•  Les pas ou la marche de l'Apprenti 

    Introduction

    LES PAS, LA MARCHE

    De même qu’il possède ses attributs, sa batterie ou ses signes de reconnaissance, tout grade maçonnique a sa « marche ». Celle-ci consiste en un certain nombre de pas et sert essentiellement à pénétrer dans le Temple de manière rituelle.

    Le pas est par essence ce qui définit la marche d’un individu. Or, on sait que chaque élément du comportement d’un Franc-maçon en Loge a son importance symbolique. C’est pourquoi un nombre précis de pas correspond à chaque grade et doit être effectué lors de l’entrée dans la Loge. C’est également le moyen de vérifier que celui qui pénètre dans le lieu sacré dédié à la Franc-maçonnerie est bien habilité à être présent dans cette assemblée.

    Chaque degré de la Maçonnerie symbolique se caractérise par une marche différente que l’on évoque par l’expression « faire les pas » et qui s’avère obligatoire lors de l’entrée individuelle en Loge. La marche, accompagnée des signes spéciaux à chaque degré, est obligatoire pour tous les Maçons qui pénètrent dans une Loge lorsque les Travaux sont ouverts. « Pratiquement, nous dit Jules Boucher, ceux-ci le sont presque toujours au grade d’Apprenti ; les marches de Compagnon et de Maître ne sont utilisées ou mieux « remémorées » que lors des initiations à ces degrés. »

    Le pas constitue le mouvement de base. Il ne s’opère pas identiquement pour tous les rites. Ainsi, on entre :

    du pied gauche au Rite Écossais Rectifié, au Rite Écossais Ancien Accepté,

    du pied droit au Rite français moderne, au Rite belge moderne, au Rite Émulation.

    Faire le pas, c’est mettre les deux pieds en équerre, avancer d’un pas, se remettre en équerre. Le nombre de pas fait pendant au nombre mystérieux du grade. Les Surveillants ont pour devoir de vérifier avec un soin tout particulier que les Apprentis et Compagnons maîtrisent totalement cette gestuelle de base en matière d’entrée en Loge.

    L'ENTRÉE  EN  LOGE

    Quel que soit le rite suivi, l’entrée en Loge se fait dans le respect des usages anciens codifiés d’après des normes rigoureuses. Ainsi, l’entrée dans une Loge demeure rigoureusement identique aujourd’hui à celle qui se pratiquait en 1778.

    Lorsqu'un Frère arrive en retard et que les Travaux se trouvent commencés, il vient frapper à la porte de l’Atelier suivant la batterie de son degré où les Travaux sont ouverts.

    Le retardataire doit attendre avec patience que l’entrée lui soit accordée, ce qui peut se produire tardivement si une cérémonie est commencée !

    Lorsque le Vénérable Maître donne l’ordre d’admettre le Frère en Loge, le Couvreur ouvre la porte et accueille le nouveau venu. L’arrivant doit attendre que le Vénérable Maître le regarde pour procéder à l’entrée rituelle, c’est-à-dire faire les pas, suivis du salut.

    LA MARCHE RITUELLE DES RETARDATAIRES

    Tout Maçon pénétrant dans le Temple après l’Ouverture des Travaux doit marcher rituellement. A chaque pas, le second pied vient rejoindre le pied placé en avant, en équerre.

    LA   GESTUELLE   TYPIQUE

    Dans un premier temps, le Frère place (le plus souvent) ses pieds en équerre.

    Dans un second temps, il se met à l’ordre.

    Au troisième temps, il effectue les pas du grade.

    Au quatrième temps, il fait le signe d’ordre ou salut.

    DU PIED GAUCHE OU DU PIED DROIT ?

    Quelques auteurs jugent la marche écossaise peu conforme à la symbolique, du fait qu’elle démarre du pied gauche. Il est à noter cependant que si l’on part du pied gauche, on ouvre le côté droit du corps, on l’oriente vers le Pavé mosaïque.

    L'Ecossisme « attaque » les pas du pied gauche, la plupart des autres rites les commencent du pied droit.

    Comme pour l’analyse d’autres symboles, gestes et attitudes, de nombreux auteurs Francs-maçons ont pris, à ce sujet, des positions parfois proches, parfois divergentes. Cherchons la Lumière !

    « Aucune raison, bonne ou mauvaise, dit Oswald Wirth, n’a été jusqu'ici mise en avant en faveur du pied gauche. Quant à la marche du pied droit, elle se justifie par le fait que la droite figure l’activité, l’initiative, le raisonnement, alors que la passivité, l’obéissance et le sentiment se rapportent à la gauche. C’est donc le pied droit qui, logiquement, doit se porter en avant, appuyé par la gauche dont le rôle est de suivre».

    Edouard Plantagenet abonde dans le même sens : « La marche du pied gauche nous parait inexplicable ; il n’est point convenable qu’en Maçonnerie il puisse y avoir, à quelque degré de la hiérarchie que ce soit, une passivité aveugle ou un abandon absolu aux réactions affectives justifiant le symbolisme de la gauche. Nous savons, au contraire, que la fécondité même de l’Initiation repose entièrement sur l’intensité du travail personnel, conscient, délibéré. La marche s’affirme, d’ailleurs, comme inconciliable en soi avec le départ du pied gauche et dès lors on ne voit pas comment on pourrait justifier rationnellement cette prescription ».

    « Il ne fait aucun doute, dit-il encore, que cette altération des enseignements traditionnels propage une erreur flagrante : la marche écossaise prescrit le départ du pied gauche, côté de l’affectivité passive et sentimentale ».

    Pour Jules Boucher, au contraire, « la marche du pied gauche se justifie aisément parce que précisément alors on s’appuie sur la droite, la raison qui reste stable tandis que la gauche, le sentiment, est seule mobile. Inversement, en partant du pied droit, on lance en avant la raison et le point d’appui étant le pied gauche semblerait montrer qu’on s’appuie sur l’affectivité « passive et sentimentale ». Le pied droit venant s’appliquer sur le pied gauche « rectifie » les erreurs que la gauche a pu commettre ».

    On voit qu’il est facile de réfuter les arguments « rationnels » des adversaires de la marche partant du pied gauche. Ces arguments sont d’ailleurs purement sentimentaux !

    UN  PEU  D'HISTOIRE !

    L’usage des trois pas effectués à certains moments des cérémonies remonte à l’époque de la Maçonnerie opérative mais pour nous aider à les situer dans la pratique moderne, il nous faut nous référer aux anciennes « exposures » anglaises.

    Ainsi, le « Manuscrit Wikinson » (1727) et Samuel Prichard (1730) nous indiquent que les candidats doivent avancer par trois pas vers l’autel avant de prendre leur obligation sur la Bible. Cette façon de procéder relève d’une nécessité symbolique mais ces documents ne nous fournissent aucune explication sur la manière de les faire.

    Un document plus tardif, daté de 1760, le « Three Distinct Knocks », signale que « le candidat avance seulement d’un pas au 1er degré, de deux au Second degré, de trois pas au 3ème degré ». Ce qui énonce en l’occurrence que le premier pas régulier en Franc-maçonnerie est celui qui va se traduire par la prise de l’obligation qui entérine définitivement la réception dans la fraternité car c’est l’engagement qui fait le Maçon. Sans serment sur la Bible, il n’y a point de Maçon.

    LE  PREMIER  PAS  RÉGULIER  EN  FRANC – MAÇONNERIE

    Ce pas effectué à partir des pieds mis en équerre avec les talons joints remonte au moins vers 1700 puisque nous en trouvons la mention dans le manuscrit Sloane. La Grande Loge des « Moderns » le modifia avec l’adoption des trois pas tandis que la Grande Loge des « Antients » le maintint.

    LA  GRANDEUR  ET  LE  NOMBRE  DE  PAS

    Certains rituels précisent que les pas ne doivent pas être d’égales longueurs, le premier étant un petit pas, le deuxième un peu plus grand, le troisième encore un peu plus grand !

    La marche de trois pas est celle de l’Apprenti. Serait-ce trahir un secret que de révéler ici que la marche du Compagnon est celle de l’Apprenti à laquelle viennent s’ajouter deux autres pas et que celle du Maître est celle du Compagnon à laquelle viennent s’ajouter trois pas spécifiques ?

    Le plus important n’est-il pas de découvrir, au moment adéquat, la manière de les effectuer et de les « vivre » au moment de la cérémonie de Passage au grade de Compagnon ou de l'Élévation à la Maîtrise ?

    La Marche ou les Pas de l’Apprenti

    Au grade d’Apprenti, il s’agit d’accomplir trois pas.

    Placée comme d’autres symboles du Premier degré sous le règne du nombre Trois, la marche d’Apprenti se pratique en réalité peu souvent. Accompagnée du Signe d’Ordre, elle a seulement lieu lorsqu'un Frère arrive très tard en cours de Tenue ou bien lors de l’introduction rituelle d’une délégation de visiteurs ou de dignitaires. Elle est toujours remémorée au cours de la cérémonie de l’Initiation d’un Profane.

    Pour Guy Boisdenghien, « la marche consiste à effectuer trois pas en avant, les pieds en équerre, dirigés vers l’Orient. Geste ternaire de jambes, la marche symbolise l’avancée de l’Apprenti sur le chemin de l’Initiation. Le premier pas est un essai en tant qu’image de l’ignorance native. Le deuxième pas permet de prendre conscience de la nécessaire prudence que nous devons toujours garder à l’esprit en raison de l’imperfection du langage. Le troisième pas est celui de l’attention. Ainsi, tous les sens sont tendus vers la compréhension de l’instruction initiatique ».

    Pour Gilbert Alban, les trois pas doivent être assez petits, égaux et surtout glissés et prudents afin de bien rappeler la marche intérieure du Néophyte quand il pénètre pour la première fois dans les ténèbres de son moi. Cependant ces pas hésitants ne sauraient être exagérés à cause de la volonté et du courage requis de l’Apprenti pour dégrossir sa Pierre.

    La Marche de l’Apprenti et le symbolisme de l'Équerre

    Pour Jules Boucher, la marche de l’Apprenti est rectiligne et se fait à l’aide de l'Équerre parce qu’il a été mis dans la « voie droite », parce qu’il a été « initié ». Sa marche lui rappelle les difficultés qu’il va rencontrer et la nécessité où il se trouve de ne pas s’écarter de son chemin.

