•  Une approche du sacré

    Introduction

    Ce Midi je vous propose d’aborder le thème du sacré en Loge.

    Cette planche est plus particulièrement destinée aux Frères Apprentis afin qu’ils prennent conscience de la manifestation qu’engendre le sacré. Elle est difficile à expliquer.

    Selon mes habitudes, je me suis posé bien des questions, parfois de manière naïve.

    • Qu’est-ce que le sacré ?

    • Y a-t-il des espaces sacrés dans la nature ?

    • La nature n’est-elle pas elle-même sacrée ?

    • N’a-t-elle pas été profanée par l’Homme ?

    • Le sacré est-il perceptible aux yeux d’un Profane ?

    • Pourquoi un espace est-il sacré ?

    • Quand un espace devient-il sacré ?

    Je n’y ai pas répondu dans ce travail car, finalement, j’ai décidé de limiter ma réflexion au sacré dans l’univers maçonnique et je tenterai plutôt de répondre aux questions suivantes :

    • Quelle est la place du sacré en Franc-maçonnerie ?

    • Quand l’espace-temps de notre Loge devient-il sacré ? Quand ne l’est-il plus ?

    • Comment l’Apprenti Maçon peut-il percevoir le sacré ?

    Les encyclopédies lient souvent le sacré et le profane. Refuser le sacré, c’est admettre son existence.

    Aborder le sacré, ce pourrait être une évocation de la spiritualité, de la transcendance, de l’imaginaire, de l’existentiel, des mythes, de la foi. Vaste programme !

    Les termes « profane » et « sacré » interpellent beaucoup de Néophytes. Remarquons que la simple formulation du mot « profane » implique déjà une sacralisation et une dégénérescence. En effet, dans une société traditionnelle, le profane n’existe pas, car tout y est sacré.

    Sacré, du latin « sacer », qu’on retrouve dans sacerdoce, signifie séparé, mis à part. Lors de l’Ouverture des Travaux dans nos Loges, le rituel affirme que les participants ne sont plus dans le monde profane.

    Le mot « profane » est un adjectif dont le contraire est le mot « sacré » ; celui qui n’est pas initié reste profane. Le mot « profane » vient du latin « pro-fanum » qui signifie ce qui est devant le temple, à l’extérieur de l’enceinte sacrée.

    En Franc-maçonnerie, la primauté de l’esprit trouve sa justification dans la puissance de conviction en une humanité meilleure, grâce à un perfectionnement de tous ses membres

    Pour bien cerner le terme « sacré », commençons par quelques généralités.

     

    Quelques généralités à propos du terme « sacré »

    Tout temple grec est généralement considéré comme un lieu, un espace sacré placé sous la protection d'une divinité, et où un rite est pratiqué. Par extension, un temple est devenu un édifice religieux où se célèbre un culte rendu à une divinité.

    Le sacré désigne donc ce qui est mis en dehors des choses ordinaires, banales, communes ; il s'oppose essentiellement au profane, mais aussi à l'utilitaire.

    Le sacré a toujours une origine naissant d'une tradition ethnique et qui peut être mythologique, religieuse ou idéologique (c'est-à-dire non religieuse). Il désigne ce qui est inaccessible, indisponible, mis hors du monde normal, objet de dévotion et de peur.

    Le sacré est synonyme d'espoir, d'authentification de l'homme en un principe supérieur, celui du monde non intelligible.

    Le sacré semble s'identifier ou se confondre avec le divin : c'est le cas des religions archaïques. Tantôt c'est le sacré qui s'estompe au profit du divin ou de la transcendance : c'est le cas des formes religieuses qui relativisent mythes et rites ou préconisent l'accès au divin.

    Le concept du sacré est conçu par les anthropologues contemporains comme la réponse à un ensemble d'expériences propres non seulement aux sociétés archaïques et traditionnelles mais aussi à toutes les autres cultures qui leur ont succédé. Il semble devoir être admis comme une donnée constitutive de la condition humaine, c'est-à-dire comme « une catégorie universelle de toute conscience humaine », face à sa finitude et à sa condition de mortel.

    Il n'existe que deux attitudes face au sacré : le respect de l'interdit ou sa transgression. Si l'Homme fait l'expérience du sacré, c'est qu'il veut précisément échapper à sa condition d'être fini et mortel ; pour ce faire, il a, a priori, trois solutions : le tabou (totémisme), la magie (animisme), la religion ou toute autre voie spirituelle telle que la Franc-maçonnerie.

    Les éléments du sacré sont généralement considérés comme intouchables : leur manipulation, même en pensée, doit obéir à certains rituels bien définis. Ne pas respecter ces règles, voire agir à leur encontre, est généralement considéré comme un péché ou crime réel ou symbolique : c'est ce qu'on nomme un sacrilège. Le pire des sacrilèges est la profanation, qui est définie comme l'introduction d'éléments profanes dans une enceinte sacrée (réelle ou symbolique).

    Le local dans lequel nous nous retrouvons lors de nos Tenues peut devenir un lieu consacré à la divinité. C’est la définition même du mot « temple ». Le sacré, en effet, constitue un domaine réservé, mystérieux, inviolable, totalement séparé du monde profane.

    Nous pouvons alors logiquement nous poser la question : quel est le processus qui permet d’accéder au sacré lors de cet instant magique qu’est la Tenue ?

    Quand l’espace-temps de notre Loge devient-il sacré ?

    Nous ne sommes dans le sacré que lorsque nous sommes des participants à une Tenue. L’espace de la Loge devient sacré. Mais pas seulement : le temps le devient également.

    Pour entrer en communication avec le divin créateur, il est nécessaire qu’au début de chaque Tenue, le « temple » – ou plutôt « la Loge » – soit en quelque sorte opérationnelle, c'est-à-dire sacralisée. C’est dans ce but qu’entre en jeu le rituel d’Ouverture des Travaux.

    Le rituel est le moyen essentiel, nécessaire et suffisant, qui devient le véhicule permettant le passage du profane au sacré. Le rituel d’Ouverture des Travaux permet de sacraliser le lieu et le temps. Il renforce soit l’un soit l’autre. Il y a coupure par rapport au quotidien et pénétration dans l’espace et le temps sacrés. Nous savons bien que le temps et l’espace sont en rapport avec l’existence même de l’homme, notre existence physique, En présence du sacré, nous sommes libérés de cette condition. Le sacré est la source, une porte entrouverte vers l’absolu. Nous entrons alors dans une expérience personnelle, intime, incommunicable.

    J’envisagerai successivement l’espace sacré puis le temps sacré et enfin les incidences du sacré sur les énergies en loge et sur notre propre comportement.

    L’espace sacré

    Avec son orientation, sa forme, ses décors, ses couleurs, la Loge va permettre l’accès au lieu sacré. Le sacré a un rôle primordial car tout Frère se trouve dans une ambiance qui va capter son attention et le rendre ainsi réceptif.

    Les coups de maillet du Vénérable Maître suivis de ceux des deux Frères Surveillants vont participer à la sacralisation du lieu. Ils nous permettent de commencer à nous déconnecter de l’espace profane. Les trois coups de maillet matérialisent par leurs vibrations la dimension de la Loge et dédicacent l'espace au sacré. Par leur rythme, ces coups de maillet, donnés par les « trois Lumières » inscrivent la Loge dans l'élévation du Temple symbolique érigé en esprit. Ces coups actualisent les battements de nos cœurs sur une même cadence et conduisent à l'égrégore qui devient mur du Temple.

    Sans entrer dans tous les détails du rituel d’Ouverture des Travaux, je dirais simplement que du tumulte extérieur nous passons progressivement à un système organisé. L’orientation symbolique de la Loge avec le Vénérable Maître à l’Orient va permettre la diffusion de la lumière du soleil levant vers les bougies du chandelier à trois branches.

    Il y a donc transmission de la lumière primordiale. Celle-ci sera ensuite prise en charge par le Frère Maître des cérémonies qui va allumer les bougies des trois grands Piliers qui entourent le Pavé mosaïque. Pour ce faire, le Frère Maître des cérémonies exécute une déambulation dans le sens dextrogyre c'est-à-dire dans le sens des aiguilles d’une montre suivant la course du soleil.

    Il y a ainsi une volonté de reproduire ce rythme solaire d’énergies fécondantes. C’est aussi, dans la Tradition, le sens de notre évolution. C’est là que l’on voit la filiation qui se produit entre le lieu et le grand tout. En parallèle, nous devrions ressentir une montée progressive des énergies intervenant dans ce processus.

    Lorsque le Vénérable Maître ouvre le Volume de la Loi sacrée, c’est encore un rappel de la présence divine. Alors tout est organisé ; le lien sacré est là. Ce sacré est l’élément créateur qui consacre tout ce qui l’entoure par un éclat absolu qui dépasse tout entendement. Grâce à cette énergie irradiante tout ce qui nous entoure est devenu divin.

    Le temps sacré

    Le temps profane est la durée temporelle ordinaire dans laquelle s’inscrivent des actes dénués de signification spirituelle ou religieuse. Ce temps profane est irréversible. Le temps sacré est au contraire par sa nature réversible, dans le sens qu’il est, à proprement parler, un temps mythique primordial rendu présent. Ce temps sacré est indéfiniment récupérable, infiniment répétitif.

    L’homme peut donc vivre dans deux espaces de temps, le temps banal profane et le temps sacré qui se présente sous un aspect paradoxal de temps circulaire, sorte d’éternel présent mythique que l’on réintègre périodiquement par le truchement du rituel.

    Pour l’homme spirituel il existe une différence essentielle. Le temps sacré connaît des intervalles sacrés qui ne participent pas à la durée temporelle qui les précède ou qui les suit. Il a une toute autre structure et une autre origine, car il dépend d’un temps primordial.

    Pour l’homme profane, le temps ne peut présenter ni rupture, ni mystère. Il constitue la dimension existentielle de l’homme : il est lié à sa propre existence, donc à un commencement et à une fin, qui est la mort, l’anéantissement de l’existence. Au contraire pour l’homme spirituel, la durée temporelle profane est susceptible d’être périodiquement arrêtée par l’insertion d’un temps sacré au moyen du rituel. Lors de ce processus, on peut réintégrer le temps sacré des origines, et devenir contemporain des dieux.

    Qu’en est-il en Loge de cette question de temps ? Au début de la Tenue, le temps est conforme à celui dans lequel nous nous trouvons. Après que le lieu ait été sacralisé par le rituel le Vénérable Maître dialogue avec les Frères Surveillants :

    • Frère Premier Surveillant à quelle heure les Maçons ouvrent-ils leurs Travaux ? »

    • A Midi.

    • Quelle heure est-il Frère Second Surveillant ?

    • Il est Midi.

    A partir de cet instant nous sommes dans le temps sacré. Le rituel a permis cette bascule. Nous sommes dans le temps mythique relatif à la construction du Temple de Salomon, de notre temple intérieur, en relation avec le Grand Architecte de l’Univers.

    Il est Midi en ce lieu sacré quand l’heure profane peut être très différente. Cet instant peut être identique pour d’autres Frères sur la surface de la Terre s’ils pratiquent le même rituel quelle que soit l’heure profane.

    Nous sommes entrés dans le sacré. C'est le Rituel qui, en tant qu'unité de langage, nous protège de la déviance que serait la construction devenant une tour de Babel. La Loge, elle, est devenue un espace sacré, dépositaire de la Tradition.

    La Loge est un espace distinct de ce chantier intérieur, un lieu de lumière, de ressourcement et de recueillement à la fois individuel et collectif à travers le rituel. « La loge est ce lieu du sacré à l’abri du profane, loin du vulgaire, dans le silence de la résonance avec le réel enfoui au fond de chacun de nous » (Marc Halévy).

    Alors nous pouvons travailler dans l’harmonie et la joie en communion avec le temps primordial. Maintenant avec les moyens symboliques et les rituels s’exprime toute la dimension spirituelle et sacrée du Travail maçonnique réalisé à la gloire du G.A.D.L.U.

    Au cours de nos Travaux nous avons l’habitude de former la Chaîne d’union qui est un instant fort de ce temps sacré. J’en veux pour preuve qu’à cet instant quand nous sommes autour du Pavé mosaïque en face de l’axe du monde qui relie le ciel et la terre, le temps n’existe plus, il n’y a plus d’espace. Nous sommes unis à tous les Frères répandus sur la Terre, les Frères du présent, du passé et de l’avenir. La notion de temps est perdue. Nous sommes dans une fusion que nous pouvons très bien ressentir si nous sommes dans l’énergie sacrée favorable, dans cet égrégore résultat de la pratique du Rituel, des Travaux et de la participation de tous les Frères.

    Les incidences du sacré sur les énergies en Loge et sur notre propre comportement

    Tout ce qui nous entoure est de nature divine, ne l’oublions pas. Le sacré est là pour nous reconnecter et mettre à l’œuvre des énergies fécondantes et vivifiantes qui vont nous permettre d’appréhender ce divin.

    Le rythme impulsé par le Vénérable Maître et les deux Frères Surveillants avec leurs coups de maillet, les musiques choisies, avec minutie et amour, par le Frère Maître de la Colonne d’harmonie, vont permettre le maintien de cette énergie tout au long de la Tenue. Les décors ainsi que les couleurs apportent une touche énergétique complémentaire.

    L’ambiance ainsi créée, loin des fastes, sera propice au recueillement, à l’ouverture, à l’absorption de connaissances, à notre progression personnelle. Effectivement nous sommes comme sur un lieu de sacrifice : sacrifice de notre orgueil, de nos ambitions, nos préjugés, lieu où les vertus théologales (Foi – Espérance – Charité) trouvent leur pleine signification.

    Quand l’espace-temps de notre Loge n’est-il plus sacré ?

    Lorsque l’ordre du jour est épuisé et que la Tenue se termine, il nous faut revenir dans le temps profane. Le rituel déclenche ce retour lorsque le Vénérable Maître reprend son dialogue avec les Frères Surveillants :

    • A quelle heure les Maçons ont-ils coutume de fermer leurs Travaux ?

    • A Minuit!

    • Quelle heure est-il ?

    • Il est Minuit Vénérable Maître !

    Alors nous revenons progressivement vers le temps profane avec la conclusion des Travaux et notamment les agapes qui font partie intégrante de la Tenue.

    La Loge, espace-temps sacré

    Les Francs-maçons n’ont pas véritablement commencé le Travail maçonnique tant qu'ils n'ont pas compris la conversion qui s'opère par le passage du monde profane au monde sacré. La Loge est l'espace sacré. Sa situation est intemporelle, sa position cosmique. Quiconque pénètre en Loge se trouve projeté dans un monde où les forces cosmiques se trouvent concentrées. Les influences astrales jouent un rôle, comme les lignes magnétiques. Ce rôle, nous ne l'avons pas défini, ni mesuré, mais il existe ! Et se comporter comme si nous étions seulement des profanes dans un lieu sacré, c'est rompre une certaine qualité de relations.

    Sans insister sur le caractère particulier de l'atmosphère de la Loge, il est nécessaire de comprendre comment la perception de la dimension du sacré peut conditionner nos pensées, nos attitudes et notre regard sur les choses. Il est très vrai que l'intensité de la prise de conscience nous détermine selon des forces que nous ne maîtrisons guère, et cela peut surprendre au point que certains rejettent une attitude trop respectueuse qu'ils qualifient de mystique. 

    Entrer en Loge, c'est se disposer à participer à la grande vie de la Terre. Car nous n'avons pas encore compris ce qui pour certains est déjà une évidence : la Terre est vivante. Le Maçon dans sa Loge est à l'écoute de l'univers obscur, comme il l'est à la contemplation des lumières. Sans aucun doute, il doit armer son regard pour percevoir mieux ce qui est en lui, dans la mesure où, détaché du monde, il peut prendre conscience de son équilibre intime et méditer sur les aspects les plus âpres de sa personnalité.

    Mais ce regard, c'est le regard de l'Initié futur, c'est-à-dire, le regard de celui qui, quittant la Loge, découvrira le monde sacré qui est le monde de tous les jours. De son passage en Loge, le Maçon retirera le sens de la vision sacralisante, et ce qu'il verra dans la rue, les choses de tous les jours, prendront à ses yeux la vertu des choses éternelles. Ainsi recevra-t-il, dans l'ingénuité de sa démarche, la réponse à son interrogation première : où suis-je ?

    Il dépassera la banalité des apparences pour tenter d'approcher le véritable visage du monde réel. Il sera capable de voir, alors qu'il n'était qu'un spectateur distrait. Les évènements, les circonstances, les simples manifestations quotidiennes seront pour lui les expressions du vrai, du réel, de la permanence.

    Le passage en Loge lui aura découvert que ce n'est pas le monde qui doit changer, mais le regard que l'on porte sur lui, et ce regard, il découvrira par sa volonté appliquée, qu'il en est le maître. Ainsi sa conversion sera fructueuse. Et l'homme en lui aura changé.

    A ce stade de la réflexion, il me semble encore utile d’aborder quelques considérations à propos du « Volume de la Loi sacrée ».

    Le Livre sacré

    Dans l'enceinte de la Loge, en face de l'Orient, doit se trouver une petite table accueillant un livre. C’est ce que nous appelons « l’Autel des serments » sur lequel nous prêtons toutes nos obligations. Ce livre, pour nous, Maçons réguliers, c’est la Bible.

    Suivant certains rites chez les anglo-saxons, la Bible était ouverte au Livre des Rois.  A la Grande Loge Régulière de Belgique, le « Volume de la Loi sacrée », c’est la Bible. Elle doit être ouverte au Prologue de l’Evangile de Jean.

    L’Évangile selon Jean est un texte qui rapporte la vie et les paroles de Jésus de Nazareth dans le but de transmettre la foi chrétienne. Dans la tradition chrétienne c'est le dernier des quatre évangiles canoniques du Nouveau Testament. Il a été attribué à l'un des disciples de Jésus, l'apôtre Jean de Zébédée. Mais cette attribution à un témoin oculaire est aujourd'hui rejetée par les historiens, qui l'attribuent à une communauté johannique au sein de laquelle il aurait été composé à la fin du 1er siècle. Il se démarque des trois autres évangiles canoniques, dits synoptiques, par sa composition, son style poétique, sa théologie et probablement par ses sources.

    Nos Loges sont dites « Loges de saint Jean ». Une équerre et un compas doivent être disposés d'une manière propre au grade auquel se déroule la Tenue, quel que soit le rite.

    En guise de conclusion provisoire

    Ainsi, dès que retentit l’appel au Travail, la Loge devient un espace sacré au sens premier du terme. Dès ce moment, tout converge vers la création d’un lieu de méditation qui se nourrit d’un certain cérémonial.

    Toute Loge maçonnique est un espace sacré, sacralisé durant les Travaux de Loge, car elle résume le cosmos. La circulation en Loge autour du Tableau de Loge trace un autre espace sacré, plus réduit, encadré par nos trois Piliers, élévations de Lumière.

    La Loge est un espace sacré séparé du monde profane ; elle est un microcosme à l’image du monde externe. Le Franc-maçon, indépendamment de son rôle, doit se mettre au service de ses Frères, être un bon exemple, provoquer une juste et constante émulation. Il doit avoir ce même comportement dans la cité.

