•  L’Équerre et le Compas 

     

    * L’Équerre et le Compas

    Introduction

    Lors de mes nombreuses rencontres avec des Profanes, candidats à l’Initiation maçonnique, j’ai constaté qu’à la question de savoir s’ils connaissaient déjà l’un ou l’autre symbole maçonnique, c’est à plus de 90 % qu’ils citent l'Équerre et le Compas ! C’est dire combien ces deux symboles semblent importants et surtout mieux connus du grand public. N’apparaissent-ils pas, superposés, notamment dans certains avis nécrologiques ou comme illustration d’articles à sensation à propos de notre Ordre ?

    Le but de la présente planche est de tenter de rassembler quelques interprétations du symbolisme de ces deux grands instruments, indispensables dans les constructions, dans l’élaboration de plans, devenus Grandes Lumières et symboles très importants de la Franc-maçonnerie.

    Mais avant tout, posons-nous quelques questions et tentons d’apporter quelques éléments de réponses spontanées, personnelles avant de nous tourner vers la littérature maçonnique :

    • Dans le monde profane, opératif, qu’est-ce qu’une équerre ? Qu’est-ce qu’un compas ? N’en existe-t-il que d’une seule sorte ?
    • Où l'Équerre et le Compas apparaissent-ils dans la Loge ? Et dans le monde maçonnique en général ?
    • Que représentent pour moi cette Équerre et ce Compas en tant que symboles ?
    • Qu’en pensent quelques auteurs Francs-maçons ?
    • Que penser de l’association de ces deux symboles ? Serait-ce un nouveau symbole ? Est-ce une erreur de les analyser séparément ?

    L’Equerre

    L'Équerre est très probablement l’un des instruments emblématiques les plus souvent cités dès lors qu’on évoque la Franc-maçonnerie. Au même titre que le Compas, elle fait référence aux confréries professionnelles des bâtisseurs de cathédrales et constitue avec elles un lien essentiel.

    Mieux, l'Équerre se veut aussi en relation avec la Grèce antique et le Nombre d’Or de Pythagore, sans oublier certaines pratiques lointaines des constructeurs de pyramides dans l’Egypte ancienne.

    Qu’est-ce donc qu’une équerre ?

    L’équerre se dit en latin norma, mot qui a plutôt le sens général de règle, de modèle ou d’exemple. Quant au terme même d’équerre, il semble dériver du bas-latin, exquadra, dérivé du verbe exquadrare signifiant équarrir, rendre carré.

    L'équerre est un instrument qui permet avant tout de tracer des angles droits ou de les vérifier, mais également de tracer des droites perpendiculaires. En effet, l’équerre est un instrument fixe qui donne un angle droit. Elle est formée par la réunion de l'horizontale et de la verticale. Elle permet de vérifier les angles droits, les tracés, d’élever des perpendiculaires.

    C’est au moyen de l'Équerre que l’Apprenti va pouvoir tracer les angles droits déterminant la forme carrée de la pierre. C’est en effet un outil de contrôle dont les branches forment un angle de 90°. Elle permet de vérifier avec une précision absolue la régularité des faces d’une pierre et de s’assurer que ses arrêtes consécutives forment bien entre elles un angle droit.

    L’usage de l’équerre date des premiers temps de la pierre appareillée pour la construction. De tout temps, elle fut utilisée par les tailleurs de pierre. Elle servait alors à vérifier la taille des pierres rectangulaires. En tant qu'outil, l'équerre sert à contrôler la bonne réalisation du travail, à vérifier si le travail correspond bien à la mesure donnée ou au modèle et si tout a été fait selon la règle.

    Pour qu’une construction soit solide, il faut éviter les pierres difformes, irrégulières, pour ne garder que les pierres à angles droits. Il est donc nécessaire de vérifier ces angles au moyen de l’équerre.

    Où trouve-t-on l'Équerre dans la Loge ?

    • Elle est présente sur le Tableau de la Loge d’Apprentis, au centre, dans la partie supérieure où elle est associée au Compas.
    • On la trouve aussi sur l’autel des serments, posée sur le Compas, lui-même posé sur le Volume de la Loi sacrée : elle fait alors partie de ce que nous appelons les trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie.
    • Elle est également suspendue au sautoir du Vénérable Maître.

    Où la trouve-t-on encore pendant nos Tenues, dans les rituels ?

    L'Équerre est d’abord présente dans notre façon de nous asseoir sur notre Colonne : pour avoir une véritable attitude propice au Travail maçonnique, plutôt que d’être affalé au fond de notre fauteuil les jambes croisées, ne convient-il pas plutôt d’être assis bien droit sur son siège, la colonne vertébrale et tout le tronc en équerre par rapport au fémur de chacune de nos cuisses ; les cuisses en équerre par rapport aux deux jambes ; nos pieds en équerre par rapport aux jambes ?

    L'Équerre est également présente dans notre signe d’ordre : elle apparaît dans le premier temps du signe, lorsque nous portons notre main droite en équerre à la base de notre cou.

    L'Équerre apparaît aussi dans la marche du Franc-maçon, quel que soit son grade, au Rite moderne et au Rite Écossais Ancien et Accepté. Les Maçons pratiquant le Rite Écossais Rectifié ne se déplacent pas dans la Loge en marquant des angles droits.

    A nos gestes rituels nous pouvons également associer indirectement les marches spécifiques des trois grades symboliques car le premier mouvement de celles-ci consiste à placer les pieds en équerre. Cette position de départ n’indique-t-elle pas la droiture de notre conduite, qui est la première qualité du Maçon ?

