•  Des Ténèbres à la Lumière 

    Introduction

    Je vous propose un voyage entre les Ténèbres et la Lumière, un voyage qui me permettra d’aborder successivement :

    1. le sens que nous pouvons donner aux Ténèbres, de notre point de vue de Maçons ;

    2. le symbolisme de la Lumière dans notre langage maçonnique ;

    3. le symbolisme des deux astres auxquels se réfèrent nos deux Colonnes, le Soleil et la Lune ;

    4. le symbolisme du feu,

    5. et enfin le passage des Ténèbres à la Lumière tel que nous l’entendons lorsque nous Initions un Profane.

     

    Les Ténèbres

    Les Ténèbres : voilà un mot fréquemment employé dans le langage des Francs-maçons en diverses occasions :

    • négativement, elles désignent le contraire de la Lumière maçonnique ;

    • positivement, elles évoquent l'obscurité nécessaire au retrait de la vie et à la pensée, dans le Cabinet de Réflexion où séjourne celui qui subit la première des épreuves de l'Initiation (l’épreuve dite « de la Terre ») ;

    • enfin, elles désignent une étape nécessaire qu'un Maçon doit vivre et traverser, tel un tunnel avant de parvenir, par le biais de l'Initiation, au grade suivant dans sa trajectoire maçonnique.

    Pour Christian Guigue, « tout ce qui relève du monde profane, matérialiste, de la non connaissance initiatique constitue le domaine d’élection des Ténèbres ».

     

    La Lumière dans le langage maçonnique

    Les sens abstraits du mot « lumière » et de ses dérivés dans le langage courant peuvent nous aider à la transposition de la lumière exotérique à la Lumière ésotérique.

    Avoir une lueur d’espoir, faire la lumière sur une affaire, être lucide, entendre un exposé lumineux, éclairer un débat… sont autant de métaphores qui indiquent l’achèvement d’états abstraits, intellectuels ou affectifs, qui étaient obscurs, embrouillés, angoissants, ou bien la présence d’un état de clarté consciente.

    Quant aux « Lumières » du 18ème siècle, elles traduisent le mouvement philosophique qui prôna la suprématie du raisonnement sur les croyances religieuses et la certitude des faits sur les spéculations cérébrales entre autres caractéristiques de cet humanisme aujourd'hui dépassé par les découvertes scientifiques et l’avènement de la psychologie.

    A leur époque, « les Lumières » ont néanmoins eu le mérite de clarifier un certain obscurantisme dans lequel des populations étaient plongées depuis longtemps.

    Enfin, la lumière, physique ou imaginaire, est signe de disparition du sombre, du brumeux, du nuageux, d’effacement de l’imprécis, de libération de l’occulte, de l’énigmatique, du mystérieux.

    Si vous voulez bien vous rappeler que la lumière joue un rôle fondamental dans la constitution même de la matière-énergie et dans la circulation de l’information visuelle, nous ne devons pas nous étonner qu’elle occupe une fonction centrale dans l’expérience mystique.

    Du latin populaire « luminaria », dérivé de « lumen », qui vient du latin ecclésiastique, pluriel neutre, signifiant lampe, flambeau, astre, le terme « lumière » est employé très fréquemment en Franc-maçonnerie. Il s’applique à des choses assez diverses en apparence.

    La Lumière symbolise les influences célestes et spirituelles. Elle constitue la plus grande partie de l’enseignement initiatique car elle est censée se dévoiler sous ses différents aspects, au fur et à mesure de notre cheminement dans la Voie spirituelle.

    Voici un extrait du « Régulateur du Maçon » (pages 36 et 37) :

    • Pourquoi vous êtes-vous fait recevoir Maçon ?

    • Parce que j’étais dans les Ténèbres et que j’ai désiré voir la Lumière.

    Le fait d’être reçu Maçon est étroitement lié à la réception de la Lumière. L’instruction résume en une question et une réponse ce qui est la raison même de l’admission en Franc-maçonnerie.

    Le terme « Lumière » est omniprésent à plusieurs titres dans le langage des Francs-maçons :

    • d'une manière globale, la lumière a un caractère sacré ;

    • dans le cadre de l'Initiation, plusieurs expressions nous sont devenues familières :

    • Mes Frères, nous ne sommes plus dans le monde profane. Nous avons laissé nos métaux à la porte de la Loge. Élevons nos cœurs en fraternité et que nos regards se tournent vers la Lumière.

    • C'est un Profane qui erre dans les Ténèbres et qui aspire à la Lumière.

    • Etre initié, c'est recevoir la Lumière.

    L'Initiation marque pour celui qui la vit le passage d'un monde à un autre, de l'obscurité à la clarté, de l'inculte à la culture, de l'ignorance au savoir et du profane au sacré.

    L'expression « les fils de la Lumière » est le surnom donné fréquemment aux Francs-maçons par analogie au fait que la démarche maçonnique initiale se veut être une quête spirituelle de la Lumière dans le sens de la recherche de la Connaissance. En se faisant appeler « fils de la Lumière », on peut penser que chaque Franc-maçon se réclame à la fois de la Genèse et du Prologue de saint Jean dans son cheminement initiatique.

    Tentons à présent une approche du symbolisme de la Lumière.

     

    Approche du symbolisme de la Lumière

    Le symbolisme de la Lumière est inséparable de celui des Ténèbres. A toute phase d’obscurité, de ténèbres, suit une phase de lumière, de pureté et de régénérescence.

    Le symbolisme de la sortie des Ténèbres est présent comme une des principales constituantes des rites initiatiques dans toutes les traditions. Le simple exemple du jour qui succède à la nuit est accessible à tous.

    Pour le Franc-maçon, cette expérience initiatique de la Lumière se présente sous un double aspect :

    • à la fois celui d’une prise de conscience progressive du monde environnant où il commence à discerner sa part d’illusions,

    • et aussi celui d’un bouleversement soudain de l’être qui opère une conversion, … une conversion qui le fait sortir d’un univers profane et d’une situation historique conditionnée pour le mettre en quête de la Vérité et de la Lumière de l’Esprit dont il est porteur.

    D'après la Bible, la lumière est aussi le Fiat Lux de la Genèse, l’illumination qui ordonnance le chaos par une vibration sonore créatrice. Selon le Prologue de l'Evangile de Jean – sur lequel nous prenons tous nos engagements maçonniques – la lumière primordiale s’identifie au Verbe.

    Le rituel d’Initiation mène le postulant à sortir progressivement des Ténèbres pour l’amener graduellement à la découverte de la Lumière. Les trois voyages effectués dans la Loge constituent une préparation à cette réception essentielle.

    L’expression «  Parce que j’étais dans les Ténèbres et que j’ai désiré la lumière » peut signifier que, conscient de la multiplicité de la manifestation, l’être qui frappe à la Porte du Temple est en quête de Vérité et de retour à l’Unité principielle, qui correspond précisément au passage des Ténèbres (au pluriel) à la Lumière (singulier).

    La connaissance de la Lumière peut aussi signifier l’ensemble de toutes les vertus.

    Dans certains Rites, comme le R.E.R. ou le R.E.A.A., une « faible lumière » venant de l’Orient du Temple est donnée lorsqu'on ôte une première fois le bandeau des yeux du Récipiendaire, avant que la « pleine illumination » ne lui soit donnée.

    On ne prend conscience de l’existence de la Lumière que par contraste avec les Ténèbres, sa dimension complémentaire. Le point optimum de la lumière correspond à Midi plein, au moment où le soleil est à son zénith, instant précis où symboliquement les Travaux de Loge des Maçons s’ouvrent.

    Ils s’achèvent invariablement à Minuit plein, au moment où la Lune, astre des nuits, peut au maximum exercer son pouvoir de réflexion sur la voûte céleste. C’est à Midi plein que tout Vénérable Maître ouvre les Travaux. Dans certains rites comme au R.E.A.A. par exemple, le V:. M:. demande à tous les participants de tourner leur regard vers la Lumière.

    Lors de la Fermeture des Travaux au R.E.R, à Minuit plein, une injonction est faite par le V:. M:. à toute l’assemblée des Frères présents, se référant à la pérennité de la Lumière initiatique que chacun doit s’efforcer d’entretenir activement :

    • Que la lumière qui nous a éclairés dans nos Travaux ne reste point exposée aux regards des profanes !

    Au Rite moderne, tel qu’il a été arrêté par la Commission des rituels de notre Obédience, le V:. M:. ne peut dire que :

    • La Lumière luit dans les Ténèbres !

    Au R.E.A.A., le V:. M:.  peut énoncer le verset complet extrait du Prologue de Jean :

    • La Lumière luit dans les Ténèbres et les Ténèbres ne l’ont point reçue !

    Et un peu plus tard il ajoute :

    • Avant de nous séparer, élevons nos cœurs en fraternité et nos pensées vers le G...A...D...L’ U.... Qu’il inspire notre conduite dans le monde profane, qu’il guide notre vie, qu’il soit la lumière sur notre chemin.

    Toute Loge maçonnique est orientée d’Est en Ouest (du moins symboliquement !) comme tous les édifices sacrés, ce qui rappelle la course du soleil qui est un symbolisme fondamental.

    Lors de la consécration au grade d’Apprenti (« Je te crée, je te consacre et je te reçois Apprenti Maçon… »), le Vénérable Maître, au moyen des vibrations sonores (coups de maillet sur chacun des trois glaives qui entourent le cou du Récipiendaire), réactualise en chacun le « Fiat Lux primordial » créant, recevant et constituant dès lors un nouvel Apprenti. C’est seulement après cet acte de création que le Récipiendaire est revêtu de sa qualité d’Apprenti.

    Mais, finalement, comment comprendre ce symbolisme de la lumière ?

    La Lumière qui éclaire nos Travaux n’est pas celle de l’illumination intellectuelle. L’intellection n’est que l’une des composantes de cette illumination que nous associons à l’Initiation et de cette lumière que nous associons au Travail maçonnique.

    La fonction propre de la lumière est de déployer un « milieu » où les choses et les êtres se donnent à voir. N’est-ce pas d’abord en ce sens que la Lumière « éclaire nos Travaux » ? Dans l’espace de la Loge, qui reproduit l’espace du Monde, comme tout espace sacré, toutes les paroles sont perçues, et l’attention de chacun est dirigée sur leur sens. On laisse leur sens se dévoiler et par conséquent on permet à la vérité de se dévoiler à travers elles.

    L’harmonie de la Loge, lieu de recherche en commun de la Vérité et du Bien, est la manifestation d’une parcelle de cette lumière ; l’harmonie, l’unité de la Loge sont indissociables de cette transparence qu’on appelle Lumière.

    La lumière représente le mode de conscience auquel l’homme peut accéder, lorsqu’il triomphe de l’opacité des pulsions instinctuelles et dirige son regard vers les formes intelligibles qui constituent l’ordre du monde dans son unité, sa vérité et sa beauté.

    En « recevant la Lumière », nous avons acquis la connaissance d’un fait simple et « évident » dont la reconnaissance est au fond de toutes les religions et de toutes les traditions initiatiques, à savoir que nous ne pouvons comprendre et créer que par participation à la Source éternelle de la Conscience et de la Créativité, que nous appelons le Grand Architecte de l’Univers et que le rituel invoque afin qu’il éclaire et protège nos Travaux.

    L’homme ne peut espérer participer au règne de la Lumière qu’à condition de réaliser en lui-même la juste et difficile proportion entre la pensée et le cœur, entre la lucidité et la ferveur.

    Abordons à présent ce ternaire cité dans d’anciens catéchismes : « Soleil, Lune, Maître de Loge », et osons une approche du symbolisme du Soleil et de la Lune.

    Le ternaire « Soleil, Lune et Maître de la Loge »

     

    Approche du symbolisme du Soleil

    La présence du Soleil est ancienne dans les Loges puisque le symbolisme maçonnique est un symbolisme solaire constamment représenté sur les Tableaux de Loge du 18ème siècle.

    Le Soleil éclaire la Colonne du Midi, celle des Compagnons qu’il éclaire dans leur découverte du monde. Principe actif et positif, le Soleil atteint son zénith au moment où les Travaux maçonniques commencent à Midi plein, au moment où il a déjà fait la moitié de sa course.

    Il est symbole du cœur rayonnant sous ses deux aspects, chaleur et lumière, et de la Connaissance. Le Soleil symbolise la connaissance directe, immédiate et intuitive. Il donne l’illumination à la création. Il est source de lumière, de vie active. Ses rayons symbolisent les influences célestes qui éclairent le cosmos. Le Soleil génère la chaleur et engendre aussi la sécheresse. Il est indissociable de la Lune et, avec elle, il présente une alternance complémentaire de la vie et de la mort, du jour et de la nuit, du chaud et de l’humide.

     

    Approche du symbolisme de la Lune

    Les Travaux commencent à Midi et s’achèvent à Minuit plein, montrant bien l’alternance du travail, qui s’effectue idéalement entre la moitié du jour et de la nuit. La Lune est symbolisée dans la Loge par un croissant de cinq jours, amorçant une nouvelle phase ascendante de développement, tout comme le Néophyte qui entame une vie nouvelle par son Initiation. Elle est située en tête de la Colonne du Septentrion, illustrant bien la position de l’Apprenti qui travaille dans l’ombre, dépendant du Maître, mais espoir de renouveau pour lui-même et pour la Loge.

    La Lune réfléchit la lumière du Soleil, de l’esprit, n’ayant pas de lumière propre. Elle est symbole de l’âme du monde, des reflets, de l’apparence subtile de l’être. La Lune symbolise l’imagination et l’ensemble du monde intermédiaire, qui relève du domaine psychique dans la constitution de l’être humain.

    Sa lumière étant indirecte, elle est symbole de dépendance mais aussi de renouvellement par sa réapparition périodique. Chacune de ses phases donne la mesure d’un temps cyclique, celui des semaines et des mois lunaires.

    La Lune symbolise la connaissance indirecte, discursive et réfléchie. Elle contrôle les phénomènes de la fertilité et de la végétation.

    A présent, qu’il me soit permis d’évoquer brièvement le symbolisme du feu car, dans le cadre maçonnique, le feu est présent par sa relation avec la maîtrise nécessaire pour le dompter et surtout avec la lumière qu'il prodigue.

     

    Approche du symbolisme du feu

    La Lumière étant assimilée à la Connaissance, le feu devient un « instrument de connaissance » et acquiert ainsi une dimension symbolique de toute première valeur: il est celui qui éclaire, celui qui illumine, qui transforme les ténèbres en champ lumineux, celui qui permet de voir... donc de savoir. Je dirais donc que le feu est un révélateur de l'essence des choses.

    Ce n'est sûrement pas par hasard si, dans la Loge, ce que l'on nomme les étoiles, qui autrefois guidaient la marche des voyageurs, sont des cierges au sommet desquels brûle le feu. Leur lumière éclaire la quête spirituelle des Initiés Maçons.

    Le feu se veut à la fois d'essence divine, tant il sait être purificateur mais aussi implacable en certains instants, et initiateur par sa faculté à montrer le chemin, à permettre à l'homme de voir et comprendre.

    Il me reste à évoquer la transition, le passage des Ténèbres à la Lumière.

     

    Le passage des Ténèbres à la Lumière

    Passer des Ténèbres à la Lumière, n’est-ce pas être Initié ? L’Initiation au grade d’Apprenti est la plus belle et sans doute la plus riche en substance de toute une vie maçonnique. Les Frères s’accordent généralement à reconnaître que la toute première des initiations est celle qui leur a laissé l’imprégnation la plus profonde.

    Consciente de ses devoirs et après une approche prudente, la Loge a jugé que le Profane, en toute humilité, était digne de la rejoindre. Le candidat a frappé à la porte du Temple et c’est ainsi que, dans les Ténèbres, grandes lui furent ouvertes les portes de la Loge.

    Que fallait-il lui apporter ? « La Lumière ! » fut-il répondu. Et la Lumière lui fut donnée ! La Lumière lui a été donnée, symboliquement. La Vraie Lumière ne lui viendra cependant pas tout d’un coup.

    Avait-il vraiment conscience de vivre dans les Ténèbres ? Connaissait-il sa quête ? Lors de notre propre Initiation, savions-nous réellement ce que nous cherchions ? Pourtant, à chaque fois, le rite mystérieux s’est accompli et la Lumière fut donnée.

    De même que ses yeux ont dû s’accoutumer à la lumière qui a jailli, de même, sa personne devra s’habituer progressivement à l’idéal maçonnique qui est loin de lui avoir été révélé dans son entièreté par son Initiation : ce n’est pas en quelques instants qu’on devient plus sage et meilleur.

    C’est par un travail continu parmi ses Frères, avec eux, mais surtout, par un travail opiniâtre sur lui-même. C’est seulement ainsi qu’il pourra accéder à une connaissance plus grande et plus complète d’abord de lui-même, puis d’autrui. Car c’est en jugulant le repos complaisant et confortable des habitudes égoïstes qu’on perçoit ce qu’on peut apporter à d’autres, peut-être moins favorisés. En les aidant, en leur tendant une main secourable, en les guidant s’ils le demandent, le Maçon augmente la richesse et la perfection dans son cœur.

    La Lumière donnée est donc l’une des clefs d’un enseignement symbolique destiné à nous élever. Mais à nous élever vers quoi ? Que venons-nous chercher en Loge ?

    Est-ce seulement la présence d’une main tendue dans les Ténèbres qui conforte notre solitude ? Ou est-ce plutôt parce que cette main tendue affirme détenir un secret ? Dans la solitude de sa nuit, le Profane a frappé à la Porte du Temple et, dans un moment d’acceptation totale, il s’abandonne librement entre les mains de ses futurs Frères.

    Le Rite initiatique au Premier degré a déroulé les fastes de ses symboles. Dans le creuset des arcanes, l’alchimie du Grand Œuvre tend à prendre corps, à emporter le présomptueux vers sa fin, vers une nouvelle vie, vers un autre commencement, vers le retour à la Lumière. Quand enfin elle est là, elle est aveuglante !

    Le Frère nouvellement initié a-t-il réfléchi à ce qu’il découvrirait en Franc-maçonnerie ? Ce qu’il vient de découvrir correspond-il à ce qu’il avait imaginé avant son Initiation ?

    Au soir de la cérémonie, il est sans doute encore un peu tôt pour donner une réponse car ce qu’il découvrira en Franc-maçonnerie, c’est un perfectionnement de lui-même des points de vue sagesse et moral parce que c’est là notre ambition de devenir meilleur et de rendre meilleurs, c’est-à-dire plus complètement humains.

     

     R:. F:. A. B.

     

    Bibliographie

     

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995

     

    Béresniak Daniel - L’apprentissage maçonnique, une école de l’éveil ?

    Editions Detrad, Paris, 1983

     

    Bloch & von Wartburg - Dictionnaire étymologique de la langue française

    P.U.F. 1975

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995

     

    Guénon René - Symboles fondamentaux de la science sacrée

    Editions Gallimard, Paris, 1962

     

    Guillemain de Saint-Victor - Recueil de la maçonnerie adonhimamite

     

    Mainguy Irène - La Symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2001

     

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail d’Apprentis

    Editions Dervy, Paris, 1994

     


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  •  La recherche de la Lumière 

    Introduction                                                

    La première version de cette planche, je l’ai tracée lorsque j’étais encore Apprenti.

    Après avoir quelque peu médité sur bon nombre de symboles du premier degré, je m’étais dit que ces symboles qui sont présents dans la Loge ou représentés sur le tapis recouvrant le Carré long ne pouvaient être visibles et aisément distingués que s'ils étaient suffisamment éclairés.

    Cette condition d'éclairage efficace m'avait alors rappelé ce que je suis venu chercher en Franc-maçonnerie et ce que j'ai demandé en y entrant : la Lumière !

    J’avais donc décidé de tracer une planche à ce sujet. Depuis lors, j’ai remis plusieurs fois l’ouvrage sur le métier et je me suis proposé de vous livrer mes réflexions, aujourd'hui mieux organisées, à la manière d’un jeune Maître qui est à présent censé savoir tracer des plans. Selon mes habitudes, j’y ai incorporé quelques informations que j'ai recherchées dans la littérature maçonnique.

    J’évoquerai successivement la lumière dans ses aspects physique et symbolique ; le Soleil et la Lune, les étoiles et les ténèbres ainsi que le feu.

    Je vous rappellerai comment apparaît la lumière dans la Loge, sur le Tableau de Loge ainsi que dans le langage maçonnique.

    Je terminerai ce tracé en rappelant la finalité de la Maçonnerie et en vous livrant mes réflexions et mes conclusions que je qualifie toujours de provisoires.

     

    Qu’est-ce que la lumière ?

    Physiquement, la lumière est un rayonnement émis par des corps portés à haute température et qui est perçu par les yeux. Elle est constituée par des ondes électromagnétiques. Dans cette définition, c’est surtout le mot «rayonnement» qui devrait retenir notre attention.

    La lumière trouve une source naturelle dans les étoiles et les corps célestes naturels que sont les astres.

    Les étoiles sont des astres qui brillent dans le ciel nocturne.

    Une étoile est un astre doué d'un éclat propre dû aux réactions thermonucléaires dont il est le siège. Les étoiles naissent de la contraction de vastes nuages de matière interstellaire (nébuleuses). Lorsque leur température devient suffisante, des réactions thermonucléaires s'amorcent dans leurs régions centrales et leur permettent de rayonner.

    Quittons provisoirement le domaine de la physique pour entrer dans celui du symbolisme. Symboliquement, de tout temps, la lumière a été considérée par essence comme source de vie. Elle est la clarté qui s'oppose à l'obscurité.

    De nombreuses religions et autant de courants de pensée en ont fait l'expression de la puissance divine.

    Le mot « Lumière » est apparemment devenu synonyme :

    • de force divine pouvant être transmise à l'homme,
    • de connaissance, de spiritualité,
    • de révélation dont tout individu peut acquérir les bienfaits à condition qu'il la reconnaisse et s'engage à sa recherche dans une voie d'étude et de respect.

    Dans cette optique, il était inévitable que la lumière prit une place particulière dans l'univers maçonnique.

    Chaque Rite, dans ses pratiques quotidiennes, pare la lumière des nuances qui lui conviennent. Ainsi, au Rite Écossais Ancien Accepté, la lumière est considérée comme « petite » lorsque le bandeau est ôté pour un bref instant des yeux du récipiendaire afin qu'il aperçoive les épées des Frères dirigées vers lui ; elle est considérée comme « grande » lorsqu'au terme de l'Initiation le bandeau est définitivement enlevé de devant les yeux de l'Initié.