    Mais pour Patrick Négrier, qui veut expliquer les symboles maçonniques d’après leurs sources, « la disposition des pieds en forme d’équerre renvoie évidemment au symbolisme de l'Équerre. L'Équerre renvoie à la forme carrée de l’autel des holocaustes. La Lettre G désigne la mer de bronze. Quant au Compas, il renvoie au ciel indiqué par la « montée » de la fumée des holocaustes et représentée par les douze bœufs soutenant la mer de bronze. Les pas sembleraient donc reprendre la symbolique universelle des voyages, le premier pas reliant la terre au ciel (c’est le trajet indiqué par la « montée » de la fumée des holocaustes ) ; le second pas reliant ensuite le ciel et la terre (c’est le trajet indiqué par la réflexion des constellations à la surface de l’eau remplissant la mer de bronze) ; et le troisième pas conduisant en réalité de la mer de bronze entre les deux colonnes Yakin et Boaz, c’est-à-dire en définitive devant la porte de l’hêkal du Temple de Salomon ».

    Quant aux trois pas considérés en eux-mêmes, Gabriel-Louis Pérau donne l’explication suivante à leur sujet : « Le premier temps se fait de la porte d’Occident à l'Équerre ; le second de l'Équerre à la Lettre G, et le troisième, de la Lettre G au Compas, toujours les pieds en équerre, pour aller chercher la Lumière ».

    Edouard Plantagenet juge pénible cette marche rituelle : « brutalement coupée par trois arrêts, elle brise notre élan. A chaque fois, elle nous contraint à un nouvel effort pour repartir ! »

    Symbolisme astrologique de la Marche de l’Apprenti

    La marche ne s’est pas introduite dans notre rituel par hasard. Il ne s’agit pas d’une invention ni un symbole construit de toutes pièces à la faveur de l’heureuse inspiration d’un esprit familiarisé avec les abstractions ! En effet, la marche et ses trois étapes semblent correspondre, comme rythme et signification, avec les trois premiers signes du zodiaque qui sont, faut-il le rappeler, le Bélier, le Taureau et les Gémeaux et qui répondent aux mois de mars, avril, mai et juin, c’est-à-dire au printemps, et sont en concordance avec l’année maçonnique qui commence le premier jour de mars !

    L’astrologie nous apprend que le Bélier est sous l’influence de la planète Mars et évoque par conséquent l’idée de lutte qui est confirmée par le renouveau solaire. Le Taureau, qui inspire le second pas, exprime le travail persévérant et désintéressé. Quant aux Gémeaux, qui sont sous l’influence planétaire de Mercure, ils sont considérés comme le signe de la fraternité.

    Faut-il accepter ou rejeter ce symbolisme astrologique sur lequel Edouard  Plantagenet s’étend complaisamment ? Il nous est loisible de l’accepter dans la mesure où tous les symbolismes vrais se recoupent et se vérifient l’un l’autre.

    De plus, si l’on s’en rapporte aux Eléments, le Bélier est signe de FEU, le Taureau signe de TERRE et les Gémeaux signe d’AIR. Le premier pas indiquerait alors l’ardeur, le second la concentration et le troisième l’intelligence.

    Conclusion provisoire

    Au risque de le répéter, les marches peuvent varier d’un Rite à un autre en fonction du symbolisme qui leur est attribué : partir du pied droit ou du pied gauche, avoir les pieds droits ou en équerre, faire des pas plus ou moins grands, faire des demi-cercles, faire monter un escalier…, mais elles gardent la même signification, à savoir le fait de marquer l’appartenance à un grade précis.

    Les marches s’exécutent pas à pas pour rappeler que la progression vers la Lumière se réalise par étapes successives.

    La position de départ, pieds en équerre, indique la droiture de conduite qui est la première qualité du Maçon.

    Mais dans la recherche de la droiture de sa propre conduite, ne convient-il pas avant tout de s’efforcer de ne pas arriver en retard à une Tenue ?

    Si l’un ou l’autre Frère arrive exceptionnellement en retard, sachons alors profiter de cette arrivée tardive pour nous imprégner une nouvelle fois du symbolisme de sa marche tel que j’ai tenté de l’analyser dans ce travail.

    Mieux vaut cependant profiter des moments de tuilage qu’offrent les cérémonies d’Initiation, de Passage au Second degré ou d'Élévation à la Maîtrise pour nous imprégner du symbolisme des différentes marches ou pour nous les remémorer.

    Cette quatrième version de cette planche, tracée pour la première fois en septembre 2000, comprend à présent un chapitre de plus, à propos de la marche à reculons du Compagnon qui vient recevoir son salaire de Maître Maçon. C’est une marche qui permet de prendre du recul vis-à-vis de soi-même avant d’accéder au seuil d’une confrontation avec un Absolu qui le dépasse.

     

    R :. F :. A. B.

    Bibliographie

    Alban Gilbert - Guide de l’Apprenti

    Editions Detrad, Paris, 1996 - Pages 231 et 232

     

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995 - Page 121

     

    Boisdenghien Guy - La Vocation Initiatique de la Franc-maçonnerie

    Sentiers de la Tradition - Editions l’Etoile, Bruxelles, 1999 - Pages 100 et 101

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 314 à 321

     

    Chauvet  (Dr) - Esotérisme de la Genèse

    Tome 1er, 1946 - Page 148

     

    Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 170 à 172

     

    Guigue Christian - La formation maçonnique

    Editions Guigue ? Mons-en-Baroeul, 1995 - Pages 147 à 149 ; 206 ; 225 et 226

     

    Mainguy Irène - La symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2006 - Pages 367 à 369

     

    Négrier Patrick - Les symboles maçonniques d’après leurs sources

    Editions Télètes, Paris, 1998 - Pages 108 et 109

     

    Pérau Gabriel-Louis - Le secret des Francs-maçons

    Editions Slatkine, Genève, 1980

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    Tome 3 : « Le Maitre » - Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 38, 85, 93, 169, 170


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  •  Les mots et l'attouchement de l'Apprenti 

    Introduction

    Il est une expression dans le rituel de chacune de nos trois cérémonies (Initiation, Passage au degré de Compagnon, Élévation à la maîtrise) qui mérite de retenir tout particulièrement notre attention et de susciter notre réflexion : « Pour se reconnaître entre eux, les ….. Maçons ont des Mots, des Signes et Attouchements ».

    J’ai déjà tracé une planche à propos des Signes de l’Apprenti. Je ne m’attarderai donc pas ici sur ce sujet.

    Comme pour bien d’autres phrases du rituel sinon toutes, il importe de se poser des questions et de tenter de rechercher des réponses, tout d’abord en nous-mêmes, ensuite en interrogeant des Frères plus avancés dans leurs recherches et enfin en consultant la littérature maçonnique si nécessaire.

    Voici quelques questions qui me sont venues spontanément à l’esprit à la lecture de cette phrase :

    • Pourquoi les Francs-maçons doivent-ils se reconnaître ?
    • Dans quelles circonstances ?
    • Quels sont les mots de reconnaissance mis à leur disposition ?
    • Sont-ils différents selon les grades, selon les rites ?
    • Quel est l’Attouchement de l’Apprenti ?
    • Que signifie le Mot de l’Apprenti?
    • Quelle interprétation pouvons-nous avoir de ces symboles ?

     

    Circonstances d’une reconnaissance

    Dès que le Récipiendaire est reçu et consacré Apprenti Franc-maçon, le Vénérable Maître, assisté de l’Expert, l’instruit pour qu’il puisse dorénavant se faire reconnaître par les signes, mots et attouchements spécifiques de son grade.

    Dans quelles circonstances les Compagnons ou les Maîtres Maçons peuvent-ils être amenés à se reconnaître ? Il me semble que la question est devenue un peu obsolète. En effet, lorsque nous rendons visite à des FF:. d’autres Loges, le plus souvent nous nous retrouvons sur les Parvis, en salle humide, où nous n’avons généralement pas encore revêtu nos décors. Difficile dans ces circonstances de savoir quel est le grade de chaque Frère qui nous accueille et réciproquement !

    C’est dans ce contexte qu’il faut replacer cette fichue manie des Frères Maîtres de saluer tous les Frères en Maître et de divulguer ainsi « le Signe du Maître » à des Apprentis et des Compagnons. Ne conviendrait-il pas, en salle humide, de se présenter à chaque Frère en précisant son grade (Apprenti, Compagnon), venant de la R:. L:. " X " ?

    Ce n’est généralement qu’au sein-même de la Loge de Compagnons au cours de la cérémonie de Passage au grade, ou dans la Chambre du Milieu, au cours de la cérémonie d'Élévation à la Maîtrise, que les mots, les signes et l’attouchement sont contrôlés symboliquement.

    Sans doute, autrefois, lorsque les Compagnons visitaient beaucoup d’autres Loges, était-il opportun d’énoncer le mot de passe à haute et intelligible voix, d’effectuer le signe d’ordre devant le V:. M:. et les FF:. Surv:., de donner l’attouchement au Frère Expert ou au Frère Couvreur !

    Puisque l’attouchement semble intervenir comme l’élément premier de reconnaissance du Maçon, je vais commencer par ce premier aspect des moyens de reconnaissance.

     

    L’Attouchement de l’Apprenti

    Il est probable que l’usage de l’attouchement comme signe de reconnaissance, soit à relier avec la pratique du « topage » dans le compagnonnage. Le voyage est défini comme un ancien usage compagnonnique permettant de savoir si un compagnon rencontré fait partie du même devoir et du même corps de métier. Par questions et réponses, les deux compagnons s’assuraient ainsi de leur identité [1].

    Au premier degré, l’Attouchement est ternaire. Au deuxième degré il est quinaire. Tous deux reproduisent la batterie du grade selon le rythme du rituel pratiqué.

    Bien souvent l’Attouchement est à considérer comme une demande du Mot sacré. La communication du Mot sacré ne peut alors s’exécuter qu’avec une grande prudence. Elle fait référence (notamment au R.E.R. et au R.E.A.A.) à la science des lettres, en particulier au premier et au deuxième grade (J. et B.).

    Au grade d’Apprenti, l’Attouchement se fait en se prenant mutuellement la main droite de manière que les quatre doigts de l’un soient dans la paume de l’autre. Pour se reconnaître, on pose alors l’extrémité du pouce, en le pliant, sur la phalange de l’index de l’autre et l’on exerce des pressions avec le pouce : deux précipitées et une troisième bien séparée. L’Expert fait ce signe de reconnaissance au jeune Apprenti qui doit lui répondre de la même manière.

    Je passerai sous silence l’attouchement des Compagnons et des Maîtres.

     

    Les Mots de l’Apprenti

    Lorsque nous parlons de mots, nous savons qu’il y a lieu de faire une distinction entre « Mot sacré » et « Mot de passe ».

    Parmi les éléments secrets du métier figurent les mots de passe qui ont pour but de vérifier si le degré possédé par un Frère correspond bien à celui des Travaux du jour. Ils permettent d’obtenir l’entrée en loge.

