonction entre le matériel et le spirituel, alors, et alors seulement, il comprendra ce qu'est la connaissance puis la conscience de ses fonctions instinctives qui coulent en lui comme l'eau universelle.

     

    L’épreuve du feu

    Le Récipiendaire, à la dernière étape de son voyage initiatique, subit l'épreuve du feu, quatrième élément qu'il doit affronter, connaitre et transcender.

    Le feu, c'est la force évolutive, la lumière et l'esprit qui créent. Le feu anime, purifie,  transforme et dresse vers le ciel. Il est à la fois énergie de l'âme et nature de l'âme. Le feu qui anime le corps et le mental de l'homme ordinaire brûle dans le centre émotionnel.

    Pour le pèlerin engagé sur le chemin de la Vérité, comprendre comment le feu alimente les forces négatives qui ravagent son mental et assèchent son cœur devient une nécessité s'il veut espérer, un jour, canaliser la seule force capable de transformer ses émotions en des sentiments qui lui ouvriront la porte de l'initiation. Mais la possession de sentiments n'a rien à voir avec l'explosion automatique des émotions.

    Pour tailler la Pierre brute de ses émotions et les éroder en douceur mais avec fermeté, l'Apprenti utilise le Maillet et le Ciseau, outils que la Franc-maçonnerie met à sa disposition. Avant de donner son premier coup de Maillet, l'Apprenti observe attentivement les constituants de son bloc de pierre ; il devine leur force de résistance pour déterminer l'action à entreprendre et adapter son travail de rectification à la solidité des obstacles.

    Attaquer ses émotions ne veut pas dire entrer en conflit avec soi-même, refuser ce qui existe et le condamner brutalement au profit d'un idéal. Le but est de nous voir et de nous réconcilier avec nous-mêmes, avec ce que nous sommes, tels que nous sommes, en toute simplicité‚ dans une nouvelle perspective, celle de l’accès à l'homme authentique, à notre essence fondamentale.

    L'Apprenti tente de passer du bon sens profane à la réalisation d'une aspiration profonde et s'engage avec résolution dans l’œuvre initiatique. Parce qu'il a cru sentir en lui-même la présence d'une autre dimension, il cherche comment domestiquer le feu de ses émotions pour que ce feu serve à lutter contre le feu et alimente sa propre flamme.

    Pour connaitre notre centre affectif et ne plus être esclaves de son fonctionnement impulsif, la première décision à prendre est de le désirer de toutes nos forces et de toute notre âme, puis de rassembler toute la conscience dont nous pouvons disposer pour prendre le risque de douter et de remettre en cause toutes nos idées et toutes leurs justifications.

    En comprenant de manière très consciente, avec une attention excessivement vigilante le mécanisme d'une peur ou d'un désir, nous pouvons éliminer toutes les peurs et tous les désirs, car le mécanisme est toujours le même, chaque peur contient toutes les peurs, chaque désir contient tous les désirs, chaque colère contient toutes les colères.

    L'Apprenti qui veut vraiment voir le mécanisme de ses émotions demeure silencieux face à sa colère ou face à toute autre émotion. Dans ce long face à face, il découvre la source d'un conflit entre deux éléments intérieurs.

    D'une manière générale, la dualité émotionnelle naît lorsque l'on compare ce qui est présent, ce qui existe avec ce dont notre mental nous souffle qu'il devrait exister. L'émotion prend sa source dans le refus.

    Au cœur de la Loge, le Pavé mosaïque symbolise - en partie du moins - la dualité, dualité de nos pensées, de nos émotions, de notre corps, mais aussi dualité de la création.

    Parmi ses Frères, l'Apprenti peut travailler efficacement à la connaissance de soi sans se laisser emporter par ses émotions négatives.

    La Loge est un espace privilégié où chacun vient librement et sans en attendre quelques avantages. Il n'y a pas de compétitions durcies par le désir de l'avoir, et la règle tacite veut qu'il y règne une ambiance chaleureuse et fraternelle. C'est dire qu'il n'y a pas de place pour l'expression des émotions négatives.

    Les vrais sentiments viennent du cœur, de l'espace intérieur où la sphère du cœur de l'homme rencontre la sphère du cœur invisible du cosmos. Les relations humaines sont une communion directe de cœur à cœur.

    Lorsque l'intelligence du cœur ordonne, c'est uniquement pour le bien de l'autre, pour que soit respect‚ l'ordre universel ici et maintenant, dans le présent immédiat.

    Tel est le point de vue d’Alain Pozarnik au sujet du sens des épreuves initiatiques réunies au cours des trois – ou quatre – voyages symboliques de la cérémonie d’Initiation. Les épreuves initiatiques de la terre, de l’air, de l’eau et du feu ont pour fonction de purifier le profane de tout ce qui jusqu'alors n’était pas en accord avec l’éthique maçonnique (conceptions, pensées, passions, penchants, pulsions…). Il s’agit d’une rupture franche et profonde avec ce qu’était son existence jusqu'à présent : c’est le passage de l’obscurité profane à la lumière sacrée.

     

    Il est temps de conclure, du moins provisoirement, car la présente recherche peut à tout moment être remise en question.

     

    Pour conclure, du moins provisoirement

    La terminologie maçonnique emploie généralement le terme « élément » pour désigner l’un des quatre principes essentiels qui président à la vie de l’homme et qui sont : l’air, l’eau, le feu, la terre. Par le biais de notre Initiation, puis au long des travaux en loge qui dureront toute notre vie de Franc-maçon nous apprenons à connaitre et découvrir ces différents éléments. Nous sommes également amenés à reconnaître leur valeur symbolique et la dimension ésotérique de chacun d’eux. Puisse la présente recherche y avoir contribué, du moins ouvert la voie.

    Les épreuves sont les étapes physiques et symboliques par lesquelles nous avons dû passer en recevant l’Initiation avant d’être accepté dans notre loge comme Frère Maçon. Ces épreuves, par les conditions de réflexion qu’elles suscitent, ont pour fonction de nous mettre dans un état de réceptivité maximale pour nous amener à transcender et projeter spirituellement notre existence, d’abord dans le cadre de notre loge maçonnique puis dans tous les autres compartiments de notre vie.

    Il me semble que le message symbolique des épreuves initiatiques réside en ceci : il faut avoir « vécu » les éléments pour pouvoir s’en affranchir et les dépasser. Cela ne veut pas dire que le matériel, la philosophie, la religion n’existent plus. Nous ne les renions pas. Nous avons conscience de leur utilité, mais nous agissons désormais sur un autre plan.

    Nous qui voulions recevoir la Lumière et accéder au plan d’une vie supérieure, nous devions être purs comme l’enfant qui vient de naître. En nous prêtant à l’épreuve de la terre, nous avons manifesté que telle était notre ambition la plus chère et c’est pourquoi nous avons demandé à être reçu Maçon. Mais la Vraie Lumière, celle qui éclaire l’esprit et réchauffe le cœur, ne se confère point ; il nous faut la conquérir. Mais au préalable, nous devions nous purifier de la vie.

    Lors de notre Initiation, nous avons donc subi des épreuves purificatrices. L’épreuve de l’air, qui est associé symboliquement à l’approche philosophique et à l’intellectualité, a pour fonction de nous aider à devenir maitre de notre esprit pour accéder aux plus hautes sphères de la compréhension et de la spiritualité. En subissant l’épreuve de l’eau, nous avons été symboliquement lavés de nos imperfections, de nos égarements.

    Dans le cadre maçonnique, le feu est présent par sa relation avec la maîtrise nécessaire pour le dompter et surtout la lumière qu’il prodigue. La Lumière étant assimilée à la Connaissance, le feu devient instrument de connaissance et acquiert ainsi une dimension symbolique de toute première valeur. Il est celui qui éclaire, qui illumine, qui transforme les ténèbres en champ lumineux, qui permet de voir, donc de savoir. C’est un révélateur de l’essence des choses à part entière. Quant à  l’épreuve du feu, elle a probablement pour but nous faire comprendre que l’adolescent que nous étions est devenu homme, que le Compagnon est devenu Maître, que les symboles ont parlé et que la vérité éclaire notre conscience.

    R:. F:. A. B.

    Bibliographie

     

    Alban Gilbert - Guide de l’Apprenti

    Editions Detrad, Paris, 1996

     

    Béresniak Daniel - L’apprentissage maçonnique, une école de l’éveil ?

    Editions Detrad, Paris, 1983

     

    Béresniak Daniel - Rites et symboles de la Franc-maçonnerie

    Tome I : « Les Loges Bleues » - Editions Detrad, Paris, 1997

     

    Boisdenghien Guy - La vocation initiatique de la Franc-maçonnerie

    Sentiers de la Tradition - Editions L’Etoile, Bruxelles, 1999

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995

     

    Chevalier Jean et Gheerbrant Alain - Dictionnaire des symboles

    Editions Robert Laffont – Jupiter, Paris, 1999

     

    Ferré Jean - Dictionnaire des symboles maçonniques

    Editions du Rocher, Monaco, 1997

     

    Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1994

     

    Guigue Christian - La formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 1995

     

    Pozarnik Alain - A la lumière de l’Acacia, du profane à la maîtrise

    Editions Dervy, Paris, 1995

     


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  •  Des Ténèbres à la Lumière 

    Introduction

    Je vous propose un voyage entre les Ténèbres et la Lumière, un voyage qui me permettra d’aborder successivement :

    1. le sens que nous pouvons donner aux Ténèbres, de notre point de vue de Maçons ;

    2. le symbolisme de la Lumière dans notre langage maçonnique ;

    3. le symbolisme des deux astres auxquels se réfèrent nos deux Colonnes, le Soleil et la Lune ;

    4. le symbolisme du feu,

    5. et enfin le passage des Ténèbres à la Lumière tel que nous l’entendons lorsque nous Initions un Profane.

     

    Les Ténèbres

    Les Ténèbres : voilà un mot fréquemment employé dans le langage des Francs-maçons en diverses occasions :

    • négativement, elles désignent le contraire de la Lumière maçonnique ;

    • positivement, elles évoquent l'obscurité nécessaire au retrait de la vie et à la pensée, dans le Cabinet de Réflexion où séjourne celui qui subit la première des épreuves de l'Initiation (l’épreuve dite « de la Terre ») ;

    • enfin, elles désignent une étape nécessaire qu'un Maçon doit vivre et traverser, tel un tunnel avant de parvenir, par le biais de l'Initiation, au grade suivant dans sa trajectoire maçonnique.

    Pour Christian Guigue, « tout ce qui relève du monde profane, matérialiste, de la non connaissance initiatique constitue le domaine d’élection des Ténèbres ».

     

    La Lumière dans le langage maçonnique

    Les sens abstraits du mot « lumière » et de ses dérivés dans le langage courant peuvent nous aider à la transposition de la lumière exotérique à la Lumière ésotérique.

    Avoir une lueur d’espoir, faire la lumière sur une affaire, être lucide, entendre un exposé lumineux, éclairer un débat… sont autant de métaphores qui indiquent l’achèvement d’états abstraits, intellectuels ou affectifs, qui étaient obscurs, embrouillés, angoissants, ou bien la présence d’un état de clarté consciente.

    Quant aux « Lumières » du 18ème siècle, elles traduisent le mouvement philosophique qui prôna la suprématie du raisonnement sur les croyances religieuses et la certitude des faits sur les spéculations cérébrales entre autres caractéristiques de cet humanisme aujourd'hui dépassé par les découvertes scientifiques et l’avènement de la psychologie.

    A leur époque, « les Lumières » ont néanmoins eu le mérite de clarifier un certain obscurantisme dans lequel des populations étaient plongées depuis longtemps.

    Enfin, la lumière, physique ou imaginaire, est signe de disparition du sombre, du brumeux, du nuageux, d’effacement de l’imprécis, de libération de l’occulte, de l’énigmatique, du mystérieux.

    Si vous voulez bien vous rappeler que la lumière joue un rôle fondamental dans la constitution même de la matière-énergie et dans la circulation de l’information visuelle, nous ne devons pas nous étonner qu’elle occupe une fonction centrale dans l’expérience mystique.

    Du latin populaire « luminaria », dérivé de « lumen », qui vient du latin ecclésiastique, pluriel neutre, signifiant lampe, flambeau, astre, le terme « lumière » est employé très fréquemment en Franc-maçonnerie. Il s’applique à des choses assez diverses en apparence.

    La Lumière symbolise les influences célestes et spirituelles. Elle constitue la plus grande partie de l’enseignement initiatique car elle est censée se dévoiler sous ses différents aspects, au fur et à mesure de notre cheminement dans la Voie spirituelle.

    Voici un extrait du « Régulateur du Maçon » (pages 36 et 37) :

    • Pourquoi vous êtes-vous fait recevoir Maçon ?

    • Parce que j’étais dans les Ténèbres et que j’ai désiré voir la Lumière.

    Le fait d’être reçu Maçon est étroitement lié à la réception de la Lumière. L’instruction résume en une question et une réponse ce qui est la raison même de l’admission en Franc-maçonnerie.

    Le terme « Lumière » est omniprésent à plusieurs titres dans le langage des Francs-maçons :

    • d'une manière globale, la lumière a un caractère sacré ;

    • dans le cadre de l'Initiation, plusieurs expressions nous sont devenues familières :

    • Mes Frères, nous ne sommes plus dans le monde profane. Nous avons laissé nos métaux à la porte de la Loge. Élevons nos cœurs en fraternité et que nos regards se tournent vers la Lumière.

    • C'est un Profane qui erre dans les Ténèbres et qui aspire à la Lumière.