     

    Le Soleil

    Revenons un instant au domaine de la physique pour nous rappeler que le Soleil, écrit avec une majuscule, est l'étoile autour de laquelle gravite la Terre. Il est par conséquent le centre de notre galaxie. Notons encore qu'il y a des milliards de soleils dans chaque galaxie. Que de lumière potentielle !

    Depuis toujours semble-t-il, le Soleil a joué un rôle primordial dans la vie de l'homme. En premier lieu car il est synonyme de lumière et de chaleur, mais aussi et surtout, par la valeur hautement symbolique que lui ont accordée les civilisations qui se sont succédé au fil des siècles.

    Le soleil est devenu un élément majeur de la symbolique maçonnique. C'est pourquoi, il est considéré comme le premier «luminaire» et figure à ce titre sur le tableau d'Apprenti. De même, le Soleil est très souvent mentionné dans les rituels, quel que soit le rite pratiqué.

    L'organisation de la vie quotidienne au sein du Temple maçonnique est calquée sur le rythme solaire. Comme l'indique notre rituel, nos travaux maçonniques commencent symboliquement à Midi, lorsque le soleil est à son zénith en plein ciel et se terminent à Minuit, quand il est au nadir.

    Notre positionnement comme celui de nos Frères Officiers Dignitaires lors des Tenues ainsi que l’itinéraire que nous devons suivre dans le Temple, correspond à une « dynamique solaire » très précise.

    Ainsi, alors que notre Vénérable se tient à l'Orient où se lève le Soleil, c'est-à-dire d'où vient la lumière, les Apprentis sont regroupés dans la partie du Temple la moins éclairée. Cette disposition correspond à leur faible élévation dans la hiérarchie maçonnique.

    Par sa vocation encourageant la vie, l'astre solaire est assimilé à la droite, à l'activité. Il est donc en relation avec la Colonne B:. et parmi les Officiers de la Loge, il est relié à l'Orateur qui remplit un rôle fondamental dans le maintien de l'éthique maçonnique.

     

    La Lune

    Parmi les astres les plus proches de notre Terre, il convient de remarquer que la Lune est dépourvue de lumière propre : elle ne fait que réfléchir la lumière qu'elle reçoit du soleil !

    La Lune est l'un des trois luminaires qui figurent en bonne place dans le Temple maçonnique. On la considère à juste titre comme le reflet du Soleil. Alors que le Soleil est synonyme d'expression concrète, la Lune rappelle les forces cachées, profondes, qui sont celles de la maturation, de l'imagination, de la créativité qui génèrent par la suite les formes concrètes.

    Depuis les temps les plus anciens, la Lune est considérée comme l'astre de la fécondité, de la lente et secrète production de la vie, l'astre qui donne la lumière dans la nuit. La Lune est de ce fait étroitement liée aux vertus cachées de l'Initiation qui éclairent l'homme vivant dans l'obscurité.

    Du point de vue maçonnique, la Lune évoque traditionnellement la passivité et la réceptivité. On a coutume d'associer généralement la Lune à la colonne J:. placée à gauche de l'entrée du Temple.

     

    Les étoiles et les ténèbres

     Les étoiles

    Les étoiles ont de tout temps symbolisé la lumière jaillissant des ténèbres. A ce titre, elles aussi ont trouvé une place de choix dans l'univers maçonnique dont l'objet premier est la recherche de la Lumière dans le sens de la connaissance.

    Nous pouvons dès lors mieux comprendre pourquoi le plafond du Temple maçonnique est généralement orné d'une peinture représentant un ciel d'un bleu profond, illuminé d'une foule d'étoiles dorées et scintillantes.

    Les ténèbres

    Les ténèbres : voilà un mot fréquemment employé dans le langage des Francs-maçons en diverses occasions :

    • négativement, elles désignent le contraire de la Lumière maçonnique ;
    • positivement, elles évoquent l'obscurité nécessaire au retrait de la vie et à la pensée, dans le cabinet de réflexion où séjourne celui qui subit les épreuves de l'Initiation ;
    • enfin, elles désignent une étape nécessaire qu'un Maçon doit vivre et traverser, tel un tunnel avant de parvenir, par le biais de l'Initiation, au grade suivant dans sa trajectoire maçonnique.

     

    Le feu,  les flammes

    Qu'est-ce que le feu ? 

    La physique nous apprend que le feu est un dégagement simultané de chaleur, de lumière et de flamme produit par la combustion vive de certains corps.

    Le feu a, de tout temps, été l’un des éléments de base qui constituent la vie, au même titre que l'air, l'eau ou la terre. C'est sans doute la raison pour laquelle il ne pouvait qu'acquérir au fil des siècles une valeur symbolique, d'autant plus forte que, dans son aspect physique, il présente de nombreuses vertus décapantes et purificatrices !

    Par analogie avec sa capacité à consumer ce dont il s'empare, le feu est considéré symboliquement comme un instrument de purification.

    De ce point de vue, le premier exemple à citer reste le fait qu'en une époque lointaine on l'utilisait pour brûler ceux dont les pratiques étaient jugées démoniaques.

     

    Approche du symbolisme du feu

    Dans le cadre maçonnique, le feu est présent par sa relation avec la maîtrise nécessaire pour le dompter et surtout la lumière qu'il prodigue. La Lumière étant assimilée à la Connaissance, le feu devient un « instrument de connaissance » et acquiert ainsi une dimension symbolique de toute première valeur : il est celui qui éclaire, celui qui illumine, qui transforme les ténèbres en champ lumineux, celui qui permet de voir... donc de savoir. Je dirais donc que le feu est un révélateur de l'essence des choses.

    Ce n'est surement pas par hasard si, dans la Loge, ce que l'on nomme les étoiles, qui autrefois guidaient la marche des voyageurs, sont des cierges au sommet desquels brûle le feu. Leur lumière éclaire la quête spirituelle des initiés Maçons.

    Le feu se veut à la fois d'essence divine, tant il sait être purificateur mais aussi implacable en certains instants, et initiateur par sa faculté à montrer le chemin, à permettre à l'homme de voir et comprendre.

     

    La Lumière dans la Loge

    La lumière physique est présente dans la Loge au sommet des candélabres.

    Luminaires et candélabres

    Un candélabre est une source de lumière, fixe, dont la fonction est d'éclairer le Temple. Il ne faut pas confondre le candélabre avec les autres sources lumineuses que sont le flambeau ou l'étoile qui, pour leur part, sont investis d'une valeur et d'un rôle symboliques.

    Dans le langage profane, le mot «luminaire» désigne tout appareil d'éclairage, les lampes, les cierges utilisés dans le culte chrétien, mais aussi le Soleil ou la Lune.

    Dans le langage maçonnique, le mot « luminaire » désigne trois éléments distincts :

    • ce sont, d'une part, le Soleil et la Lune, encore appelées « Etoiles » ;
    • ce sont, d'autre part, les Flambeaux, ces flammes par lesquelles le Temple doit être symboliquement éclairé, ces chandeliers disposés dans le Temple dont les bougies ne doivent jamais être soufflées lorsqu'on les éteint !

    La notion de luminaire se rattache ainsi à tout ce qui tient à la lumière. Or, dans le monde maçonnique, vous commencez à le remarquer, la lumière joue un rôle fondamental ! 

    On appelle « Trois Petites Lumières » le Soleil, la Lune et le Maître de Loge. Le Soleil règne sur le jour, la Lune préside à la nuit et le Vénérable Maître gouverne et dirige la Loge.

    Notez que dans ce contexte précis, le Vénérable Maître est considéré comme dispensateur de la Lumière fraternelle qui permet aux Maçons d'accomplir leurs devoirs maçonniques.

    Les « Trois Grandes Lumières » sont le Volume de la Loi Sacrée, l’Équerre et le Compas.

    C'est sur ces trois éléments de base de l'univers maçonnique que nous avons prêté serment lors de notre initiation.

    La même expression « Trois Grandes Lumières » semble aussi désigner le Vénérable Maître et les deux Surveillants.

    Sont également désignés par l'expression « Lumières de l'Atelier » les cinq premiers Officiers d'une Loge, c’est-à-dire le Vénérable Maître, les deux Surveillants, l’Orateur et le Secrétaire.

    Remarquez encore que

    • les Apprentis sont placés au Nord parce qu'ils ont besoin d'être éclairés ; ils reçoivent ainsi la pleine lumière de la fenêtre du Midi.
    • Placés au Midi, les Compagnons ont besoin de moins de lumière car l'ombre portée par le mur du Temple les éclaire suffisamment. On dit aussi que les Compagnons se tiennent au Midi parce qu'ils sont assez avancés pour supporter l'éclat du jour. Ils sont appelés à devenir des foyers ardents, sources de chaleur et de lumière.
    • Le Vénérable, l'Orateur et le Secrétaire reçoivent de face la seule lumière du couchant. Par contre, les Surveillants sont alertés dès l'aurore par la lumière qui vient les frapper.

     

    Les cierges

    Au degré d'Apprenti, on remarque parfois trois cierges : le Vénérable et les deux Surveillants ont chacun un chandelier sur leur plateau.

    Avant l'Ouverture des Travaux, seule la place occupée par le Vénérable présente un cierge allumé. A l’Ouverture des Travaux le Vénérable « donne la lumière » aux deux Surveillants.

    Ce n’est pas toujours le cas au Rite moderne. Dans certaines Loges, un chandelier à trois branches est disposé sur le plateau du Vénérable Maître et les Surveillants n’en n’ont pas.

    Les cierges des trois Piliers sont allumés avant que le Vénérable et les deux Surveillants ne prennent chacun la lumière destinée à leur plateau respectif.

    Munis du flambeau que leur tend le Maître des Cérémonies, le Vénérable et les deux Surveillants viennent allumer les cierges placés au sommet des Piliers qui leur sont attribués, Sagesse, Force et Beauté. Il y a alors six lumières dans le Temple, six cierges qui doivent brûler pendant toute la durée de la tenue : trois sur le plateau du Vénérable Maître et trois au sommet des Piliers situés aux angles du Carré long.

    Toujours à propos de flambeaux, Bernard Baudouin évoque l'usage d'un chandelier particulier pour introduire un Grand Officier Dignitaire dans le Temple. Un Frère marche devant lui en portant un flambeau, symbole de la Lumière initiatique. Notre rituel le désigne comme un « porteur d’étoile ».

    A propos de la présence des bougies dont les flammes semblent vivantes, il me semble qu'elles évoquent dans le même temps :

    • l'idée de protection contre les dangers, telle que les premiers hommes l'ont vécue dans les cavernes

    et

    • l'idée de purification car on sait que le feu dévore et « nettoie » tout ce dont il s'empare.

    Dans le même temps, présent bien tranquillement au sommet d'une bougie, le feu apparaît comme domestiqué par l'homme... ce qui ne fait que souligner le pouvoir de ce dernier.

    Le Franc-maçon, par son savoir et la connaissance que lui confère la Lumière lors de l'Initiation, maîtrise les éléments naturels.

    C'est sans doute pour toutes ces raisons que les cérémonies d'allumage et d'extinction des flambeaux revêtent une telle importance lors de chaque Tenue dans notre Loge. Éclairer celle-ci à l'aide des luminaires, c'est faire pénétrer dans ce lieu consacré à la fois la lumière de la vie et les Lumières de l'Initiation.

        

    Le Delta

    A l'Orient, derrière et au-dessus du siège du Vénérable, apparaît parfois, dans certaines Loges, un Triangle ou Delta lumineux. Le Delta lumineux maçonnique porte souvent en son centre le Tétragramme sacré I E V E, en lettres hébraïques, ou bien l’Œil divin.

    Ce Delta figure au fronton du Temple représenté sur le Tableau de Loge.

    Les études sur le Tétragramme sacré sont nombreuses, variées et assez confuses. Le Tétragramme formé des lettres Iod, , Vau, , est le nom divin dont la prononciation était réservée au grand-prêtre, chez les Hébreux, une seule fois par an.

    L’Œil qui apparaît bien souvent au centre du Delta symbolise, sur le plan physique, le Soleil visible d'où émane la vie et la lumière ; sur un plan intermédiaire, le Principe créateur, et sur le plan spirituel ou divin, le Grand Architecte de l'Univers.

    L’Orient

    J'ai évoqué le terme « L'Orient » en parlant du Soleil qui se lève à l'Est.

    Dans le langage maçonnique, le mot « orient » peut avoir différentes significations selon le contexte dans lequel il est employé.

    Dans son acception la plus commune et profane, il s'agit de la direction d'où vient le soleil à son lever. Au-delà de la simple orientation cardinale, l'Orient est donc lié symboliquement à l'origine, la naissance de la lumière.

    La lumière étant assimilée au sacré, dans l'univers maçonnique - dont l'Initiation n'est pas sans rappeler certains Rites solaires - l'Orient délimite un espace sacré : c'est là, au cœur de tous les symbolismes, que nait l'essentiel ; c'est de là que jaillit la Connaissance, la Vérité.

    Ceci explique que le Temple maçonnique s'érige de l'Orient à l'Occident.

    Lors des Tenues, c'est ici, dans ce périmètre de lumière, véritable « sanctuaire » que siègent le Vénérable Maître, l'Orateur et le Secrétaire, mais aussi les visiteurs de marque.

    Lorsque nous quittons la Loge en fin de Tenue, c'est « l'Orient d'abord » : c’est-à-dire que tous les Officiers Dignitaires qui siègent dans la partie surélevée du Temple en sortent les premiers.

    Lors de l'Initiation, nous prêtons serment sur un autel qui est situé à l'Orient.

    La voûte étoilée

    Le plafond du Temple est quelques fois en forme de voûte et celle-ci est constellée. Le plus souvent désignée par l'expression « voûte étoilée », elle représente le ciel, la nuit, avec une multitude d'étoiles.

    A l'Est, sont visibles les rayons du Soleil levant ainsi que ceux de l'Etoile Flamboyante guidant ceux qui cherchent la Lumière, au sens propre comme au sens figuré. Par ce biais, il est fait allusion à la dimension cosmique, aussi bien de l'homme Franc-maçon que de l'Initiation et du travail maçonnique.

    Jean-Marie Ragon de Bettignies explique que «la voûte du Temple est azurée et étoilée comme celle des cieux, parce que, comme elle, elle abrite tous les hommes, sans distinction de rang ni de couleur».

     

    La Lumière sur le Tableau de la Loge

    Les premiers luminaires que j'ai cités et que sont le Soleil et la Lune sont aussi présents sur le Tableau de la Loge d'Apprentis en haut, à droite et à gauche.

    Le Soleil, actif, est à droite, du côté de la Colonne B:. et la Lune, passive, est à gauche, du côté de la Colonne J:..

    Soleil et Lune se font face pour montrer que leur évidente différence est également synonyme de complémentarité et qu'ils embrassent la totalité de l'univers.

    Ceci nous rappelle le symbolisme fort des cultes solaire et lunaire des anciennes civilisations dont la plupart adorèrent l'un ou l'autre de ces astres, voire les deux.

    Le Soleil est l'astre du jour, la Lune celui de la nuit. Ils sont deux expressions différentes de la lumière qui règne sur le monde en permanence. L'un brille dans la clarté du jour, l'autre dans l'obscurité de la nuit, mais toujours avec un rayonnement suffisant pour éclairer les hommes en quête d'évolution sur le chemin de leur devenir.

    Selon Bernard Baudouin, le Soleil, évoque l'existence extérieure de l'individu. Tandis que la Lune évoque son existence intérieure. C'est donc l'être dans sa globalité qui se retrouverait dans ces deux luminaires.

    La lumière est aussi représentée sur le Tapis de Loge par trois fenêtres : la première à l'Orient, la seconde au Midi et la troisième à l'Occident. Il n'y a pas de fenêtre au Nord et les trois fenêtres indiquées sont grillagées.

    Selon Edouard Plantagenet, mais cela n’engage que lui, elles représentent les trois portes du Temple de Salomon. Cet auteur nous indique que l'on sait de façon certaine que le temple s'ouvrait à l'Est et était ainsi éclairé par le Soleil à son lever.

    Les maçons constructeurs ont toujours orienté les temples avec leur entrée à l'Occident et les trois fenêtres du « Tableau » suivent la marche du Soleil. Il n'y a pas de fenêtre au Nord parce que le soleil n'y passe pas.

    Les fenêtres sont grillagées non pas pour interdire aux profanes de regarder dans le Temple mais simplement pour en défendre l'accès. Cependant, le grillage qui protège ces ouvertures pourrait aussi nous indiquer que le travail des ouvriers est soustrait à la vue des profanes. Si le Temple était éclairé intérieurement, un simple grillage ne suffirait pas pour empêcher de voir ce qui s'y passe.

    Le Temple est isolé du monde profane et le Maçon ne doit avoir aucune tentation de devenir simple spectateur de ce même monde. Au contraire, il faut qu'en sortant du Temple, après y avoir puisé de nouvelles forces, le Maçon redevienne acteur dans la foule anonyme et y répande, entre autres, la Sagesse qu'il est venu y acquérir.

    La Lumière dans le langage maçonnique

    La lumière est omniprésente à plusieurs titres dans le langage des Francs-maçons :

    • d'une manière globale : elle a un caractère sacré ;
    • dans le cadre de l'Initiation, deux expressions au moins méritent d'être relevées :
    • Etre initié, c'est recevoir la Lumière.
    • C'est un profane qui erre dans les ténèbres et qui aspire à la Lumière.

    L'initiation marque pour celui qui la vit le passage d'un monde à un autre, de l'obscurité à la clarté, de l'inculte à la culture, de l'ignorance au savoir et du profane au sacré.

    Remarquons aussi :

    • dans le rituel de l'ouverture de nos travaux des expressions comme :
    • Un voile épais me recouvrait les yeux.
    • Que la Vraie Lumière éclaire cette Loge !
    • lors de la fermeture des travaux, le Vénérable Maître nous dit : «La Lumière brille dans les Ténèbres» ;
    • lorsqu'un candidat a été reçu, il a pu voir «Trois Grandes Lumières disposées sur l'autel» ;
    • lors du «tuilage» de l’Apprenti, celui-ci ne dit-il pas à un certain moment «Cinq l'éclairent» ?

    Dans cette étude, vous aurez remarqué que la lumière se rencontre souvent dans des expressions évoquant le Nombre Trois  : « trois grandes lumières », « trois fenêtres », « trois luminaires », « trois cierges »…

    … et que toute source de lumière n'est jamais isolée mais, au contraire, souvent incluse dans un ternaire :

    • Soleil, Lune, Maître de Loge ;
    • le Vénérable Maître et les deux Surveillants ;
    • les trois cierges qui surmontent les Piliers aux angles du Carré long ;
    • les trois cierges du plateau du Vénérable Maître.

    Quant à l'expression « les fils de la lumière », elle est le surnom donné fréquemment aux Francs-maçons,  par analogie au fait que la démarche maçonnique initiale se veut être une quête spirituelle de la Lumière dans le sens de la recherche de la Connaissance.

     

    La finalité de la Franc-maçonnerie

    Après avoir examiné la plupart des expressions, vocables et symboles qui évoquent la lumière dans notre environnement maçonnique, il me semble à présent opportun de rappeler quelle est la finalité de la Franc-maçonnerie.

    Comme je l'avais déjà précisé en parlant du symbolisme des étoiles dans l'univers maçonnique, l'objet premier de la Franc-maçonnerie, c'est la recherche de la Lumière, la conquête de la connaissance.

    Je partage à ce sujet le point de vue de Daniel Béresniak qui précise que « la finalité de la Franc-maçonnerie, c'est la LUMIÈRE, c'est-à-dire l'Eveil, l'état de l'homme qui agit au lieu de réagir ».

    Il me semble donc important de méditer régulièrement en observant l'Etoile flamboyante car, pour Guillemain de Saint-Victor, l’Etoile flamboyante est le centre d'où part la « Vraie Lumière », synonyme de « Lumière maçonnique ».

    Mais, finalement, comment comprendre ce symbolisme de la lumière ?

     

    Approche du symbolisme de la Lumière

    La lumière qui éclaire nos Travaux n’est pas celle de l’illumination intellectuelle. L’intellection n’est que l’une des composantes de cette illumination que nous associons à l’initiation et de cette lumière que nous associons au travail maçonnique.

    La fonction propre de la lumière est de déployer un « milieu » où les choses et les êtres se donnent à voir. N’est-ce pas d’abord en ce sens que la lumière « éclaire nos Travaux » ? Dans l’espace de la Loge, qui reproduit l’espace du Monde, comme tout espace sacré, toutes les paroles sont perçues, et l’attention de chacun est dirigée sur leur sens. On laisse leur sens se dévoiler et par conséquent on permet à la vérité de se dévoiler à travers elles.

    L’harmonie de la Loge, lieu de recherche en commun de la vérité et du bien, est la manifestation d’une parcelle de cette lumière ; l’harmonie, l’unité de la Loge sont indissociables de cette transparence qu’on appelle lumière.

    La lumière représente le mode de conscience auquel l’homme peut accéder, lorsqu'il triomphe de l’opacité des pulsions instinctuelles et dirige son regard vers les formes intelligibles qui constituent l’ordre du monde dans son unité, sa vérité et sa beauté.

    C’est aussi vers la Source de la lumière spirituelle que le symbolisme maçonnique oriente notre regard. La source originelle de la lumière spirituelle est symbolisée dans le Temple par le Delta lumineux. C’est précisément vers cet « illuminant » situé exactement à l’Orient, que nous tournons symboliquement nos regards. Cela signifie que nous avons, en « recevant la lumière » acquis la connaissance d’un fait simple et « évident » dont la reconnaissance est au fond de toutes les religions et de toutes les traditions initiatiques, à savoir que nous ne pouvons comprendre et créer que par participation à la Source éternelle de la Conscience et de la Créativité, que nous appelons le Grand Architecte de l’Univers et que le rituel invoque afin qu’il éclaire et protège nos Travaux.

    L’homme ne peut espérer participer au règne de la Lumière qu’à condition de réaliser en lui-même la juste et difficile proportion entre la pensée et le cœur, entre la lucidité et la ferveur.

     

    Mes conclusions provisoires

    Si le but suprême de la Franc-maçonnerie est la recherche de la Lumière, encore faut-il donner un sens plus personnel à cette expression.