    Bien que rarement exigé à l’entrée de nos Loges pratiquant le Rite moderne, le mot de passe est, faut-il le rappeler, celui qu’il y a lieu d’énoncer au Frère Couvreur pour pouvoir normalement entrer dans le local maçonnique avant l’Ouverture des Travaux. Il agit aussi comme une clé pour accéder à l’espace intemporel lorsqu'un Frère arrive en retard.

    Chaque grade se caractérise aussi par l’attribution d’un Mot sacré aux Frères qui s’y trouvent reçus. Il s’agit, pour les premier et deuxième grades d’éléments partiels, éparpillés. Il leur appartiendra plus tard de rassembler ce qui est épars pour avancer plus avant vers la compréhension initiatique du système.

     

    Le Mot de passe de l’Apprenti

    Comme son nom l’indique, un mot de passe (parfois aussi appelé « mot du guet ») permet de passer, de franchir un seuil. Ce mot serait apparu vers 1745 comme mot de passage ou plutôt d’entrée au premier grade.

    T..... est ce mot de passe (au Rite moderne belge), B........... (au R.E.A.A.) un mot qui donne accès à la Loge. On peut penser que cet usage permet à l’Apprenti de se distinguer d’un Profane. On peut considérer que la Franc-maçonnerie, héritière des mystères antiques, utilise les mots de passe, en rappel des usages propres aux mystères d’Eleusis.

     

    Quelques hypothèses sur l’origine de ce mot

    De toutes les thèses avancées sur l’utilisation de T......... comme mot de passe du premier grade – notamment au Rite français – aucune explication ne paraît a priori justifier ce choix.

    Arturo Reghini [2] considère qu’un mot de passe est nécessaire pour passer d’un grade à un autre, du premier au deuxième grade par exemple, mais que c’est une erreur d’avoir attribué T.............. au premier grade [3].

    Selon Marcel Spaeth, T.....-C..... était le « premier maître pour la fonte de l’airain » et certaines versions maçonniques admettent même qu’il pouvait être le second d’Hiram et c’est lui qui aurait fondu les colonnes J et B du Temple de Salomon.

    Yabal évoque le verbe « ybl » (conduire) ; Ybal ressemble à « yôbel » (trompette) ; Tubal est aussi le nom d’un peuple du Nord (Genèse 10 ; 2) au pays des métaux.

    C......, qui signifie « forgeron », paraît avoir été joint à T..... comme une explication de ce nom et sans doute pour souligner que ce forgeron-là est bien le descendant de Caïn, un des fils du premier homme.

    D’ailleurs « T......... » devrait, suivant la prononciation en hébreu s’énoncer plutôt comme Joubal ou Zoubal, son qui n’a pas d’équivalent en français, mais qui s’apparente au Th anglais.

    La référence à T.....-C..... propose au jeune Maître un travail essentiel. Ne dit-on pas en effet que T.....-C...... sépara l’airain des scories ?

    Il semble difficile de trouver une formule plus noble et plus juste définissant le devoir essentiel d’un Franc-maçon que celle-ci : « avec l’aide du feu, débarrasser la matière des scories », dans les relations des hommes entre eux mais avant tout dans les relations avec soi-même.

    En Maçonnerie, cette référence à l’art du forgeron est en étroite analogie avec la Chaîne d’union dont les maillons doivent être du plus pur métal.

    Les catéchismes de 1724 à 1730 ne rapportent aucun mot de passe. Reghini avance une hypothèse selon laquelle leur introduction correspondrait à des mesures prises vers 1735 en France pour se protéger des Frères dissidents. Mais cela mériterait d’être vérifié !

    En tout cas, on trouve la première trace de T......... donné comme mot de passe du premier grade en 1745, dans le rituel de l’Ordre des Francs-maçons trahi et le secret des Mopses [4] révélé.

    Jackson [5], dans un article paru dans les Ars Quatuor Coronatorum en 1974, traite des mots de passe, de leur développement et utilisation au début du 18ème siècle. Il reconnaît dans ses conclusions que leurs origines restent du domaine de la spéculation.

    Jackson considère que les mots de passe ont été utilisés surtout en France, s’apparentant à des mots de guet pour s’assurer de l’appartenance à la Franc-maçonnerie d’un Frère inconnu de passage dans une loge. Depuis 1728, date probable de la première Grande Loge Française, le nombre de loges s’accrut rapidement. Si les Maçons français ont utilisé des mots de passe, il est improbable, toujours selon Jackson, que ce soit pour des raisons de sécurité qui étaient à cette époque souvent assez élémentaires.

    Il y aurait une forte probabilité pour que les mots de passe aient une origine irlandaise ou anglaise et non pas française car ces mots seraient apparus dans les rituels dès 1725 durant les changements causés par le développement du système en trois grades. Leur apparition officielle, imprimée en 1760 à Londres, n’exclut donc pas la possibilité d’une existence antérieure.

     

    Symbolisme du Mot de passe « T............. »

    Irène Mainguy développe quelques essais d’interprétation du mot « T.......... » en fonction de l’hermétisme d’une part, et l’alchimie d’autre part.

    Caïn, fils d’Adam et Ève, est aussi le nom de la matière en putréfaction parvenue au noir. Elle est reliée à la malédiction divine qu’encourut Caïn après le meurtre de son frère Abel, et aussi par la suite au désordre sur la terre que causèrent ses descendants, ce qui amena le déluge. En alchimie, le déluge est représenté par la dissolution de la matière et ses effets par la putréfaction.

    Ces opérations alchimiques nous rappellent l’épreuve subie par le Néophyte dans le Cabinet de Réflexion avant d’être présenté ni nu, ni vêtu à la Porte de la Loge, c’est-à-dire boitant, les yeux bandés. L’état de ni nu ni vêtu du postulant à l’Initiation rappelle l’état du boiteux sous lequel est le plus souvent présenté le forgeron. Cette préparation, qui n’a rien d’une brimade, est faite pour faire prendre conscience de l’état d’infirmité spirituelle, d’opposition interne et d’incomplétude dans lequel se trouve toute personne en quête de Lumière, venant frapper à la Porte de la Loge.

    Le candidat à l’Initiation, présenté dans l’état d’infirmité du forgeron, dépouillé de ses métaux les plus vils, part à la recherche des métaux les plus nobles, prenant pour maître Tubalcaïn, modèle de la conciliation des oppositions nécessaires et fécondes, lui traçant la voie à suivre.

    En hébreu, T.....-C...... signifie « possession du monde ». Le Maître en effet, possède le monde entier, représenté par la Loge, puisqu'il lui est permis de voyager de l’Orient à l’Occident, du Midi au Nord et sur toute la surface de la Terre.

    Issu de la « chair », de la matière corruptible, des ténèbres couvrant cette terre maudite (qui va disparaître prochainement avec le déluge et l’avènement d’une nouvelle humanité post-noachite), T........... devient celui qui va rechercher tous les moyens de s’approprier la puissance, puisqu'il doit se passer de la divinité, pour maîtriser la connaissance de l’univers de la matière sans se soucier des conséquences ni des aspects positifs ou négatifs que l’on nomme le Bien et le Mal.

     

    Je passerai sous silence les mots de passe des Compagnons et des Maîtres.

     

    Le Mot sacré de l’Apprenti

    L’Apprenti apprend qu’il existe un mot sacré qui ne peut jamais être prononcé mais seulement épelé. Il en découvre la première lettre sur la Colonne du Septentrion : c’est la Lettre J, qui débute le mot « J........ » qui se traduit généralement par « Qu’il établisse ! », c’est-à-dire « Que le Grand Architecte de l’Univers établisse ! ». Le Mot sacré de l’Apprenti se rapporte en effet au nom donné dans la Bible à l’une des deux colonnes qui étaient situées à l’entrée principale du Temple de Salomon.

    Le Vénérable Maître lui enseigne comment réagir lorsque ce mot sacré lui sera demandé. Il devra répondre qu’il ne sait ni lire ni écrire mais seulement épeler. Il demandera que son interlocuteur lui fournisse la première lettre et il lui répondra en lui donnant la suivante et ainsi de suite.

    On constate ainsi que l’Apprenti n’énonce que les voyelles A et I, tandis que le Maître qui l’interroge énonce les consonnes J, K et N.

    Ce qui est significatif, c’est l’enseignement qui consiste en la manière d’épeler lettre par lettre le nom de cette colonne. Si le Mot sacré ne se prononce pas, c’est qu’il fait allusion à ce qui est inexprimable et ne se prête à aucun exposé systématique ou doctrinal. Ainsi, l’Apprenti est mis sur le chemin, pour faire l’effort de penser et de le trouver en lui, selon la théorie platonicienne de la réminiscence où tout est en soi. On le retrouve dès qu’on se met à l’écoute.

    Les termes d’épeler, lire et écrire font appel à la science des lettres et à l’art de mémoire.  Cette parole est communiquée par bribes, lettre après lettre qui, ajoutées les unes aux autres et assemblées, à l’aide d’un guide, donnent la méthode initiale pour assembler ce qui est épars. C’est la première phase de l’apprentissage. La Genèse est liée à la manifestation du verbe créateur. Apprendre à lire et à écrire, sur un plan initiatique, consiste à retrouver la trace du Principe dans les phases éparses de la manifestation.

    Le mot sacré de l’Apprenti se rapporte au nom donné dans la Bible à l’une des deux colonnes qui étaient situées à l’entrée principale du Temple de Salomon. Ce qui est significatif, c’est l’enseignement qui consiste en la manière d’épeler lettre par lettre le nom de la première Colonne.

    L’instructeur met le Néophyte sur la voie en prononçant la lettre initiale, ce qui permet à l’Apprenti de donner la seconde lettre. La troisième lettre lui sera encore donnée pour qu’il puisse trouver la quatrième.

    Selon René Guénon, « le Maçon qui n’est pas parvenu au grade de Maître est encore incapable de rassembler ce qui est épars et c’est pourquoi il ne sait qu’épeler ».

    La manière de communiquer « le mot sacré » : « Donnez-moi la première lettre et je vous donnerai la seconde » nous enseigne que l’Initiation est faite de plusieurs étapes, l’une qui vient de l’apport de la Tradition, l’autre qui résulte du travail personnel de l’Apprenti. Le mot sacré qui se compose en assemblant les lettres l’une après l’autre représente le processus initiatique dans sa globalité. Celui-ci demande de faire l’effort d’en rassembler les éléments épars selon la méthode du puzzle.

    Le mot sacré épelé fait partie des symboles sonores.

    Quel que soit le rite, on constate que l’Apprenti ne sait qu’épeler et qu’en avouant « Je ne sais ni lire, ni écrire, je ne sais qu’épeler », il se laisse guider pour être mis sur la Voie par son instructeur. Épeler, c’est commencer à lire, balbutier, ce sont les premiers jalons intelligibles de l’acquisition du langage.