    • Etre initié, c'est recevoir la Lumière.

    L'Initiation marque pour celui qui la vit le passage d'un monde à un autre, de l'obscurité à la clarté, de l'inculte à la culture, de l'ignorance au savoir et du profane au sacré.

    L'expression « les fils de la Lumière » est le surnom donné fréquemment aux Francs-maçons par analogie au fait que la démarche maçonnique initiale se veut être une quête spirituelle de la Lumière dans le sens de la recherche de la Connaissance. En se faisant appeler « fils de la Lumière », on peut penser que chaque Franc-maçon se réclame à la fois de la Genèse et du Prologue de saint Jean dans son cheminement initiatique.

    Tentons à présent une approche du symbolisme de la Lumière.

     

    Approche du symbolisme de la Lumière

    Le symbolisme de la Lumière est inséparable de celui des Ténèbres. A toute phase d’obscurité, de ténèbres, suit une phase de lumière, de pureté et de régénérescence.

    Le symbolisme de la sortie des Ténèbres est présent comme une des principales constituantes des rites initiatiques dans toutes les traditions. Le simple exemple du jour qui succède à la nuit est accessible à tous.

    Pour le Franc-maçon, cette expérience initiatique de la Lumière se présente sous un double aspect :

    • à la fois celui d’une prise de conscience progressive du monde environnant où il commence à discerner sa part d’illusions,

    • et aussi celui d’un bouleversement soudain de l’être qui opère une conversion, … une conversion qui le fait sortir d’un univers profane et d’une situation historique conditionnée pour le mettre en quête de la Vérité et de la Lumière de l’Esprit dont il est porteur.

    D'après la Bible, la lumière est aussi le Fiat Lux de la Genèse, l’illumination qui ordonnance le chaos par une vibration sonore créatrice. Selon le Prologue de l'Evangile de Jean – sur lequel nous prenons tous nos engagements maçonniques – la lumière primordiale s’identifie au Verbe.

    Le rituel d’Initiation mène le postulant à sortir progressivement des Ténèbres pour l’amener graduellement à la découverte de la Lumière. Les trois voyages effectués dans la Loge constituent une préparation à cette réception essentielle.

    L’expression «  Parce que j’étais dans les Ténèbres et que j’ai désiré la lumière » peut signifier que, conscient de la multiplicité de la manifestation, l’être qui frappe à la Porte du Temple est en quête de Vérité et de retour à l’Unité principielle, qui correspond précisément au passage des Ténèbres (au pluriel) à la Lumière (singulier).

    La connaissance de la Lumière peut aussi signifier l’ensemble de toutes les vertus.

    Dans certains Rites, comme le R.E.R. ou le R.E.A.A., une « faible lumière » venant de l’Orient du Temple est donnée lorsqu'on ôte une première fois le bandeau des yeux du Récipiendaire, avant que la « pleine illumination » ne lui soit donnée.

    On ne prend conscience de l’existence de la Lumière que par contraste avec les Ténèbres, sa dimension complémentaire. Le point optimum de la lumière correspond à Midi plein, au moment où le soleil est à son zénith, instant précis où symboliquement les Travaux de Loge des Maçons s’ouvrent.

    Ils s’achèvent invariablement à Minuit plein, au moment où la Lune, astre des nuits, peut au maximum exercer son pouvoir de réflexion sur la voûte céleste. C’est à Midi plein que tout Vénérable Maître ouvre les Travaux. Dans certains rites comme au R.E.A.A. par exemple, le V:. M:. demande à tous les participants de tourner leur regard vers la Lumière.

    Lors de la Fermeture des Travaux au R.E.R, à Minuit plein, une injonction est faite par le V:. M:. à toute l’assemblée des Frères présents, se référant à la pérennité de la Lumière initiatique que chacun doit s’efforcer d’entretenir activement :

    • Que la lumière qui nous a éclairés dans nos Travaux ne reste point exposée aux regards des profanes !

    Au Rite moderne, tel qu’il a été arrêté par la Commission des rituels de notre Obédience, le V:. M:. ne peut dire que :

    • La Lumière luit dans les Ténèbres !

    Au R.E.A.A., le V:. M:.  peut énoncer le verset complet extrait du Prologue de Jean :

    • La Lumière luit dans les Ténèbres et les Ténèbres ne l’ont point reçue !

    Et un peu plus tard il ajoute :

    • Avant de nous séparer, élevons nos cœurs en fraternité et nos pensées vers le G...A...D...L’ U.... Qu’il inspire notre conduite dans le monde profane, qu’il guide notre vie, qu’il soit la lumière sur notre chemin.

    Toute Loge maçonnique est orientée d’Est en Ouest (du moins symboliquement !) comme tous les édifices sacrés, ce qui rappelle la course du soleil qui est un symbolisme fondamental.

    Lors de la consécration au grade d’Apprenti (« Je te crée, je te consacre et je te reçois Apprenti Maçon… »), le Vénérable Maître, au moyen des vibrations sonores (coups de maillet sur chacun des trois glaives qui entourent le cou du Récipiendaire), réactualise en chacun le « Fiat Lux primordial » créant, recevant et constituant dès lors un nouvel Apprenti. C’est seulement après cet acte de création que le Récipiendaire est revêtu de sa qualité d’Apprenti.

    Mais, finalement, comment comprendre ce symbolisme de la lumière ?

    La Lumière qui éclaire nos Travaux n’est pas celle de l’illumination intellectuelle. L’intellection n’est que l’une des composantes de cette illumination que nous associons à l’Initiation et de cette lumière que nous associons au Travail maçonnique.

    La fonction propre de la lumière est de déployer un « milieu » où les choses et les êtres se donnent à voir. N’est-ce pas d’abord en ce sens que la Lumière « éclaire nos Travaux » ? Dans l’espace de la Loge, qui reproduit l’espace du Monde, comme tout espace sacré, toutes les paroles sont perçues, et l’attention de chacun est dirigée sur leur sens. On laisse leur sens se dévoiler et par conséquent on permet à la vérité de se dévoiler à travers elles.

    L’harmonie de la Loge, lieu de recherche en commun de la Vérité et du Bien, est la manifestation d’une parcelle de cette lumière ; l’harmonie, l’unité de la Loge sont indissociables de cette transparence qu’on appelle Lumière.

    La lumière représente le mode de conscience auquel l’homme peut accéder, lorsqu’il triomphe de l’opacité des pulsions instinctuelles et dirige son regard vers les formes intelligibles qui constituent l’ordre du monde dans son unité, sa vérité et sa beauté.

    En « recevant la Lumière », nous avons acquis la connaissance d’un fait simple et « évident » dont la reconnaissance est au fond de toutes les religions et de toutes les traditions initiatiques, à savoir que nous ne pouvons comprendre et créer que par participation à la Source éternelle de la Conscience et de la Créativité, que nous appelons le Grand Architecte de l’Univers et que le rituel invoque afin qu’il éclaire et protège nos Travaux.

    L’homme ne peut espérer participer au règne de la Lumière qu’à condition de réaliser en lui-même la juste et difficile proportion entre la pensée et le cœur, entre la lucidité et la ferveur.

    Abordons à présent ce ternaire cité dans d’anciens catéchismes : « Soleil, Lune, Maître de Loge », et osons une approche du symbolisme du Soleil et de la Lune.

    Le ternaire « Soleil, Lune et Maître de la Loge »

     

    Approche du symbolisme du Soleil

    La présence du Soleil est ancienne dans les Loges puisque le symbolisme maçonnique est un symbolisme solaire constamment représenté sur les Tableaux de Loge du 18ème siècle.

    Le Soleil éclaire la Colonne du Midi, celle des Compagnons qu’il éclaire dans leur découverte du monde. Principe actif et positif, le Soleil atteint son zénith au moment où les Travaux maçonniques commencent à Midi plein, au moment où il a déjà fait la moitié de sa course.

    Il est symbole du cœur rayonnant sous ses deux aspects, chaleur et lumière, et de la Connaissance. Le Soleil symbolise la connaissance directe, immédiate et intuitive. Il donne l’illumination à la création. Il est source de lumière, de vie active. Ses rayons symbolisent les influences célestes qui éclairent le cosmos. Le Soleil génère la chaleur et engendre aussi la sécheresse. Il est indissociable de la Lune et, avec elle, il présente une alternance complémentaire de la vie et de la mort, du jour et de la nuit, du chaud et de l’humide.

     

    Approche du symbolisme de la Lune

    Les Travaux commencent à Midi et s’achèvent à Minuit plein, montrant bien l’alternance du travail, qui s’effectue idéalement entre la moitié du jour et de la nuit. La Lune est symbolisée dans la Loge par un croissant de cinq jours, amorçant une nouvelle phase ascendante de développement, tout comme le Néophyte qui entame une vie nouvelle par son Initiation. Elle est située en tête de la Colonne du Septentrion, illustrant bien la position de l’Apprenti qui travaille dans l’ombre, dépendant du Maître, mais espoir de renouveau pour lui-même et pour la Loge.

    La Lune réfléchit la lumière du Soleil, de l’esprit, n’ayant pas de lumière propre. Elle est symbole de l’âme du monde, des reflets, de l’apparence subtile de l’être. La Lune symbolise l’imagination et l’ensemble du monde intermédiaire, qui relève du domaine psychique dans la constitution de l’être humain.

    Sa lumière étant indirecte, elle est symbole de dépendance mais aussi de renouvellement par sa réapparition périodique. Chacune de ses phases donne la mesure d’un temps cyclique, celui des semaines et des mois lunaires.

    La Lune symbolise la connaissance indirecte, discursive et réfléchie. Elle contrôle les phénomènes de la fertilité et de la végétation.

    A présent, qu’il me soit permis d’évoquer brièvement le symbolisme du feu car, dans le cadre maçonnique, le feu est présent par sa relation avec la maîtrise nécessaire pour le dompter et surtout avec la lumière qu'il prodigue.

     

    Approche du symbolisme du feu

    La Lumière étant assimilée à la Connaissance, le feu devient un « instrument de connaissance » et acquiert ainsi une dimension symbolique de toute première valeur: il est celui qui éclaire, celui qui illumine, qui transforme les ténèbres en champ lumineux, celui qui permet de voir... donc de savoir. Je dirais donc que le feu est un révélateur de l'essence des choses.

    Ce n'est sûrement pas par hasard si, dans la Loge, ce que l'on nomme les étoiles, qui autrefois guidaient la marche des voyageurs, sont des cierges au sommet desquels brûle le feu. Leur lumière éclaire la quête spirituelle des Initiés Maçons.

    Le feu se veut à la fois d'essence divine, tant il sait être purificateur mais aussi implacable en certains instants, et initiateur par sa faculté à montrer le chemin, à permettre à l'homme de voir et comprendre.

    Il me reste à évoquer la transition, le passage des Ténèbres à la Lumière.

     

    Le passage des Ténèbres à la Lumière

    Passer des Ténèbres à la Lumière, n’est-ce pas être Initié ? L’Initiation au grade d’Apprenti est la plus belle et sans doute la plus riche en substance de toute une vie maçonnique. Les Frères s’accordent généralement à reconnaître que la toute première des initiations est celle qui leur a laissé l’imprégnation la plus profonde.

    Consciente de ses devoirs et après une approche prudente, la Loge a jugé que le Profane, en toute humilité, était digne de la rejoindre. Le candidat a frappé à la porte du Temple et c’est ainsi que, dans les Ténèbres, grandes lui furent ouvertes les portes de la Loge.

    Que fallait-il lui apporter ? « La Lumière ! » fut-il répondu. Et la Lumière lui fut donnée ! La Lumière lui a été donnée, symboliquement. La Vraie Lumière ne lui viendra cependant pas tout d’un coup.

    Avait-il vraiment conscience de vivre dans les Ténèbres ? Connaissait-il sa quête ? Lors de notre propre Initiation, savions-nous réellement ce que nous cherchions ? Pourtant, à chaque fois, le rite mystérieux s’est accompli et la Lumière fut donnée.

    De même que ses yeux ont dû s’accoutumer à la lumière qui a jailli, de même, sa personne devra s’habituer progressivement à l’idéal maçonnique qui est loin de lui avoir été révélé dans son entièreté par son Initiation : ce n’est pas en quelques instants qu’on devient plus sage et meilleur.

    C’est par un travail continu parmi ses Frères, avec eux, mais surtout, par un travail opiniâtre sur lui-même. C’est seulement ainsi qu’il pourra accéder à une connaissance plus grande et plus complète d’abord de lui-même, puis d’autrui. Car c’est en jugulant le repos complaisant et confortable des habitudes égoïstes qu’on perçoit ce qu’on peut apporter à d’autres, peut-être moins favorisés. En les aidant, en leur tendant une main secourable, en les guidant s’ils le demandent, le Maçon augmente la richesse et la perfection dans son cœur.

    La Lumière donnée est donc l’une des clefs d’un enseignement symbolique destiné à nous élever. Mais à nous élever vers quoi ? Que venons-nous chercher en Loge ?

    Est-ce seulement la présence d’une main tendue dans les Ténèbres qui conforte notre solitude ? Ou est-ce plutôt parce que cette main tendue affirme détenir un secret ? Dans la solitude de sa nuit, le Profane a frappé à la Porte du Temple et, dans un moment d’acceptation totale, il s’abandonne librement entre les mains de ses futurs Frères.

