•  Les devoirs de l'Apprenti 

    INTRODUCTION

    A l’issue des quelques mois qu’a duré mon Apprentissage, il m’avait paru opportun de faire le point sur les nombreux devoirs qui nous concernent depuis notre première démarche en vue de notre admission en Franc-maçonnerie. Pendant tout le temps de mon apprentissage, j’en ai sans doute intégré de nombreux, sinon tous, mais d’une manière inconsciente.

    Je m’étais proposé d’élaborer une synthèse relative aux conditions imposées au candidat à l’initiation, aux devoirs du Néophyte et à ceux des Apprentis-Maçons.

    AVANT L’INITIATION

    POSSÉDER UN MINIMUM d'INSTRUCTION ET DE DISPONIBILITÉ

    Au moment où nous avons sollicité notre admission en Franc-maçonnerie, la Loge a vérifié si nous possédions au moins l’instruction indispensable pour comprendre les enseignements maçonniques.

    Chacun de nous commence cependant à comprendre que ces «enseignements maçonniques» sont spécifiquement incommunicables, qu’ils naissent de l’ésotérisme de nos symboles au contact de notre pensée et qu’ils s’installent dans notre psychisme, s’étendent ou s’arrêtent au gré de nos efforts.

    Nos Frères se sont également enquis de notre disponibilité et nous avons compris depuis ce moment que nous devrions effectivement faire preuve de disponibilité en permanence. Cet état d’ouverture d’esprit et d’accueil, cette assiduité aux Tenues et aux séminaires supposent que nous prenions du temps sur celui de notre vie profane.

    DES DEVOIRS AVANT DE COMMENCER

    Au seuil du Temple, nos Frères – parrains et enquêteurs – ont également voulu s’assurer que nous avions bien conscience de quelques obligations que nous devions remplir pour pouvoir être considérés comme « initiables ».

    C’est pourquoi, enfermé par deux fois dans le Cabinet de réflexion, le Récipiendaire que nous avons tous été, a été invité – la 1ère fois – à répondre à trois questions sur ses devoirs et – la 2ème fois – à rédiger son « Testament philosophique ». 

    I.  LES TROIS QUESTIONS  AU SEUIL DU TEMPLE     

    Comme celle d’un navigateur au milieu de l’océan, là où l’origine et la destination sont hors de vue, cette démarche nous a permis de faire le point. Il nous a fallu dire où nous voulions aller et quelle route nous estimions devoir suivre.

    Ces trois questions ont varié selon les temps et les lieux, selon les rites et les époques.

    Jadis, les trois questions posées au profane étaient :

    1.    « Qu’est-ce que l’homme doit à Dieu ? »,

    2.    « Qu’est-ce que l’homme se doit à lui-même ? »

    3.    « Qu’est-ce que l’homme doit aux autres ? ».

    1. DES DEVOIRS ENVERS DIEU ?

    Dans son évolution, la Maçonnerie, du moins dans certaines obédiences, a remplacé l’interrogation du devoir envers Dieu par celle du devoir envers la Patrie. Mais était-ce opportun si l’on songe que la Maçonnerie est universelle, répandue sur toute la terre habitée ? La patrie du Maçon n’est-elle pas la Terre entière et non seulement le lieu où il est né ou la collectivité dans laquelle il s’est développé ? Quant à Dieu, la Maçonnerie moderne l’a remplacé par le « Grand Architecte de l’Univers ». Dans notre Obédience, il nous est  demandé d’accepter de travailler à la gloire de Celui-ci.

    Je m’interroge sur l’opportunité de ces questions. N’y en a-t-il pas d’autres qui pourraient utilement et davantage éclairer la Loge sur nos conceptions philosophiques : «D’où venons-nous ? » «Que sommes-nous ? » «Où allons-nous ?» dans lesquelles on retrouve le ternaire « passé, présent, avenir ».

    2. DES  DEVOIRS ENVERS SOI-MÊME

    « Quels sont vos devoirs envers vous-même ? » est la seule question qui ait été posée en tous lieux et en tout temps. La plupart des initiés avouent au moins implicitement venir chercher dans la Franc-maçonnerie quelque chose de plus haut et de noblement pressenti. Mais il faudrait qu’ils découvrent ce « quelque chose »  lorsque leur heure viendra. Les jeunes initiés ne devraient donc pas limiter leur ambition à la seule pratique de la solidarité et de la fraternité.

    ETRE SINCÈRE 

    L’homme se doit à lui-même et avant tout d’être sincère. Cela semble plus difficile qu’il ne paraisse de prime abord car l’homme se plaît généralement à revêtir plusieurs personnalités. Comme un acteur aux rôles multiples, son attitude est souvent différente envers chaque personne qu’il rencontre ou qu’il côtoie. Parfois la simplicité pour certains n’est plus possible car ils sont pris dans un monde factice qu’ils ont créé de toutes pièces. La sincérité qui nous est demandée implicitement à nous montrer tel que nous sommes est une des conditions primordiales qui rendront valable ou non notre Initiation.

    APPRENDRE A SE CONNAITRE 

    Le premier chemin que nous indique le rituel de l’Initiation maçonnique au grade d’Apprenti est le chemin à suivre pour rejoindre notre temple intérieur, là où nous pouvons nous retrouver et nous épanouir. Nous découvrons aussi que le Fil à plomb nous incite à descendre au plus profond de nous-même pour y découvrir ce que nous sommes vraiment. Plus tard, une fois en bas, par le même fil, nous pourrons, en sens inverse, nous élever vers la Lumière.

    Pour tirer profit de la taille de notre pierre brute, ayons, à l’égard de l’enseignement procuré par les rituels, un comportement à la fois critique et bienveillant. Les textes, véhicules de cet enseignement, sont pétris, eux aussi, dans les préjugés et les prêts-à-penser à la mode du temps de leur rédaction mais ils contiennent également des formules éclairantes et stimulantes, utiles à qui souhaite l’éveil. A nous de les découvrir, de les analyser, de les méditer pour ensuite agir.

    3. ETRE  BIENVEILLANT ENVERS LES AUTRES

    Lorsque je me trouvais dans le Cabinet de réflexion, il m’a paru plus aisé de répondre à la question : « Qu’est-ce que l’homme doit aux autres ? »  Pourtant l’altruisme inclus dans cette question est d’une application assez délicate. Certes, le Maçon a des devoirs précis envers lui-même, mais il en a d’autres et de plus impérieux envers les autres. Il doit savoir manier la Truelle à bon escient et ce n’est pas une tâche facile.

    La Truelle, c’est cet outil qui réunit, qui fusionne et qui unifie. C’est donc essentiellement l’emblème des sentiments de bienveillance éclairée, de fraternité universelle et de très large tolérance qui distinguent le véritable Maçon.

    Le Franc-maçon doit donc être « bienveillant », sans pourtant aller jusqu’à la faiblesse qui excuse indistinctement toutes les fautes.

    II. LE RAPPEL DE NOS DEVOIRS AVANT DE COMMENCER A TRAVAILLER

    Aujourd’hui, avec un peu de recul,  il me paraît sain que la Loge nous rappelle à nos devoirs parce que ceux-ci fondent notre dignité et parce que la dignité et la liberté sont consubstantielles. En outre, les droits et les devoirs sont inséparables. L’homme libre connaît et assume les devoirs correspondant à ses droits.

    Les réponses généralement fournies par les Récipiendaires sont souvent destinées à rassurer la Loge et traduisent un moralisme assez plat. Ce n’est cependant pas la faute des candidats : la société leur a appris à se conformer à un modèle obligatoire. Elle ne leur a pas assez appris à réfléchir. Ils ne connaissent que les réponses qui leur ont été soufflées depuis qu’ils sont tout petits !

    « Dans le monde profane d’où ils viennent, les questions servent de combustible aux réponses, nous dit Daniel Béresniak. Ce fait justifie l’existence d’un lieu où se pratique l’Art Royal. En ce lieu, ce sont les réponses qui servent de combustible aux questions ». 

    LES DEVOIRS GÉNÉRAUX DE L’INITIE

    Nous qui avons été reçus Maçons selon les formes traditionnelles, comprenons bien que nous n’avons pas acquis, par ce seul fait, les qualités qui distinguent le penseur éclairé de l’homme inintelligent. La cérémonie de Réception est une mise en scène d’un programme que nous devons suivre pour entrer en pleine possession de toutes nos facultés. 

    MÉDITER

    Notre premier devoir est donc de méditer les enseignements du rituel afin d’y conformer notre conduite. C’est là notre devoir par excellence. Ce seul devoir comprend tous les autres. Mais quels sont-ils ? Rappelons-nous les prescriptions plus précises contenues dans l’obligation que nous avons prêtée :

    • nous taire devant les Profanes 

    • chercher la Vérité 

    • vouloir la Justice 

    • aimer nos Frères 

    • nous soumettre à la Loi

    ETRE DISCRET

    Lors de chaque Tenue, nous nous tenons sur la Colonne du Nord car nous ne pouvons encore soutenir qu’une faible lumière. Nos intelligences ont besoin d’être préparées à recevoir LA Lumière : une clarté trop brusque nous aveuglerait et ne nous éclairerait point.

    Jeunes Maçons, nous devons donc nous montrer très réservés. Tout prosélytisme intempestif nous est interdit. Chercher à étonner en exposant des idées trop audacieuses est essentiellement antimaçonnique.

    S’interdire de parler pour s’astreindre à écouter, est une excellente discipline intellectuelle si nous voulons apprendre à penser. Les idées mûrissent par la méditation silencieuse. Celle-ci est une conversation avec nous-mêmes.

    Les opinions raisonnées résultent de débats intimes qui s’engagent dans le secret de notre pensée.

    « Le sage, nous dit Oswald Wirth, pense beaucoup et parle peu ».

    Il convient donc que nous soyons attentifs à ne heurter aucune conviction sincère, que nous écoutions chacun avec bienveillance, sans faire parade de notre manière de voir. Nous avons à former notre opinion. Aussi, sachons écouter les avis les plus contradictoires. Apprenons à juger sans parti pris afin de devenir des penseurs indépendants, des libre-penseurs dans le vrai sens du mot.

    Dans son sens maçonnique, la discrétion implique un devoir de réserve et de silence mais surtout de ne pas dévoiler nos Frères, de ne pas révéler les détails de nos rituels, le caractère sacré de nos Tenues par ailleurs difficilement communicable.

    PRATIQUER LA TOLÉRANCE

    Dans toutes les opinions exprimées se rencontre une part de vrai. Nul ne peut se flatter de posséder la vérité parfaite. Nous devrions donc être indulgents et ne pas demander à chacun de voir les choses comme nous-mêmes. Les manières de voir divergentes qui se font jour sont toutes également respectables lorsqu’elles émanent de personnes sincères. Elles expriment la vérité sous différents aspects en raison des multiples points de vue d’où elle est susceptible d’être envisagée.

    Nos intelligences sont faibles. Elles ne s’approchent de la Vérité que par étapes. Aussi, gardons-nous de procéder par affirmations, par des formules toutes faites ou par dogmes car rien n’est plus contraire à l’esprit maçonnique.

    Ne cherchons pas à imposer notre manière de voir mais amenons les autres à découvrir ce que nous avons trouvé nous-mêmes. Pensons et faisons penser.

    ETRE A LA RECHERCHE DU VRAI

    L’enseignement maçonnique ne comporte ni dogme ni credo d’aucune sorte. Chacun d’entre nous est appelé à construire par lui-même l’édifice de ses propres convictions. C’est dans ce but qu’il est initié à la pratique de l’Art de la Pensée. Cet art s’exerce sur des matériaux qu’il faut dégrossir. En d’autres termes, il s’agit d’élaguer les erreurs qui défigurent la Vérité. Celle-ci, qui est partout mais cachée, ne demande qu’à être extraite de tout ce qui est faux et superstitieux.

    Ne repoussons donc rien a priori car le véritable ami de la vérité ne saurait être un esprit borné. Au contraire, ce doit être une intelligence largement ouverte à toutes les idées susceptibles de provoquer une modification des convictions présentes. Celui qui a ses idées arrêtées et qui tient à les conserver n’est pas un homme de lumière et de progrès.

    En tant qu’Apprenti je pense m’être déjà souvent approché de l’enseignement maçonnique en consultant tel ou tel ouvrage, tel ou tel auteur, et j’ai souvent rencontré des réponses différentes pour les mêmes questions. Souvent je risquais de choisir la réponse qui me convenait le mieux et d’exclure de ce fait les autres.

    Si j’avais été pressé de découvrir des repères, j’aurais risqué d’oublier de m’interroger sur les raisons de ce choix, de regarder les relations entre mes désirs personnels et les idées qui me plaisaient. J’aurais donc oublié d’étudier la relation entre le subjectif et l’objectif.

    Dans ces circonstances, le symbolisme que j’aurais cru pratiquer aurait alors été vécu comme la mémorisation de vérités absolues formulées une fois pour toutes, ce qui aurait figé et desséché mon esprit.

    Quelle attitude pourrions-nous adopter  lorsque nous, les Apprentis, nous nous trouvons dans une telle situation ?

    Pour que l’étude du symbolisme stimule notre esprit en réunissant toutes ses facultés, il me semble qu’il faut admettre que toutes les réponses obtenues peuvent être acceptables. Ces réponses ne s’annulent pas mais pourraient par exemple se superposer à la manière de couches sédimentaires. Les réponses seraient alors analogues aux pièces d’un puzzle.

    Mais cette métaphore du puzzle me paraît encore insuffisante car elle suggère une image figée. Or, chaque réponse se présente comme un éclairage possible et chaque éclairage participe à la lumière mais sans jamais être à elle seule toute la lumière.

    Personnellement, lorsque je me trouve en présence de plusieurs réponses à un problème, je tente d’en faire une synthèse en tenant compte de l’évolution possible entre les réponses, car bien souvent elles ont été émises à des époques et dans des contextes socioculturels très différents.

    En conséquence, si nous voulons tirer le meilleur profit du symbolisme, il me semble que nous devrions collectionner des réponses et les comparer car la comparaison permet de construire du sens.

    SOUS LA LOI DU SILENCE

    « Retirons-nous sous la loi du silence… » nous rappelle le rituel du Rite moderne. C’est-à-dire qu’il convient de ne pas enfreindre la loi du silence ! Tout d’abord, un Maçon doit s’abstenir de toute divulgation susceptible de porter préjudice à la Franc-maçonnerie ou à ses membres. Ainsi, nos moyens de reconnaissance doivent faire l’objet du secret le plus absolu. De plus, en dehors de la Loge, il nous est également interdit de parler des rites qui se pratiquent au sein des loges maçonniques. Enfin, en principe, il nous est interdit de prendre la parole en loge. Si nous pensons avoir une communication importante à faire, le Second Surveillant doit nous « couvrir ».

    Ce n’est qu’à la faveur de ce long silence que nous pourrons faire cet indispensable retour sur nous-même qui nous affranchira définitivement de l’influence pernicieuse de notre existence antérieure et nous fera découvrir, en même temps, que la Lumière que nous sommes venus chercher dans le Temple se trouve déjà en nous.

    ETRE ASSIDU

    On fait souvent de l’assiduité une obligation. Mieux, c’est une discipline, comme la mise à l’ordre, la marche, les batteries et la prise de parole. Nous ne venons pas en Loge parce que nous sommes simplement intéressés par ce qui s’y passe ou ce qui s’y dit : ce serait une erreur. Si la fréquentation de la Loge semble une obligation, c’est pour que s’y forge la fraternité, pour que s’élabore une relation complexe entre des hommes rassemblés par un désir commun, une volonté partagée et inspirés par une même aventure spirituelle. La fréquentation de la Loge est avant tout liée au travail : certains se font chercheurs, d’autres assument la responsabilité de la transmission, d’autres encore se soucient des ressourcements nécessaires, d’autres enfin plongent sans doute dans le mystère de la méditation.

    L’assiduité, c’est notre présence régulière aux Tenues comme aux séminaires. Elle est primordiale car, pour progresser, il me paraît indispensable de suivre un rythme de travail et de rencontres. Sans assiduité, le travail à opérer sur soi-même me semble difficile car il implique le concours et l’aide de nos Frères.

    TRAVAILLER 

    Alors que j’étais encore profane, j’avais déjà pressenti l’importance du Travail maçonnique sans toutefois en percevoir la nature exacte. Lors de mon Initiation, j’ai promis de travailler avec zèle, constance et régularité.

    A chaque Tenue, l’idée de  « travail » est formulée de nombreuses fois :

    • Mes Frères, le V:. M :. nous appelle au travail !

    • … j’ouvre les Travaux d’Apprentis…

    • … un Apprenti-Maçon qui demande à participer aux Travaux de cette Loge…

    • …pour travailler la pierre brute…

    • … le nouvel Apprenti a commencé son travail.

    • A quelle heure les Apprentis Maçons ont-ils coutume de clore leurs Travaux ?

    Mais en quoi consiste le travail maçonnique ?

    Le Travail maçonnique ne consiste nullement en des exposés plus ou moins brillants, compilés ou provocateurs, qui mettent en valeur l’élocution ou l’érudition d’un Frère. Le travail maçonnique, c’est l’intériorisation des pratiques, des actes accomplis en Loge ; c’est la méditation sur les symboles et le rituel.

    Le Travail maçonnique se partage. Les Frères y participent d’une manière enthousiaste. Ils reçoivent un salaire et des augmentations de salaire car le chantier est ouvert depuis longtemps et restera encore ouvert longtemps, tant que la Franc-maçonnerie existera.

    Le «travail» ainsi annoncé est en réalité cette transformation qui s’accomplit en chacun d’entre nous par la recherche de l’équilibre entre l’individu et le groupe que constitue la Loge.

    Si, pour les chrétiens, le travail est un châtiment («Tu gagneras ta vie à sa sueur de ton front… »), la Maçonnerie est établie par contre sur la notion de métier. Dans les pays anglo-saxons, notre Ordre est en effet désigné par le terme « craft » qui signifie précisément « le métier ».

    La conception chrétienne paraît difficilement conciliable avec la conquête de la nature, avec la maîtrise des choses, avec la domination sur l’Univers, qui, cependant, est aussi une vocation de l’humanité, exprimée dans l’Ancien Testament.

    Le mot « travail », quand il est pris dans sa pleine acceptation d’activité humaine, et non dans le sens dérivé de supplice, apparaît comme l’attribut fondamental de l’humanité.

    Sans l’activité, sans l’action, l’homme ne connaîtrait pas, l’homme ne pourrait pas s’élever au-dessus de lui-même. L’action est donc le facteur de développement par excellence.

    Le Travail maçonnique est en fait l’activité de l’homme en soi, la conquête de son identité, la maîtrise de ses passions, la reconnaissance de ses faiblesses et de ses vertus.

    PRATIQUER LA FRATERNITÉ 

    Il me semble aussi de la plus haute importance de contribuer par tous nos moyens à resserrer les liens qui unissent les Maçons, en commençant par ceux de notre Respectable Loge en premier lieu, par ceux de notre Obédience ensuite. Car, en Maçonnerie, l’union n’est pas l’effet d’une discipline imposée. L’union entre tous les Maçons ne peut naître que de l’affection que ressentent les uns pour les autres.

    PRATIQUER L’ALTRUISME 

    Sans l’action, la vie ne diffère en rien de la mort. Vivre oisif, ce n’est pas vivre, c’est végéter. Ne s’occuper que pour soi, c’est ne vivre qu’à demi. S’intéresser au bonheur universel des hommes, à commencer par celui de ceux qui nous sont les plus proches, et agir en conséquence, c’est véritablement vivre et sentir que l’on vit. Trop souvent le profane travaille pour vivre, alors qu’il appartient au vrai sage de vivre pour travailler. Tentons donc de nous comporter en sages !

    RESPECTER LA LOI 

    Au-dessus des lois conventionnelles, il est une Loi idéale, écrite dans le cœur des hommes de bien. C’est à cette règle souveraine que l’Initié se soumet sans réserve. Quant aux lois positives, souvent bien imparfaites, elles n’en sont pas moins respectables. Elles constituent l’élément fondamental de toute civilisation. Elles tentent de garantir contre l’arbitraire, d’assurer l’ordre et de s’imposer comme sanction nécessaire du pacte social.

    L’Initié doit donc se soumettre aux lois, même si elles lui donnent parfois l’impression d’être injustes. Il s’incline devant la volonté générale, même lorsque celle-ci se trompe. Ainsi, Socrate avait préféré boire la ciguë plutôt que de se soustraire à l’arrêt légal, mais inique, qui le frappait.

    « Les Francs-maçons se soumettent scrupuleusement à la législation de tous les pays où il leur est permis de se réunir librement », nous dit Oswald Wirth. « Ils ne conspirent contre aucune autorité légalement constituée. Leur action humanitaire ne peut donc porter ombrage qu’aux gouvernements qui ont conscience d’avoir contre eux le droit ».

    « En ce qui concerne la loi maçonnique, les Maçons en observent surtout l’esprit. Ils préconisent une ligne de conduite qui a pour elle l’autorité d’une longue expérience. Mais il ne faut jamais perdre de vue que les prescriptions réglementaires s’adressent à des hommes qui pensent et qui se dirigent selon la logique. Pour le Penseur, la Raison reste la loi suprême contre laquelle aucune stipulation écrite ne saurait être invoquée. L’Initié jouit d’une entière liberté, parce qu’il est pleinement raisonnable et que, par suite, il ne peut faire qu’un bon usage de sa volonté. C’est en ce sens que le Maçon doit être libre dans la Loge libre ». 