    L’engagement du Franc-maçon doit résolument être tourné vers le bonheur de l'homme et il doit inlassablement s’employer à construire un monde jamais achevé. Dans un monde profane souvent tenté par le repli sur soi et à la recherche d’une éthique nouvelle, le Maître Maçon doit apparaître comme un sérieux antidote à l'immobilisme, à l’individualisme et au désespoir.

    Dans ces conditions, le sacré n’est-il pas la transcendance pour l’Initié, c'est-à-dire l’élévation vers Dieu ? Cette transcendance n’éveillerait-elle pas en nous l’homme déchu, le souvenir de notre divine origine et le désir de nous élever vers des niveaux de consciences supérieures ?

    R:. F:. A. B.

     

    Bibliographie

    Mainguy Irène La symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2006


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  •  Tenue et vêture 

    Introduction

    Dans certains Ateliers, tout respectables soient-ils – il semble que l’attitude idéale à adopter et la vêture que les Frères devraient respecter ne soient pas toujours des plus correctes et posent le délicat problème au Frère Expert, aux Frères Surveillants voire au Vénérable Maître, de savoir s’il convient de leur en faire la remarque ou s’il vaut mieux, par le biais d’une planche comme celle-ci, faire prendre conscience de la nécessité de perpétuer la Tradition.

    Le but de cette planche est donc essentiellement de rappeler ce qu’est une Tenue, à ne pas confondre avec la vêture ou tenue vestimentaire ; de préciser les raisons fondamentales d’accepter une tenue vestimentaire adéquate en fonction du type de réunion maçonnique à laquelle on participe.

    Ce sera aussi l’occasion d’apporter quelques précisions sur les décors, sur le port des gants blancs ainsi que sur la manière dont le Profane est introduit en Loge au soir de son Initiation : ni nu ni vêtu.

    Tenue

    Pour Christian Guigue, « Tenue » est le nom donné à la séance de Travail rituel en Loge. Elle est dite « d'obligation » car nul ne peut s'y soustraire. Les Apprentis participent à la Tenue dont les Travaux vont s'ouvrir au premier degré. Les Compagnons accèdent aux séances de travail des premier et deuxième grades ou degrés. Les Maîtres participent aux assemblées des trois niveaux symboliques.

    Il existe également des Tenues « funèbres », d'autres dites « d'installation » ainsi que des Tenues « blanches » au cours desquelles des Profanes ou des membres d’autres obédiences peuvent assister.

    Lorsqu'un Frère de la Loge décède, on dit qu'il passe à l'Orient éternel. Un rituel spécial lui est consacré et dédié au cours d’une Tenue funèbre car on n'accompagne pas de la même manière un Fils de la Lumière et un profane.

    La Tenue d'Installation devrait traditionnellement avoir lieu à l'une ou l'autre fête de saint Jean. On y installe les nouveaux Officiers Dignitaires dans les fonctions stipulées par le rite. Des modalités de politique relationnelle président au fait que des Ateliers dérogent souvent à ces dates. C'est une erreur. Si les solstices se trouvent requis pour que le groupe célèbre cette installation à ce moment d'inversion du sens de la lumière, ce n'est pas sans une raison initiatique primordiale.

    L'argument tendant à justifier l'Installation du Vénérable Maître et de sa Commission d'Officiers Dignitaires à d'autres périodes de l'année, sous couvert que l'on ne pourrait sans cela participer aux installations des Loges amies, ne tient pas.

    Dans la réalité, les relations d'amitié profonde se limitent à trois voire quatre Loges de son secteur géographique. Il suffit tout simplement de désigner quelques Frères pour aller les visiter.

    Dans la Maçonnerie régulière, les Tenues blanches n'existent pas. Ceci relève du fait que les Profanes n'ont en aucun cas l'autorisation d'accéder à nos Travaux et que nous n'avons pas à divulguer, à qui que ce soit, la qualité maçonnique d'un Frère.

    Par ailleurs, si chacun reste libre de « se dévoiler », nul ne peut imposer à l'ensemble des membres de la Loge de se révéler à un ou plusieurs Profanes.

    Dans les obédiences – non régulières – où elles sont pratiquées, on distingue deux types de Tenue blanche :

    • la Tenue blanche fermée, où un conférencier profane présente un exposé à la Loge assemblée,

    • la Tenue blanche ouverte, où Profanes et Maçons se côtoient.

    On ne s'habille jamais maçonniquement lors d'une Tenue blanche ! En d’autres termes, les Frères ne revêtent ni tablier, ni gants blancs, ni sautoir de fonction.

    Vêture

    La Tradition, les habitudes, veulent que lors des Tenues « ordinaires », les Frères soient chaussés de noir, vêtus de sombre (gris foncé, bleu marine ou noir) et qu’ils arborent une cravate de couleur sombre sur une chemise blanche.

    Lors des cérémonies (Initiation, Passage, Élévation, célébration des deux fêtes solsticiales, Tenues funèbres), il est hautement souhaitable - et beaucoup de Loges l'imposent - de porter le smoking ou l’habit en arborant un nœud papillon noir, non seulement parce qu’il s’agit de cérémonies dont la Loge veut souligner le côté solennel et festif, mais aussi sinon surtout pour gommer les différences vestimentaires entre Frères.

    Dans les pays anglo-saxons, lorsque les Frères (Brethren) portent l’habit, ils revêtent alors un gilet et un nœud papillon de couleur blanche.

    Pour participer à une Tenue, nous dit Jean Onofrio, chaque Frère commence donc par se mettre dans une tenue vestimentaire adéquate car la Tenue peut se décliner dans la définition de la vêture. Si le Frère conserve sa vêture profane, il se comporte en simple profane en réunion et néglige la vêture qu’exige le lieu sacré du Temple. Or, la vêture ne doit pas – ne peut pas – être négligée ; elle n’est absolument pas superflue ; elle est même essentielle pour percevoir précisément que la Tenue n’est pas une simple réunion.

    On pourrait dire qu’en Tenue, on doit se tenir et même bien se tenir, ce qui implique de se maintenir, de soigner son maintien.

    S’il est admis de manière courante que « l’habit ne fait pas le moine », les implications psychologiques de cet adage n’ont pas leur place dans la Loge, et se revêtir du Tablier de son grade, ou des décors propres à la charge acceptée en Loge, n’est pas un acte anodin.

    Dire d’une personne ou d’une cérémonie qu’elle a "de la tenue", c’est lui reconnaître une certaine noblesse. Un Frère revêtu de son Tablier est porteur d’une noblesse vis-à-vis de laquelle il n’a que des devoirs. La qualité de Frère donne aux êtres une grandeur qu’ils ne tiennent que de cette qualité, et qui dépasse totalement leur individualité.

    Lorsque nous parlons de « Tenue », nous pouvons nous demander « que tenons-nous ? » ou « qui tient-on ? ». La Tenue est le lieu et le moment, l’instant où l’on se tient, par le rituel, en conformité avec la Règle !

    Tenue

    Dans ce sens, il est vrai que la Règle ennoblit les êtres, et pour ce qui est de la vêture rituelle, on peut dire qu’en Tenue, l’habit fait le moine. Il incarne, il matérialise le changement de destin vécu lors de cette Tenue très particulière qu’est la cérémonie d’Initiation.

    Un passage du Regius [1] est consacré à la description du maintien qui doit être celui du Maçon en Loge. Pour un Franc-maçon, se tenir, c’est se tenir à l’ordre pour accomplir ses devoirs initiatiques, c’est-à-dire mettre en œuvre des préceptes issus de l’esprit de la Règle, démarche qui n’a rien à voir avec l’application d’un règlement !

    Lorsque les Frères sont réunis, ils font vivre la Règle. Il y a une sorte de consubstantialité entre la fraternité et la Règle. Il « suffit » que deux Frères se rencontrent pour que la Règle soit présente, et cette présence est assortie par construction d’un maintien, d’une écoute, d’un éveil, d’une présence, d’une conscience aiguë de l’enjeu, qui est le prolongement de l’œuvre du Principe lors de la Tenue dans la Loge

    Les exigences en rapport avec la tenue en Loge doivent être rapprochées de l’instruction donnée généralement par le Vénérable Maître lors des Tenues : « Prenez place, mes Frères ! », et des quelques vérifications qu’il effectue quant à l’accomplissement de cette instruction (cf. Rituel d’Ouverture des Travaux).

    Lors de l’Ouverture des Travaux d’une Tenue, l’une des vérifications porte sur la qualité des œuvrants et la justesse de leur place, car ceux qui sont présents ne sont pas des spectateurs mais doivent participer par leur énergie vitale à l’invocation de la Lumière par un acte de puissante volonté.

    Les fonctions ayant été invitées à se tenir à leur place lors de l’Ouverture des Travaux (« Prenez place, mes Frères ! » a dit le Vénérable Maître), le Premier Surveillant et le Second Surveillant ayant été invités à parcourir les Colonnes, chaque Frère se met à l’ordre à leur passage, manifestant ainsi la volonté de se conformer à la Règle, et le désir de participer à l’acte rituel de l’offrande qu’est la Tenue.

    A cet instant, ce n’est pas la bonne place des fonctions de création qui est vérifiée mais la qualité des êtres qui incarnent ces fonctions, leur présence de cœur, leur présence lumineuse, leur aptitude à participer à l’œuvre de création, à la Tenue !

    La qualité des œuvrants  requise pour une Tenue, c’est celle de Frère (ou de Sœur). Si l’on rassemble quelques humains, on peut dire qu’ils sont en réunion, éventuellement même en réunion amicale. Mais le lieu de cette réunion est rarement un lieu de récréation. Il faut que ces humains aient été orientés vers la Lumière pour revêtir leur qualité de Frère, immatérielle et intemporelle, et pour pouvoir être introduits dans le Temple et expérimenter le Mystère.

    Ainsi la Loge tient-elle le Temple lors de la Tenue. Ainsi maintient-elle l’émergence rituelle de la source lumineuse qui l’illumine. Par la formulation, par la dénomination des êtres et des choses en pleine Lumière, le Temple est « tenu » et illuminé.

    Se tenir, c’est incarner la rigueur, la droiture, la rectitude donnée par la Règle. Il est donc toujours bon que dans la Loge, les Frères aient de la tenue. Se tenir, c’est favoriser les postures faisant des êtres des symboles, favoriser un rapport avec la Règle.

    La Tenue peut ainsi se décliner de nombreuses manières en commençant par la mise à l’ordre, propre à chaque grade, mais aussi par « tenir sa parole », expression qui s’applique au serment de fidélité donné lors de la cérémonie d’Initiation, mais aussi à la maîtrise du langage.

    Dans le langage courant de la navigation on parle de « tenir » un gouvernail. En Egypte ancienne, le gouvernail est Maât, c’est-à-dire la Règle !

    Venant du latin teneo, tenir signifie entreprendre une navigation, prendre une direction, faisant ainsi de la Tenue un voyage où l’on part d’un point pour prendre la direction d’une Lumière vers l’Orient.

    « Tenir », c’est ainsi voyager sans dévier de sa voie, c’est « tenir la route » ou « tenir le cap ». En tenant sa parole, le Frère met en œuvre la qualité première de fidélité à la parole donnée qui se compare à un cap dont on ne dévie pas.

    Le rituel, fait de toutes les paroles à dire, est ainsi le facteur d’une cohérence, faisant que toutes les parties de la construction tiennent ensemble.

    Le mot « tenue » contient les notions de diriger, de conduire, de maintenir une cohérence. Quand un édifice résiste au temps, c’est qu’il « tient ». Il en va de même pour une Loge : si les Frères sont les pierres du Temple unies par l’amour, la Loge tient comme un édifice solidement implanté sur ses bases.

    La vêture du Récipiendaire

    Ce sont les anciennes instructions qui ont mis l’accent sur l’importance de la tenue vestimentaire du Récipiendaire, la reliant dans un premier temps à une préparation à l’Initiation d’ordre intérieur, qui est celle du cœur.

    Chassé de l'unité existentielle du jardin d'Éden pour avoir succombé à la tentation de goûter à la dualité du Bien et du Mal, le premier couple humain de la Genèse pénètre dans l'univers des éléments, précisément ni nu, ni vêtu.

    Le Récipiendaire est soumis à cet état comme un rappel de celui de sa naissance où il était nu, innocent. Être ensuite revêtu, signifie ici symboliquement, la marque de sa condition humaine et de la sociabilisation qui en découle.

    C'est dans cet état qu'est préparé physiquement le candidat à l'Initiation, c'est-à-dire ni nu, ni vêtu, mais dans un état décent, dépouillé d'une partie de ses vêtements, ce que l'on trouve décrit ainsi : bras et sein gauches découverts, jambe et genou droits mis à nu, pied gauche déchaussé ; avec une longue corde passée autour du cou, terminée par un nœud coulant et les yeux couverts d'un épais bandeau.

    On peut trouver aussi des rapprochements analogiques entre la simplicité du Maçon et la pauvreté évangélique, entre le Récipiendaire pauvre et nu et le Christ dépouillé de ses vêtements, dans les premières divulgations écossaises.

    Dans la société profane, le port des vêtements est une indication du niveau de richesse sociale. Ils accentuent les différences et l'inégalité de fortune. Dépouillé de cette apparence, le candidat est rappelé à son état ontologique de pauvreté.

    Le Récipiendaire ainsi présenté ressent physiquement l'état inconfortable de la dualité, du déséquilibre et de la contradiction, particulièrement éprouvé par la claudication de la marche. Cette préparation physique et vestimentaire marque la distinction et le croisement des courants énergétiques de droite et de gauche du corps humain, établissant une symétrie autour des axes perpendiculaires et verticaux qui se croisent près du sein gauche où est localisé le cœur. La droite est considérée comme active et la gauche comme passive. Le candidat prend conscience de l'obstacle que crée tout dysfonctionnement physique, après cette préparation vestimentaire, qui peut faire penser à celle d'un condamné à mort. Cette mise en scène est faite pour l'aider à se dépouiller de son ego, à mourir à lui-même.

    Le Tablier

    Le tablier des tailleurs de pierre était en peau, assez long et enveloppant. Les représentations anciennes de gravures du 18ème siècle, représentant une Tenue d’admission d’un candidat témoignent de la même disposition.

    Dans les anciennes instructions, le Tablier est considéré comme la marque distinctive du Maçon. Sa peau d’agneau, d’une blancheur éclatante, symbolise la pureté, l’état de virginité virtuellement recouvré par le Néophyte.

    La Maçonnerie adonhiramite explique ainsi le Tablier : Il est le symbole du travail ; sa blancheur nous démontre la candeur de nos mœurs et l’égalité qui doit régner entre nous.

    Le Guide des Maçons Écossais exhorte le nouvel Apprenti, en le revêtant du Tablier, en ces termes : "Recevez ce tablier, que nous appelons habit ; il vous donne le droit de vous asseoir parmi nous, et vous ne devez jamais vous présenter en Loge sans en être revêtu".

    Dans le Régulateur du Maçon, le Vénérable remet le Tablier au nouvel Apprenti en lui disant : "Mon Frère, ce Tablier dont vous serez toujours revêtu en Loge, vous rappellera sans cesse que l'homme est condamné au travail et qu'un Maçon doit mener une vie active et laborieuse".

    Ce symbole de la Franc-maçonnerie spéculative est particulièrement important, car il est un rappel de sa lointaine filiation opérative. La réception et l'enseignement du tablier en peau d'agneau ou en cuir blanc avec les gants blancs, sensibilisent rapidement le Franc-maçon dans son cheminement et demeurent gravés dans sa mémoire comme les premiers symboles qui lui sont expliqués, autant que la première preuve tangible qu'il possède de son admission dans un ordre initiatique. Sorte de rite d'investiture, la remise du Tablier avec les Gants constitue pour le nouvel Apprenti, les insignes distinctifs de son engagement dans le métier.

    Le Tablier et les Gants sont appelés décors. Ils sont en réalité les véritables insignes maçonniques du Travail, alors que le cordon n'est qu'un ornement. Chassé du paradis, le premier homme aurait été revêtu d'une tunique de peau pour cacher sa nudité et poursuivre l'accomplissement de son destin devenu dramatiquement incertain par la gestion de son libre arbitre.

    Jean-Théophile Désaguliers fit une première tentative d'uniformisation du tablier de Maçon vers 1731, en présentant une motion sur la question qui fut adoptée à l'unanimité mais resta sans effet. En réalité, au 18ème siècle, beaucoup de tabliers différaient tant par leur forme que par leur ornementation ; certains étaient très onéreux et savamment décorés, au gré des fantaisies et fortune de leur détenteur. Il fallut l'Union des Grandes Loges des Anciens et des Modernes de 1813, pour que les tabliers maçonniques soient codifiés en fonction des grades pratiqués et que cette codification officielle soit respectée.

    Le symbolisme du tablier

    Le rôle du Tablier est de protéger le Maçon durant le travail, lui évitant d’être blessé par les éclats qui se détachent de la Pierre brute. Ces éclats doivent symboliquement être considérés comme ses imperfections, ses vices et ses passions.

    Le Tablier participe à tout le cycle du Travail maçonnique. Il est une preuve évidente de l'engagement du Maçon et de la consécration qui en a été la réponse. Insigne et vêtement de travail de l'Apprenti-Maçon, le Tablier lui donne accès au chantier du Grand Œuvre de la Franc-maçonnerie.

    Dans le tablier maçonnique, trois éléments méritent d'être analysés pour en percevoir le sens : ses couleurs, sa matière, sa forme.

    Sa couleur

    Le tablier doit être uniformément blanc et sans tache. Cette couleur, si tant est que le blanc soit une couleur, est considérée comme emblème d'innocence et de pureté. Ces nobles qualités expliquent que certains vêtements des prêtres juifs devaient être blancs et que de même, dans les Mystères anciens, le candidat était toujours vêtu de blanc.

    Le blanc synthétise toutes les couleurs ; il a la propriété de diffuser la totalité du flux lumineux qu'il reçoit de la source, dans toute l'étendue du spectre visible. Ce spectre correspond aux faisceaux lumineux de l'ensemble des couleurs : violet, bleu, vert, jaune, orange et rouge.

    Sa matière

    Il doit être en peau d'agneau. "Aucune autre substance, nous dit Albert G. Mackey, telle que le lin, la soie ou le satin ne saurait lui être substituée, sans détruire entièrement le caractère emblématique du tablier".

    Le fait que le tablier soit en peau, outre qu'il réactualise symboliquement le vaste tablier de cuir des ouvriers de certains métiers, rappelle aussi que la peau a toujours été considérée comme un matériau protecteur, un isolant efficace contre certaines influences se rapportant au domaine des forces inférieures. Il s'agit donc, en quelque sorte, par le port du tablier, de mettre à l'abri une région du corps, non pour la retrancher, mais pour orienter son efficience vers d'autres domaines.