    Le Rite initiatique au Premier degré a déroulé les fastes de ses symboles. Dans le creuset des arcanes, l’alchimie du Grand Œuvre tend à prendre corps, à emporter le présomptueux vers sa fin, vers une nouvelle vie, vers un autre commencement, vers le retour à la Lumière. Quand enfin elle est là, elle est aveuglante !

    Le Frère nouvellement initié a-t-il réfléchi à ce qu’il découvrirait en Franc-maçonnerie ? Ce qu’il vient de découvrir correspond-il à ce qu’il avait imaginé avant son Initiation ?

    Au soir de la cérémonie, il est sans doute encore un peu tôt pour donner une réponse car ce qu’il découvrira en Franc-maçonnerie, c’est un perfectionnement de lui-même des points de vue sagesse et moral parce que c’est là notre ambition de devenir meilleur et de rendre meilleurs, c’est-à-dire plus complètement humains.

     

     R:. F:. A. B.

     

    Bibliographie

     

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995

     

    Béresniak Daniel - L’apprentissage maçonnique, une école de l’éveil ?

    Editions Detrad, Paris, 1983

     

    Bloch & von Wartburg - Dictionnaire étymologique de la langue française

    P.U.F. 1975

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995

     

    Guénon René - Symboles fondamentaux de la science sacrée

    Editions Gallimard, Paris, 1962

     

    Guillemain de Saint-Victor - Recueil de la maçonnerie adonhimamite

     

    Mainguy Irène - La Symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2001

     

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail d’Apprentis

    Editions Dervy, Paris, 1994

     


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  •  Approche du symbolisme des Trois Fenêtres 

    Introduction

    Aux deux premiers degrés des Loges bleues – Apprenti et Compagnon – les Tableaux de Loge font apparaître trois fenêtres : la première à l’Orient, la seconde au Midi et la troisième à l’Occident. Il n’y a pas de fenêtre au nord. Au premier degré, ces trois fenêtres sont grillagées ; au second degré, elles sont ouvertes.

    Les fenêtres du temple sont un sujet que de nombreux auteurs ont traité de façon très symboliste, basant leurs recherches, leurs théories et leurs interprétations sur de vieux rituels et d’anciens catéchismes.

    Nous pouvons nous poser plusieurs questions au sujet de ces fenêtres et de leur grillage :

    • Comment justifier leur présence ?

    • Pourquoi trois fenêtres ?

    • Quelle forme leur donner ?

    • Comment représenter leur grillage ?

    • Quel est le véritable sens de ces grilles ?

    Le but de la présente planche est d’approcher le symbolisme des fenêtres, de leur position et de leur grillage ou de leur ouverture.

    Symbolisme de la position des fenêtres

    Tentons tout d’abord de comprendre les interprétations des auteurs maçonniques du début de ce siècle se basant sur les vieux rituels et d’anciens catéchismes.

    Jules Boucher reprend des commentaires de Plantagenet et d’Oswald Wirth.  Selon Raoul Berteaux, souvent très critique à l’égard de ces auteurs du début du siècle, « ils apportent peu de choses du point de vue symbolique et paraissent parfois puérils, sinon inexacts ».

    La symbolique du positionnement de ces trois fenêtres Orient – Midi  – Occident  est flagrante : de toute évidence, elle est liée au cycle solaire. Les fenêtres deviennent ainsi les instruments de la transmission de la Lumière.

    Nombre de rituels maçonniques font clairement allusion à cette progression du soleil autour du Temple et des incidences qui en découlent pour tous ceux qui sont touchés, à un moment ou un autre, par sa clarté.

    Deux théories s’affrontent quant à l’interprétation de la symbolique des fenêtres et de la lumière qui pénètre dans le Temple.

    1. La lumière extérieure pénètre dans le Temple et éclaire le côté opposé.

    2. La seconde option considère que la lumière extérieure éclaire le côté où elle pénètre.

    Analysons ces deux théories.

    D'après la première théorie, si la lumière extérieure qui pénètre dans le Temple éclaire le côté opposé, alors la lumière du matin devrait logiquement éclairer les deux Surveillants. Les Apprentis placés sur la colonne du Nord devraient recevoir un maximum de lumière, car le Soleil, lorsqu'il parvient au Sud, est dans sa plénitude. Dans ce cas également, les Compagnons, qui sont placés sur la colonne du Midi, ne bénéficient pas directement de la lumière mais l’Etoile Flamboyante leur dispense sans doute la lumière nécessaire à leurs travaux. Quant au Vénérable Maître, il recevrait la lumière venant du Couchant, ce qui lui permettrait de vérifier que les travaux organisés et répartis le matin par les Surveillants ont bien été exécutés par les Apprentis et les Compagnons.

    La deuxième théorie met au contraire en évidence la position du Soleil par rapport à l’orientation du Temple. Dans ce cas, le Soleil au Levant éclaire le Vénérable qui prépare les plans. Le Vénérable a prévu ce que sera la journée, la préparation des matériaux par les Apprentis, leur mise en place par les Compagnons. Lorsque le Soleil monte dans le ciel et arrive au Zénith, les Compagnons œuvrent sur le chantier. Il est Midi plein. Le Soleil décline et parvient au Couchant ; la nuit tombe. Il est Minuit plein quand les Surveillants paient les ouvriers et les renvoient contents.

    Quelles que soient les interprétations que l’on puisse donner sur les trajectoires de la lumière venant de l’extérieur ou sur le fait de savoir ce qui est éclairé en premier, le véritable point important à retenir est qu’au long d’une journée, ces trois ouvertures permettent à la lumière d’illuminer tour à tour, à des heures différentes et avec des intensités variées, tous les points du Temple et, par conséquent, l’ensemble des places des différents intervenants dans cette enceinte réservée.

    Dans ce lieu voué initialement à l’étude, à la recherche, à l’élévation spirituelle, depuis le Vénérable Maître jusqu'à l’Apprenti récemment initié, chacun reçoit la Lumière divine et la Connaissance à un moment donné, selon son degré et son avancement.

    Approche du symbolisme de la lumière

    Pour Oswald Wirth, « la Loge d’Apprenti ne reçoit aucune lumière du dehors. Elle rappelle en cela les cryptes souterraines ou creusées dans le flanc des montagnes, les hypogées[1] de l’Egypte ou de l’Inde, l’antre[2] de Trophonius, etc. La Loge de Compagnon, par contre, est en communication avec le monde extérieur grâce aux trois fenêtres. »

    La fenêtre de l’Orient apporte la douceur de l’aurore, son renouveau d’activité ; celle du Midi la force et la chaleur ; celle de l‘Occident donne une lumière sans cesse faiblissante qui incite au repos. Le Nord, obscur, ne recevant aucune lumière, n’a pas besoin de fenêtre.

    D'autres interprétations du symbolisme des fenêtres et de la lumière sont encore possibles.

    La fenêtre d’Occident fait pendant à celle d’Orient en vertu de la loi d’équilibre. Elle est le lieu où la lumière disparaît, engloutie dans les profondeurs de la terre, et où règnent les ténèbres et les pulsions primitives du monde profane. Elle marque l’origine et la fin du parcours terrestre, ce qui se concrétise par la direction cardinale de la marche des frères.

    Si l’on considère le tableau d’Apprenti, on peut observer qu’il se décompose en trois zones :

    • Toute la partie orientale où s’ordonnent le Soleil, la fenêtre, la Lune,

    • La colonne du Midi où se trouve la deuxième fenêtre,

    • La zone occidentale où s’ouvre la troisième fenêtre.

    Ceux qui voudraient que les Apprentis bénéficient, au nord, de la lumière rayonnante venant de l’ouverture du midi manquent de clairvoyance : ils oublient que les frères de la Colonne du Nord peuvent en recevoir tout autant des fenêtres situées à l’Orient comme à l’Occident. Les travaux se tenant à Midi, heure solaire, et le Soleil au Zénith dardant ses rayons à la verticale et non à l’oblique, les frères des différentes colonnes ne risquent pas de percevoir grand-chose puisque ces ouvertures n’ont pas vocation à laisser voir ou passer une lumière exotérique et profane. Elles ne revêtent aucune fonction matérielle ou pratique durant le travail !

    Cependant, en consultant d’anciennes instructions, on s’aperçoit que ces ouvertures ne se rapportent nullement au travail : elles éclairaient les ouvriers quand ils venaient et s’en retournaient mais n’en avaient point d’usage pendant le travail.

    Mais il existe une autre approche, plus réaliste, qui fait de l’emplacement des fenêtres non pas la cause ou la justification de la place des Apprentis et des Compagnons en Loge, mais la conséquence d’une structure, d’une architecture imposées par les reliefs cernant la ville Sainte et constituant une protection naturelle.

    Il convient pour cela de se référer au Premier Livre des Rois (6, 4) qui fait mention des fenêtres lors de la description du Temple. Retenons au moins trois traductions :

    • Il fit au temple des fenêtres à cadres et à grilles.

    • Il fit à la maison des fenêtres solidement grillées.

    • Il fit à la maison des fenêtres grillagées.

    Remarquons immédiatement qu’il n’est nullement question de trois fenêtres !

    Il est fort probable que le nombre trois a été choisi uniquement pour des raisons d’ordre symbolique liées au ternaire, comme pour les trois lumières par exemple.

    Pour Raoul Berteaux, « un modèle ternaire apparaît sous la forme d’un groupe de trois fenêtres grillagées placées respectivement à l’Orient, au Midi et à l’Occident ». « Notons simplement, dit encore Raoul Berteaux, que la Loge en tant que champ clos, communique avec le monde extérieur par trois ouvertures ; s’il est vrai que le Maçon pratique l’Art Royal en un  lieu connu des seuls Enfants de la Lumière,  il n’en est pas moins en contact avec le monde extérieur.

    L’Art Royal n’exige pas un ascétisme[3] d’isolement social ; il attend du Maçon d’être actif dans le Monde. »

    L’explication des fenêtres du Temple tient en quelques lignes.

    Le Roi Salomon avait reçu de Dieu la mission de bâtir le Temple.

    Où allait-il l’élever ?

    David avait fait de Jérusalem sa cité royale avec beaucoup d’intelligence, une ville sainte en y amenant l’Arche d’Alliance. Les raisons de son choix sont multiples : la capitale de David ne pouvait s’élever qu’à cet endroit car Moïse avait rêvé d’en faire la ville de son peuple errant ; de plus, géographiquement, elle était au centre du royaume ; enfin, et surtout, Jérusalem était bâtie sur des hauteurs entourées de défilés, de ravins et donc aisément défendable.

    Le Temple est la ville. Jérusalem est la maison. De par la présence de l’Arche d’Alliance en ses murs, la ville est le centre du monde. Quand le Temple est construit, c’est lui qui devient le Centre mais la cité ne perd pas pour autant sa qualité de lieu saint. Ainsi, Temple et Jérusalem ne font qu’un.

    David est donc maître d’un emplacement formidable. Il a pris pour centre de défense trois montagnes reliées par leurs contreforts et dispose également de trois fossés gigantesques. La nouvelle ville n’est cependant attaquable que par le Nord. Aussi est-ce par le Nord que, malgré sa triple muraille, Jérusalem fut attaquée successivement par Nabuchodonosor, Alexandre le Grand, Pompée, Titus et Godefroy de Bouillon (en réalité Geoffroy de Saint Omer !).

    Toutes les directions sont donc protégées naturellement par le relief de la ville, sauf le nord. Il est donc tout à fait normal de ne pas percer de fenêtres sur ce côté vulnérable mais de permettre à la lumière de pénétrer par l’Orient, le Sud et l’Occident, parfaitement défendus par des à-pic, la sécurité étant renforcée par des grilles.

    Cette théorie ne remet pas en cause le cycle solaire pour les Travaux qui se déroulent dans le Temple maçonnique. Elle ne vise qu’à montrer que les fenêtres sont en dehors de la symbolique solaire et que nous pouvons les analyser en fonction de l’implantation de la ville de Jérusalem et de son environnement immédiat.

    Alors, à quoi servent les fenêtres représentées sur nos Tableaux de Loge ?

    Synthétisons l’interprétation assez récente qu’a formulée Christian Guigue :

    Les fenêtres pourraient intervenir comme des bornes, des limites, des frontières par où se manifestent la raison, l’esprit et la bonne volonté du Grand Maître. Et comme un Maître de Loge ne peut communiquer aucun renseignement via ces fenêtres, ce Grand Maître ne peut être que le Grand Architecte de l’Univers qui décide de notre avancée vers la Lumière.

    Ainsi l’ouverture du Midi marquerait le commencement et la fin d’un monde qui se situe hors de portée des hommes et se rapporte à cette mort vers laquelle les Compagnons et les Maîtres avancent. L’ouverture d’Occident resterait affectée à la mort symbolique comme à celle inhérente au corps de matière, ce qu’il convient de rapprocher des trois portes du Temple. Quant à la fenêtre d’Orient, elle marquerait symboliquement le passage par où peuvent opérer la hiérophanie[4] et la transfiguration.

    A propos de la forme des fenêtres

    La forme des fenêtres varie sur les Tableaux de Loge : certaines sont rectangulaires et présentent trois barreaux verticaux et trois barreaux horizontaux. Sur d’autres, elles sont en «anse de panier» avec un barreau vertical et deux barreaux horizontaux. Sur d’autres encore, elles sont en ogive avec un grillage très serré.

    Puisque la Bible ne donne aucune précision quant à la forme des fenêtres et à l’aspect des grilles et des grillages, les auteurs maçonniques ont laissé aller leur fantaisie !