    PRATIQUER LA BIENFAISANCE 

    Lorsque chacun d’entre nous a appris qu’il venait d’être définitivement admis dans la Franc-maçonnerie, il a été invité à entrer dans la Chaîne d’union des Maçons. Cela n’était cependant possible qu’en faisant avec eux acte de solidarité par la participation aux œuvres de bienfaisance de l’Ordre. Chacun fait un don volontaire qu’il proportionne à ses moyens et dont la valeur reste cachée.

    C’est avec tact et discrétion que nous devons aider nos Frères. Ils ont tous droit à notre protection, à notre aide. Citons encore Oswald Wirth : « La bienfaisance est de pure justice car ceux qui manquent du nécessaire sont les créanciers de ceux qui jouissent du superflu ».

    La bienfaisance doit s’accomplir comme un devoir de solidarité mais sans jamais fournir de prétexte à des actes de vanité ou d’ostentation qui seraient sources d’orgueil pour celui qui donne et d’humiliation pour celui qui reçoit.

    Tous nous pouvons être utiles les uns aux autres. Chacun a besoin de tous. Il me semble que celui qui refuserait de secourir son semblable s’exclurait lui-même de la communion des Initiés par ce seul fait.

    RÉAGIR, DEVENIR HOMME « LIBRE » 

    L’Initié doit découvrir qu’il est entré en Franc-maçonnerie pour apprendre à réagir. Il désire devenir un homme « libre », un homme qui agit selon sa propre voie. L’homme libre est l’idéal du moi proposé par la voie « initiatique ». Celle-ci associe l’introspection à la pédagogie. Elle conduit en principe à une transformation de l’être. Pour y parvenir, celui qui s’engage dans cette voie pratique le symbolisme.

    PRATIQUER LE SYMBOLISME 

    Pratiquer le symbolisme est aussi un de nos devoirs. C’est regarder tout ce qui existe comme une grande écriture chiffrée. C’est penser la pensée et parler du langage. Comme l’indique le mot, le symbole est un ensemble qui réunit plusieurs éléments, de manière à ce que le tout soit plus et autre chose que la somme des parties.

    ETUDIER LES SYMBOLES 

    L’étude des symboles maçonniques et l’étude maçonnique des symboles n’ont rien à voir avec une mémorisation de « paroles de maîtres » dont la finalité serait alors une mise en conformité avec une représentation générale du monde obligatoire. L’enjeu de l’approche du symbole est l’éveil de facultés endormies justement par l’apprentissage de la conformité dans le monde profane.

    RECHERCHER LA VÉRITÉ 

    La vérité est un rapport et non une chose en soi. La vérité du texte, c’est ce que le texte révèle sur soi-même. Comment et pourquoi je réagis positivement ou négativement relativement au texte ? Telle est la question à se poser pour tirer profit d’un texte et avancer dans l’Art.

    PRATIQUER LA RECTIFICATION 

    C’est le moment de se rappeler la présence des lettres « V.I.T.R.I.O.L. » dans le Cabinet de réflexion, lors de l’Épreuve de la Terre, de se souvenir de sa traduction et de dégager le sens profond des quatre dernières lettres : «En rectifiant, tu trouveras la pierre cachée».

    La rectification est une remise en question de ce qui semble acquis, une interrogation sur le processus de la pensée, une révision des outils de la pensée. Elle met en route la quête d’ordre épistémologique, laquelle fait une pause dans la poursuite du vrai et substitue à la question « qu’est-ce qui est vrai ? » la question « pourquoi et comment je cherche du vrai ? ». La question ainsi rectifiée permet de reposer plus clairement la question d’origine. Enfin la rectification rappelle que chercher la vérité, c’est observer, supposer, généraliser et corriger sans cesse.

    DÉCOUVRIR LE SENS DE L’INITIATION

    Au cours de la première période de notre vie maçonnique, nous devrions découvrir, comme minimum de vérité, le sens de notre Initiation. Nous devrions nous rendre compte que l’idée que l’homme se fait de l’univers n’est relative qu’à lui-même, puisqu’il n’a pu l’édifier que par le truchement de sensations.

    Perçues par contrastes, ces sensations nous amènent à construire des idées qui varient d’un individu à l’autre : chacun s’est ainsi fait sa conception personnelle de l’univers et nous pouvons nous rendre compte qu’il n’existe pas de vérité intégrale, absolue, démontrée. Chaque individu dispose donc d’un aspect de vérité dont il pourrait toujours trouver la contrepartie.

    Mais la Vérité que nous venons chercher dans le Temple ne peut résider autre part que dans un « troisième terme » qui réalisera pour nous l’équilibre entre les contrastes et nous soustraira désormais au danger des généralisations unilatérales et hâtives.

    Entièrement soumis à l’influence de nos sensations matérielles, il convient avant tout de les spiritualiser afin de donner à notre mode de pensée une impulsion qui nous pousse vers le travail spéculatif, seul capable de nous permettre ensuite de réaliser les synthèses qui sont la finalité de l’Initiation.

    APPRENDRE LE SENS DE L’ACTION

    Au contact de notre Second Surveillant nous devrions apprendre « le sens de l’action ». Guidés par ce Maître en particulier, parfois aussi éclairés par d’autres Maîtres de la Loge, armé du Maillet et du Ciseau, chacun d’entre nous doit entreprendre son rude travail : le dégrossissement de la pierre brute.

    TIRER PROFIT DE LA TAILLE DE LA PIERRE BRUTE 

    Pour tirer profit de la taille de la Pierre brute, il nous faut adopter un comportement à la fois critique et bienveillant.

    « Tailler sa pierre, nous dit Daniel Béresniak, c’est la remettre en cause, la regarder comme « à être ». C’est donc reconnaître la légitimité du devenir ».

    La finalité du travail consiste dès lors à comprendre comment les opinions surgissent dans notre conscience. Se débarrasser de ses préjugés, ce n’est pas les rejeter a priori et en adopter d’autres. Pour se débarrasser des préjugés, se dépouiller des métaux selon l’expression symbolique, il nous faut comprendre comment les préjugés surgissent et s’établissent.

    Jules Boucher  nous rappelle notre objectif : « La pierre cubique, l’hexaèdre, c’est le chef-d’œuvre que l’Apprenti doit s’efforcer de réaliser ».

    EN GUISE DE CONCLUSION PROVISOIRE

    A présent que nous faisons partie de la grande famille maçonnique, ne croyons pas que tout est fini et qu’il nous est loisible de reprendre notre vie de profane là où nous l’avons laissée !

    En effet, si l’Initiation au premier des trois degrés de la Maçonnerie symbolique ne nous confère que fort peu de droits, elle nous astreint par contre, comme j’ai tenté de le montrer dans cette réflexion, à de nombreux devoirs.

    En quelque circonstance que ce soit, un Maçon se doit à lui-même de ne pratiquer que la tolérance, de ne priser que la vertu et de ne respecter que l’intelligence et le talent. Tels sont les devoirs rigoureux que nous avons assumés vis-à-vis de nous-même pour nous rendre dignes de la confiance que nos Frères ont mise en nous.

    Notre Constitution nous enjoint « d’étendre à tous les membres de l’humanité les liens fraternels qui unissent les Francs-maçons sur toute la surface du globe ». Elle nous recommande aussi « la propagande par l’exemple ».

    Nous avons prêté un serment solennel et juré de mettre en pratique, en toutes circonstances, la grande loi de solidarité humaine qui est la doctrine morale de la Franc-maçonnerie. Nous avons juré de pratiquer l’assistance envers les faibles, la justice envers tous et la dignité envers nous-mêmes.

    La relativité est l’essence même de la vie. Aussi ne croyons jamais aux vérités absolues. Rappelons-nous, par exemple, que les lois scientifiques ne sont qu’un instantané du relatif pris dans un point du temps et de l’espace. De même, ne nions jamais rien avec véhémence car peut-être n’avons-nous pas compris ce qui nous semble faux. Aussi, fuyons autant les dogmes que le sectarisme.

    Comme l’écrivit le grand Littré dans son Travail d’Apprenti qu’il présentait à ses Frères en 1876 : « Le principal devoir de l’homme envers lui-même est de s’instruire ; le principal devoir de l’homme envers ses semblables est de les instruire ».

    C’est donc par l’accomplissement strict de nos devoirs envers nous-mêmes que nous nous rendrons aptes, un jour, à collaborer utilement au Grand Œuvre de l’Ordre maçonnique.  

    * Les devoirs de l'Apprenti

    Planche tracée lorsque j'étais Apprenti

    R:. F:. A. B.

    Bibliographie

    Béresniak Daniel - Rites et Symboles de la Franc-maçonnerie

    Tome I : « Les Loges Bleues » - Editions Detrad, Paris, 1997 - Pages 39, 100, 138

     

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade de Compagnon

    Editions Edimaf, Paris, 1986 - Pages 34 à 37

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995 - Pages 204 à 206

     

    Login J.P. - Le Compagnon

    Editions Detrad, Paris, 1994 - Pages 65 & 66

     

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail en chambre de Compagnons

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 119 à 121

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    2ème partie : le Compagnon - Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 107 à 114


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  •  Le symbolisme et l’origine des symboles maçonniques 

    Introduction

    La Franc-maçonnerie n’a pas inventé le symbolisme ! Elle a hérité du symbolisme des traditions anciennes, parfois disparues. Les représentations symboliques sont moins étroitement limitées que le langage ordinaire. C’est pourquoi elles sont plus adaptées pour être le véhicule de vérités transcendantes. Le symbolisme ouvre des possibilités de conceptions illimitées. Il est le langage initiatique par excellence. Il relie le présent au passé et au futur.

    Le symbolisme apparaît comme un langage universel, un ensemble de signes, de codes que chacun perçoit en fonction de son entendement, de sa faculté de raisonnement analogique et de l’état d’éveil intérieur de sa conscience.

    Tenter de définir un symbole, c’est le limiter et lui donner une signification réductrice.

    Le symbole n’impose rien. Il est une fenêtre ouverte sur l’univers, support privilégié qui mène à une action subordonnée à la méditation. Par ses multiples facettes, le symbole suggère. Il est association d’images. Chacun y voit ce que sa capacité visuelle lui permet de percevoir.

    Bien que les premières véritables loges de Francs-maçons, distinctes des corporations, soient apparues au 17ème siècle en Écosse, la Franc-maçonnerie a toujours ajouté à cette origine historique une origine légendaire et symbolique plus ancienne, support du travail initiatique de ses membres.

    Les origines de la Franc-maçonnerie

    Les premiers Francs-maçons positionnaient symboliquement cette origine mythique aux origines de l'art de bâtir. Dans un siècle où les travaux de la paléontologie n'existaient pas encore, il fut tout naturel pour eux de placer cette origine à l'époque d'Adam, le premier homme, selon la conception de l'époque, à celle de Noé avec la construction de l'arche ou, beaucoup plus fréquemment, à celle de la construction du Temple de Salomon.

    * Le symbolisme  et l’origine des symboles maçonniques

    Vers 1390 déjà, le « Manuscrit Regius », qui décrivait les usages des maçons anglais, plaçait emblématiquement leur corporation sous l'égide d'Euclide et de Pythagore, pères de la géométrie, et sous la protection du roi Athelstan d'Angleterre.

    En 1736, en France, le chevalier de Ramsay défendit l’idée de rattacher la Franc-maçonnerie aux Croisés. Un peu plus tard, d’autres, en Allemagne, en Angleterre et en France ont pensé qu’il fallait la rattacher à l'Ordre du Temple !

    A la suite de la redécouverte de l'Égypte antique par les occidentaux, c'est tout naturellement que certains rituels maçonniques ont déplacé l'origine symbolique de la Franc-maçonnerie à l'époque de la construction des pyramides.

    Au milieu du 19ème siècle romantique enfin, à l'occasion de la redécouverte de l'héritage du Moyen Âge, le mythe maçonnique a tout aussi naturellement renforcé ses références à la construction des cathédrales.

    Derrière toutes ces apparentes modifications symboliques se détache clairement une constante : la Franc-maçonnerie s'est toujours placée sous le patronage symbolique de tous ceux qui firent progresser, tout au long de l'histoire, l'art de bâtir et les valeurs dont elle se réclame.

    La Franc-maçonnerie « symbolique » ou « bleue », celle des trois premiers degrés de l'Initiation, emprunte beaucoup de ses symboles à l'art de bâtir pratiqué par les constructeurs des cathédrales au Moyen Âge qu'elle considère comme ses prédécesseurs et dont elle a hérité la notion même de loge, l'endroit où se réunissaient les ouvriers. À ce titre, la Franc-maçonnerie ou Art royal a des points communs avec le compagnonnage et partage avec lui des symboles et valeurs. Mais tous les symboles maçonniques n’ont pas cette origine.

    Sept origines

    Ceci m’amène à évoquer les origines des symboles qu'utilisent les Francs-maçons. La Franc-maçonnerie nous propose de nombreux symboles qui doivent nous permettre de nous comprendre au-delà des barrières sociales.

    Sans encore entrer dans les détails, disons que les différents symboles maçonniques ont en fait des sources diverses. Il y a les symboles explicitement cosmiques et donc universel ; il y a des symboles d'origine pythagoricienne ou platonicienne ; il y a encore des symboles de source biblique. Il existe aussi des symboles d'origine compagnonnique, des symboles de source chevaleresque et des symboles de nature alchimique. Certains sont hérités de la kabbale ou de l’hermétisme mais la plupart proviennent des outils des tailleurs de pierre. Puis il reste des symboles d'origine proprement maçonnique. Les couleurs ont leur symbolisme également mais leur source reste souvent indéterminée. Enfin, plusieurs nombres et formes ont aussi leur place dans la Franc-maçonnerie et chacun a son symbolisme propre.

    La voie symbolique

    Le langage symbolique fonctionne selon la structure des « langues sacrées ». La symbolique est une langue ; elle est une science ; elle est un art.

    En tant que langue, elle a un caractère universel.

    En tant que science, la symbolique a ses lois.

    En tant qu’art, la symbolique exprime la vie de l’imagination créatrice.

    La symbolique maçonnique fait appel aux systèmes symboliques suivants : la cosmologie, l’architecture, la géométrie, les outils et instruments, les couleurs, les nombres, les mots sacrés et mots de passe, le schéma corporel.

    Les choix de ces systèmes contribuent à la réalisation d’un tout. L’architecture, la géométrie, les couleurs et les outils forment un ensemble qui concerne le « Temple », en tant que modèle – réplique du cosmos. Dans cet ensemble, l’architecture, la géométrie et le choix des couleurs se réfèrent à la conception, tandis que les outils se réfèrent à la réalisation.

    C’est par les nombres et les mots que se transmet la « connaissance », ce terme étant pris dans le sens de la « gnose ».

    Quant à l’enseignement, il est transmis de façon vécue par l’ensemble des images regroupées sous le signe du schéma corporel, à savoir : la mise à l’ordre, le signe, la marche, la batterie, le voyage, l’attouchement de reconnaissance.

    Mais tentons tout d’abord de bien comprendre ce qu’est un symbole.

    L’origine du mot « symbole »

    Beaucoup de cherchants se sont posé la question « Qu’est-ce qu’un symbole ? » et ont rédigé de multiples ouvrages sur ce sujet. Plus nombreux encore sont ceux et celles qui ne se la sont jamais posée et qui utilisent pourtant régulièrement ce terme. Cela explique sans doute pourquoi ce mot ne recouvre pas la même signification en toutes circonstances, pourquoi il est si difficile à comprendre et par conséquent de se faire comprendre lorsque l'on parle des symboles. En effet, le concept de symbole est tellement riche et vaste dans sa signification, qu'il se prête à tous les usages mais aussi à toutes les confusions !

    Le mot symbole est issu du grec ancien sumbolon, qui dérive du verbe sumbalein (symballein) signifiant « mettre ensemble », « joindre », « comparer », « échanger », « se rencontrer », « expliquer ».

    En Grèce, un symbole était au sens propre et originel un tesson de poterie cassé en deux morceaux et partagé entre deux contractants. Pour liquider le contrat, il fallait faire la preuve de sa qualité de contractant (ou d'ayant droit) en rapprochant les deux morceaux qui devaient s'emboîter parfaitement. Le sumbolon était donc constitué des deux morceaux d'un objet brisé, de sorte que leur réunion, par un assemblage parfait, constituait une preuve de leur origine commune et donc un signe de reconnaissance très sûr.

    Dans le pythagorisme, le mot « symbole » désigne une parole, un enseignement secret, avec sa double face : une expression énigmatique et un sens profond. Le terme « symbole » est attesté en français depuis 1380.

    Au figuré, le symbole devient l'ensemble qui lie deux représentations de la même signification. Par dérivation, le symbole se réduit à l'élément imagé ou audible qui est relié à un sens caché qu'il signifie.

    Par la suite, des formes d'abstraction, comme le langage ou la gestuelle, ont pu remplacer les objets dans leur fonction de représenter un engagement, une promesse, une alliance, un contrat, un pacte scellé entre deux partenaires. Par exemple, une poignée de main sera le symbole d'un accord.

    Dans ce sens, un symbole est donc un objet sensible qu'on « pose côte à côte avec » une réalité abstraite ou surnaturelle qu'il est destiné à représenter. Le symbole est le terme visible d'une comparaison dont l'autre terme est invisible.

    Un symbole se perçoit par la sensation et non par la raison. Le symbole, par nature, est ressenti et non compris. En ce sens, on pourrait voir le symbole comme un émetteur d'énergie.

    Il est inutile d'analyser un symbole pour le comprendre. Il est par contre nécessaire d'en percevoir la nature pour le connaître intuitivement. L'intuition, en cette matière, est la seule voie possible. L'intelligence rationnelle, trop souvent déformée par l'enseignement intellectuel reçu, mène à l'incompréhension par l'application de réflexes acquis impropres. Et l'on confond ainsi « l'intelligence cérébrale » et « l'intelligence du cœur ».

    La seule manière de connaître le sens d'un symbole, sa signification profonde, c'est de renaître avec lui (« co – naître »), et l'unique voie pour y parvenir est celle de l'intuition, de « l'intelligence du cœur ».

    L'intelligence du cœur, c'est l'émotion, c'est la larme versée sans raison apparente, sans raison consciente.

    Toute autre voie est stérile, car elle sclérose les sensations qui mènent aux symboles.

    Symboles et méthode symbolique

    L’esprit humain recourt à de nombreux symboles, c’est-à-dire des images ou des objets qui renvoient à une réalité différente, souvent abstraite.

    La méthode symbolique confère à l'Homme une meilleure connaissance de lui-même. Cette connaissance de soi doit permettre de faire des choix délibérés dans la vie et de travailler ainsi à son propre perfectionnement.

    De nombreux symboles sont communs à la Franc-maçonnerie et aux religions. Cependant la Loge les utilise dans le cadre d’un rituel visant une recherche personnelle au plus profond de notre être. La Franc-maçonnerie est donc avant tout une méthode de travail.

    La Franc-maçonnerie recourt à de nombreux symboles qui remontent à la plus haute antiquité et qui se retrouvent dans plusieurs cultures, comme les quatre éléments, les étoiles et les planètes et les figures géométriques

    Elle reprend en particulier la symbolique de la construction. Le Compas et l'Équerre, sont universellement connus !

    L’utilisation de la symbolique de la lumière est également une caractéristique importante de la Franc-maçonnerie.

    Examinons à présent en détails différentes origines possibles de nos symboles maçonniques.

    Les symboles cosmiques ou universels

    Un modèle symbolique est universel lorsqu'il appartient à un lointain passé ou à des civilisations éloignées dans l’espace.

    Ce sont par exemples les étoiles, le soleil ou la lune peut-être parce que les Francs-maçons travaillent de « Midi à minuit ».

    Les images de la Lune et du Soleil sont empruntés à la cosmologie.

    Le Soleil et la Lune

    Le Soleil et la Lune, les deux astres les plus visibles, sont souvent associés en un modèle symbolique binaire au sein duquel les deux éléments constitutifs sont liés par le principe de complémentarité.

    Le Soleil est l’astre du jour, source de vie et de lumière ; la Lune celui de la nuit. L’un est actif, l’autre passif. Ils sont deux expressions différentes de la lumière qui règne sur le monde en permanence. L’un brille dans la clarté du jour, l’autre dans l’obscurité de la nuit, mais toujours avec un rayonnement suffisant pour éclairer les hommes en quête d’évolution sur le chemin de leur devenir.

    Le symbolisme du Soleil et de la Lune est à explorer parce qu’il raconte toutes les attentes et toutes les craintes de l’homme. La perception du temps et de l’espace, la chaleur et la lumière, la fécondité, le rythme des saisons, l’idéal du moi, les dieux, les rites, les mythes fondateurs des religions sont impliqués et éclairés par ce qui est dit et rêvé de ces deux astres. Ils sont les premiers repères de celui qui regarde le ciel. Le travail sur ces symboles est formateur pour les Maçons dont la vocation est de connaitre l’homme et de  l’améliorer.

    La Voûte étoilée

    En plus des images de la Lune et du Soleil, le Tableau de Loge présente une constellation d’étoiles avec quelques courbes esquissant des nuages. La Voûte étoilée n’a de valeur symbolique qu’en tant qu’élément « complémentaire » de l’élément Terre ou de l’élément Temple qui s’y substitue. L’ensemble des deux éléments forme un modèle symbolique binaire, corrélatif au modèle Équerre – Compas.