    Le Tablier en Loge, protège et met à couvert une région du corps qui n'a pas à participer au Travail maçonnique. Cette région du corps où siègent et s'animent les passions étant circonscrite symboliquement par le port du Tablier, les Travaux de Loge pourront se dérouler avec d'autant plus de sérénité et de profit qu'ils ne subiront pas les interférences nuisibles inhérentes aux agitations passionnelles. Elle doit être subordonnée et éclairée par l'intelligence spirituelle qui, seule, doit participer à la Construction du Temple.

    Toutes les passions profanes, tous les appétits grossiers doivent être exclus progressivement du travail de chacun.

    Sa forme

    Le Tablier de l'Apprenti a cinq côtés (bavette relevée) qui peuvent être mis en correspondance avec les cinq sens. Il est constitué de deux parties de formes géométriques différentes : une triangulaire, qui est la bavette relevée au grade d'Apprenti, symbole du Principe spirituel, et une partie quadrangulaire symbole de la materia prima. La première partie se juxtapose à la deuxième sans la pénétrer, délimitant ainsi la zone d'activité de l'influence spirituelle. Sa partie supérieure est un triangle et sa partie inférieure un rectangle ou un carré. Ces figures géométriques rappellent le quaternaire de la matière surmontée du ternaire de l'esprit, représentant lui, le sommet de la conscience humaine. Au grade de Compagnon, la bavette rabattue exprime le travail de spiritualisation de la matière.

    Les Gants blancs

    Le mot « gant » vient du francique want, qui est probablement passé en gallo-romain comme terme juridique, les Francs ayant eu l’habitude d’offrir un gant en symbole de la remise d’une terre.

    Dans la Maçonnerie adonhiramite, il est donné une explication concernant les deux paires de gants qu'il était coutume de donner au nouvel Apprenti :

    • Ne vous a-t-on rien donné de plus en vous recevant Maçon ?

    • L'on m’a donné un tablier blanc et des gants d'homme et de femme de la même couleur (En note il est précisé que quelques Maîtres ne donnent plus de gants de femmes).

    • Pourquoi vous a-t-on donné des gants blancs ?

    • Pour m’apprendre qu'un Maçon ne doit jamais tremper ses mains dans l'iniquité.

    • Pourquoi donne-t-on des gants de femme ?

    • Pour montrer au Récipiendaire qu'on doit estimer et chérir sa femme et qu'on ne peut l'oublier un seul instant sans être injuste.

    Dans une autre divulgation intitulée "La Franc-maçonne ou révélation des mystères des Francs-maçons", on trouve une explication complémentaire :

    • Pourquoi des gants d'homme si vous devez travailler ?

    • Pour m’apprendre que le travail que j’ai à faire est plus spirituel que manuel.

    • Pourquoi des gants de femme ?

    • Pour en faire présent à celle que la vertu rend la plus digne de mon estime.

    Il est difficile de déterminer à partir de quelle époque est apparu l'usage de remettre en cadeau des gants à une femme digne de l'estime du nouvel Initié.

    On relève que déjà en 1742, Pérau en parle. L'usage est donc très ancien.

    Dans le Guide des Maçons Écossais (p.24), lors de la Réception d'un candidat, le Vénérable prend des gants d'homme et dit au nouvel Apprenti : " Ne souillez jamais la blancheur éclatante de ces gants, en trempant vos mains dans les eaux bourbeuses du vice : ils sont le symbole de votre admission dans le temple de la vertu ".

    De même Le Régulateur du Maçon (p. 33) explique : " Les gants, par leur blancheur, nous avertissent de la candeur qui doit toujours régner dans lame d'un honnête homme, et la pureté de nos actions ".

    La qualité principale d'un gant est sa souplesse et sa capacité à adhérer à la peau comme un étui léger ; cet accessoire vestimentaire est utilisé dans de nombreux proverbes et métaphores.

    Sous l'Ancien Régime, le port des gants obéissait à une codification très stricte. Jeter le gant signifiait pour un noble, défier quelqu'un en duel ; le relever, c'était accepter la provocation.

    Les Gants blancs doivent servir lors de toutes les Tenues. Ces gants suggèrent aussi que les mains d'un Franc-maçon doivent rester pures de tout acte blâmable et que sa conscience s'efforcera de proscrire tous sentiments vils.

    Dans les Loges allemandes, le mot utilisé pour désigner une action est handlung, qui signifie l'œuvre de ses mains, ce qui renforce ce concept symbolique.

    Avant le 12ème siècle, les évêques et les cardinaux dans la liturgie catholique, étaient les seuls admis au privilège du port des gants blancs, symbole de la pureté des œuvres et du cœur.

    Les gants blancs, en Maçonnerie sont un symbole, mais aussi un objet rituel. Reçus le jour de l'Initiation, ils rappelleront les engagements solennellement prêtés.

    Les gants marquent avant tout la pureté rituelle exigée par tout travail rituel. On les porte parce que les mains qui auront à manier les symboles sacrés ne peuvent être celles qui manient les objets profanes dans la vie quotidienne : le sacré doit être préservé de toute profanation.

    Les gants blancs du Maçon sont portés pendant toute la durée des Travaux en Loge, à l'exception des moments consacrés à la Chaîne d'union, où toutes les mains des assistants s'uniront ; elles seront alors dénudées pour favoriser la circulation des subtiles énergies chargées de fraternelles intentions cordiales.

    Les gants blancs ne peuvent être portés rituellement, que par quelqu'un qui s'est purifié avant de pénétrer dans le temple.

    C'est l'affirmation extérieure d'un état intérieur ; c'est en somme une transparence que l'on voudrait rendre visible à tous les yeux. Les mains étant le symbole des actions humaines, les mains pures font des actes purs. Il y a identité entre l'acte et la main.

    Partant de considérations aussi élevées et d'un pur point de vue de la théorie maçonnique, on sera fondé à penser qu'un Frère en Loge, portant rituellement les gants blancs et qui n'aurait pas abandonné ses métaux à la porte du temple, constituerait par là, la matérialisation d'une profanation, en y ayant laissé s'introduire, une mentalité profane.

    Dans la symbolique liturgique, les gants épiscopaux, quelle que soit leur matière (fil, soie, laine), évoquent les mains de Jacob recouvertes de la peau de chevreau (Genèse 27,16). On sait que Jacob signifie supplanteur.

    Dans le port des gants, il y a l'idée d'affranchissement, de succession, de substitution. Le nouvel homme supplante le vieil homme ; la Lumière repousse les Ténèbres.

    L'unité de l'ensemble habillement solennel / décors, porté avec dignité lors des Travaux en Tenue, dégage une impression de calme et de sérénité propice à leur qualité.

    Les Gants peuvent être considérés comme le complément indispensable du Tablier dans la Tenue maçonnique. Tous deux ont la même signification et suggèrent les exigences de la purification.

    Qui gravira la montagne du Seigneur ou se tiendra à sa sainte place ? Celui qui a les mains propres et un cœur pur, écrit le psalmiste [2].

    On peut considérer que le Tablier se réfère au cœur pur et les Gants aux mains propres. Tous deux sont liés à la purification et à la régénération psychique. Cette exigence de purification qui fut symbolisée de tout temps, par les ablutions qui précédaient les anciennes initiations aux mystères sacrés, demeure toujours d'actualité au 21ème siècle.

    Dans les mystères anciens, tout comme chez les juifs et les musulmans, le fait de se laver les mains constitue toujours aujourd'hui une cérémonie préalable, soit à l'Initiation, soit à un acte rituel d'ordre exotérique. Cela signifie et indique la nécessité d'être pur de tout méfait ou acte blâmable pour être admis à participer aux rites sacrés ; on trouve inscrit sur le temple d'une île crétoise : "lave-toi les pieds et les mains, puis entre". Cette inscription illustre bien ce qui précède.

    La robe dans les obédiences féminines

    Plusieurs obédiences féminines françaises ont adopté le port d'une robe en Tenue. Cet usage présente entre autres avantages celui de mettre « vestimentairement » les participantes à l'unisson et au même diapason. Il permet de surcroit d'occulter le cas échéant, les éventuels métaux des unes aux yeux des autres ou, ce qui revient au même, d'annuler les effets pervers de signes extérieurs d'avoirs trop voyants.

    Historique

    C'est au début des années 1950, lors de la création d'une Loge de la G.L.F.F., ayant pour titre distinctif Isis, que plusieurs membres, sous la direction de Gisèle Faivre prirent l'initiative de proposer ce port d'une Robe, lequel fut adopté par toute l'obédience et devint obligatoire pour tous ses membres. Sa couleur variait selon la sensibilité des Ateliers. Certaines furent bleues, d'autres écrues et une majorité noires. Les robes noires seules furent finalement imposées à toute l'obédience, faisant d'une pierre deux coups, en symbolisant par là aussi l'œuvre au noir. Cette option vestimentaire influença d'autres obédiences féminines ou mixtes qui adoptèrent aussi le port d'un vêtement unique pour toutes les sœurs. Ainsi celles de Memphis Misraïm, dont certaines ont opté pour des robes blanches ou safranées et une obédience anglaise mixte pour une robe bleue.

    Lors d'un voyage en Inde des membres de la Loge Isis de la G.L.F.F., celles-ci s'intéressèrent aux Robes que portaient les indiennes de Bénarès. Elles en rapportèrent le patron qui, déplié, prend la forme de la croix de Malte.

    Motifs du choix d'une robe

    Le port de la robe est intéressant en soi car il est un facteur d'unité et d'harmonie visuelle entre tous les membres d'une même loge. La croix que forme la robe à plat est un symbole universel. Elle trace dans l'espace le premier quaternaire de l'expansion créatrice. La croix stricto sensu fait passer du carré au cercle et inversement.

    La nécessité d'une rigueur et d'une unité dans l'habillement, tout en établissant une forme d'égalité entre toutes les sœurs évite toute forme d'exhibitionnisme vestimentaire préjudiciable à la concentration et à l'harmonie générale d'un Atelier.

    L'adoption d'une Robe par toutes est un rappel du principe maçonnique de dépouillement des métaux. Elle a une subtile fonction symbolique de bouclier, évitant de cette façon dispersion et distraction. En outre, elle permet de réaliser plus concrètement, que l'essentiel est dans l'être et non dans le paraître.

    On peut noter aussi que cette Robe est d'une seule pièce, tout comme l'aurait été la tunique de Jésus. Un vêtement reçu lors d'une transmission spirituelle est généralement d'une seule pièce, comme la vie de chacun est unie et unique, liée à son identité. De même on peut considérer que chacun est enveloppé d'un tissu biologique, comparable à une tunique sans couture, symbolisant l'Unité essentielle.

    R :. F :. A. B.

    [1] R. Dez, Regius (manuscrit, 1390), Paris, 1985, p. 56

    [2] Psaume 24,4

     

    Bibliographie

     

    Guigue ChristianLa formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 1995

     

    Mackey AlbertEncyclopedia of freemasonry

    New York, vol. 1, 1996

     

    Mainguy IrèneLa symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2001

     

    Onofrio JeanComment travaillent les Francs-maçons ?

    La Maison de Vie, Fuveau, 2007

     

    PérauL'Ordre des Francs-Maçons trahis et leur secret révélé 1745 (1742)

    Editions Slatkine, reprint Genève, 1980 - pp. 39 - 40

     

    Le Régulateur du Maçon - Heredon p. 33, 5801.

    Editions Rouyat, 1980

     

    Recueil précieux de la maçonnerie adonhiramite 1786

    Editions Rouyat 1975 - p. 22

     

    Le Parfait maçon, les débuts de la maçonnerie française (1736 – 1748)

    Textes réunis et commentés par Johel Courura

    Pub. de l'Université de St Etienne, 1994 - p. 156

     


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  •  Tenue, rites et rituels 

    Quelques réflexions spontanées

    Je commencerai par faire un constat. Une Tenue, c’est l’application d’au moins un rituel, depuis l’appel au Travail lancé en salle humide, au nom du Vénérable Maître par le Maître des Cérémonies, jusqu'à la sortie bien ordonnée de tous les Frères, en passant par tout ce qui se déroule dans le Temple.

    En conséquence,

    1. Si le rituel n’existait pas, il n’y aurait pas de Tenue au sens strict et le regroupement des Frères dans le Temple serait tout simplement une réunion d’amis bienveillants entre eux.
    2. Le rituel serait donc un ensemble de phrases, imposées par l’Obédience, généralement prononcées par le Vénérable Maître et les deux Surveillants sous forme de dialogue, mais encore des gestes et actes symboliques, des déplacements ainsi que la présence de nombreux symboles indispensables pour qu’une Tenue existe et se déroule correctement.

    Un ou des rituels ?

    Le rituel ne me semble pas unique. Il existe des rituels. Lesquels ?

    • pour une Tenue ordinaire il nous faut au moins: le rituel d’Ouverture des Travaux et le rituel de Fermeture des Travaux.

    Il y a aussi un rituel spécifique :

    • pour l’Initiation d’un Profane ;
    • pour les passages aux 2ème et 3ème degrés ;
    • pour le Réveil de la Loge ;
    • pour le Solstice d’hiver et pour le Solstice d’été ;
    • pour l’installation du Vénérable Maître ;
    • pour une Tenue de deuil lorsqu'un Frère est passé à l’Orient Éternel ;
    • pour l’interrogatoire sous le bandeau ;
    • pour l’élection du nouveau Vénérable Maître ;
    • pour la prestation de serment de tout Maître qui accepte une charge.

    Extrêmement réduit lors des Tenues blanches, le rituel varie en fonction du Rite adopté par la Loge. C’est ainsi que, au Rite moderne, les trois Piliers entourant le Tapis de Loge sont allumés et éteints par le Vénérable Maître assisté par les deux Surveillants et aidés par le Maître des Cérémonies. Au Rite Écossais Ancien Accepté, ce sont les Frères Expert et Maître des Cérémonies qui s’en chargent. Au Rite Écossais Rectifié, le Maître des Cérémonies précède le Vénérable Maître qui allume ou éteint lui-même les luminaires surmontant les trois Piliers.

    Les Rituels et les Rites

    Ne confondons pas « rites » et « rituels ». Le mot « rite » a été emprunté au langage religieux par la Franc-maçonnerie anglaise au milieu du 18ème siècle. Le rite regroupe l’ensemble des usages prescrits (langage, protocole, comportement, cérémonies, manifestations, déroulement des séances…) pour le bon fonctionnement d’une structure maçonnique.

    Il existe de par le monde des dizaines de rites, chacun affirmant sa différence en fonction de sa propre conception de l’idéal maçonnique, mais aussi de son rattachement particulier aux Landmarks, considérés comme la référence universelle.

    Quels sont les Rites pratiqués en Belgique ?

    La majorité des loges de la G.L.R.B. travaillent au Rite (belge) Moderne. C’est le rite officiel de notre Obédience.

    D'autres loges travaillent, par exemple, au Rite Français Moderne, au Rite Écossais Rectifié, au Rite Écossais Philosophique, au Rite Écossais Ancien Accepté… Il en existe d’autres… : l’historien Ragon en a recensé cinquante-deux ! Bernard Baudouin les cite et les décrit (cf. Bibliographie, pour aller plus loin en ce qui concerne les rites).

    Les rituels varient en fonction du Rite adopté par la Loge.

    C’est ainsi que, dans notre Loge, les trois Piliers entourant le Tapis de Loge sont allumés et éteints par le Vénérable Maître assisté par les deux Surveillants. Au Rite Écossais Ancien Accepté, ce sont le Frère Expert et le Maître des Cérémonies qui s’en chargent.

    Le rituel est un ensemble de phrases, imposées par l’Obédience, prononcées par le Vénérable Maître et les deux Surveillants sous forme de dialogue, mais encore des gestes et actes symboliques, des déplacements dans un environnement riche de nombreux symboles indispensables pour qu’une Tenue existe et se déroule correctement.

    Les éléments indispensables du rituel d’une Tenue

    Voici les éléments du Rituel qui me paraissent indispensables. Ce qui suit est le résultat de ma simple réflexion personnelle.

    • l’entrée respectueuse dans le Temple ;
    • une place pour chacun et chacun à sa place ;
    • une planche musicale pour nous aider à quitter le monde profane ;
    • l’Ouverture des Travaux ;
    • la présence des Trois Grandes Lumières de la Loge : le Volume de la Loi sacrée, l'Équerre et le Compas ;
    • la vérification de la Couverture de la Loge, tant extérieurement qu’intérieurement.
    • le dialogue entre le Vénérable Maître qui dirige nos Travaux et les deux Surveillants qui l’assistent ;
    • toutes les phrases qui nous rappellent nos devoirs et que nous sommes là pour travailler, pour chercher la Vérité, la Lumière ;
    • quelques planches musicales pour nous aider à méditer les paroles qui ont été prononcées, les actions qui viennent de se dérouler, des gestes forts qui viennent d’être posés ;
    • des coups de maillets pour marquer des moments importants ;
    • le mot sacré et le mot de passe ;
    • les batteries d’allégresse et d’acclamation ;
    • les déplacements du Maître des Cérémonies pour conduire et reconduire tout Frère appelé à se déplacer dans le Temple ;
    • la Chaîne d’union fraternelle dans un profond recueillement ;
    • la circulation du Tronc de Bienfaisance et du Sac aux Propositions…qui ne devrait pas être un moment identique à la mise «en récréation » de la Loge !
    • à tout moment, le respect du caractère sacré du Temple ;
    • la présence du Tableau de la Loge, des luminaires, des symboles, des bijoux fixes et des bijoux mobiles ;
    • le port des Gants blancs et du Tablier ;
    • pendant toute la Tenue, le respect du silence ;
    • la Fermeture des Travaux.

    Rien ne me paraît superflu. Tout me semble important. Je dirais même que tout est indispensable puisque prescrit par nos traditions et certaines dispositions par les plus hauts Dignitaires de l’Obédience.

    Reflets de mes recherches dans la littérature maçonnique

    Vers une définition du rituel

    Pour Raoul Berteaux, « on donne aujourd'hui le nom de « rituel » à l’ensemble des textes que l’on suit pour ouvrir et fermer les Travaux de Loge et pour conférer la Réception d’un Récipiendaire».

    Les rituels maçonniques se sont inspirés du théâtre romantique dans lequel l’action est jouée sur scène. Ils ont pris la forme d’un scénario de pièce de théâtre où les détails de régie sont fixés minutieusement. Le Vénérable Maître et les Officiers dignitaires qui l’entourent agissent comme des acteurs de théâtre.

    Le scénario doit être adapté à l’esprit du temps et à la mentalité du milieu culturel ambiant. C’est cette nécessité qui a justifié les aménagements des textes des rituels. Mais trop souvent les changements ont touché au caractère universel de l’enseignement  initiatique. Pourtant chaque génération a le devoir et la mission de rechercher l’essentiel et de dégager l’accessoire. L’essentiel doit être sauvegardé ou rétabli ; l’accessoire doit être aménagé.

    Mais définir le rituel revient aussi à dresser l’inventaire de ses composantes.