    Au grade d’Apprenti, le mot sacré peut avoir plusieurs sens : « il établira » ou « il érigera », du verbe hébreu « koun », il était debout. J......... s'épelle en hébreu par quatre lettres : iod, caph, iod, nun.

    Si Jakin signifie « il établira », le mot établir vient du latin stabilire (installer solidement, fixer, construire). On parle d’établir des lois, l’ordre, des pierres pour un édifice. Stabilis veut dire ferme, solide, durable et stabilitas est donné comme synonyme de fortia, les choses fortes, les actes de bravoure, d’où la force.

    Si le mot sacré J....... signifie « stabilité », « résistance », « fermeté », ce sont là les qualités essentielles de l’Apprenti-Maçon qui doit avoir une volonté efficiente pour entreprendre et persévérer dans sa quête.

     

    Je passerai sous silence le mot sacré des Compagnons et des Maîtres.

     

    Pour conclure, du moins provisoirement

    Lorsqu'il est dit qu’un Maçon se reconnaît à ses signes, paroles et attouchements, cela signifie qu’il sait mettre en pratique à l’extérieur de la Loge ce qu’il y a intégré physiquement par ses signes et attouchements et intellectuellement par certaines paroles précises.

    Ainsi, pour se reconnaître entre eux, tous les Francs-maçons disposent de mots, de signes et d’attouchements spécifiques à leur grade, à leur rite. Le tuilage de l’Apprenti en atteste :

    • A quoi reconnaîtrais-je que vous êtes Maçon ?
    • A mes mots, signes et attouchements.

    Mais cette question et sa réponse sont précédées d’une autre phrase qui me paraît tout aussi importante sinon davantage, une autre phrase que j’ai entendue pour la première fois le soir-même de mon Initiation :

    A la question de savoir « Etes-vous Maçon ? » il fut répondu :

    • Mes Frères me reconnaissent comme tel !

     

    R :. F :. A. B.

     

    [1] Encyclopédie du Compagnonnage, Histoire, symboles et légendes, Editions du Rocher, 2000, p. 596.

    [2] Reghini Arturo, Les Mots sacrés et de passe des trois premiers grades et le plus grand mystère maçonnique

    Editions Archè, Milan,  1985.

    [3] Si la signification de ce mot de passe au premier degré de la Maçonnerie ne semble pas avoir trop d’importance, c’est probablement parce que le sens de Tubalcaïn serait à découvrir au troisième degré.

    [4] L’Ordre des Mopses est né en Saxe, après que le Pape Clément XII ait fulminé l’excommunication de la Franc-maçonnerie en 1738.

    Si cette excommunication n’eut pas d’effet en France, le Parlement de Paris ayant refusé d’enregistrer la Bulle papale, des catholiques de certaines principautés allemandes choisirent de créer cet Ordre mixte et paramaçonnique tirant son nom du mot allemand Mops qui signifie « carlin ». Ce petit chien symbole de fidélité était aussi l’animal favori du Prince-Electeur de Saxe, Frédéric-Auguste.

    [5] Jackson, « Masocnic paswords their development and use in the early 18th century »

    in Ars Quatuor Coronatorum, Vol. 87, 1974.

    Bibliographie générale

    Guigue Christian - La formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 2003 - Pages 70 à 72 ; 500 à 501 ; 694 à 695

     

    Mainguy Irène - La Symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2001 - Pages 66 ; 83 ; 86 ; 168 ; 195 à 201 ; 322 ; 324 à 326

    Bibliographie spécifique aux mots et à l’attouchement de l’Apprenti

    Béresniak Daniel - Rites et symboles de la Franc-maçonnerie

    Tome 1 « Les Loges bleues » - Editions Detrad, Paris, 1995 - Page 83

     

    Guigue Christian - Les planches de l’Apprenti

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 1996 - Pages 169  à 175

     

    Mainguy Irène - La Symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy,  Paris, 2001 - Pages 71 à 74 ; 75 à 77 ; 165 à 168

     


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  •  Les signes de l'Apprenti 

    Introduction

    Dans les ordres religieux, il existe une règle comme instrument de la construction du moi intérieur et spirituel, une règle de vie qui indique l'esprit qui doit régner au sein de la communauté mais qui régit également l'organisation pratique. De même, en Franc-maçonnerie, nous avons besoin d’ordre, de respect, de moralité au sens de liberté et de réflexion, au sens de questionnement.

    Au cours de la cérémonie d’Initiation, après avoir été revêtu de ses décors, l’Apprenti reçoit sa première instruction : mot de passe, mot sacré, signes, mots et attouchement. Il devra suivre cette règle sans jamais y déroger. Puisqu'il vient de prêter serment, il devra désormais accepter de se plier aux us et coutumes de la Franc-maçonnerie.

    Au cours de cette communication des arcanes du grade, le Vénérable Maître instruit notamment le Néophyte en lui expliquant comment se fait la mise à l’Ordre, le Signe d’Ordre ainsi que le Signe de Fidélité. L’analyse de l’exécution de ces signes et des tentatives d’interprétation font l’objet de cette planche.

    Le Signe d’Ordre

    Dans les anciens catéchismes, le Signe d’Ordre est appelé « signe guttural » bien que ce dernier terme ne soit pas à proprement parlé le mieux adapté si l’on se réfère à son étymologie.

    L’expression « Signe guttural » est encore utilisée dans certaines Loges françaises qui pratiquent le Rite Écossais Ancien et Accepté. Il est dit « pectoral » dans certaines Loges françaises pratiquant le Rite Français ou le Rite Écossais Rectifié.

    Le Signe d’Ordre tient une place essentielle dans la gestuelle du rite, notamment par le lieu où il s’effectue et qui correspond à un point de chakra ; ensuite, parce qu’il est un outil de la discipline ou maîtrise sur le corps et qu’il possède la vertu d’élever l’esprit en ordonnant le corps. Selon Christian Guigue, « c’est à partir de ce contrôle total opéré sur soi que le Maçon peut se laisser guider vers la réalité symbolique et qu’il peut appréhender l’essence initiatique du rite en travaillant à « ouvrir » l’intelligence du Cœur ».

    Exécution

    Le Signe d’Ordre se fait en retirant d’un geste rapide la main de la gorge et en abaissant le bras droit jusqu'à ce qu’il pende le long du corps, comme le bras gauche.

    Le Signe d’Ordre se fait uniquement debout, les pieds en équerre, lors d’une prise de parole ou lors du déroulement du rituel, jamais en position assise. Tout Frère sur les Colonnes, tout Frère siégeant à l’Orient, y compris l’Orateur ou le Secrétaire, doit donc se lever pour exécuter ce signe après toute communication ou toute intervention.

    Le Signe d’Ordre touche un centre subtil de l’être. Comme le précise le rituel de l’Initiation au premier degré du Rite moderne belge,  « il se fait par Équerré, Niveau et Perpendiculaire » indiquant la voie de réalisation et de rectitude à suivre. La répétition de ce signe rituel devrait logiquement imprégner progressivement le physique et le mental du Maçon assidu.

    Bien accompli, le Signe d’Ordre favorise en effet l’éveil de la conscience et favorise la concentration nécessaire à tout travail d’ordre intérieur. On peut mesurer l’efficacité du geste et du rite à l’attention qui lui est donnée dans son accomplissement, autant que par l’excellence de sa bonne exécution.

    Interprétations

    Le Signe de l’Apprenti se fait par horizontale et verticale afin de lui rappeler à chaque fois que son voyage est initiatique.

    Le Signe d’Ordre reproduit également trois symboles: l’Équerre avec la main droite, le Niveau avec le bras droit, la PerpendiculaireFil à plomb avec le bras gauche vertical.

    Observons que le trinaire Équerre – Niveau – Perpendiculaire rendu vivant par la mise à l’Ordre est une incarnation de ces trois symboles majeurs. Quand nous nous mettons à l’Ordre, l’image mentale de ceux-ci apparaît aussitôt à notre conscience, preuve que cette incarnation pénètre le moi, à condition toutefois de la laisser y pénétrer !

    Par ce signe, l’Apprenti peut ainsi apprendre qu’il devra toujours être d’équerre, se comporter avec franchise, fraternité et fidélité, qu’il doit être un être loyal, respectueux de son serment, tolérant envers les autres et rigoureux envers lui-même.

    Le symbolisme du Signe d’Ordre le plus fréquent est singulièrement ésotérique. Hormis le fait qu’il serve de signe de reconnaissance entre Maçons, le Signe d’Ordre possède plusieurs décryptages. Le premier, aujourd’hui désuet, voudrait que la main glissant sur la gorge signifie « J’aimerais mieux avoir la gorge tranchée plutôt que de révéler les secrets qui m’ont été confiés». Il rappellerait de manière continuelle le châtiment contenu dans le serment prêté.

    Ce Signe d’Ordre ramène l’Apprenti au serment qu’il vient de prêter : s’il trahit son serment, s’il révèle les secrets, les signes, les mots, l’attouchement, c’est la mort fatale qui l’attend, la gorge tranchée. La gorge tranchée marque bien entendu une autre signification que les mots eux-mêmes : « la gorge tranchée, précise Claude Darche, c’est la mort du Verbe, la Parole où s’inscrit l’homme ».

    Ce signe sépare la tête du reste du corps, l’intellect de l’affectif. La main est posée sur la gorge soulignant cette fonction vitale de canal du souffle dans l'inspir et dans l'expir, mais aussi le siège d’expression de la parole. Ce signe d’équerre placé sous la gorge en appelle en effet à la parole qu’il ne pourra pas prendre durant le temps de son apprentissage. Par ce signe d’Ordre, l’Apprenti est mis en garde contre le mauvais usage de la parole et est invité à un silence probatoire car c’est dans le silence, par l’écoute et la méditation qu’il pourra régénérer et affermir progressivement sa parole en expression de vérité.

    Si ce signe est bien celui de l’Apprenti, il est aussi le signe pratiqué par les Compagnons et les Maîtres lorsque la Loge travaille au Premier degré. Tous les Maçons présents font le même signe pour l’Ouverture et la Fermeture des Travaux. Ils le font également et restent à l’ordre tout le temps de leur prise de parole éventuelle. Ainsi, le flux verbal ne se déverse qu’avec parcimonie.