    Dans les très vieilles instructions maçonniques (« Masonry Dissected » de Prichard paru en 1730), il n’y a aucune précision quant à la taille ou à la forme des fenêtres. Mais on y évoque bien la présence de trois fenêtres, censées se trouver dans toute pièce où se tient une Loge. Placées à l’Est, au Sud et à l’Ouest, elles servent à éclairer les ouvriers avant, pendant et après le travail. Ces instructions précisent aussi qu’il n’y a « pas de fenêtre au Nord parce que le soleil ne donne pas de ce côté ». Notons aussi que « le plus ancien Apprenti entré doit se tenir au Midi parce que son travail consiste à écouter et comprendre les instructions et accueillir les Frères visiteurs ».

    Voilà, parmi tant d’autres, un exemple d’une interprétation qui modifie le sens d’un élément afin qu’il soit en harmonie avec la symbolique que l’on veut cultiver.

    Se basant sur un sens exotérique des quatre points cardinaux, les auteurs des anciens rituels et plus tard les écrivains maçonniques ont émis des truismes[5], des explications souvent puériles.

    C’est ainsi qu’à longueur de pages ils nous enseignent que la fenêtre de l’Est est le lieu où le soleil se lève, que celle du Midi est l’endroit où il est à son zénith, que celle d’Occident est le point où il se couche. S’appuyant sur ces éléments simplistes, on a bâti tout un système d’éclairement, justifiant la place des Apprentis et des Compagnons dans la Loge.

    Paraphrasant sans vergogne les anciens catéchismes, les auteurs ont accumulé des phrases telles que :

    • Il n’y a pas de fenêtre au Nord parce que le soleil n’y passe pas.

    • Les Apprentis sont placés au Nord parce qu’ils ont besoin d’être éclairés.

    • Les Compagnons ayant moins besoin de Lumière, l’ombre portée par le mur du Temple les éclaire suffisamment.

    Ainsi, pour Jules Boucher, « les maçons constructeurs ont toujours orienté les Temples avec l’entrée à l’Occident et les trois fenêtres du « tableau » suivant la marche du soleil. Il n’y a pas de  fenêtre au Nord parce que le Soleil n’y passe pas. »

    Les grilles et les grillages ont suscité, eux aussi, de nombreux commentaires, pas toujours très réalistes. Certains exégètes[6] sont même allés jusqu'à affirmer que les grilles interdisaient aux profanes de voir ce qui se passait dans le Temple.

    Approche du symbolisme du grillage

    Pour tenter de pénétrer ce symbole, nous avons également consulté des ouvrages dont la première édition parut au cours du premier quart de notre siècle. Les interprétations que leurs auteurs en donnent relèvent bien souvent de la fantaisie.

    D'autres auteurs, plus raisonnables, ont compris que les grilles avaient été placées aux fenêtres pour empêcher les non-initiés de fouler un sol sacré, la porte d’Occident étant gardée par le Couvreur.

    Pour Jules Boucher qui passe pourtant pour un auteur de référence, « les fenêtres sont grillagées, non pas pour interdire aux profanes de regarder dans  le Temple – car si le Temple était éclairé intérieurement, un simple grillage ne suffirait pas pour empêcher de voir ce qui s’y passe – mais simplement pour défendre l’accès du Temple. »

    Et selon Plantagenet, « le grillage qui protège ces ouvertures rappelle que le travail des ouvriers est soustrait à la vue du profane dont le regard ne sait pénétrer dans le Temple. Si celui du Maçon n’est pas arrêté par le même obstacle, ses perspectives sont essentiellement différentes. Il ne peut, en effet, matériellement regarder la vaine agitation de la rue puisque autour de lui tout est clos, mais il n’en doit pas moins, spirituellement, déterminer le mouvement du monde sensible au point de vue où il se trouve

    Ceux qui font état d’une nécessité de cacher le travail des ouvriers aux regards des profanes et qui se satisfont de ces grillages pour y pourvoir, manquent singulièrement de réalisme. Lorsqu'on veut masquer les réunions sous le voile de la discrétion, on supprime les ouvertures importunes au lieu d’en créer !

    Des fenêtres non grillagées au degré de Compagnon

    Sur le Tableau de la Loge de Compagnon figurent trois fenêtres ouvertes.

    Jules Boucher les interprète comme « le signe de l’affranchissement du Compagnon. Il s’est, au premier degré, purifié l’esprit par un intense travail intérieur. Maintenant, non seulement il peut s’évader de son isolement et subir sans danger le contact du monde extérieur, mais il doit, au contraire, rechercher ce contact afin de refaire sa propre connaissance par l’observation, le raisonnement et la méditation. Son regard s’est modifié, il ne voit plus les choses de la même manière que lorsqu'il était encore lui-même un profane. Son initiation au second degré lui a valu la connaissance d’une méthode de travail féconde pour l’accession à la sagesse mais qui, cependant, ne peut avoir de valeur que pour autant qu’elle puisse être appliquée pratiquement ».

    Pour conclure provisoirement

    La conclusion, toujours provisoire, que nous tirerons de cette brève étude, c’est qu’un Maçon ne peut se contenter de la première interprétation venue. Il convient en effet de replacer les interprétations des auteurs maçonniques dans leur contexte historique. Pour approcher la vérité, il convient de pratiquer la rectification, comme nous le rappelle l’acrostiche[7] « V.I.T.R.I.O.L. » présente dans le Cabinet de réflexion.

    D'une manière incontestable, nous pouvons retenir que les trois fenêtres figurant sur le Tableau de Loge du second degré sont situées à l’Orient, au Midi et à l’Ouest. Cette disposition nous rappelle que les maçons opératifs ont toujours orienté les édifices religieux de sorte que l’entrée se trouve à l’Occident. Les trois fenêtres suivent donc bien la marche du soleil qui ne passe pas par le Septentrion.

    Parce que les Apprentis ne peuvent soutenir qu’une faible lumière et que leur travail est tout d’introspection, leur place obligatoire se trouve donc sur la colonne du Nord. Quant aux Compagnons, qui doivent s’ouvrir au monde, leur place est tout indiquée sur la colonne du Midi pour pouvoir contempler en vue directe le modèle ternaire formé des trois fenêtres du Tableau.

    Les rayons solaires qui pénètrent par la fenêtre d’Orient propagent une lumière claire, douce et rassurante. Elle dissipe les ténèbres et est le reflet de l’Esprit créateur. Elle provoque chez le Compagnon l’émulation dans la recherche de l’Un. La fenêtre d’Orient nous apparait comme une promesse de l’avenir.

    Poursuivant sa trajectoire, l’astre solaire dispense une lumière qui pénètre ensuite par la fenêtre du Midi, éclatante et vive, intense et profonde. Grâce à elle, les Compagnons peuvent distinguer clairement leurs imperfections et sont à présent en mesure de se modifier. Ils prennent conscience qu’ils sont perfectibles. Dès lors, la fenêtre du Midi fait figure de promesse de la Connaissance.

    Lorsque les rayons solaires atteignent la fenêtre d’Occident, l’astre est sur son déclin et la lumière qu’il diffuse devient modérée. Succédant à l’éclat produit par les rayons solaires de midi, cette lumière tamisée nous apparaît comme l’emblème du doute. Elle exige davantage de concentration pour maintenir une observation efficiente.  Elle avertit les Compagnons que leur travail n’est pas accompli et qu’il est nécessaire d’accéder à la Maîtrise pour dominer l’Occident rempli de pièges. L’Occident symboliserait en effet la porte des morts où tout s’anéantit.

    Cependant, le Compagnon plein de courage va de l’avant car le soleil, en tant que manifestation de la divinité, est emblème d’immortalité. L’espoir qui guide les pas du zélé Compagnon réside en ce qu’il connaîtra à terme la résurrection de l’esprit libéré des vicissitudes profanes.

     

    R :. F :. A. B.

     

    [1] Les tombeaux, les constructions souterraines.

    [2] Lieu mystérieux et inquiétant ; excavation, grotte servant d’abri à un animal sauvage.

    [3] Pratique de l’ascèse, discipline de vie, ensemble d’exercices physiques et moraux, en vue d’un perfectionnement spirituel.

    [4] La phanie est la caractéristique de l’intensité lumineuse perçue par rapport à l’intensité lumineuse objective ; hieros = sacré.

    [5] Vérités d’évidence, banales, sans portée.

    [6] Les exégètes sont les spécialistes de l’exégèse, science qui consiste à interpréter, à établir le sens d’un texte ou d’une œuvre littéraire.

    [7] Un acrostiche est une pièce de vers composée de telle sorte qu’en lisant dans le sens vertical la première lettre de chaque vers on trouve le mot pris pour thème, le nom de l’auteur ou celui du dédicataire.

     

    Bibliographie

     

    Bernard Baudouin - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Paris, 1995, Editions De Vecchi – Pages 66 et 67

     

    Raoul Berteaux - La symbolique au grade d’Apprenti

    Paris, 1986, Editions Edimaf – Page 47

     

    Raoul Berteaux - La symbolique au grade de Compagnon

    Paris, 1986, Editions Edimaf – Page 44

     

    Jules Boucher - La Symbolique maçonnique

    Paris, 1995, Editions Dervy – Pages 154 et  246

     

    Guy Boisdenghien - La Vocation Initiatique de la Franc-maçonnerie

    Sentiers de la Tradition

    Bruxelles, 1999, Editions l’Etoile – Pages 183, 184

     

    Jean Ferré - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Paris, 1994, Editions Dervy – Pages 121 à 123

     

    Jean Ferré - Dictionnaire des symboles maçonniques

    1997, Editons du Rocher – Pages 144 à 148

     

    Christian Guigue - La Formation maçonnique

    Mons en Baroeul, 1995, Editons Guigue – Pages 161, 162

     


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  • Cette planche est essentiellement consacrée aux voyages du candidat Apprenti-maçon.

    Sans rien dévoiler au sujet des degrés suivants, ce travail offre aussi l’occasion de préciser l’importance des voyages en Franc-maçonnerie.

     Le sens des voyages 

    La notion de « voyage »

    Bien que trop rarement mentionnée, la notion de voyage est très présente et très importante dans la dynamique maçonnique. En effet, le voyage est par essence l’expression du mouvement, à la fois dans ce qu’il a de provocateur et de stimulant.

    De ce point de vue, on peut affirmer que le voyage, bien qu’il soit parfois contraignant, est toujours un facteur de changement, de repositionnement, donc d’enrichissement.

    Dans la plupart des rites, les voyages sont essentiels au déroulement de la cérémonie. Ils correspondent à des épreuves liées aux Eléments que sont l’Air, le Feu, l’Eau et la Terre, à des mises en contact avec les métaux comme le Fer, l’Argent ou le Cuivre, ou l’approche de connaissances nouvelles.

    Si, comme le dit l’adage, les voyages forment la jeunesse, ils façonnent aussi les « cherchants » que doivent être les Francs-maçons. Ils sont à la base de l’enseignement maçonnique, comme le prévoit la Tradition.

    Pour l’individu qui le vit, le voyage correspond à une prise de conscience de son état passé et à l’acquisition d’un nouveau savoir, soit intellectuel, soit manuel, deux savoirs intimement liés en maçonnerie.

     

    Pourquoi voyage-t-on ?

    A l’origine des premiers pas vers l’inconnu, l’être éprouve tout d’abord un sentiment d’insatisfaction car il n’a pas trouvé ce qu’il attendait de la vie, de son environnement.

    La démarche logique veut qu’il aille chercher ailleurs ce qu’il n’a pas trouvé. Cet ailleurs peut se situer à la fois dans le temps et dans l’espace. En effet, le cherchant peut aussi bien s’éloigner de son lieu de vie que remonter dans le temps à la recherche d’un système de pensée, d’une religion, d’une Tradition.

    René Guenon, Champollion, Fulcanelli comme bien d’autres, ont mené cette quête sur des chemins différents.

    Tout voyage suppose que « l’ailleurs » est plus beau, plus riche que « l’ici ». Il est aussi le signe d’un attrait pour l’inconnu, l’étrange ou l’étranger. Au moment du départ, il est nécessaire de faire table rase et tout miser sur un avenir plus ou moins aléatoire. Le voyage implique une rupture avec l’entourage et le passé, rupture qui se traduit généralement par une mort symbolique.


    Voyage et Initiation

    Le mot « initiation » contient l’idée de mouvement, de voyage. En effet les racines du mot sont In qui signifie dans, pendant, au bout de ; et Itus qui indique l’action d’aller, de marcher. L’initiation est une progression vers un centre.

    Le voyage, c’est d’abord l’occasion de bouger, donc de remettre en question ce que l’on pensait être un équilibre acquis.

    C’est pourquoi le voyage a une dimension « initiatique » qui, sous cet angle, se révèle d’une richesse extraordinaire. Il est à la fois recherche extérieure, mais aussi intérieure, moyen d’expression « mobile » d’une quête personnelle de la connaissance tous azimuts.

    Le concept des voyages est une constante des traditions ésotériques. Dans notre Ordre, ils s’exécutent en trois déplacements dextrogyres autour du Tableau de Loge. Ces circumambulations autour du centre de la Loge ont pour but d’inciter le postulant à se concentrer sur son propre centre. C’est pourquoi le terme « voyage » acquiert ici une dimension très spécifique dans le contexte initiatique. Le postulant entreprend un déplacement éloigné dans la profondeur spirituelle de son être mais qu’il ne maîtrise pas faute de moyens.