    C’est ainsi que A. Benuraud et C. Brugnaux considèrent tout rituel comme un symbole agi. Symboles et rituels sont inextricablement liés. Ces auteurs incluent dès lors dans le rituel :

    • le port du bandeau lors de l’interrogatoire ;
    • la banderole « vigilance et persévérance » accrochée au mur du Cabinet de réflexion ;
    • le Cabinet de réflexion lui-même, symbole de la grotte, de la caverne ;
    • la Chaîne d’union, symbole de fraternité et de cohésion de la Loge ;
    • la circulation dans la Loge, codifiée de manière différente selon les rites. Elle constitue un élément rituélique important pour le déroulement ordonné de la Tenue ;
    • la Colonne d’harmonie qui doit veiller à ce que la musique choisie fasse surgir des sentiments et donne corps aux rituels ;
    • les symboles du Cabinet de réflexion tel le Coq, le Crâne, la Faux, le Pain, le Sablier, le Sel, le Soufre ;
    • la Fermeture des Travaux ;
    • l’Initiation ;
    • les maximes reproduites sur les murs du Cabinet de réflexion ainsi que le célèbre acrostiche emprunté à la tradition alchimique occidentale «V.I.T.R.I.O.L.» ;
    • l’Ouverture des Travaux ;
    • le Travail en Loge qui est d’abord rituélique et symbolique mais aussi une condition pour toute augmentation de salaire (passage d’un degré à un autre).

    Edouard E. Plantagenet estime que « le rituel est un auxiliaire précieux pour l’Apprenti car si les épreuves lui ont appris le sens de l’action, les traditions rituéliques auxquelles il est invité à se soumettre en constituent positivement le moteur. Sous leurs différentes formes, elles lui dictent continuellement son devoir et l’incitent, sans cesse, à l’accomplir sans défaillance ».

    Cet auteur inclut dans le rituel les éléments suivants :

    le Mot sacré, le Mot de passe, le Signe d’ordre, la Marche, l’Ouverture et la Fermeture des Travaux, l’âge maçonnique, le Livre de la Loi, la Chaîne d’union et l’acclamation mais également les symboles rituéliques que sont  le Tablier et les Gants, les bijoux et les outils et enfin la Pierre brute.

    Pour Christian Guigue, le « rituel » vient du latin rituales libris ou livres rituels. Il définit un rituel comme un recueil contenant les différents rites ou actes célébratoires sacramentaux.

    Pour Jean Ferré, le rituel est l’ensemble des connaissances symboliques que l’on veut transmettre, leur formulation, leur mise en pratique : gestes, signes, paroles, mots, attouchements… Il constitue l’essence même de la cérémonie.

    Par glissement, le mot « rituel » signifie aussi le livre qui décrit le déroulement de la Tenue, qui permet de décorer le Temple, de fixer les rôles de chacun…

    Mais le mot « rituel » est aussi adjectif. Il convient donc de ne pas dire des agapes « rituéliques » – ce qui est un belgicisme – mais des agapes rituelles.

    Pour Bernard Baudouin, le rituel était à l’origine un cahier dans lequel étaient consignés les divers éléments qui concourraient à la bonne conduite d’une cérémonie. Par extension, le mot désigne aujourd’hui la cérémonie elle-même, avec tous les paramètres qui la composent, depuis les gestes, les signes, les paroles, les mots, les attouchements, etc…

    L’utilité du rituel

    Le rituel multiplie les suggestions verbales. Viennent s’y ajouter la suggestion visuelle des symboles rituéliques dont le rôle se borne à concrétiser certaines formules essentielles. Leur assimilation intégrale doit nous permettre d’aborder l’étude et l’interprétation des symboles initiatiques.

    Pour Raoul Berteaux, « tout rituel d’initiation maçonnique comporte des éléments structurels appartenant à deux domaines différents :

    • le premier concerne l’enseignement initiatique proprement dit. Il relève d’une tradition, d’un caractère sacré;
    • le second concerne la façon de le conférer. Il relève des us et coutumes du milieu culturel ambiant ».

    Pour Edouard E. Plantagenet, « le rituel est la lettre ; l’initiation est l’esprit. Le rituel est une route que jalonnent les bornes de la sagesse ; l’initiation est une échelle dont les échelons nous élèvent vers de nouveaux horizons ».

    Depuis la plus haute antiquité jusqu'à nos jours, les philosophes comme les psychiatres ont démontré que ce qui ordonne notre activité consciente n’est autre que le subconscient, force obscure cachée dans notre cerveau.

    Pour Alfred Binet, « la transformation d’une idée en acte est un fait psychologique régulier qui se produit toutes les fois que l’idée atteint un degré suffisant de vivacité. L’idée se produit par un travail subconscient à l’insu du sujet ».

    C’est donc l’idée de suggestion qu’il me faut finalement évoquer. Qu’est-ce que la suggestion ? La suggestion est la réalisation subconsciente d’une idée. L’idée qui tend à se matérialiser est celle sur laquelle l’attention s’est particulièrement concentrée.

    Luc Nefontaine qualifie la Franc-maçonnerie de société hautement symbolique avec un appareil rituel très développé. Elle apparaît tout autant comme une institution véhiculant un sens et des valeurs, par le biais des symboles et des rituels. Il n’y a pas lieu de subordonner les buts aux rites, ou vice-versa. Même dans nos loges dites « régulières », souvent plus formalistes que les loges qui ne sont pas reconnues comme telles, les rites n’en viennent jamais à masquer les buts.

    Pour Julien Behaeghel, le rituel est le symbole en action. Il est le verbe créateur du monde intemporel, créateur du nom qui donne vie et de l’espace sacré qui s’inscrit dans le présent éternel, cet espace qui définit le sens, le sens qui va de l’ombre vers la lumière, de l’Occident vers l’Orient, de l’inconscience vers la conscience – connaissance. Le sens est la lumière et le rituel n’a d’autre raison d’être que de faire jaillir la lumière, la lumière invisible de l’Esprit. C’est bien pourquoi certaines circumambulations se font dans le sens de la lumière, de l’Occident vers l’Orient. Dans le rituel maçonnique cependant, le sens de la circumambulation est inversé afin de garder le centre à sa droite ; autrement dit, le Maçon défie le temps par le rituel ; il l’inverse. C’est à l’envers du temps que se trouve la raison mystérieuse de notre devenir.

    Le candidat à l’Initiation devra donc faire le trajet inverse du trajet solaire pour recevoir la lumière : il ira de l’Occident à l’Orient… Et tous les déplacements en loge, toutes les circumambulations se feront de l’Occident à l’Orient en passant par le Nord, en tournant autour du centre afin de devenir le centre.

    C’est au centre de la loge que le Maçon dessine l’espace magique de sa création. Il trace le carré double (« carré long ») dont la diagonale contient le nombre d’or en puissance. Puis à la verticale de son tracé, il disposera les trois fenêtres grillagées…

    Dans le rituel, le son devient lumière, la lumière parole et la parole devient l’outil qui permettra à l’Initié d’inscrire la vision du Géomètre dans la pierre.

    Le Maçon fait trois pas sur les carrés noirs et blancs du Pavé mosaïque, passe entre les Colonnes, reçoit le Maillet et le Ciseau et frappe trois coups sur la pierre vibrante et le monde bascule, se renverse dans un autre temps, le temps du rituel et du symbole, le temps des bâtisseurs du Grand Temps, c’est-à-dire du temps hors du temps.

    Répéter inlassablement les mêmes paroles du rituel équivaut à sortir du temps profane. Il est alors éternellement midi, au zénith de la voûte étoilée du temple. Le rituel parlé ou chanté correspond d’une certaine façon aux semences verbales des mantras de l’hindouisme.

    Etablir le dieu dans son image, tel est bien le rôle du rituel, et en l’établissant dans son image, le chercheur de lumière le reçoit en lui. C’est la raison pour laquelle tout est fait et dit en loge à la gloire du Grand Architecte de l’Univers. C’est en son nom qu’est donnée l’Initiation. C’est en son nom que tout travail de Maçon commence et finit.

    Le rituel, par les questions et réponses des maîtres, organise le monde dans son ordre primordial.

    Pour Pierre Dangle, c’est le rituel qui donne corps au spirituel et réanime l’ensemble des forces créatrices.

    Les rituels initiatiques racontent la création en esprit par le jeu des symboles, véritables paroles de vie qui rendent présentes les fonctions rituelles remplies par les Frères.

    Ainsi les rituels relient-ils les symboles entre eux pour leur donner leur pleine et entière signification et nous permettre de les vivre.

    Participer aux rituels est un acte majeur pour tous les Frères de la Loge, et chaque rituel est une nouvelle naissance, à la fois de la Loge elle-même et de chacun de ses Frères.

    Selon Guy Boisdenghien, notre Ordre dispense des préceptes induisant à la connaissance réelle de soi par symboles, signes, emblèmes et paroles dont les significations transcendantales ne peuvent s’appréhender que par le moyen de l’Initiation et la progression du membre dans celle-ci. En effet, « progression » est un maître mot de l’Initiation car les rituels ne transmettent pas de façon linéaire. Ils agissent par projections dans le sens psychologique de ce mot. A travers le rituel, le Frère ressent dans des gestes, des paroles et des modèles symboliques des états affectifs qui lui sont propres. Ces états affectifs vont progressivement pénétrer au plus profond de son être, le modifier en son centre spirituel et, peut-être, provoquer une transmutation, un changement de nature.

    Chaque degré s’appuie sur un rituel d’Initiation et un autre de Travaux ordinaires. Le rituel détaille l’acte cérémoniel qui se présente en un ensemble de symboles vécus, réglés et mis en scène dans une forme définie. Les rituels ont donc pour fonction de placer les participants dans une atmosphère initiatique frappant l’imagination, les sentiments et l’intellect. Ils requièrent de chaque Frère une adhésion effective car tout rituel ne peut être compris sans la volonté de percer l’esprit qui y préside.

    Le but du rituel d’Ouverture est de provoquer la rupture du temps et de l’espace. La modification met en place un autre espace atemporel et aspatial.

    Le rituel rompt tant avec le temps historique qu’avec notre espace environnant. Mais pendant que les Frères, durant la Tenue, sont conduits par le rituel à participer à un moment atemporel, les heures continuent à s’égrener en dehors de la Loge. La Tenue ne peut donc s’achever sans provoquer une nouvelle rupture visant à réinsérer le temps profane.

    Ma conclusion provisoire

    Cette recherche relative à l’importance du rituel me permet de dire que le rituel nous dicte inconsciemment nos devoirs. Il nous suggère tout d’abord d’apprendre à nous connaître nous-même en tant qu’Apprenti, de travailler à la construction de notre propre Temple puis à celle du Temple de l’Humanité.

    Il nous incite à pratiquer le symbolisme et à étudier les symboles, ce qui devrait nous aider dans notre recherche de la Vérité.

    Le rituel nous suggère encore de vouloir la justice, d’aimer nos Frères, de pratiquer la fraternité, la bienfaisance et de nous soumettre à la Loi. Il nous impose aussi de nous taire devant les profanes.

    La première version de cette planche avait été tracée à l’époque où j’étais encore un jeune Apprenti !

    Il me semble l'avoir bien fait évoluer.

    R :. F :. A. B.

    Bibliographie 

     

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade de Compagnon

    Editions Edimaf, Paris, 1986 - Pages 69 à 77

     

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade d’Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986 - Pages 88 et 89

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995 - Pages 186 à 192 ; 203 ; 216 ; 311

     

    Nefontaine Luc - Symboles et Symbolisme dans la Franc-maçonnerie

    Tome 2 - Editions de l’U.L.B., Bruxelles, 1994 - Pages 105 ; 109 à 111

     

    Plantagenet Edouard E.

    Causeries initiatiques pour le travail en chambre de Compagnons

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 122 à 126

     

    Plantagenet Edouard E.

    Causeries initiatiques pour le travail en loge d’Apprentis

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 72 à 96


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  •  De Midi à Minuit, l'heure des Travaux 

    Introduction

    C’est avec surprise et curiosité que les nouveaux Initiés entendent la demande du Vénérable Maître d’ouvrir les Travaux « puisqu'il est Midi » puis de les fermer lorsqu'il est Minuit, alors qu’en réalité les Travaux débutent généralement vers 19 h 45 et durent à peine deux heures !

    Pourquoi nous annoncer qu’ils commencent à Midi et s’étendent sur douze pleines heures, en totale contradiction avec nos montres ?

    Ce décalage avec la réalité des horloges est tel qu’il ne peut, à l’évidence, être fortuit. Le rituel nous envoie un message qu’il nous faut décoder.

    Commençons cette planche par un examen de notre rituel d’Ouverture et de Fermeture des Travaux au Rite moderne.

    Examen de nos rituels d’Ouverture et de Fermeture des Travaux

    A L’OUVERTURE DES TRAVAUX

    V:. M:.

    F :. 1er Surveillant, à quelle heure les Apprentis – Maçons ont-ils coutume d'ouvrir leurs Travaux ?

    1er Surv:.

    A Midi !

    V:. M:.

    F:. 2nd Surveillant, quelle heure est-il ?

    2nd Surv:.

    Il est Midi !

    Les seules explications qu’un bienveillant Frère Surveillant avait pu me donner, il y a longtemps, en séminaire d’Apprentis étaient les suivantes : « tout ce qui vient de se faire s’est fait avant « Midi ». Car c’est à « Midi » que commence symboliquement la Tenue. Le soleil est à son zénith et à l’heure de midi, il répand sa pleine lumière. Les Travaux se déroulent symboliquement de Midi à Minuit ».

    Mais je n’avais pas eu droit à d’autres explications.

    A LA CLÔTURE DES TRAVAUX

    V:. M:.

    F:. 1er Surveillant, à quelle heure les Apprentis – Maçons ont-ils coutume de clore leurs Travaux ?

     

    1er Surv:.

    A Minuit, V:. M:.

    V:. M:.

    F:. 2nd Surveillant, quelle heure est-il ?

    2nd Surv:.

    Il est Minuit.

     

    Ici aussi les explications furent très succinctes : « Les Travaux se sont déroulés symboliquement de Midi à Minuit ».

    Notre Frère Surveillant nous avait simplement expliqué qu’en Loge, le temps n’existe plus et que c’est à « Minuit », heure symbolique à laquelle se termine la Tenue, c’est-à-dire généralement entre 22 et 23 h profanes !

    A « Minuit » symbolique, les conditions ne sont plus remplies pour pouvoir poursuivre les Travaux. Nous nous apprêtons donc à regagner le monde profane, pour y poursuivre l’œuvre commencée dans l’espace sacré. La Lumière que chacun emporte dans son cœur devrait continuer à illuminer la voie.

    Cette planche, intitulée « De Midi à Minuit, l’heure des Travaux », est une modeste réflexion sur ce temps propre aux Travaux maçonniques qui se déroulent symboliquement entre Midi et Minuit. Je vais donc tenter de vous faire découvrir quelque peu le symbolisme qui s’offre à nous.

     

    L’heure des Travaux

    Confirmons tout d’abord ce constat : lors des Travaux en Loge, il est en effet de coutume pour le Vénérable Maître de s’informer de l’heure au début et à la fin de toute Tenue ou cérémonie. Et les Frères Surveillants de répondre invariablement qu’il est Midi ou qu’il est Minuit, l’heure d’Ouvrir ou de Clore les Travaux.

    Les  Travaux, quant  à eux, sont toujours délimités dans un espace compris entre l’Orient et l’Occident, le Septentrion et le Midi, le Zénith et le Nadir.

    Ainsi, à chaque Tenue, le rituel nous rappelle que le Travail maçonnique commence, d’une manière symbolique, à Midi pour se terminer à Minuit.

    Cet échange verbal entre le Vénérable Maître et les Frères Surveillants, ne devrait-il pas nous faire prendre conscience que la Lumière ne peut s’observer que par rapport aux Ténèbres ?

     

    De Midi à Minuit

    « De Midi à Minuit », cela veut dire que les Travaux commencent à Midi en pleine lumière quand le soleil est à son zénith, là où aucune ombre ne subsiste. Cette pleine lumière est nécessaire pour éclairer notre esprit. Et les Travaux  s’achèvent à Minuit plein, quand la Lune et la nuit prennent possession de la voûte céleste et que l’obscurité la plus profonde descend jusqu'au Nadir. C’est l’annonce du repos et la fin du travail du jour.

    Bien entendu la Fermeture des Travaux ne veut pas dire que tout finit «  ici et maintenant » car, comme nous pouvons l’entendre dans le rituel de Fermeture des Travaux de certaines Loges travaillant au Rite Écossais Rectifié, le Vénérable Maître ajoute un peu après :

    « Que la lumière qui a éclairé nos Travaux continue de briller en nous pour que nous achevions au dehors l’œuvre commencée dans le temple, mais qu’elle ne reste pas exposée aux regards des profanes » !

    Il s’agit alors pour nous tous d’amener la Lumière dans le monde profane !

    Chaque Tenue n’est-elle pas un voyage et un petit pas vers nous-mêmes ?

    Un proverbe chinois ne dit-il pas qu’un long voyage commence toujours par un premier pas ?

    Nous avons tous effectué ce premier pas lors de notre Initiation au grade d’Apprenti. Mais ce n’est souvent que bien plus tard que nous comprenons les raisons de la rédaction de notre testament philosophique qui met un terme à notre vie profane. Ce dépouillement et l’abandon des métaux servent de relais à notre nouvelle vie d’initié, et nous fait prendre conscience de ce que nous sommes venus chercher en Maçonnerie, c’est la Lumière !

    Le premier travail symbolique qui nous a été demandé juste après notre Initiation fut de donner trois coups de Maillet avec le Ciseau sur la Pierre brute. A ce moment-là notre travail de recherche sur nous-mêmes venait de commencer. Et ce travail, qui s’effectue symboliquement entre Midi et Minuit n’a de sens que pour les Initiés.

    C’est ce moment entre Midi et Minuit où nous sommes en dehors du monde profane, que commence la construction de notre temple intérieur, fait de compréhension et de tolérance, et  qui ne peut se faire que dans le silence, en prêtant beaucoup d’attention. A ces moments-là, point de place à la dispersion car cet enseignement reçu doit rejaillir plus tard sur nos attitudes, dans nos propos et dans nos manières d’être dans le monde profane.

    Cette vie initiatique, qui est la nôtre, est l’accomplissement d’un permanent et difficile voyage qui, avec l’expérience doit nous amener à une élévation morale qui nous conduira  à terminer cette vie en homme meilleur.

    Cette recherche personnelle intérieure doit nous permettre de donner un sens à notre vie et de modifier notre manière d’être.

    Ce travail fait en commun symboliquement entre Midi et Minuit permet à chaque Maçon de recevoir symboliquement son salaire et d’être content et satisfait.

    Mais vient le moment de nous séparer, non sans avoir auparavant partagé tous ensemble ce merveilleux moment trop rapide de communion, de sincérité et de respect : la Chaîne d’union dans laquelle nous pouvons sentir toute la force et l’énergie de la Loge nous envahir. Chaîne d’union qui nous unit par les mains, le cœur, et l’esprit.

    Ne serait-ce pas merveilleux si la fraternité qui nous unit à ce moment-là pouvait régner sur l’humanité toute entière, et pas uniquement entre Midi et Minuit ?