    La Voûte étoilée, c’est en réalité le ciel, la voûte céleste parsemée d’étoiles. Elle est le symbole du caractère cosmique et universel du Temple et de la Franc-maçonnerie elle-même. C’est pourquoi le plafond du Temple, traditionnellement constellé d’étoiles sur un fond bleu, est appelé « Voûte étoilée ». La contemplation d’un ciel étoilé nous apporte une grande quiétude et une remarquable sérénité d’esprit. Elle nous incite à la méditation davantage qu’à la rêverie. La Voûte constellée des Temples maçonniques est le symbole de son universalité et, simultanément, celui de sa véritable transcendance.

    L'Univers, d'après les astrophysiciens, serait infini dans le Temps et dans l'Espace. L'Homme est un être fini – en apparence – qui ne peut donc – avec sa raison – concevoir l'infini. Il ne peut donc pas plus concevoir les réponses aux questions que crée pour lui son angoisse devant cet infini.

    Seul l'Univers possède ces réponses ; et elles sont offertes à l'Homme au sein des symboles. C'est pourquoi le symbole cosmique ne peut être inventé, fabriqué par l'homme. Il ne peut qu'être constaté et, le cas échéant, reproduit, recopié.

    Pour comprendre la nature du symbole et le sens du symbolisme, il faut donc accepter ce postulat que l'Univers comporte les réponses à toutes les questions, y compris les plus fondamentales, et qu'elles sont contenues dans les symboles.
    Si l'Homme veut trouver ces réponses, il faut et il suffit qu'il soit capable de déchiffrer le sens des symboles. Pour cela il faut donc d'abord comprendre ce qu'est un symbole, afin de ne pas se tromper d'objet.

    Parce qu'il est un objet naturel, un symbole est universel, autant dans la dimension spatiale que dans la dimension temporelle.

    Et sa signification profonde, cachée, sera fonction de la nature-même de cet objet, de cette plante, de cet animal. En ce sens, le symbole est une porte ouverte sur la compréhension du monde, puisque chaque symbole puise dans la nature son sens caché, donc révélateur.

    Les symboles n'imposent pas, ils proposent ; ils n'enseignent pas, ils éveillent. S'appuyer sur les symboles pour avancer c'est d'abord affirmer et préserver sa propre liberté et celle d'autrui. Mais c'est aussi cheminer à son propre rythme, sans contrainte, sans échéance imposée. Le symbolisme ignore le dogme et la vérité révélée.

    Les symboles contiennent la Vérité, l'Homme y cherche (et parfois y trouve) sa parcelle de vérité, personnelle et incommunicable. La trouver, c'est vivre l'harmonie en soi.

    C'est dire combien l'approche des symboles est une démarche totalement subjective, excluant absolument objectivité et rationalisme. C'est dire que la seule étude de l'utilisation des symboles à travers les civilisations ne peut aucunement mener à leur intégration comme outil de progression individuelle.

    Par contre, les symboles universels et cosmiques doivent permettre à l'Homme qui les appréhende et fait vivre leur interprétation de contribuer à rétablir ou renforcer l'harmonie cosmique universelle.

    Les symboles d'origine pythagoricienne ou platonicienne

    Parmi les symboles maçonniques, les quatre Eléments, la pierre cubique… sont d’origine pythagoricienne ou platonique.

    Je passe ici sous silence les symboles spécifiques du 2ème degré, celui du grade de Compagnon.

    Les quatre éléments

    Dans le cadre de la philosophie naturelle, la théorie des quatre Éléments est une façon traditionnelle de décrire et d'analyser le monde. Dans l’Initiation maçonnique, les quatre Eléments signifient une purification par le feu, l’eau l’air et la terre. Il est incontestable que l’origine de ces quatre éléments et de leur compréhension faisait partie intégrante des initiations antiques. Cependant, l’astrologie les utilise sans en discerner le sens cosmique et les interprète avec plus ou moins de bonheur.

    Chaque élément a une fonction ambivalente, comme tout symbole, selon la manière dont on l’aborde, que ce soit sous l’aspect bénéfique ou maléfique. Le jour de sa Réception, le Récipiendaire est amené à prendre conscience de l’interaction des éléments car, pendant les trois voyages dans la Loge où il subit les purifications par l’air, l’eau et le feu, les yeux bandés, le Postulant a les sens en éveil, plus particulièrement l’ouïe et le toucher. L’air et l’eau représentent des états différents de la matière, tout comme la terre, alors que le feu correspond à l’énergie qui elle-même se transforme en matière et inversement. La terre est l’image du concret, contrairement aux trois autres éléments. Le Récipiendaire sort donc du concret pour être confronté à des manifestations d’énergie plus abstraites, car nul ne peut bâtir sur l’air, l’eau ou le feu. On ne peut bâtir que sur la terre qui est le réceptacle de toutes les formes. Si la terre, qui représente une forme arrêtée de l’espace, peut être qualifiée de statique, les trois autres éléments, par lesquels le Récipiendaire est éprouvé et purifié, sont dynamiques.

    Le Récipiendaire sort du monde terrestre du Cabinet de réflexion pour faire ses premiers pas dans le monde aérien qui va correspondre à celui des idées, du monde intermédiaire. L’initiable, à ce stade, est confronté au domaine du mental. Confronté aux idées contradictoires, il doit se servir de sa faculté de discernement pour trouver son chemin, sans se perdre dans les aspects contradictoires de la dualité.

    L’idée que l’homme se fait de l’Univers est rigoureusement relative à lui-même. Aussi, avant d’oser parler de conquérir « LA » vérité, chacun de nous devrait d’abord s’appliquer à établir « sa » vérité !

    La Pierre cubique

    Placée à l’Orient, la Pierre cubique est considérée comme le symbole de la fonction « Connaissance » que maîtrise le Vénérable Maître. Par son aspect fini, elle est assimilée à la parfaite maîtrise intellectuelle et à la plus haute élévation morale.

    Symbole de l’œuvre achevée et parfaite, la Pierre cubique formule tous les aspects de la science traditionnelle. Celui qui part à sa recherche doit comprendre que cette science n’est pas le fruit d’un progrès, mais l’expression de la connaissance des lois d’harmonie, totalement définie dès la création du monde. Ainsi, comme le veut la Tradition, l’Initié [1], tel le sculpteur qui doit percevoir l’œuvre dans le bloc de pierre avant de le tailler, doit partir à la découverte de ces lois, et n’est donc en aucune sorte un créateur mais plus précisément un découvreur.

    A l'aide de l'équerre et de la règle, la forme obtenue, avec ses lignes de taille et ses angles, est désormais susceptible de participer à la construction de l'édifice. Outre son aspect fonctionnel en tant que matériau de construction, la forme cubique revêt également un caractère éminemment symbolique. Ses surfaces égales, ses angles identiques, ses lignes similaires concourent à la création du cube, qui, par excellence, est une forme parfaite en termes de symétrie, d'harmonie et d'équilibre.

    Le cube serait le solide le plus parfait, du moins pour le grade d'Apprenti. S'il possède six faces, huit sommets et douze arêtes, il convient de remarquer qu'il est impossible de voir plus de trois faces à la fois et que le cube a trois axes de symétrie.

    La Pierre cubique serait la représentation de la perfection intellectuelle et spirituelle que l'Apprenti devra s'efforcer de réaliser en lui dès que possible, mais surtout une fois parvenu au grade de Compagnon. Elle pourrait donc être un guide, une borne, en tout cas un point de ralliement.

    Les images de la Pierre cubique ou cubique à pointe sont empruntées au métier du tailleur de pierre.

    Les symboles bibliques

    Il existe aussi des symboles de source biblique comme le Volume de la Loi Sacrée, la Pierre brute, les Colonnes Jakin et Boaz, le Pavé mosaïque.

    La Bible est pleine de symboles, comme cela est souvent le cas pour les textes sacrés. Ils servent à tenter d'exprimer l'indicible (le sentiment de Dieu, la foi, les pressentiments...).

    Le livre de l'Apocalypse est un bon exemple de livre biblique riche en symboles (le dragon, l'agneau, la bête, les quatre chevaliers, etc.). La lecture en est même difficile pour les non-spécialistes.

    Les nombres dans la Bible ont également une portée symbolique. Par exemple, 4 = le monde, 7 = perfection, 40 = le temps d'une génération, etc.

    Ainsi, pour comprendre un symbole biblique, il est parfois nécessaire de lire les autres récits bibliques où ce symbole apparaît, afin d'y trouver un sens commun et de mieux le comprendre.

    L’inspiration biblique est rappelée par les deux Colonnes qui ornent l’entrée des Loges mais les images des deux Colonnes sont empruntées à l’architecture.

    Le Volume de la Loi sacrée

    * Le symbolisme  et l’origine des symboles maçonniques

    Sur l’autel des serments est posé le Volume de la Loi Sacrée sous forme de livre ouvert. Il représente le livre du Verbe créateur, manifesté sous l’aspect de la révélation. La Tradition révélée par le Volume de la Loi Sacrée dans son sens ésotérique est source de connaissance et de méditation. L'Eternel créa le monde par le Verbe qui s’incarne dans la langue sacrée et dans la parole rituelle qui contient l’essence primordiale. Un livre fermé garde son secret. Un livre ouvert instruit celui qui le lit, dévoile ce qui est caché.

    Ce livre contient un double message. Le premier comporte un enseignement extérieur, représenté par les dogmes et une loi morale à caractère exotérique. Le second message développe une cosmogonie [2] et contient un message symbolique à décrypter et qui est à caractère ésotérique. Le second n’exclut pas le premier mais, au contraire, l’éclaire en ouvrant sur le champ indéfini des possibles et permet de dépasser les limites étroites de la dualité.

    Certains considèrent que le Volume de la Loi Sacrée contient le message d’une Tradition intemporelle, celle-ci étant l’expression de la relation entre la Vérité et la Sagesse, mais à moindre niveau elle contient une loi morale sur laquelle devrait s’appuyer tout Franc-maçon.

    La Pierre brute

    Physiquement, la Pierre brute c'est la pierre frustre extraite d'une carrière. C'est le matériau premier de la Maçonnerie qu'il faudra tailler, façonner, appareiller de sorte qu'elle puisse s'incorporer à la Maçonnerie, à l'édifice, au Temple.

    Travailler la Pierre brute, c'est donner des contours précis à la dimension éthique, morale et spirituelle de l'homme ; c'est faire émerger de la matière vulgaire originelle ce qu'il y a de meilleur et de plus fort en elle, par un travail constant qui gomme les imperfections.

    Cette transformation, qui va s'opérer au fil du temps, n'est pas sans rappeler le processus fusionnel de l'alchimie. Finalement, c'est bien de réactions et de modifications en chaîne dont il s'agit, à mesure que le Franc-maçon, aidé de ses instruments de bâtisseur (ciseau, maillet, équerre, niveau, fil à plomb, règle...) peaufine son matériau de base – lui-même – en vue de lui donner une forme parfaite.

    La Pierre brute, c'est le symbole de l'Apprenti, avec toutes les imperfections de son esprit et de son cœur, qu'il doit s'appliquer à corriger. Par l'Initiation maçonnique qui est une renaissance, il se débarrasse progressivement de tout ce que la société a pu lui apporter d'artificiel et de mauvais. Il retrouve sa liberté de penser. Avec les deux outils que la Loge lui procure – le Ciseau et le Maillet – il se met à tailler lui-même sa pierre et espère parvenir à la rendre parfaite à son gré.

    La Pierre brute que travaille l’Apprenti n’est pas seulement une image de lui-même, elle est aussi un élément qui porte le secret de la construction, et cette construction est d’origine céleste. Cette pierre brute, si modeste en apparence, ne contient-elle pas toute l’harmonie du Temple ?

    L'interprétation selon laquelle l'Apprenti doit « dégrossir la Pierre brute » et tendre à se transformer en « Pierre taillée » relève de l'allégorie qui exprime un progrès dans le temps, par l'éducation, vers un état de perfection.

    Les Colonnes Jakin et Boaz

    Les deux Colonnes – J et B – marquent symboliquement la transition entre le monde profane et l’univers des initiés, induisant la transformation de celui qui franchit cette limite, ce qui est le propre de la démarche initiatique.

    Selon la Bible, les colonnes d’airain du Temple de Salomon marquaient le point où se rencontraient, où fusionnaient, l’homme et le divin, le profane et le sacré, donnant à tout cherchant sincère la matière et les valeurs propres à sa quête spirituelle. Pour Jean Ferré, les Colonnes, en tant que symboles dans la Loge, matérialiseraient le point où s’interpénètrent l’homme et le divin, le profane et le sacré.

    Raoul Berteaux nous propose simplement de retenir que les deux Colonnes identiques qui se trouvent à l’entrée de la Loge forment un modèle binaire de type gémellaire. L’une des Colonnes porte la Lettre J et l’autre la Lettre B. Si l’on fait appel au symbolisme des couleurs, la Colonne J devrait être rouge tandis que la Colonne B devrait être blanche ou noire. Mais si l’on s’en tient au texte biblique, comme le propose Jules Boucher, les deux Colonnes étaient en airain et toutes deux de la couleur naturelle de ce métal. Pour les différencier certains ont voulu y ajouter des couleurs mais cette adjonction est arbitraire et discutable.

    Le Pavé mosaïque

    Alex Horne considère que la définition du Pavé mosaïque comme élément architectural du Temple est mythique, et qu’il n’existe aucune preuve archéologique ou biblique susceptible de confirmer le bien fondé de cette définition. Par ailleurs, sur un plan architectural, le Pavé mosaïque serait d’origine gréco-romaine et non hébraïque.

    Ces carreaux noirs et blancs disposés en damier correspondent aux deux luminaires : celui du jour et du réel, celui de la nuit avec ses illusions et ses rêves. Il symbolise la juxtaposition des contraires.

    Selon Christian Guigue, pour tenter de percer la signification du Pavé mosaïque, il faut remonter à l'origine de l'adjectif mosaïque se rapportant à Moïse car c'est dans l'univers du Décalogue et la loi mosaïque qu'il faut rechercher les enseignements, les oppositions, les ruptures, les dépendances ou les potentialités salvatrices.

    Pour faciliter la perception de cet emblème complexe, il convient d'interpréter le symbole en procédant à l'analyse des éléments qui ressortent du Pavé mosaïque : le blanc et le noir, le rapport numérique du pavement, l'échelle et les diversités d'états d'être, le passage axial ou accès au centre de l'univers qui correspond à une projection dans un futur donné du retour de l’Élu à son origine divine.

    Comme les deux Colonnes, le Pavé mosaïque fait appel à un symbolisme apparemment binaire. Mais en réalité, ce symbolisme est ternaire.

    Le véritable Initié, digne de ce nom, cherchant toujours l'au-delà des apparences ainsi que la maîtrise de son moi se rend compte que le blanc n'est que l'aspect complémentaire du noir et qu'il n'y a ni carreaux blancs ni carreaux noirs sur le Pavé mosaïque à partir du moment où il dirige son mental vers les lignes virtuelles que forment les carreaux côte à côte. Médianes, ces lignes sont donc hors de la dualité blanc-noir et leur ensemble compose l'élément ternaire du symbole.

    Ainsi, le Pavé mosaïque pourrait désigner aux Maçons la droiture de la voie médiane d'une Initiation bien conduite, voie grâce à laquelle se résolvent peu à peu les contradictions de la vie profane.

    * Le symbolisme  et l’origine des symboles maçonniques

    Les symboles de source chevaleresque

    Au moins deux symboles maçonniques trouvent leur source dans la chevalerie. Ce sont l'épée et l'accolade fraternelle.

    L’épée

    Le port de l’épée est attesté dans la Maçonnerie française au 18ème siècle où beaucoup de postulants étaient gentilshommes et donc détenteurs d’une épée. Désormais accessible aux Maçons qui n’étaient pas nobles, l’épée s’est imposée comme le symbole de la fraternité, d’une certaine idée de l’égalité que prônaient les idéaux maçonniques.

    Son usage intervient à différents moments du rituel, principalement aux moments les plus solennels : Ouverture et Clôture des Travaux, prestations des Obligations par le Récipiendaire. Les circonstances dans lesquelles sa présence se remarque le plus sont sans conteste lorsque les Maçons forment la voûte d’acier lors de la Réception d’un Dignitaire dans la Loge et lors de la cérémonie d’Initiation d’un Profane.

    L’épée est l’attribut principal des fonctions d’Expert et de Couvreur. Celle du Vénérable Maître, c’est l'Épée flamboyante dont il se sert lors de toute Réception à un grade.

    * Le symbolisme  et l’origine des symboles maçonniques

    Dans une étude sur le symbolisme de l’épée, Coomaraswamy [3] montre que l’épée dérive d’une racine ou d’un archétype qui est l’éclair.

    Le symbolisme de l'Épée est riche et complexe. Elle permet de rendre la justice. Elle est symbole de protection, de vigilance, de courage et d’autorité. Par le pouvoir qu’elle donne, l'Épée symbolise la force, la puissance, la capacité d’agir et de maîtriser les éléments.

    L’accolade fraternelle

    L’accolade est sans doute un des premiers signes qu’apprend l’Apprenti Franc-maçon. A ce titre, elle est chargée d’une symbolique très forte. Elle se pratique sous la forme d’une triple accolade. Elle se donne en trois temps (gauche, droite, gauche) entre Frères qui sont heureux de se retrouver.

    C’est le baiser de paix et de fraternité, la marque d’un attachement fraternel entre deux Frères. Elle peut varier selon les Rites, mais le plus souvent, elle s’accompagne de trois coups de la paume droite sur l’épaule gauche du Frère que l’on gratifie de l’accolade.

    L’accolade pourrait avoir pour origine le « baiser de paix » utilisé dans la liturgie ou le baiser de l'ancienne chevalerie. Une des principales cérémonies observées dans la réception d'un chevalier consistait ordinairement à donner trois coups du plat de l'épée sur l'épaule ou sur le cou de celui qu'on armait chevalier, après quoi on l'embrassait.

    Les symboles de nature alchimique ou hérités de l’hermétisme

    La Franc-maçonnerie vise à former des Initiés, c'est-à-dire des hommes dans la plus belle acception du mot. Le Maçon doit donc opérer sur lui-même une transmutation semblable à celle des alchimistes. 

    Actuellement, les derniers alchimistes spirituels se nomment Francs-maçons. De nos jours, dans leurs temples déistes ou humanistes, ils ne fabriquent pas de pierre philosophale. Cependant, il faut noter que, dans les Loges, il est fait usage du soufre, du sel et du mercure.

    Cela se passe dans le Cabinet de réflexion, petit réduit sombre dans lequel le Profane, futur Franc-maçon, va passer la première épreuve symbolique de son initiation. Au mur on trouve inscrit la maxime alchimique bien connue « V.I.T.R.I.O.L. » (Visita Interioram Terrae Rectificandoque Invenies Occultum Lapidem) qui signifie « Visite l’intérieur de la terre et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée (des sages) ».

    Cette devise s’appliquait pour les alchimistes opératifs à la recherche de la matière première. Dans son sens symbolique, elle s’est appliquée aux adeptes spirituels, puis à tous ceux qui se servirent du symbolisme alchimique, comme base de leur propre philosophie.

    Dans nos lieux d’initiation nous rencontrons aussi des symboles d’origine alchimique :

     - Sur la petite table où le Néophyte écrit son testament philosophique, se trouvent trois flacons contenant les trois éléments de base de toute transmutation, soufre, sel et mercure.

    - Le coq, symbole de la lumière renaissante après la nuit. Son chant accompagne le lever du jour. Il représente aussi le mercure alchimique.

    Le message maçonnique de cette épreuve peut se comprendre ainsi : le futur Initié n’est qu’une matière première appelée « Pierre brute » par les Maçons, qui va se dégrossir à travers les épreuves. Ces dernières se nomment en alchimie : putréfaction, coagulation et dissolution. Respectivement, elles correspondent en symbolique maçonnique à mort, résurrection et initiation.

    Des points communs existent entre ces deux arts que sont l’alchimie et la Franc-maçonnerie. Tous les deux ont quitté une essence manuelle (le compagnonnage pour les Francs-maçons) et pratique pour aboutir à un art tant intellectuel que spirituel.

    Leurs symboles se ressemblent beaucoup, et à plus d’un titre le jeune initié Maçon pourrait se trouver des points communs avec les adeptes de la philosophie alchimique.

    Le Franc-maçon est l’alchimiste moderne d’une matière première qui s’appelle l’Homme.

    Énumérons-en les ressemblances :

    • Comme l’adepte, le Franc-maçon veut transformer symboliquement une pierre brute (materia prima) en une pierre taillée (pierre philosophale, parfaite).

    • La matière première, tout comme le Profane, doivent subir les épreuves des quatre éléments : eau, terre, air et feu.

    • La mort ou la putréfaction sont nécessaires pour obtenir une résurrection (initiation, phénix) ainsi qu’une nouvelle vie.

    • Avant l’Initiation maçonnique, le Profane doit se dépouiller de ses métaux (impurs) comme la matière première devait être plusieurs fois purifiée de sa gangue infâme.

    • Le cinquième élément alchimique, la quintessence, se trouve dans l’Initiation, rendue possible par les quatre éléments, mais on peut également affirmer qu’elle se trouve dans l’égrégore maçonnique.

    Elle peut se définir ainsi : consensus magique qui veut que la somme collective des pensées exprimées soit supérieure à la somme individuelle des pensées des membres du groupe.