     

    Les voyages et la Franc-maçonnerie

    Le tout premier voyage du candidat Franc-maçon est celui qui le mène du monde profane au parvis du Temple. Ce voyage est toujours dicté par l’insatisfaction car l’être a conscience des limites du monde profane. C’est pourquoi le postulant vient chercher en Maçonnerie ce qu’il n’a pas trouvé jusqu'alors. Ce peuvent être des contacts humains, une philosophie, une morale, une tradition, des connaissances, un besoin d'action...

    Le deuxième voyage se passe dans le Cabinet de Réflexion. Le chapitre suivant y est totalement consacré tant cette épreuve est importante. Ce Cabinet de Réflexion est l’espace philosophique où tous les Francs-maçons sont passés pour mourir au vieil homme et accéder à l’homme nouveau, à ce qui, en eux, va lentement se réveiller et parvenir à la pleine lumière. C’est un voyage intérieur dont la finalité est la mort de l’individu profane pour une renaissance. Il s’agit de mourir à ce que nous sommes aujourd'hui pour advenir à quelque chose de nouveau. Le vieil homme symbolise celui qui vit du monde des apparences, qui s’en contente et ne cherche pas ou peu à dépasser ce stade de conscience. Le vieil homme symbolise aussi celui qui arrive dans le temple avant son initiation, lourd de sa vie et de ses problèmes, vieux parce qu’il s’agit aujourd'hui de faire du neuf, de procéder à cette merveilleuse alchimie spirituelle qu’est l’initiation d’où il sortira régénéré.

    Le troisième voyage conduit le Profane du Cabinet de Réflexion à la Porte du Temple. L’être a laissé dans le ventre de la terre ses métaux et sa matérialité. Il a abandonné son ancienne peau et se trouve dans l’attente d’une seconde naissance. A cet instant, le voilà seul, aveugle, ni nu ni vêtu. Mais il aura bientôt près de lui un guide sûr qui lui évitera erreurs et errements.

     

    Le voyage dans le Cabinet de Réflexion ou l’épreuve de la terre

    Le Cabinet de Réflexion se présente comme une sorte de sas entre deux mondes où le futur Initié se dépouille des aspects profanes de son être pour devenir réceptif à la lumière de l’initiation qui lui sera offerte. L’objectif est d’isoler le Récipiendaire de son entourage familier, de le séparer du monde profane. Durant cet isolement, il est confronté à quatre facteurs ambiants : le silence, la solitude, l’immobilité et l’obscurité. Ces facteurs devraient favoriser sa confrontation avec lui-même car il se trouve brusquement dans un univers inconnu qu’il peut percevoir comme hostile.

    C’est un moment de méditation intense où il est possible d’arrêter le temps et le monde dans le silence et le recueillement, et où débute un voyage qui conduit au cœur du temple. Mais le Cabinet de Réflexion offre un autre message au futur Initié en lui recommandant de pratiquer deux qualités : la vigilance et la persévérance, aussi indispensables l’une que l’autre pour affronter les épreuves. Il soumet le candidat à l’Initiation à une première purification liée aux éléments : la purification par la terre. Pour Edouard Plantagenet, « l’épreuve de la terre, c’est le passage dans le Cabinet de Réflexion ».

    Le Cabinet de Réflexion symbolise une descente intérieure au centre de la terre. Le passage d’un cycle à l’autre s’accomplit dans l’obscurité, ce qui correspond également à un changement d’état. Cette mise en condition s’explique par la nécessité qu’il y a de prendre conscience de la force réelle de ses convictions dans ses engagements vitaux.

    Ce lieu de méditation qui met en scène tout ce qui concerne la mort, permet à chacun de faire une incursion dans sa tombe avant l’heure ! C’est pourquoi il est censé être enfoui au sein de la terre, ce qui est d’autant plus perceptible si le cabinet est situé dans les caves. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas !

    Le Cabinet de Réflexion invite le postulant à mourir à lui-même pour renaître et l’incite à poursuivre le parcours de son existence, en rectifiant, afin d’éveiller sa conscience à une autre dimension pour donner un autre sens à sa vie. Ce moment privilégié de méditation permet de faire un bilan du passé et d’effectuer par anticipation une mort symbolique virtuelle, ce passage devant déboucher sur un nouveau commencement.

    Pour Oswald Wirth, «pour apprendre à penser, il faut s’exercer à s’isoler et à s’abstraire. On y parvient en rentrant en soi-même, en regardant au-dedans, sans se laisser distraire par ce qui se passe au dehors. Le profane soumis à l’épreuve de la Terre est appelé à mettre en jeu les énergies latentes qu’il porte en lui-même. L’Initiation a pour but de favoriser la pleine expansion de son individualité».

    Le Cabinet de Réflexion est l’unique moment, dans le cheminement initiatique, où l’on reste seul en présence de soi-même, isolé dans la pénombre, devant des énigmes à résoudre et des décisions à prendre. Pour le candidat à l’Initiation, ce second séjour dans le Cabinet de Réflexion concerne aussi la rédaction de son testament philosophique !

    Bien que la rédaction du testament philosophique soit souvent le fruit d’une réflexion trop brève, cet acte permet néanmoins de clarifier les dernières pensées profanes, pour faire le point sur ce qui subsiste d’essentiel d’une existence passée.

    La rédaction d’un testament spirituel est un acte qui devance l’échéance naturelle de la destinée, car c’est de sa libre volonté que le candidat à l’Initiation met un terme à une phase de son existence et en tourne définitivement la page. Cette rédaction du testament constitue comme une anticipation du serment du futur Initié, puisqu'il sera considéré comme le terme de sa vie profane. Le testament sera ensuite brûlé et réduit en cendres, comme un témoignage de confiance vis-à-vis de la détermination du Récipiendaire à s’engager dans la voie initiatique.

    Irène Mainguy considère le testament philosophique comme « un pont virtuel reliant le passé profane à l’avenir de l’Initié et comme un point de passage vers un autre devenir, une nouvelle qualité d'être ».

    Mais les richesses du Cabinet de Réflexion ne s’arrêtent pas là car il contient plusieurs éléments alchimiques qui contribuent à transmuter un matériau mortel pour en dégager la réalité immortelle. En vivant cette première expérience alchimique qui sera suivie de beaucoup d’autres pour qui fera preuve de vigilance et de persévérance, le futur Initié se dépouille des aspects caducs pour recevoir le rayonnement de l’or de l’Initiation, au-delà de la mort. Mourir, c’est passer d’un mode d’existence à un autre. Le Récipiendaire doit mourir aux faiblesses profanes pour renaître à la vie initiatique.

    Pour Raoul Berteaux, l’inscription « V.I.T.R.I.O.L. » concerne la « descente dans la terre » que le candidat est censé accomplir en descendant dans le Cabinet de Réflexion. Celui-ci est à considérer comme « un donné potentiel » offert à celui qui va se séparer du « vieil homme » et qui est reçu sous le signe de la « terre », en attendant d’être reçu dans le temple sous les signes de « l’air », de « l’eau » et  du « feu ».

    Pour Jules Boucher, l’expression désignée par les lettres «V.I.T.R.I.O.L.» est « une invitation à la recherche de l’Ego profond, qui n’est autre que l’âme humaine elle-même, dans le silence et la méditation ».

    Déjà dans ce Cabinet de Réflexion, le futur Frère peut percevoir cette grande lumière de l’Initiation qui se présente à lui sous de multiples formes symboliques qu’il commence par pressentir avant de pouvoir les déchiffrer. Mais pour opérer un réel recentrage à caractère illuminatif, il convient d’apprendre à méditer en profondeur.

    Pour cela, l’isolement silencieux s’impose, car on ne peut suivre le cours de ses pensées qu’en évitant tout ce qui disperse et distrait. Fuir le tumulte du monde profane, se retirer dans la solitude fut donc jadis le premier acte de l’aspirant à la Sagesse.

     

    Les trois voyages au cours de la cérémonie d’Initiation

    Au Premier degré, le prescrit maçonnique prévoit trois voyages qui font suite aux trois premiers évoqués ci-dessus. Tous les rites maçonniques font accomplir au Récipiendaire trois voyages au cours de la cérémonie d’Initiation. Au cours de chacun de ces périples, le postulant subit une épreuve relative aux Eléments. Les quatre Eléments renvoient à la physique des anciens et instruisent sur les commencements de notre rapport avec la réalité. Ces voyages et ces épreuves constituent l’enseignement du commencement de l’Initiation.

    Les épreuves physiques placées tout au long de l’Initiation sont de lointaines réminiscences des épreuves subies par l’impétrant dans les Mystères anciens de la plus haute antiquité : culte de Mithra, initiations dans les sanctuaires égyptiens, culte d’Isis, de Dyonisos … Ces voyages et leurs épreuves physiques ont une réelle nécessité et surtout possèdent un sens moral et philosophique.

    Il s’agit tout d’abord de frapper l’imagination et les sens, de frapper l’inconscient et de déstabiliser ce conscient qui se croit à l’abri de tout. Avec les peurs de l’enfance qui reviennent, le noir, la solitude et les ombres, l’Initiation est en marche et travaillera pleinement et longtemps dans l’inconscient de celui qui n’est encore à ce moment qu’un Profane.

    Il va falloir qu’avec ses propres forces, avec sa raison et sa conscience pour seuls points d’appui, l’impétrant se guide seul dans le dédale des passions, des intérêts, des convoitises, qu’il garde le sens clair de la réalité et du discernement sans perdre le sens sacré de l’idéal. Il devra échapper à l’égoïsme, à l’égocentrisme, au scepticisme. Il lui faut trouver l’amour du Bien, l’amour de l’Humanité, l’amour de la Justice, de la Sagesse.

    Si le postulant a choisi de vivre ce rituel, c’est pour se remettre en question et se libérer de la gangue des préjugés. Mais cela ne peut fonctionner qu’à la condition d’y repenser et d’y travailler sans cesse.

    Cette cérémonie, en elle-même et par elle-même, n’est, faut-il le rappeler, qu’une mise en route. Elle est conçue pour provoquer un choc et ne fait pas du Profane un Initié. Pour tirer profit de la cérémonie, le jeune Apprenti doit la revivre après l’avoir vécue, en relire le rituel, la repenser car elle contient des incitations et de nombreuses allusions. Il appartient à celui qui l’a vécue d’en faire surgir le sens.

    Même si leur dramatisation matérielle apparaît parfois un peu pauvre, les épreuves maçonniques telles qu’elles sont mises en scène dans nos Loges, font allusion aux mystères les plus formidables de la Tradition initiatique. Le candidat qui les subit en esprit et en vérité devient un réel Initié. S’il les évite, il reste profane en dépit de toutes les connaissances dont il peut faire étalage par la suite.

    Pour Guy Boisdenghien, « le concept des voyages est une constante des traditions ésotériques. En Maçonnerie, ils s’exécutent en trois déplacements dextrogyres autour du Tableau de Loge. Ces circumambulations autour du centre de la Loge, modèle réduit du Cosmos ont pour but d’inciter le postulant à se concentrer sur son propre centre. Aussi le terme « voyage » qui, dans le lexique profane, définit un déplacement vers un lieu assez éloigné acquiert une toute autre dimension de sens dans le vocabulaire initiatique. Le postulant entreprend effectivement un déplacement éloigné, dans la profondeur spirituelle de son en-soi dont il a conscience mais qu’il ne maîtrise pas faute de moyens mis à sa disposition ».

    Le voyage résume à lui seul la vie de l’homme et surtout la pérégrination de l’Initié qui cherche dans le labyrinthe terrestre sa lumière, son centre, son éternité. De tous temps, les pèlerinages ont été associés à la recherche du centre et à la reconstruction du monde. En voyageant, l’être met ses pas dans ceux du Créateur pour recréer avec lui les phases de l’œuvre. L’Initiation est un voyage hors du temps pour se rapprocher du centre de la totalité invisible.

    Pour Irène Mainguy, « les voyages symboliques préfigurent ceux qui seront à faire dans l’univers entier représenté par la loge… Le voyage peut physiquement désigner un déplacement dans l’espace, mais le véritable voyage consiste à se diriger de la périphérie vers le centre de soi-même, pour accéder à son propre cœur et ouvrir son temple intérieur qui est comparable à un saint des saints individuel, en tous points semblable à l’Unique ».

     

    Le sens des trois voyages

    Dans l’Initiation maçonnique, le Récipiendaire sort d’abord de la terre, le premier des quatre Eléments, le domaine souterrain où se développent les germes et les semences. Elle est figurée par le Cabinet de Réflexion où le Récipiendaire a été enfermé.

    D’après notre rituel (au Rite Moderne belge), « Le premier voyage est l’emblème de la vie humaine. Le cliquetis d’armes, le bruit, le fracas, la turbulence évoquent le tumulte des passions, le choc des intérêts, les obstacles et les pièges qui guettent l’homme sur le chemin de la vie ».

    Au cours du deuxième voyage, le Profane apprend que « nul n’entre en ces lieux que de sa propre et libre volonté, mais que quiconque est admis doit respecter les convictions de chacun, comme chacun respectera les siennes. Ainsi la Maçonnerie devient le centre d’union où se nouent d’une amitié fidèle des hommes qui, autrement, auraient dû rester à jamais éloignés l’un de l’autre ».

    « Pendant ce deuxième voyage, le tumulte et le cliquetis d’armes se sont apaisés. Ceci symbolise le résultat que la persévérance permet d’atteindre. Ainsi l’homme ferme et courageux surmonte les obstacles qui entravent sa route ».

    « Au cours du troisième voyage ont régné l’ordre et la paix ». « Les flammes par lesquelles » est passé le Récipiendaire « ont achevé sa purification ». « Puissent-elles entretenir à jamais en son cœur l’ardeur de la charité. Courage, savoir, vertu ne sont que de vains mots sans la charité ».