    En Loge, on ne prend en effet pas la parole de la même façon que dans le monde profane. Le Maçon réfléchit, cherche les termes justes, essaie d’enrichir la réflexion, de soulever des questions. Il ne se lance pas sans avoir mûrement réfléchi. C’est ainsi que les Maçons peuvent prendre la parole avec sérénité, dans l’harmonie et l’écoute de l’autre. Chacun apprend ainsi à respecter les différences, à s’ouvrir à des idées, à des opinions radicalement différentes des siennes, mais aussi vraies et authentiques.

    Remarquons ensuite que le contact de la main sur la gorge est un geste naturel, instinctif. On porte une main, voir les deux à la base du cou lorsqu'on éprouve une vive émotion, un choc moral. Il est regrettable que l’on ne fasse presque jamais attention aux gestes naturels car ils affichent des significations ésotériques de valeur.

    La région gutturale correspond au moi de l’homme, au moi expressif de la phonation, donc de la parole, moi situé un peu au-dessus du moi psychique qui, par l’entremise du cerveau, génère les gestes du corps.

    Il faut savoir aussi que la partie supérieure de la poitrine est le siège des glandes thyroïdes, appelées ainsi parce qu’elles sont en forme de bouclier. L’influence de ces glandes endocrines sur la physiologie et le psychisme est considérable. On n’ignore pas que le débit de leurs sécrétions possède une action sur le caractère des individus. Ainsi, l’hyperthyroïdie se traduit souvent par un tempérament excessif, emporté, colérique, et l’hypothyroïdie par un tempérament opposé à celui-ci.

    Un nouvel aspect du symbolisme de la mise à l’Ordre se déduit par conséquent de ces deux dernières lectures du geste maçonnique. Bouclier adjoint ou bouclier thyroïdien, la main sur la gorge a pour fonction, en Tenue, de maîtriser le caractère imparfait des Frères, de protéger les Travaux en Loge contre des « sécrétions » de métaux par le moi, de maintenir dans le temple un égrégore fraternel.

    Les signes maçonniques faits avec les bras et les mains se réfèrent à des points-repères du corps humain. Il est plus facile de comprendre la portée de tels signes en évoquant les chakra de la tradition hindoue.

    Textuellement chakra signifie roue. Il s’agit de centres d’énergie distribués le long de la colonne vertébrale. La kundalini, figurée  par deux serpents lovés au niveau de la vertèbre inférieure peut être éveillée par un exercice spirituel approprié ; elle s’élève alors au niveau des chakra qui sont figurés par des roues ayant chacune un certain nombre de rayons ou bien par des fleurs de lotus ayant chacune un certain nombre de pétales. Les cinq chakra principaux ont respectivement quatre, six, huit, douze et vingt rayons ou pétales. Cette distribution comporte des variantes.

    Raoul Berteaux précise que la mise à l’Ordre au degré d’Apprenti correspond au chakra situé au niveau de la gorge. C’est un signe statique. Par contre, la marche en trois pas de l’Apprenti est un exemple de la mise en œuvre d’une dynamique de la symbolique gestuelle.

    Le signe d’Ordre est comme un mundra indien, il favorise le silence intérieur, la concentration, l’accueil des mots qui vont être dits. Il incite à une soudaine mise en respect devant les valeurs essentielles de vie. Il nous rappelle à l’ordre !

    Le Maçon est en Loge pour travailler, progresser, apprendre, découvrir, questionner et se questionner. Il est également là pour combattre ses passions et donner le meilleur de lui-même.

    Le Maçon est un homme de courage qui construit sans trêve et sans relâche le monde d'aujourd’hui, tout en construisant le monde de demain sans négliger les leçons du passé. Le signe d’ordre est la marque concrète, la manifestation tangible et extérieure de ce qui se passe à l’intérieur. Extérieur et intérieur doivent être en parfaite correspondance, au fil du temps et de l’imprégnation des symboles.

    Quand l’être s’apercevra, un jour ou l’autre dans sa vie, que extérieur et intérieur se parlent et se répondent, alors le signe d’Ordre deviendra l’esprit du Maçon. Il sera ce que le Maçon vit en son être intérieur et dans sa conscience.

    La mise à l’Ordre

    Exécution

    La manière de se mettre à l’ordre consiste d’abord à porter la main droite à la hauteur de la gorge avec appui possible sur celle-ci, les quatre doigts joints en équerre par rapport au pouce, le bras droit  à l’horizontale, le bras gauche pendant le long du corps.

    Interprétation

    Cette gestuelle rappelle les trois symboles fondamentaux : l'Équerre (par la forme de la main droite portée à la gorge), le Niveau (par la position horizontale du bras droit) et la Perpendiculaire (par la position du bras gauche le long du corps).

    La mise à l’Ordre est statique par rapport à l’exécution du Signe d’Ordre qui est un mouvement, donc dynamique.

    Un geste comme celui de la mise à l’ordre n’est pas subordonné à la production d’un résultat extérieur et matériel. Son objectif est de « faire signe » : « je suis à l’ordre » d’abord extérieurement, puis progressivement intérieurement.

    Après l’évocation du signe, nous pouvons nous interroger sur la notion d’ordre.

    Ordre se traduit en grec par kosmos. La cosmologie est la science des lois de l’univers. Si on admet que le microcosme est le reflet du macrocosme, la vie intérieure de chacun est une partie intégrante de l’univers. Dès lors tout Maçon qui se met consciemment à l’ordre, en vivant sincèrement son Initiation, s’intègre peu à peu au cosmos en s’unissant à lui, dans l’intimité de son unité absolue.

    Dans le rituel maçonnique, aucun des gestes effectués n’est anodin. Tous engagent l’être sur tous les plans. Ainsi, un Apprenti peut être rappelé à son devoir par l’expression « A l’ordre, mon Frère ! » prononcée par le Vénérable Maître ou son Surveillant. Cette parole réactualise le sens de sa démarche volontaire dans un lieu « à part ».

    Le rite est un symbole agi. Ce symbole lui-même est la fixation d’un geste rituel, ce qui amène à penser que le rite est du même ordre que le geste, qui contribue à établir une alliance avec le domaine spirituel. Tout geste est signe en Franc-maçonnerie. Les gestes rituels ont trois vertus : ils ordonnent le corps, assurent le pouvoir de l’esprit et relient à l’universel. Ils unifient le corps, l’âme et l’esprit.

    Il nous reste à présent à envisager un dernier signe, le signe de fidélité.

    Le Signe de Fidélité

    Rappelons que tous nos déplacements en Loge s’effectuent au Signe de Fidélité, sous la conduite du Frère Maître des Cérémonies. Nous nous mettons au Signe de Fidélité pour entrer dans la Loge. Nous abandonnons ce signe une fois sortis du temple.

    Exécution

    Le bras gauche restant le long du corps, le Signe de Fidélité se fait en plaçant la main droite sur le cœur, le pouce aligné sur les quatre autres doigts.

    Tentative d’interprétation

    La main étant placée sur le cœur, le Signe de Fidélité réunit deux grands symboles corporels : la main qui trace le plan et construit le temple. La main qui donne est prolongement de l’esprit et du cœur. Le cœur, centre symbolique de l’âme et de l’amour, est le symbole par excellence, la coupe de vie et du temps humain. Il est l’horloge universelle. Ses battements rappellent les battements de l’enclume du grand forgeron mythique : Tubalcaïn, celui qui sort les cœurs, rouges du feu, de l’athanor cosmique.

    Pour conclure, du moins provisoirement

    Hormis le fait qu’il serve de signe de reconnaissance entre Maçons, le Signe d’Ordre nous rappelle à chaque fois que notre voyage est initiatique. S’il est bien accompli, ce signe favorise l’éveil de notre conscience, favorise la concentration nécessaire à tout travail d’ordre intérieur. Il favorise l’accueil des mots qui vont être dits. Intégrant trois de nos symboles fondamentaux, Équerre, Niveau et Perpendiculaire, il nous incite à une mise en respect devant les valeurs essentielles de vie. Il nous rappelle que nous sommes en Loge pour travailler, progresser, apprendre, découvrir, questionner et nous questionner. Il est également là pour combattre nos passions et donner le meilleur de nous-même. Qu’il en soit ainsi !

     

    R:. F:.  A. B.

     

    Bibliographie

    Alban Gilbert - Guide de l’Apprenti

    Manuel pratique du Second Surveillant

    Editions Detrad, 1998

     

    Behaeghel Julien - L’Apprenti Franc-maçon et le monde des symboles

    La Maison de Vie, Fuveau, 2000

     

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade d’Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986

     

    Darche Claude - Vade-mecum de l’Apprenti

    Editions Dervy,  Paris, 2006

     

    Guigue Christian - La formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Barroeul, 1995

     

    Mainguy Irène - La Symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy,  Paris, 2001


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  •  Le chandelier à trois branches  

    * Le chandelier à trois branches

     

    Introduction

    Le nom des différents flambeaux dont nous nous servons dans la Loge ne nous est plus tout à fait inconnu. Outre les luminaires qui brillent au sommet des trois Grands Piliers (Sagesse, Force et Beauté) qui entourent le Carré long au centre de la Loge, nous connaissons aussi l’expression « Trois Frères porteurs d’étoile » lorsqu'il s’agit d’organiser l’entrée solennelle d’une autorité maçonnique importante. Nous n’ignorons pas non plus que, tout près du Vénérable Maître, il y a un Chandelier que le Frère Maître des Cérémonies allume lors de l’Ouverture des Travaux et éteint lors de leur Clôture. Au Premier degré, celui d’Apprenti, ce Chandelier a trois cierges allumés.

    Rappelons, si nécessaire, qu’un chandelier est un objet dont la fonction est de servir de support à des bougies. En général, chaque « bras » accueille une bougie dont la base, moulée en creux, coiffe la pointe de ce bras. D'autres modèles de bras de chandelier maintiennent la bougie par une sorte de bague dans laquelle vient se ficher la base de celle-ci. Le chandelier, qui est un objet traditionnel de culte, est souvent en métal. Au temps de Moïse, il était déjà présent dans la Tente de la Réunion, au désert. Il avait été confectionné sur l’ordre de Dieu, afin de faire briller perpétuellement sa lumière dans le lieu saint. Mais sa présence n’avait pas seulement une utilité pratique. Il était avant tout un symbole, dont la signification se développera tout au long de l’histoire du peuple juif.

    Quelle est la place correcte de ce Chandelier à trois branches qui décore généralement le plateau du Vénérable Maître ? Quelle est la place de ce symbole dans la Loge ? Quelle est sa place dans l’ensemble des symboles ? Quel est le symbolisme de cet objet rituel ? Comment peut-on interpréter le sens de la plupart des sources de lumière dans la loge ? Telles sont les questions que je me pose, mais je ne pourrai sans doute pas répondre à toutes dans cette planche.