    Cette idée se retrouve dans la Bible lorsqu'il est écrit : « Quand vous serez deux à penser en mon nom je serai parmi vous ». L’égrégore est donc une forme de quintessence spirituelle.

    • Autant les philosophes alchimistes veulent accéder à une totale harmonie avec le monde naturel, autant les Francs-maçons désirent parvenir par une Initiation toujours renouvelée à une parfaite harmonie de l’humanité.

    Les Francs-Maçons se veulent les alchimistes modernes de la société. Bien avant notre époque, ceux qui s’appelaient Rose-Croix poursuivaient le même but.

    Ainsi, trois symboles maçonniques, qui ont leur place et leur importance dans le Cabinet de Réflexion, sont de nature alchimique ou hérités de l’hermétisme : des représentations de sel, de soufre et de mercure.

    Selon Ambelain, auteur de la Symbolique des outils dans l’Art Royal, ce sont les Rose-Croix qui auraient pénétré sciemment les Loges maçonniques aux 17ème et 18ème siècles et qui y auraient introduit l’hermétisme et l’alchimie.

    Pour Daniel Béresniak, « Le Grand Œuvre alchimique et la Construction du Temple sont en réalité des allégories en miroir. Ils se projettent l’un dans l’autre. Ils signifient l’art de faire de l’homme aliéné, esclave de ses passions, un homme libre de ses actes, capable de distinguer l’action de la réaction. La finalité de l’alchimie est donc de sauver l’homme de sa servitude ».

    Le sel

    Depuis fort longtemps, le sel est, avec le soufre et le mercure, au nombre des éléments de base de l’alchimie, science de la transmutation. Sur ce plan, il lui est généralement attribué un caractère « neutre », stabilisateur et rééquilibrant.

    D’un point de vue symbolique, le sel se devait d’être présent dans le rituel initiatique des Francs-maçons, qui est lui-même inscrit dans une dynamique de transformation de l’être. C’est pourquoi on le trouve dans le Cabinet de Réflexion, lors de la toute première Initiation qui fait passer un homme du monde profane au monde sacré des Initiés.

    Le sel constitue l’un des premiers éléments offerts à la vision du futur initié au cœur du Cabinet de Réflexion où il écrit son testament symbolique. C’est la pierre initiale pavant la voie initiatique, première perception du Souffle qui l’accompagnera dans le silence qui lui est offert et qu’il apprendra, s’il en a la capacité et s’il l’accepte, à entendre d’abord puis à écouter.

    Le sel symbolique qui repose au cœur de la Terre, premier véritable voyage de l’initiation, se présente sous la forme cristalline de notre sel de cuisine. Mais, cette image, comme tous nos symboles, est une représentation d’éléments aux significations plus complexes. La démarche maçonnique implique de ne pas s’attarder sur les apparences mais bien de rechercher, comme le disait Rabelais, la « substantifique moelle » des choses, le sens caché derrière les voiles de la forme première.

    Ainsi, la compréhension du sel, comme celle de tous les symboles maçonniques, offre au nouvel Apprenti les outils de l’analogie qui lui permettront d’accéder à ses significations.

    Le sel est généralement par excellence, de par sa fonction première, le symbole de l’hospitalité. Il s’inscrit donc d’emblée dans l’élan de fraternité qui caractérise initialement la Franc-maçonnerie.

    Le mercure

    Corps simple, argenté, liquide à la température ordinaire, le mercure est un métal considéré depuis fort longtemps comme l’un des éléments clés de la vie. A ce titre, il appartient de plein droit au symbolisme alchimique pour lequel la transmutation est une action fondamentale.

    Dans l’univers maçonnique, toujours nimbé de sa dimension hermétique, le mercure tient une part non négligeable dans les rituels initiatiques. C’est la raison pour laquelle on le retrouve dans le Cabinet de Réflexion où doit pénétrer l’individu en cours d’initiation, en compagnie du soufre (principe masculin) et du sel dans lequel se rencontrent les deux précédents.

    Le soufre

    Le soufre est considéré comme le principe dynamisant qui, par son action sur le mercure, participe au Grand Œuvre.

    Symboliquement, il représente l’Esprit qui agit sur la matière. De ce fait, on l’assimile à la création, au soleil, au positif, au caractère masculin.

    Comme principe actif de l’alchimie, le soufre se devait d’être présent dans la démarche initiatique des Francs-maçons, laquelle ne conçoit l’élévation spirituelle et intellectuelle de l’Initié que dans sa transformation permanente. C’est pourquoi on trouve le soufre dans le Cabinet de Réflexion, première étape décisive d’une longue suite d’épreuves, où le postulant prend réellement contact avec l’univers sacré des Initiés et se voit peu à peu détaché du monde profane. De ce point de vue, le soufre est considéré en quelque sorte comme le noyau incandescent, générateur d’énergies, à partir duquel va se développer la dynamique maçonnique qui animera la trajectoire de l’Initié tout au long de sa vie.

     

    Pour Irène Mainguy, le sel, le soufre et le mercure sont trois principes hermétiques, purement symboliques. Le souffre est symbole de l’esprit, le mercure, l’âme, le sel, celui de la sagesse et du savoir. Ils sont disposés dans une coupe, qui est elle-même le symbole idéographique de la descente au centre, tronc de cône renversé ; c’est au fond de la coupe que se dépose la lie.

    Ce ternaire alchimique, sel, soufre et mercure, réunis dans le Cabinet de Réflexion, n’est pas immédiatement parlant au Récipiendaire, ignorant qu’il est de toute connaissance hermétique. Selon l’hermétisme, qui a rapport au Grand Œuvre et à la transmutation des métaux, tout se compose de soufre, de mercure et de sel.

    Le ternaire alchimique soufre, mercure et sel, peut être mis en correspondance avec le ternaire esprit, âme et corps.

    Présents également dans le Cabinet de Réflexion, des symboles comme le sablier et la faux sont plus universels et leur source respective reste indéterminée.

     

     

    * Le symbolisme  et l’origine des symboles maçonniques

     

    * Le symbolisme  et l’origine des symboles maçonniques

    Les symboles d'origine proprement maçonnique

    Il reste les symboles d'origine proprement maçonnique que sont le Cabinet de Réflexion, la Chaîne d'union, ou encore les trois Pas de l'Apprenti.

    Le Cabinet de Réflexion

    Le Cabinet de Réflexion se présente comme une sorte de sas entre deux mondes où le futur Initié se dépouille des aspects profanes de son être pour devenir réceptif à la Lumière de l’Initiation qui lui sera offerte. L’objectif est d’isoler le Récipiendaire de son entourage familier, de le séparer du monde profane. Durant cet isolement, il est confronté à quatre facteurs ambiants : le silence, la solitude, l’immobilité et l’obscurité. Ces facteurs devraient favoriser sa confrontation avec lui-même car il se trouve brusquement dans un univers inconnu qu’il peut percevoir comme hostile.

    Le Cabinet de Réflexion symbolise une descente intérieure au centre de la terre. Le passage d’un cycle à l’autre s’accomplit dans l’obscurité, ce qui correspond également à un changement d’état. Cette mise en condition s’explique par la nécessité qu’il y a de prendre conscience de la force réelle de ses convictions dans ses engagements vitaux.

    * Le symbolisme  et l’origine des symboles maçonniques

    Ce lieu de méditation qui met en scène tout ce qui concerne la mort, permet à chacun de faire une incursion dans sa tombe avant l’heure ! C’est pourquoi il est censé être enfoui au sein de la terre, ce qui est d’autant plus perceptible si le Cabinet est situé dans les caves.

    Le Cabinet de Réflexion invite le postulant à mourir à lui-même pour renaître et l’incite à poursuivre le parcours de son existence, en rectifiant, afin d’éveiller sa conscience à une autre dimension pour donner un autre sens à sa vie. Ce moment privilégié de méditation permet de faire un bilan du passé et d’effectuer par anticipation une mort symbolique virtuelle, ce passage devant déboucher sur un nouveau commencement.

    La Chaîne d’union

    Les Frères assemblés rituellement et formant une chaîne tout autour du Tableau de Loge porte le nom de Chaîne d’Union qui se pratique « longue » ou « courte » selon l’importance de l’assemblée.

    Pour Irène Mainguy, « la Chaîne d’Union relève d’un geste rituel, d’une mise en relation active par l’union des mains de tous les participants d’une Loge, contrairement à la corde à nœuds avec laquelle elle est souvent confondue et qui, elle, est une représentation statique ».

    Les mains doivent être dégantées pour optimiser le contact et éliminer les isolants de toute nature pouvant gêner la qualité de cette précieuse communion. La Chaîne d’Union est vécue par tous les membres présents, sans distinction de grade. Elle est formée facultativement avant la Clôture des Travaux et obligatoirement pour l’incorporation d’un nouvel Apprenti à la Loge.

    Pour Irène Mainguy, la Chaîne d’Union remplit auprès de chaque Maçon le double rôle de bouclier protecteur et d’appareil émetteur / récepteur d’influences bénéfiques. Elle symbolise ce que devrait être sur la terre une fraternité humaine permanente et profonde. Cette chaîne unit les Francs-maçons en dehors de l’espace et du temps. Le monde des apparences tient les êtres physiquement prisonniers, mais les esprits sont libres au-delà des murs du temple, des frontières et des mers, les mains jointes dans une Chaîne d’Union établissent la pérennité de la fraternité qui devrait régner entre tous sur la terre.

    Pour Guy Boisdenghien, la Chaîne d’Union, composée d’une suite d’anneaux engagés les uns dans les autres est l’emblème de l’action commune. En Franc-maçonnerie, elle prend la forme théorique du Cercle (le Ciel) et les mains entrelacées font passer de Frère en Frère l’influx conjugué de la Loge.

    Pour Christian Guigue, la Chaîne d’Union est une communion spirituelle collective réalisée par les Frères présents, liés physiquement et immatériellement par l’âme et le cœur les uns des autres. C’est cette conjonction particulière que l’on nomme égrégore. Elle provoque l’ébranlement vibratoire d’une énergie « spiritueuse » par la réalisation du triple cercle symbolique, par la chaîne constituée aux trois niveaux et plans particuliers.

    La Chaîne d’union est la matérialisation de la solidarité, de la fraternité qui lie les Maçons.

    Lorsque toutes les conditions sont réunies intentionnellement, circule alors, entre les participants, comme un véritable courant magnétique, régulateur d’énergie. Quand la Loge œuvre bien, quand le Vénérable a su bâtir l’unité dans son Atelier, il y a « un courant qui passe ». Il se crée un phénomène dont chaque maillon est à la fois émetteur et récepteur.

    Les trois Pas de l’Apprenti

    Chaque degré de la Maçonnerie symbolique se caractérise par une marche différente que l’on évoque par l’expression « faire les pas » et qui s’avère obligatoire lors de l’entrée individuelle en loge. La Marche, accompagnée des signes spéciaux à chaque degré, est obligatoire pour tous les Maçons qui pénètrent dans une Loge lorsque les Travaux sont ouverts.

    Faire les pas, c’est mettre les deux pieds en équerre, avancer d’un pas, se remettre en équerre, trois fois successivement. Tout Maçon pénétrant dans le Temple après l’Ouverture des Travaux doit marcher rituellement. A chaque pas, le second pied vient rejoindre le pied placé en avant, en équerre.

    La Marche de trois Pas est celle de l’Apprenti. Placée comme d’autres symboles du Premier degré sous le règne du Nombre trois, la Marche d’Apprenti se pratique en réalité peu souvent. Accompagnée du Signe d’Ordre, elle a seulement lieu lorsqu'un Frère arrive très tard en cours de Tenue ou bien lors de l’introduction rituelle d’une délégation de visiteurs ou de dignitaires. Elle est toujours remémorée au cours de la cérémonie de l’Initiation d’un Profane.

    Les symboles hérités de la kabbale

    L'origine judéo-chrétienne de certains symboles maçonniques est plus que claire. Ils mêlent également des éléments venant de l'alchimie et de la kabbale selon les grades.

    La Kabbale, parfois écrit Cabbale, est une tradition ésotérique du judaïsme, présentée comme la « Loi orale et secrète » donnée par YHWH à Moïse sur le Mont Sinaï, en même temps que la « Loi écrite et publique » que l’on nomme « la Torah ».

    Le mot « Kabbale » (Qabalah en hébreu) signifie « réception ». Il s'agit donc de la sagesse du recevoir. Le terme est parfois interprété comme « tradition ». Le Kabbaliste est donc celui qui a reçu (Qibel) la tradition. Le mot « Kabbale » ne désigne pas un dogme mais un courant à l'intérieur du judaïsme et un état d'esprit.

    Les Francs-maçons seraient entrés en relation avec la kabbale juive par l'intermédiaire de la kabbale chrétienne, une kabbale revisitée à partir du 15ème siècle par les humanistes de la Renaissance, de Pic de la Mirandole à Guillaume Postel.

    La Kabbale se veut être un outil d'aide à la compréhension du monde en ce sens qu'elle incite à modifier notre perception du monde (ce que nous appelons « la réalité » malgré la subjectivité de notre perception). Pour ce faire, la Kabbale met à disposition de ses adeptes un diagramme synthétique : l'Arbre de la Vie ou des Sephiroth, et autres clés de lecture pour de multiples ouvrages, ainsi qu'un foisonnement de concepts (degrés de signification, contraction, etc.).

    Elle propose ses réponses aux questions essentielles concernant l'origine de l'univers, le rôle de l'homme et son devenir. Elle se veut à la fois un outil de travail sur soi et un moyen d'appréhender d'autres systèmes de pensée.

    La Franc-maçonnerie de tradition aurait emprunté à la Kabbale le symbolisme du feu.

    Le Feu

    Dans la philosophie chinoise, le feu fait partie des cinq éléments avec le métal, l'eau, le bois et la terre. Chez les alchimistes occidentaux, il fait partie des quatre éléments inertes de base composant chaque matière avec l'eau, l'air et la terre selon l'enseignement bien antérieur d'Aristote. Le feu est un élément central de plusieurs doctrines fondées sur les quatre éléments. Le feu est naturellement associé au Soleil, qui est également une source de chaleur et de lumière. Le Feu est aussi un symbole de purification.

    Le Feu demeure l'un des plus grands symboles en raison de sa signification et de son rôle. D'origine divine, provenant du ciel, il anime, vivifie et spiritualise. Il est un grand thème initiatique, la Lumière étant émanation du Feu.

    L'importance du feu se révèle dans la gnose chrétienne, dans l'ésotérique soufique mais également dans la Kabbale.

    Les symboles d’origine compagnonnique

    L'origine compagnonnique de la Franc-maçonnerie est une des thèses répandues par les historiens. De fait, on retrouve dans la Franc-maçonnerie la plupart des symboles utilisés pendant plus de mille ans par les Compagnons du Devoir. Les grades sont restés longtemps les mêmes : Apprentis, Compagnons et Maîtres.

    Les symboles et rituels de la Franc-maçonnerie et du Compagnonnage sont très différents, bien qu'ils aient quelques éléments communs. Ainsi l’Équerre et le Compas sont les insignes des deux fraternités.

    L'Équerre et le Compas, le Maillet et le Ciseau, le Niveau et le Fil à plomb, la Règle et le Levier, la Truelle figurent parmi les symboles qui proviennent du Compagnonnage.

    Comme les rites, les symboles varient d'une société à une autre et d'un métier à l'autre. Ils définissent l'identité propre de chaque compagnonnage et expriment ses valeurs et ses principes : la canne, les rubans, le surnom ont une forte valeur symbolique quant à la tradition du Compagnonnage.

    D'autres symboles que l'on retrouve encore de nos jours représentés un peu partout, sur nos maisons, dans nos églises, sur les monuments sont bien sûr le fameux Compas entrecroisé avec l’Équerre, le temple de Salomon, les mains enserrées, les cannes disposées en croix et peut-être moins connus les palmes, le labyrinthe, le chien, les abeilles et la ruche ou encore la couronne de fleurs...

    Les couleurs

    Le symbolisme des couleurs concerne l’historien, le sociologue, le psychologue, le styliste, mais aussi tous ceux qui suivent un parcours spirituel personnel. Une littérature abondante lui est consacrée, et dans des domaines très variés, du symbolisme ésotérique au symbole graphique, et passant par l’art religieux et le compagnonnage. Suivant les domaines, les lieux ou les époques, les significations des couleurs sont semblables ou différentes, voire contradictoires, car chaque civilisation, chaque groupe, s’est forgé un symbolisme émanant de sa propre culture.

    Les couleurs occupent une place exceptionnelle dans la symbolique traditionnelle depuis le début de l’humanité. Elles ont eu la même signification chez tous les peuples de la haute antiquité. Cette conformité indique une commune origine qui se rattache au berceau de l'humanité, et trouve sa plus haute énergie dans la religion de la Perse. Leur langage, intimement lié à la religion, passe dans l’Inde, en Chine, en Egypte, en Grèce, à Rome... reparaît dans le Moyen Âge, et les vitraux des cathédrales gothiques trouvent leur explication dans les Vedas [4] et les peintures des temples égyptiens !

    Les formes

    La symbolique des figures géométriques est l'étude des figures géométriques (point, lignes, surfaces, volumes) en tant que symboles, dans leur capacité à désigner, à signifier ou même à agir.

    Le symbolisme des figures géométriques concerne les dimensions en tant que symboles, dans leur puissance à représenter analogiquement, à être interprétés, à porter sens et valeurs, en plus de l'aspect pratique ou scientifique.

    On entre dans l'étude des figures géométriques en tant que symboles (symbologie [5] ) ou en tant que systèmes (symbolique) ou dans l'examen de leur capacité à désigner, à signifier, voire à exercer une influence (symbolisme).

    Toute figure géométrique en général a son symbolisme. Elle représente les limites, l'étendue des choses. La sphère représente le milieu parfait ; le cercle représente l'espace clos.

    Par symbolisme des figures géométriques, on entend la capacité qu'a une figure de désigner autre chose qu’elle-même. Par exemple, le cercle véhicule le symbolisme de la perfection. Le symbolisme des figures concerne donc leur capacité à représenter : non seulement à signifier des êtres ou des pensées, peut-être à agir, influencer, activer les esprits ou les choses, mais encore à être interprétés. Le symbolisme est donc la puissance d'une chose à désigner, signifier, révéler.

    Une symbolique est un ensemble, un système de symboles. La symbolique des figures concerne le système signifiant des figures : d'une part, elles forment ensemble un système, un tout, un ensemble, un complexe ; d'autre part, chacune entre dans un réseau de symboles, forme une constellation avec d'autres symboles (chacune appelle son opposé, son proche, etc.).

    Examinons quelques figures bien présentes dans le symbolisme maçonnique.

    Le Triangle

    Cette figure appartient au symbolisme du nombre trois. Il peut ainsi  être investi de significations à connotation pythagoricienne, et éventuellement mis en rapport avec d'autres figures géométriques. Dans la symbolique de la Franc-maçonnerie, qui donne une place importante à cette figure et où elle est qualifiée par exemple de Delta lumineux ou de Triangle sublime, le triangle peut même, selon son espèce, correspondre à un élément : l'eau est associée au triangle rectangle ; la terre, au triangle équilatéral ;  le feu, au triangle isocèle ; et l'air au triangle scalène...

    Le triangle peut également, et plus banalement, se rencontrer chaque fois qu'il s'agit de symboliser des triades. C'est par exemple le cas le symbolisme républicain (« liberté - égalité – fraternité »), mais aussi dans celui du Christianisme où cette figure est aujourd'hui associée couramment à  la Trinité.

    Il est cependant intéressant de noter que le triangle n'est pas très souvent représenté sur les premiers monuments chrétiens, à une époque où les réticences à représenter directement Dieu étaient importantes et où, pourrait-on imaginer, le triangle aurait pu offrir une alternative commode.

    En ésotérisme, le triangle symbolise le feu, le cœur, le sexe masculin et la spiritualité lorsqu’il pointe vers le haut. Lorsqu’il pointe vers le bas, il représente le sexe féminin, l’eau et la fécondité.

    Le Carré

    Figure parfaite qui évoque la stabilité et la solidité, le carré est l'un des quatre symboles le plus universel, avec le cercle, le centre et la croix. Le carré est l'emblème du monde qui s'est créé, équilibré et fixé. Il est aussi l’emblème de la nature par opposition à l'incréé et au créateur. Cette figure géométrique évoque la progression accomplie de la manifestation.

    Il résume le symbolisme du nombre quatre, l'ordre de l'Univers et la nécessaire opposition des contraires. Il est symbole d'unité, d'intégralité et d'équilibre des quatre fonctions psychiques : pensée, sensation, intuition, sentiment.

    Il représente la perfection de la Création, l’ordre du monde, la sécurité, l’équilibre, l’harmonie, la rigueur morale. Il symbolise la Terre et le cosmos.

    Symbole en relation avec la terre, le carré est une figure fixée sur ses 4 côtés, qui empêche l'écoulement de l'énergie, à l'inverse du cercle. Cela peut indiquer un arrêt, surtout temporel. Tentative de stabilisation, peur de l'inconnu, solidification, stagnation, le carré évoque la matière, un besoin de rendre parfait l'instant présent et d'arrêter ainsi les réminiscences du passé.

    Dans l'architecture sacrée, le carré est souvent associé au cercle pour exprimer la dualité ciel-terre.

    Je passe ici sous silence la figure caractéristique du 2ème degré, celui du grade de Compagnon.