    Les trois purifications

    Puis, au cours de ces trois voyages effectués dans la Loge, tout autour du Tableau de Loge, le Candidat est successivement purifié par l’air, par l’eau et par le feu. Ainsi, il s’affranchit par paliers de la vie matérielle, de la philosophie et de la religion et parvient à l’initiation pure.

    Les rites de purification sont aussi anciens que les systèmes religieux et philosophiques eux-mêmes. Les plus anciens Rituels maçonniques font état de la purification par les quatre éléments,  probable résidu d’une symbolisation totémique du développement de la vie à l’aide et à travers ces entités élémentaires primordiales. En Franc-maçonnerie, les purifications se justifient car le postulant  est remonté de la terre – c’est-à-dire du Cabinet de Réflexion – premier stade de sa renaissance où il a subi une putréfaction de la graine. L’épreuve de la terre est un emblème qui signifie la mort du vieil homme, indispensable à la germination de l’homme nouveau. Ainsi, en certaines circonstances, l’impur vient de la terre.

    Les trois voyages dans la Loge s’effectuent par circumambulations successives, allant du bruit des grandes eaux au silence du non – temps. Ces circumambulations symbolisent les métamorphoses de l’être en quête du centre, de l’être qui quitte le monde inconscient pour s’éveiller à son devenir intemporel.

    Le premier voyage dans la Loge (pratiquant le Rite moderne belge) est le voyage de l’air. Initié en devenir, le candidat  accepte le souffle créateur. Le souffle est le Verbe et le Verbe est au commencement de toute renaissance. C’est le Verbe qui initie et révèle la lumière. Le souffle est le Verbe créateur qui propulse l’Initié dans les hauteurs aériennes. Le souffle crée l’aile qui emportera l’être dans les sphères du non – temps.

    En recevant le souffle initiatique, le Néophyte devient lui-même souffle qui se mêle au souffle vivifiant de l’univers. Et en devenant souffle, il se libère de la pesanteur pour devenir vide et lumière. L’air est le voyage de l’élévation.

    Le deuxième voyage par circumambulation, c’est le voyage de l’eau ou du baptême, au cours duquel se produit la dissolution de l’être par l’élément liquide afin de naître à une nouvelle forme.

    Mais le souffle n’a de sens que s’il est souffle d’amour et c’est le feu qui fait que le Néophyte se consume pour l’autre, pour les autres, afin que les autres vivent et puissent à leur tour prendre conscience de leur rôle de transmetteur. L’homme transmet le feu d’amour qu’il a reçu par l’Initiation. Cela constitue le troisième et dernier voyage dans la Loge : c’est le voyage du feu.

    Le feu est la transmutation de toute matière en lumière. Le feu a une double dimension. Il est à la fois chaleur et lumière : la chaleur dégagée par la transformation – purification et la lumière qui en émane. Cette double réalité du feu en fait l’élément essentiel de la métamorphose de la matière. Le feu inscrit dans le Verbe manifesté est l’amour initiatique du Créateur.

    Les dernières circumambulations rapprochent le Néophyte du centre, symbolisé  par le Tableau de Loge, et lui donnent la force de recevoir la Lumière. Car il faut être fort, en effet, pour traverser le miroir du mirage du temps.

    Recevoir le feu, c’est accepter de devenir lumière, donc de brûler pour les autres. Le feu est le commencement d’un nouveau processus, d’une nouvelle vie. Recevoir la Lumière équivaut à recevoir la Connaissance, et la Connaissance est amour.

    L’Initiation par le feu est la dernière phase du processus. Il était absolument nécessaire de d’abord mourir dans la terre pour recevoir ensuite le souffle du Verbe puis d’être régénéré dans l’eau, pour enfin brûler en devenant un lumineux. C’est en recevant la Lumière que le Néophyte est devenu un ouvrier du Temple, un morceau du plan. Le feu devient Lumière.

    Pour Julien Behaeghel, l’Apprenti meurt quatre fois dans les éléments de la matière alchimique : la terre, l’air, l’eau et le feu. « Mourir dans les quatre éléments correspond à la métamorphose de notre propre corporéité. Le corps de matière meurt dans l’obscurité de la caverne – Terre, le tombeau de résurrection ; il se dissout dans l’Eau baptismale, l’eau de la nouvelle naissance ; il se spiritualise dans le Feu de la conscience et se verticalise dans l’Air de légèreté. L’horizontale de la Terre – Eau devient la verticale du Feu – Air ».

    Si durant cette phase initiatique des quatre voyages au travers des quatre Eléments le Profane a les yeux bandés, c’est bien entendu pour ne pas voir. C’est surtout pour prolonger l’épreuve du Cabinet de Réflexion, pour lui permettre de rentre en lui, d’éveiller ses autres sens comme le toucher et l’écoute. C’est pour mettre en œuvre son sens intuitif, sa réceptivité. C’est pour éprouver sa confiance.

    Passer par les quatre Eléments, c’est se purifier, c’est commencer la lente et longue ascension de l’âme, de l’être, vers ce qui, en lui, est unique, universel, indestructible, son énergie, son centre, son joyau.

    Pour Bachelard, ces quatre Eléments ne sont pas figés. Ils se transforment, évoluent au gré de leurs rencontres. Ils sont « les hormones de l’imagination. Ils mettent en action des groupes d’images. Ils aident à l’assimilation intime du réel dispersé dans les formes. Par eux s’effectuent les grandes synthèses qui donnent des caractères un peu réguliers à l’imaginaire. En particulier, l’air est ce qui nous fait grandir psychiquement ».

    Ainsi, selon les philosophes de l’Antiquité comme Platon, Pythagore, Empédocle et Aristote, la nature réaliserait son œuvre de génération et de destruction au moyen de ces quatre Eléments : eau, feu, air et terre.

    Lorsque les trois voyages sont terminés, lorsque le candidat a été purifié par les quatre Eléments, le Vénérable Maître invite le Maître des Cérémonies à présenter le Calice d’amertume au candidat.

    L’épreuve du calice d’amertume

    La signification de ce geste est liée aux difficultés de la voie initiatique. En effet, le Vénérable Maître, qui sollicite le candidat à vider la coupe jusqu'à la lie, précise que « ce breuvage, par son amertume, est l’emblème des épreuves inséparables de la vie. La résignation peut en adoucir les effets mais le courage seul peut l’aider à les vaincre ».

    Boire à la coupe, c’est s’engager fermement sur le chemin de la connaissance de soi. Boire la coupe jusqu'à la lie, c’est consentir à persévérer jusqu'au bout quelle que soit la nature des épreuves à traverser, et s’engager à triompher de ses ténèbres intérieures.

    Pour Jules Boucher, le candidat devrait boire le contenu de la coupe en trois fois car il prend en considération les trois phases qui caractérisent le breuvage de l’Initié :

    • la première serait comme un liquide insipide, sans saveur, le symbole d la vie du profane en qui l’esprit n’a pas été éveillé ;

    • la deuxième, amère, symboliserait la vie de l’Initié qui est en voie de rechercher et de découvrir. Il est en proie au tourment de la recherche de la connaissance, voulant trouver la lumière et vivement sortir de son enfermement ;

    • la troisième phase serait la vie de l’adepte qui a reçu depuis longtemps la lumière en laquelle il puise, qui lui confère toute sa sérénité, sa paix intérieure et profonde, la quiétude que lui a valu l’Initiation, et le breuvage pourrait alors être comparable à la boisson divine qui confère l’immortalité.

    Tout cherchant dans la voie initiatique doit vider la coupe d’amertume jusqu'au bout, jusqu'à la lie, car tout être authentique est confronté, au fur et à mesure de la progression de sa quête, aux plus dures épreuves.

    L’absorption préalable du breuvage chargé d’amertume est la meilleure manière de s’y préparer par la connaissance. La coupe est symbole de transition entre le monde profane, d’où vient le Récipiendaire, et le monde des aspirations spirituelles.

    La coupe étant vide, la Loge est à présent prête à satisfaire les vœux du candidat et à récompenser sa persévérance pour autant que ce dernier consente à prendre l’engagement solennel que la Franc-maçonnerie impose à ses membres.

     

    Les visites dans d’autres Loges

    Le privilège de la visite d’une autre Loge se trouve octroyé aux Compagnons et aux Maîtres. Les Apprentis s’avérant – en principe – trop ignorants et inexpérimentés ne peuvent « voyager » seuls.

    Visiter une Loge, c’est participer aux Travaux d’une Loge autre que celle à laquelle on appartient. Il est très important pour un Maçon de visiter. Il apprend ainsi à connaître d’autres visages, d’autres personnalités mais aussi d’autres rites. De plus, les visites créent des liens entre les Loges. Celles-ci en arrivent parfois à organiser des Tenues communes.

    Un Frère visiteur doit respecter les usages de l’Atelier qu’il visite. Il commence par se présenter au Vénérable de la Loge. Il répond au « tuilage » s’il y est convié fraternellement. Ensuite, il calque son comportement sur celui des membres de la loge visitée et ne manque pas de présenter, s’il est Compagnon ou Maître uniquement, et au moment opportun, les salutations fraternelles de son Atelier.

    En visitant une autre Loge, le Maçon devient un ambassadeur de sa Loge. Sa conduite, ses propos doivent le désigner comme étant un modèle de Maçon faisant honneur à sa Loge et à son rite.

     

    Pour conclure, du moins provisoirement

    Ce n’est pas sans raison que l’Initiation comporte un aspect de dépouillement du vieil homme, de purification des impuretés etc. Pour ce qui nous concerne, l’Initiation  maçonnique prend la forme de voyages autour du centre durant lesquels sont présentées certaines épreuves qui ont pour but de s’éprouver soi-même et posséder désormais un modèle efficace de ce qu’il y a lieu de continuer dans la vie courante.

    Le fait que ces obstacles soient surmontés au cours d’une circumambulation répétitive autour du centre est capital car il indique la méthode à utiliser pour effectuer réellement la purification : voir le centre sous tous ses aspects, puis abandonner ce qui est périphérique et, en se concentrant, au sens technique méditatif du terme, atteindre le moyeu vide et immobile de la roue qui tournoie.

     

    R :. F :. A. B.

     

    Bibliographie

     

    Bernard Baudouin - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995

     

    Behaeghel Julien - Symboles et initiation maçonnique

    Hiram dans le labyrinthe

    Editions du Rocher, Monaco, 2000

     

    Behaeghel Julien - L’Apprenti maçon et le monde des symboles

    La Maison de Vie, Fuveau, 2000

     

    Béresniak Daniel - Rites et symboles de la Franc-maçonnerie

    Tome 1 :  « Les Loges bleues » - Editions Detrad, Paris, 1997

     

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade d’Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986

     

    Boisdenghien Guy - La vocation initiatique de la Franc-maçonnerie

    Editions l’Etoile, Bruxelles, 1999

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995

     

    Darche Claude - Vade-mecum de l’Apprenti

    Editions Dervy, Paris, 2006

     

    Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1994

     

    Ferré Jean - Dictionnaire des symboles maçonniques

    Editions du Rocher, 1997

     

    Guigue Christian - La formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 1995

     

    Mainguy Irène - La Symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy,  Paris, 2001

     


    votre commentaire
  •  La recherche de la Lumière 

    Introduction                                                

    La première version de cette planche, je l’ai tracée lorsque j’étais encore Apprenti.

    Après avoir quelque peu médité sur bon nombre de symboles du premier degré, je m’étais dit que ces symboles qui sont présents dans la Loge ou représentés sur le tapis recouvrant le Carré long ne pouvaient être visibles et aisément distingués que s'ils étaient suffisamment éclairés.

    Cette condition d'éclairage efficace m'avait alors rappelé ce que je suis venu chercher en Franc-maçonnerie et ce que j'ai demandé en y entrant : la Lumière !

    J’avais donc décidé de tracer une planche à ce sujet. Depuis lors, j’ai remis plusieurs fois l’ouvrage sur le métier et je me suis proposé de vous livrer mes réflexions, aujourd'hui mieux organisées, à la manière d’un jeune Maître qui est à présent censé savoir tracer des plans. Selon mes habitudes, j’y ai incorporé quelques informations que j'ai recherchées dans la littérature maçonnique.

    J’évoquerai successivement la lumière dans ses aspects physique et symbolique ; le Soleil et la Lune, les étoiles et les ténèbres ainsi que le feu.

    Je vous rappellerai comment apparaît la lumière dans la Loge, sur le Tableau de Loge ainsi que dans le langage maçonnique.

    Je terminerai ce tracé en rappelant la finalité de la Maçonnerie et en vous livrant mes réflexions et mes conclusions que je qualifie toujours de provisoires.

     

    Qu’est-ce que la lumière ?

    Physiquement, la lumière est un rayonnement émis par des corps portés à haute température et qui est perçu par les yeux. Elle est constituée par des ondes électromagnétiques. Dans cette définition, c’est surtout le mot «rayonnement» qui devrait retenir notre attention.

    La lumière trouve une source naturelle dans les étoiles et les corps célestes naturels que sont les astres.

    Les étoiles sont des astres qui brillent dans le ciel nocturne.

    Une étoile est un astre doué d'un éclat propre dû aux réactions thermonucléaires dont il est le siège. Les étoiles naissent de la contraction de vastes nuages de matière interstellaire (nébuleuses). Lorsque leur température devient suffisante, des réactions thermonucléaires s'amorcent dans leurs régions centrales et leur permettent de rayonner.