    Présence de la Lumière dans la Loge

    Symboliquement, de tout temps, la lumière a été considérée par essence comme source de vie. Elle est la clarté qui s'oppose à l'obscurité. De nombreuses religions et autant de courants de pensée en ont fait l'expression de la puissance divine.

    Le mot « Lumière » est apparemment devenu synonyme :

    • de force divine pouvant être transmise à l'homme,

    • de connaissance, de spiritualité,

    • de révélation dont tout individu peut acquérir les bienfaits à condition qu'il la reconnaisse et s'engage à sa recherche dans une voie d'étude et de respect.

    Dans cette optique, il était inévitable que la lumière prît une place particulière dans l'univers maçonnique. Chaque Rite, dans ses pratiques quotidiennes, pare la lumière des nuances qui lui conviennent.

    LUMINAIRES et CANDÉLABRES

    Dans le langage profane, le mot « luminaire » désigne tout appareil d'éclairage, les lampes, les cierges utilisés notamment dans le culte chrétien, mais aussi le Soleil ou la Lune.

    Dans le langage maçonnique, le mot « luminaire » désigne trois éléments distincts :

    • ce sont d'une part le Soleil et la Lune, encore appelées « Etoiles » ;

    • ce sont d'autre part les flambeaux, ces flammes par lesquelles la Loge doit être symboliquement éclairée, ces chandeliers disposés dans la Loge dont les bougies ne doivent jamais être soufflées lorsqu'on les éteint !

    La notion de luminaire se rattache ainsi à tout ce qui tient à la lumière. Or, dans le monde maçonnique, la lumière joue un rôle fondamental.

    Un candélabre est une source de lumière, fixe, dont la fonction est d'éclairer la Loge. Il ne faut pas confondre le candélabre avec les autres sources lumineuses que sont le flambeau ou l'étoile qui, pour leur part, sont investis d'une valeur et d'un rôle symboliques.

    LES CIERGES

    La Loge – dans le sens de Temple maçonnique – ne devrait être éclairée que par des cierges, et seulement trois au Premier degré.

    Au degré d'Apprenti, il ne faudrait idéalement que trois cierges dans la Loge : leur rôle serait de marquer la place du Vénérable Maître et celle des deux Surveillants. Ces trois Officiers auraient ainsi chacun un chandelier sur leur plateau. C’est assez logique : nous serions en présence de trois lumières, ce qui devrait nous rappeler que nous travaillons au Premier degré, caractérisé par le Nombre Trois.

    Avant l'Ouverture des Travaux, seule la place occupée par le Vénérable Maître présenterait un cierge allumé. Lors de l’Ouverture des Travaux, le Vénérable Maître « donne la lumière » aux deux Surveillants, par l’intermédiaire du Frère Maître des Cérémonies.

    Munis du flambeau que leur tend le Frère Maître des Cérémonies, le Vénérable Maître et les deux Surveillants allument les cierges placés au sommet des Piliers qui leur sont attribués, « Sagesse », « Force » et « Beauté ».

    Les cierges surmontant les trois Piliers situés au centre de la Loge étant allumés, le Frère Maître des Cérémonies transmet ensuite la lumière destinée au plateau respectif de chacun des deux Surveillants.

    Quelques-unes de nos Loges régulières travaillent ainsi.

    Mais ce n’est pas toujours le cas. Ainsi, au Rite moderne, nous pouvons aussi observer, dans certaines Loges, la présence d’un Chandelier à trois branches surmontées de trois cierges, disposé sur le plateau du Vénérable Maître, tandis que les Frères Surveillants n’en disposent pas. C’est tout aussi logique puisque le symbolisme du Nombre Trois est ainsi respecté.

    Il y a alors six lumières dans le Temple, six cierges qui doivent brûler pendant toute la durée de la Tenue : trois sur le plateau du Vénérable Maître et trois au sommet des Piliers situés aux angles du Carré long.

    Au moins une Loge travaillant au Rite moderne ne respecte pas cette disposition : un Chandelier à trois branches sur le plateau du Vénérable Maître et un cierge à la « stalle » de chaque Surveillant. Ceci porte à cinq le nombre de bougies allumées, ce qui n’est pas logique par rapport au symbolisme du Nombre Trois omniprésent au Premier degré.

    La Lumière ne peut provenir que de l’Orient. C’est pourquoi, à l’Ouverture des Travaux, le Frère Maître des Cérémonies apporte un boutefeu au Vénérable Maître qui l’allume au cierge central du Chandelier, le seul allumé à cet instant. La lumière est ensuite transmise successivement au Pilier « Sagesse » par le Vénérable Maître, au Pilier « Force » par le Premier Surveillant, et au Pilier « Beauté » par le Second Surveillant.

    En ramenant le Vénérable Maître à l’Orient, le Frère Maître des Cérémonies allume les deux cierges extérieurs du Chandelier. Puis, en ramenant les Frères Surveillants à leur stalle, il allume les deux cierges qui s’y trouvent.

    Cette Loge a ses habitudes, ses usages, ses traditions qui ont certainement un sens qui nous échappe actuellement mais nous nous devons de respecter cette pratique.

    Si un cierge venait à s’éteindre incidemment, le Frère Maître des Cérémonies ne peut en aucun cas le rallumer avec un briquet ou des allumettes. La lumière doit toujours être recherchée à l’Orient. Il doit donc reprendre le boutefeu, aller l’allumer au cierge central du Chandelier à trois branches puis ranimer le cierge qui s’est éteint.

    Il ne faut jamais éteindre les cierges en soufflant. La Loge dispose d’éteignoirs pour couvrir toute flamme qui doit être éteinte.

    Approche du symbolisme du Chandelier et de ses cierges

    Le Chandelier – en général – est symbole de lumière spirituelle, de semence de vie et de salut.

    Le Rite Écossais Rectifié considère le Chandelier à trois branches comme l'emblème de la triple Puissance du Grand Architecte de l'Univers.

    Mais pour aller plus loin dans cette voie, il nous faut aussi prendre en considération les cierges qui le surmontent. Car le cierge participe de deux symboliques : celle du feu et celle de la lumière.

    Le symbolisme du feu

    Le feu a de tout temps été considéré comme un des éléments de base qui constituent la vie, au même titre que l'air, l'eau ou la terre. C'est sans doute la raison pour laquelle il ne pouvait qu'acquérir au fil des siècles une valeur symbolique d'autant plus forte que, dans son aspect physique, il présente de nombreuses vertus décapantes et purificatrices !

    Par analogie avec sa capacité à consumer ce dont il s'empare, le feu est considéré symboliquement comme un instrument de purification.

    Dans le cadre maçonnique, le feu est présent par sa relation avec la maîtrise nécessaire pour le dompter et surtout la lumière qu'il prodigue. La Lumière étant assimilée à la Connaissance, le feu devient un « instrument de connaissance » et acquiert ainsi une dimension symbolique de toute première valeur : il est celui qui éclaire, celui qui illumine, qui transforme les ténèbres en champ lumineux, celui qui permet de voir... donc de savoir. Je dirais donc que le feu est un révélateur de l'essence des choses.

    Ce n'est sûrement pas par hasard si, dans la Loge, ce que l'on nomme « les étoiles », qui autrefois guidaient la marche des voyageurs, sont des cierges au sommet desquels brûle le feu. Leur lumière éclaire la quête spirituelle des Initiés Maçons.

    Le feu se veut à la fois d'essence divine, tant il sait être purificateur mais aussi implacable en certains instants, et initiateur par sa faculté à montrer le chemin, à permettre à l'homme de voir et de comprendre.

    Le symbole de la lumière du chandelier ne serait-il pas celui de la lumière de la Parole ?

    Le symbolisme de la Lumière

    La lumière qui éclaire nos Travaux n’est pas celle de l’illumination intellectuelle. L’intellection n’est que l’une des composantes de cette illumination que nous associons à l’Initiation et de cette Lumière que nous associons au Travail maçonnique.

    La fonction propre de la lumière est de déployer un « milieu » où les choses et les êtres se donnent à voir. N’est-ce pas d’abord en ce sens que la lumière « éclaire nos Travaux » ?

    Dans l’espace de la Loge, qui reproduit l’espace du Monde, comme tout espace sacré, toutes les paroles sont perçues, et l’attention de chacun est dirigée sur leur sens. On laisse leur sens se dévoiler et par conséquent on permet à la vérité de se dévoiler à travers elles.

    L’harmonie de la Loge, lieu de recherche en commun de la Vérité et du Bien, est la manifestation d’une parcelle de cette lumière ; l’harmonie, l’unité de la Loge sont indissociables de cette transparence qu’on appelle Lumière.

    La Lumière représente le mode de conscience auquel l’homme peut accéder, lorsqu'il triomphe de l’opacité des pulsions instinctuelles et dirige son regard vers les formes intelligibles qui constituent l’ordre du monde dans son unité, sa vérité et sa beauté.

    C’est aussi vers la Source de la lumière spirituelle que le symbolisme maçonnique oriente notre regard. La Source originelle de la Lumière spirituelle est symbolisée dans la Loge par la bougie centrale du Chandelier reposant sur le plateau du Vénérable Maître. C’est précisément vers cet « illuminant » situé exactement à l’Orient, que nous tournons symboliquement nos regards dès notre entrée en Loge. Cela signifie que nous avons, en « recevant la Lumière », acquis la connaissance d’un fait simple et « évident » dont la reconnaissance est au fond de toutes les religions et de toutes les traditions initiatiques, à savoir que nous ne pouvons comprendre et créer que par participation à la Source éternelle de la Conscience et de la Créativité, que nous appelons « le Grand Architecte de l’Univers » et que le rituel invoque afin qu’il éclaire et protège nos Travaux.

    L’homme ne peut espérer participer au règne de la Lumière qu’à condition de réaliser en lui-même la juste et difficile proportion entre la pensée et le cœur, entre la lucidité et la ferveur.

    La symbolique des cierges est trop importante pour que des Maçons puissent ne pas la respecter. Elle est un élément essentiel de l’ésotérisme maçonnique et doit être travaillée et exploitée avec la plus grande minutie.

    Puisqu'il associe cire, mèche et flamme, le cierge participe d’un symbolisme ternaire. Le cierge représente en effet un symbolisme ternaire que les écrivains religieux n’ont pas manqué de souligner. Pour eux, le cierge est l’image de la trinité : Père, Fils et Saint-Esprit, la cire étant le Père, la mèche le Fils et la flamme le Saint-Esprit. Tout cierge peut aussi représenter un autre ternaire : le corps, l’âme et l’esprit.

    Mais devant de telles affirmations, nous ne pouvons que nous interroger car tout objet qui sert à éclairer procède du ternaire. Et ce caractère ternaire ne réside pas nécessairement dans la cire, la mèche ou la flamme. La triple symbolique naît de la réalité du luminaire, de la lumière et de la chaleur.