    Que suis-je venu faire parmi mes Frères ?

    Chercher la Lumière ? Pourtant je n'ignore pas qu'elle ne se confère point !

    Que peut-elle être ? Certains y croient et l'appellent « Dieu ».

    D'autres pensent la détenir et l'appellent « Raison ». 

    Enfin certains la devinent et la cherchent : ils l'appellent « la Vérité ».

    La Lumière, n’est-ce pas avant tout la connaissance de soi ? Je pense que c'est en nous-même qu'elle se trouve et qu'elle apparaitra une fois que nous serons sortis des Ténèbres. Ce qui importe donc, finalement, c'est de CHERCHER.

     

    Pour pouvoir travailler en vue de notre élévation spirituelle, il nous faut construire nos connaissances par nos recherches personnelles, par l'introspection, par l'écoute attentive des points de vue exprimés par nos Frères plus anciens, par l’expression de leur expérience et par les ajustements appropriés de nos Surveillants.

    Pour pouvoir participer à l'amélioration du Monde et des Hommes en particulier, il nous faut en premier lieu songer à notre perfectionnement personnel, à devenir une Pierre bien taillée, adaptable dans l'édification du Temple idéal dont nous devrions devenir les pierres parfaites.

    Chacune des étoiles de la voûte de notre Temple symbolise comme une victoire de la lumière sur l'obscurité et du savoir sur l'ignorance. C'est pourquoi nous, Francs-maçons, dans notre trajectoire initiatique tournée vers l'éveil et la recherche de la pureté, nous pouvons nous apparenter ou nous identifier à l'une d'elles. Chacun d'entre nous n'est qu'un individu isolé, qui brille de sa propre lumière. Mais tous les Maçons réunis dans leur fraternité forment un ciel constellé de lumières qui sont autant de luminaires pour éclairer le monde.

    J'aimerais pour terminer provisoirement cette longue analyse citer une dernière fois Edouard Plantagenet.

    L'extrait qui suit m'a particulièrement plu et j'aimerais vous en faire profiter :

    « Hantez les forêts, mes Frères ! Car ce n'est qu'ainsi que vous pouvez espérer voir, un jour, sourdre en votre âme une première lueur de cette Lumière qu'ici vous êtes venu chercher, qui intensément vous entoure mais que vous ne pouvez percevoir car vous n'êtes pas encore sortis des ténèbres de vous-même.

    Mais les ténèbres ne sont point éternelles :

    • à force de PARLER de la Lumière, l'aveugle finit par oublier sa cécité ;
    • à force de CROIRE à la Lumière, l'aveugle finit par s'imaginer qu'il voit ;
    • à force de CHERCHER la Lumière, l'aveugle finit par la trouver, et c'est alors, mais alors seulement, en vérité, que le Temple s'éclaire et que nous pouvons dire que l'Ordre Universel de la Franc-maçonnerie compte un Maître de plus ».

     

    R :. F :. A. B.

    Bibliographie

     

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Paris, 1995, Editions De Vecchi – Pages 34, 64, 68, 97, 98, 99, 116, 146, 155, 171

     

    Béresniak Daniel - L’apprentissage maçonnique, une école de l’éveil ?

    Paris, 1983, Editions Detrad

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Paris, 1995, Editions Dervy – Pages 85 à 91 ; 116 et 117 ; 154 à 157 ; 231

     

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail d’Apprentis

    Paris, 1994, Editions Dervy – Pages 37 et 38

     


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  •  Les valeurs en Franc-maçonnerie 

    Introduction

    Au fil des enquêtes que j’ai eu l’occasion de mener auprès de Profanes, candidats à l’Initiation, il m’est souvent arrivé de leur demander quelles étaient les valeurs qu’ils espéraient trouver en Franc-maçonnerie. Les réponses étaient souvent vagues et brèves, quoi de plus normal ! Voici quelques exemples, extraits de rapports d’enquêtes :

    • S’il n’a pas encore réfléchi quant aux valeurs auxquelles Ph. B. adhère effectivement, il me cite cependant la famille. Il ignore quelles valeurs il pourrait découvrir en Franc-maçonnerie.

    • G. B. se dit heureux de la perspective d’être accueilli parmi des personnes qui poursuivent le même idéal de vie mais il ne précise pas les valeurs qu’il espère découvrir au sein de notre Ordre.

    • Pour le candidat P.T., la plus grande valeur est le respect de la parole donnée.

    • Enfant unique, la fraternité a toujours manqué à A. V. Il espère pouvoir recevoir, mais est aussi prêt à donner. Très humblement, il m’affirme avoir encore énormément à apprendre. Il a toujours rêvé d’avoir des frères, au sens propre comme au sens figuré, pour échanger énormément de choses. A. V. défend deux valeurs essentielles : la sincérité et la tolérance. Ce candidat aimerait bien exercer la bienfaisance dans quelque chose de structuré. Il a déjà eu l’occasion de se montrer charitable; il aime aider son prochain.

    • P. est profondément respectueux de ce qu’il considère comme « fondamental ». Il souhaite rejoindre une communauté d’hommes qui partagent des valeurs morales telles l’honnêteté, le respect mutuel, la solidarité, l’entraide… des valeurs qui constituent la base de l’éducation judéo-chrétienne.

    • La valeur qui semble essentielle aux yeux du candidat J. D., c’est l’humanisme, dans le sens de respect des personnes. Il faut toujours essayer de faire son possible pour les autres. Pour lui, la fraternité – qu’il espère effectivement trouver en Loge – c’est se serrer les coudes, être l’un pour l’autre, viser l’universalité de l’homme.

    • Si P. M. n’a pas reçu d’éducation religieuse, sa mère lui a inculqué des valeurs dont il est assez fier : la solidarité, l’honnêteté et la tolérance Ce candidat se dit solidaire au niveau familial surtout, avec sa mère qui l’a élevé, avec ses deux frères ainsi qu’avec quelques amis. Il pense que l’on peut compter sur lui. Il se dit charitable pour autant que l’œuvre soit bonne et l’investissement honnête et certain. Ce candidat m’a paru sociable. Il n’aime ni l’hypocrisie ni la malhonnêteté. Il est fier de son honnêteté. Il pense qu’il est tolérant mais aimerait l’être davantage. C’est un homme plein d’énergie qui se dit persévérant et capable de dévouement pour autant que la motivation soit réelle et qu’un certain plaisir puisse en être retiré. Il se dit indépendant d’esprit, peut-être même un peu trop.

    • Ce que C. P. attend de la Franc-maçonnerie au point de vue général, humain, métaphysique, c’est une certaine valeur commune entre les êtres humains ; c’est pouvoir partager la façon de voir d’autres personnes, comprendre la vie, la mort ; tendre vers la perfection.

    Après quelques années passées sur les Colonnes et à l’Orient de nos Ateliers, j’ai souhaité de faire le point au sujet de ces valeurs que véhicule la Franc-maçonnerie.

    Rappelons tout d’abord que la Franc-maçonnerie est une société fondamentalement chrétienne dans ses valeurs. Peu de gens le disent. Elle encourage ses membres à œuvrer pour le progrès de l'humanité, tout en laissant à chacun de ses membres le soin de préciser à sa convenance le sens de ces mots. La bienfaisance est l'un de ses moyens d'action. Sa vocation se veut universelle bien que ses pratiques et ses modes d'organisation soient extrêmement variables selon les pays et les époques. Elle réunit, dans de nombreux pays répartis sur toute la surface du globe, des personnes qui se sont donné pour but de travailler à leur amélioration spirituelle et morale.

    La Franc-maçonnerie s'est toujours placée sous le patronage symbolique de tous ceux qui firent progresser, tout au long de l'histoire, l'art de bâtir et les valeurs dont elle se réclame.

    Bien que tous ses membres ne prêtent pas serment sur la Bible (l'Evangile de Jean pour beaucoup) lors de l’Initiation, ce sont bien des valeurs chrétiennes qui se trouvent au centre du tout. Ne confondons cependant pas « chrétien » et « catholique » : il y a un dogme en moins !

    Pour la Franc-maçonnerie, le Frère « ne sera jamais un athée stupide ni un libertin irréligieux ». On apprécie ou pas mais c'est ainsi que les choses sont écrites dans les Constitutions d’Anderson.

    En fait la Franc-maçonnerie veut défendre les valeurs les plus belles en l'homme et Dieu n'est pas la seule préoccupation de l'ordre puisque jadis, certains Maçons criaient en plaisantant « A bas la calotte ! » lorsqu'ils croisaient des Maçons chrétiens. La Franc-maçonnerie se compose en effet de plusieurs obédiences. C'est sans doute sa grande force de croire en l'homme d'abord et d'avoir un idéalisme que beaucoup devraient lui envier.

    On y croise toutes sortes de quêtes en ses murs : des Martinistes, des Templiers... et même des prêtres... Elle donna asile à des courants mystiques divers sans jamais renier ses fondamentaux ; elle est tolérante et ouverte d'esprit... sauf chez les Frères qui ne la comprennent pas...

    La Franc-maçonnerie offre un certain nombre de points d'ancrage sur l’idée de liberté, sur l'homme, sur sa perfectibilité, sur le fait que l'on peut changer la société. Tous les Maçons, réguliers ou non, doivent œuvrer à un changement de société que nous voulons plus juste et plus éclairée.

    Quel que soit l'endroit où l'on s'engage, il faut également apprendre à donner de soi pour avancer et faire avancer sa communauté. S'engager dans un groupe, c'est avoir la foi...  Et il n'y a pas de place pour les touristes consuméristes... La fraternité, la foi, l'amour sont des notions sacrées... Agissons donc comme de dignes enfants de notre créateur.

    La grande force de la Franc-maçonnerie est certainement de permettre à chacun de chercher sa vérité en toute liberté. Derrière des décors symboliques qui en font parfois rire certains, il est évident que l'essentiel se cache derrière le mot fraternité.

    Les valeurs fondamentales véhiculées par la Franc-maçonnerie traditionnelle sont effectivement la fraternité, l'amour de son prochain, la croyance en un « Grand Architecte de l'Univers » et quelques autres beautés de l'esprit.

    La Franc-maçonnerie consiste à être bon, sincère, modeste et, si elle condamne l'athéisme dans les Constitutions d'Anderson, elle prône par contre l'égalité religieuse.

    L'esprit de tolérance fait en effet partie des valeurs affichées par la Franc-maçonnerie. La spiritualité étant omniprésente autant dans le symbolisme que dans la démarche philosophique sur laquelle repose l'ensemble de la Franc-maçonnerie, la très grande majorité des Loges – les Loges régulières – requiert la croyance en un « Être Suprême » qu’elles désignent par l’expression « Grand Architecte de l'Univers ».

    La Franc-maçonnerie revendique donc un certain nombre de valeurs. Ses membres s'estiment ainsi liés par des idéaux, tant éthiques que métaphysiques. Tentons à présent de voir plus clair dans ce domaine.

     

    Les valeurs

    La notion de valeur est souvent utilisée au pluriel. Il semble en effet difficile de considérer comme de même nature l'impression esthétique qui nous fait trouver un tableau saisissant, le respect pour une décision politique courageuse, l'approbation d'un acte charitable, l'admiration pour une performance intellectuelle, le jugement portant sur le rendement d'une machine, ou encore une estimation boursière.

    Les choses étaient plus simples quand on ne parlait pas de valeurs au pluriel, mais du bien au singulier, que les théologiens nous disaient intimement relié au beau et au vrai.

    Mais une fois ancré dans les esprits que dans le domaine des valeurs chacun doit pouvoir juger en toute liberté de conscience, il devient possible que différents individus agissent au nom de valeurs non seulement qui s'opposent, mais dont on peut se demander si elles sont comparables entre elles.

    Du coup, la suprême valeur n'est-elle pas la liberté, puisque c'est elle qui nous permet de choisir entre les autres valeurs ? Effectivement, toute une philosophie des valeurs s'est fondée sur la liberté du sujet, et Sartre a même été jusqu'à soutenir qu'en dehors de l'engagement du sujet qui les choisit, les valeurs n'existent pas.

    La crise de notre époque actuelle, dit-on, est une crise des valeurs. Quand plus rien ne semble avoir de sens, c’est que nos valeurs ont cessé de faire l’unanimité et sont à la dérive.

    Partons d’une définition simple : une valeur est ce qui fait l’objet d’une préférence, ce qui est estimé, préféré ou désiré par un groupe de sujets déterminés. Par exemple, pour un aristocrate, la noblesse constitue une très haute valeur. Toute valeur, de ce point de vue, est sociale. Il n’y a pas de valeur strictement individuelle et les jugements de valeur ont toujours un caractère collectif.

    Si on tente une classification approximative, on peut marquer les distinctions suivantes en faisant la différence entre les :

    Valeurs économiques

    La réussite sociale, est une valeur partagée par les américains. La préférence avouée en faveur du gain, du profit, et de l’argent en font des valeurs. Ce type de valeur est très visiblement une valeur matérielle.

    Nous pouvons aussi noter que ces valeurs sont marquées par une logique de la dualité. Rigoureusement parlant, les termes sont duels : luxe / austérité, richesse / pauvreté, gain / perte, réussite sociale / échec social, abondance / misère etc.

    Valeurs vitales

    La santé est une valeur qui se rattache au plan du vital en nous ; elle est liée à une valeur centrale qui est la vie. Nous avons construit autour de la valeur santé d’énormes institutions, des corps de métiers, une spécialisation et des compétences. Notre préoccupation pour la santé a une importance qui dépasse le cadre des institutions officielles (cf. l’énorme activité des médecines parallèles et l’intérêt général pour tout ce qui touche à la valeur bien-être ; cf. l’engouement collectif, le culte qui entoure le sport et toutes les disciplines corporelles).

    Nous vivons dans une époque où la valeur centrale entre toutes est le plaisir. Valeur vitale par excellence, celle du plaisir sexuel, des plaisirs de la table, du jeu et des émotions fortes etc. On peut même se demander à juste titre si dans notre monde, le plaisir vital n’est pas devenu l’unique valeur.

    Notre attachement à la valeur vie se traduit aussi par la virulence des polémiques autour de sa remise en cause : l’euthanasie, le rejet du suicide, l’horreur de la mort, la révolte contre la guerre, le rejet de la douleur, des mutilations, de la torture etc.

    A la valeur vie est aussi lié en grande partie notre souci du respect de la nature, du respect de l’environnement.

    Valeurs morales

    Un homme peut manifester de la grandeur, de l’honnêteté, de la droiture, de la véracité, un courage, un sens élevé de la responsabilité, etc. sans que l’expérience en soit le fruit. Nous reconnaissons collectivement dans ces vertus des valeurs qui méritent notre respect. On ne parle plus des vertus. On parle surtout des valeurs morales. Nous disons de celui qui manifeste de grandes qualités morales qu’il a un certain « sens des valeurs ».

    On peut dans cette catégorie ajouter les valeurs morales qui ont une dimension politique forte : la liberté, l’égalité, la fraternité, la solidarité, la suprématie du droit etc.

    C’est aux valeurs morales que se rattachent les valeurs religieuses. Il est évident que le croyant fait siennes certaines valeurs qu’il considère comme la spécificité de sa religion et c’est par là qu’il a souvent tendance à s’opposer à la spécificité des autres religions. Les valeurs religieuses ne constituent pas en fait une catégorie à part, mais une manière de fonder les valeurs morales différemment, en les appuyant sur une autorité incontestable. Celle du texte sacré, celle de Dieu.

    Les valeurs morales sont très marquées par la dualité, car il est sous-entendu en chacune une opposition bien / mal. Par exemple : vertu / vice, courage / lâcheté, égalité / inégalité, honnêteté / malhonnêteté, liberté / servitude, véracité / mensonge, responsabilité / irresponsabilité, etc.

    Valeurs esthétiques

    L’homme a besoin de s’entourer de beauté, tout autant qu’il a besoin de pourvoir à sa propre survie. Nous entourons les musées de vénération et ils sont de fait devenus les temples de notre dernière spiritualité. Nous ne visitons plus un cathédrale parce qu’elle est la maison du Seigneur mais parce qu’elle est un monument qui vaut pour sa beauté esthétique.

    Nous attendons de l’art qu’il élève l’homme intérieur et le sorte de sa brutalité ordinaire.

    Le sublime de Shakespeare, la naïveté et le charme d’Homère, la perfection de Bach, méritent largement que l’on consacre sa vie à vouloir les communiquer.

    Les valeurs esthétiques ne sont pas soumises à une emprise de la pensée duelle aussi forte que les valeurs morale. Le sens esthétique est justement tout en nuance. Seul un esprit inculte tranche brutalement devant une œuvre d’art en disant « c’est beau » / « c’est moche ». Une sensibilité éveillée ne dirait jamais cela. Il en est de même pour tout ce qui relève des sentiments esthétiques les plus raffinés.

    Valeurs intellectuelles

    Notre époque parle dans le langage de la science, comme d’autres époques ont parlé dans le langage de la philosophie ou dans le langage de la religion. S’il est une chose qui pour nous a une valeur suprême, c’est bien la pensée.

    La culture occidentale est avant tout une culture intellectuelle. Une culture qui est aussi marquée, depuis la modernité, par l’approche objective de la connaissance que constitue la science. De fait, la vérité, la clarté, la rigueur, la cohérence logique, la fécondité intellectuelle, l’objectivité, par exemple, sont effectivement des valeurs auxquelles nous tenons et pas seulement des exigences formelles. Notre éducation est un héritage de la modernité et des valeurs intellectuelles qu’elle nous a laissées.

    Remarquons que les valeurs intellectuelles sont aussi soumises à la dualité et qu’il est très facile de les convertir en jugements moraux. Vérité/erreur, clarté/obscurité, cohérence/incohérence, objectivité/subjectivité, savoir/ignorance, science/non-science etc. invitent une logique duelle et le passage de la discussion à la dispute.

    Valeurs affectives

    La première de toutes les valeurs que l’on nomme c’est l’amour. L’amitié, le bonheur, la compassion sont des valeurs liées à l’affectivité et auxquelles nous tenons par-dessus tout. Il est très difficile de préciser le contenu d’une valeur affective. Elle parle davantage au cœur qu’à l’intellect, mais elle commande aussi de manière plus forte et plus impérative.

    Les valeurs affectives ne sont pas rationnelles. Au niveau le plus élémentaire de l’expérience humaine, elles sont marquées par la dualité : attachement/haine, bonheur/malheur, amitié/inimitié, sensibilité/insensibilité etc.

     

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    Examinons à présent quelques valeurs importantes véhiculées au sein de nos Loges. Je commencerai par le travail qui, à mes yeux, est la valeur principale. Le Maître des Cérémonies ne nous invite-t-il pas au travail au début de chaque Tenue ?

    La Loge est un lieu unique où nous pouvons rencontrer, connaître, apprécier, aimer… des hommes que nous n’aurions jamais pu côtoyer ailleurs. C’est un lieu unique où les idées peuvent s’échanger avec méthode, respect et harmonie. C’est pourquoi la valeur « respect » retiendra mon attention de même que la hiérarchie, le sens de la liberté, la responsabilité spirituelle, le sens de la parole donnée, la volonté, la lucidité, l’humilité, la fidélité et la joie.

    La solidarité sera également envisagée comme valeur importante. Et puisqu'elle constitue véritablement le ciment de la fraternité, je terminerai précisément cette longue réflexion par cette valeur à laquelle pensent la plupart des candidats lorsqu'on les interroge sur ce qu’ils espèrent trouver en Loge : la fraternité.

    Le travail

    Si les origines de la Franc-maçonnerie se veulent opératives, c’est-à-dire en rapport avec les métiers de la construction, la Franc-maçonnerie actuelle est dite spéculative. Les valeurs opératives ont été réassimilées pour pouvoir s’appliquer à tous types de métiers qu’ils soient manuels ou intellectuels. Il y a dans nos rituels et traditions des restes, des traces des anciennes valeurs des maçons opératifs.

    Dans la Franc-maçonnerie opérative le rayonnement du travail du maçon dans le monde profane était évident et visible car il dominait la ville de sa majesté : la cathédrale.

    Le Maçon spéculatif est aussi capable d’avoir un certain rayonnement dans le monde profane et ce rayonnement peut prendre appui sur le travail réalisé en Loge. Il n’y a pas de rupture entre le monde maçonnique et le monde profane et la véritable pratique de la Maçonnerie n’est pas en Loge mais à l’extérieur de la Loge.

    Le travail est le point central de l’enseignement maçonnique en Loge. Cet attachement des Maçons au travail apparaît dans le rituel du premier degré à plusieurs endroits. Ne nous demande-t-on pas de travailler sans relâche à notre perfectionnement intellectuel et moral ?

    Il s’agit donc initialement d’un travail sur soi-même, mais ce travail a une utilité et une finalité. La Franc-maçonnerie n’est-elle pas une alliance universelle d’hommes éclairés, groupés pour travailler en commun au perfectionnement intellectuel et moral de l’humanité ?

    La démarche intellectuelle en Loge se caractérise en effet par :

    • la pratique de l’introspection (le silence de l’Apprenti, la réception de la convocation qui permet de se préparer à entendre une intervention en Loge, le fait que l’on ne puisse pas reprendre la parole lors du rituel de table, ni après l’Orateur) ;

    • un rituel qui permet de se mettre dans un état de réception pour commencer mais aussi pour finir le Travail en Loge ;

    • les symboles de la Loge qui sont autant de sollicitations pour l’imagination, l’intuition, la réflexion ;

    • les travaux réalisés en Loge, planches pour les augmentations de salaire en vue des changements de grade, planches de Maîtres…

    Le travail en Loge n’est dans ce cas que l’aboutissement du travail réalisé hors de la Loge pour le préparer. Sans un effort personnel en amont, la fréquentation de la Loge ne présente que peu d’intérêt.

    Ce travail doit se faire dans un esprit d’ouverture. Comme dans toute démarche de nature spirituelle, il ne faut pas porter de jugement sur les autres mais uniquement être suffisamment ouvert pour recevoir et assimiler. C’est dans cet état d’esprit qu’il est possible de construire cette entité harmonieuse que l’on appelle la Loge.

    Cela ne veut pas dire que l’on n’a pas sa propre personnalité, son propre intérêt, sa propre recherche qui, de fait, ne peuvent pas être partagés… mais on va trouver dans l’écoute des autres, dans leurs expériences… de nouveaux axes de recherches, d’études, de découvertes qui vont nous faire progresser. Tant que l’apport est positif chacun des Frères a un véritable intérêt à participer aux Tenues.