    Les nombres

    L'origine du nombre est probablement liée à un besoin d'appropriation. Dénombrer c'est mesurer, mesurer l'étendue d'un avoir : dénombrer le nombre de têtes d'un troupeau, mesurer une parcelle de terre, qualifier une proportion. Dénombrer suppose un certain nombre de processus intellectuels qui, bien que naturels à notre époque, ne sont pas aussi évidents que cela ! Ainsi pour dénombrer le nombre de bêtes dans un troupeau, encore faut-il qualifier ce qui est semblable de ce qui est dissemblable, autrement dit sélectionner et discriminer donc classer les objets par famille, races, ressemblances, différences, analogie ; autrement dit de structurer la pensée.

    L'arithmétique ou opération sur les nombres est une étape ultérieure qui permet, à partir du dénombrement de faire des opérations non plus sur le réel mais sur le nombre lui-même.

    Une autre propriété des nombres est celle de caractériser des rythmes, à partir de faits récurrents. C'est la mesure du temps, c'est le cycle des saisons, mais c'est aussi la possibilité de prévoir en fonction de la connaissance réelle ou supposée des rythmes de la nature.

    Et enfin, le nombre peut caractériser l'harmonie, la proportion entre les choses, l'équilibre qui est également justice.

    Le langage des nombres est donc un langage universel qui permet de rendre l'univers perceptible, intelligible à la pensée humaine.

    En fait, les nombres sont partout en Franc-maçonnerie, à commencer par le symbole ternaire (triangle ou pyramide), image symbolique par excellence de tout ce qui est maçon.

    Le Nombre trois, le plus utilisé de tous les nombres maçonniques, est représenté par une multitude de symboles : les trois Grandes Lumières (Volume de la Loi sacrée, Équerre, Compas), par le Triangle divin qui représente à la fois les trois mondes (matière, esprit, âme) et leur unité, mais aussi les trois dimensions de l'espace. A cela on peut ajouter que les trois grades de la Maçonnerie bleue, que sont les grades d'Apprenti, de Compagnon et de Maître, s'établissent par le dévoilement progressif de la quadrature hermétique du cercle universel.

    Le Nombre cinq est celui du milieu, l’axe central des neufs premiers nombres. Cette position fait de lui le symbole de l’union, de l’harmonie, de l’équilibre et de l’accomplissement, mais aussi d’une notion moins évidente : celle de la perfection. Le cinq représente l’univers, un centre où se croisent un axe vertical et un axe horizontal. Cette croix, (le quatre) devient alors le symbole du rayonnement de l’énergie (le cinq), qui part du centre et se propage aux quatre coins du monde, vers les quatre points cardinaux.

    Le Nombre cinq représente aussi l’énergie d’union de l’esprit et de la matière : il est la somme du premier nombre pair (2) et du premier nombre impair (3). Ce mariage du principe céleste 3 et du principe terrestre de la mère 2, n’est rien de moins que l’union du ciel et de la terre.

    Si la mystique touche aux harmonies du cœur, la Franc-maçonnerie et son symbolisme touchent aux harmonies de la structure du monde, donc à la mesure de l'univers à la fois dans ses formes (géométrie) et dans les rapports mathématiques qu'entretiennent entre elles ses composantes (arithmétique divine). C'est ainsi que le Temple de Salomon est censé refléter cet univers et qu'en cherchant la Lumière, tout Maçon est en mesure de percer les secrets des lois universelles qui régissent ce Temple. Le corps de l'homme en est à la fois l'image secrète et le sanctuaire.

    C'est bien pourquoi l'Initiation et les enseignements de la Franc-maçonnerie sont si intimement liés à la sagesse des philosophes grecs tels que Platon et Pythagore.

    En ce qui concerne le Nombre sept, les Ouvriers du Grand Œuvre acquièrent la Force par l’étude des sept symboles initiatiques fondamentaux ; ils atteignent la Beauté par la pratique des sept arts libéraux ou sciences libérales ; ils accèdent à la Sagesse par les sept vertus maçonniques.

    Mais le nombre sept évoquerait aussi sept autres vertus : les trois vertus théologales (qui ont Dieu pour objet) et les quatre vertus cardinales qui sont les vertus essentielles, fondamentales.

    Pour conclure, du moins provisoirement…

    Le chemin des symboles est un chemin de liberté, où chacun fixe ses propres limites, qui peuvent varier à mesure de l'évolution intérieure mais que nul autre ne peut connaître. Sur ce chemin, chacun avance à son rythme, s'arrête et repart à sa convenance, et ne trouve que ce qui lui convient - ou plus précisément, fait naître à sa propre conscience ce qu'il avait en lui inconsciemment.

    Pour comprendre ce qu'est un symbole, il faut tout d'abord percevoir absolument qu'il est plus destiné à être ressenti qu'expliqué, constaté qu'analysé.

    C'est pourquoi, lorsque j’ai rédigé ces quelques pages, mon but n'était pas d'imposer quoi que ce soit mais de proposer ; non pas de montrer, mais de suggérer. Ainsi naîtra peut-être, pour certains, une vibration en harmonie avec leur attente intérieure, parfois inconsciente.

     

    R:. F:. A. B.

     

    [1] Littéralement, « celui qui est placé au début » de la voie.

    [2]  La Cosmogonie (du grec cosmo- « monde » et gon- « en­gendrer ») était, en 1762, définie par le Dictionnaire de l'Académie française, comme « science ou système de la formation de l'Univers ».

    [3] Coomaraswamy A. K., Le symbolisme de l’épée, in Etudes Traditionnelles n° 217, janvier 1938, pp. 11 à 17.

    [4] Le Véda est une « connaissance révélée » transmise oralement de brahmane à brahmane au sein du védisme, du brahmanisme, et de l'hindouisme jusqu'à nos jours. Cette connaissance, aujourd'hui rassemblée en un ensemble de textes, aurait été révélée par l'audition aux sages indiens nommés Rishi. Les hindous pensent que le Véda est éternel et singulier.

    [5] La symbologie est la théorie des symboles.

     

    Bibliographie

     

    Ambelain Robert - Symbolique des outils dans l’Art Royal

    Editions Edimaf, Paris, 1996

     

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995

     

    Behaeghel Julien - Symboles et initiation maçonnique

    Editions du Rocher, Monaco, 2002

     

    Béresniak Daniel - Rites et Symboles de la Franc-maçonnerie

    Tome I : « Les Loges Bleues » - Editions Detrad, Paris, 1997

     

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade d'Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995

     

    Chevalier, Jean et Gheerbrant Alain

    Dictionnaire des symboles

    Mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres

    « Bouquins » - Editions Robert Laffont, Paris, 1982

     

    Collectif - Encyclopédie de la Franc-maçonnerie

    Editions E. Saunier, Le livre de Poche, Paris, 2002

     

    Dachez Roger - Histoire de la Franc-maçonnerie française

    Que sais-je ? PUF, Paris, 2003

     

    Danielou Jean - Les symboles chrétiens primitifs

    1961

     

    Delclos Marie & Caradeau Jean-Luc

    Les symboles maçonniques éclairés par leurs sources anciennes

    Edition Trajectoires, 2009

     

    Ferré Jean - Dictionnaire des symboles maçonniques

    Editions du Rocher, Monaco, 1997

     

    Girard, Marc - Les symboles dans la Bible

    Recherches Nouvelle Série, 26

    Editions Cerf – Bellarmin, Montréal, 1992

     

    Mainguy Irène

    La Symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2001

     

    Négrier Patrick - Les symboles maçonniques d'après leurs sources

    Editions Télètes, Paris, 1998

     

    Sédillot Carole et Zana Elisabeth - ABC du symbole

    Editions Jacques Grancher, 2007

     

    Signier Jean-François & Thomazo Renaud - Les sociétés secrètes

    Editions Larousse, 2005

     

    Trévoux Guy - L’Origine des rites et symboles maçonniques

    Monaco, Éditions du Rocher, 2002

     


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  • * Nos déplacements en Loge

     Nos déplacements en Loge 

    Règle générale et exceptions

    La règle générale qu’il convient de suivre, c’est que nous ne pouvons jamais nous déplacer seuls dans la Loge mais toujours sous la conduite du Frère Maître des Cérémonie. Cette règle souffre de deux exceptions : le Frère Expert ainsi que le Vénérable Maître peuvent se déplacer seuls dans certaines circonstances bien précises que j’évoquerai dans un des chapitres de cette planche.

    Tous nos déplacements doivent s’effectuer par une circumambulation. Qu’est-ce à dire ?

    La circumambulation

    En tenant compte de l’étymologie du mot, la préposition latine circum signifiant autour et suivie du mot ambulation, le verbe circumambuler signifie déambuler en tournant autour. Le sens premier est celui de « promenade ». Mais dans notre contexte particulier, il s’agit d’un déplacement rituel, d'une circulation autour de l'espace sacré du Nadir. Cet espace sacré sur le Pavé Mosaïque est délimité par les trois Piliers (ou Chandeliers) « Sagesse », « Force » et « Beauté » qui encadrent le Tableau de Loge au centre de la Loge.

    Le rite de la circumambulation remonte à la nuit des temps. Les premiers hommes tournaient déjà autour du feu, puis autour des mégalithes dressés vers le ciel, le soleil et la lune. Cette marche collective matérialise un cercle et intervient comme un acte rituel agissant au plan de la sacralisation d'une aire.

    « Dans toutes les traditions, précise Irène Mainguy, la circumambulation peut être définie comme une marche effectuée autour d’un élément sacré, que ce soit une pierre, un autel ou tout autre axe vertical. Cette marche à caractère rituel suit le tracé d’un espace sacré ».

    On distingue deux types de circumambulation : celle dite « à droite » ou solaire et celle dite « de gauche » ou polaire, ce que l'on peut exprimer par les termes dextrocentrique (de la dextre ou nom autrefois donné à la main droite) et sinistrocentrique (de senestre ou nom attribué à la main gauche). Irène Mainguy nous dit que la circumambulation s’effectue soit sinistrorsum, soit dextrorsum (c’est-à-dire de gauche à droite ou l’inverse). En d’autres termes, ces circumambulations rituelles sont déterminées par une orientation polaire ou solaire. Dans le sens polaire, la circumambulation s’accomplit en ayant constamment le centre à sa gauche, dextrorsum.

    Aujourd'hui encore, les Musulmans lors de ce pèlerinage à La Mecque accomplissent sept circumambulations à la Mecque autour du premier temple en forme de cube, la Kaaba, fait de mains d’hommes. Ils réalisent ainsi un cercle autour de ce cube enfermant la pierre d'Abraham. En se déplaçant de façon circulaire, les pèlerins tracent des cercles, dont la fonction est ordonnatrice et protectrice autour d’un cube symbole de perfection et de stabilité.

    Les voyages se répétant, la figure géométrique se met en mouvement et cette expansion la fait passer du cercle à la spirale de l'évolution et de la projection à un autre plan, un autre univers ou état à l'image de la danse cosmique des soufis se fondant dans l'univers.

    Les Bouddhistes du Tibet tournent autour des chorten, les Juifs et les Chrétiens autour des temples ou églises (lors de la dédicace, mais ce cercle s'accomplit aussi à l'intérieur en d'autres circonstances), en Inde, on fait le tour des stupas, dans l'ancienne Indochine celui des maisons neuves que l'on veut bénir, etc

    En Franc-maçonnerie, les circumambulations autour des trois Piliers et du Pavé mosaïque se font dans le sens des aiguilles d’une montre, c’est-à-dire dans le sens solaire. C’est une marche sinistrorsum.

    René Guénon remarque que dans la Maçonnerie, sous sa forme actuelle, le sens des circumambulations est solaire, mais il paraît avoir au contraire été tout d’abord polaire dans l’ancien rituel opératif, selon lequel le trône de Salomon était placé à l’occident et non à l’orient, afin de permettre à son occupant de contempler le soleil à son lever.

    Controversée, la direction vers la droite ou vers la gauche est un problème secondaire de choix entre la reproduction du parcours réel ou apparent du soleil autour de la Terre. L’important se situe dans l'adoption et le maintien par la Loge d'une direction acceptée par tous ses membres. Le déplacement en Loge bleue se fait généralement en respectant le sens dextrocentrique, tel celui des aiguilles d'une montre qui tournent de gauche à droite dans sa partie supérieure.

    Le sens dextrocentrique est dit « solaire » parce qu'il s'accomplit dans le sens de la course du soleil vu de l'hémisphère boréal. Considéré comme favorable, il intervient comme un mouvement d'accompagnement de la lumière. Celui qui se déplace ainsi demeure dans l'attente ou la permanence de l'illumination.

    Le sens sinistrocentrique s'accomplit en ayant sa gauche vers l'intérieur du cercle et son côté droit vers l'extérieur. Considéré comme néfaste du fait du cheminement qui se fait a contrario du déplacement solaire, il annonce le monde des ténèbres et par extension toutes les pratiques dites de magie noire ou liées au domaine de la mort.

    Ces interprétations usuelles restent à manier avec précaution car il convient de ne pas accorder d'attention particulière au visible qui ne répond qu'à des critères exotériques, des aspects extérieurs tout juste bons à aider dans un premier temps celui qui cherche et à guider ses pas pour qu'il découvre le commencement du chemin. L'initié possède la Connaissance et la maîtrise qui lui permettent de se déplacer ou d'agir dans les deux systèmes. Ainsi le sens dextrocentrique se trouve réservé à ceux qui cherchent la lumière, l'orientation sinistrocentrique se voit dévolue à ceux qui sont devenus lumière ou porteurs de lumière.

    Pour comprendre et justifier ceci, faisons appel à Julien Behaeghel pour qui le rituel est le symbole en action. Il est le verbe créateur du monde intemporel, créateur du nom qui donne vie et de l’espace sacré qui s’inscrit dans le présent éternel, cet espace qui définit le sens, le sens qui va de l’ombre vers la lumière, de l’Occident vers l’Orient, de l’inconscience vers la conscience – connaissance. Le sens est la lumière et le rituel n’a d’autre raison d’être que de faire jaillir la lumière, la lumière invisible de l’Esprit. C’est bien pourquoi certaines circumambulations se font dans le sens de la lumière, de l’Occident vers l’Orient. Mais dans le rituel maçonnique cependant, le sens de la circumambulation est inversé afin de garder le centre à sa droite. Autrement dit, le Maçon défie le temps par le rituel : il l’inverse. C’est à l’envers du temps que se trouve la raison mystérieuse de notre devenir.

    Le candidat à l’Initiation devra donc faire le trajet inverse du trajet solaire pour recevoir la lumière : il ira de l’Occident à l’Orient. Et tous les déplacements en Loge, toutes les circumambulations se feront de l’Occident à l’Orient en passant par le Nord, en tournant autour du centre afin de devenir le centre.

    Le concept des voyages est une constante des traditions ésotériques. Dans notre Ordre, les voyages prescrits au cours de la cérémonie d’Initiation au Premier degré s’exécutent en trois déplacements dextrogyres autour du Tableau de Loge. Ces circumambulations autour du centre de la Loge ont pour but d’inciter le postulant à se concentrer sur son propre centre. C’est pourquoi le terme « voyage » acquiert ici une dimension très spécifique dans le contexte initiatique. Le postulant entreprend un déplacement éloigné dans la profondeur spirituelle de son être mais qu’il ne maîtrise pas faute de moyens.

    Bien que ce soit une marche au sens courant du mot, la circumambulation n’a rien à voir avec la Marche d’Apprenti et s’exécute à des moments très différents de celle-ci en Tenue.

    Remarquons qu’après être entrés dans le Temple, les Frères Surveillants exécutent à leur tour une circumambulation afin d’inspecter les Colonnes et d’assurer ainsi la couverture intérieure de la Loge.

    La manière de changer de direction

    Contrairement à ce que font les pèlerins à La Mecque qui réalisent un cercle autour d’un cube sacré, il s’agit pour nous, lors de nos circumambulations autour du tableau de Loge, à chaque changement de direction, de bien marquer les angles droits.

    Cette manière de procéder nous rappelle que l'Équerre que nous formons à chaque changement de direction nous suggère d’ordonner notre vie et nos actions suivant la Règle maçonnique et de vivre en harmonie avec les principes de la morale et de la vertu. L'Équerre traite implicitement de l’attitude et des actes relatifs au comportement moral et physique. D'où l’expression « rectitude morale » ou encore   « agir selon l'Équerre » qui se rapportent à cet idéal de perfection que doit atteindre le Maçon. Les lignes droites de l’équerre sont en effet l’émanation de la rectitude comme de la droiture, tant du point de vue physique de la plus concrète des manières que sur le plan spirituel.

    Les axes sont sans équivoque, les lignes tracées avec pureté… autant d’éléments induisant et incitant à une ligne de conduite d’une parfaite clarté et d’une grande luminosité.

    L'Équerre évoque donc la droiture de notre comportement, ce qui implique une idée de rectitude, de rigueur, de précision dans la pensée et dans les actes.

    Appel au Travail et entrée en Loge

    Tant que nous attendons sur les Parvis avant la Tenue, nous sommes libres de circuler librement. Une fois que le Maître des Cérémonies nous a appelés au Travail au nom du Vénérable Maître, nous nous disposons généralement en cortège pour entrer solennellement dans la Loge : les Apprentis en tête du cortège, suivis des Compagnons, des Maîtres puis de la Commission des Officiers Dignitaires.

    Le Vénérable Maître, le Passé Maître et les Surveillants entrent le plus souvent en dernier lieu. Tout en restant à notre place, nous nous mettons au signe de Fidélité pour les accueillir.

    Remarquons que dans certaines Loges, l’entrée des Frères dans la Loge se fait librement sous prétexte que les Travaux ne sont pas encore ouverts. Il faut regretter cette manière d’entrer en Loge, manquant franchement de solennité.

    Puisque tous nos déplacements doivent s’effectuer sous la conduite du Maître des Cérémonies, saisissons cette occasion pour évoquer les éléments les plus significatifs de cette fonction au sein de la Loge.

    Le rôle du Maître des Cérémonies

    Le Maître des Cérémonies est chargé de conduire la marche pour toute circulation dans le temple. Il montre le chemin. Sa fonction est essentiellement mobile. Il n’a pas de plateau comme les Surveillants, l’Orateur et le Secrétaire. Il porte en sautoir deux cannes entrecroisées au centre.

    Il se tient à l’ordre en tenant sa canne de façon à former une équerre. Cette canne devrait être en ébène et garnie d’ivoire, c’est-à-dire en matière noble et vivante. Cette canne est l’attribut spécifique du conducteur, que chacun suit volontairement.

    Il est hautement souhaitable que les déambulations du Maître des Cérémonies se fassent avec solennité et sobriété, selon un rythme calme et posé.

    Chargé de rendre les honneurs maçonniques au nom de l’Atelier, le Maître des Cérémonies va chercher les dignitaires sur les parvis et les annonce à la porte de la Loge avant de les introduire avec solennité. De même il veille à ce que chaque membre de la Loge soit à la place qui lui revient et conduit les visiteurs en fonction de leur grade et qualité.

    Les Frères Apprentis doivent siéger sur la Colonne du Nord (ou du Septentrion), les Frères Compagnons sur la Colonne du Sud (ou du Midi). Quant aux Frères Maîtres, ils prennent place où ils le souhaitent.

    Les Officiers Dignitaires ont une place bien précise. Ainsi, le Frère Expert, Aumônier-Hospitalier et Archiviste-Bibliothécaire siègent, dans cet ordre, en tête de la Colonne du Nord. Les Frères Trésorier, Maître des Banquets et Architecte s’assoient, dans cet ordre, en tête de la Colonne du Midi.

    A l’Orient, les Grands Officiers visiteurs siègent à la droite du Vénérable Maître (c’est-à-dire à gauche quand nous regardons vers l’Orient). Les Vénérables Maîtres visiteurs siègent à la gauche du Vénérable Maître (c’est-à-dire à droite quand nous regardons vers l’Orient).

    Lorsque le Grand Maître (ou son adjoint) rend visite à une Respectable Loge, il n’entre dans la Loge qu’après l’Ouverture des Travaux et à l’issue de la partie administrative. Cette entrée solennelle du Grand Maître et des Grands Officiers de l’Obédience fait l’objet d’un rituel particulier que le Maître des Cérémonies doit bien connaître.

    Le Frère  Maître  des  Cérémonies prend les dispositions nécessaires  et  se fait  accompagner  par  trois  Frères Maîtres,  porteurs  d'étoiles. Le Grand Maître est toujours reçu sous  la  voûte  d'acier, maillets  battants. Le rituel officiel de notre Obédience suggère que le nombre d’épées soit au minimum de cinq, réparties sur les deux Colonnes (trois au Septentrion, deux au Midi).

    Le Maître des Cérémonies précède le cortège, suivi d'un Frère porteur d'étoile, suivi du Grand Maître et des Grands Officiers qui l'accompagnent (par ordre de préséance). Le cortège est fermé par les deux Frères porteurs d'étoiles et enfin par le Maître des Cérémonies adjoint.

    Le Maître des Cérémonies conduit le Grand Maître devant l'Autel, place les autres Grands Officiers derrière lui et se place lui-même au Nord-est. Les Frères porteurs d'étoiles et le Maître des Cérémonies adjoint restent le long de la Colonne du Nord, jusqu'à ce que le Grand Maître ait pris place à l'Orient.

    Les deux exceptions à la règle

    Le Vénérable Maître peut se placer seul.

    • Lors de la communication des arcanes du grade au(x) Frère(s) nouvellement initié(s), le Vénérable Maître peut aller se placer librement devant lui (eux) afin de rendre cette partie du rituel plus personnelle, plus vivante, plus fraternelle et conviviale.