    En Franc-maçonnerie, les cierges sont symboliquement appelés « étoiles ». Le nombre des lumières maçonniques varie selon les rites. Comme je l’ai déjà indiqué, leur allumage varie aussi bien souvent selon les us et coutumes des Loges.

    Prenons trois exemples en dehors du Rite moderne.

    Dans certaines Loges pratiquant le Rite Écossais Ancien Accepté, les lumières maçonniques peuvent être au nombre de sept : le Vénérable Maître (1), les Surveillants (2), le Secrétaire (1) et les Piliers (3).

    Au Rite Écossais Rectifié, neuf lumières d’ordre sont requises : 3 au chandelier à trois branches, 3 au sommet des Piliers qui entourent le Tableau de Loge, 2 sur chacune des « stalles » des Surveillants et 1 à la « stalle » du Frère Secrétaire.

    Au Rite français, les lumières ne sont plus que huit : 3 au Chandelier à trois branches, 3 aux Piliers autour du Tableau de Loge, 2 pour les Surveillants.

    Les Rites ont leurs spécificités. Les Loges ont leurs traditions, leurs habitudes.

    Déplacement du Chandelier à trois branches lors de l'entrée du Vénérable Maître au Rite Écossais Rectifié

    Bernard Baudouin évoque l'usage d'un chandelier particulier pour introduire un Grand Officier Dignitaire dans la Loge. Un Frère marche devant lui en portant un flambeau, symbole de la Lumière initiatique. Nos rituels le désignent comme étant un « porteur d’étoile ». C’est essentiellement au Rite Écossais Rectifié que nous pouvons observer cette pratique.

    Au Rite Écossais Rectifié, tout étant convenablement disposé pour commencer le Travail, le Maître des Cérémonies entre dans la Loge suivi d’un Frère Maître porteur du Chandelier à trois branches, tout allumé. Suivent les deux Surveillants puis le Vénérable Maître, les Vénérables Maîtres en chaire visiteurs, les Grands Officiers de l'Ordre. Lorsque ces « autorités » entrent dans la Loge, tous les Frères, sans exception, sont debout à leur place.

    Le Maître des Cérémonies conduit Vénérable Maître jusqu'à l'Autel d'Orient sur lequel le Frère préposé vient de déposer le Chandelier à trois branches. Il accompagne ensuite les Dignitaires de l'Ordre jusqu'aux sièges qui leur sont destinés.

    Tout cela doit se faire sans rapidité, ni lenteur, mais avec ordre et dignité.

    La place du Chandelier à trois branches au Rite Écossais Rectifié

    L'emplacement du Chandelier sur l'autel du Vénérable Maître mérite une explication. Certains le placent à droite du Vénérable Maître et d'autres le place à gauche. Qu’en est-il réellement et pourquoi ?

    Le rituel n'indique rien de particulier quant à l’emplacement du Chandelier à trois branches sur l’autel du Vénérable Maître. Ceci laisserait-il la possibilité au Vénérable Maître de le poser où il veut ? Normalement non ! Il faut prendre en considération que le Chandelier doit se trouver près de la Bible ouverte au Prologue de l'Evangile de Jean. Celui-ci se situant en page droite de la Bible, il convient de poser le Chandelier de ce côté. Si l'édition de la Bible place le début du Prologue en page gauche, il conviendrait alors de poser le Chandelier du même côté, donc à gauche !

    La Bible se trouvant devant le plateau, le Chandelier devrait se trouver aussi sur le devant et non pas en arrière. Le Chandelier évoquant la manifestation de la tri-unité divine est même en quelque sorte plus importante que la Bible. Le poser en arrière de la Bible constituerait une faute et une marque de non connaissance.

    Cependant la majorité des Vénérables Maîtres posent le Chandelier à droite pour une raison de commodité dans le travail – si l'on est droitier – les documents devant servir durant la Tenue étant posés à la gauche du Vénérable Maître.

    Une raison plus sérieuse concourant à la pose à droite du Chandelier tient au fait qu'on place la Truelle portant l’Équerre et le Compas à gauche de la Bible. Si l'on place le Chandelier à gauche – pour les raisons indiquées ci-dessus – il conviendra de poser la Truelle portant l’Équerre et le Compas à la droite du Vénérable Maître.

    L'ensemble forme une trinité (Bible portant l’Épée du Logos posée en travers du livre, Chandelier à 3 branches et Truelle / Équerre / Compas).

    Numériquement, cela produit 3 (Chandelier à 3 branches) fois 3 (Truelle portant l’Équerre et le Compas)  = 9, nombre qui annonce l’achèvement et le retour à l’Unité et qui va permettre l’avènement du nouveau avec le 1.

    La Bible et l’Épée du Verbe-Lumière ou Logos comptent pour 1.

    9 + 1 = 10, c'est  la Totalité ou la manifestation rendue possible. 

    Ce novénaire est incontournable dans toute la Maçonnerie templière (N.B. : il ne s'agit aucunement ici du Temple de Salomon mais de l'Ordre du Temple).

    Conclusion provisoire

    Le but de la présente planche visait surtout une réflexion à propos du Chandelier à trois branches, donc muni de trois cierges.

    La recherche d’informations précises à ce sujet n’a pas été simple car la littérature maçonnique ne semble pas beaucoup s’être préoccupée jusqu'à présent de ce Chandelier à trois branches, privilégiant plutôt celui à sept branches dont nous n’avons pas usage au Premier degré.

    Retenons donc de cette brève étude que le Chandelier à trois branches peut être considéré comme l’emblème de la triple Puissance du Grand Architecte de l’Univers, du moins au Rite Écossais Rectifié ; que tout chandelier est symbole de lumière spirituelle, mais que pour bien comprendre ce symbolisme, il convient de s’intéresser aussi aux éléments qui composent les cierges.

    En général, à savoir la cire, la mèche et la flamme. Le symbolisme du feu et de la lumière qui éclaire nos Travaux ont donc aussi toute leur importance dans ce contexte.

    Les flambeaux sont les chandeliers disposés dans la Loge. La présence des bougies, dont les flammes sont vivantes, évoque l’idée de protection contre les dangers mais aussi de purification. Ces bougies, faut-il encore le rappeler, ne doivent jamais être soufflées lorsqu'on les éteint.

    S’affichant en toute quiétude au sommet d’une bougie, le feu apparaît comme domestiqué par l’homme. Par son savoir et la connaissance que lui confère la Lumière reçue lors de l’Initiation, le Franc-maçon maîtrise les éléments naturels.

    Pour ces raisons, les cérémonies d’allumage et d’extinction des flambeaux revêtent une grande importance dans la Loge. Éclairer celle-ci à l’aide des luminaires, c’est faire pénétrer dans ce lieu consacré à la fois la lumière de la vie et les Lumières de l’Initiation.                                                                                                                

    R:. F:. A. B.

     

    Bibliographie

     

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995

     

    Chevalier Jean et Gheerbrant Alain - Dictionnaire des Symboles

    Editions Robert Laffont & Jupiter, Paris, 1999

     

    Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1994

     

    Ferré Jean - Dictionnaire des symboles maçonniques

    Editions du Rocher, Monaco, 1997


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  •  L’Épée flamboyante 

    Une épée un peu particulière

    Même si le « Dictionnaire de la Franc-maçonnerie » de Daniel Ligou nous apprend que l’épée est une arme ancienne qui doit être examinée sous deux aspects, à savoir l’Épée flamboyante et l'épée traditionnelle, en Maçonnerie symbolique et dans les Hauts Grades, mon propos de ce Midi ne concernera que l'Épée flamboyante.

    * L’Épée flamboyante

    « Qu’est-ce que l'Épée flamboyante ? Où se trouve-t-elle ? Quand est-elle utilisée ? Par qui ? Et quelle est son utilité ? ». Telles sont les questions principales auxquelles je vais tenter d’apporter des réponses, avec le modeste espoir que ce sujet vienne quelque peu enrichir notre culture maçonnique à tous.

    L'Épée flamboyante, n’est pas une épée comme les autres : c’est l’épée du Vénérable Maître en chaire.

    Chaque Vénérable Maître, chaque Passé Maître, lors de son Installation, a reçu une instruction particulière à son sujet, comme un des attributs de sa charge.

    Cette épée est différente de toutes les autres, de par sa forme, de par sa fonction. Sa lame est sinueuse. Elle s'appelle « Epée Flamboyante » ou encore « Glaive Flamboyant ». Elle est le symbole complet du Verbe, autrement dit de la pensée active.

    L’Épée Flamboyante est l'arme unique et absolue de l'Initié, Maître de la Loge, qui ne saurait vaincre que par la puissance de l'idée, la force du Verbe, cette force qu'elle porte en elle-même.

    La lame de cette épée, légèrement ondulée, ressemble à une flamme et est étroitement liée au symbolisme de la lumière et du feu. Elle n’est apparue en Franc-maçonnerie qu’au début du 19ème siècle.

    Nous ne la voyons guère pendant nos Tenues ordinaires car elle se trouve en permanence sur la stalle du Vénérable Maître, à une hauteur généralement supérieure par rapport à l’axe de notre vision. 

    Symboliquement, l'Épée flamboyante devrait être tournée vers le haut, car elle est la gardienne du Ciel. Elle évoque l’épée placée par Dieu, après la chute, à la porte du jardin d’Eden d’où Adam venait d’être chassé.

    L'Épée flamboyante relève d’un double symbolisme car elle sert à la fois à écarter du lieu saint quiconque n’a pas qualité pour y pénétrer et à garder le seuil d’un sanctuaire.

    On ne peut pas la considérer comme une arme, mais comme un instrument de transmission. Elle est utilisée par le Vénérable Maître pour initier, c’est-à-dire chaque fois qu’il consacre un nouvel Apprenti Maçon, un nouveau Compagnon ou un nouveau Maître Maçon.

    Lors de toute consécration, le Vénérable Maître crée, reçoit  et constitue. Il fait une invocation au Principe spirituel de l’Ordre, un appel de forces à l’aide du Maillet et de l'Épée flamboyante, pour faire descendre l’influence spirituelle sur le Récipiendaire. C’est un acte mystérieux comparable à celui des origines de la vie. L’épée, symbole axial, permet en faisant cet appel tourné vers le point le plus haut, de capter au mieux ce qui en provient.

    Selon la tradition abrahamique, à l’origine, la Parole, c’est le Verbe créateur étroitement lié à l’étincelle du « Fiat Lux » qui est en chacun à l’état de virtualité, laquelle est revivifiée, par la consécration, à chaque degré où le Récipiendaire est créé et constitué au grade qu’il reçoit.