     

    Tentative d’interprétation

    Dans la phase initiale du rituel du 1er degré, lors d’une série de « triangulations » avec les deux Surveillants, le Vénérable Maître annonce que, puisqu'il est l’heure et que nous avons l’âge, il est temps d’ouvrir les Travaux !

    L’heure d’Ouverture des Travaux correspond – comme on le dit au Rite Écossais Rectifié – à « Midi plein », c’est-à-dire au moment de la journée où la lumière est à son maximum et le Soleil au Zénith.

    De même, la Clôture des Travaux doit être effectuée à « Minuit plein », quand l’obscurité est à son maximum et le Soleil au Nadir. Ainsi, les Travaux de Loge, du fait de leur caractère rituel, se déroulent symboliquement en conformité harmonique avec les cycles naturels et notamment avec le parcours journalier du soleil.

    Mais la précision de cette interprétation requiert un examen plus détaillé.

    Avant tout, il faut se demander pour quelle raison les Travaux maçonniques doivent – nécessairement, pourrait-on dire – être ouverts et fermés respectivement à Midi et à Minuit.

    La « clef » d’interprétation la plus adéquate me semble contenue dans certaines considérations de René Guénon qui, traitant de la correspondance analogique existant entre les différentes « échelles » des cycles cosmiques, remarquait que « dans la journée, la moitié ascendante est de minuit à midi, la moitié descendante de midi à minuit » [1].

    Ainsi, les phases du jour, comme celles du mois, mais à une échelle encore plus réduite, reproduisent analogiquement celles de l’année ; il en est de même, plus généralement, pour un cycle quelconque, qui, quelle que soit son étendue, se divise toujours naturellement suivant la même loi quaternaire.

    Suivant le symbolisme chrétien, la naissance de l’Avatâra [2] a lieu non seulement au solstice d’hiver, mais aussi à minuit ; elle est donc ainsi doublement en correspondance avec la « porte des dieux » dont il est question dans nos rituels de la Saint-Jean.

    À partir de ces correspondances entre cycle annuel et cycle journalier, ne pourrions-nous pas considérer que midi et minuit jouent dans le cycle journalier un rôle analogue à celui des deux solstices dans le cycle annuel ?

    Le monde du jour et de la nuit

    Alors que le temps profane du travail s’étend ordinairement du lever au coucher du soleil, le temps imparti aux Travaux du Maçon est délimité par le passage du soleil aux deux demi-méridiens.

    En astronomie, ces bornes midi – minuit correspondent au passage du soleil à son zénith, c'est-à-dire au maximum de sa lumière puis, douze heures plus tard, au nadir, dans l'obscurité d’un noir minuit.

    Le Travail du Maçon est ainsi placé sous la lumière du soleil descendant qui, à peine après avoir montré le maximum de sa lumière, va diminuer d’intensité pour faire place aux Ténèbres, qu’un pâle reflet lunaire pourrait adoucir.

    Soleil, Ténèbres et Lune : voilà trois pistes que le rituel nous invite à explorer.

    Le soleil est, dans toutes les civilisations, l’image vitale par excellence. C’est le père cosmique, le principe actif qui fait naître, fortifie et épanouit. Se consumant pour tous les êtres vivants sans exception, sa lumière généreuse est disponible pour tous. Elle est donnée sans contre partie : c’est l’image de l’amour toujours présent, éternel, qu’on peut qualifier de divin car, sans lui, rien n’existe ni ne peut exister.

    Cet amour, renouvelé à chaque lever, il nous demande de le propager comme il le fait, sans en imposer les formes, sachant cependant que les premières d’entre elles s’appellent fraternité, entraide et solidarité.

    Ce soleil symbolique, entrant dans les recoins de l’âme, dissout le doute, et, comme le feu auquel il renvoie, purifie pour régénérer. Son rayonnement est une force vitale qui pousse vers l’avant, vers une vie nouvelle, débarrassée du passé et des pulsions morbides.

    Il est Midi, la lumière au Zénith est à son maximum d’intensité ; ses vertus bienfaisantes à leur paroxysme. Il n’est pas de meilleure heure pour débuter nos Travaux, l’âme purifiée, le cœur baigné de l’amour que ses rayons insufflent, conduisant au désir de construire une vie nouvelle dans la promesse d’une moisson abondante.

    Cependant comme excès de soleil brûle et assèche, il faut que sa chaleur s’atténue pour qu'elle soit bienfaisante. C’est précisément à Midi que le soleil commence à décliner, brillant sans brûler.

    Puis, le soleil s’enfonce inexorablement sous l’horizon ; sa lumière s’éteint, cédant place à l'obscurité qui efface la lumière de l’amour que l’on souhaiterait pourtant éternellement présente.

    Ces Ténèbres qui s’installent ne viennent pas pour nous effrayer mais pour nous rappeler que « le monde visible est fait de lumière et de ténèbres, mêlés avec le plus bel art » (Goethe,  Traité de Physique).

    Lumière et Ténèbres, bien et mal, ange et démon, mêlés en s’opposant, en lutte perpétuelle car si l’un l’emporte, il n’y aurait ni mouvement, ni changement, ni évolution pour l’homme devenu alors enchaîné car privé de sa liberté.

    Cette obscurité en contraste avec le plein jour, c’est l’expression de la tension existentielle, conséquence de notre liberté de choix entre des contraires présents en nous.

    Ces Ténèbres nous questionnent sur le sens de notre existence, suggérant qu’existence et liberté sont des termes complémentaires. La condition humaine est dans la possibilité, le choix de soi-même ; l’homme en existant se découvre responsable de soi, non pas étant mais ayant à être.

    Mais, voici qu’apparaît la Lune, renvoyant la lumière solaire que l’on croyait disparue.

    La Lune, qui reçoit et réfléchit la lumière solaire, symbolise le principe passif en contraste avec le soleil, principe actif par essence.

    Dans la plupart des mythologies et traditions encore actuelles, elle est associée à l’idée de fertilité, lui prêtant une influence, faste si l’on sait s’en faire une alliée, sur la végétation, les maladies, les animaux…

    La Lune est la matrice dans laquelle le germe se développe. Elle symbolise le processus secret de la gestation dans le mystère de l’âme. C’est la lumière de l’intérieur qui indique que toute connaissance profonde passe par une communion spirituelle. La Lune absorbe la pensée discursive, logique et la mêle à l’imagination, l’intuition, la sensibilité, la nuance, le rêve, la poésie. Elle est l’inconscient profond, le trésor des origines ou du passé. Elle correspond à l'eau, sous son aspect purificateur qu’on retrouve au baptême ou à l’Initiation ; l’eau, solvant universel qui dissout ce que le feu a laissé. La Lune, mère nourricière, est la matrice, le creuset d’une possible renaissance.

    Le message symbolique

    Soleil et Lune, Lumière et Ténèbres vont de pair sans s’opposer ; leurs qualités propres s’ajoutent et se complètent. De cette fusion des principes actif et passif, naît l’« androgyne », harmonieuse conciliation des parts masculine et féminine.

    Ne pourrions-nous pas aussi voir dans ces douze heures de travail, bornées par Midi et Minuit, l’image d’une année de vie (douze mois), faite d’une lutte herculéenne (douze travaux) entre Lumière et Ténèbres ? Continuant cette symbolique des nombres, ne pourrions-nous encore y voir une incitation à contribuer au parachèvement de l’œuvre du Grand Architecte de l’Univers en agissant sur la Matière (4) par l’Esprit divin (3) présent en nous ?

    Toute cette symbolique de la nuit, du jour, du nombre, ne nous rappelle-t-elle pas que le Temps maçonnique, c’est le temps créateur, dédié à la construction de soi. Elle peut aussi nous rappeler que ce temps est limité, que Kronos dévore ses enfants et que la mort est son terme.

    Temps commun et Temps maçonnique

    Le Temps des Travaux maçonniques s’oppose au temps économique et social profane, tout en s’écoulant dans le temps des horloges, reflet du mouvement diurne et annuel du ciel. C’est ce temps commun que réfèrent la physique, la métaphysique, l’art, la littérature, l’ésotérisme, etc.…

    Comment le Temps maçonnique s’insère-t-il dans ce temps commun ? La décomposition naturelle du temps entre passé, présent et avenir donne un rôle central au présent, instant ponctuel entre passé qui n’est plus et futur immédiat qui n’est pas encore. Entre un passé figé, immobile, sur lequel nous ne pouvons rien, et un futur incréé, non advenu, se tient le présent. Mais celui-ci est un point de durée insaisissable car au moment où nous voulons l’appréhender il est devenu passé.

    Comment alors assigner une durée à cet insaisissable ? Le temps a-t-il une durée ou n’est-ce qu’une pure représentation commode de l’esprit, « une structure de réceptivité grâce à laquelle les sens peuvent être affectés par les objets ? » (Kant)

    Le temps ne serait-il pas hors de nous mais en nous, produit dans et par l’intériorité de la conscience ?

    Goethe formule une lumineuse réponse : « seul l’homme peut accorder une durée à l'instant ». C’est en nous-mêmes que nous donnons du temps au temps et faisons ainsi de l’éphémère du durable. Ce durable, nous pouvons également le penser, sans nous contredire, jusqu’à sa limite, représentée par un présent suspendu, immobile, comme gelé en un moment perpétuellement figé, absolu, sans succession, que l’on appelle éternité.

    Platon ne voyait d’ailleurs dans le temps que l’image mobile de l’éternité. Cette aspiration à la durée fait, de ce renouvellement irréversible d’un instant évanescent qu’est le présent, un état de la conscience qui forme continuité avec le passé et le futur immédiat.

    C’est cette réalité du présent qui ouvre le champ de l’action. Présent et action, indissociables complémentaires, liés par Bergson dans cette définition : «mon présent, c’est mon attitude vis-à-vis de l’avenir immédiat, c’est mon action imminente».

    Cette liaison présent – action implique un futur proche, la pensée allant de l’avenir vers le présent, comme à rebours du temps ! Le lieu véritable du temps serait le futur et non le présent.

    Ce présent – action s’interprète comme une projection continuelle de notre pensée vers le futur, tout acte étant un façonnement de l’avenir où l’homme sent qu’il s’y prolonge.

    Ces visions des temps maçonnique et commun me paraissent compatibles. Dans ces deux conceptions, le temps est une construction, propre à lui donner un sens, une justification. Cependant, à la construction d’un temps vital, utilitaire de l’urgence profane, la symbolique maçonnique nous invite à bâtir celui du devenir. Elle nous enseigne que l’avenir n’est pas ce qui vient vers moi, amené par la flèche irréversible du temps, mais ce vers quoi je vais.

    Il est bientôt Minuit… Permettez-moi de conclure, du moins provisoirement !

    En guise de conclusion provisoire

    De Midi à Minuit, de l’Orient à l’Occident, du Septentrion au Midi et du Zénith au Nadir, ces heures et cet espace conventionnels ne traduisent-ils pas une relativisation du temps et de l’espace ? Le temps et l’espace de travail du Franc-maçon semblent alors figés.

    Ces délimitations spatio-temporelles ne commandent-elles pas à tout Franc-maçon de maîtriser et d’utiliser rationnellement son temps et l’espace dans lequel il évolue ?

    Ne rappellent-elles pas également le caractère universel de la Franc-maçonnerie ?

    R:. F:. A. B.

    [1] Minuit correspond à l’hiver et au nord, midi à l’été et au sud ; le matin correspond au printemps et à l’est (côté du lever du soleil), le soir à l’automne et à l’ouest (côté du coucher du soleil).

    [2] L'avatâra est la descente du Divin «au-dessous de la ligne qui sépare le monde divin du monde humain ou de la condition humaine».

     


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  •  A propos du temps 

    Introduction

    L’homme est conscient du temps de sa propre vie car il a une mémoire. Il se rapporte à l’histoire de sa vie, de son pays, et sait aussi qu’au bout du « chemin » il y a la mort. Indépendamment de nous, le temps existe-t-il ? Non : tandis que les animaux et les plantes vivent dans l’instant, c’est notre conscience d’être humain qui fait le temps. Le temps n'est-il pas ce qui permet l'existence, à l'être d'être, sans être lui-même ? Même quand il ne se passe rien, pendant ce temps, le temps passe !

    La présente planche tentera d’apporter quelques éléments de réponses aux questions suivantes à propos du temps :

    • On dit que le temps passe, mais qu’est-ce que le temps ?

    • Le temps passe-t-il vite ? Trop vite ?

    • Le temps s’accélère-t-il ? S’agit-il d’une réalité ou d’une illusion ? 

    • Le temps est-il linéaire ou cyclique ?

    • Quelle différence y-a-t-il entre le temps historique et le temps subjectif ?

    • Y a-t-il un commencement au temps ?

    • Peut-on concevoir la fin du temps ?

    • Peut-on penser l’éternité ?

    Cette première partie se prolongera par une réflexion à propos du temps maçonnique.

    L’expression « le temps passe »

    Cette expression métaphorique – « le temps passe » – nous la devons au philosophe Héraclite. Nous l’utilisons parce que nous constatons des changements. Le temps passe comme un fleuve coule. Héraclite avait déjà remarqué que « l'on ne se baignait jamais deux fois dans le même fleuve », à cause de l'écoulement du fleuve lui-même d'une part, mais surtout à cause de notre perception du fleuve, qui évolue avec la mémoire de nos différents bains. La reproduction exacte d'un geste ou d'une action, en termes d'environnement comme de perception de l'acteur, nous semble donc difficile à concevoir.

    On ne voit pas le temps ! Ce que nous percevons, ce sont les phénomènes physiques. Le temps passe ; les gens changent mais les souvenirs restent...

    Ce sont nos souvenirs qui font de nous ce que nous sommes. Et ce sont nos rêves qui feront de nous ce que nous deviendrons. Ce qui est passé a fui, ce que nous espérons est absent, mais le présent est à nous !

    « On dit que le temps change les choses, mais en fait le temps ne fait que passer et nous devons changer les choses nous-mêmes ». (Andy Warhol).

    Qu’est-ce que le temps ?

    Nous pouvons tenter de définir le temps : dire qu'il est ce qui passe quand rien ne se passe ; qu'il est ce qui fait que tout se fait ou se défait ; qu'il est l'ordre des choses qui se succèdent ; qu'il est le devenir en train de devenir ; ou, plus plaisamment, qu'il est le moyen le plus commode qu'a trouvé la nature pour que tout ne se passe pas d'un seul coup. Mais toutes ces expressions présupposent ou contiennent déjà l'idée du temps. Elles n'en sont que des métaphores, impuissantes à rendre compte de sa véritable intégrité.

    Les physiciens sont parvenus à faire du temps un concept opératoire sans être capables de définir précisément ce mot.

    Le temps est relatif aux choses qui passent : le temps des horloges est un temps astronomique (celui du déplacement de la Terre) ; le temps est donc le temps de notre système solaire. Le temps est relatif : si l’on vivait par exemple sur la planète Jupiter (dont la période de révolution sidérale est de presque douze ans), nos montres ne seraient pas valables. Le temps est indépendant des phénomènes physiques.

    La mesure du temps a rapidement été une préoccupation importante, notamment pour organiser la vie sociale, religieuse et économique des sociétés. C’est dès la plus haute antiquité que l’homme a senti le besoin de mesurer le temps. Cela a toujours été une des préoccupations majeures de l’humanité dès qu’elle a réussi à organiser des institutions religieuses, sociales et économiques

    Que ce soit avec un gnomon ou un cadran solaire [1], avec la clepsydre [2] des Égyptiens ou les cadrans solaires des Romains, avec une horloge ou un sablier [3] ou encore avec nos montres devenues digitales, nous ne mesurons pas le temps mais une durée.

    En fait, le temps est la mesure des phénomènes physiques : le temps que la Terre met pour faire un tour sur elle-même (période de rotation) et pour tourner autour du Soleil (période de révolution). Le temps est une grandeur physique. De nos jours son unité légale est la seconde. Le temps est un phénomène périodique qui se reproduit identique à lui-même à intervalles de temps réguliers : l’attraction de la Lune autour de la Terre ; la rotation de Terre sur elle-même ; la rotation de la Terre autour du Soleil.

    • Pour Aristote, « le temps est le nombre du mouvement selon l’avant et l’après».

    • Pour Platon, « le temps est une image mobile de l’éternité immobile».

    • « Le temps, c’est ce qui passe quand rien ne se passe» pense Jean Giono.

    • Le temps est isochrone : sa périodicité est régulière.

    • Le temps est irréversible : on ne peut pas revenir en arrière, contrairement à l’espace dans lequel on peut aller et venir.

    Ces quelques phrases et citations ont-elles défini le temps ? Non : elles sont tautologiques.

    Pour Kant, le temps n’est pas une substance ou une chose mais une forme de la connaissance humaine. Elle est un principe d’organisation de toutes les expériences (extérieures et intérieures) que fait l’homme. C’est une forme a priori car elle précède les données sensibles et s’appliquent à elles. C’est une forme sensible car elle se donne comme intuition et non conceptualisation.

    Pour Bergson, la conception physico-mathématique, quantitative, du temps faisant de celui-ci une suite d’instants identiques et extérieurs les uns aux autres est insatisfaisante. Il lui substitue une conception qualitative fondée sur les vécus psychiques qui montre que le temps est durée, chaque état de conscience étant inséparable des précédents, en ce sens qu’il les conserve tout en y ajoutant quelque chose.

    Le temps linéaire et le temps cyclique

    Temps linéaire

    … ▬▬▬▬▬▬► …

    Exemples : de la naissance à la mort, succession d’événements…

    Temps circulaire (temps cyclique)

    Exemples : alternance jour / nuit, les mois, les saisons...

    Le temps linéaire est en fait un temps historique.

    Nous sommes des êtres historiques. Le sens de notre rapport historique au temps est donné par des événements fondateurs d’une ère nouvelle (cf. les religions ou, par exemple, le calendrier révolutionnaire).

    La fin du temps est la fin physique du monde (de la Terre et de l’espèce humaine).

    Le thème du commencement du temps suppose un temps 0.

    Comment concevoir le commencement du temps sans événement physique ?

    Le temps historique est découpé en trois périodes :

    • Le passé qui désigne ce qui n’est plus, avant le présent.

    • Le présent qui désigne entre le passé qui n’est plus, et le futur ce qui n’est pas encore.

    • Le futur qui désigne ce qui n’est pas encore, après le présent.

    Lorsqu'on parle de temps cyclique, on imagine plutôt un temps ayant la forme d’un cercle. Cependant ce n’est qu’en partie vrai. Certes, il existe bien l'idée d’un temps « circulaire » recommençant éternellement, chaque acte accompli l'ayant déjà été des milliers de fois et visant à être accompli de nouveau. Mais Il existe également une autre forme de temps cyclique, ayant la forme d’une spirale. 

    La conception d’un temps cyclique ayant la forme d’une roue s’est rapidement développée dans diverses civilisations, sans doute par analogie avec les différents cycles de saisons, des lunaisons, du jour et de la nuit…

    Claude Levi-Strauss et Lucien Levy-Bruhl ont décrit la « mentalité primitive ». Ils ont expliqué que certaines sociétés primitives percevaient un « temps du mythe » qui était en opposition avec l’idée linéaire du temps. En effet, ces tribus considéraient que le temps du mythe était sacré, ce qui leur inspirait crainte et respect. Ils n’ont par conséquent eu aucune envie « d’avancer dans la vie » au risque de s’éloigner du temps mythique qui leur apparaissait comme parfait.