    • Dans la remise du tablier, des gants et des règlements, le Vénérable Maître se fait aider par le Frère Expert. Éventuellement, les Frères Secrétaire et Aumônier-Hospitalier, tout proches, peuvent également l’assister.

    • S’il ne peut, pour l’une ou l’autre raison toute particulière, faire appel au Frère Maître de Cérémonies ou à l’Expert, le Vénérable Maître peut prendre l’initiative de se déplacer et de corriger tout détail important et indispensable à la bonne exécution du rituel.

    L’Expert peut également se placer seul.

    • C’est le Frère Expert qui va quérir, seul, les réponses écrites par un candidat dans le Cabinet de Réflexion, le soir de son interrogatoire sous le bandeau.

    • Le Frère Expert est aussi amené à se déplacer seul lorsqu'il s’agit d’aller quérir un profane dans le Cabinet de Réflexion en vue de son interrogatoire sous le bandeau. C’est également lui qui reconduit le candidat à l’extérieur du Temple lorsque cette épreuve est terminée.

    • C’est encore le Frère Expert qui, au début de la cérémonie d’Initiation, va quérir le testament philosophique du candidat pour le déposer sur la stalle du Frère Secrétaire.

    • La préparation du candidat, c’est-à-dire le mettre « ni nu ni vêtu » relève également de la compétence du Frère Expert.

    • Si la position d’un objet du décor (par exemple le Tableau de Loge légèrement déplacé) doit être rectifiée, c’est encore le Frère Expert qui peut intervenir seul. Remarquons, par contre, qu’il n’est pas habilité à rallumer une bougie éteinte : ceci relève de la charge du Frère Maître des Cérémonies qui, dans ce cas, doit toujours aller rechercher la lumière à la bougie centrale du chandelier du Vénérable Maître !

    Autres exceptions à la règle générale

    1. Lors de la cérémonie d’Initiation, lorsqu'arrive le moment de la scène du « tuilage », le plus jeune des Frères Apprentis, ou en tout cas celui qui a été désigné pour jouer le rôle de l’Apprenti visiteur qui demande à pouvoir participer aux Travaux de la Loge, peut – et doit – sortir discrètement de la Loge pour se préparer à l’extérieur. Dans ce cas bien précis, pas question de circumambulation car un tel déplacement manquerait à son objectif, celui de la discrétion !

    2. Lorsqu'un Frère s’attend à devoir quitter la Tenue – et la Loge – pour des raisons professionnelles urgentes (c’est souvent le cas de Frères médecins), pour autant qu’il en ait averti le Vénérable Maître avant le début de la Tenue, peut se permettre de quitter discrètement et rapidement la Loge sans effectuer de circumambulation dès le moment où il est appelé d’urgence.

    Pour conclure, du moins provisoirement

    Dans cette longue réflexion, ce qui me semble le plus important, c’est la raison pour laquelle nos déplacements en Loge s’effectuent par circumambulations autour du Tableau de Loge : celles-ci nous incitent à nous concentrer sur notre propre centre. Cette marche collective matérialise un cercle et constitue un acte rituel agissant au plan de la sacralisation de notre Loge.

     

    R:. F:. A. B.

    Bibliographie

     

    Alban Gilbert - Manuel pratique du Second Surveillant

    Guide de l’Apprenti

    Editions Detrad, Paris, 1989

     

    Behaeghel Julien - L’Apprenti Franc-maçon et le monde des symboles

    La Maison de Vie, Fuveau, 2000

     

    Guénon René - La Grande Triade

    Editions Gallimard, Paris, 1973

    Chapitre VII, pages 65 à 73

     

    Mainguy Irène - La symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2001

     


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  •  Symbole, symbolisme et symbolique maçonnique 

    Pratiquer le symbolisme

    Nous, Francs-maçons, désirons tous devenir meilleurs et plus éclairés. Nous savons que nous avons été formés, dans la vie profane, pour réagir et souhaitons devenir des hommes « libres », c’est-à-dire des hommes qui agissent selon leur propre voie.

    L’homme libre est précisément l’idéal du moi proposé par la voie dite « initiatique » qui associe l’introspection à la pédagogie et conduit à une transformation de l’être en soi. Pour y parvenir, l’Initié – celui qui s’engage dans cette voie – pratique le symbolisme.

    Avant d’évoquer cette pratique du symbolisme et d’en comprendre la signification  profonde, je voudrais tenter de mettre un peu d’ordre dans ces concepts tels que symbolisme, symbolique et symboles.

    Symbolisme ou symbolique ?

    Jean Chevalier distingue la symbolique, en tant que science positive fondée sur l’existence des symboles, leur histoire, leurs lois, du symbolisme, science spéculative fondée sur l’essence du symbole et sur ses conséquences normatives. Les deux termes ne seraient donc pas synonymes. Alors tentons d’y voir plus clair !

    Le symbolisme

    Le dictionnaire Robert définit le substantif « symbolisme » comme étant l’emploi de symboles, la figuration par des symboles ou un système de symboles.

    Le symbolisme maçonnique

    Lorsque nous parlons du symbolisme maçonnique, nous parlons autant de l’emploi de certains symboles par les Francs-maçons que de la figuration d’idées et de concepts.

    Le symbolisme maçonnique est fondé sur l’emploi de symboles déterminés. Dès lors, la pratique du symbolisme réside dans l’emploi, dans l’usage des symboles. En ce sens le symbolisme maçonnique est bien plus qu’un catalogue défini de symboles. Il n’a rien de figé. Il n’existe que parce qu’il est vécu, utilisé, partagé, discuté, soumis aux interprétations personnelles les plus diverses.

    Le symbolisme maçonnique n’est pas une théorie. Il ne peut être approché, disséqué et compris par les Francs-maçons que dans une démarche d’appropriation et d’implication intérieures qui nécessite un travail personnel obligatoire s’il souhaite que son initiation soit véritable.

    Pour le Franc-maçon qui se trouve impliqué dans la pratique du symbolisme, le système de symboles est présent devant lui comme un donné objectif qu’il doit s’approprier, à l’intérieur d’une Tradition. Le symbolisme maçonnique est un monde à lui seul qui mérite d’être exploré jusque dans ses moindres recoins.

    Synthétisons cette première approche en définissant le symbolisme maçonnique comme étant l’emploi vécu d’un système cohérent de symboles figurant des idées ou des concepts et ouvrant éventuellement sur un dépassement de la réalité sensible.

    La symbolique

    Selon le dictionnaire Robert, la symbolique, c’est d’abord la logique symbolique, ensuite la science ou la théorie générale des symboles, enfin un ensemble de symboles relatifs à un domaine déterminé, à un peuple, à une époque.

    La symbolique maçonnique

    La connaissance de la langue symbolique est indispensable pour comprendre l’enseignement ésotérique maçonnique.

    La symbolique maçonnique est l’ensemble des symboles et des symbolismes. Elle développe un ordonnancement des symbolismes et des symboles qui la constituent. Ainsi, le symbolisme de la construction et le symbolisme des outils viennent en premier lieu. Ils se sont intimement liés au symbolisme biblique. Puis viennent d’autres symbolismes qui s’ordonnent et se développent selon les rites et les degrés. Ainsi, l’ordonnancement constitutif de la symbolique maçonnique se décompose en autant de symboles et de symbolismes surajoutés au gré du défilement de la tradition maçonnique.

    La symbolique maçonnique fait appel aux systèmes symboliques suivants : la cosmologie, l’architecture, la géométrie, les outils et instruments, les couleurs, les nombres (marches, batteries, âges…), les mots sacrés et les mots de passe, le schéma corporel (mises à l’ordre, signes,…).

    La symbolique maçonnique est une langue ; elle est une science ; elle est un art.

    En tant que langue, la symbolique maçonnique a un caractère universel. Si les langues profanes se sont développées en s’adaptant aux circonstances locales et temporelles de la vie des communautés, la langue symbolique est restée inchangée. Un modèle symbolique est universel lorsqu'il appartient à un lointain passé (ce que l’on vérifie en recherchant des modèles analogues dans les vestiges de civilisations anciennes) et lorsqu'il appartient à des civilisations éloignées dans l’espace (ce que l’on vérifie en recherchant des modèles analogues dans divers continents).

    En tant qu’art, la symbolique maçonnique exprime la vie de l’imagination créatrice.

    La symbolique maçonnique est une science logique, inductive, qui étudie les symboles du corpus maçonnique comme un objet extérieur. En ce sens, la symbolique maçonnique est exposée dans des ouvrages tels celui de Jules Boucher. Les symboles y sont recensés, expliqués à l’aide de considérations historiques et ésotériques.

    En tant que science, la symbolique a ses lois.

    • La première de ces lois est la « loi de correspondance».

    Un même symbole peut avoir plusieurs significations. C’est pourquoi on dit du symbole qu’il est ambivalent. La loi de correspondance peut dès lors s’exprimer de la façon suivante : « à un même signifiant symbolique correspondent plusieurs signifiés ».

    Prenons l’exemple du modèle symbolique binaire « Soleil – Lune » qui présente un caractère universel en ce sens qu’il est utilisé par de nombreuses traditions échelonnées dans le temps et réparties dans l’espace. Ce modèle symbolique formé par l’association de ces deux images déclenche des processus relationnels tels que Jour – Nuit ; Lumière – Ténèbres ; Émettre – Refléter ; Donner – Recevoir ; Enseigner – Apprendre…  Les divers processus énoncés « se correspondent » ; tous sont exprimables par le seul modèle symbolique Soleil – Lune.

    • La seconde de ces lois est la « loi de corrélation ».

    Cette loi s’énonce comme suit : « un même signifié peut être exprimé par plusieurs signifiants symboliques ».

    Soit plusieurs signifiants A, B, C, D. un même signifié 1 peut être exprimé par plusieurs signifiants A, B, C, D, …

    Partons du modèle symbolique du carré inscrit dans un cercle.

    Du point de vue de la figuration symbolique, le carré peut être remplacé par une croix orthogonale à branches égales car les deux figures géométriques ont quatre angles droits et quatre segments droits isométriques. Il peut aussi être remplacé par un ensemble de quatre points disposés aux sommets d’un carré.

    De même, le cercle peut être remplacé par son centre.

    Toutes ces figures ont donc le même sens. Ces modèles sont « corrélatifs ».

    On peut aussi passer de la géométrie aux nombres. Ainsi, l’homologue du carré est quatre ; l’homologue du cercle est le nombre un.

    En passant au domaine des outils maçonniques, le modèle symbolique « Équerre – Compas » est corrélatif du modèle « Carré – Cercle », l'Équerre étant l’homologue du Carré et du nombre Quatre, et le Compas étant l’homologue du Cercle et du nombre Un.

    Revenons à présent à la pratique du symbolisme.

    Pratiquer le symbolisme

    Pratiquer le symbolisme, c’est regarder tout ce qui existe comme une grande écriture chiffrée. C’est penser la pensée et parler du langage. Le but de notre travail n’est pas d’apprendre ou de mémoriser un maximum de connaissances mais au contraire de parler à son ego, de se servir de son vécu, de l’imaginaire, et par l’utilisation du symbole, faire naître en soi la vérité, ou du moins se donner l’envie et la volonté de la chercher. C’est de reconnaître la réalité telle qu’elle est, c’est-à-dire en devenir. L’important n’est pas la connaissance elle-même mais l’assimilation de cette connaissance. C’est l’amélioration de la personnalité qui est recherchée.

    La pratique du symbolisme libère des idées reçues à condition qu’elle ne soit pas dogmatique, c’est-à-dire qu’elle ne soit pas conçue comme une mémorisation d’affirmations non vérifiées. Travailler sur les outils de la Franc-maçonnerie, c’est réunir ce qui est épars en l’homme : raison, intuition, imaginaire.

    Le symbolisme spécifiquement maçonnique propose d’approcher, parmi les symboles, ceux qui se réfèrent à la construction. Les outils des bâtisseurs doivent être regardés comme les outils de la construction de l’homme libre. Construire le Temple, c’est se faire soi-même, devenir un être éveillé, c’est-à-dire réellement libre.

    C’est ainsi qu’au grade d’Apprenti, les symboles de la Franc-maçonnerie sont essentiellement des outils de construction : fil à plomb, niveau, compas, équerre… et des figures géométriques, essentiellement le triangle. La géométrie constitue l’entrée royale dans le monde de l’imaginaire tout en étant soumise à une stricte rigueur au plan du raisonnement et des règles. Cultiver la géométrie est indispensable pour tirer profit de l’enseignement maçonnique.

    Pour que l’étude du symbolisme stimule l’esprit en réunissant toutes ses facultés, raison, intuition, la pensée qui globalise et la pensée qui découpe, il faut admettre que des réponses différentes sont également recevables. Chaque réponse est un éclairage et chaque éclairage participe à la lumière sans jamais être à elle seule toute la lumière.

    La phrase « ICI TOUT EST SYMBOLE », extraite du rituel d’Initiation au Premier Degré, décrit la voie symbolique : elle dit en effet « Ici, nous voulons apprendre à regarder la modalité symbolique de tout ce qui existe ».

    L’étude des symboles maçonniques et l’étude maçonnique des symboles n’ont rien à voir avec une mémorisation de « paroles de maîtres » dont la finalité serait une mise en conformité avec une représentation générale du monde obligatoire. L’enjeu de l’approche du symbole est l’Eveil de facultés endormies justement par l’apprentissage de la conformité dans le monde profane.

    Les symboles

    L’univers de la Franc-maçonnerie initiatique est peuplé de symboles. Temple, Porte, Colonnes, outils… Tout est symbole dans une Loge maçonnique parce que le symbole apparaît comme l’unique manière de « parler l‘initiation ».

    Présents dans le cadre d’une dialectique spécifique, que ce soit dans le temps comme dans l’espace, ils servent de vecteurs majeurs à la transmission de la Connaissance aux Initiés ; d’autre part, ils contribuent à masquer les fondements essentiels de l’esprit et du travail maçonniques au regard des Profanes.

    Qu’est-ce qu’un symbole ?

    On peut définir le symbole comme étant un segment de l’expérience finie qui nous offre, dans sa plénitude emblématique, un sens ou une clé d’accès à une réalité qui ouvre sur l’investigation du « que penser ? ». Cette ouverture intervient comme la marque d’une avancée vers le contenu inscrit par le symbole et que chacun doit approcher, recommencer à explorer par ce processus du questionnement qui relève inévitablement de la pensée.

    Le propre d’un symbole est d’être porteur d’une infinité de sens qui ne sauraient être enfermés dans une définition de dictionnaire. Chaque symbole éclaire une facette du Principe même de création, de l’unité inaccessible à l’esprit humain.

    Le symbole est un ensemble qui réunit plusieurs éléments, de manière à ce que le tout soit plus et autre chose que la somme des parties. C’est du rassemblement de ces facettes et des multiples aspects du symbole que naissent les lumières qui éclairent la Loge.

    Si nous voulons connaitre la nature d’un symbole, il nous faut étudier tout particulièrement son nom et la raison qui se trouve à l’origine de cette attribution, en ne manquant pas d’analyser sa forme, son nombre et son son, ce qui conduit à chercher sa fonction.

    « Aucun symbole n’est simple, dit Jung, car le symbole recouvre toujours une réalité complexe qui est tellement au-delà de toute expression verbale qu’il n’est guère possible de l’exprimer d’un seul coup. »

    Signes concrets, directement perceptibles par les sens humains, les symboles maçonniques évoquent des éléments d’information abstraits par le biais d’un code conventionnel.

    Peuvent devenir symboles, des objets (ex. la truelle), des emblèmes (ex. le delta est l’emblème du Grand Architecte de l’Univers et, par extension, celui de la Création), des concepts abstraits mais aussi des mots (Tubalcaïn), voire des lettres prises isolément (J., B.) ou des nombres considérés individuellement ou projetés mathématiquement au carré ou au cube. Le support importe peu car c’est le sens qui crée le symbole.

    Le symbole ne peut pas s’inventer : il est créé. Surgissant de l’inconscient individuel ou collectif, il a une vie qui échappe à l’homme mais lui est conditionnée. Il apparaît, venu on ne sait d’où, quand l’univers qui l’intègre est prêt à révéler toute sa dimension.

    Essai de classification de quelques symboles présents au Premier Degré

    Des symboles mythiques

    La Pierre brute et la Pierre Polie ; le Temple à construire ; le Grand Architecte de l’Univers ; la Voûte étoilée ; les Luminaires ; les Etoiles ; les Flambeaux ; l'Épée flamboyante ; les Glaives ; la Corde à entrelacs ; la Canne du Maître des Cérémonies ; les symboles du banquet d’ordre…

    Des symboles fondamentaux

    • Les quatre Eléments : la terre ; l’eau, le feu, l’air ;

    • Le Cabinet de Réflexion ; le Temple maçonnique ; les Colonnes du Temple ; la Chaîne d’union ; l’Autel des serments ; le Nadir et le Zénith ; le Pavé mosaïque ; les Piliers et le Tapis de Loge ; les Maillets des Officiers ; le Nombre 3 ; la Loge…

    Des symboles instrumentaux

    Le Ciseau et le Maillet ; le Fil à plomb et le Niveau ; l'Équerre ; le Compas ; la Règle…

    Des symboles vestimentaires

    Le Tablier et les Gants ; le Baudrier, le Sautoir ; la vêture du candidat lors de l’initiation.

    Des symboles gestuels

    Le Signe d’ordre ; les Batteries de mains ; l’accolade ; la marche ; la circumambulation ; l’attouchement ; les voûtes ; les Chaines d’union…

    Des symboles sonores

    Les acclamations ; les batteries de maillets ; les mots ; la Colonne d’Harmonie ; les silences…

    Des symboles temporels

    Midi, Minuit.

    Des symboles ponctuels

    Les symboles de l’Initiation ; la Porte basse ; les Bijoux des diverses fonctions des Officiers Dignitaires (généralement suspendus à leur sautoir) …

     

    Ce sont là près d’une centaine de symboles que les Apprentis ont à découvrir et tenter d’interpréter.

    Les symboles maçonniques s’écrivent généralement avec une majuscule.

    C’est seulement par l’étude des symboles qu’on peut parvenir à l’ésotérisme. C’est en ne considérant que l’exotérisme des symboles, c’est-à-dire en interprétant ceux-ci dans un sens quasi littéral, qu’on en arrive à juger les rites désuets et périmés.

    L’étude approfondie des symboles et en particulier des symboles maçonniques peut conduire fort loin. Ici-bas tout est symbole. Les mots eux-mêmes ne sont, en réalité, que des symboles d’idées.

    La Franc-maçonnerie et les Maçons ont la fâcheuse tendance à employer le mot « symbole » à toutes les sauces, ce qui a engendré un appauvrissement du mot. De nombreux « symboles » et leur « explication » ne sont que de tristes lapalissades. En voici quelques exemples : les gants blancs symbolisent la pureté. Le tablier symbolise le travail. L'Équerre symbolise la rectitude. Le Compas symbolise l’intelligence…

    Par définition, un symbole ne peut être expliqué, ne peut être transmis. On dit qu’il est transcendant et incommunicable. Le symbole passe par la vie intérieure de l’être ; il s’adresse au cœur, à l’âme, à l’esprit. Le symbole est éveil ; il est mouvement vers le haut. Il n’est jamais figé, même pour l’homme qui l’a appréhendé.

    Pour conclure, toujours provisoirement…

    La méthode symbolique ne serait-elle pas l’antidote à tout sectarisme ou dogmatisme ? N’est-ce pas un instrument d’ouverture d’esprit sur les autres, sur l’univers, et sur l’intérieur de soi ?

    Dans cette planche, ce sont essentiellement les mots « symbolisme » et « symbolique » que j’ai tenté de différencier car on les emploie trop souvent, à tort, comme des synonymes.

    Le symbolisme est l’utilisation des symboles. C’est également l’interprétation de leur essence, du fondement des objets ou images comme support de symboles (exemple : le symbolisme du Compas). C’est encore une école de pensée considérée d’après ses symboles : on parle fréquemment du symbolisme maçonnique.

    La symbolique est la théorie des symboles. C’est aussi l’ensemble des interprétations d’un symbole, alors que le symbolisme n’en considère qu’un aspect (exemple : la symbolique de l'Équerre). Enfin, la symbolique, c’est aussi l’ensemble du système symbolique d’un groupe de pensée : on peut évoquer la symbolique maçonnique.

    Ces tentatives de définitions sont tout en nuances, à l’instar de leur origine, c’est-à-dire le symbole !

    Notre méthode de travail est fondée sur le travail rituel effectué avec et sur les symboles au sein du cosmos de la loge, car la communion avec ces symboles permet d’éveiller l’intelligence du cœur. C’est le rituel qui donne corps au spirituel et réanime l’ensemble des forces créatrices. Les rituels initiatiques racontent la création en esprit par le jeu des symboles, véritables paroles de vie qui rendent présentes les fonctions rituelles remplies par les Frères. Ainsi les rituels relient-ils les symboles entre eux pour leur donner leur pleine et entière signification et nous permettre de les vivre.

    Participer aux rituels est un acte majeur pour tous les Frères de la Loge, et chaque rituel est une nouvelle naissance, à la fois de la Loge elle-même et de chacun de ses Frères.

     

    R:. F:. A. B.

    Bibliographie

     

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995 - Page 150

     

    Béresniak Daniel - Rites et symboles de la Franc-maçonnerie

     Tome I : « Les Loges bleues »

    Editions Detrad, Paris, 1997 - Pages 3 à 5

     

    Beresniak Daniel - L’apprentissage maçonnique, une école d’éveil ?