    Une fréquentation assidue de nos Tenues devient donc une source d’enrichissements constants et progressifs

    • sur le plan humain car il est permis de rencontrer des hommes d’exception toujours dans des domaines différents ;

    • sur le plan initiatique où la Maçonnerie permet de faire le lien entre les différents courants d’éducation, de spiritualité, de pratique, de croyance… en fonction des origines, des passés, des attirances, des recherches… des participants afin de découvrir que la gloire du bel ouvrage est largement partagée ;

    • sur le plan spirituel où notre symbolisme du travail permet de prendre conscience qu’il n’y a pas de séparation entre le matériel et le spirituel, entre le spéculatif et l’opératif et que notre véritable épanouissement est certainement dans le bien faire quotidien.

    Prendre son temps en Maçonnerie me paraît donc essentiel car la Franc-maçonnerie est une voie de connaissance par opposition aux voies mystiques et il faut du temps pour apprendre. De plus, la Loge maçonnique est un lieu d’expérimentation exceptionnelle où nous avons l’opportunité de tester de multiples facettes de nos capacités. Lors de l’installation de la Commission des Officiers Dignitaires de la Loge, chacun d’eux se voit investi d’une charge, bien plus qu’une simple fonction.

    Toutes ces charges se retrouvent dans la direction d’une entreprise du monde profane. Les pratiquer en Maçonnerie permet au préalable d’en mesurer les composants, les difficultés, les avantages en fonction de sa propre personnalité et de ses propres dispositions naturelles. La Franc-maçonnerie est, en ce sens, un lieu unique de formation et d’expérimentation des relations sociales et professionnelles.

    Pour que le Travail en Loge puisse être efficace, ne convient-il pas aussi de se respecter mutuellement ?

    Le respect

    Le respect est l’une des valeurs les plus essentielles à l’harmonie de toute vie communautaire, quelle qu’elle soit. Au cœur de l’Initiation est le respect. Dans une Loge initiatique, le respect de l’autre est fondamental tant dans son intégrité physique que spirituelle. On y apprend à connaître la multiplicité, à ne pas la réduire mais au contraire à l’aimer et à la formuler en tant que puissance infinie de la création.

    Une voie initiatique est communion dans le respect de la diversité : diversité des êtres, des formes de vie, de la pensée et de la formulation, diversité des autres traditions.

    Le respect est indissociable de la notion de solidarité, qui se fonde sur le principe de réciprocité et d’interdépendance. Respect et solidarité sont fondamentalement présents au cœur d’une Loge maçonnique. Ils forment avec le concept de hiérarchie un triangle dynamique où chaque terme vient éclairer le sens de l’autre.

    La hiérarchie

    En tant que corps communautaire, une Loge initiatique est composée de trois grades : Apprenti, Compagnon, Maître. Cette hiérarchie n’est pas imposée par un individu qui se prendrait pour un maître tout puissant mais repose sur un ensemble de fonctions spirituelles, assemblées suivant un ordre naturel conforme à la Tradition.

    La raison d’être majeure de la hiérarchie initiatique est de rendre perceptibles, en Loge, les causes créatrices, de révéler le ciel des principes à travers notamment les Nombres et la Géométrie sacrée, et de donner voix aux symboles et aux rites.

    La hiérarchie n’est donc pas destinée à servir les intérêts ou le goût du pouvoir de tel ou tel Frère mais elle est ce qui permet de percevoir et de servir le sacré.

    Dans une Loge initiatique, il n’existe aucun privilège ni statut particulier, chacun étant situé à sa juste place pour servir l’Initiation. La hiérarchie initiatique ne confère aucun pouvoir mais demande, en revanche, à ceux qui sont investis d’une charge, d’autant plus de rigueur dans l’accomplissement de leur tâche qu’elle est élevée.

    Se mettre ainsi au service d’une puissance qui dépasse l’être humain aide à remettre les choses à leur juste place. Lorsqu'on prend conscience de ce qui est vraiment chargé de sens, on ne s’accorde plus la première place mais l’on accomplit les tâches nécessaires au service de la fonction, avec le plus grand sérieux. Lorsqu'un Frère remplit, avec cœur, la charge qui lui a été confiée, il se sent normalement porté par une énergie et une joie hors du commun.

    La joie

    Dans toute voie initiatique et le cheminement maçonnique en particulier, la joie participe de l’ascension de l’être vers la lumière. La joie est mise en disponibilité de l’être au sacré, reconnaissance de ce qui est Vie et donne la vie.

    La joie naît de l’offrande, du partage et de la communion vécus dans la Loge. De la joie et dans la joie naît l’œuvre initiatique et l’œuvre engendre la joie.

    La joie vient de la sagesse, transporte et dilate les cœurs des Frères. Elle est présence de lumière, de lumière initiatique.

    Le banquet ou les agapes qui prolongent nos Tenues constituent le moment particulier où l’esprit descend dans la matière et où la matière s’élève vers l’esprit par l’offrande. L’offrande unit et réunit. Par elle, l’abstrait et le concret se croisent ; la formulation du Verbe devient possible par la communion et l’élévation, dans l’instant présent, des cœurs et des pensées.

    Chaque Tenue est un banquet et chaque banquet est une fête où la vie en son mystère est célébrée.

    Le sens de la liberté

    S’il est difficile d’être admis dans une Loge maçonnique, il est, en revanche, très facile de la quitter. S’engager sur une voie spirituelle est un acte libre. C’est d’abord un choix personnel car personne ne peut prendre une telle décision à notre place, personne ne peut forcer une telle décision. Cette liberté perdure tout au long du chemin.

    La Franc-maçonnerie initiatique rend libre car elle fait tomber un à un les carcans des a priori, des conditionnements de la pensée, des sécurités intellectuelles illusoires pour ouvrir sur un monde de recherche où le paysage s’éclaire au fur et à mesure des prises de conscience.

    Une Loge initiatique est un espace de liberté où des Frères peuvent être pleinement eux-mêmes, témoigner de leur vécu du sacré sans qu’il y ait jugement de valeur. Une voie initiatique, étant une quête permanente de la vérité, elle requiert la plus grande liberté d’esprit pour demeurer dans le mouvement d’une pensée dynamique. Cette liberté rend chaque Frère pleinement responsable de lui-même et de la Tradition dont il est dépositaire.

    La responsabilité spirituelle

    Dans le domaine de l’Initiation, c’est de la discussion que naît la Lumière. De la rencontre entre des êtres en quête de connaissance peut naître une communion d’esprit qui permet à chacun de « devenir ce qu’il est » et d’assumer pleinement sa responsabilité spirituelle.

    L’Initiation nous offre de multiples outils. A nous de savoir les utiliser à bon escient. Pour suivre cette voie, il faut un certain courage mais le plein exercice de sa responsabilité spirituelle offre des joies inépuisables.

    Le sens de la parole donnée

    Prendre conscience de la parole donnée, c’est comprendre qu’il vaut mieux choisir une voie et s’y tenir, plutôt que d’en emprunter une multitude sans jamais les explorer à fond ni les approfondir. La connaissance ne peut être affaire de dilettantisme.

    Le sens de la parole donnée est lié à la profondeur du désir de connaissance et à son authenticité. Il s’appuie sur la conscience de ce que l’être souhaite vraiment.

    Le sens de la parole donnée demande à combattre un certain nombre de peurs, notamment celle de pouvoir se tromper. La peur d’entreprendre ne fera jamais jaillir la concrétisation de nos aspirations les plus profondes.

    La volonté

    La volonté est une force d’éveil qui permet à l’être de ne pas se laisser dépasser par les vicissitudes quotidiennes qui favorisent l’inertie spirituelle. Dans la volonté réside à la fois l’élan spirituel et les moyens que le Frère va se donner pour le vivre et le concrétiser jour après jour. La volonté vraie se révèle avec le temps. Elle participe à la fois de la droiture et de l’amour.

    Pour les traditions initiatiques, la volonté est la capacité de création du divin. Elle est une énergie créatrice, une force de vie. Présente en l’être humain, elle devient force de lumière par laquelle il se met en chemin et s’oriente vers une voie spirituelle.

    La lucidité

    La lucidité est la valeur initiatique qui amène à percer l’apparence, à faire jaillir la lumière, à passer du plus concret au sens le plus abstrait, là où elle était masquée ou occultée. C’est une valeur qui combat toutes les formes de l’illusion et de la complaisance pour chercher la vérité. La lucidité passe par le discernement qui opère pour séparer et mettre au jour l’essentiel du relatif, le vrai du faux…

    La lucidité est à l’opposé du confort. Elle demande un certain courage, celui de faire table rase des idées reçues que l’on entretient sur le monde comme sur soi-même. La lucidité demande également d’apprendre à se placer en retrait, de prendre du recul par rapport aux situations pour en appréhender la portée réelle.

    L’humilité

    L'humilité peut signifier plusieurs choses :

    • le sentiment de ne pas être grand-chose, d'être petit par rapport au monde qui nous entoure ;

    • une attitude par laquelle on ne se met pas au-dessus des choses et des autres et par laquelle on respecte ce qu'on nous donne.

    Contrairement à l'idée courante, humilité n'est pas synonyme de modestie. La modestie est une humilité feinte, à la seule fin de s'attirer encore plus de compliments. L'humilité consiste à connaître ses qualités, mais à savoir les relativiser, et savoir surtout qu'elles nous ont été données sans qu'on les mérite.

    L'humilité caractérise celui qui est dépourvu d'orgueil et conscient de ses limites.

    Le terme humilité est à rapprocher du mot humus, qui en est la source étymologique, et qui a donné par ailleurs le terme homme. Cela semble signifier que l’humilité consiste, pour l’homme, à se rappeler qu’il est poussière (ou littéralement : « fait de terre », c’est-à-dire de la matière la plus commune). Cela semble indiquer aussi que l’humilité est une attitude proprement humaine : et de fait, si l’homme n’est pas le seul être dont on puisse dire qu’il fut tiré du limon, il paraît bien être le seul à le savoir.

    Mais du coup, il est aussi le seul à pouvoir l’oublier — et pire : à vouloir l’oublier. Au-delà de l’image du matériau (terre, humus), le terme d’humilité renvoie en effet à l’idée d’une provenance étrangère, d’une impuissance à être sa propre origine ; il paraît impliquer aussi, du même coup, l’idée d’une incapacité à s’accomplir par ses seules forces ; en un mot, il s’agirait d’avouer qu’il n’est rien en nous, hormis peut-être nos fautes et nos manquements, que nous puissions nous attribuer à nous-mêmes, à nous seul.

    L’humilité ne consiste pas à se croire dépourvu de dignité, mais à se savoir incapable d’en être soi-même la source, et à se reconnaître impuissant à exister « à la hauteur » de celle-ci.

    En tant qu’être humain, je suis bien plus qu’un peu de boue (ou d’humus), contrairement à ce que suggère l’étymologie prise au pied de la lettre. Mais ce que je suis de plus, je ne me le suis pas donné à moi-même.

    Autant mon refus de ma dignité ne serait pas une vraie humilité (mais quelque chose qui pourrait être une profonde ingratitude), autant l’humilité véritable se manifeste par l’acceptation du fait que l’aide d’autrui m’est absolument indispensable. L’aide dont j’ai eu besoin pour être, tout simplement, en ce sens que je dois ma venue à l’être, et mon statut d’être pourvu de dignité, à autre chose ou à quelqu'un d’autre que moi-même.

    L’aide dont j’ai besoin, ensuite, pour tenter de ne pas être trop indigne de ma dignité : car précisément, celle-ci a quelque chose d’infini et d’absolu, qui fait de son plein respect une tâche au-dessus de mes forces — voire des forces humaines en général.

    Ainsi, être humble, ce n’est donc pas se considérer comme sans valeur, c’est au contraire voir sa propre grandeur et se sentir petit devant elle.

    D'autre part et par conséquent, l’humilité ne saurait conduire à se laisser traiter comme un être sans valeur, et à accepter toutes les humiliations. Il n’y a nulle incompatibilité entre être humble et exiger le respect : car ce dont j’exige le respect, à savoir ma dignité, c’est aussi ce dont je reconnais ne pouvoir être l’auteur. En ce sens, je demeure effacé et discret (« humble ») même lorsque je mets en avant ma dignité d’être humain.

    Il semble particulièrement important de ne pas se tromper sur le vrai sens de l’humilité, car toute erreur à son sujet irait forcément de pair avec une méprise sur le vrai sens de la dignité, et donc sur la juste attitude à avoir envers soi-même comme envers autrui.

    L’humilité est liée à la simplicité. L’humilité est conscience de l’infinie grandeur du mystère de la vie et de notre juste place par rapport à sa réalité.

    Savoir rire de soi, arrêter de se regarder faire, de s’écouter parler, de se mettre en constamment évidence, c’est diriger non plus le miroir vers soi-même mais vers le ciel. L’humilité élève. Par elle, les yeux et les oreilles s’ouvrent à la justesse, le cœur se dilate et l’être peut agir véritablement, servir plus haut que soi.

    La fidélité

    A l’origine de toute forme de fidélité se trouve un engagement telle notre prestation de serment d’Initié, plus tard celle de Compagnon, de Maître, d’Officier Dignitaire…

    La fidélité nous engage ainsi sur l’avenir.  Elle a souvent la forme d’une promesse ou d’un serment explicites qui, par définition peuvent être trahis.

    Ici réapparaît le délicat problème du rapport entre fidélité et liberté : comment s’engager à être fidèle, d’une quelconque manière, sans abdiquer sa liberté ? Qui peut affirmer qu’il ne pensera jamais que l’engagement de fidélité qu’il a pris était une erreur, ne serait-ce qu’une « erreur sur la personne » ? Or, si l’on admet qu’on peut se tromper sur les personnes comme sur les valeurs auxquelles on s’est engagé à être fidèle, ne peut-on pas en conclure que la seule fidélité à laquelle on doive s’engager, et même la seule qui ait un sens, est la fidélité à soi-même ?

    La fidélité se révèle dans le temps. Elle est aussi ce qui le transcende. Elle témoigne de l’Œuvre initiatique qui prolonge et incarne l’esprit de la Tradition.

    La fidélité est la qualité qui couronne la vie des Frères qui ont su garder, nourrir et entretenir l’ardeur du premier jour pour vivre et servir le sacré.

    La fidélité est concrétisation, jour après jour, de la foi et de la confiance. Elle est consécration d’une vie orientée vers la Sagesse. Sa puissance extraordinaire fait de cette valeur un agent de communion qui unit les Initiés ayant suivi la même voie spirituelle. Elle assure la transmission initiatique au-delà du temps et des époques.

    La tolérance

    La tolérance fait aussi partie des valeurs affichées par la Franc-maçonnerie. La spiritualité étant omniprésente autant dans le symbolisme que dans la démarche philosophique sur laquelle repose l'ensemble de la Franc-maçonnerie, la très grande majorité des Loges requiert la croyance en un « Être Suprême » ou « Grand Architecte de l'Univers ». Mais le terme de « Grand Architecte » peut être interprété de façon très diverse d'une Loge à l'autre. Il est parfois entendu de manière symbolique, en incluant des visions traditionnelles de « Dieu » ou de la Nature, ou d'unité cosmique comme on peut en trouver dans certaines religions orientales et dans l'idéalisme occidental.

    Dans les branches dérivées de la Franc-maçonnerie dite « libérale », cette croyance en un « Être Suprême » est facultative et les agnostiques ou les athées sont acceptés sans problème, ce qui est devenu la principale cause des mésententes entre les obédiences traditionnelles et libérales.

    La tolérance, du latin tolerare (supporter), est la vertu qui porte à accepter ce que l'on n'accepterait pas spontanément. C'est aussi la vertu qui porte à se montrer vigilant tant envers l'intolérance qu'envers l'intolérable.

    En d'autres termes, c'est une notion qui définit le degré d'acceptation face à un élément contraire à une règle morale, civile ou physique particulière. Plus généralement, elle définit la capacité d'un individu à accepter une chose avec laquelle il n'est pas en accord, et, par extension moderne, l'attitude d'un individu face à ce qui est différent de ses valeurs.

    La compassion

    La compassion est le sentiment par lequel on est porté à percevoir ou ressentir la souffrance des autres, et poussé à y remédier.

    Le mot compassion provient du latin cum patior, « je souffre avec ». Il s'agit donc d'un calque latin du grec sym patheia, sympathie, dont le sens avait dévié. D'où le besoin de ce mot, ainsi que de celui d'empathie. « Pitié » et « apitoiement » sont tous deux devenus péjoratifs, mais signifient originellement compassion, tout comme « miséricorde » et son synonyme « commisération ».

    La compassion est une prédisposition à la perception et la reconnaissance de la douleur d'autrui, entraînant une réaction de solidarité active, ou seulement émotionnelle. Il s'agit donc d'une variante d'empathie axée sur la douleur. On peut aussi se porter de la compassion, ce qui sous-entend que l'on est détaché de soi-même.

    En développant à l'intérieur de soi la motivation de faire que tous soient heureux, qu'ils aient les causes et les conditions du bonheur, de la joie et de l'absence de souffrance, en le souhaitant profondément, cela devient une éthique de vie.

    Nous essayons alors d'agir en toute occasion dans le sens du bienfait des autres, et l'activité de l'amour est mise en action.

    Cette pensée d'amour développée et devenue la base de notre être, de notre motivation intérieure, rejaillit à l'extérieur dans notre comportement et notre activité quotidienne. La pratique, dans ce sens, commence par soi-même.

    En prenant conscience de ce qui est juste et de ce qui ne l'est pas, nous nous efforçons, tant dans notre conduite extérieure que dans notre pratique, de rejeter tout ce qui est action négative et d'accomplir ce qui est positif pour les êtres. Quand cela devient un mode de vie fondamental, nous pouvons alors l'enseigner aux autres. Au travers de cette pratique de l'amour et de la compassion, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour apporter le bonheur et les causes du bonheur, et devenant un exemple vivant de ce qui est à faire ou pas, nous montrons ce qui est juste et ce qu'il faut abandonner. C'est une affaire de chaque instant…

    Quand une émotion particulière s'élève, de l'animosité envers les autres ou un esprit de malveillance, il faut en être conscient et le transformer en un esprit altruiste qui souhaite non plus un bonheur égoïste, mais celui de tous. Alors la transformation se fait, d'instant en instant, et nous sommes capables d'aider les êtres.

    Venons-en, à présent, à ce que la plupart de nos candidats à l’Initiation espèrent surtout trouver en Franc-maçonnerie : la fraternité.

    La fraternité

    La fraternité en Maçonnerie n’est pas un vain mot : être Frères, c’est s’aimer, s’accepter tels que nous sommes, avec nos défauts, nos imperfections, nos rivalités, nos personnalités dans ce qu’elles ont de complexe et d’unique. Les Maçons forment entre eux une chaîne d’Initiés, d’individus qui ont vécu la même expérience, ce qui les rapproche et les unit. Tel est pour moi, le sens premier à donner à cette valeur. Mes Frères m’ont permis de recevoir la Lumière comme eux l’ont reçue d’autres Frères. Nous avons vécu la même expérience, la même Initiation. C'est pourquoi les Francs-maçons se reconnaissent comme Frères.

    Les Francs-maçons ont en outre juré de respecter leurs Frères, de les aider et de les soutenir. La fraternité, c'est la recherche de la valeur humaine, c'est le soutien et l'entraide partagée qui nous mènent à une existence digne et fait de nous des enfants de l'univers. Les Frères apportent les uns aux autres leur soutien afin de permettre à chacun d’eux d’emprunter en toute confiance le chemin de la recherche de soi-même. En échange, chacun fait profiter les autres de ses connaissances, de ses expériences et de son entendement.

    Il ne faut pas confondre fraternité et amitié. Les Francs-Maçons ont chacun leurs propres convictions et ne sont pas unis par une identité de vue ; ils ne la recherchent d’ailleurs pas et refusent d’admettre que quelqu'un puisse parler en leur nom. Mais la Franc-maçonnerie est, sans aucun doute, un lieu où se nouent de belles et franches amitiés entre Frères.

    Que représentent la fraternité universelle et le progrès de l’humanité?

    La fraternité n’est pas seulement le lien qui unit les Francs-Maçons. Ceux-ci s’efforcent également de faire en sorte que tous les hommes soient frères ; en d'autres termes que tous les hommes puissent s’entraider et accroître leur dignité humaine. Cela implique de créer des liens entre personnes d’opinions différentes, qui en d'autres circonstances ne se seraient sans doute jamais rencontrées.

    La fraternité, ce n’est pas seulement donner ce que l’on a, c’est offrir ce que l’on est. C’est cela que l’Initiation maçonnique nous donne et nous apprend. Aimer l’autre, c’est l’accepter dans tout ce qui fait sa réalité, sa profondeur, sa misère, sa grandeur. C’est une démarche à promouvoir et à mettre en actes concrets, car l’idéal de fraternité se traduit au plan social par le concept de solidarité.

    La tolérance maçonnique n'est pas une sorte d'apartheid amorphe qui se bornerait à accepter passivement une opinion quelconque : elle est une attitude active qui consiste à s'enrichir en apprenant l'un de l'autre.

    La fraternité maçonnique n’implique pas que chacun de nous doive devenir Maçon ! En effet la Franc-maçonnerie est avant tout une méthode de travail qui convient ou non.

    La Franc-maçonnerie ne définit pas ce qu'elle comprend par « le progrès de l’Humanité ». Pourtant, cela aussi fait l’objet du travail de recherche de chaque Franc-maçon en particulier. C’est bien parce que chaque Franc-maçon a sa conception propre du progrès de l’Humanité, que la Franc-maçonnerie elle-même n’est pas un forum d’actions sociales. Il appartient aux Francs-maçons, à titre individuel, de s’allier à d’autres personnes de bonne volonté pour mener des actions concrètes en matière d’enseignement, de santé, d’émancipation, de démocratie, de droits civils... mais aussi de veiller au bien-être matériel.

    De toute évidence le milieu professionnel permet au Franc-maçon d’œuvrer en faveur du progrès de l’Humanité. C’est en effet dans le quotidien que l’homme trouve le sens de sa vie et de sa liberté, qu’il peut fournir la preuve de son intégration et de son amour du prochain en s’engageant toujours plus en faveur de l’Humanité.
    Le type de ces engagements dépend de la personnalité de chacun ; ils varient d’un individu à l’autre en fonction de ses opinions personnelles et de son sens des responsabilités.