    Quittons provisoirement le domaine de la physique pour entrer dans celui du symbolisme. Symboliquement, de tout temps, la lumière a été considérée par essence comme source de vie. Elle est la clarté qui s'oppose à l'obscurité.

    De nombreuses religions et autant de courants de pensée en ont fait l'expression de la puissance divine.

    Le mot « Lumière » est apparemment devenu synonyme :

    • de force divine pouvant être transmise à l'homme,
    • de connaissance, de spiritualité,
    • de révélation dont tout individu peut acquérir les bienfaits à condition qu'il la reconnaisse et s'engage à sa recherche dans une voie d'étude et de respect.

    Dans cette optique, il était inévitable que la lumière prit une place particulière dans l'univers maçonnique.

    Chaque Rite, dans ses pratiques quotidiennes, pare la lumière des nuances qui lui conviennent. Ainsi, au Rite Écossais Ancien Accepté, la lumière est considérée comme « petite » lorsque le bandeau est ôté pour un bref instant des yeux du récipiendaire afin qu'il aperçoive les épées des Frères dirigées vers lui ; elle est considérée comme « grande » lorsqu'au terme de l'Initiation le bandeau est définitivement enlevé de devant les yeux de l'Initié.

     

    Le Soleil

    Revenons un instant au domaine de la physique pour nous rappeler que le Soleil, écrit avec une majuscule, est l'étoile autour de laquelle gravite la Terre. Il est par conséquent le centre de notre galaxie. Notons encore qu'il y a des milliards de soleils dans chaque galaxie. Que de lumière potentielle !

    Depuis toujours semble-t-il, le Soleil a joué un rôle primordial dans la vie de l'homme. En premier lieu car il est synonyme de lumière et de chaleur, mais aussi et surtout, par la valeur hautement symbolique que lui ont accordée les civilisations qui se sont succédé au fil des siècles.

    Le soleil est devenu un élément majeur de la symbolique maçonnique. C'est pourquoi, il est considéré comme le premier «luminaire» et figure à ce titre sur le tableau d'Apprenti. De même, le Soleil est très souvent mentionné dans les rituels, quel que soit le rite pratiqué.

    L'organisation de la vie quotidienne au sein du Temple maçonnique est calquée sur le rythme solaire. Comme l'indique notre rituel, nos travaux maçonniques commencent symboliquement à Midi, lorsque le soleil est à son zénith en plein ciel et se terminent à Minuit, quand il est au nadir.

    Notre positionnement comme celui de nos Frères Officiers Dignitaires lors des Tenues ainsi que l’itinéraire que nous devons suivre dans le Temple, correspond à une « dynamique solaire » très précise.

    Ainsi, alors que notre Vénérable se tient à l'Orient où se lève le Soleil, c'est-à-dire d'où vient la lumière, les Apprentis sont regroupés dans la partie du Temple la moins éclairée. Cette disposition correspond à leur faible élévation dans la hiérarchie maçonnique.

    Par sa vocation encourageant la vie, l'astre solaire est assimilé à la droite, à l'activité. Il est donc en relation avec la Colonne B:. et parmi les Officiers de la Loge, il est relié à l'Orateur qui remplit un rôle fondamental dans le maintien de l'éthique maçonnique.

     

    La Lune

    Parmi les astres les plus proches de notre Terre, il convient de remarquer que la Lune est dépourvue de lumière propre : elle ne fait que réfléchir la lumière qu'elle reçoit du soleil !

    La Lune est l'un des trois luminaires qui figurent en bonne place dans le Temple maçonnique. On la considère à juste titre comme le reflet du Soleil. Alors que le Soleil est synonyme d'expression concrète, la Lune rappelle les forces cachées, profondes, qui sont celles de la maturation, de l'imagination, de la créativité qui génèrent par la suite les formes concrètes.

    Depuis les temps les plus anciens, la Lune est considérée comme l'astre de la fécondité, de la lente et secrète production de la vie, l'astre qui donne la lumière dans la nuit. La Lune est de ce fait étroitement liée aux vertus cachées de l'Initiation qui éclairent l'homme vivant dans l'obscurité.

    Du point de vue maçonnique, la Lune évoque traditionnellement la passivité et la réceptivité. On a coutume d'associer généralement la Lune à la colonne J:. placée à gauche de l'entrée du Temple.

     

    Les étoiles et les ténèbres

     Les étoiles

    Les étoiles ont de tout temps symbolisé la lumière jaillissant des ténèbres. A ce titre, elles aussi ont trouvé une place de choix dans l'univers maçonnique dont l'objet premier est la recherche de la Lumière dans le sens de la connaissance.

    Nous pouvons dès lors mieux comprendre pourquoi le plafond du Temple maçonnique est généralement orné d'une peinture représentant un ciel d'un bleu profond, illuminé d'une foule d'étoiles dorées et scintillantes.

    Les ténèbres

    Les ténèbres : voilà un mot fréquemment employé dans le langage des Francs-maçons en diverses occasions :

    • négativement, elles désignent le contraire de la Lumière maçonnique ;
    • positivement, elles évoquent l'obscurité nécessaire au retrait de la vie et à la pensée, dans le cabinet de réflexion où séjourne celui qui subit les épreuves de l'Initiation ;
    • enfin, elles désignent une étape nécessaire qu'un Maçon doit vivre et traverser, tel un tunnel avant de parvenir, par le biais de l'Initiation, au grade suivant dans sa trajectoire maçonnique.

     

    Le feu,  les flammes

    Qu'est-ce que le feu ? 

    La physique nous apprend que le feu est un dégagement simultané de chaleur, de lumière et de flamme produit par la combustion vive de certains corps.

    Le feu a, de tout temps, été l’un des éléments de base qui constituent la vie, au même titre que l'air, l'eau ou la terre. C'est sans doute la raison pour laquelle il ne pouvait qu'acquérir au fil des siècles une valeur symbolique, d'autant plus forte que, dans son aspect physique, il présente de nombreuses vertus décapantes et purificatrices !

    Par analogie avec sa capacité à consumer ce dont il s'empare, le feu est considéré symboliquement comme un instrument de purification.

    De ce point de vue, le premier exemple à citer reste le fait qu'en une époque lointaine on l'utilisait pour brûler ceux dont les pratiques étaient jugées démoniaques.

     

    Approche du symbolisme du feu

    Dans le cadre maçonnique, le feu est présent par sa relation avec la maîtrise nécessaire pour le dompter et surtout la lumière qu'il prodigue. La Lumière étant assimilée à la Connaissance, le feu devient un « instrument de connaissance » et acquiert ainsi une dimension symbolique de toute première valeur : il est celui qui éclaire, celui qui illumine, qui transforme les ténèbres en champ lumineux, celui qui permet de voir... donc de savoir. Je dirais donc que le feu est un révélateur de l'essence des choses.

    Ce n'est surement pas par hasard si, dans la Loge, ce que l'on nomme les étoiles, qui autrefois guidaient la marche des voyageurs, sont des cierges au sommet desquels brûle le feu. Leur lumière éclaire la quête spirituelle des initiés Maçons.

    Le feu se veut à la fois d'essence divine, tant il sait être purificateur mais aussi implacable en certains instants, et initiateur par sa faculté à montrer le chemin, à permettre à l'homme de voir et comprendre.

     

    La Lumière dans la Loge

    La lumière physique est présente dans la Loge au sommet des candélabres.

    Luminaires et candélabres

    Un candélabre est une source de lumière, fixe, dont la fonction est d'éclairer le Temple. Il ne faut pas confondre le candélabre avec les autres sources lumineuses que sont le flambeau ou l'étoile qui, pour leur part, sont investis d'une valeur et d'un rôle symboliques.

    Dans le langage profane, le mot «luminaire» désigne tout appareil d'éclairage, les lampes, les cierges utilisés dans le culte chrétien, mais aussi le Soleil ou la Lune.

    Dans le langage maçonnique, le mot « luminaire » désigne trois éléments distincts :

    • ce sont, d'une part, le Soleil et la Lune, encore appelées « Etoiles » ;
    • ce sont, d'autre part, les Flambeaux, ces flammes par lesquelles le Temple doit être symboliquement éclairé, ces chandeliers disposés dans le Temple dont les bougies ne doivent jamais être soufflées lorsqu'on les éteint !

    La notion de luminaire se rattache ainsi à tout ce qui tient à la lumière. Or, dans le monde maçonnique, vous commencez à le remarquer, la lumière joue un rôle fondamental ! 

    On appelle « Trois Petites Lumières » le Soleil, la Lune et le Maître de Loge. Le Soleil règne sur le jour, la Lune préside à la nuit et le Vénérable Maître gouverne et dirige la Loge.

    Notez que dans ce contexte précis, le Vénérable Maître est considéré comme dispensateur de la Lumière fraternelle qui permet aux Maçons d'accomplir leurs devoirs maçonniques.

    Les « Trois Grandes Lumières » sont le Volume de la Loi Sacrée, l’Équerre et le Compas.

    C'est sur ces trois éléments de base de l'univers maçonnique que nous avons prêté serment lors de notre initiation.

    La même expression « Trois Grandes Lumières » semble aussi désigner le Vénérable Maître et les deux Surveillants.

    Sont également désignés par l'expression « Lumières de l'Atelier » les cinq premiers Officiers d'une Loge, c’est-à-dire le Vénérable Maître, les deux Surveillants, l’Orateur et le Secrétaire.

    Remarquez encore que

    • les Apprentis sont placés au Nord parce qu'ils ont besoin d'être éclairés ; ils reçoivent ainsi la pleine lumière de la fenêtre du Midi.
    • Placés au Midi, les Compagnons ont besoin de moins de lumière car l'ombre portée par le mur du Temple les éclaire suffisamment. On dit aussi que les Compagnons se tiennent au Midi parce qu'ils sont assez avancés pour supporter l'éclat du jour. Ils sont appelés à devenir des foyers ardents, sources de chaleur et de lumière.
    • Le Vénérable, l'Orateur et le Secrétaire reçoivent de face la seule lumière du couchant. Par contre, les Surveillants sont alertés dès l'aurore par la lumière qui vient les frapper.

     

    Les cierges

    Au degré d'Apprenti, on remarque parfois trois cierges : le Vénérable et les deux Surveillants ont chacun un chandelier sur leur plateau.

    Avant l'Ouverture des Travaux, seule la place occupée par le Vénérable présente un cierge allumé. A l’Ouverture des Travaux le Vénérable « donne la lumière » aux deux Surveillants.

    Ce n’est pas toujours le cas au Rite moderne. Dans certaines Loges, un chandelier à trois branches est disposé sur le plateau du Vénérable Maître et les Surveillants n’en n’ont pas.

    Les cierges des trois Piliers sont allumés avant que le Vénérable et les deux Surveillants ne prennent chacun la lumière destinée à leur plateau respectif.

    Munis du flambeau que leur tend le Maître des Cérémonies, le Vénérable et les deux Surveillants viennent allumer les cierges placés au sommet des Piliers qui leur sont attribués, Sagesse, Force et Beauté. Il y a alors six lumières dans le Temple, six cierges qui doivent brûler pendant toute la durée de la tenue : trois sur le plateau du Vénérable Maître et trois au sommet des Piliers situés aux angles du Carré long.

    Toujours à propos de flambeaux, Bernard Baudouin évoque l'usage d'un chandelier particulier pour introduire un Grand Officier Dignitaire dans le Temple. Un Frère marche devant lui en portant un flambeau, symbole de la Lumière initiatique. Notre rituel le désigne comme un « porteur d’étoile ».

    A propos de la présence des bougies dont les flammes semblent vivantes, il me semble qu'elles évoquent dans le même temps :

    • l'idée de protection contre les dangers, telle que les premiers hommes l'ont vécue dans les cavernes

    et

    • l'idée de purification car on sait que le feu dévore et « nettoie » tout ce dont il s'empare.

    Dans le même temps, présent bien tranquillement au sommet d'une bougie, le feu apparaît comme domestiqué par l'homme... ce qui ne fait que souligner le pouvoir de ce dernier.

    Le Franc-maçon, par son savoir et la connaissance que lui confère la Lumière lors de l'Initiation, maîtrise les éléments naturels.

    C'est sans doute pour toutes ces raisons que les cérémonies d'allumage et d'extinction des flambeaux revêtent une telle importance lors de chaque Tenue dans notre Loge. Éclairer celle-ci à l'aide des luminaires, c'est faire pénétrer dans ce lieu consacré à la fois la lumière de la vie et les Lumières de l'Initiation.

        

    Le Delta

    A l'Orient, derrière et au-dessus du siège du Vénérable, apparaît parfois, dans certaines Loges, un Triangle ou Delta lumineux. Le Delta lumineux maçonnique porte souvent en son centre le Tétragramme sacré I E V E, en lettres hébraïques, ou bien l’Œil divin.

    Ce Delta figure au fronton du Temple représenté sur le Tableau de Loge.

    Les études sur le Tétragramme sacré sont nombreuses, variées et assez confuses. Le Tétragramme formé des lettres Iod, , Vau, , est le nom divin dont la prononciation était réservée au grand-prêtre, chez les Hébreux, une seule fois par an.

    L’Œil qui apparaît bien souvent au centre du Delta symbolise, sur le plan physique, le Soleil visible d'où émane la vie et la lumière ; sur un plan intermédiaire, le Principe créateur, et sur le plan spirituel ou divin, le Grand Architecte de l'Univers.

    L’Orient

    J'ai évoqué le terme « L'Orient » en parlant du Soleil qui se lève à l'Est.