    Editions Detrad, Paris, 1983 - Pages 27 à 36

     

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade d’Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986 - Pages 9, 59 à 66, 68 à 71

     

    Boisdenghien GuyLa vocation initiatique de la Franc-maçonnerie - Sentiers de la Tradition

    Editions l’Etoile, Bruxelles, 1999 - Pages 96 à 98, 101 à 104

     

    Boucher Jules - La Symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995 - Pages XV à XVIII

     

    Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 249 à 251

     

    Guigue Christian - La formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 1995 - Pages 270 à 272

     

    Mondet Jean-Claude - La Première Lettre

    L’Apprenti au Rite Ecossais Ancien et Accepté

    Editions du Rocher, Monaco, 2007 – Page 99

     

    Nefontaine Luc - Symboles et symbolisme dans la Franc-maçonnerie – Tome 2

    Editions de l’Université de Bruxelles, Bruxelles, 1997

    Pages 17 à 23, 33, 104 à 128, 139 à 149, 178


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  •  Le Grand Architecte de l'Univers 

    Introduction

    Le Grand Architecte de l’Univers est une notion fondamentale dans le Rite Écossais Ancien et Accepté. C’est aussi le premier des principes de la spécificité de la Grande Loge de France, de la Grande Loge Nationale Française et de la Grande Loge Régulière de Belgique. C’est une notion assez subtile et souvent mal assimilée. C’est pourquoi j’ai souhaité tracer cette planche pour tenter d’en comprendre mieux la portée.

    Les fondements de la Franc-maçonnerie

    Il est généralement admis par l’Ordre maçonnique et l’ensemble de ses institutions, principalement celles qui sont ou se disent régulières, respectueuses des anciens usages, que les références aux « Landmarks » correspondent à des limites ou règles qu’il convient de ne pas toucher sous peine d’être considéré comme irrégulier.

    Les « Landmarks »

    La première mention écrite du mot « Landmarks » apparaît dans les Constitutions d’Anderson de 1723, à la fin des « Règlements généraux ».

    Il convient de remarquer qu’on ne trouve nulle trace du mot « Landmark » dans les comptes-rendus de la Grande Loge des « Moderns » (de 1723 à 1758) et qu’il n’est cité qu’une seule fois dans ceux de la Grande Loge des « Antients » (de 1752 à 1760).

    Les « Landmarks », règles immuables, sont les limites de l’espace dans lequel nous nous trouvons en Franc-maçonnerie régulière et à l’extérieur duquel nous nous en séparons. Ces règles sont le substrat de l’Ordre. Les Anglo-saxons considèrent les «Landmarks» comme existant depuis des temps immémoriaux et comme étant une sorte de loi non écrite qui exprime l’essence même de l’Ordre et que tout Maçon doit maintenir inchangée.

    Pour Triaca Ublado, il n’y a pas un document unique dans lequel tous les «Landmarks» seraient exposés dans le détail. Ils existaient dans un passé éloigné, bien avant le regroupement des quatre loges à Londres en 1717 et étaient consignés dans des manuscrits qui auraient été volontairement brûlés en 1720.

    Pour Jean Lhomme, il existe de nombreuses listes de « Landmarks » qui ont été publiées depuis la naissance de la Franc-maçonnerie spéculative. Les listes existantes compilées par de nombreux auteurs en comptent entre cinq et septante-cinq !

    Ainsi, la liste dressée par Harry Carr en garde cinq, reconnus unanimement :

    1. le Maçon doit professer la croyance en Dieu, Grand Architecte de l’Univers ;

    2. le Volume de la Loi sacrée doit être présent en loge et ouvert au vu de tous ;

    3. le Maçon doit être un homme libre et d’âge suffisamment mature ;

    4. le Maçon, de par ses actions et déclarations, doit allégeance à l’Etat et à la Franc-maçonnerie ;

    5. le Maçon croit à l’immortalité de l’âme.

    Pour Guy Boisdenghien, ces règles immuables sont au nombre de six :

    1. la croyance en Dieu, Grand Architecte de l’Univers ;

    2. la présence sur l’autel du Volume de la Loi Sacrée recouvert de l'Équerre et du Compas ;

    3. l’interdiction des discussions politiques et religieuses en Loge ;

    4. l’obligation de travailler en Loge ;

    5. le respect des pouvoirs civils de la nation ;

    6. l’observance du secret maçonnique.

    Ces règles sont le substrat de l’Ordre, étant la nature même du lien qui unit les Frères. Il est donc inadéquat de les interpréter en termes profanes comme certains Maçons non réguliers qui, gênés par ces exigences, traitent la Franc-maçonnerie traditionnelle de dogmatique !

    La Franc-maçonnerie Traditionnelle n’est pas dogmatique car l’Initiation vise la réalisation intérieure de l’individu. Cette Initiation ne peut évidemment s’effectuer si l’on est soumis à quelque dogme que ce soit !

    Pour Marius Lepage, « une seule affirmation historique est traditionnellement possible : personne n’a jamais vu un Landmark, parce qu’en réalité, un Landmark n’est qu’un mythe forgé par un poète. Personne ne sait ce que les Landmarks contiennent ou ce qu’ils excluent. Ils ne se rapportent à aucune autorité humaine, parce que tout est Landmark pour l’interlocuteur qui veut nous réduire au silence, mais rien n’est Landmark de ce qui lui barre le chemin ».

    Parmi tous les « Landmarks » anglo-saxons, la croyance en l’existence de Dieu, considéré comme le Grand Architecte de l’Univers est un « Landmark » d’une extrême importance par les discussions qu’il a suscitées.

    La notion du Grand Architecte de l’Univers est, en Maçonnerie, à la fois plus ample et plus restreinte que celle du Dieu des diverses religions.

    Dès son origine, la Franc-maçonnerie, en adoptant cette expression, a ainsi montré sa conception de la divinité dans ses rapports avec le monde et avec l’homme.

    Pour René Guénon, « le Grand Architecte de l’Univers trace le plan idéal qui est réalisé en acte, c’est-à-dire manifesté dans son développement indéfini par les êtres individuels qui sont contenus dans son Etre Universel ; et c’est la collectivité de ces êtres individuels, envisagée dans son ensemble, qui constitue le Démiurge, l’artisan ou l’ouvrier de l’Univers ».

    Les Old charges

    Sont appelés « Old charges » des manuscrits anglais s’étendant du 14ème au 18ème siècle. Cette expression est généralement traduite en français par « Anciens devoirs ». Ils enseignent l’histoire du métier. Les seuls manuscrits du Moyen Age restant sont le « REGIUS » datant de 1390 et le « COOKE » datant de 1425.

    Ces manuscrits qui se ressemblent beaucoup par leur contenu, sont divisés en deux parties :

    • Histoire légendaire de la Maçonnerie identifiée à la Géométrie et aux Arts libéraux ;

    • Exposé des devoirs du métier et de la corporation.

    Les « Old charges » énonçaient des règles qui, avant de devenir des symboles d’un perfectionnement moral et spirituel, étaient, pour les maçons opératifs, immédiatement applicables à leur vie quotidienne et à leur activité professionnelle.

    En 1986, cent treize textes différents de « Old charges » ont été recensés !

    Les Constitutions d’Anderson

    Peu d’années après la formation de la première Grande Loge parurent les Constitutions d’Anderson qui étaient destinées, dans l’esprit de leur auteur et de la Grande Loge qui les commanditait, à remplacer les « Old charges ».

    C’est au cours de l’année 1723 qu’elles ont été publiées. Il s’agit du texte fondateur de la Franc-maçonnerie spéculative mais il est en même temps l’aboutissement d’une longue histoire, celle des Maçons opératifs qui avaient constitué des loges dès le Moyen Age.

    Cet ouvrage, dû au Pasteur James Anderson, contient les charges d’un Franc-maçon qui font toujours autorité actuellement, bien que le texte ait déjà été modifié en 1738, 1813, 1929 et 1989.

    Le G.A.D.L’U. et les différentes obédiences

    La Franc-maçonnerie universelle invoque le Grand Architecte de l’Univers et professe la croyance en l’immortalité de l’âme mais elle n’impose aucun précepte. Aucun culte n’y est enseigné. Aucune vérité n’y est révélée. Société initiatique à base philosophique, elle admet la liberté de conscience et la tolérance mutuelle. Le symbole du Grand Architecte de l’Univers se retrouve dans les principes de base et caractéristiques de la plupart des différentes obédiences, avec quelques nuances qu’il convient de préciser.

    Principes de base de la Grand Loge Nationale Française

    Les principes de base de la Grand Loge Nationale Française sont formulés dans une règle en 12 points qui a pour fondement traditionnel la foi en Dieu Grand Architecte de l’Univers ; la nécessité d’observer les « Landmarks » et de s’instruire des Anciens Devoirs (Old Charges) ; la prestation de serment sur le Volume de la Loi Sacrée ; l’absence de femmes en loge ; le respect des opinions et croyances et enfin l’assistance fraternelle envers les Maçons dans le besoin.

    Caractéristiques générales de la Grande Loge de France

    Obédience spécifiquement masculine, la Grande Loge de France travaille à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers. Elle a adopté comme texte de référence les Constitutions d’Anderson et se réfère au Grand Architecte de l’Univers comme expression symbolique du principe créateur, librement interprétable par chacun des membres de l’obédience.

    Principes de base du Droit Humain

    Les principes et les méthodes de travail adoptés par l’Ordre Maçonnique Mixte International le Droit Humain sont ceux des Grandes Constitutions Écossaises de 1786, révisées par le Convent de Lausanne. Cet ordre maçonnique ne professe aucun dogme et travaille à la recherche de la vérité. Il se définit comme une institution initiatique, philosophique, laïque et philanthropique qui se donne pour mission d’œuvrer au progrès de l’humanité. Les loges du Droit Humain travaillent à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers et/ou au progrès de l’Humanité.

    Principes de base du rite Émulation

    Le rite Émulation demande à ses participants la croyance au Grand Architecte de l’Univers, la présence sur l’autel des Trois Grandes Lumières (le Volume de la Loi sacrée, l'Équerre et le Compas) ainsi que le respect des Anciens Devoirs.

    Principes de base du Grand Orient de France

    Le Grand Orient de France, la plus ancienne obédience française est l’ancêtre de toutes les obédiences apparues par la suite. Le Grand Orient de France pratique la liberté absolue de conscience. Il laisse à ses membres le choix ou non en une vérité révélée, de pratiquer la religion de leur choix ou de n’en pratiquer aucune. Il pratique la tolérance mutuelle et la lutte contre les dogmatismes et exclusions de toutes sortes.

    Tentons de comprendre comment le Grand Orient de France en est arrivé à abandonner toute référence au Grand Architecte de l’Univers.

    De la suppression de toute référence au Grand Architecte de l’Univers

    Le Grand Orient de Belgique avait déjà retiré l’invocation au Grand Architecte en 1872. C’est en 1877 qu’un pasteur, Frédéric Desmond, proposa au Convent du Grand Orient de France de supprimer lui aussi toute référence au Grand Architecte de l’Univers dans les rituels et dans les travaux. La fine argumentation du pasteur convainquit les décideurs du Grand Orient de France : la croyance en l’immortalité de l’âme et l’invocation au Grand Architecte de l’Univers disparurent de ses loges.

    Depuis cette date, les obédiences maçonniques se divisent entre celles qui reconnaissent  le Grand Architecte de l’Univers et celles qui ne le reconnaissent pas. Elles s’excommunient les unes les autres ! Et puis il y a telle ou telle obédience à tendance religieuse qui affirme que le Grand Architecte, c’est Dieu.

    Comment se reconnaître dans ce débat ? Peut-être simplement en se rappelant que le Grand Architecte de l’Univers est un symbole majeur de toutes les confréries de bâtisseurs depuis l’Antiquité.

    Depuis l’Egypte ancienne, les mentions d’un architecte créateur des lois du cosmos sont très nombreuses. Ce concept symbolique incarne l’harmonie de l’univers dans sa fonction créatrice et il est donc le modèle du Maître d’Œuvre sur le chantier.

    L’exclure ou le considérer comme un objet de croyance, c’est sortir du champ de la Franc-maçonnerie initiatique pour se réduire à une association politique ou para-religieuse.

    Luc Benoist rappelle qu’au « sens ancien, le métier épousait la nature de l’homme et pouvait devenir un art, c’est-à-dire une activité conforme à une certaine perfection.

    Cette conformité donnait au travail un certain prolongement surnaturel qui l’assimilait à la contemplation et à la prière. Elle donnait à l’artisan la conscience de travailler « comme le Grand Architecte de l’Univers » et de devenir, lui aussi, un créateur. Il collaborait humainement à l’œuvre divine ».

    C’est pourquoi, aujourd’hui, il me paraît essentiel de travailler « à la gloire du Grand Architecte de l’Univers », et non pour une institution humaine, pour une idéologie, pour une croyance ou pour un individu.

    Grâce notamment à la présence de ce symbole, nos Apprentis savent qu’ils œuvrent dans une Loge qui fait de l’Initiation son souci majeur et permanent.

    Toute la Tradition des bâtisseurs rappelle un précepte majeur : nous devons tenter de construire comme les dieux l’ont fait au commencement, et c’est pourquoi le modèle et la symbolique du Grand Architecte de l’Univers sont essentiels. Sans lui, il est à craindre que les ouvriers ne construisent que de l’illusoire et des bâtiments sans nulle dimension initiatique.

    Jean Hani nous rappelle que, sur un pilier de Notre-Dame de Paris, est posée une plaque sur laquelle on peut lire la formule « A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers », gravée au-dessus d’un pentagone et de Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie, la Règle, le Compas et l'Équerre. Ainsi, l’œuvre accomplie a-t-elle été restituée à son véritable auteur, le principe créateur !

    Notre serment

    Lors de notre Initiation, nous nous sommes tous engagés par notre serment à respecter la constitution et le règlement général de notre obédience.

    Prêté la main droite dégantée et posée sur le Volume de la Loi Sacrée afin que nous nous engagions sur ce qu’il y a de plus sacré, notre serment nous enjoint :

    • de garder le secret ;

    • de rester fidèle et discret, c’est-à-dire de ne trahir ni l’ordre maçonnique ni nos Frères ;

    • de persévérer dans le perfectionnement, c’est-à-dire de marcher sur le chemin de l’Initiation.

    Il me semble aussi utile de rappeler pourquoi nous avons prêté notre serment sur la Bible. Depuis toujours, les Francs-maçons prêtent serment sur un livre considéré comme sacré et qui donne à leurs engagements un caractère solennel et irrévocable.

    Dans les pays occidentaux, ce livre a toujours été la Bible mais aujourd’hui un candidat Franc-maçon, dont les racines religieuses personnelles ne se reconnaissent pas dans la Bible, peut prêter son serment d’engagement sur le livre de son choix tel le Coran ou la Torah qu’il n’est pas rare de voir sur l’autel des Loges maçonniques en plus de la Bible.

    Par tout serment solennel, l’homme renonce à une certaine part de sa liberté, ce qu’il fait devant une autorité qui a le pouvoir en tous lieux et en tout temps de connaître un manquement à cette renonciation et de le punir. A ce sujet, René Désaguliers s’est interrogé : « Quelle peut être une telle autorité sinon un Dieu ou le Dieu unique ? »

    C’est cet aspect qui est plus particulièrement marqué dans le mot latin « sacramentum », d’où le terme « serment » dérive directement. « Sacramentum » est lié au mot « sacer » qui signifie sacré ou ce qui appartient au monde divin.

    « S’il est vrai, poursuit René Désaguliers, que le serment est un acte essentiel de la Franc-maçonnerie, nous devons de toute nécessité, nous demander sur quels fondements lui-même repose. La réponse est à la fois simple et redoutable. Pratique extrêmement ancienne de l’humanité, le serment est obligatoirement sanctionné par une autorité supérieure à l’homme, par une transcendance capable de le juger ».

    En Franc-maçonnerie, le serment consiste en une promesse solennelle faite par le Néophyte qui s’engage à garder les secrets de la Maçonnerie et à se conformer en toutes choses aux règlements de l’Ordre, conformes aux lois en vigueur dans le pays.

    Le serment est empreint d’un caractère solennel, de la gravité d’un pacte, du sérieux extrême de l’engagement indissoluble entre celui qui le prête et celui qui le reçoit. Ce serment initiatique a aussi un caractère antique et sacré. Il est prononcé de la libre volonté du Récipiendaire, sans contrainte et devant une assemblée de Maçons témoins qui vont devenir ses Frères et en présence du principe de l’Ordre.

    Ce serment spécifique se décompose en trois parties : une invocation, une promesse, une imprécation. Le plus souvent, et en tout cas dans notre Obédience régulière, l’invocation est faite à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers.

    Le serment est prêté le plus souvent sur la Bible, ouverte au prologue de l'Evangile de Jean. On peut considérer que le serment a un caractère d’alliance cosmique avec l'Eternel. C’est une obligation réciproque consentie librement entre l’Ordre et le Néophyte qui est accepté en qualité de nouveau maillon de la chaîne initiatique. Cette promesse au caractère solennel engage l’être tout entier à être fidèle à sa promesse.

    Peut-il y avoir un serment sans la croyance en Dieu ? L’honnêteté historique oblige René Désaguliers à répondre par la négative. Pour les Maçons anglo-saxons, c’était là la raison essentielle de l’obligation pour un Maçon de croire en Dieu. Mais il faut aussi remarquer que les Anglo-saxons font preuve d’une tolérance très large dans le cadre de cette croyance. Le serment est avant tout une affaire de conscience dans laquelle il est impossible de s’immiscer sans se comporter avec une indécence inconcevable.

    La régularité de notre Obédience repose sur huit conditions essentielles. En vertu  même de son adhésion aux idéaux maçonniques traditionnels, trois principes universels définissent le caractère régulier de notre Obédience.

    • La croyance en Dieu, Grand Architecte de l’Univers et en sa volonté révélée, est une condition impérativement nécessaire pour l’admission de nouveaux membres dans une de nos Loges.

    En effet, la Franc-maçonnerie affirme l’existence [1] de Dieu, Etre Suprême qu’elle désigne sous le vocable de « Grand Architecte de l’Univers ». La Franc-maçonnerie ne définit pas l’Etre Suprême. Elle laisse à chacun la liberté absolue de le concevoir mais elle requiert de tous ses membres qu’ils admettent cette affirmation. Cette exigence est absolue et ne peut faire l’objet d’aucun compromis ni d’aucune restriction. La croyance en Dieu, Grand Architecte de l’Univers, demeure, pour toutes les Grandes Loges indépendantes du monde, le critère essentiel de régularité et de fidélité aux « anciens devoirs ».

    • Tout travail maçonnique se fait à la gloire du Grand Architecte de l’Univers et en présence des Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie: le Volume de la Loi Sacrée sous l'Équerre et le Compas sur lesquels sont prêtés tous les serments.

    C’est pourquoi les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie doivent toujours être exposées pendant les travaux de la Grande Loge et des Loges placées sous son contrôle. Tous les Initiés doivent prêter leur Obligation sur le Livre de la Loi Sacrée dans lequel est exprimée la Révélation d’En Haut.

    Par ailleurs,

    • notre Obédience est dite « régulière » parce que son origine est régulière, c’est-à-dire qu’une Grande Loge dûment reconnue ou trois Loges au moins, elles aussi régulièrement constituées, ont parrainé sa création ; 

    • une Grande Loge ainsi que les Loges qui lui sont rattachées sont exclusivement composées d’hommes. En effet, la Tradition maçonnique n’admet que des hommes à l’Initiation. Il s’agit du respect strict d’anciens usages qui reflètent une vieille expérience initiatique bien antérieure à la Franc-maçonnerie ;

    • les discussions d’ordre politique ou religieux sont strictement interdites en Loge ;

    • la Grande Loge exerce une souveraineté absolue sur les trois grades bleus (Apprenti, Compagnon, Maître). Il existe en effet un pouvoir administratif qui concerne la promulgation et l’application des statuts et règlements généraux de la Franc-maçonnerie locale.

    Ce pouvoir administratif est exercé, dans notre pays, par la Grande Loge Régulière de Belgique, composée de l’ensemble des délégués des Loges de l’Obédience ainsi que du Grand Comité, organe directeur de la G.L.R.B.

    • Notre groupement, à vocation initiatique, œuvre en observant des règles qui lui sont propres et demeure en symbiose avec le respect de la Tradition et des buts de l’acte initiatique. Les principes des « Landmarks » ou « Anciens Devoirs », coutumes et usages du « Métier de Maçon » doivent être strictement observés.

     

    Le G. A. D. L’U. et la Grande Loge Régulière de Belgique

    La fidélité aux principes de la Franc-maçonnerie régulière implique donc la reconnaissance de Dieu, Etre Suprême que la Franc-maçonnerie appelle traditionnellement le « Grand Architecte de l’Univers ».

    Les Grandes Loges régulières sont dans la logique de leurs objectifs initiatiques lorsqu'elles requièrent de leurs membres, avec la croyance en l’Etre Suprême, une option spirituelle dans un sens qui n’est ni défini, ni explicité : chacun se fait du Grand Architecte de l’Univers, c’est-à-dire de Dieu, une conception qui peut être purement personnelle ou même s’identifier à celle d’une religion.