    Que dit notre Obédience[1] à propos de la fraternité et de la tolérance ?

    Pour les Francs-Maçons réguliers, le terme « fraternité » implique d'abord que tous les hommes sont frères et qu'à ce titre, ils ont droit à notre respect et à notre aide. Mais la fraternité ainsi conçue ne se distingue pas d'autres notions générales (fraternité chrétienne, fraternité des armes, fraternité universelle de la Révolution Française).

    Pour les Maçons en général, la fraternité désigne aussi et surtout le lien privilégié qui unit les Maçons et les oblige particulièrement. Mais pour la Maçonnerie régulière, cette fraternité maçonnique est essentiellement de source initiatique : elle n'a pas son fondement dans une communauté d'opinions ou d'intérêts, encore moins dans quelque convention sociale qui ferait que les membres du groupe s'efforceraient de se conduire mieux avec leurs « Frères » qu'avec ceux qui ne font pas partie de la société maçonnique.

    La fraternité trouve sa source dans le fait que chacun par l'Initiation s'engage dans une voie commune de recherche et de progrès spirituel. Chacun se trouve ainsi uni aux autres Maçons par l'expérience partagée d'un symbolisme vécu et éprouvé, par le désir de tous de former une communauté initiatique. Par des voies souvent très différentes, ces Maçons vont vers la Lumière, c'est leur souci commun.

    Que sur cette base naissent et se développent des amitiés personnelles très fortes, que les Maçons s'accordent à faire régner entre eux un climat de respect et d'affection réciproques, c'est évident. Mais la fraternité maçonnique est issue de l'Initiation, elle en est une conséquence, elle n'est pas le simple résultat d'un désir commun de relations amicales.

    Que peut signifier alors la tolérance?

    Ici aussi, la source est dans l'Initiation : l'Initié sait qu'au-delà des idéologies, des opinions, des divergences de vues sur nombre de sujets, ses Frères cherchent comme lui, et comme lui se sont engagés sur le chemin de la Lumière. Ils ont appris à respecter sous des aspects bien divers la personne de leur Frère. Si les idées de celui-ci ne les satisfont pas, sa personne ne leur est pas moins chère. Il ne s'agit plus de cette tolérance suspecte qui ne trouve souvent sa source que dans l'acceptation sans joie de ce qu'on renonce à empêcher ou à combattre, mais d'une attitude positive, fondée sur le respect et la compréhension et qui découle simplement de la fraternité initiatique.

    Fraternité et solidarité

    La solidarité est un sentiment bienveillant que ressentent des hommes à l'endroit d’autres hommes, généralement des membres d’un même groupe qui se sentent liés par une communauté d'intérêts.

    Si la fraternité est un élan, la solidarité est une attitude, un acte que chacun peut poser à la première personne. C’est cette attitude de justice dont les Maçons doivent se prévaloir car ce sont les sources d’un monde d’espérance où les discriminations sociales et ethniques n’existent plus. La fraternité et la solidarité doivent être vécues au quotidien dans un monde de plus en plus égoïste.

    La fraternité et la solidarité sont des valeurs qui demandent rigueur et travail sur soi. Si nous sommes fraternels et solidaires de nous-mêmes, nous sommes fraternels et solidaires des autres, c’est-à-dire capables d’aider, d’aimer et non d’exclure ou d’abandonner.

    La solidarité privilégie le partage et la communion aux dépens de la compétition. Elle révèle également une facette de l’agir très particulière qui est la capacité d’écoute. Ecouter, ce n’est pas uniquement se taire pour laisser parler l’autre, c’est ouvrir véritablement son cœur aux paroles des Initiés.

    La solidarité constitue véritablement le ciment de la fraternité.

    Pour conclure, du moins provisoirement

    Les valeurs morales que véhicule la Franc-maçonnerie ne lui sont pas exclusives : connaissance de soi, amour du prochain, respect de l'autorité légalement constituée, devoir envers l'Etre Suprême, etc.

    Le but primordial de la Franc-maçonnerie est l'amélioration de l'individu et, partant, celui du genre humain dans son ensemble. On comprendra, dès lors, que l'Initiation maçonnique s'effectue avec la plus grande dignité humaine, avec le plus grand respect de l'individu et dans un décorum impeccable.

    Le Maître Maçon doit apprendre et comprendre que tous les efforts qu’il a consentis jusqu'à présent pour avancer seront réduits à néant s’il ne cultive pas la plupart sinon toutes les vertus évoquées dans cette planche, dont trois en particulier, qui me paraissent essentielles :

    • la compassion, qui est la grande force d’amour de l’humanité,

    • l’humilité, qui toujours nous remet à notre place face à l’immensité de l’univers et à son fonctionnement fait d’ordre et de démesure, et enfin

    • le courage de s’affronter soi-même, de ne pas mettre un voile sur ses passions, ses erreurs, ses joies, ses défis et ses sentiments, le courage de se voir tel que l’on est, pas toujours glorieux, mais soi-même.

    Le Maître Maçon est souvent défini comme un être vertueux. Il doit l’être ! Cependant aux vertus, on devrait ajouter force, vigueur, courage car être Maître, c’est tenter de vivre sa vie non plus en spectateur mais en acteur, en metteur en scène ; c’est se lancer dans l’aventure de l’existence avec curiosité, spontanéité et joie ; c’est tomber sous les coups et toujours se relever ; c’est enfin accepter d’être ce que l’on est et non plus vivre en rêvant d’un autre que nous ne serons jamais. C’est exister avec nos talents et nos manques, c’est faire le tri de l’essentiel et du superflu.

    R :. F :. A. B.

     

    [1] Cf. site Internet de la G.L.R.B.

     

    Bibliographie

     

    Darche Claude - Vade-mecum de l’Apprenti

    Editions Dervy, Paris, 2006

     

    Darche Claude - Vade-mecum du Maître

    Editions Dervy, Paris, 2008

     

    Vernon Claire - Loge maçonnique, loge initiatique ?

    Editions La Maison de Vie, Lugrin, 2005

     


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  •  Approche du symbolisme du Temple 

    Le temple et ses différentes significations

    Différentes significations sont attribuées au mot « temple » selon le contexte dans lequel il est employé. C’est le cas de nombreux mots communs appartenant initialement au langage quotidien en entrant dans le vocabulaire de la Franc-maçonnerie.

    Le Temple est omniprésent dans la Franc-maçonnerie. Il en est un des arcanes majeurs et dans tous les rites, sa description, ses dimensions, son mobilier, sa décoration et son symbolisme, sont longuement évoqués.

    La première signification que nous retiendrons fait évidemment référence à la légende mythique de la construction du Temple de Salomon par Hiram, telle qu’elle est décrite dans les livres bibliques des Rois et des Chroniques. Selon la légende biblique, le Temple de Salomon est assimilé à la Jérusalem Céleste annoncée dans l’Apocalypse.

    Dérivé du latin templum, l’origine du mot temple est spécifiquement romaine. Ce mot désignait à l’origine le secteur du ciel délimité par l’augure romain à l’aide d’un bâton, dans lequel étaient observés soit des phénomènes naturels, soit le passage d’oiseaux. Plus tard, le mot templum a désigné le lieu ou l’édifice sacré où se pratiquait cette observation du ciel et a donné en français le mot temple.

    Chez les Romains, le temple était un lieu découvert d’où la vue pouvait s’étendre, et que l’on faisait consacrer par les augures. A l’origine, il fut le lieu où s’assemblaient les sénateurs. Comme le sénat ne pouvait s’assembler légalement que dans un lieu consacré par les augures, auquel fut donné pour cette raison le nom de temple, le Sénat devint donc un temple parmi d’autres dévolus, eux, à tel dieu ou à telle déesse.

    Sous toutes les latitudes, un temple représente un lieu de jonction entre le ciel et la terre. Projection du ciel sur la terre, le temple matérialise ce qui est invisible. Qu’il soit maya, égyptien, hindou ou gothique, le temple émerge des plans subtils et se manifeste sur un plan concret mais il est en parfaite correspondance avec l’homme. Tout temple, reflet de l’univers et du monde divin, est aussi conçu à notre image, selon nos proportions. Il reproduit la création du monde et se trouve donc lié à la cosmogonie, le système de formation de l’univers. Il devient la porte d’un autre monde. En quelque sorte résumé du macrocosme, le temple est aussi l’image du microcosme, car il est à la fois le Monde et l’Homme.

    En effet, par extension symbolique, le temple, c’est aussi l’homme. Telle pourrait être une deuxième acception du terme. Lorsqu’il entre en Franc-maçonnerie, l’homme s’engage à construire son propre temple intérieur. Il peut également appliquer cette dynamique d’enrichissement profond à la société dans laquelle il vit. Il vise alors à améliorer celle-ci et nous pouvons alors parler de « Temple de la Fraternité ».

    Demeure de la divinité, le temple occupe une large place dans l’esprit de l’homme. Il appartient cependant à une période récente de notre vie et n’est matérialisé que lorsque commence la sédentarisation, lorsque la tribu, le peuple commence à se préoccuper de réaliser une demeure fixe.

    Plus concrètement, le temple peut aussi désigner le local qui abrite le travail des Maçons, alors que la loge représente le groupement vivant qui se réunit dans ce lieu appelé temple. Ainsi, le troisième sens du mot temple, c’est le lieu consacré où se réunissent les Francs-maçons d’une loge pour leurs tenues.

    Dans le cas de cette troisième signification, une formulation traditionnelle définit ce lieu en précisant que « sa longueur va de l’Orient à l’Occident, sa largeur du Septentrion au Midi et sa hauteur du Zénith au Nadir ».

    Microcosme à l’image du cosmos, le temple est à la fois fermé aux regards extérieurs des non-initiés mais aussi ouvert sur l’univers tout entier dont il se veut la reproduction. C’est un lieu sacré dans lequel chacun peut venir s’abreuver à la Lumière, source de tous les savoirs et de la Connaissance suprême.

    Le temple est le trait d’union entre le concret et l’abstrait, la matière et l’esprit, le temporel et l’intemporel. Il est le lieu de tous les espoirs mais il peut aussi être celui de toutes les réussites pour que l’homme se dépasse lui-même, retrouvant ainsi, dans son parcours initiatique, la dimension sacrée qu’il porte au plus profond de lui-même.

    Le temple maçonnique est une hiérophanie – lieu sacré ou sacralisé – uniquement pendant la durée des travaux rituels. C’est une différence de nature avec une église, qui reste toujours un lieu sacré, tant qu’elle n’est pas profanée ou abandonnée.

    En Franc-maçonnerie, le temple sert d’abri, de lieu couvert, fermé chaque fois que des Francs-maçons s’y réunissent pour y pratiquer le rituel, accomplir certains gestes accompagnés de certaines formules, dans un état d’esprit particulier réalisé par les participants d’une tenue, durant l’espace d’un temps sacré.

    Bien que le Franc-maçon d'aujourd'hui ne soit plus un constructeur de cathédrales, il reste cependant l’héritier de l’art royal, cet art de bâtir, plein de secrets dont Salomon avait instruit les tailleurs de pierre du Temple de Jérusalem, qu’ils avaient eux-mêmes transmis à leurs successeurs sous le sceau d’une inviolable discrétion. Ce terme d’art royal est devenu, au 18ème siècle, synonyme de Franc-maçonnerie. Dans la Franc-maçonnerie spéculative, le Maçon est devenu symboliquement tout à la fois la pierre brute qu’il faut tailler pour qu’elle s’insère harmonieusement dans le temple extérieur que l’humanité est censée devenir, et dans le temple intérieur qui demeure à construire en chaque homme avec toutes les pierres dont il doit reconnaître en lui-même la qualité et les défauts. La construction symbolique du Temple intérieur est en réalité l’unique objectif. Cette construction n’est jamais finie. Le temple ne compte pas mais chaque Frère doit être conscient que, responsable de l’héritage initiatique qu’il a reçu, il doit le faire fructifier et le transmettre sans perdre de temps.

    L’enseignement traditionnel qui se rattache à l’étude du Temple n’est pas archéologiquement parfait mais il ne doit pas être pour autant censuré car c’est la nature de cet enseignement qui fait la Franc-maçonnerie d'aujourd'hui et qui nous vient de la « nuit des temps ».

     

    Temple ou Loge ?

    Dans le Manuscrit Graham, datant de 1726, apparaît dans une instruction une définition très intérieure de la loge :

    • Où avez-vous été reçu Franc-maçon ?

    • Dans une loge juste et parfaite.

    • Qu’est-ce qu’une loge juste et parfaite ?

    • Le centre d’un cœur sincère.

    Le terme « loge » recouvre en fait un certain nombre de notions :

    • le local où les Francs-maçons tiennent habituellement leurs tenues ;

    • l’assemblée des Maçons réunis rituellement pour accomplir ensemble un travail d’ordre initiatique ;

    • l’entité qui prend corps au cours des cérémonies.

    Il n’existe pas de loge sans membres, sinon elle tombe en sommeil ou disparaît. Inversement, il n’existe pas de Francs-maçons actifs sans loge. Chaque loge a sa spécificité, sa personnalité, reflet constitutif de l’ensemble des membres qui la composent. Creuset privilégié du travail maçonnique, sa fonction essentielle est de transmettre en initiant de nouveaux maillons.

    Le temple peut parfois désigner le local qui abrite le travail des Maçons, alors que la loge peut représenter le groupement vivant qui se réunit dans ce lieu appelé temple, mais la valeur intrinsèque du mot loge est l’entité qu’elle illustre.

    Traditionnellement, quand on parle du Temple, il ne peut s’agir que du Temple de Jérusalem, et plus particulièrement du Temple construit par Salomon. Il n’y a sur ce point aucun doute possible.

    Les Francs-maçons étant les ouvriers occupés à construire « le Temple », la loge ne peut, par définition être appelée Temple. Cette appellation impliquerait de plus qu’il s’y déroule des cérémonies religieuses, ce qui n’est absolument pas le cas !

    Bien que la quasi-totalité des rituels d’origine soient sans ambiguïté, une confusion s’établit quelquefois du fait qu’on est amené, pour des raisons pratiques, à donner pour nom au local où se déroulent les tenues et que l’usage a consacré celui de Temple.

    Selon les instructions très précises contenues dans les préliminaires du Rite (belge) Moderne, il faut utiliser le vocable « loge » et non celui de « temple ». La loge n'étant pas le temple, il faut éviter de parler du « temple », de « la porte du temple », etc. Le mot « Temple » ne doit donc être utilisé que lorsqu'il est effectivement fait allusion au Temple de Salomon.

    Pour René Guénon, le temple est le lieu de manifestation de la présence réelle de la Divinité. Les passages de l’Ecriture où il en est question sont ceux où il s’agit de l’institution d’un centre spirituel : la construction du Tabernacle, l’édification des temples de Salomon et de Zorobabel. Un tel centre, constitué dans des conditions régulièrement définies, devait être en effet le lieu de la manifestation divine, toujours représentée comme Lumière. La Franc-maçonnerie a conservé cette expression de « lieu très éclairé et très régulier » qui semblerait bien être un souvenir de l’antique science sacerdotale qui présida à la construction des temples.

     

    Le Temple de Salomon et la Tradition

    La réalité biblique, historique, archéologique nous apporte un éclairage primordial dans l’étude du Temple. Les seules sources dont nous disposons pour cette étude sont la Bible, et tout particulièrement les livres des Rois et des Chroniques, le Talmud et les écrits de Flavius Josèphe. A ces sources, depuis quelques années, viennent s’ajouter les Rouleaux de la mer Morte, écrits considérés actuellement comme ceux d’une communauté d’Esséniens vivant à Qumrân, dans les derniers siècles qui ont précédé notre ère.

    L’archéologie a puissamment contribué à exhumer l’antique civilisation hébraïque. De nos jours, les grandes nations envoient des missions d’étude en Terre Sainte. C’est à partir des résultats obtenus récemment par ces chercheurs dans les « Ecoles bibliques » permanentes de Jérusalem qu’il est devenu possible de décrire le site sur lequel repose Jérusalem, l’esplanade en son état actuel, le Temple de Salomon, ses proportions, son agencement, son mobilier, son décor…

    Il existe un grand nombre d’écrits bibliques et de parchemins égarés, puis retrouvés, qui confirment la construction et l’aménagement du Temple réalisé par Salomon. Ainsi, le Rouleau du Temple, trouvé dans la grotte XI de Qumrân est un document de première importance. Il aurait été composé entre 134 et 104 avant Jésus-Christ et il comprend la description de la magnificence du temple et des objets du culte ainsi que des bâtiments auxiliaires à étages et des parvis. Des valeurs numériques précises donnent les dimensions de toutes ces constructions, confirmant celles mentionnées dans I Rois.

    Conçu par David d’après la parole divine et réalisé par son fils Salomon, l’auteur des proverbes, de l’Ecclésiaste et du Cantique des cantiques, le temple aurait été construit en sept ans, mille ans avant notre ère. Mais, si la réalisation du Temple semble avoir duré sept ans, il faut remarquer que d’autres sources indiquent 6 ans 5 mois et 21 jours, précision assez surprenante mais qui donne un total de 77 mois que l’on peut écrire 7 fois 11 en y ajoutant 3 fois 7 jours. Il s’agit bien là de symbolisme numérique ! La construction du Temple et celle du palais de Salomon ensemble auraient débuté vers 967 avant notre ère et duré en tout une vingtaine d’années.

    La description du Temple se retrouve également dans l’étonnante prophétie d’Ézéchiel jusqu'au verset 48. Dans les chapitres 41 et 42 nous retrouvons les dimensions données au Temple de Salomon. Ce temple célèbre n’aurait cependant été que de petites dimensions : 30 mètres de longueur sur 20 mètres de largeur et d’une hauteur de 20 mètres également, avec des colonnes de 9 mètres. Ce qu’il faut retenir de ces dimensions, c’est le souci de donner des dimensions exactes à partir d’un étalon.

    Notons aussi que le style des colonnes a été inspiré des colonnes et obélisques qui précèdent les temples égyptiens et qui représentent des papyrus et des lotus. L’ornementation de ce petit temple aurait été luxueuse : placages de boiseries en cèdre avec des sculptures, des chérubins en bois d’olivier rehaussés d’or. Le Temple n’était en effet pas seulement fait de pierre mais aussi de bois

    Dans le récit biblique, il  est précisé que les pierres étaient taillées dans la carrière, équarries, sculptées, marquées et numérotées sur place et que de même, le bois de construction était abattu et préparé dans la forêt du Liban, sculpté, marqué et numéroté. C’est pourquoi la hache, outil spécifique du travail du bois, se justifie dans certains rites.

    Nous ne connaissons cet édifice que par les descriptions qui en ont été faites dans la Bible car il n’a pas laissé de traces identifiables par les archéologues. Jérusalem, espace réduit, est cependant connu du monde entier.

    Lorsque les Hébreux se sont installés sur leur terre tant promise, ils ont eu le désir de fixer la demeure de leur Dieu contribuant ainsi à garder le peuple sur place. Pour construire ce temple, cet édifice consacré au culte de Yahvé, les Hébreux ont dû faire appel à des spécialistes étrangers car ils n’avaient pas la main-d’œuvre qualifiée.

    Ce temple avait des dimensions précises. Abritant l’esprit saint, ce centre du monde reflétait le cosmos. Il était soumis à des radiations, à des influx. Il était ainsi orienté par rapport aux astres et plus particulièrement au soleil et à la lune.

    A la magnificence du bâtiment, il faut ajouter ses proportions, l’équilibre de ses masses qui avaient une influence sur le comportement des fidèles car dans cet édifice, tout était rythme, musique et harmonie des sphères.

    Tous les travaux ont été entrepris pour y installer l’Arche de l’Alliance symbole de l’alliance entre Dieu et son peuple, Arche qui, par les soins des prêtres, fut transférée au Débir, c’est-à-dire au Saint des Saints.

    Le Tabernacle a été réalisé par Moïse selon les prescriptions de l'Eternel. Les travaux d’édification du temple ont été confiés à Maître Hiram qui semble avoir joué un rôle particulièrement important dans cette réalisation. La légende s’est emparée de cet artisan qui fondit aussi les deux colonnes ornementales qui flanquaient la porte d’entrée. Hiram s’est inspiré des constructions de son époque et notamment du motif égyptien. Maître Hiram a marqué les constructeurs médiévaux. Le Compagnonnage puis la Franc-maçonnerie se sont emparés de ce mythe qui sert aux mystères initiatiques. En dehors du symbolisme du Temple, l’apport de ce drame humain rejoint une cosmogonie universelle.

    Du Temple de Salomon il ne reste rien. La description minutieuse qui en est faite dans le Livre des Rois n’a permis que des reconstitutions bien imaginaires que les fouilles archéologiques n’ont su accréditer. Quant au temple idéal d’Ezéchiel, il n’est qu’imaginaire, rêvé par un prophète venu cinq siècles après Salomon.

     

    Le site du Temple

    Bien que nous ne disposions d’aucune base vraiment sérieuse concernant la construction réalisée sous Salomon et,  surtout, pas le moindre vestige, il semble en tout cas certain que le Roi Salomon ait fait construire un temple à Jérusalem. Le nom de cette ville signifie « Ville de paix ». Mais pour mieux comprendre le symbolisme du site du temple de Jérusalem, nous devons nous rapporter au fait que d’après plusieurs versets de la Bible, le nom primitif de Jérusalem était Yebous, précision qui nous renvoie directement à un passage du second livre des Chroniques.

    « Salomon commença à bâtir la Maison de l’Etre éternel à Jérusalem, sur le mont Morîyah, où l’Etre éternel était apparu à David son père, à l’endroit que David avait fixé sur l’aire d’Ornan le Yebousî ».

    D’après ce passage, le site du temple était chargé d’un double passé historique : il était d’une part le site du sacrifice d’Isaac, et d’autre part le site où l’Etre éternel était apparu à David sur l’aire d’Ornan le Yebousî.

    Le récit du sacrifice de son fils Isaac par Abraham avait plusieurs sens :

    • avoir suffisamment de détachement vis-à-vis de sa famille pour pouvoir accorder la primauté à Dieu et à ses commandements ;

    • transmettre les mystères de la foi aux jeunes générations ;

    • passer de la lettre qui fait mourir à l’esprit qui fait vivre.