    Dans le langage maçonnique, le mot « orient » peut avoir différentes significations selon le contexte dans lequel il est employé.

    Dans son acception la plus commune et profane, il s'agit de la direction d'où vient le soleil à son lever. Au-delà de la simple orientation cardinale, l'Orient est donc lié symboliquement à l'origine, la naissance de la lumière.

    La lumière étant assimilée au sacré, dans l'univers maçonnique - dont l'Initiation n'est pas sans rappeler certains Rites solaires - l'Orient délimite un espace sacré : c'est là, au cœur de tous les symbolismes, que nait l'essentiel ; c'est de là que jaillit la Connaissance, la Vérité.

    Ceci explique que le Temple maçonnique s'érige de l'Orient à l'Occident.

    Lors des Tenues, c'est ici, dans ce périmètre de lumière, véritable « sanctuaire » que siègent le Vénérable Maître, l'Orateur et le Secrétaire, mais aussi les visiteurs de marque.

    Lorsque nous quittons la Loge en fin de Tenue, c'est « l'Orient d'abord » : c’est-à-dire que tous les Officiers Dignitaires qui siègent dans la partie surélevée du Temple en sortent les premiers.

    Lors de l'Initiation, nous prêtons serment sur un autel qui est situé à l'Orient.

    La voûte étoilée

    Le plafond du Temple est quelques fois en forme de voûte et celle-ci est constellée. Le plus souvent désignée par l'expression « voûte étoilée », elle représente le ciel, la nuit, avec une multitude d'étoiles.

    A l'Est, sont visibles les rayons du Soleil levant ainsi que ceux de l'Etoile Flamboyante guidant ceux qui cherchent la Lumière, au sens propre comme au sens figuré. Par ce biais, il est fait allusion à la dimension cosmique, aussi bien de l'homme Franc-maçon que de l'Initiation et du travail maçonnique.

    Jean-Marie Ragon de Bettignies explique que «la voûte du Temple est azurée et étoilée comme celle des cieux, parce que, comme elle, elle abrite tous les hommes, sans distinction de rang ni de couleur».

     

    La Lumière sur le Tableau de la Loge

    Les premiers luminaires que j'ai cités et que sont le Soleil et la Lune sont aussi présents sur le Tableau de la Loge d'Apprentis en haut, à droite et à gauche.

    Le Soleil, actif, est à droite, du côté de la Colonne B:. et la Lune, passive, est à gauche, du côté de la Colonne J:..

    Soleil et Lune se font face pour montrer que leur évidente différence est également synonyme de complémentarité et qu'ils embrassent la totalité de l'univers.

    Ceci nous rappelle le symbolisme fort des cultes solaire et lunaire des anciennes civilisations dont la plupart adorèrent l'un ou l'autre de ces astres, voire les deux.

    Le Soleil est l'astre du jour, la Lune celui de la nuit. Ils sont deux expressions différentes de la lumière qui règne sur le monde en permanence. L'un brille dans la clarté du jour, l'autre dans l'obscurité de la nuit, mais toujours avec un rayonnement suffisant pour éclairer les hommes en quête d'évolution sur le chemin de leur devenir.

    Selon Bernard Baudouin, le Soleil, évoque l'existence extérieure de l'individu. Tandis que la Lune évoque son existence intérieure. C'est donc l'être dans sa globalité qui se retrouverait dans ces deux luminaires.

    La lumière est aussi représentée sur le Tapis de Loge par trois fenêtres : la première à l'Orient, la seconde au Midi et la troisième à l'Occident. Il n'y a pas de fenêtre au Nord et les trois fenêtres indiquées sont grillagées.

    Selon Edouard Plantagenet, mais cela n’engage que lui, elles représentent les trois portes du Temple de Salomon. Cet auteur nous indique que l'on sait de façon certaine que le temple s'ouvrait à l'Est et était ainsi éclairé par le Soleil à son lever.

    Les maçons constructeurs ont toujours orienté les temples avec leur entrée à l'Occident et les trois fenêtres du « Tableau » suivent la marche du Soleil. Il n'y a pas de fenêtre au Nord parce que le soleil n'y passe pas.

    Les fenêtres sont grillagées non pas pour interdire aux profanes de regarder dans le Temple mais simplement pour en défendre l'accès. Cependant, le grillage qui protège ces ouvertures pourrait aussi nous indiquer que le travail des ouvriers est soustrait à la vue des profanes. Si le Temple était éclairé intérieurement, un simple grillage ne suffirait pas pour empêcher de voir ce qui s'y passe.

    Le Temple est isolé du monde profane et le Maçon ne doit avoir aucune tentation de devenir simple spectateur de ce même monde. Au contraire, il faut qu'en sortant du Temple, après y avoir puisé de nouvelles forces, le Maçon redevienne acteur dans la foule anonyme et y répande, entre autres, la Sagesse qu'il est venu y acquérir.

    La Lumière dans le langage maçonnique

    La lumière est omniprésente à plusieurs titres dans le langage des Francs-maçons :

    • d'une manière globale : elle a un caractère sacré ;
    • dans le cadre de l'Initiation, deux expressions au moins méritent d'être relevées :
    • Etre initié, c'est recevoir la Lumière.
    • C'est un profane qui erre dans les ténèbres et qui aspire à la Lumière.

    L'initiation marque pour celui qui la vit le passage d'un monde à un autre, de l'obscurité à la clarté, de l'inculte à la culture, de l'ignorance au savoir et du profane au sacré.

    Remarquons aussi :

    • dans le rituel de l'ouverture de nos travaux des expressions comme :
    • Un voile épais me recouvrait les yeux.
    • Que la Vraie Lumière éclaire cette Loge !
    • lors de la fermeture des travaux, le Vénérable Maître nous dit : «La Lumière brille dans les Ténèbres» ;
    • lorsqu'un candidat a été reçu, il a pu voir «Trois Grandes Lumières disposées sur l'autel» ;
    • lors du «tuilage» de l’Apprenti, celui-ci ne dit-il pas à un certain moment «Cinq l'éclairent» ?

    Dans cette étude, vous aurez remarqué que la lumière se rencontre souvent dans des expressions évoquant le Nombre Trois  : « trois grandes lumières », « trois fenêtres », « trois luminaires », « trois cierges »…

    … et que toute source de lumière n'est jamais isolée mais, au contraire, souvent incluse dans un ternaire :

    • Soleil, Lune, Maître de Loge ;
    • le Vénérable Maître et les deux Surveillants ;
    • les trois cierges qui surmontent les Piliers aux angles du Carré long ;
    • les trois cierges du plateau du Vénérable Maître.

    Quant à l'expression « les fils de la lumière », elle est le surnom donné fréquemment aux Francs-maçons,  par analogie au fait que la démarche maçonnique initiale se veut être une quête spirituelle de la Lumière dans le sens de la recherche de la Connaissance.

     

    La finalité de la Franc-maçonnerie

    Après avoir examiné la plupart des expressions, vocables et symboles qui évoquent la lumière dans notre environnement maçonnique, il me semble à présent opportun de rappeler quelle est la finalité de la Franc-maçonnerie.

    Comme je l'avais déjà précisé en parlant du symbolisme des étoiles dans l'univers maçonnique, l'objet premier de la Franc-maçonnerie, c'est la recherche de la Lumière, la conquête de la connaissance.

    Je partage à ce sujet le point de vue de Daniel Béresniak qui précise que « la finalité de la Franc-maçonnerie, c'est la LUMIÈRE, c'est-à-dire l'Eveil, l'état de l'homme qui agit au lieu de réagir ».

    Il me semble donc important de méditer régulièrement en observant l'Etoile flamboyante car, pour Guillemain de Saint-Victor, l’Etoile flamboyante est le centre d'où part la « Vraie Lumière », synonyme de « Lumière maçonnique ».

    Mais, finalement, comment comprendre ce symbolisme de la lumière ?

     

    Approche du symbolisme de la Lumière

    La lumière qui éclaire nos Travaux n’est pas celle de l’illumination intellectuelle. L’intellection n’est que l’une des composantes de cette illumination que nous associons à l’initiation et de cette lumière que nous associons au travail maçonnique.

    La fonction propre de la lumière est de déployer un « milieu » où les choses et les êtres se donnent à voir. N’est-ce pas d’abord en ce sens que la lumière « éclaire nos Travaux » ? Dans l’espace de la Loge, qui reproduit l’espace du Monde, comme tout espace sacré, toutes les paroles sont perçues, et l’attention de chacun est dirigée sur leur sens. On laisse leur sens se dévoiler et par conséquent on permet à la vérité de se dévoiler à travers elles.

    L’harmonie de la Loge, lieu de recherche en commun de la vérité et du bien, est la manifestation d’une parcelle de cette lumière ; l’harmonie, l’unité de la Loge sont indissociables de cette transparence qu’on appelle lumière.

    La lumière représente le mode de conscience auquel l’homme peut accéder, lorsqu'il triomphe de l’opacité des pulsions instinctuelles et dirige son regard vers les formes intelligibles qui constituent l’ordre du monde dans son unité, sa vérité et sa beauté.

    C’est aussi vers la Source de la lumière spirituelle que le symbolisme maçonnique oriente notre regard. La source originelle de la lumière spirituelle est symbolisée dans le Temple par le Delta lumineux. C’est précisément vers cet « illuminant » situé exactement à l’Orient, que nous tournons symboliquement nos regards. Cela signifie que nous avons, en « recevant la lumière » acquis la connaissance d’un fait simple et « évident » dont la reconnaissance est au fond de toutes les religions et de toutes les traditions initiatiques, à savoir que nous ne pouvons comprendre et créer que par participation à la Source éternelle de la Conscience et de la Créativité, que nous appelons le Grand Architecte de l’Univers et que le rituel invoque afin qu’il éclaire et protège nos Travaux.

    L’homme ne peut espérer participer au règne de la Lumière qu’à condition de réaliser en lui-même la juste et difficile proportion entre la pensée et le cœur, entre la lucidité et la ferveur.

     

    Mes conclusions provisoires

    Si le but suprême de la Franc-maçonnerie est la recherche de la Lumière, encore faut-il donner un sens plus personnel à cette expression.

    Que suis-je venu faire parmi mes Frères ?

    Chercher la Lumière ? Pourtant je n'ignore pas qu'elle ne se confère point !

    Que peut-elle être ? Certains y croient et l'appellent « Dieu ».

    D'autres pensent la détenir et l'appellent « Raison ». 

    Enfin certains la devinent et la cherchent : ils l'appellent « la Vérité ».

    La Lumière, n’est-ce pas avant tout la connaissance de soi ? Je pense que c'est en nous-même qu'elle se trouve et qu'elle apparaitra une fois que nous serons sortis des Ténèbres. Ce qui importe donc, finalement, c'est de CHERCHER.

     

    Pour pouvoir travailler en vue de notre élévation spirituelle, il nous faut construire nos connaissances par nos recherches personnelles, par l'introspection, par l'écoute attentive des points de vue exprimés par nos Frères plus anciens, par l’expression de leur expérience et par les ajustements appropriés de nos Surveillants.

    Pour pouvoir participer à l'amélioration du Monde et des Hommes en particulier, il nous faut en premier lieu songer à notre perfectionnement personnel, à devenir une Pierre bien taillée, adaptable dans l'édification du Temple idéal dont nous devrions devenir les pierres parfaites.

    Chacune des étoiles de la voûte de notre Temple symbolise comme une victoire de la lumière sur l'obscurité et du savoir sur l'ignorance. C'est pourquoi nous, Francs-maçons, dans notre trajectoire initiatique tournée vers l'éveil et la recherche de la pureté, nous pouvons nous apparenter ou nous identifier à l'une d'elles. Chacun d'entre nous n'est qu'un individu isolé, qui brille de sa propre lumière. Mais tous les Maçons réunis dans leur fraternité forment un ciel constellé de lumières qui sont autant de luminaires pour éclairer le monde.

    J'aimerais pour terminer provisoirement cette longue analyse citer une dernière fois Edouard Plantagenet.

    L'extrait qui suit m'a particulièrement plu et j'aimerais vous en faire profiter :

    « Hantez les forêts, mes Frères ! Car ce n'est qu'ainsi que vous pouvez espérer voir, un jour, sourdre en votre âme une première lueur de cette Lumière qu'ici vous êtes venu chercher, qui intensément vous entoure mais que vous ne pouvez percevoir car vous n'êtes pas encore sortis des ténèbres de vous-même.

    Mais les ténèbres ne sont point éternelles :

    • à force de PARLER de la Lumière, l'aveugle finit par oublier sa cécité ;
    • à force de CROIRE à la Lumière, l'aveugle finit par s'imaginer qu'il voit ;
    • à force de CHERCHER la Lumière, l'aveugle finit par la trouver, et c'est alors, mais alors seulement, en vérité, que le Temple s'éclaire et que nous pouvons dire que l'Ordre Universel de la Franc-maçonnerie compte un Maître de plus ».

     

    R :. F :. A. B.

    Bibliographie

     

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Paris, 1995, Editions De Vecchi – Pages 34, 64, 68, 97, 98, 99, 116, 146, 155, 171

     

    Béresniak Daniel - L’apprentissage maçonnique, une école de l’éveil ?

    Paris, 1983, Editions Detrad

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Paris, 1995, Editions Dervy – Pages 85 à 91 ; 116 et 117 ; 154 à 157 ; 231

     

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail d’Apprentis

    Paris, 1994, Editions Dervy – Pages 37 et 38

     


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