    Notre Maçonnerie authentique garantit à ses membres la totale liberté de l’esprit en s’interdisant de définir Dieu et en laissant à chacun le droit et le soin d’interpréter, de définir ou de ne pas définir ce qu’est pour lui le Grand Architecte de l’Univers.

    A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers

    L’invocation qui préside à l’ouverture et à la fermeture des Travaux des Loges – « A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers » – indique clairement que le rite auquel participent les Francs-maçons réunis dans leur Temple place les travaux de réflexion et l’inspiration qui les anime sous une Lumière qui n’appartient pas au monde spatio-temporel. C’est donc affirmer la spiritualité de la Franc-maçonnerie qui pratique ce rite.

    Dès les premiers siècles du christianisme primitif existait, dans l’esprit des philosophes et des théologiens, ce principe créateur qui se manifeste dans les lois de la Nature et qui fait que l’équilibre du monde est intelligible, comme cette « Lumière en tout homme venant au monde » de l'Evangile de Jean, mais dont le sens caché et l’existence même ne se révèlent pas à tous.

    Cette orientation doit nous inciter à réfléchir et à méditer. Nous ne pouvons aller par notre pensée humaine jusqu'à l’origine des choses : nous pouvons seulement avoir l’intuition de leur commencement qui est peut-être seulement le commencement de notre aptitude à penser. Face à cette pensée intuitive et au sens sacré qu’elle contient, certains Maçons continuent à être sous l’influence des philosophes du 18e siècle qui ont développé une pensée rationaliste qui proclame qu’il n’y a rien sans raison, qu’il n’y a pas d’effet sans cause compréhensible par l’esprit humain.

    Si nous rapprochons ces deux pensées, spirituelle et humaniste, nous trouvons le fondement de la tolérance philosophique et religieuse en Maçonnerie. C’est là l’originalité d’une démarche qui allie l’intelligence de la raison, celle du cœur et de l’intuition spirituelle.

    La racine grecque du mot architecte est un composé de « arkhê », qui indique le rang supérieur, le pouvoir, le commandement, et « tektôn », charpentier, constructeur. Le sens d’origine est « constructeur en chef ».

    « En travaillant à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers, nous ne ferions que parier sur un sens possible d’un grand Tout, le visible et l’invisible, le créé et l’incréé, le fini et l’infini, au nom duquel nous nous efforçons de construire notre propre unité ». Telle est l’interprétation de Michel Barat, Ancien Grand Maître de la Grande Loge de France.

    Si l’historicité et la date d’apparition exacte de l’expression « Grand Architecte de l’Univers » dans la Franc-maçonnerie n’a qu’une importance relative, je désire quand même y  consacrer le chapitre suivant !

    Le G.A.D.L’U. dans les anciens textes maçonniques

    L’appellation de « Grand Architecte de l’Univers », appliquée à Dieu, est à juste titre considérée comme un trait caractéristique de la terminologie maçonnique. Elle est également caractéristique de la spiritualité maçonnique. Et pourtant, on ne la trouve pas dans les sources les plus anciennes : elle ne figure ni dans les « Old charges » ni dans les parties des anciens catéchismes maçonniques anglais du 17e siècle.

    Il y a cependant plusieurs références de la présence de la quête spirituelle dans la Franc-maçonnerie. La première est le Manuscrit Regius datant de 1390, qui est la plus ancienne charte des « Francs mestiers des bâtisseurs ».

    Puis il y eut la Charte des premières loges d’Angleterre, vers 1704, qui reproduit le texte des anciennes chartes et statuts de Maçons opératifs.

    Une autre se réfère à la Constitution que les loges anglaises réunies en obédience ont voulu se donner. « Les Constitutions d’Anderson » est en effet le premier texte dans lequel apparaît l’appellation de « Grand Architecte de l’Univers ». Il date de 1723 et c’est la première occurrence maçonnique connue de cette appellation de Dieu.

    En fait, cette appellation « Grand Architecte de l’Univers » est beaucoup plus ancienne puisqu’elle apparaît dans « L’Architecture » de Philibert Delorme, dans l’épître aux lecteurs de l’édition de 1567. L’appellation « Architecte » appliquée à Dieu semble de toute évidence fort courante à cette époque et l’épître de Philibert Delorme est bien révélatrice de la manière dont les hommes des 16e et 17e siècles concevaient Dieu comme architecte. Pour eux, le monde est un édifice harmonieux, construit suivant des rapports géométriques et des accords musicaux qui étaient contenus dans l’intelligence divine et que celle-ci a mis en œuvre dans la création.

    Le Traité de la « Divine proportion » de Luca Pacioli (1498) et le « Mystère cosmographique » de Kepler (1596) sont des exemples particulièrement remarquables de mise en œuvre de cette conception tendant à édifier un système complet d’explication mathématico-architectonique de l’univers.

    La conception de Dieu comme architecte n’est pas complètement absente des textes maçonniques d’avant Anderson. Une seule occurrence se trouve dans le Manuscrit Dumfries n° 4 dans lequel il est question d’un commandement donné aux Maçons de « sincèrement honorer et adorer le Grand Architecte du ciel et de la terre ».

    Une des plus anciennes occurrences de l’expression « Grand Architecte de l’Univers » se trouve dans Masonry Dissected de Prichard (1730).

    Dans ces textes, Dieu apparaît comme ayant créé le monde en mettant en œuvre avec « sagesse » la Géométrie ou les Divines Proportions contenues de toute éternité dans son intelligence.

    Le Pasteur Anderson précise une chose très importante pour la spiritualité maçonnique : cette Géométrie selon laquelle il a ordonné le monde, le Grand Architecte l’a inscrite dans le cœur d’Adam, créé à son image.

    Une étonnante cosmogonie opérative

    Pour poursuivre cette étude, je me propose de rapporter le point de vue de Julien Behaeghel concernant la relation entre l’Initiation et le Grand Architecte de l’Univers.

    « Accepter que l’Initiation nous permette de prendre conscience du chemin et du sens de la vie, accepter que ce chemin va de l’inconscience à la conscience, de la Terre au Ciel, c’est accepter implicitement que le sens est celui de l’intelligence et par conséquent que le plan premier est celui qui vient du grand artiste créateur et que ce grand artiste est indiscutablement un architecte de génie.

    Le Grand Architecte de l’Univers exprime le symbole de l’intelligence première et dernière de la manifestation visible et invisible, temporelle et intemporelle. C’est la vision de tous les devenirs possibles. Le plan est indéfini, la vision est universelle et illimitée.

    Le Grand Architecte est l’œil qui prévoit tout ce qui s’est créé, tout ce qui se crée et tout ce qui se créera. Il contient en lui le Soleil et ses rayons, la Terre et son reflet, la Lune et tous les effets qu’elle aura sur le vivant.

    L’œil contient tous les germes de toutes les naissances et c’est bien pourquoi il s’agit de l’œil de l’architecte. Seul l’architecte peut maîtriser l’espace et y inscrire le temps. Seul l’architecte peut construire l’escalier à vis qui réunit Terre et Ciel, autour de l’axe du monde. Seul, il peut tout mesurer, tout étalonner, tout organiser. Pourquoi alors ne pas simplement appeler le Grand Architecte, Dieu ? Pourquoi associer cette image plus à la Terre qu’au Ciel ?

    Précisément parce que le travail maçonnique est un travail de bâtisseur. Le Maçon construit le temple, et le temple contient l’Un et son infini pouvoir mais il contient aussi le plan et l’image d’une autre cité, celle que Jean de Patmos, dans l’Apocalypse, appelle la Jérusalem céleste. Et il faut que ces deux plans, celui de la Terre et celui du Ciel, coïncident pour que le projet réussisse. Le projet est d’inscrire le divin dans l’humain, et l’œil, comme le dit H. Bergson, contient déjà tout le programme à venir.

    Le plan est déjà dans le rayon de lumière qui émane de l’œil du Dieu. On devrait donc dire que c’est plutôt l’humain qui doit s’inscrire dans le divin ; l’humain, ce reflet en devenir d’un plan à jamais incomplet.

    Nous ne pouvons qu’approcher, d’une façon imparfaite, le modèle que nous portons en nous mais que nous ne pouvons ni comprendre ni reproduire. La finitude ne peut contenir l’infinitude. L’œil est ainsi source de lumière et, dans l’optique christique, elle est source de toute vie ».

    « Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Par lui tout a paru. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes [2]… »

    « La complémentarité Verbe – Lumière – Vie est étonnante. Dire et voir sont les deux temps de la création. Il s’agit ici d’une lumière verbale qui est source de vie. Elle est ce point qui concentre en lui force, feu et lumière que la symbolique maçonnique associe à l’étoile. Le Grand Architecte n’est un que dans l’absolu. L’un est la divinité à l’état pur et il nous est impossible de le concevoir sinon comme résultante du deux devenant trois [3].

    Le Grand Architecte sera donc symbolisé entre le Compas et l’Equerre soit comme œil créateur, œil mesureur, soit comme étoile, synthèse morphologique de l’Equerre et du Compas. L’Equerre et le Compas symbolisent d’une part la Terre et le Ciel. Le symbole de l’œil associé à l’Equerre et au Compas est passage de la vision à la forme   le cercle pour le Compas et le carré pour l’Equerre. L'œil créateur est présent dans beaucoup de cosmogonies ».

    Souvent placé au centre de l’Orient et situé au-dessus du Vénérable Maître, le Delta lumineux est la représentation symbolique la plus significative d’un des aspects du principe : c’est l’œil qui voit tout.

    Il s’agit bien évidemment d’un œil frontal, qui correspond au troisième œil, œil du cœur, celui du Grand Architecte de l’Univers, symbole d’omniscience, mais aussi œil d’une conscience intérieure qui est, par reflet, symbole d’une conscience supérieure.

    C’est encore un symbole de vigilance et de clairvoyance qui permet de discerner la réalité de l’illusion. Il symbolise la conscience en permanence en éveil. Cet œil central dans le Delta remplit une position centrale, non seulement dans le triangle, mais aussi par rapport au soleil et à la lune.

    L’œil frontal est un symbole de transcendance.

    Si la représentation du Delta dans son ensemble est considérée comme une représentation du Principe, il est aussi un symbole d’équilibre.

    Cet œil est non seulement celui de la Connaissance, mais aussi d’une conscience éveillée, apte à transcender les contingences de toutes sortes, indispensable à toute vraie élévation spirituelle.

    « Le mariage maçonnique du cercle (Compas) et du carré (Équerre) engendre l’Etoile à cinq pointes, symbole de l’homme divinisé.

    Il s’ensuit que le Grand Architecte de l’Univers est à la fois le cercle de la totalité vide contenant l’œil de la vision et la triade créatrice, la tri-unité, capable d’inscrire l’esprit dans la manifestation visible par l’étoile imprimée dans la pierre. Cette pierre que le Maître devra travailler avec les outils du nombre et de la forme, l'Équerre et le Compas. Telles sont les bases de cette étonnante cosmogonie opérative ».

    René Guénon [4]  indique que la pierre cubique à pointe, considérée sous l’angle de la géométrie plane à deux dimensions, est susceptible de comporter 26 points de façon harmonique et ordonnée, c’est-à-dire la valeur numérique des lettres formant le tétragramme hébraïque (Jod – Hé – Vaw – Hé) qu’il définit comme l’un des noms du Grand Architecte de l’Univers (traduit maladroitement par les chrétiens par « Yahvé » ou « Jéhovah » [5]).

    « Le concept du Grand Architecte de l’Univers est donc celui d’un principe créateur en action dans sa création. Il construit sur terre un devenir de Lumière, une cathédrale intemporelle ».

    Le rituel d’Initiation mène le postulant à sortir progressivement des Ténèbres pour l’amener graduellement à la découverte de la Lumière. Les trois voyages effectués dans la Loge constituent une préparation à cette réception essentielle.

    L’être qui frappe à la Porte du Temple est en quête de Vérité et de retour à l’Unité principielle qui correspond précisément au passage des Ténèbres à la Lumière.

    Selon Guillemin de Saint Victor, la connaissance de la Lumière signifie l’ensemble de toutes les vertus, symbole du Grand Architecte de l’Univers.

    « Le Grand Architecte de l’Univers est trois et sa triade est opérative. Cela veut dire que l’homme initié participe à la dilatation de l’esprit dans l’inconscience du temps. Ou comme l’explique aussi J. Servier dans « L’Homme et l’invisible », que « le seul secret pour l’homme est la volonté d’inscrire sur terre le nom divin en nombre d’homme ». Et pour ce faire, il doit accepter sa condition, d’autant que sa condition est exceptionnelle puisqu'il peut participer à l’œuvre de création en multipliant l’esprit Un dans la matière et le temps, pour participer à la montée universelle de la conscience ».

    Telle semble, pour Julien Behaeghel, la vraie raison d’être de l’Initiation et du symbole : participer volontairement et consciemment à la montée de la conscience. Cela est du reste confirmé par la totalité de la mythologie. L’homme n’a qu’un seul objectif ici-bas : découvrir sa substance éternelle.

    Multiplier l’esprit dans le temps implique obligatoirement de refaire les gestes du Démiurge, c’est-à-dire refaire les signes, redessiner le plan, prononcer, après lui, le nom et le nombre.

    Le Grand Architecte se place dans la lignée des grands fondateurs de l’humanité. En fait il les rassemble tous dans une même symbolique, dans une même essence. Il est un transformateur de matière en lumière avec la différence, par rapport à Osiris, Dionysos, Shiva ou le Christ, que sa transformation est entre les mains de l’homme. C’est l’homme qui accepte de recevoir les outils du ciel et de les utiliser pour construire sur terre une cité nouvelle, calquée sur l’image qui nous est restée de notre passage dans l’Eden. Nous avons en nous l’archétype de la cité de lumière, et il nous appartient de la ressusciter entre Équerre et Compas, c’est-à-dire en lui imprimant notre sensibilité et notre créativité humaines.

    Il ne faut pas confondre le Grand Architecte avec un Dieu anthropomorphe ou appartenant à une religion dogmatique. Le Grand Architecte est l’initiateur du plan. Il est la totalité de tous les tracés possibles.

    Quelques réflexions

    L’invocation du Grand Architecte de l’Univers, au début et à la fin des Travaux en Loge, constitue une notion essentielle à laquelle certains Maçons n’accordent pas toujours assez d’attention pour en ressentir une véritable résonance en eux. Elle contient une vérité qui nous éclaire sur le sens de notre démarche. La pensée maçonnique écossaise affirme reconnaître l’existence de valeurs morales telles que la liberté, la justice, la fraternité, mais aussi celle de valeurs éternelles de l’Esprit incarné dans l’homme telles que l’amour inconditionnel, l’équité, l’acte juste.

    Tout cela est contenu dans la notion de Grand Architecte de l’Univers qui ne peut être un dogme, ni une loi exotérique car la recherche transcende la vie courante, la vie matérielle, le domaine spatio-temporel. Le mystère de l’Etre en nous se fait plus présent.

    Que l’on accepte ou non qu’il puisse exister un principe organisateur, c’est sur la compatibilité entre le monde inanimé et notre conscience que l’on ne peut qu’être d’accord. L’Initiation apprend à l’homme à ne pas se laisser accaparer par l’apparence des choses. Derrière ce qui est apparent se cache le sens réel des choses, et c’est cette recherche qui constitue la « quête » maçonnique que nous appelons la recherche de la Vérité ou la voie de la Connaissance. Le but de l'Initiation maçonnique, c’est passer de la vérité que l’on croit détenir à la vérité que l’on est. Par l’apport de ses rituels, la Franc-maçonnerie donne la possibilité à chacun de se dépasser et d’accéder à un niveau supérieur.

    Le Grand Architecte de l’Univers n’est ni une image anthropomorphe, ni un dieu voyeur qui nous suit partout, ni une idole, ni un objet de croyance, ni un dogme. C’est une idée qui a valeur d’analogie. C’est l’émanation d’un principe, d’une source d’énergie et de lumière. C’est la Parole, au sens d’une intelligence créatrice qui  nous dépasse et que nous portons en nous, que nous cherchons à expérimenter.

    Alors, « travailler à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers » ne revient-il pas à exprimer une grande espérance et souhaiter que cette source d’énergie et de Lumière éclaire les échanges entre les hommes ?

    Quant au mot « gloire », je pense le comprendre comme le poids d’une présence invisible mais réelle, souvent décrite dans la Bible comme la Lumière, symbole de Connaissance suprême.

    Puisque la Loge se réunit en son nom, elle souhaite que le Grand Architecte de l’Univers en tant que « symbole de réalité ultime » éclaire ses travaux et oriente les pensées de tous les Frères qui y participent. Rendre gloire, c’est alors replacer les choses et les êtres dans l’ordre universel, à la source de la Lumière éternelle. Tel est le sens que je donne à nos travaux en Loge.

    Invoquer le nom du Grand Architecte de l’Univers, c’est faire mémoire qu’au milieu de notre vie ordinaire, il y a une présence qui nous fait vivre l’instant, que certains appellent éclairs de Lumière, dans un autre monde qui pourtant est déjà là.

    Le « Grand Architecte de l’Univers », est donc une notion qui me paraît essentielle du Rite auquel nous travaillons. Elle laisse à chacun de nous la plus grande liberté de pensée et n’impose aucune limite dans cette recherche de compréhension du principe de vie, non seulement de la vie physique ou de la transmission de la vie, d’une façon rationnelle, mais aussi de la vie spirituelle.

    Ce n’est pas dans la réalité apparente de notre moi que nous trouverons les fondements de notre être et de notre devenir mais dans le symbole du Grand Architecte de l’Univers perçu, non comme un être mystérieux qui préside d’une façon lointaine à la destinée du monde, mais comme une énergie créatrice universelle à la fois transcendante et immanente qui l’habite et lui fait prendre conscience de la réalité intérieure du souffle qui l’anime. Dès lors, la vie spirituelle est une manière d’être face à l’absolu qui est au fond de nous-mêmes et des autres.

    Ma conclusion provisoire

    Depuis l’époque où ont été écrits les Manuscrits Dumfries, le Masonry Dissected de Prichard puis les Constitutions d’Anderson, la Franc-maçonnerie travaille « à la gloire du Grand Architecte de l’Univers » et exige de ceux qui veulent participer à ce travail la croyance en Dieu et en sa volonté révélée. C’est le premier et le principal des « Landmarks » qui définissent la régularité. Supprimer cette exigence, sous prétexte d’associer à l’œuvre maçonnique les hommes de bonne volonté qui ne partagent pas cette croyance, c’est ruiner les fondements de cette œuvre et en dénaturer l’esprit.

    On peut en dire autant de l’attitude qui consiste à conserver la formule du Grand Architecte de l’Univers mais à la vider de son contenu en considérant que chacun peut y mettre ce qu’il veut.

    Vue dans la perspective de l’authentique tradition maçonnique, l’appellation « Grand Architecte de l’Univers » est, au contraire, pleine d’un sens très précis et très riche.

     R:. F:. A. B.

     


    [1] Il serait plus judicieux d’affirmer l’essence de Dieu.

    [2] Jean, I, 1 - 5

    [3] Dans la pensée chinoise, le premier nombre manifesté est le trois.

    [4] Guénon René – Symboles fondamentaux de la Science sacrée - Chapitre XIV – la Tétractys et le carré de quatre - p. 129 et 130

    [5] Pour rendre à Dieu son nom véritable, André Chouraqui utilise dans ses ouvrages une sorte de petit logo traduisant fidèlement le Tétragramme sacré qui, par essence, est ineffable – un nom qui, par définition, appartient au silence : I HV Helohim  (HV étant équivalent à Adonaï)


    Bibliographie

    Behaeghel JulienSymboles et initiation maçonnique

    Editions du Rocher, Monaco, 2000 - page 41 à 50

     

    Dangle PierreLe livre de l’Apprenti

    Editions « La Maison de Vie », Fuveau, 1999 - pages 37 à 41

     

    Ducluzeau Francis - Ethique, sagesse et spiritualité dans la Franc-maçonnerie

    Editions du Rocher, Monaco, 2002 - pages 133 à 142

     

    Maisondieu Edouard - A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers

    In Dictionnaire thématique illustré de la Franc-maçonnerie

    Editions du Rocher, Monaco, 1993 - pages 133 à 142

     

    Mainguy Irène - La symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2001

    pages 30, 79, 84, 108, 118, 152, 200, 239, 255, 319,

    376, 382, 386 à 388, 397, 410, 412, 414, 433, 448

     

    Pour aller plus loin

    Bergson H. - L’Evolution créatrice

    Editions Albert Skira, Genève, 1945 - page 70

     

    de Saint Victor Guillemin - Recueil de la Maçonnerie adonhiramique

     

    Ligou Daniel

    Article « Grand Architecte de l’Univers »

    Dictionnaire  de la Franc-maçonnerie

    Editions P.U.F., Paris, 1987 - pages 65 à 71

     

    Hani JeanLe symbolisme du temple chrétien

    Editions Trédaniel, Paris, 1978

     

    Guénon René - Les symboles fondamentaux de la science sacrée

    Editions Gallimard, Paris, 1962

     

    Guénon René - Etudes sur la Franc-maçonnerie et le compagnonnage

    Editions Traditionnels, Paris, 1973

     

    Le Régulateur du Maçon - 1801

    Heredon, Les Rouyat reprint - page 433

     

    Bayard Jean-PierreLa spiritualité de la Franc-maçonnerie

    Editions Dangles, Saint Jean de Braye, 1982 - pages 216 et 264

     

    Benoist LucLe Compagnonnage et les métiers

    Que sais-je ? - P.U.F., Paris, 1980 

     


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