    En reproduisant régulièrement des rituels millénaires, ils avaient l’impression de renouer avec leurs ancêtres qui accomplissaient déjà les mêmes gestes, de rentrer dans quelque chose qui les dépassait, de transcendant, de participer à la bonne marche du monde.

    C’est cette notion que Mircea Eliade nommait « Le mythe de l’éternel retour » et qui impliquait que les membres de ces tribus vivaient dans le présent plutôt que d’espérer sans cesse l’avenir.

    En réalité on remarque que la plupart des sociétés non-occidentales ont une perception plus cyclique que linéaire du temps. Cependant toutes n’ont pas la forme d’un cercle.

    Aujourd'hui encore, temps circulaire et linéaire s'opposent, tout comme diffèrent les perceptions individuelles du temps et s'affrontent temps perçu et temps mesuré. La mesure du temps serait-elle une quête circulaire ?

    Les critiques que les défenseurs du temps linéaire font au temps cyclique sont principalement basées sur l’impossibilité d’un recommencement exact des actes produits, que ce soit de façon physique ou philosophique.

    En effet, en physique, il existe bien un théorème expliquant qu’un gaz se déplaçant de façon aléatoire finira toujours par être aussi proche que voulu de sa position initiale, à condition d’attendre suffisamment longtemps ; cependant il ne dit rien au sujet d’actes accomplis par des êtres vivants. De plus, étant donné le nombre de particules dans l’Univers, il faudrait attendre un nombre d’années impossible à imaginer pour les voir toutes revenir à leur position initiale.

    La théorie de la spirale du temps a l’avantage de passer outre cet argument. En effet cette théorie, surtout présente dans la religion indienne, combine celle du retour circulaire avec à chaque fois un léger décalage linéaire dû aux spires. Le temps ne reste donc pas figé, les actes ne se reproduisent donc pas exactement. De plus elle fait référence à des durées immenses jusqu'à son terme, la fin de l’Univers.

    Face à ces durées immenses il est extrêmement difficile de prouver ou d’infirmer cette théorie. En effet, de notre point de vue, le temps semble être linéaire. Cependant il est très facile d’imaginer qu’avec le peu de recul dont nous disposons nous ne percevions qu'un infime morceau d'une spirale géante dont nous ne serions pas capables de concevoir la forme. L’Histoire ne serait ainsi qu’un point de cette spirale, et la droite que nous imaginons, une tangente de cette courbe.

    Le propre de la conscience humaine est de se projeter vers le futur. Or, la conscience de notre mortalité se pose comme une limite à nos projections dans le futur. La conséquence de cette prise de conscience, selon Heidegger, c’est le souci, autrement dit la préoccupation quant au sens que nous allons donner à notre existence. C’est ce souci qui nous fait pleinement humains : les animaux n’ont pas ce souci du sens qu’ils vont donner à leur existence.

    Le temps subjectif ou temps psychologique

    Le temps subjectif, c’est le temps vécu. Ce temps est beaucoup plus fluide que le temps objectif, celui des montres. « Le temps psychologique serait comme une sorte de second temps, le deuxième temps qui évoluerait en marge du temps physique ».

    Le temps subjectif de la naissance à la mort : la conscience du temps s’accroît-elle avec le vécu, l’expérience du temps ? Le temps est-il lié au poids de la mémoire et à ce que l’on a fait ?

    Pour Sigmund Freud, l’inconscient ignore le temps. Notre personnalité est fixée : elle revient toujours sur les mêmes événements (mémoire) ; elle répète les mêmes passions sans l’intervention du temps.

    Le temps est un concept développé par l'homme pour appréhender le changement dans le monde. Le questionnement s’est porté sur sa « nature intime » : propriété fondamentale de l'Univers, ou plus simplement produit de l'observation intellectuelle et de la perception humaine ? La somme des réponses ne suffit pas à dégager un concept satisfaisant du temps. Mais l’examen minutieux de chacune d’entre elles et de leurs relations peut apporter d’intéressantes réponses.

    Toutes ne sont pas théoriques : la « pratique » changeante du temps par les hommes est d’une importance capitale. Il n'existe pas de mesure du temps comme il existe, par exemple, une mesure de la charge électrique.

    L'histoire de la mesure du temps écoulé entre deux évènements a évolué à travers les âges et cela ne fut pas sans conséquence sur l’idée que les hommes en eurent au fil de l’histoire. De rudimentaire qu’elle était, sa mesure a gagné aujourd’hui une précision reposant sur l’atome. Ses progrès irréguliers sont donc à relier directement aux transformations du concept de temps. Ses retombées ont affecté bien plus que la simple estimation des durées : la vie quotidienne des hommes s’en est trouvée changée bien sûr, mais aussi et surtout la pensée, qu’elle fût de nature scientifique, philosophique ou encore religieuse.

    L’étymologie peut-elle nous aider à définir le temps ?

    Le mot temps provient du latin tempus, de la même racine que grec τεμνεῖν, temnein, couper, qui fait référence à une division du flot du temps en éléments finis. Temples (templum) dérive également de cette racine et en est la correspondance spatiale (le templum initial est la division de l’espace du ciel ou du sol en secteurs par les augures). Enfin, « atome » (insécable), du grec ἄτομος (non coupé, indivisible) dérive également de la même racine.

    Le temps vécu

    Bergson définit le temps comme « une donnée immédiate de la conscience ». 

    La principale caractéristique du temps, c’est donc d’être vécu.

    C’est pourquoi Bergson distingue le temps homogène du physicien, qui constitue la réalité objective du temps, de la durée psychologique, celle qui est éprouvée par la conscience.

    Le temps est-il en train d'exister ?

    Dans un passage célèbre de ses Confessions [4] , saint Augustin (IVème siècle après J.-C.) donne deux définitions du temps :

    • le temps tend à n’être plus : « le temps à l’être seulement parce qu’il tend au néant » ;

    • l’être du temps n’existe que dans notre âme, dans notre pensée. Autrement dit, il relève de notre idéalité (par opposition à la réalité). Le passé, le présent et le futur (les trois temps) n’existent que parce que nous sommes capables de les penser. Pour les physiciens, au contraire, le temps a une réalité objective (cf. la théorie de la relativité d’Einstein).

    L’homme pense le temps à partir de trois mots : le passé, le présent et le futur.

    • Le passé est un temps qui a été mais qui n’est plus et qui est donc irrémédiablement révolu. Cette partie du temps que nous nommons le « passé » n’a donc plus d’être.

    • Le futur est un temps fondamentalement contingent. On ne peut que faire le pari qu’il existera. Cette partie du temps que nous nommons le « futur » n’a donc pas encore d’être.

    • Le présent est un temps dont l’être est d’être mais qui, dès qu’il est, n’est plus (il devient immédiatement passé).

    Dans ce texte, saint Augustin définit la mémoire comme une représentation de la réalité passée, faite par des images ou des mots. Le mode d’enregistrement des souvenirs passe ainsi aussi bien par les sens que par la pensée, elle-même structurée par la maîtrise d’une langue (ce qui explique que nous n’ayons pas de souvenirs de la période où nous ne parlions pas).

    Saint Augustin arrive finalement à la conclusion qu'il n’existe qu’un seul temps dont nous faisons l’expérience : le présent. Ni le passé, ni le futur n’existent (par là même, saint Augustin critique le langage : « il est impropre de dire : il y a trois temps, le passé, le présent, l'avenir »).

    Saint Augustin préfère parler de ces trois instances qui n’existent que dans notre âme :

    • le présent au sujet du passé (relatif à la mémoire) ;

    • le présent au sujet du présent (relatif à la perception) ;

    • le présent au sujet de l'avenir (relatif à l’attente).

    La question de l’objectivité du passé

    Dans le présent, grâce à la mémoire, nous pouvons penser une réalité passée. Mais le souvenir ne correspond jamais exactement à l’événement tel que nous avons vécu. Nos souvenirs sont toujours des interprétations, des reconstructions.

    Cependant, ce qui importe dans le souvenir, ce n’est pas de se souvenir exactement d’un événement mais plutôt de lui donner un sens selon ce que la vie a fait de nous. Évoquer le passé, c’est donc toujours lui donner un sens. Evidemment, le passé en soi ne change pas, c’est l’interprétation que nous en faisons qui peut évoluer en fonction de notre présent, de notre futur. Cela montre bien l’unité de notre existence : nous pensons notre présent comme résultant de notre passé et s’ouvrant sur notre futur. Il y a donc bien un lien entre l’existence et le temps.

    Nous sommes constitués par notre mémoire : nous ne pouvons faire table rase de notre passé. En revanche, l’homme est libre en ce qu’il interprète librement son passé. Il peut toujours décider d’en faire un appui positif. Cette conservation du passé par la mémoire, aussi subjective soit-elle, nous constitue. Cela signifie aussi accepter la complexité de la vie : il n’existe pas de vérité une et stable, la valeur d’un événement, le sens qu’il prend peuvent évoluer au cours de notre vie.

    Temps et mouvement

    La notion de temps est un corollaire de la notion de mouvement : le mouvement se fait dans la durée et si le temps venait à s’arrêter plus rien ne bougerait. Ainsi, selon Aristote, le temps est le nombre du mouvement selon l’antérieur et le postérieur. A contrario, le temps semble ne plus faire sens quand l’idée de mouvement disparaît, car le temps suppose la variation.

    L’homme constate en effet trivialement que des « objets » de toutes sortes sont altérés par des « événements » et que ce processus prend place dans un temps partagé par tous ceux qui ont conscience de son cours. Ces objets, ou du moins leur substance, sont cependant censés demeurer les mêmes, numériquement, malgré les changements qu’ils subissent. Le temps semble donc supposer à la fois changement et permanence. Il a comme corrélat la notion de substance, que Descartes avait assimilée à l’espace en ce qui concerne les choses matérielles.

    Ces constatations amènent encore à un autre couple de notions essentielles quant à l’étude du temps :

    • la simultanéité (ou synchronie), qui permet d’exprimer l’idée qu’à un même moment, des événements en nombre peut-être infini se déroulent conjointement, a priori sans aucun rapport les uns avec les autres ;

    • en corrélation se trouve la notion de succession, ou diachronie, (et par-là, l’antériorité et la postériorité) : si deux événements ne sont pas simultanés, c’est que l’un a lieu après l’autre, de sorte que d’innombrables événements simultanés semblent se suivre à la chaîne sur le chemin du temps.

    Deux moments ressentis comme différents sont ainsi nécessairement successifs. De ces deux considérations, il est appris que le temps, si difficile à imaginer et à conceptualiser de prime abord, ne peut être examiné que sous l’angle de l'expérience individuelle universelle : l’avant, l’après et l’en-même temps.

    Néanmoins, de la simple succession, ou de la simultanéité, la durée ne peut être déduite. En effet, quand un même film est projeté à une vitesse plus ou moins grande, l’ordre des événements y est conservé, mais pas la durée. Remarquons aussi que la projection à l’envers ne correspond à rien dans l’expérience du temps, qui est, lui, irréversible.

    Ces notions font notamment appel à la mémoire : le classement des événements dans un ordre quelconque ne peut se faire que si l’observateur se souvient. De façon opposée, la mémoire se construit grâce au fait que certains événements se répètent, autorisant ainsi l’apprentissage.

    De façon plus générale, il semble que le temps puisse être considéré (et considérer n’est pas connaître) sous deux aspects :

    • l’aspect cyclique :cycle des jours, des saisons, de la vie…

    • l’aspect linéaire : évolution, transformation irréversible, passage de la naissance à la mort…

    Au commencement du temps

    L'écoulement du temps a-t-il des extrémités ? Cette question, qui renvoie aux croyances innombrables sur la genèse et la fin du monde, a été posée par de nombreux chercheurs et penseurs.

    Selon la théorie du Big Bang, l'Univers a eu un début, il y a environ 13,7 milliards d'années. C'est là que le temps aurait commencé, et que l'espace et la matière seraient apparus. Plusieurs observations permettent de valider cette théorie. Citons par exemple le décalage vers le rouge du spectre lumineux émis par les étoiles lointaines, ainsi que l'existence d'un rayonnement cosmique provenant de toutes les directions de l'univers, correspondant à un rayonnement du corps noir de température 2,73 kelvin.

    Et « avant » ? Si l'Univers a connu un instant primordial, initial, il ne s'appuie sur aucun phénomène physique, l'Univers n'existant pas encore à cet instant primordial. De plus, outre le point de vue scientifique, comment imaginer le fait que le temps ait eu un début, et que la question « qu'y avait-il avant le début du temps ? » n'ait pas de sens ? Difficile !…

    Tous ces questionnements posent la question de la définition d'un temps cosmique : le temps général prévalant dans l'Univers. Plusieurs modèles liés à la théorie du Big Bang semblent probables, en offrant les meilleures formalisations d'un temps cosmique et en permettant d'étudier l'évolution de l'Univers [5] .

    Le temps et la Création

    Si l’on veut considérer la création du monde comme un événement, cela implique de la situer au sein de l’écoulement du temps, de lui assigner une date. Si l’on conçoit le temps comme une entité linéaire, comme c’est le cas en Occident, on est alors inévitablement amené à s’interroger sur l’existence et la signification d’un « avant ».

    Mais si le temps existait avant la création du monde, il ne fait pas lui-même partie du monde. Conception difficile à soutenir…

    Les penseurs médiévaux qui déjà s’étaient penchés sur ce paradoxe avaient donc dû opter pour une création simultanée du monde et du temps. Ainsi, saint Ambroise, évêque de Milan au 4ème siècle, écrit dans son Hexaméron : « C’est au commencement du temps que Dieu a créé le Ciel et la Terre. Car le temps existe depuis qu’existe ce Monde, il n’existait pas avant le Monde ».

    Au début du 13ème siècle, Guillaume d’Auvergne approfondit le raisonnement en s’appuyant sur des considérations analogues concernant l’espace : « De même que le Monde n’a pas de dehors, n’a pas d’au-delà, puisqu'il contient et embrasse toute chose, de même le temps, qui a commencé à la création du Monde, n’a pas d’auparavant ni de précédemment, puisqu'il contient en lui tous les temps qui sont ses parties.

    Celui qui pose cette question : « Avant le commencement du temps, y a-t-il eu quelque chose ? » alors que le mot avant implique l’idée de temps, fait exactement comme s’il demandait : « Dans le temps qui a précédé le commencement du temps, quelque chose a-t-il existé ? ».

    Ces interrogations sont restées les mêmes aujourd'hui, et les questions : « Qu’y avait-il avant le Big Bang ? » et « Dans quoi l’Univers se dilate-t-il ? », reviennent plus simplement à demander : « Y avait-il du temps avant le temps ? » et « Y a-t-il un espace en dehors de l’espace ? ». La physique moderne, en identifiant l’Univers avec l’espace-temps, lève toute ambiguïté : la création du monde ne peut être envisagée comme un phénomène temporel.

    Mais jusqu'aux premières versions de la cosmologie quantique, la plupart des réflexions cosmogoniques ne pouvaient être menées que dans une perspective temporelle. C’est le cas par exemple, dans le contexte chrétien, d’une question fondamentale, corollaire de celle de la Création : Dieu a-t-il créé le monde instantanément ou par étapes successives ? Là encore, les différents récits des Écritures invitent à deux interprétations possibles. La plus répandue découpe la Création en six jours, l'hexaméron [6] auxquels s’ajoute un jour de repos.

    L’autre interprétation, celle d’une Création instantanée, fut notamment soutenue par Philon le Juif, contemporain de Jésus, et par Origène au 3ème siècle, tous deux d’Alexandrie. Comment la course du temps pouvait-elle avoir commencé avant que n’apparaissent, au quatrième jour, les deux « horloges astronomiques » que sont le Soleil et le Lune ?

    Certains philosophes chrétiens tentèrent de concilier ces deux points de vue apparemment antagonistes. Saint Thomas d’Aquin, par exemple, avança que Dieu aurait créé la substance des choses en un instant, mais qu’il aurait mis six pleines journées pour accomplir le travail plus lent de séparation, de mise en forme et d’ornementation. Là encore, cette conception semble anticiper les visions modernes puisque les divers modèles de « big bang » font commencer l’histoire de l’Univers avec l’apparition d’une entité matière-espace-temps, suivie d’une phase de différenciation (matière et rayonnements, interactions fondamentales…).

    À partir de là, les théories cosmologiques rendent compte de la lente et progressive structuration de la matière, depuis une « soupe de quarks » indifférenciée jusqu'à la formation d’objets complexes (galaxies, étoiles, planètes…), mais elles reconnaissent leur impuissance à parler de l’origine primordiale.

    Origines et limites du temps

    Ces questions cosmologiques agitent encore aujourd'hui bien des esprits, dans un cadre conceptuel néanmoins très différent, celui des modèles de « Big bang ». Ceux-ci sont souvent considérés – à tort – comme décrivant l’origine de l’Univers. En réalité, s’ils en décrivent l’évolution depuis un passé très reculé puisqu'on l’évalue à une quinzaine de milliards d’années, ils ne prétendent pas y voir un « temps zéro », ni a fortiori une origine ou une création. Les conditions extrêmes dans lesquelles la genèse de l’espace, du temps, de la lumière et de la matière aurait pu se dérouler restent inaccessibles à l’investigation scientifique.

    La reconstitution du passé cosmique se heurte tout d’abord aux limites de l'observation, due à la non-transparence de l’Univers durant son premier million d’années.

    Les scientifiques peuvent néanmoins reconstituer cette époque primitive en s’appuyant notamment sur les connaissances acquises dans le domaine des particules élémentaires. Les grands accélérateurs fournissent en effet une information sur le comportement de ces particules aux énergies très élevées correspondant aux conditions de l’Univers primordial. On peut en effet recréer en laboratoire les conditions qu’a connues l’Univers un millième de milliardième de seconde (100-12 s) après le début de son expansion, quand il se présentait comme une « soupe » de quarks et d’électrons.

    Mais les accélérateurs, et la physique qu’ils mettent à l’épreuve, rencontrent évidemment une limite expérimentale. Pour reconstituer les époques encore plus primitives, les physiciens ne peuvent que tenter d’imaginer le comportement des particules à très haute énergie. Il s’agit alors de spéculations plus que de théories, dont on ne peut tester, en l’absence d’expériences, que la cohérence logique.

    Un éventuel « temps zéro », qui correspondrait à une température infinie, reste inaccessible. La physique est totalement impuissante à décrire les phénomènes pour des températures dépassant une limite de 1032 degrés, appelée « température de Planck ». À cette température, les énormes énergies mises en jeu produisent des effets au cœur même de la structure de l’espace et du temps, rendant tout calcul physique impossible dans le cadre des théories actuellement développées.