    Le site sur lequel repose Jérusalem est constitué d’un amalgame de collines aux pentes souvent rapides, sillonné de vallées sinueuses. La plus connue de ces collines est le mont Moriah (aussi orthographié Morîyah) sur lequel se dressait le Temple de Salomon. Le mont Moriah se prolonge au sud par la colline de l’Ophel (le doigt), moins haute et de forme allongée. L’Ophel fut occupée bien avant le Moriah : c’est la Cité conquise par David.

    Il semble que le choix du mont Moriah par Abraham et David pour y élever un autel soit plus probablement motivé par la disposition générale du site, face au mont des Oliviers que par la recherche d’un lieu qui serait le plus élevé de l’environnement.

    C’est dans un paysage tourmenté, grandiose, que s’est construite Jérusalem. C’est là que fut érigé le Temple et ses parvis dont il ne reste presque rien.

     

    L’origine égyptienne du plan tripartite du Temple de Salomon

    Les Livres des Rois et des Chroniques nous précisent que le Temple de Salomon était entouré d’au moins deux parvis et flanqué au sud d’un ensemble architectural comprenant un palais, la maison appelée « Forêt du Liban », le vestibule à colonnes (un portique, un porche ou tout simplement une cour entourée de portiques), le vestibule du trône, la maison de la fille de Pharaon.

    Le Temple de Salomon était distribué en trois salles, en trois parties successives :

    • l’Oulam (parfois aussi orthographié Ulam) : vestibule, parvis, porche ou portique qui mesurait approximativement dix mètres sur cinq ;

    • l’Hêkal: sanctuaire ou salle de la prière qui mesurait vingt mètres sur dix ;

    • le Débir (parfois aussi orthographié dvir) : Saint des Saints de forme carrée de dix mètres de côté.

    Ce plan tripartite est d’origine égyptienne :

    • la mer de bronze de l’Oulam du temple ne faisait que reproduire sous une forme en partie nouvelle le modèle fourni par les lacs sacrés qui se trouvaient devant les temples égyptiens ;

    • les colonnes Yakin et Boaz qui encadraient la porte de l’Hêkal dérivaient des pylônes qui entouraient la porte des temples égyptiens du nouvel empire ;

    • l’Hêkal correspondait à la salle hypostyle des temples égyptiens ;

    • le Débir, qui contenait sous la forme des deux kerouvîm ailés une représentation de la Trinité, correspondait à la chapelle des temples égyptiens, qui contenait une représentation du dieu.

    Il est donc permis d’affirmer que le plan tripartite des temples égyptiens du nouvel empire servit bien de modèle au plan tripartite du Temple de Salomon. La Bible elle-même le confirme en faisant dériver le Temple de Salomon du sanctuaire de l'exode, sanctuaire édifié par Moïse dont il est dit qu’il fut instruit dans toute la sagesse des égyptiens, formule qui inclut entre autres choses la connaissance de la symbolique propre à l’architecture des temples égyptiens. Avec sa division tripartite, le temple répondait à un symbolisme cosmique.

    Tout autour de cet ensemble, sur trois côtés plus exactement, se trouvaient des chambres, sur trois étages.

    Si l’on tient compte des épaisseurs des murs – fort épais en ce temps-là – le Temple apparaît comme un bâtiment d’environ 60 coudées sur 100, soit environ 30 mètres sur 50.

     

    Un modèle de sanctuaire

    De nombreux détails montrent que l’architecture du temple de Jérusalem se conformait à celle du sanctuaire de l’époque de Moïse. Plusieurs versets de la Bible attestent que le sanctuaire de cette époque reproduisait lui-même un modèle divin révélé à Moïse sur le mont Sinaï. Mais le seul modèle de sanctuaire que Moïse eut pu avoir sous les yeux, c’était la forme du ciel. Ainsi, le sanctuaire de l’époque de Moïse était une copie de la forme du ciel. Dès lors, le Temple de Salomon, qui reprenait certains éléments du sanctuaire mosaïque, était donc lui aussi une copie de la forme du ciel, d’un ciel étoilé. Il reproduisait la structure de la sphère céleste.

     

    Le temple en ses diverses acceptions

    Le Temple de Jérusalem et les temples humains

    D’après I Rois 5, 19 le roi Salomon s’apprêtait à bâtir « une Maison au nom de l’Etre éternel qui ne fait qu’un avec mes vertus ». Le temple de Jérusalem n’était pas la seule demeure de l’Etre éternel : celui-ci devait habiter également en Salomon et dans le peuple israélite.

    En d’autres termes, parallèlement à la construction du temple de Jérusalem, Salomon devait en outre édifier une postérité biologique, une descendance royale, qui soit aussi une postérité spirituelle à l’image, comme le temple, du symbolisme éthique et ontologique des constellations.

    Cette double valeur sémantique de la Maison, à la fois architecturale (elle désigne alors un temple) et anthropologique (elle désigne alors la postérité biologique et spirituelle de Salomon) avait déjà été exprimée par les Egyptiens qui appelaient leur roi « Pharaon », transcription du mot égyptien pir-ô signifiant « grande maison ».

    Le temple architectural, le temple céleste et le temple spirituel

    C’est le fils de David, le roi Salomon, qui fit bâtir le temple de l’Etre éternel à Jérusalem. Le prophète Isaïe avait cependant effectué une nette distinction entre ce temple architectural et le temple céleste. Il existe effectivement un lien entre ces deux temples puisque le premier (le temple de Jérusalem) reproduisait dans son plan la structure du second (le temple céleste). Le firmament étoilé (voûte céleste) était traditionnellement regardé comme un sanctuaire en raison du symbolisme éthique des constellations zodiacales et arctiques. Et c'est parce que ces constellations symbolisaient les vertus qu'elles constituaient un modèle tout indiqué pour servir de plan au temple de Jérusalem.

    Si Isaïe eut le mérite de distinguer le temple de Jérusalem du temple céleste, le prophète Jérémie eut pour sa part le mérite de distinguer le vrai temple spirituel (les vertus symbolisées par le temple de Jérusalem) du faux temple qu’étaient la conduite et les actions impies des juifs de son temps.

     

    Les protagonistes

    David avait eu onze enfants, dont Salomon conçu avec Bethsabée. Bien que Adonias devait être l’héritier légitime, le roi David avait fait oindre Salomon de son vivant afin de légitimer son choix. Adonias se révolta mais fut finalement mis à mort.

    Dans une vision du futur temple, le prophète Ézéchiel avait aperçu un être surnaturel, tenant une canne à mesurer qu’il donna au prophète en même temps que sa description générale toutes les mesures de l’édifice.

    David donna à Salomon les plans qu’il avait reçus de Dieu et qui devaient présider à la construction du nouveau temple.

    Le règne de Salomon fut principalement marqué par la construction du Temple consacré à Yahvé. Celle-ci eut lieu lors de la quatre cent quatre-vingtième année après la sortie des Israélites d’Egypte. Sur le mont Moriah surplombant la vallée du Cédron, s'édifia le Temple à la gloire de Dieu et non plus un temple à la gloire de l'homme ou de l'humanité.

    Pour ce faire, le roi Salomon envoya quérir un certain Hiram, fils d’une veuve de la tribu de Nephtali et d’un père Tyrien, artisan en airain. Il était rempli de sagesse, d’intelligence, de science pour faire toute œuvre en airain. Hiram vint donc chez le roi Salomon et devint le chef des travaux.

    Le nom « Hiram » est connu de tous les Francs-maçons du monde pour avoir été celui de l’homme qui construisit le Temple de Salomon. Mais si ce nom apparaît à plusieurs reprises dans les pages de la Bible, il faut cependant faire la distinction entre Hiram, roi de Tyr, qui aurait régné sur Tyr de 968 à 935, et Hiram Abi, que ce même roi a envoyé auprès de Salomon pour construire son Temple. Autant le premier n’est guère intéressant, si ce n’est par le fait qu’il a fourni à Salomon du bois pour les constructions, autant le second, dans son rôle de Maître – Architecte, est au cœur même du rituel maçonnique ! C’est la raison pour laquelle, dans toutes les Obédiences de par le monde, l'Élévation au sublime degré de Maître Maçon repose en majeure partie sur Hiram et l’accession à son savoir infini.

     

    La construction du Temple de Salomon

    Les offrandes de matériaux et de main d’œuvre

    Hiram Abi aurait eu sous ses ordres plus de cent septante mille ouvriers. Pour les documents bibliques, ce fondeur n’était qu’un artisan libre, détenteur de grands savoirs techniques. Principalement glorifié par le livre des Chroniques, la légende s’est rapidement emparée du personnage. Hiram Abi est devenu une figure – clef des rites compagnonniques et maçonniques.

    Le roi Hiram de Tyr offrit à Salomon des bois de cèdre, de cyprès, des maçons, cependant que l’artisan bronzier Hiram Abi façonna tous les objets de bronze.

    Participer de bon cœur à la construction d’un sanctuaire consacré à l’Etre éternel accompagnait le désir de devenir soi-même un sanctuaire de l’Etre éternel. C’est pourquoi tous les Israélites qui, de bon cœur, avaient prélevé sur leurs propres biens des matériaux pour les offrir en vue de la construction du sanctuaire témoignaient par ce sacrifice personnel leur désir sincère de devenir eux-mêmes un sanctuaire de l’Etre éternel.

    Le chantier

    La Bible nous indique que le bois réservé à la construction provenait du Liban : ses cèdres et cyprès étaient justement renommés. Ils étaient acheminés par flottaison jusqu'à la mer, chargés sur des barques à fond plat. Le bois était déchargé à Jaffa puis transporté sur environ 40 km et monté à environ 750 mètres. Avant son emploi, il fallait aussi le laisser sécher.

    Par ailleurs, il semble que des carrières de pierre se trouvaient à proximité du chantier où furent trouvés des blocs de 80 à 100 tonnes. Leur transport, leur levage ont sans aucun doute posé des problèmes qui font toujours notre admiration. Tous les matériaux étaient taillés avant leur arrivée sur le chantier.

    Proportions et numérologie

    En prenant connaissance des textes bibliques, les descriptions et dimensions du Temple de Salomon paraissent fort précises, bien que l’épaisseur des murs ne soit pas mentionnée. Le Debir est cubique, de 20 coudées de côté. En dehors de sa porte d’accès, il n’y a pas d’ouverture. C’est un lieu sombre. L’autel des holocaustes a un plan carré de 20 coudées de côté et une hauteur de 10 coudées. L’Ulam a une largeur de 20 coudées, sa hauteur étant de 30 coudées. Cependant d’après II Chroniques, la hauteur serait de 120 coudées. Le Hekal est établi sur un double carré, nommé aussi «carré long », donc 20 X 40 coudées et une hauteur de 30 coudées. Rapportée à notre système métrique, la coudée pourrait être comprise entre 49,5 cm et 52,5 cm.

    Aussi bien dans les dimensions de l’Arche de l’Alliance que dans les dimensions de l’édifice, la proportion 0,6 apparaît. La divine proportion semble rythmer la construction. Cette architecture répondait à un rythme, à une profonde loi harmonique qui lie chaque partie au tout. Cet édifice était de petites dimensions mais il est vrai que l’office devait se dérouler à l’extérieur pour une population fort réduite. Le Temple avait été conçu pour conserver en un lieu fixe l’Arche d’Alliance et ainsi maintenir le peuple sur sa terre.

    S’il intervient essentiellement comme demeure du dieu, la fonction du temple se limite généralement à abriter son image ou sa présence. Le peuple n’est pas autorisé à y pénétrer. Il ne peut accéder qu’aux aires dévolues aux sacrifices. Dans le cas du temple de Salomon, le Grand Prêtre n’y venait que très exceptionnellement, en de rares occasions codifiées, c'est-à-dire une à deux fois l'an.

    Les colonnes du Temple de Salomon

    Les documents bibliques apportent d’étonnantes précisions sur les colonnes. Cette minutieuse description doit sans doute évoquer un symbolisme particulier puisque ces deux piliers ne supportaient rien. Ils ne paraissaient pas avoir de fonction architecturale. On peut les considérer dans leur valeur ornementale, comme des obélisques à l’entrée du temple. Hiram a flanqué de deux colonnes le temple qu’il venait de faire édifier : l’une d’or, dédiée au soleil, l’autre d’émeraude, dédiée au vent. Ces deux colonnes hautes et majestueuses du Temple de Salomon signalaient ainsi la richesse d’un édifice établi à la gloire de Yahvé.

    D'après Jérémie, ces colonnes d’airain étaient creuses et l’épaisseur du métal était de quatre doigts, soit environ huit centimètres. Le Livre des Rois et les Chroniques ne donnent pas les mêmes dimensions. Dans le premier cas elles avaient une hauteur de dix-huit coudées (soit environ neuf mètres) et d’après le second document, trente-cinq coudées (soit environ dix-huit mètres).

    Jérémie indique également trente-cinq coudées, dimension qui semblerait logique puisque les chapiteaux faisant cinq coudées, la hauteur totale était de quarante coudées, nombre que nous retrouvons dans maintes parties de la construction soumise au symbolisme numérique.

    Hiram dressa la colonne de droite et l’appela Yakin. Il dressa la colonne de gauche et l’appela Boaz. Cette orientation paraît conforme à la description faite par Ézéchiel qui indique l’orientation du temple prescrit par Dieu et qui s’ouvrait à l’orient.

    Cet élément important d’après sa description faite dans la Bible, prend un grand intérêt pour les maçons opératifs du Moyen Age et plus tard dans la Franc-maçonnerie spéculative. Les commentateurs des rituels maçonniques se demandent si la droite et la gauche sont vues en entrant ou en sortant du temple. La position des colonnes J et B sont alors inversées et, en fait, ces dispositions diffèrent suivant les obédiences et les rites maçonniques.

    Boaz signifierait « en lui est la force ». Yakin ou Jakin signifierait « qu’il établisse ». Bien qu’aucun texte hébreu permette de rapprocher ces deux noms afin d’en faire une phrase, divers commentateurs ont formé des propositions comme « Il établit dans la force ». Guy Boisdenghien estime quant à lui que, reliés ensemble, les deux noms des colonnes hiramiques peuvent se comprendre par « C’est par la force qui est en Dieu qu’il établira ».

    Les trois étages

    Le Temple de Salomon comprenait trois étages qui reprenaient le modèle fourni par les trois étages de l’arche de Noë. Le Temple de Salomon renvoyait aussi à la stèle dressée par Jacob, stèle qui elle-même était censée représenter la structure du ciel étoilé vue par Jacob.

    Cette structure céleste était l’axe polaire entouré des constellations zodiacales et arctiques. Or cette structure se compose effectivement de trois étages : le rez-de-chaussée de la sphère céleste étant composé des constellations australes, le premier étage du ciel comprend les constellations zodiacales comprises entre le tropique du Capricorne et l’équateur ; le second étage du ciel comprend les constellations zodiacales comprises entre l’équateur et le tropique du Cancer ; le troisième étage du ciel comprend les constellations arctiques situées au-dessus du tropique du Cancer.

    Ces trois étages de la sphère céleste, représentés par les trois étages de l’arche de Noë et par ceux du Temple de Salomon, se retrouvent mentionnés dans le récit de la baisse des eaux du déluge.

    Le Livre des Rois ne donne aucune indication sur le nombre et la disposition des fenêtres dans le Temple de Salomon. Sur les anciens tableaux maçonniques, ces fenêtres n’étaient pas grillagées. Une confusion peut être décelée ici entre la loge et le temple car une loge opérative, lieu de travail, nécessitait effectivement d’être très éclairée, ce qui va à l’encontre du fait que leur lumière soit obscurcie par un grillage.

    L’escalier du temple

    L’escalier en colimaçons du temple reprenait le modèle fourni par l’escalier céleste. Cet escalier, c’est l’axe polaire qui, dans la Bible, a un double symbolisme ontologique et royal. La Genèse affirme que l’Etre éternel se trouve posté sur l’axe polaire, signe que l’axe polaire symbolise dans la Bible l’Etre éternel.

    En qualité de représentation de l’axe polaire, l’escalier du temple symbolisait non seulement l’Etre éternel, mais encore sa personnification qu’est sur terre le roi ou la fonction royale et qui est celle de tout chef de communauté dans la Bible, gouvernement qui implique l’obéissance corollaire des subordonnés.

    L’escalier du temple n’était pas qu’un symbole. Il y avait aussi un rôle purement instrumental : il conduisait au troisième étage. Et il y a tout lieu de croire que l’escalier du Temple de Salomon donnait accès au toit en terrasse où les prêtres montaient pour observer les constellations et méditer sur leur symbolisme.

     

    Le deuxième temple

    Le Temple de Salomon avait été édifié en environ sept ans par une main d’œuvre étrangère pratiquant des rites religieux désavoués par Yahvé. Cela n’avait pas été accepté par le peuple juif. Salomon, qui s’était laissé abuser par l’amour des femmes, avait laissé pratiquer d’autres rites religieux que le roi David n’aurait sans aucun doute jamais acceptés. Un temple construit par celui qui pratiquait l’idolâtrie ne pouvait être pur et il s’avérait nécessaire de détruire ce qui avait été édifié par le démon.

    Salomon avait fait bâtir un temple à la gloire du Très Haut mais avait-il le droit d’enfermer Dieu dans un édifice réalisé par l’homme ? Dans de nombreuses civilisations, la maison de pierre représente un linceul dur et étouffant, une prison qui retient le corps. De même la pierre, qui contient la divinité, ne peut être taillée : les Saintes Écritures reviennent à maintes reprises sur cette interdiction de tailler la pierre, ce qui rend naturellement impossible la construction ordonnée d’un édifice important.

    Sur le plan matériel, c’est Nabuchodonosor, roi de Babylone, qui, à la tête des Chaldéens, a détruit le temple de Salomon en 587 avant Jésus-Christ. Même sur le plan matériel, le temple détruit nous enseigne et nous laisse un message.

    Grâce aux fouilles archéologiques il a été possible de retrouver le climat des plus anciennes civilisations. Avec les ruines supposées du Temple de Salomon, nous pouvons découvrir un sens plus concret donné aux légendes. C’est ainsi que les Templiers sont devenus les gardiens de cette pensée spirituelle alors qu’ils n’ont occupé que quelques annexes du second temple, mais cette pensée est mieux exprimée par une très belle légende dans les Hauts Grades du Rite Écossais Ancien et Accepté.

    Le plus petit vestige peut nous mettre sur la voie, nous rattacher à un passé en nous communiquant quelque éclat d’une pensée originelle. Nous avions sans doute déjà cette pensée en notre esprit mais il suffit du plus petit incident pour déclencher en nous une émotion, un souvenir qui nous permettent de renouer avec une tradition que nous créons à chaque instant.

     

    Reconstruction du Temple

    Si le temple humain n’a qu’une vie éphémère, sa reconstruction s’impose : avec ténacité l’homme reconstruit, relève les ruines en affirmant à nouveau sa foi. Et c’est bien d’une restauration cosmique dont il s’agit.

    Ainsi, les Juifs ont décidé la reconstruction du Temple. Yahvé éveilla l’esprit de Cyrus qui en décréta la réfection, lors de la deuxième année du règne de Darius. Josué et Zorobabel reconstruisirent le Temple entre 520 et 515. Ces travaux n’ont duré que quatre ans.

    Ce second temple, qui ne paraît pas avoir eu la richesse de celui de Salomon, fut appelé le Temple de Zorobabel, du nom du prince qui gouvernait alors le pays. Mais le Saint des Saints était vide : l’Arche d’Alliance n’existait plus depuis la destruction du temple précédent. Ce second temple subit attaques et pillages dont ceux de Pompée et de Crassus.

     

    Le troisième temple

    Une restauration s’imposait. Elle fut entreprise par Hérode le Grand en l’an 37 avant notre ère. Grâce à de très importants travaux de soutènement et de remblayages, le roi put augmenter la surface du temple et de ses dépendances, couvrant ainsi une surface de 25 hectares. Son fils Hérode Agrippa continua les travaux entre 24 et 64 de notre ère. Malgré ces travaux importants et la magnificence de la décoration, ce troisième temple est fort peu évoqué.

    La destruction du Temple avait été prédite par Jésus. C’est ainsi que les légions romaines l’ont incendié et pillé en 70 de notre ère. Mais avec la ruine de Jérusalem correspondit l’avènement du règne messianique : à l’ancienne Alliance succéda le message du Christ. Cette nouvelle alliance fut ratifiée par le sang de Jésus.

    En annonçant « Je peux détruire le sanctuaire de Dieu et le rebâtir en trois jours » (Matthieu XXVI, 61), Jésus soutient toujours la même pensée : plus qu’un temple matériel qui sera détruit, c’est un temple immatériel qu’il nous faut construire en nous-même, temple immatériel qui, lui, sera toujours vivant tant que nous conserverons notre foi. La destruction du Temple est une catastrophe car c’est revenir à nos origines terrestres, à la perte du paradis. La restauration de la Maison de Dieu ne peut ainsi se concevoir que sur le plan cosmique.

     

    La Jérusalem céleste

    Le châtiment imposé par Dieu à son peuple élu ne fut cependant que transitoire : une Jérusalem céleste dont Abraham eut la vision sera instaurée : un Temple archétype. La Jérusalem céleste figure dans l’Apocalypse de Jean (XXI, 10 – 23). Elle paraît circulaire alors que sur terre elle est carrée. Les deux mondes, ciel et terre, sont donc intimement associés et nous pouvons songer à la quadrature du cercle, image que nous retrouvons avec le dôme qui recouvre le plan carré des églises, un carré ou carré long.

    Pour le prophète Ézéchiel, le monde est à l’image du Temple céleste et la création reflète le Temple de Dieu. C’est pourquoi la divinité précise et indique comment son Temple doit être réalisé. Le Temple d'Ézéchiel n’a jamais été réalisé d’une manière concrète. Il reste à l’état visionnaire, tout en étant éternel dans sa projection hors de notre monde, alors que le temple de Salomon en devenant concret marque la fin d’un temps.

    La prophétie est une réalisation concrète mais elle s’établit dans le monde spirituel de l’âme, une réalité secrète que nous ne pouvons voir qu’avec les yeux de l’âme, en dehors de l’expérience sensorielle.