    « L’investiture, nous dit Raoul Berteaux, est une création : le Vénérable Maître crée un homme nouveau, qui de Récipiendaire devient Néophyte. Il consacre cette mutation et reçoit le Néophyte dans la communauté ».

    L’Épée flamboyante a deux fonctions essentielles :

    • celle de Création par l'intermédiaire de l'ensemble VERBE – LUMIÈRE – SOI ;
    • celle d'expiation dans les épreuves du destin.

    L’Épée Flamboyante, dans tous les rites, sert à la consécration du Récipiendaire ou du Frère que l'on élève en grade. Certes, les rites varient sur de petits détails, mais l'idée de « consécration - réception » reste la même.

    L’Épée Flamboyante lors des réceptions se tient de la main gauche, le Maillet de la main droite. Parfois, dans certains rites ou à certains grades seulement, le Vénérable Maître dirige la lame au-dessus de la tête « du Récipiendaire » et applique sur la lame les coups de maillet conforme au grade.

    Rappelons à présent comment le Vénérable Maître de notre Loge se sert de son Épée flamboyante.

    Les deux Surveillants viennent assister le Vénérable Maître. Au grade d’Apprenti, les Surveillants joignent leurs glaives à l’Epée Flamboyante du Vénérable Maître en formant un triangle dans un plan horizontal.

    Le Vénérable Maître prononce alors les paroles : « Je te crée, je te consacre et je te reçois Apprenti-Maçon ». Idéalement, le nombre de l’Apprenti étant trois, le Vénérable Maître ne devrait normalement frapper qu’un seul coup à l’aide de son maillet sur la lame de chaque glaive, puis préciser le nom de la Loge dans laquelle l’Apprenti travaillera désormais, c’est-à-dire celle où il vient d’être admis. Nous ne devrions  entendre que trois coups de maillet en tout.

    Mais les habitudes, les traditions de la plupart des Loges travaillant au Rite moderne font que le Vénérable Maître martèle de son maillet les trois épées au rythme de la batterie du grade d’Apprenti. Dans ce contexte bien précis, nous pouvons dire que l'Épée flamboyante symbolise aussi la parole créative, la force illuminatrice.

    Retenons donc que le Vénérable Maître dispose du Maillet et de l'Épée flamboyante et que celle-ci est utilisée à l’occasion de la consécration de tout Récipiendaire.  

    Que savons-nous des origines de l'Épée flamboyante ?

    L'Épée flamboyante relève de la tradition maçonnique récente, qui prend sa source dans la tradition judéo-chrétienne et qui s’appuie sur les textes de la Bible. Cette source est donc plus historique et religieuse que mythique. On trouve en effet la première référence à une épée flamboyante dans la Bible. Sa lame ondulée imite la flamme, lui donnant ainsi un pouvoir de purification et d'expiation.

    La Bible dit qu’il s’agit de « l’épée des chérubins » qui gardent, à l’entrée du jardin d’Eden, le chemin qui mène à l’arbre de vie. On peut lire au chapitre trois de la Genèse, que Dieu chassa l’homme à coup « d’épées tournoyantes ».

    Contrairement à ce que l’on croit souvent, cette épée n’était pas tenue par les chérubins. Voici ce que nous dit le Verset 24 :

    « Et Il plaça à l’orient du jardin d’Eden les chérubins et la lame de l’épée qui tournait çà et là, pour garder le chemin de l’arbre de vie. »

    Ce passage de la Genèse est lourd de sens. Il nous parle des chérubins. Ce terme nous vient de l’akkadien karâbu qui signifie prier, bénir.

    Sans doute faut-il trouver l’origine des chérubins et de leur rôle de gardien dans ces figures composites qui sont les taureaux ailés à tête humaine et à queue de lion (les chéroub ou chérub) qui gardaient l’entrée des temples assyriens.

    Ceci étant dit, comment définir les chérubins ? Nous pouvons dire que ce sont des êtres célestes représentant la puissance créatrice investie de l’autorité divine. De ce fait leur rôle de « videur » du jardin d’Eden est tout à fait indiqué !

    Mais l’origine de l'Épée flamboyante de la Franc-maçonnerie semble plutôt être le sceptre d’illumination de l’Egypte ancienne, dont le symbole est antérieur à celui de la Bible. Olivier Doignon nous suggère, parmi les sources mythiques possibles, la massue illuminatrice HEDJ, l’un des attributs de Pharaon pour mettre l’ordre à la place du désordre par le biais d’une illumination.

    La massue HEDJ transmute les ennemis de la Lumière en adeptes de la Lumière.

    On peut considérer que l'Épée flamboyante a récupéré tardivement une partie des fonctions du sceptre HEDJ. Lors de l’Initiation maçonnique, en effet, il s’agit bien d’illuminer la puissance d’un être, d’illuminer son énergie créatrice, ce qui revient à agir pour le rendre utile et le mettre au service de la transmission de la Lumière.

    Le moment de la création de l’Initié est un moment particulièrement solennel. En réalité, il se produit à ce moment une sorte d’échange de vie entre l’initiation, de nature impérissable et inaltérable, et l’être qui s’offre comme support de sa transmission. Cette transmission de l’initiation par l'Épée flamboyante se passe dans un espace et un temps sacralisés. Les mots prononcés ne sont pas vécus de manière très consciente. Par l'Épée flamboyante et l’acte rituel, le Vénérable Maître réalise une œuvre de création. Il crée, en effet, un être capable, potentiellement, de participer à la construction du Temple.

    Une telle création est également une transmission : la transmission d’une vie d’une autre nature que la vie terrestre et qui constitue une imprégnation de l’existence, la vie initiatique, la vie en esprit.

    Un véritable acte alchimique se produit à cet instant.

    Pour les alchimistes, l'Épée flamboyante représente le dissolvant, ou sel des sages, à l’origine du feu de roue dont Fulcanelli nous parle sans ambages en interprétant le sens alchimique d’un caisson qui orne le plafond de la galerie haute du château de Dampierre-sur-Boutonne (Charente inférieure). Sur ce caisson peint on peut voir une main céleste, dont le bras est bardé de fer, brandissant l’épée et la spatule. Sur le phylactère on peut lire en latin : « percutiam et sanabo », je blesserai et je guérirai.

    Fulcanelli nous dit encore ceci : « L’épée qui blesse, la spatule chargée d’appliquer le baume guérisseur, ne sont en vérité qu’un seul et même agent doué du double pouvoir de tuer et de ressusciter, de mortifier et de régénérer, de détruire et d’organiser ».

    Spatule, en grec, se dit « spate » ; or, ce mot signifie également glaive, épée, et tire son origine de « spao », arracher, extirper, extraire. Nous voyons là le rapport étroit qui existe avec « l’extraction » de nos premiers parents du jardin d’Eden et l’alchimie que Moïse était loin d’ignorer ainsi que son compagnon Jacher qui tenait son bâton de commandement, et écrivit lui aussi une Genèse.

    Tout ceci pour tenter de vous expliquer que, selon Fulcanelli, l’épée flamboyante est le dissolvant alchimique ou feu de roue et aussi feu du ciel ou feu du sel car elle a reçu les ondes célestes qui se manifestent sous forme de « larmes blanches ».

    « Nous avons donc bien ici, poursuit Fulcanelli, l’indication exacte du sens hermétique fourni par la spatule et l’épée. Dès lors, l’investigateur en possession du dissolvant, seul facteur susceptible d’agir sur les corps… » (Les Demeures philosophales, II, p. 166. 1964).

    La Réception du Récipiendaire avec l'Épée flamboyante correspond donc à une purification par le feu – eau des vieux maîtres, cérémonie, d’origine gallicane, qui se superposait à la collecte d’aspersion qui, avant 1968, débutait la messe dominicale et symbolisait la purification des fidèles par le feu. Puis-je vous rappeler que l’eau bénite contient du sel ?

    Les chérubins ont donc pour mission de garder l’accès à l’arbre de vie, accès qui est à l’Orient. Remarquons que l’arbre de vie est bel et bien terrestre, puisque le texte nous parle du lieu, surveillé, où se lève le soleil. Ce qui signifie que cet endroit est… encore gardé ! L’alchimiste surveille l’Orient afin de déterminer, à l’aide de « piliers » équinoxiaux, le moment opportun pour débuter le travail et fabriquer la pierre philosophale donneuse de vie sur le plan bien concret, bien biologique.

    Ceux qui souhaitent réaliser le Grand Œuvre doivent d’abord passer devant les chérubins et leur épée flamboyante qui les évaluent, et si l’individu n’est pas prêt, les noces lui feront dommage, et l’individu mal intentionné ou désireux de fabriquer uniquement de l’or pour s’enrichir ne pourra jamais accéder à la médecine universelle ou réside le mystère de toutes vies.

    C’est la raison pour laquelle les alchimistes qui ont réussi, ou Adeptes, avec une lettre initiale majuscule, sont à la fois en Eden et chez nous.

    Pour conclure, du moins provisoirement

    En guise de conclusion, je retiendrais que l'Épée flamboyante dont la lame est légèrement ondulée ressemble à une flamme et est étroitement liée au symbolisme de la Lumière et du feu.

    La Lumière de l’Orient transmise par l'Épée flamboyante, en sa forme de feu, a un pouvoir de façonnement.

    Par la transmission, l'Épée flamboyante devient comme un pont jeté entre l’Orient et l’être qui va prêter son serment. Il y a alors passage direct de la Lumière de l’Orient à l’Initié. L'Épée flamboyante assure ce passage, et l’Initié devient porteur de cette Lumière.

    R:. F:. A. B.

     

    Bibliographie

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade d’Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995

     

    Ligou Daniel - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Edition P.U.F., 2006

     

    Mainguy Irène - La Symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2006

     

    Pour aller plus loin…

    Doignon Olivier - L’épée flamboyante

    Editions La Maison de Vie, Lugrin, 2005

    Présente en Loge depuis une époque récente, l'épée flamboyante a-t-elle une légitimité ? L'auteur procède avec méthode à cette vérification. Partant des textes anciens de plusieurs traditions où une épée ou un sceptre participe au combat de la Lumière contre les ténèbres, cet ouvrage présente une recherche de la source mythique la plus vraisemblable, ainsi que du champ symbolique qui se trouve concerné par cet axe de Lumière et par le combat auquel son emploi est associé. Attribut de la fonction en charge de la conduite de l'œuvre, l'Epée flamboyante est liée à la transmission. Aussi, une large partie de cet ouvrage est-elle consacrée à l'étude de ce devoir majeur qu'est la transmission de la Lumière, la transmission de l'initiation. L'auteur s'est interrogé sur la nature et les exigences de cette transmission.

     


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