    Cette limite théorique, véritable « barrière » de la connaissance, interdit d’accéder à un passé trop lointain. L’histoire « intelligible » du monde ne débute donc pas au temps zéro, mais à la fin de cette « ère de Planck », soit 10-43 seconde (un cent millionième de milliardième de milliardième de milliardième de milliardième de seconde) plus tard. D'avant ce « temps de Planck », au-dessus de la température de Planck, la physique ne peut rien dire.

    Si le temps a commencé, finira-t-il un jour ? En d’autres termes, peut-on concevoir la fin du temps ?

    La disparition du temps

    Le philosophe mathématicien Leibniz, contemporain de Newton, s’est élevé contre les idées d’espace et de temps en tant qu’entités absolues prônées par ce dernier. Par des arguments d’ordre philosophique, il a soutenu que l’espace et le temps n’existaient qu’en relation avec la matière.

    Deux siècles plus tard, le philosophe Ernst Mach a repris les idées de Leibniz, et c’est en partie sous son influence qu’Einstein a bâti l’édifice de la relativité générale où espace, temps, matière et lumière sont inextricablement liés.

    Aujourd'hui, certains physiciens cherchent à éliminer purement et simplement le temps de leurs théories. Car le temps c’est le changeant, le variable, tandis que la physique prétend à l’immuable, à l’invariant. Son but n'est-il pas, en effet, d'extraire des lois éternelles, c'est-à-dire affranchies du temps, à partir de phénomènes passagers ?

    La fin des temps ou temps de la fin est une expression désignant la Fin du monde dans la Bible. C’est le mythe eschatologique. Cette expression de « fin des temps » figure six fois dans le livre du prophète Daniel. Elle désigne une période marquant l’achèvement d’un système de choses et aboutissant à sa destruction. Il fut donné au prophète Daniel de voir par avance des évènements qui devaient se produire dans un avenir lointain.

    Peut-on penser l’éternité ?

    Spinoza affirme que puisque la nécessité, l’essence, la vérité ne sont pas soumises aux vicissitudes du temps (le vrai ne pouvant avoir été ou devenir faux), nous sommes nous-mêmes aptes à nous sentir éternels et à faire l’expérience de l’éternité lorsque nous nous attachons à la compréhension des choses nécessaires, universelles et donc intemporelles.

    L’éternité

    L'éternité est un état censé être indépendant du temps et n’avoir donc ni début, ni fin.

    Dans le langage religieux, en tout cas chrétien, il s’agit d’une soustraction à l’emprise du temps. À ce titre, elle n’a ni commencement ni fin, ces termes n’y ayant pas même de sens. Elle est donc à distinguer de l’immortalité, qui a un début et pas de fin.

    Thomas d'Aquin distingue dans la Somme théologique quelque chose qui est distinct de l'éternité comme de l'immortalité, et qu'il nomme l'aevum : l'éternité n'a ni commencement, ni fin, l'aevum un commencement et pas de fin, le temps un commencement et une fin (la fameuse fin des temps). Dieu est alors dans l'éternité, ses créatures dans l'aevum et le monde matériel dans le temps.

    Dans certaines religions, Dieu est dit « éternel » puisque son existence n'a pas de commencement. Chez les chrétiens protestants, on appelle souvent Dieu : l'Éternel. Ce mot est aussi celui qui revient le plus dans l'Ancien Testament, comme chacun peut le vérifier.

    Dans la religion catholique, s'il faut en croire des docteurs de l'Église comme saint Augustin et Thomas d'Aquin, le temps est une création de Dieu au même titre que l'espace, et est lié à ce dernier. Dieu est appelé « l'éternelle Trinité ».

    Dans la religion mormone (Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours) distinction est faite entre l'immortalité, donnée à tous les hommes quels qu'ils soient, et la vie éternelle qui est de vivre éternellement en présence de Dieu, accordée à ceux qui auront accepté l'Évangile de Jésus-Christ.

    Comment représente-t-on le temps ?

    La représentation du temps

    La régularité de certains événements a permis d’établir très tôt une référence de durée (calendrier, horloge…) et donc de quantifier le temps.

    « Quantifier le temps », c’est lui associer un nombre et une unité, en effectuer une mesure. Toutefois, cette connaissance est au mieux celle d’une substance du temps : elle n’apprend rien sur sa nature intime, car la mesure n’est pas le temps. Il faut du temps pour établir une mesure. Et bien que l’intuition du cours du temps soit universelle, définir le temps en lui-même semble au-delà de nos capacités.

    Cela inspira une célèbre boutade à saint Augustin dans ses Confessions. Voici ce qu’il écrit à propos de la définition du temps : « Ce mot, quand nous le prononçons, nous en avons, à coup sûr, l’intelligence et de même quand nous l’entendons prononcer par d’autres. Qu'est-ce donc que le temps? Si personne ne m'interroge, je le sais ; si je veux répondre à cette demande, je l'ignore. ».

    Il est vrai que décrire le temps ne semble possible que par une analogie, notamment au mouvement, qui suppose de l’espace. Imaginer le temps c’est déjà se le figurer et, en quelque sorte, le manquer.

    Il faut donc distinguer la problématique de la représentation du temps de sa conceptualisation, tout comme il faut établir ce qu'on sait du temps par l’expérience pour mieux s’en détacher. Au fil des siècles, ces penseurs ont essayé d’évaluer le temps au travers de la méditation, du mysticisme, de la philosophie ou encore de la science. Il en ressort en fait que bien qu'il puisse être supposé avec raison que tous les hommes ont la même expérience intime du temps – une expérience universelle – le chemin vers le concept de temps n’est pas universel. Ce n’est donc qu’en détaillant ces modèles intellectuels et leurs évolutions historiques que l’on peut espérer saisir les premiers éléments de la nature du temps.

    Le temps est souvent représenté de façon linéaire (frises chronologiques). Cependant, des représentations en spirales, voire en cercles (le temps est un éternel recommencement) peuvent être trouvées marquant ici l'aspect cyclique et répétitif de l'histoire des hommes.

    Dans presque toutes les cultures humaines le locuteur se représente avec le futur devant et le passé derrière lui. Ainsi, en français, on dit : « se retourner sur son passé » et « avoir l'avenir devant soi ». Cependant, le peuple aymara (originaire de la région du lac Titicaca au croisement de la Bolivie, du Pérou, de l'Argentine et du Chili) inverse cette direction du temps : le passé, connu et visible se trouve devant le locuteur alors que le futur, inconnu et invisible, se trouve derrière lui.

    Deux conceptions du temps qui passe peuvent être perçues : soit l'individu est en mouvement par rapport à l'axe du temps (« se diriger vers la résolution d'un conflit... »), soit ce sont les évènements qui se dirigent vers un individu statique (« les vacances approchent... »). La première est plus fréquente en français.

    Le temps est orienté : il coule du passé au futur. Grâce au profond sentiment de durée, l’Homme peut agir, se souvenir, imaginer, mettre en perspective… si bien que le temps lui est essentiel, et par-là… banal. Le niveau de complexité du rapport au temps est assez bien traduit par le langage, quoique imparfaitement : certaines cultures primitives ont peu de mots porteurs d’un sens temporel, et se situent essentiellement dans le présent et le passé.

    Pour les peuples anciens de Mésopotamie, par exemple, le futur est « derrière » et le passé, connu, est placé « devant ». Dès lors qu’un peuple s’intéresse à l’avenir, toutefois, cet ordre intuitif s’inverse : on attend du temps qu’il nous apporte le moment suivant. Ce qui constitue une première confusion entre temps et mouvement. La simplicité de ce rapport s’estompe rapidement : bientôt, l’homme essaye de se jouer du temps. « Perdre son temps » ou « prendre son temps », ou toutes autres expressions de quelque langue que ce soit, traduisent la volonté séculaire de gagner un contrôle sur ce temps subi. Somme toute, c’est encore d’une conception faussement spatiale qu’il s’agit : pouvoir agir sur notre flèche du temps intime, la tendre, la distordre, l’infléchir. Mais le temps reste fidèle à lui-même, et sa dimension rigide est également exploitée avec ténacité, par la quête de la mesure juste et précise.

    Quantifier, voilà une autre façon de décrire le temps qui fut engagée très tôt. Bien que privilégiée des sciences, elle n’en est pas moins source d’amalgames et de tromperie toujours renouvelées. Ainsi, compter le temps n’est pas le saisir en soi, car l’action de compter le temps, présuppose du temps.

    Quel est donc ce « vrai » temps qui mesure le temps, celui invoqué par la boutade « laisser le temps au temps » ? Cette question a laissé muettes des générations entières de penseurs ; les disciplines modernes tentent d’y répondre en exhibant un temps pluriel, physique, biologique, psychologique, mais le temps de la vérité évidente ne semble pas encore venu.

    Pour réfléchir au concept du temps, l’homme s’appuie sur son langage ; mais les mots sont trompeurs et ne nous disent pas ce qu’est le temps ! Pire, ils viennent souvent nous dicter notre pensée et l’encombrer de préjugés sémantiques. La dimension paradoxale du langage temporel n’est pas très complexe : il suffit de s’attarder sur une simple expression courante comme « le temps qui passe trop vite » pour s’en rendre compte. Cette expression désigne un temps qui s’accélérerait.

    Mais l’accélération, c’est bien encore une position (spatiale) dérivée (deux fois) par rapport au temps : voilà que resurgit le « temps-cadre » immuable ! Le temps n’est ni la durée, ni le mouvement : en clair, il n’est pas le phénomène temporel. Ce n’est pas parce que des évènements se répètent que le temps est nécessairement cyclique. Cette prise de recul, distinction entre temps et phénomène, sera relativement effective au cours de l’histoire en sciences et peut-être moins en philosophie, parfois victime des apparences sémantiques.

    Toutefois, en distinguant ainsi le temps et les évènements portés par lui surgit une dualité embarrassante : dans quelle réalité placer ces phénomènes qui surviennent, si ce n’est dans le temps lui-même ? Le sage dira, dans le « cours du temps ». Cette scène animée des phénomènes est séduisante et juste, mais il faut prendre garde au piège sémantique.

    Le cours du temps, c’est ce que beaucoup ont figuré dans leurs cahiers d’écolier par la droite fléchée : au-delà de l’amalgame trompeur avec le mouvement, il y a l’idée de la causalité, et aussi de la contrainte. Le cours du temps illustre la sensation de chronologie imposée, qui est une propriété du temps pour lui-même. Rien ici n’indique encore l’idée de changement ou de variation.

    Il s’agit véritablement d’un cadre, du Chronos, du devenir rendu possible par Kronos. L’homme, pour sa part, devient, et les phénomènes, eux, surviennent. C’est là l’affaire de la flèche du temps, qui modélise les transformations au cours du temps, ou plutôt, « au cours du cours du temps ». Elle est une propriété des phénomènes.

    Ces deux notions sont importantes et non intuitives : elles sont mélangées et brouillées par le langage en un seul et même tout, une fausse idée première du temps. La science, notamment, s’est appuyée sur elles pour édifier plusieurs visions successives du temps au fil de ses progrès.

    L’instant est le produit de la projection du présent dans la série successive des temps, c’est-à-dire que chaque instant correspond à un présent révolu. Le présent lui-même est cependant à son tour une abstraction, puisque personne ne vit un présent pur, réduit à une durée nulle. Le passé est l’accumulation, ou plutôt l’organisation des temps antérieurs, selon des rapports chronologiques (succession) et chronométriques (les durées relatives). Le futur est l’ensemble des présents à venir. Seuls les contenus à venir, les événements futurs, sont susceptibles d’être encore modifiés. C’est ce qui fait que l’avenir n’est pas encore.

    L'existence et le temps

    Pour Pascal, le temps est un terme premier qui fait l’objet d’une intuition immédiate. Les hommes expérimentent tous le temps de la même manière. Le temps est tellement lié au sentiment de notre existence que toute explication est inutile.

    Le mot « existence » désigne le fait d'être, par exemple le fait d'être d'une manière absolue, le fait d'être donné pour la perception, ou encore pour la conscience.

    L’existence s'oppose à la fois à l'essence (le « ce que c'est ») et au néant qui est sa négation.

    Peut-on finalement définir ce qu'est le temps ?

    • Il est impossible de définir le temps dans ses trois dimensions (passé, présent et avenir) ; définir le temps, ce serait dire : « le temps, c'est… ». Or, on ne peut demander ce qu'est le passé (qui n'est plus) ou l'avenir (qui n'est pas encore) : seul le présent est, mais le présent n'est pas la totalité du temps.

    • Plus qu'une chose à définir, le temps est la dimension de notre conscience, qui se reporte à partir de son présent vers l'avenir dans l'attente, vers le passé dans le souvenir et vers le présent dans l'attention (Saint Augustin).

    En quoi la conscience est-elle temporelle ?

    • Husserla montré comment la conscience est toujours conscience intime du temps. Si je regarde à l'intérieur de moi, je n'y trouve pas une identité fixe et fixée d'avance, mais une suite de perceptions sans rapport entre elles (le chaud puis le froid, le dur puis le lisse par exemple).

    C'est alors la conscience du temps qui me permet de poser mon identité : la conscience du temps me permet de comprendre que dans cette suite de perceptions, ce n'est pas moi qui change, mais c'est le temps qui s'écoule. Mon identité est donc de part en part temporelle.

    • Surtout, la perception suppose que ma conscience fasse la synthèse des différents moments perceptifs : j'identifie la table comme table en faisant la synthèse des différentes perceptions que j'en ai (vue de devant, de derrière, etc.). Or, cette synthèse est temporelle : c'est dans le temps que la conscience se rapporte à elle-même ou à autre chose qu'elle.

    Si le temps n'est pas une chose, qu'est-il ?

    • Selon Kant, le temps n'est ni une intuition(une perception), ni un concept, mais plutôt la forme même de toutes nos intuitions : cela seul explique que le temps soit partout (tout ce que nous percevons est dans le temps) et cependant nulle part (nous ne percevons jamais le temps comme tel).

    • Nous ne pouvons percevoir les choses que sous forme de temps et d'espace ; et ces formes ne sont pas déduites de la perception, parce que toute perception les suppose. La seule solution consiste donc, pour Kant, à faire du temps et de l'espace les formes pures ou a priori de toutes nos intuitions sensibles : le temps n'est pas dans les choses, il est la forme sous laquelle notre esprit perçoit nécessairement les choses.

    La solution proposée par Bergson

    • Ni le passé, ni l'avenir ne sont : seul l'instant présent existe réellement, et le temps n'est que la succession de ces instants ponctuels de l'avenir vers le passé. Quand nous essayons de comprendre le temps, nous le détruisons en en faisant une pure ponctualité privée d'être.

    • Bergson montre ainsi que notre intelligence comprend le temps à partir de l'instant ponctuel : elle le spatialise, puisque la ponctualité n'est pas une détermination temporelle, mais spatiale. Le temps serait alors la succession des instants, comme la ligne est une succession de points. Notre intelligence comprend donc le temps à partir de l'espace : comprendre le temps, c'est le détruire comme  À ce temps spatialisé, homogène et mesurable, il faut donc opposer notre vécu interne du temps ou « durée ».

    • A ce temps spatialisé, homogène et mesurable, il faut donc opposer notre vécu interne du temps ou « durée » : la durée, c'est le temps tel que nous le ressentons quand nous ne cherchons pas à le comprendre. Elle n'a pas la ponctualité abstraite du temps : dans la durée telle que nous la vivons, notre passé immédiat, notre présent et notre futur immédiat sont confondus.

    Tout geste qui s'esquisse est empreint d'un passé et gros d'un avenir : se lever, aller vers la porte et l'ouvrir, ce n'est pas pour notre vécu une succession d'instants, mais un seul et même mouvement qui mêle le passé, le présent et l'avenir. La durée n'est pas ponctuelle, elle est continue, parce que notre conscience dans son présent se rapporte toujours à son passé et se tourne déjà vers son avenir. La durée non mesurable, hétérogène et continue est donc le vrai visage du temps avant que notre intelligence ne le décompose en instants distincts.

    Sous quel signe le temps place-t-il notre existence ?

    • Non seulement le temps place notre existence sous le signe de l'irréversible, mais il éveille en nous la possibilité d'une conscience morale : je me reproche mon passé parce que je ne peux rien faire pour annuler les erreurs que j'ai commises.

    • Parce que le temps est irréversible, je crains mon avenir et je porte le poids de mon passé ; parce que mon présent sera bientôt un passé sur lequel je n'aurai aucune prise, je suis amené à me soucier de ma vie.

    Selon Heidegger, c'est même parce qu'il est de part en part un être temporel que l'homme existe.

    Les choses sont, mais seul l'homme existe (au sens étymologique) : l'homme est jeté hors de lui-même par le temps. Être temporel, ce n'est donc pas simplement être soumis au temps : c'est être projeté vers un avenir, vers du possible, avoir en permanence à se choisir et à répondre de ses choix (ce que Heidegger nomme le souci).

    Le temps fait-il de la mort notre horizon ?

    • Si je ne savais pas d'avance que je vais mourir un jour, si je n'étais pas certain de ne pas avoir tout le temps, je ne me soucierais pas de ma vie. Ce n'est donc pas la mort qui nous vient du temps, mais le temps qui nous vient de la mort [7].

    • Je ne meurs pas parce que je suis un être temporel et soumis aux lois du temps, au contraire : le temps n'existe pour moi que parce que la perspective certaine de ma mort m'invite à m'en soucier (inconscients de leur propre mort, les animaux ne connaissent pas le temps). Et comme personne ne pourra jamais mourir à ma place, personne ne pourra non plus vivre ma vie pour moi : c'est la perspective de la mort qui rend chacune de nos vies uniques et insubstituables.

    La fin des temps selon l’éthique chrétienne

    La fin des temps et la certitude de son imminence ont occupé, depuis toujours, une large place dans les espérances chrétiennes, et engendré des comportements éthiques parfois très contradictoires.

    La notion de « fin des temps » est une idée qui revient de façon récurrente dans les écrits du Nouveau Testament. 

    Les enjeux de la notion de temps

    Poser la question de ce qu’est le temps, cela semble relever à première vue d’enjeux purement théoriques. En quoi cette question se rattache-t-elle à notre existence, à notre activité pratique ?

    Quelques auteurs ont fourni des réponses si subtiles, si « abstraites » qu’il pourrait sembler que le temps est un objet de connaissance comme les autres dont on peut traiter sans se sentir engagé, impliqué dans la réponse même.

    Mais pourquoi alors le temps a-t-il été un problème fondamental de la pensée philosophique (il serait par exemple aisé de démontrer qu’il a bien plus occupé les philosophes que le problème de l’espace duquel on le rapproche souvent). Ce qu’il faut bien comprendre ici (et qui vaut pour toute réflexion philosophique), c’est qu’une « bonne » abstraction n’est pas ce qui s’oppose au concret mais ce qui donne les moyens d’en rendre compte, de l’expliquer et parfois de le modifier.

    La question du temps est bien ancrée dans des questions d’ordre « existentielles ».

    Tout d’abord, ce que chacun éprouve du temps, c’est son irréversibilité [8].