    Le cercle étant l’image de la perfection, la Jérusalem céleste a été représentée sous forme circulaire alors que l’Apocalypse (XXI, 16) nous révèle que « sa longueur, sa largeur et sa hauteur sont égales », ce qui conduit à songer à un cube avec ses six faces. Cela signifierait-il qu’il faille inclure ce cube dans une sphère ?

     

    Réalisations de l’édifice sacré

    Réalisations matérielles

    Tout nous permet de penser que les premiers lieux de culte, demeures des divinités, ont été des endroits naturels, élevés, où règne une bonne température et d’où les bruines et brouillards sont absents. C’est le cas de bois, de rochers ou de cavernes, exposés ni aux grandes chaleurs ni aux grands froids. Des cavernes, qui ont souvent abrité des personnages illustres, ont été aménagées pour rendre un culte aux divinités et sont devenues des sanctuaires.

    Les exemples sont multiples en Egypte, en Turquie, en Inde, en Ethiopie. La caverne est la première forme du temple. Dans son atmosphère humide et mystérieuse, nous découvrons la déesse – mère, la vierge noire, force vitale d’une royauté céleste, qui a la couleur du commencement du Grand Œuvre.

    La simplicité du culte rendu dans la nature même, aux forces de la nature, ne conduit pas forcément à la création d’un édifice aux caractéristiques rigoureusement définies, dépendant d’un art sacré qui serait régi par un dogme. Ainsi, le temple celtique n’existe pas sous forme de construction comme un templum romain mais le nemeton est un lieu naturel, sacré, où se rassemblent les fidèles. Faut-il aussi rappeler que c’est dans les souterrains de Rome, à l’abri des regards, que les chrétiens pourchassés ont établi leur culte ?

    Le sentiment du sacré diffère d’une religion à l’autre, reflétant des particularités et des modalités de diverses célébrations rituelles. Chez les chrétiens, il s’agit de déterminer un endroit de rassemblement, un espace matériel où il est possible de pratiquer le sacrifice de l’Eucharistie, de rompre le pain et de boire le même vin : cela paraît réalisable dans n’importe quel local à condition cependant que l’orientation et les courants magnétiques lui soient bénéfiques.

    La synagogue, du simple lieu de rassemblement où les croyants prient en faisant la lecture des textes sacrés, est devenue la synthèse de formes fonctionnelles. La mosquée n’est qu’un mur abritant une niche orientée vers La Mecque, le mihrab. Pour recevoir des fidèles de plus en plus nombreux, les religions ont recherché des édifices plus importants, décorés de manière permanente, où les fidèles pouvaient se rassembler à tout moment. C’est ainsi qu’il existe une grande variété de mosquées, de synagogues et d’églises, chacune d’elles possédant ses propres rituels.

    Seul le Temple de Jérusalem paraît avoir été réglementé par Dieu qui a fourni un plan à observer strictement. Le symbolisme du temple pourrait être un pont jeté entre les Ténèbres et la Lumière, entre le haut et le bas. Le temple, cet édifice archétype, reproduit l’architecture de l’Univers, la base correspondant à la terre, l’espace intermédiaire à l’air et le toit à la voûte céleste. Tout édifice sacré est conçu à l’image du monde.

    Lieux sacrés

    Un lieu sacré est un espace naturel dont le caractère le singularise : montagne, forêt, grotte, source, île… Un lieu sacré peut également être un espace aménagé : calvaire, autel, église, temple. Dans chacun des cas, une consécration cérémonielle s’y déroule afin de perpétuer le souvenir : ce sont des pèlerinages, des processions, des fêtes. Ces lieux sacrés ont leur temps propre : le temps sacré diffère du temps profane. En Franc-maçonnerie, les travaux ont lieu symboliquement de Midi à Minuit.

    Les lieux sacrés ne sont jamais choisis par l’homme. Il les découvre, tout simplement. Un haut lieu est ainsi investi d’un pouvoir que nous discernons avec difficultés car en ce lieu règnent les forces de la vie occulte.

    Ces espaces sacrés, soumis à une hiérophanie – lieu sacré ou sacralisé – où se manifestent des forces qui nous demeurent inconnues, font naître l’idée d’un centre, lieu localisé où se produit, avec plus d’intensité, la rupture des niveaux de l’entendement. Ainsi, la montagne, dans le symbolisme traditionnel, joue un rôle capital car elle possède les trois mondes : ciel, terre et enfer. Le mont Meru en Inde est assimilé au centre et à l’axe du monde autour duquel gravite tout le système cosmique. Piliers, poteaux, pyramides deviennent des axes du monde. Les habitations et les temples représentent la montagne céleste.

    Tout espace sacré doit être matérialisé en s’organisant autour d’un centre, un point reconnu par celui qui est en communication avec le Divin. Les qualités subtiles du lieu doivent être reconnues par l’astrologie, par la géomancie. A partir du centre, matérialisé par un mât, les quatre angles sont déterminés en effectuant une orientation rigoureuse qui se réfère aux points cardinaux car il faut canaliser toutes les énergies. Sur un cercle dessiné au sol, sur une surface plane, l’ombre portée au lever, au zénith et au coucher du soleil est notée à partir d’une simple tige verticale. Ce gnomon fait paraître les deux axes, est – ouest ou decumanus et nord – sud ou cardo. Le carré qui s’inscrit dans le cercle initialement tracé peut ainsi être établi. En général, la porte se situe à l’est et l’axe de l’édifice s’oriente de l’est à l’ouest.

    Dans cette simple figure, tous les éléments de l’architecture sacrée sont déjà présents : cercle, croix, carré, avec leur orientation à partir du système solaire. Au cercle – le ciel – s’associe le carré – la terre – : l’esprit pénètre la matière et c’est là le processus de la création. En liant le carré au cercle on établit la quadrature du cercle. Tout le symbolisme du temple découle de cette première figure.

    Le mât, pilier central, axe du monde, crée le centre qui paraît immobile. Même lorsque ce pilier est invisible, son principe n’en reste pas moins déterminant et c’est lui qui conditionne la fonction du temple. C’est à partir de lui que s’établit le Saint des Saints, le chœur, le lieu où le mystère peut s’accomplir.

    Le rite de fondation du temple comporte souvent un sacrifice, une offrande. Le rite catholique honore les fondations : le prêtre asperge d’eau bénite les massifs de base afin d’en chasser les mauvais esprits, pose la première pierre sur laquelle une croix est gravée. Le nouveau sanctuaire est le plus souvent édifié à l’emplacement d’un ancien édifice religieux, donc sur un lieu déjà consacré. De nos jours, des appareils de détection confirment la présence des radiations, des courants de forces, mais la présence de cours d’eau a aussi son importance.

    Le rite de consécration d’un temple maçonnique présente des similitudes : lors de l’érection des colonnes, de l’eau, de l’huile et du blé sont offerts au Grand Maître qui procède à la consécration du local où se dérouleront les Tenues.

    Le temple, qui est relié aux forces terrestres, dépend également des puissances cosmiques. La construction d’un temple a le plus souvent été solidaire du mythe cosmogonique.

    Tout comme l’Univers visible se développe à partir d’un Centre et s’étend vers les quatre points cardinaux, le temple se constitue lui aussi autour d’un croisement.

    Généralement, toute église reproduit la structure du cosmos. Elle est ronde ou carrée, comme la Jérusalem céleste. Pour la construire, il faut utiliser le compas, le cordeau et l’équerre. Cet édifice, dans le culte catholique, ressemble aussi au corps humain. La tête reçoit le sanctuaire avec son autel ; les transepts sont les bras ; le corps recouvre la nef. Cercle ou carré, cube ou sphère, en réalité ces deux formes sont toutes deux parfaites. Le cercle, sans commencement ni fin, avec des points situés à égale distance du Centre est bien à l’image de Dieu, illimité dans son infinité. Le carré, figure stable, est à l’image de la terre qui reçoit l’influence du ciel, le cercle. Il faut faire entrer la terre dans le ciel, le carré dans le cercle, le cube dans la sphère.

    Tel est le fondement de la quadrature du cercle, problème que l’on ne peut résoudre s’il s’agit de surfaces mais que les anciens et les Compagnons ont su traiter en établissant un carré dont le périmètre est égal à celui d’un cercle donné. On passe ainsi du carré au cercle, du cube à la sphère, comme le Maçon passe de l'Équerre au Compas.

    Le plan des églises est établi en fonction du culte et du symbolisme religieux. Dans l’antiquité, par contre, les temples étaient généralement conçus sous la forme d’un rectangle, avec trois salles principales d’inégales dimensions. C’est là le plan adopté en Egypte notamment mais aussi au Liban et chez les Assyriens et les Phéniciens. Le Temple de Salomon a été réalisé sur les mêmes dispositions.

    Le christianisme a innové : le plan rectangulaire est devenu une croix latine et le toit traité en terrasse s’est inspiré de la coque d’un bateau renversé ou d’une coupole, ce qui correspond mieux à notre climat.

    Temples antiques, mégalithes, pyramides et tumuli ont presque toujours été orientés suivant un axe est – ouest, allant du soleil levant au soleil couchant en donnant toute son importance à l’orient qui est observé à partir de la porte. Tous les fidèles bénéficient ainsi du rayonnement de ce lieu très saint marqué par les quatre points cardinaux.

    Réalisations architecturales

    Pour l’établissement de son temple, Dieu avait donné des indications précises. Aussi bien David, Salomon qu’Ézéchiel ont confirmé ce désir d’une architecture dépendant d’une harmonie basée sur la numérologie, s’intégrant dans une représentation cosmique. Ce fait fut encore confirmé lorsque l'Eternel confondit Job et révéla sa sagesse créatrice (XXXVIII, 2 à 7). Ainsi Dieu, Architecte de l’Univers, est le plus parfait des architectes sur terre. Platon en a fait le Grand Géomètre car tout est mesure dans la nature et les cinq polyèdres réguliers sont l’expression de la perfection formelle.

    Le temple initialement défini par Yahvé a une forme rectangulaire et correspond à l’architecture pratiquée à cette époque. Ézéchiel, lors de sa vision, décrivit le temple futur et en donna les dimensions : toujours mêmes proportions d’un archétype céleste que l’on désire reproduire.

    L’église spirituelle a pris comme symbole une église de pierre : depuis la pose de la première assise jusqu'à la dédicace, un rituel naît pour aboutir à l’image de la Jérusalem céleste. La construction d’un temple est un don de Dieu. Les textes bibliques insistent sur les pierres vivantes qui réalisent la construction la plus sacrée, unies par un ciment, l’amour.

    En analysant les dimensions du temple, il est possible d’y découvrir les figures géométriques simples, divers aspects triangulaires, des rapports entre le carré et le cercle ou ceux du carré long. Les mesures sont le plus souvent des multiples simples de coudées tout en respectant des valeurs symboliques. La divine proportion s’y retrouve également comme elle existe partout dans la nature et plus particulièrement dans le corps humain. On y retrouve des nombres mystiques comme 3, 6, 7, 11 et 12 notamment. Sachons simplement reconnaître que les édifices anciens possédaient une harmonie numérique.

    Le nombre, qu’il ne faut pas confondre avec les chiffres, est un langage. La puissance créatrice en est l’expression. Le nombre est rythme, condensation de la pensée et se manifeste par une force active créatrice de toutes les formes. Il est la base de l’harmonie et traduit la cohésion de l’univers.

    Le Temple, demeure de Dieu, sacralise tout l’espace. Lieu privilégié, il est un centre du monde car de là tout rayonne et le chaos s’ordonne. En ce point précis, très particulier puisque la présence de Dieu y a été décelée, passe l’axe du monde qui relie directement la terre au ciel. Cet axe qui permet la communication de deux mondes peut être matérialisé par un arbre, une montagne. Dolmens, chapelles, temples délimitent ainsi cet espace. Qu’importe sa forme puisqu'en son centre tous les influx peuvent circuler.

    Représentations artistiques

    En dehors des rituels, les artistes appartenant à la Franc-maçonnerie, ont souvent repris le thème de la construction du Temple de Salomon. Plus particulièrement les décors maçonniques et compagnonniques aiment représenter le Temple de Jérusalem, un temple imaginé avec un nombre symbolique de marches représentant souvent un degré d’initiation. Des tabliers fort brodés sont ainsi souvent exposés.

    Les temples maçonniques qui pratiquent des rites basés sur cette construction ont aussi souvent voulu en reproduire le décor.

    Réalisations spirituelles : Temple et Franc-maçonnerie

    Les temples maçonniques, constitués de la manière la plus traditionnelle, se réfèrent principalement à la description du Temple de Salomon, puis parfois à celle du temple construit par Zorobabel. Les autres temples antiques paraissent méconnus.

    Le symbolisme qui se dégage des textes bibliques a marqué considérablement les constructeurs médiévaux : triangles, équerres, compas, dimensions et proportions, les deux colonnes J et B entrent dans la construction des églises et cathédrales médiévales. Ces deux colonnes sans architrave ne consolident pas l’édifice mais servent uniquement à la décoration.

    Dans les trois religions abrahamiques, c’est-à-dire le Judaïsme, le Christianisme et l’Islamisme, le Temple réalisé par Salomon tient une très large place. Par ailleurs, l’étude des Anciens Devoirs met bien en évidence que le Temple de Salomon, ses colonnes et la symbolique qui s’y rattache ne font pas partie du fonds maçonnique ancien. Ce n’est vraisemblablement qu’au 18ème siècle que ces thèmes ont commencé à s’agréger au corpus maçonnique.

    Il semble bien que ce soit la diffusion de l’ouvrage « La Nouvelle Atlantide » de Francis Bacon en 1627 qui ait été l’élément moteur de cette transformation. Dans cet ouvrage, on assiste à la découverte par des navigateurs, d’une île merveilleuse où s’est développée une civilisation parfaite, basée sur « la » Connaissance, Connaissance de la science, des hommes, des arts… pour approcher la vérité. Il y est également dit que les sages de cette société travaillent à  cette approche dans le cadre d’une assemblée se réunissant dans la « Maison de Salomon ». Cette Maison de Salomon, Temple de la Sagesse, de la Connaissance était dans l’esprit du temps, comme un nouvel idéal dépassant de loin tout ce que la philosophie et les religions mettaient au service des hommes.

    Quand les savants anglais se réunirent quelques dizaines d’années plus tard pour fonder la « Royal Society », ils se considéraient comme créateurs d’une « Maison de Salomon », de « La » Maison de Salomon. Or, parmi les fondateurs de la Maçonnerie de 1717, nombreux étaient les Frères qui appartenaient à la fois à la Maçonnerie et à la « Royal Society ». C’est ainsi que le Temple, la Maison de Salomon devint une des pierres fondamentales de la Franc-maçonnerie. Depuis le début du 18ème siècle, le Compagnonnage et la Franc-maçonnerie ont exploité le symbolisme d’un cadre légendaire en visant l’aspect cosmique du Temple.

    Les Old Charges, ou Vieux Devoirs, ont fait apparaître l’importance du Temple de Salomon comme modèle de la loge, ont repris et développé le thème de sa construction. Selon le Dumfries (1710), la loge doit s’étendre, tout comme le Temple de Jérusalem, d’est en ouest. En traçant un historique fort libre des origines de la Franc-maçonnerie, les Constitutions d’Anderson idéalisent Salomon.

    La porte du temple est le lieu d’accès qui marque la limite entre l’enceinte sacrée et le monde profane ou la limite entre les parvis et le temple. Elle est située à l’occident, là où le soleil disparaît, entre les Colonnes J et B. Tout récipiendaire ou Franc-maçon qui entre dans une loge maçonnique doit passer obligatoirement entre ces deux colonnes.

    La porte basse est un passage obligé pour le récipiendaire dûment préparé, ni nu ni vêtu. Tous les profanes franchissent la porte du temple dans la même situation de simplicité et sur un pied d’égalité. Pour certains récipiendaires, franchir la porte basse est probablement difficile car ils sont ainsi mis en situation d’humilité.

    Dans la Maçonnerie Disséquée, datant de 1730, due à Samuel Prichard, un bref dialogue du premier grade considère le pavé mosaïque aussi bien comme le plancher d’une loge que comme le dallage du Temple :

    • Avez-vous des meubles dans votre loge ?

    • Qu’est-ce ?

    • Le pavé mosaïque qui couvre le sol de la loge, l’étoile flamboyante au centre et la bordure dentelée autour.

    Au grade de Maître, les questions suivantes étaient posées :

    • Quels sont les bijoux du Maître ?

    • L’entrée du Temple, les fenêtres et le pavé d’équerre.

    • Veuillez les expliquer.

    • L’entrée conduit au Saint des Saints, les fenêtres laissent entrer la lumière, le pavé d’équerre le sol du Temple.

    Remarquons qu’Alex Horne considère que la définition du Pavé mosaïque comme élément architectural du Temple est mythique et qu’il n’existe aucune preuve archéologique ou biblique susceptible de confirmer le bien fondé de cette définition.

    Le temple maçonnique, carré long, se situe sous la voûte cosmique. Pour bien matérialiser ce fait, le plafond est souvent constellé d’étoiles et parfois les signes du zodiaque situent les membres sous des influences planétaires. La voûte étoilée suggère l’infini, la progression spirituelle, le toit du monde. La voûte azurée constitue le toit naturel du temple de Salomon à ciel ouvert.

    Dans ce lieu consacré, répondant aux décors établis par Salomon sur l’ordre divin, les jeunes Maçons, aux premier et deuxième degrés, se réfèrent aux rites de métier, en exaltant la puissance des outils.

    Les rituels d’Apprenti et de Compagnon ont été influencés par le Compagnonnage. C’est à partir du troisième degré que la Maçonnerie fait appel au symbolisme du Temple tant décrit dans la Bible. Carré long recouvert de la voûte cosmique, le temple maçonnique est un lieu symboliquement orienté, un centre du monde.

    Enceinte fermée sur l’espace profane, à l’abri des rumeurs de la ville, bénéficiant de la pénombre propre à la réflexion, éclairée par des luminaires aux flammes vivantes, cet îlot sensible est symboliquement étranger aux préoccupations du monde et du temps profane. Le temple maçonnique qui possède toutes ces caractéristiques, peut être installé en n’importe quel lieu tout en étant sacré.

    Ce lieu est bien celui de la contemplation, comme le suggère le terme templum. En effet, faut-il le rappeler, le mot latin templum désigna tout d’abord un vaste espace découvert de toutes parts, d’où la vue pouvait observer attentivement tout le champ d’horizon alentour. Contempler, c’est viser le Ciel depuis le temple définissant le champ de la vision. Ainsi, l’idée de contemplation introduit celle de consécration. Le terme désigna en effet particulièrement le champ du ciel, l’espace du Ciel découvert, où l’on peut observer le vol des oiseaux, pour l’interpréter. Sans doute l’idée du temple cosmique serait-elle à inscrire dans cette perspective ? Ainsi sacralisé, le mot templum a désigné finalement le sanctuaire, l’édifice sacré connu sous le nom de temple, lieu d’une Présence divine et de sa contemplation.

    Dans le contexte des bâtisseurs médiévaux, la Loge fut considérée, et l’est encore d’une certaine manière, comme un lieu éclairé et régulier où la Lumière divine peut se manifester à l’écart du monde extérieur et chaotique.

    Dieu lui-même est le temple des croyants, et réciproquement, les croyants sont eux-mêmes le temple de Dieu. C’est tout le motif de l’homme – temple, de la communauté – temple. Malgré le fait qu’elle s’inscrive dans un espace concret, la loge maçonnique n’a en effet de sens que par la rencontre des individualités qui la composent et qui forment une communauté – temple. Etre homme – temple, c’est être soi-même espace de contemplation, et partant, espace consacré.

    Bien qu’elle possède des affinités avec le Temple de Jérusalem, la loge maçonnique est plutôt une image de l’Homme / Temple virtuellement incarné par les Maçons eux-mêmes lorsqu'ils se rassemblent. Mais que viennent-ils faire en Loge ?

    La raison d’être d’un Maçon en Loge est clairement définie dans le Recueil précieux de la Maçonnerie Adonhiramite de Guillemain de Saint Victor datant de 1766. En effet, dans l’introduction se trouve le précepte suivant : « … souvenez-vous que pour les vrais Maçons, les richesses et l’orgueil ne sont que des chimères. Enfants du même Dieu, tous les mortels sont Frères, le vice seul est bas, la vertu fait le rang, et l’homme le plus juste est aussi le plus grand ».

    Nous pouvons y relever que la notion de liberté est indissociable de celle de bonnes mœurs qui est assimilée à la compagnie des êtres vertueux quelle que soit leur condition sociale :

    • Que fait-on à la loge de Saint Jean ?

    • On y élève des Temples à la vertu et l’on y creuse des cachots pour les vices.

    • Qu’apportez-vous ?

    • Salut, prospérité et bon accueil à tous les Frères.

    • Que venez-vous faire ici ?

    • Vaincre mes passions, soumettre ma volonté et faire de nouveaux progrès dans la Maçonnerie.

    • Qu’entendez-vous par Maçonnerie ?

    • J’entends l’étude des sciences et la pratique des vertus.

    • Dites-moi ce que c’est qu’un Maçon ?

    • C’est un homme libre, fidèle aux lois, le frère et l’ami des Rois et des bergers lorsqu'ils sont vertueux

    Le Vénérable occupe la chaire du roi Salomon. La référence à Salomon est le signe qu’une relation étroite a existé entre les générations de Maçons qui se sont succédé en Terre Sainte pour apporter plus tard l’Art royal en Europe et la tradition mystique juive à laquelle ce dernier est directement lié. L’importance des hébraïsmes en Maçonnerie ne saurait s’expliquer autrement. Le Temple de Salomon, depuis longtemps disparu, représente donc plutôt, au plan maçonnique, le prototype du Temple comme image du Centre suprême dont Jérusalem est, plus largement, l’une des projections majeures.

    Reconstruire le temple, c’est organiser harmonieusement l’humanité. Après la désacralisation c’est, à partir des principes traditionnels, restaurer l’homme dans sa dignité originelle en le faisant participer à une vie collective. Il y a alors régénération tant matérielle que spirituelle.

    Symboliquement, la destruction du Temple, la perte du Paradis, correspondent à notre entrée dans le monde matériel qui est exil et désacralisation. Or nous avons la nostalgie du Paradis : le Temple représente ce lieu sacré situé dans l’intemporel, dans le vaste espace d’où nous pouvons tout observer, tout ressentir, à la jonction de la terre et du ciel.

    La destruction du Temple qui a entraîné la perte de la connaissance chez les Hébreux, correspond à la destruction physique de maître Hiram. Son corps est assimilable au Temple de Salomon, puisque sa mort a pour conséquence la perte du mot de maître.

    La parole perdue représente aussi le secret de l’initiation véritable, et la recherche du corps du maître, celle de la tradition perdue dans son intégralité. Quand le corps est retrouvé, la tradition est rétablie, bien qu’amoindrie, par le remplacement du mot sacré par un mot substitué.

    Le Temple achevé concrètement est sans doute celui du monde accompli. Mais nous pouvons espérer davantage : rêvons à ce Temple que nous portons en nous et qui ne peut être achevé. Alors le temple d’Ézéchiel devient l’archétype de notre désir et il règne dans l’éternité.

    Quelques rituels maçonniques des Hauts Grades nous mettent en garde contre la destruction du temple, signe de la désacralisation du monde. Tout Franc-maçon doit participer activement à la construction du temple : tâche spirituelle infinie, écrasante, puisque c’est rechercher le véritable centre de l’union.

    Le temple du Franc-maçon s’étend de l’Orient à l’Occident, du Septentrion au Midi, du Nadir au Zénith, ce dont il est déduit que la Franc-maçonnerie est universelle.

    Cette notion d’universalité ne doit pas être confondue avec l’idée d’une expansion mondiale de l’Ordre ni avec celle de son rayonnement. La référence à l’image de la croix montre davantage en quel sens la loge se déploie dans l’espace suivant les axes et les directions fondamentales qui, à l’échelle du cosmos, procèdent du Point géométrique originel. Ce dernier, que Dante identifie à Dieu lui-même, est donc le centre à l’intérieur duquel la loge se constitue.

    Mais la manifestation de ce Point à travers les trois dimensions de la sphère cosmique s’effectue par les six branches de la croix, symbole du Verbe et de l’Homme Universel. En tant que Principe de l’Existence, celui-ci synthétise la totalité des états de l’être. A la fois Lumière et Parole, il préside à la régénération initiatique et représente le but suprême de la réalisation spirituelle.

    Ce temple infini et indéfini, qui embrasse l’univers est cependant clos et couvert. C’est un temple qui jamais ne pourra se terminer mais qu’il faut cependant construire un peu plus chaque jour.

     

    Synthèse en guise de conclusion

    Depuis les temps les plus reculés, on s’accorde à dire que tous les véritables temples représentent le cosmos. C’était déjà vrai pour les temples égyptiens. La tradition égyptienne s’est transmise au temple chrétien en passant par celui de Jérusalem.

    Dans le plan du temple de Louxor s’inscrivait parfaitement le corps d’un homme. C’est pourquoi le temple est devenu le symbole de l’homme comme être spirituel, et le symbole de l’humanité.

    Pour les religions, temples et églises sont les demeures de Dieu sur Terre. Ce sont donc des lieux privilégiés pour le prier, pour entrer en relation avec lui. Pour le constructeur, construire un temple ou une église était à la fois construire une demeure à Dieu et se construire soi-même.

    La Franc-maçonnerie, héritière de diverses Traditions dont celle des constructeurs, nous apprend à nous construire, c’est-à-dire à nous réordonner et à retrouver notre place dans l’univers. Le modèle qu’elle nous propose, éprouvé et patiné par les siècles, est la construction du temple de Salomon, assimilé au temple de l’homme et au temple de l’univers.

    Sur cet énorme chantier, l’Apprenti a un rôle modeste. A l’écart dans la carrière, il taille sa Pierre, qui sera pierre de fondation et pierre de parement tout à la fois. Il ne doit ni se décourager devant l’ampleur de sa tâche, ni se démotiver par sa place à l’écart et son rôle en apparence restreint.

    R :. F :. A. B.

     

    Bibliographie

     

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995 - Pages 153 à 154

     

    Bayard Jean-Pierre - La Symbolique du Temple

    Editions Edimaf, Paris, 1991

     

    Berteaux Raoul - La Voie symbolique

    Editions Edimaf, Paris, 1988

     

    Chalvon-Demersay Guy - Le symbolisme du temple et le nouveau temple

    Recherches de science religieuse, 1994

    Tome 82 - Pages 165 à 192

     

    Congar Yves - Le mystère du temple

    Editions du Cerf, Paris, 1958

     

    Corbin Henry - Temple et contemplation

    Editions Flammarion, Paris, 1981 - Pages 285 à 422

     

    Ducluzeau Francis - Ethique, sagesse et spiritualité dans la Franc-maçonnerie

    Editions du Rocher, Monaco, 2002

     

    Dumas Pierre - Le Temple de Jérusalem

    Editions Belisane, Nice, 1983

     

    Geay Patrick - Mystères et significations du Temple maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1997

     

    Guénon René - Le Roi du Monde

    Editions Gallimard, Paris, 1973

     

    Guigue Christian - Les Planches du Maître

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 2002

     

    Hani Jean - Le symbolisme du temple chrétien

    Editions Trédaniel, 1978

     

    Horne Alex - Le Temple de Salomon et la tradition maçonnique

    Editions du Rocher, Monaco, 1990

     

    Lhomme Jean – Maisondieu Edouard – Tomaso Jacob

    Dictionnaire thématique illustré de la Franc-maçonnerie

    Editions du Rocher, Monaco, 1993

     

    Lhomme Jean – Maisondieu Edouard – Tomaso Jacob

    Ésotérisme et spiritualité maçonniques

    Editions Dervy, Paris, 2002

     

    Mainguy Irène - La symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2001

     

    Mondet Jean-Claude

    La Première Lettre - L’Apprenti au Rite Écossais Ancien et Accepté

    Editions du Rocher, Monaco, 2005

     

    Négrier Patrick - Le Temple de Salomon et ses origines égyptiennes

    Editions Télètes, Paris, 1996

     

    Parrot André - Le Temple de Jérusalem

    Editions Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, 1954

     

    Poznanski Lucien - La chute du Temple de Jérusalem

    Editions Complexe, Paris, 1991

     


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  •  La régularité maçonnique et ses conséquences 

    Introduction

    L’objet essentiel de la présente planche est de tenter d’apporter une réponse à une question récemment formulée par un de mes Frères : « pourquoi les inter-visites nous sont-elles interdites ? ». Simultanément, cette planche nous permettra aussi de mieux comprendre pourquoi notre choix s’est porté sur la Grande Loge Régulière de Belgique pour entrer en Franc-maçonnerie. Enfin le sens de notre serment apparaîtra aussi plus clairement. Il s’agit simplement d’un travail de compilation.

     

    Le principe de l’interdiction des intervisites

    Les raisons généralement invoquées pour justifier l’interdiction des « intervisites » relèvent essentiellement de notre loyauté, de notre fidélité à notre engagement.

    Lors de notre Initiation, nous nous sommes tous engagés par notre serment à respecter la Constitution et le Règlement général de notre Obédience qui prévoient cette interdiction de manière explicite.

    Voilà d’emblée un premier élément de réponse à la première question. Mais tentons d’approfondir le sujet.

     

    Notre serment 

    Prêté la main droite dégantée et posée sur le Volume de la Loi sacrée afin que nous nous engagions sur ce qu’il y a de plus sacré, notre serment nous enjoint de :

    • garder le secret,

    • rester fidèle et discret, c’est-à-dire de ne trahir ni l’Ordre maçonnique ni nos Frères,

    • persévérer dans le perfectionnement, c’est-à-dire de marcher sur le chemin de l’initiation.

     

    Le secret maçonnique

    Comment faut-il comprendre de nos jours ce concept de « secret maçonnique » ?

    Il convient tout d’abord de rappeler que la Franc-maçonnerie n’est pas une société secrète mais tout simplement discrète et, comme tout ce qui est maçonnique, le secret est avant tout un symbole qu’il faut décoder, décrypter et interpréter.

     

    Le secret maçonnique peut s’expliquer :

    1°) historiquement

    Les Francs-maçons opératifs étaient dépositaires d’un réel savoir-faire comme en témoignent les nombreuses cathédrales qu’ils ont édifiées. Les règles du métier devaient être tenues secrètes afin de n’être ni détournées ni corrompues. C’est pourquoi les nouveaux maçons devaient prêter serment de garder inviolables tous les secrets du métier.

    2°) sociologiquement

    Les persécutions et condamnations des siècles passés ont provoqué une certaine obsession du secret chez bon nombre de Francs-maçons. Cela explique pourquoi, dans nos pays, il est de règle de ne jamais dévoiler l’appartenance d’un Franc-maçon vivant à quiconque, sans sa permission expresse.

    3°) psychologiquement

    L’amour fraternel, la connivence, la sérénité, la tranquillité d’esprit et d’âme requièrent une certaine intimité qui n’est possible que dans des lieux réservés.

    4°) symboliquement et initiatiquement

    L’initiation maçonnique enclenche, au plus profond de l’individu, un processus de perfectionnement qu’il est impossible d’exprimer à quelqu’un qui ne le vit pas lui-même. Ainsi, chaque individualité est respectée et chacun trace son propre parcours.

     

    Il importe à présent de se demander pourquoi nous avons prêté notre serment sur la Bible.

     

    Pourquoi la Bible ?

    Depuis toujours, les Francs-maçons prêtent serment sur un livre considéré comme sacré et qui donne à leurs engagements un caractère solennel et irrévocable. Dans les pays occidentaux ce livre a toujours été la Bible mais aujourd’hui un candidat Franc-maçon, dont les racines religieuses personnelles ne se reconnaissent pas dans la Bible, peut prêter son serment d’engagement sur le livre de son choix tel le Coran ou la Torah qu’il n’est pas rare de voir ouvert sur l’autel des Loges maçonniques en plus de la Bible.

    Mais pour comprendre les raisons de l’interdit des « inter-visites », il nous faut retourner à l’essentiel, c’est-à-dire à la définition même de la Franc-maçonnerie.

     

    Qu’est-ce que la Franc-maçonnerie ?

    Pour nous, la Franc-maçonnerie est un ordre initiatique, un organisme auquel nous avons pu accéder par notre Initiation, c’est-à-dire par la révélation, le partage d’un savoir philosophique, d’une méthode et d’une atmosphère propice au respect de l’individu et de son épanouissement.

     

    Qu’est-ce qu’un ordre initiatique ?

    Pour transmettre leurs connaissances ésotériques, les groupements initiatiques utilisent un canevas commun. Les candidats doivent subir et surmonter des épreuves emblématiques qui les amènent à passer de leur état profane à une disposition de perception du sacré. Les Récipiendaires reçoivent les outils qui leur permettent de se modifier, de passer de la conscience à la supra-conscience.

    Pour ce faire, de tout temps, les rituels se sont articulés autour d’une mort symbolique, sollicitation à surpasser la condition profane. Les sociétés initiatiques visent à déclencher un choc émotionnel chez chacun des postulants par leur participation active à leur mort symbolique.

    Par leur participation assidue et répétitive aux cérémonies et par les méditations qui s’en suivent, les Néophytes, devenant des initiés virtuels, sont en mesure d’assimiler la perception de l’immortalité en l’affirmant en eux-mêmes.

    Si l’Initiation aboutit, elle opère une métamorphose de l’individu lorsque se réalise en lui une compréhension personnelle des symboles qui activent sa recherche de sa vie intérieure.

    La Franc-maçonnerie traditionnelle propose donc à ses membres des enseignements secrets au moyen de rituels propres à chaque degré. Ces degrés sont nécessaires car la vérité, qui existe au plus profond de chaque homme, ne se révèle et ne se concrétise que par étapes. Celles-ci forgent l’acquisition progressive de la connaissance véritable de soi.

    Les Rites forment un tout cohérent. C’est pourquoi les enseignements de la Franc-maçonnerie n’évoluent pas, ne peuvent évoluer et demeurent fidèles à son Expression. Aussi, au sein de la Tradition, la source est intrinsèquement transcendante. Les rites et les mythes qui y sont inclus traduisent l’intervention d’un principe extérieur et supérieur à la nature humaine.

     

    Notre Initiation

    Notre Initiation repose sur :

    • la communication de rites, de traditions, d’obligations et d’interdits,

    • l’engagement par serment au respect de notre constitution et de nos règlements,

    • l’adhésion à une vision du sens du sacré,

    • la transmission d’une mémoire,

    • l’apprentissage d’attitudes,

    • l’acceptation du rôle que notre obédience s’attribue dans la société humaine.

     

    Ces principes de base déterminent et définissent la nature morale, spirituelle, intellectuelle d’un univers maçonnique bien spécifique.

    La Franc-maçonnerie est donc un ordre initiatique mais le verbe « initier » mérite encore une analyse plus profonde. En effet, pour nous, la Franc-maçonnerie n’a d’autre vocation que celle d’initier.

    Initier, c’est avant tout « mettre en chemin », conduire à un nouveau départ. Comme les rites initiatiques de multiples cultures traditionnelles, le rite initiatique maçonnique vise à nous faire « mourir à nous-mêmes » pour nous amener à une vie nouvelle et nous incite à nous délivrer des entraves psychologiques, idéologiques ou autres. C’est l’espoir d’une réalisation spirituelle qui se dessine. L’initiation nous appelle tous à un travail sur nous-mêmes.

    Notre Initiation nous propose une aventure spirituelle, nous engage à découvrir et à mettre en œuvre nos propres virtualités par un long travail intime dont le rite maçonnique est le révélateur.

    Malgré sa richesse symbolique et psychique, le rite maçonnique ne nous transforme pas sur-le-champ et ne nous donne pas immédiatement des vertus et des pouvoirs nouveaux ! Que du contraire, notre Initiation se poursuit durant toute notre vie. Le rituel et le symbolisme continuent à nous inspirer tant que nous gardons en nous le désir de nous dépasser.

    Dans ce processus initiatique le symbolisme joue un rôle capital d’incitation à la méditation et à notre interprétation personnelle des symboles. Le lent déchiffrement de ce symbolisme nous conduit à une approche de l’homme et du monde.

    Le symbolisme maçonnique nous convie à l’effort de construire l’homme en nous-mêmes, d’aller vers la Lumière et d’œuvrer toujours à la fois en créateur et en artisan probe et persévérant. Ce symbolisme dit que la Lumière EST et qu’il n’est pas de plus haute démarche pour l’homme que d’aller vers elle sur le chemin de l’initiation.

    Visant aussi haut, la Maçonnerie initiatique ne saurait se proposer aucun objectif culturel, politique ou social. Elle se place sur un tout autre terrain et montre le chemin d’une tout autre action. Notre Obédience ne rassemble que les loges qui acceptent et partagent tout ce qui est affirmé dans sa Constitution et ses règlements généraux et qui fonde sa spécificité initiatique. C’est pourquoi, pour être parfaitement cohérente, la notion d’initiation exclut de recevoir en loge maçonnique toute personne qui n’a pas subi l’Initiation au même référentiel maçonnique régulier.

     

    La régularité de notre Obédience

    La régularité de notre Obédience repose sur huit conditions essentielles.

    En vertu même de son adhésion aux idéaux maçonniques traditionnels, trois principes universels définissent le caractère régulier de notre Obédience.

    La croyance en Dieu, Grand Architecte de l’Univers et en sa volonté révélée, est une condition impérativement nécessaire pour l’admission de nouveaux  membres dans une de nos loges. En effet, la Franc-maçonnerie affirme l’existence de Dieu, Etre Suprême qu’elle désigne sous le vocable de Grand Architecte de l’Univers. La Franc-maçonnerie ne définit pas l’Etre Suprême. Elle laisse à chacun la liberté absolue de le concevoir mais elle requiert de tous ses membres qu’ils admettent cette affirmation. Cette exigence est absolue et ne peut faire l’objet d’aucun compromis ni d’aucune restriction. Il ne s’agit absolument pas d’un dogme puisque l’initiation a pour but la réalisation intérieure de l’individu, laquelle ne peut évidemment s’effectuer si l’on est soumis à quelque dogme que ce soit. La croyance en Dieu, Grand Architecte de l’Univers, demeure, pour toutes les grandes loges indépendantes du monde, le critère essentiel de régularité et de fidélité aux « anciens devoirs ».

    Tout travail maçonnique se fait à la gloire du Grand Architecte de l’Univers et en présence des trois grandes Lumières de la Franc-maçonnerie : le Volume de la Loi Sacrée sous l'Équerre et le Compas sur lesquels sont prêtés tous les serments et les obligations.

    C’est pourquoi les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie doivent toujours être exposées pendant les travaux de la Grande Loge et des Loges placées sous son contrôle. Tous les Initiés doivent prêter leur Obligation sur le Livre de la Loi Sacrée dans lequel est exprimée la Révélation d’En Haut.

    Par ailleurs, notre Obédience est dite « régulière » parce que son origine est régulière, c’est-à-dire qu’à sa création on trouve une Grande Loge dûment reconnue ou trois Loges au moins, elles aussi régulièrement constituées.

    Une Grande Loge ainsi que les Loges qui lui sont rattachées sont exclusivement composées d’hommes. En effet, la tradition maçonnique n’admet que des hommes à l’initiation. Il s’agit du respect strict d’anciens usages qui reflètent une vieille expérience initiatique bien antérieure à la Franc-maçonnerie.

    Les discussions d’ordre politique ou religieux sont strictement interdites en Loge.

    La Grande Loge exerce une souveraineté absolue sur les trois grades bleus (Apprenti, Compagnon, Maitre). Il existe en effet un pouvoir administratif qui concerne la promulgation et l’application des statuts et règlements généraux de la Franc-maçonnerie locale.

    Ce pouvoir administratif est exercé, dans notre pays, par la Grande Loge Régulière de Belgique composée de l’ensemble des délégués des Loges de l’Obédience ainsi que du Grand Comité, organe directeur de la Grande Loge Régulière de Belgique.

    Notre groupement, à vocation initiatique, œuvre en observant des règles qui lui sont propres et demeure en symbiose avec le respect de la Tradition et des buts de l’acte initiatique. En Franc-maçonnerie, ces Règles sont appelées « Landmarks ». Les principes des « Landmarks » ou « Anciens Devoirs », coutumes et usages du « Métier de Maçon » doivent être strictement observés. Les « Landmarks », Règles immuables, sont les limites de l’espace dans lequel nous nous trouvons en Franc-maçonnerie régulière et à l’extérieur duquel nous nous en séparons. Ces Règles sont le substrat de l’Ordre. Elles ne sont concevables et acceptables que reconnues de temps immémoriaux.

    Mais alors en quoi les autres Obédiences sont-elles différentes de la Grande Loge Régulière de Belgique ?

     

    La Grande Loge Régulière de Belgique et les autres Obédiences

    La Grande Loge Régulière de Belgique s’affirme comme initiatique, spiritualiste et dégagée des controverses du monde extérieur. Ceci implique la référence expresse à la divinité, la recherche initiatique dans la voie de la spiritualité, l’interdiction de toute controverse politique ou religieuse en loge, l’abstention de toute participation à des travaux maçonniques auxquels assisteraient des membres d’obédiences non reconnues par la Grande Loge Régulière de Belgique parce que n’adhérant pas à l’intégralité des principes de base.

    La Grande Loge Régulière de Belgique exige de tous ses membres qu’ils affirment l’existence de Dieu, Etre Suprême, désigné sous le vocable de Grand Architecte de l’Univers.

    Elle ne définit pas l’Etre Suprême et laisse à chacun la liberté absolue de le concevoir.

    Elle requiert de tous ses adeptes qu’ils prêtent leur serment sur un Livre Sacré, généralement la Bible.

    Elle interdit en loge toute discussion sur des sujets religieux ou politiques. Elle ne reconnait aucune autorité supérieure à la sienne, locale ou étrangère, dans les domaines maçonniques.

    Elle n’accepte en son sein que des hommes âgés de plus de 21 ans.

    Les autres obédiences ont sur ces points une attitude souvent différente, parfois opposée. Les principes qui régissent les loges du Grand Orient de Belgique, de la Grande Loge de Belgique, de la Grande Loge Féminine de Belgique, du Droit Humain… sont différents, même si les apparences leur confèrent certaines similitudes.

    Certaines de ces Obédiences n’imposent pas l’affirmation de l’existence de Dieu. Certaines autorisent les discussions politiques et religieuses en loge ; certaines initient aussi des femmes, une autre rien que des femmes.

    L’athéisme adopté par certains Maçons est en antinomie irréfragable avec l’initiation sous quelle forme que ce soit.

    Un point essentiel sur lequel il convient finalement d’insister pour répondre à la première question posée, c’est qu’il y a antinomie entre le concept d’initiation et la notion d’«inter-visite» de loges d’obédiences non reconnues !

    Mais pour être complet, il convient encore d’aborder deux notions essentielles pour caractériser la Franc-maçonnerie initiatique à laquelle nous avons adhéré. Il s’agit des notions de Tradition et de transmission.

     

    La Tradition et la transmission

    La Tradition ouvre une possibilité de dépassement de soi à condition d’adhérer à une de ses expressions authentiques.

    La transmission initiatique s’exprime entre autres par l’importance accordée dans divers rituels maçonniques au symbolisme du Temple.

    Tradition et transmission sont étroitement liées, indissociables parce que le symbolisme et l’ésotérisme sont conservés et dispensés aux Néophytes par les Maîtres Maçons initiables et initiants dans le respect de l’infaillibilité traditionnelle.

    La Tradition ne peut être confondue avec les notions de conformisme et de conservatisme. Par conséquent une transmission régulière est nécessaire, inconditionnellement. En d’autres termes, sans transmission régulière, il n’y a pas d’Initiation possible.

    Une société à vocation initiatique œuvre en observant des règles qui lui sont propres mais qui doivent toujours demeurer en symbiose avec le respect de la Tradition et des buts de l’acte initiatique. Tel est le cas de la G.L.R.B. et d’elle seule en Belgique !

     

    R :. F :. A. B.

     

    Bibliographie

    Grande Loge Régulière de Belgique

    La Franc-maçonnerie Traditionnelle et Régulière

    (La petite brochure autrefois remise à tout candidat Franc-maçon)

     

    Réponses aux questions les plus fréquentes sur la Franc-maçonnerie

    sur le site Internet de la G.L.R.B.

     

    Guy Boisdenghien - La vocation initiatique de la Franc-maçonnerie

    Sentiers de la Tradition - Bruxelles, 1999, Editions l’Etoile

     


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