    Ce qui a eu lieu est irrévocable. Il y a déjà bien des choses dont on inverserait l’ordre qu’avec violence mais, en ce qui concerne le temps, cela est tout simplement impossible. De ceci découle la dimension profondément morale du temps. En effet, si l’acte dès qu’il est réalisé, dès qu’il tombe dans le passé (du plus immédiat au plus lointain) ne peut plus être corrigé, alors, le savoir ou le sentiment moral (selon que l’on définisse la moralité comme une science ou un sentiment) est requise afin de ne pas commettre l’irréparable. On comprend également à quel point la volonté est ici décisive.

    Quoi qu’il en soit, il n’en reste pas moins que chacun de nous aura un passé sur lequel il ne pourra rien (du moins sur les faits puisque chacun peut modifier sa relation à son propre passé), passé qui menace de faire naître le regret ou le remords.

    Comment alors procéder pour que cette irréversibilité ne conduise pas à interdire toute action, toute passivité ? Dire que c’est seulement par « inconscience » des conséquences de leurs actes que les hommes agissent est bien sûr insuffisant. Ce qu’il faut alors rechercher, c’est l’action droite, l’action morale ou plus modestement l’action appropriée à une situation.

    Si le passé échappe au contrôle de l’homme, il en va de même pour au moins une dimension du futur, cette dimension qui se situe après la mort. A ce titre, il n’est pas inintéressant de remarquer que nous sommes bien plus préoccupés par l’après de la mort que par l’avant de la naissance, alors même qu’il n’y a pas de différence entre ces deux moments du point de vue de notre existence.

    De la peur de la mort naît le désir d’immortalité. La majorité des théories de l’âme ont ainsi pensé celle-ci comme éternelle.

    Être éternel, c’est ne plus être soumis au temps et à ces vicissitudes, à la vieillesse du corps ou encore à ce qu’Aristote appelle la corruption des êtres organiques. Même si cela paraîtra évident à chacun, que le temps se laisse penser sous les trois modalités du passé, du présent et du futur, le présent ayant souvent une prééminence sur le passé qui est mémorisé et sur le futur qui est projeté.

    Comprendre les relations qu’entretiennent ces trois modalités du temps, c’est probablement comprendre ce qu’est le temps lui-même.

    Il ne me parait pas concevable de terminer cette réflexion toute provisoire sans évoquer le temps dans notre univers maçonnique.

    Le temps en Franc-maçonnerie

    Qu’entend-on par Temps maçonnique ? Est-ce celui passé en Loge ? Celui du Franc-maçon ou celui de toute sa vie entière d’initié ? Qu’en faire ? A quoi sert-il ? Comment l’occuper ? Dispenser en dehors ce que l’on enseigne à l’intérieur du Temple ? Ne plus être un Profane mais un Initié en terre profane ?

    La notion du temps est un élément très important dans la vie maçonnique. Le temps n'est pas compté. Pas de stress ! Seule l'assiduité est demandée. La Franc-maçonnerie offre le temps nécessaire à chacun pour grandir. Pour un individu, la Franc-maçonnerie sert à prendre le temps de se construire à nouveau.

    Pour le Franc-maçon, le Chantier s’ouvre à Midi et se ferme à Minuit.

    Et le reste du temps que fait-il ?

    Répondre à cette question, c’est considérer que le Franc-maçon se ménage un espace « d’heures sacrées » qui le soustraient de l’emprise de la division mathématique du temps qui rive le commun des mortels au cadran de sa montre, aux feuillets du calendrier.

    Nos Tenues nous permettent de faire une pause dans cet espace-temps profane. Un arrêt pendant lequel nous pouvons réfléchir calmement à notre action future en tirant expérience de notre vécu passé. Le rituel nous met en condition de fusionner le futur et le passé par un juste équilibre dans le présent.

    Sa signification est clairement « être présent dans le présent », c’est-à-dire être totalement en accord avec ce que nous faisons à l’instant où nous le faisons pour fusionner l’esprit, l’action et la matière sur laquelle nous travaillons. L’initié sait que le passé n’existe plus, que rien ne sert de se lamenter sur ses erreurs passées et qu’il ne faut pas appréhender l’avenir. Seul compte le moment présent pour organiser activement sa vie au lieu de laisser le temps s’écouler passivement.

    Bien sûr, comme tout un chacun, le Franc-maçon puise chaque jour les besoins de son existence dans la vie profane mais à cette différence près que le jour passé n’est pas échu et le jour à venir, inexistant.

    Il est habité par le « Qui suis-je ? D’où viens-je ? Où vais-je ? » Et il essaie d’y répondre à partir de sa condition d’ « éveillé par initiation » : Mystique par intuition, Philosophe qui s’ignore, Ouvrier de perfection.

    Effectivement, notre rituel nous invite à travailler dans un laps de temps théorique, symbolique, mais quelle est l’utilité de ces principes de fonctionnement s’il n’y a aucune incidence dans la vie profane ?

    Le Franc-maçon doit donc s’affairer à répercuter au-dehors, ce qu’il a acquis au-dedans et ce, en permanence, 24 heures sur 24. A quoi servirait-il de plancher sur des thèmes séduisants comme la tolérance ou le racisme par exemple, si c’est pour ne pas être sensible à ce type de valeurs dans la vie profane ?

    Le Franc-maçon construit. Il a un idéal, qui bien loin d’être atteint, reste une magnifique ambition et une direction à suivre. Son action s’accomplit donc au présent sans ignorer l’apport des devanciers mais tout en considérant l’incertitude de l’avenir.

    Sa conception du temps ne découle pas de la pensée néo-platonicienne :

    • l’éternité, siège de l’intelligence de l’Un,

    • le temps primordial, expliqué par la perpétuelle évolution de l’Âme du monde,

    • le temps physique, basé sur le mouvement des êtres sensibles ;

    ni de la pensée contemporaine :

    • le temps aboli du new-Age,

    • le temps irréversible des astronomes,

    • le temps réversible de la physique quantique et relativiste.

    Alors que peut-on dire du temps ? Le passé est dépassé ; quant au futur, il n’est pas encore advenu. Quand on se souvient des choses ou des personnes passées, la réalité est souvent déformée, idéalisée. Le futur lui, est souvent envisagé avec espoir ou angoisse et donc ne représente pas encore la réalité. Le temps semble être à la fois ce qui fait durer les choses et ce qui fait que rien ne demeure définitivement. Seul le temps présent est objectif, réel et dans lequel on peut agir. Le temps est ce par quoi les choses persistent à être présentes ; mais il est aussi ce renouvellement du présent.

    Lors de chaque Tenue, nous évoquons souvent la notion de temps : nous ouvrons et nous refermons les Travaux. Il y a le temps du Travail et le temps du repos. Entre Ouverture et Fermeture des Travaux se situe le Temps sacré, renouvelé à chaque Tenue. Il est l’image même de cette organisation et déstructuration qu’est celle de l’Univers, et de l’Homme.

    Tout comme les dimensions du Temple sont sans limites réelles, de même nos références chronologiques se situent en dehors du temps profane. C’est ainsi que les Ouvriers que nous sommes travaillent allégoriquement de Midi à Minuit.

    Lorsque le Franc-maçon entend « Il est Minuit ! », c’est l’heure de terminer les Travaux, qui ont commencé à Midi. Pourquoi commencer à Midi et terminer à Minuit, dans une culture moderne de loisirs et d’horaires variables? L’explication historique venant à l’esprit est simple. Les rites maçonniques sont des rites solaires. Midi est l’heure où le mouvement visible du Soleil est suspendu. C’est aussi le moment qui ne varie pas, par rapport au lever et au coucher du Soleil qui se déplace au fil des jours.

    En passant, il faut remarquer que Midi est le moment où l’ombre portée par le corps est minimale ; c’est donc le temps de l’illumination maximale. Quant à Minuit, dans la mesure où le monde profane est celui des Ténèbres, en tout cas par opposition à la Lumière à laquelle accède l’Initié, il est normal que le retour à ce monde profane se fasse à l’heure où règne l’ombre absolue.

    Midi marque le passage symbolique du profane au sacré, et Minuit, le retour au profane. Un temps est aussi nécessaire à notre construction… 

    Notre âge maçonnique nous déconnecte du monde profane et contribue à l’aspect intemporel de la Maçonnerie.

    Le temps en Loge est au-delà du temps. La Loge est une représentation du cosmos, dans l’espace et le temps universels. Dans le Temple, espace sacré, c’est le rituel qui nous plonge dans ce temps mythique. Par sa tradition initiatique et symbolique, la Loge nous permet de prendre la juste mesure du temps grâce aux outils. Le rite sacralise le Temple et le temps, entre la découverte et le recouvrement du Tableau de Loge.

    En tête de chaque planche tracée de notre Frère Secrétaire, une date est donnée dans laquelle les jours et les mois sont indiqués en quantièmes (ex : le 21ème jour du 1er mois de l’an 6014). C’est pour lui une façon de nous situer dans une année de « Vraie Lumière ». 

    Rappelons que les deux Saint-Jean, fêtes reprenant de très anciennes traditions, sont placées aux deux solstices. Alors, le temps maçonnique? Dans certaines Loges, le Cabinet de Réflexion propose au Néophyte un certain nombre de maximes et d’axiomes. Parmi ceux-ci, venus du tréfonds des âges sous des formes différentes selon les penseurs, il en est une qui trouve bien sa place dans cette recherche à propos du temps : « Travaille comme si tu devais atteindre cent ans, et prie comme si c’était ton dernier jour ! ».

    En Tenue nous partageons aussi un temps important : c’est le temps de parole. Il faut savoir attendre, réfléchir, ne pas se précipiter : autant de gages de bonne gestion du temps.

    Professionnellement et spirituellement en prise avec les urgences du présent, le Franc-maçon considère que le passé est constitué des strates de l’expérience humaine dans lesquels il ira puiser des réponses à ses urgences. Encombré de projets (perspectives, projections, prédictions …etc.), il considère que l’avenir se joue sur des probabilités et que, de tous les projets, un seul est viable à ses yeux : mieux habiter le présent.

    Alors que le Profane remet souvent son action à demain, le Franc-maçon prend conscience qu’il est l’heure d’agir et de prendre en main son destin, car bientôt il sera Minuit. Nous ne serons pas satisfaits à l’heure de notre mort. Si nous avons le sentiment de ne pas avoir accompli notre devoir dans le temps qui nous était imparti. Que restera-t-il de nous après être passé à l’Orient Eternel, si ce n’est l’empreinte de nos actes?

    Ce qui nous fait dire que le temps maçonnique n’est pas seulement constitué de « l‘espace d’heures » occupées par le Franc-maçon en Loge, mais aussi du reste de la journée pendant lequel il s’affaire à répercuter au-dehors, ce qu’il a acquis au-dedans. N’est-on pas Maçon toute sa vie ? Chaque jour et à chaque heure du jour ?

    Le temps reste le temps, surtout présent, et on peut le qualifier de « maçonnique » parce que nous avons été initié. Le Franc-maçon doit répondre à tous ses engagements et responsabilités dans ses deux vies totalement liées et qui semblent indissociables. Le temps maçonnique ne serait-il donc pas un éternel présent consigné dans les Tracés des Loges, manuscrits relatant les moments riches de la Franc-maçonnerie intra et extramuros ?

    Pour conclure, du moins provisoirement

    Par définition, le temps humain est fini, et le temps divin infini, ou plutôt, il est la négation du temps, l’illimité. L’un est le siècle, l’autre l’éternité. Il n’existe donc entre eux aucune commune mesure possible. Cette différence de nature, que l’intelligence ne peut normalement concevoir, trouve son contrepoids dans l’intensité d’une vie intérieure, non dans un prolongement indéfini de la durée : sortir du temps, c’est sortir totalement de l’ordre cosmique, pour entrer dans un autre ordre, un autre univers. Le temps est indissolublement lié à l’espace.

    La vie profane est marquée par deux dates rapprochées et qui paraissent en même temps très éloignées : le 31 décembre et le 1er janvier. La première est censée marquer la fin d'une période qui serait définitivement derrière soi, alors que la deuxième signifierait le début d'une nouvelle ère pleine d'espoir et de réjouissances. Si nous penons la peine d'y réfléchir quelque peu, les festivités qui marquent ce non-événement ne sont-elles pas vides de sens et ne ressemblent-elles pas davantage à une fuite en avant qu'à une prise de conscience du temps qui passe ?

    Ces deux dates sont en effet tout ce qu’il y a de plus artificiel. Elles ne correspondent à rien de naturel, au sens propre du mot, ni à rien de symbolique. Ce n'est pas un hasard si les Francs-maçons rythment leur temps selon la cadence des saisons. Les fêtes solsticiales, que nous appelons Fêtes de saint Jean, correspondent au rythme naturel du temps, à la Lumière qui diminue puis se fait plus forte, au temps nécessaire au repos et à la méditation qui précèdera le temps de l'action et de l'effort.

    Dans un temps pas si éloigné que cela, les fêtes de la Saint-Jean étaient l'occasion de réjouissances très marquées dans les campagnes où l'on allumait de grands feux. Dans sa simplicité, le monde rural avait compris l'essentiel sur le temps qui passe et qui se déroule comme un fleuve sans fin. Nous sommes comparables à des navigateurs qui dirigent leur embarcation au milieu du cours. Nous nous approchons quelques fois de la gauche ou de la droite du fleuve, mais nous ne pouvons que suivre son cours sans jamais parvenir à le remonter.

    N’est-il pas temps de revenir à l'essentiel et de nous affranchir des chaînes matérialistes qui nous privent de liberté ? Les fêtes et les réjouissances sont certes indispensables à l'Homme. Il y a tant de raisons de nous réjouir tous ensemble, pour autant que chacun veuille bien retrouver l’autre, l'écouter et le comprendre. Cela vaut-il réellement la peine de chercher des prétextes futiles pour faire semblant de se réjouir ?

    R:. F:. A. B.

     

    « O temps ! suspens ton vol, et vous, heures propices,
    Suspendez votre cours :
    Laissez-nous savourer les rapides délices
    Des plus beaux de nos jours !

     

    [1] Le cadran solaire est considéré comme un des tout premiers objets utilisés par l’homme pour mesurer l’écoulement du temps. La première « horloge », le gnomon, une sorte de cadran solaire rudimentaire, fut créée au 3ème millénaire avant J.-C. Le cadran solaire le plus ancien est égyptien et date de 1500 avant J.-C. Ce système est connu dans toutes les civilisations mais il est imprécis. 

    [2] Une clepsydre (étymologiquement, il s’agit d’une voleuse d’eau), inventée par le grec Ctésibios, est un récipient percé dont de l’eau s’écoule. À l’intérieur du récipient, des graduations permettent de mesurer des intervalles de temps. L’heure était indiquée par le niveau d’un flotteur.

    Parties d’Égypte, en – 1530, les clepsydres se sont répandues chez les Grecs à partir de la seconde moitié du 5ème siècle avant J-C puis chez les Romains en 159 avant J-C. C’est le cadran solaire qui a été utilisé pour les graduer.

    Ces horloges à eau furent les premiers réveils : elles étaient utilisées dans les monastères pour déclencher une sonnerie aux heures de prière. Les Grecs et les Romains l’utilisaient pour limiter le temps de parole dans les tribunaux ou pour limiter des horaires dans les règlements concernant les services publics.

    Elle fut maintes fois perfectionnée jusqu’au 18ème siècle pour donner naissance à de véritables horloges à eau.

    [3] Le sablier était peu pratique pour mesurer des longues durées car il fallait le retourner souvent. Le bulbe rempli de sable qui était constitué de coquilles d’œufs pulvérisées (car utiliser du vrai sable était trop grossier), est placée en haut et par l’effet de la gravité, le sable s’écoule lentement et régulièrement dans l’autre. Une fois que tout le sable est dans le bulbe du bas, on peut retourner le sablier pour mesurer une autre période de temps. Il est fiable, précis et peu coûteux ; c’est l’instrument le plus répandu du 14ème au 18ème siècle. Il est utilisé essentiellement pour des durées courtes (pour des fractions d’heures). Le premier sablier apparaît vers l’an 1000, la légende raconte qu’ils ont été inventés afin de limiter le temps de parole des orateurs trop bavards.

    [4] (Livre XI. Paragraphe: XIV, XVIII, XX)

    [5] Le déroulement du temps y est logique d'après le point de vue humain, car linéaire, unidirectionnel.

    [6] Du grec hexa : six et hhêmera : jour.

    [7] Cf. Heidegger.

    [8] cf. Jankélévitch

    Bibliographie

    Augustin d'Hippone - La Cité de Dieu - Tome 14

    Traduction d’Isabelle Koch - Essai (broché)

    Edité par Cécile Defaut en 2012

     

    Bergson Henri

    Essai sur les données immédiates de la conscience

    Editions F. Alcan, Paris, 1889

     

    Bergson Henri

    Matière et mémoire

    Essai sur la relation du corps à l'esprit 1896

     

    Bergson

    L’Évolution créatrice

    1907

     

    Camus Albert

    Le mythe de Sisyphe

    Essai sur l’absurde

    Éditions Gallimard, Paris, 1942

     

    Gilson Etienne

    L'être et l'essence

    Editions Vrin, « Bibliothèque des Textes Philosophiques », 1994

     

    Hegel

    Encyclopédie des sciences philosophiques

    La science de la logique – Tome 1

    Traduction de Bernard Bourgeois

    Heidelberg, 1817

    Editions Vrin,‎ 1986

     

    Heidegger Martin

    Être et temps

    Traduction par Emmanuel Martineau

    Authentica, hors commerce, 1985 (épuisé)

     

    Husserl Edmund

    Méditations cartésiennes

    Sous-titré « Introduction à la phénoménologie »

    Editions Vrin, 1947 - Editions de Poche 1992

     

    Husserl Edmund

    Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps

    Editions des Presses universitaires de France, 1996

     

    Jankélévitch Vladimir

    L’irréversible et la nostalgie

    Collection : Champs Essais

    Editions Flammarion, 2011

     

    Kant Emmanuel

    Critique de la raison pure

    Editions des Presses universitaires de France, 2001

     

    Leibniz Gottfried

    Opuscules philosophiques choisis

    De la production originelle des choses prise à la racine

    « Bibliothèque des Textes Philosophiques – Poche », 2001

     

    Levy-Bruhl Lucien

    La mentalité primitive 

    Editions Félix Alcan, Paris, 1922

     

    Merleau-Ponty Maurice

    Phénoménologie de la perception

    Editions Gallimard, Paris, 1945

     

    Mircea Eliade

    Le Mythe de l'éternel retour. Archétypes et répétition

    Traduit du roumain par Jean Gouillard et Jacques Soucasse

    Editions, Gallimard, « Les Essais », Paris, 1949

    Nouvelle édition revue et augmentée - « Idées », 1969

     

    Nietzsche Friedrich

    Le gai savoir

    Traduit par Patrick Wotling

    Editions Flammarion, 1998 – Réédition de 2007

     

    Platon

    Timée

    Traduction, notices et notes par Émile Chambry

    La Bibliothèque électronique du Québec. Collection Philosophie

     

    Saint Augustin

    Confessions 

    Introduction et commentaire par Jean-Claude Fraisse

    Philosophie, 1989

     

    Spinoza Baruch 

    Éthique

    Folio, Collection Folio Essais, 1994

     


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