    Selon le Manuscrit Graham [1], la science de Dieu est résumée dans l'Équerre et le Manuscrit Dumfries [2] indique que la maçonnerie est une œuvre d’équerre, ce que réalise gestuellement l’Apprenti, car tous ses signes en Loge se font, comme je viens de le préciser ci-dessus, selon l'Équerre : mise à l’ordre, pied et marche en équerre, insistant là physiquement sur les vertus de rectitude, de droiture et de probité à développer.

    Lors de notre Initiation, l'Équerre et le Compas sont en usage au moment de notre prestation de serment.

    Peut-on évoquer l'Équerre, en tant que symbole, dans une perspective historique ?

    Héritée de la franc-maçonnerie opérative, l'Équerre en tant que symbole est signalée dès 1725 dans la Franc-maçonnerie spéculative par les premières divulgations. Il me paraît aussi intéressant de signaler une anecdote : près de Limerick en Irlande, au pont de Baal Bridge, fut trouvée vers 1830, sous la pierre de fondation, une vieille équerre en cuivre jaune, portant la date de 1517 et présentant l’inscription suivante en anglais sur les deux faces : « Je m’efforcerai de vivre avec amour et sollicitude sur le niveau par l’équerre ».

     

    Tentons à présent une approche du symbolisme de l'Équerre.

     

    Approche du symbolisme de l’Equerre

    Je commencerai par donner un avis personnel à propos du sens que j’attribue « spontanément » à l'Équerre.

    Dans la vie du bâtisseur, l'Équerre est cet instrument qui donne ou vérifie sans cesse la même valeur. Elle ne pouvait qu’être utilisée symboliquement pour signifier la justesse puis la justice, la rigueur dans le comportement, l’honnêteté, la probité.

    Symboliquement, l'Équerre est des plus évocatrices, à plusieurs titres. D'une part, elle marie harmonieusement le plan vertical et le plan horizontal, réalisant ainsi la synthèse entre deux dimensions ayant souvent des difficultés à se rencontrer.

    L'Équerre traite implicitement de l’attitude et des actes relatifs au comportement moral et physique. D'où l’expression « rectitude morale » ou encore « agir selon l’équerre » qui se rapportent à cet idéal de perfection que doit atteindre le Maçon. Les lignes droites de l’équerre sont en effet l’émanation de la rectitude comme de la droiture, tant du point de vue physique de la plus concrète des manières que sur le plan spirituel. Les axes sont sans équivoque, les lignes tracées avec pureté… autant d’éléments induisant et incitant à une ligne de conduite d’une parfaite clarté et d’une grande luminosité.

    Christian Guigue fait observer que les commentaires usuels se rapportant à l'Équerre restent ternes. Vérifions cette affirmation !

    Selon Raoul Berteaux, qui fut un membre éminent de notre Obédience régulière, « l'Équerre est un symbole homologue du carré et de toutes les figures rectangulaires. Le signe de l'Équerre est utilisé comme base de systèmes de mesures spatiales, comme modèle symbolique de la quaternité, comme modèle symbolique cosmogonique et architectural. L'Équerre est l’emblème de tous les arts, surtout des arts religieux et magiques ».

    Faut-il rappeler que la réunion de deux ou quatre équerres forme un carré ? Au sens symbolique, la Terre est « carrée » et est représentée par un carré. Tracer un carré, c’est mesurer la Terre. Par ailleurs, en associant quatre équerres, on forme aussi le Svastika qui est l’emblème de l’Empereur, Maître de la Terre.

    Dans la construction de l’édifice maçonnique, l'Équerre vérifie la droiture des angles, quel que soit le principe qui les ancre dans la matière. C’est pourquoi je pense que – sans risque de fort me tromper – l'Équerre semble évoquer la droiture, impliquer une idée de rectitude, de rigueur, de précision dans la pensée et dans les actes. Avec elle, la discussion ne peut exister. Ou bien l’angle est bon, ou bien il est à refaire.

    C’est vraisemblablement pour cette raison que l’on fait généralement correspondre l'Équerre à la matière. En astrologie, l’Équerre se rapporterait à la Matière qu'elle symbolise, rectifie et ordonne. Cependant, il ne faut pas oublier que le Maçon travaille en priorité sur lui-même, sur son esprit, sur son âme.

    Pour Oswald Wirth, l'Équerre, qui sert à contrôler la justesse du travail, symbolise l'équilibre résultant de l'actif et du passif. Mais, par contre pour Jules Boucher, « par son manque de symétrie (contrairement au Tau grec), l’Équerre traduirait plutôt un état actif et dynamiqueL’Équerre représenterait l'action de l'Homme sur la Matière et l'action de l'Homme sur lui-même. Se rapportant à la Matière, l’Équerre est passive ».

    Le Franc-maçon se doit d’être d'Équerre, c’est-à-dire droit dans ses pensées, ses paroles et ses actes. C’est la Loi Morale Maçonnique, symbolisée par l’alphabet secret qui est réalisé à partir de l'Équerre. Nés de celle-ci, les mots ne peuvent prêter à confusion, ayant été soigneusement pesés, mesurés, par celui qui les prononce ou les écrit afin d’être en accord avec la pensée.

    Cette morale maçonnique est le prolongement de la volonté des bâtisseurs, de vivre selon une éthique basée sur le respect des us et coutumes, le respect d’autrui, le sens du secret, la glorification du travail… L'Équerre est ainsi devenue le symbole du Métier.

    L’Apprenti ne peut que dégrossir sa pierre brute car il n’a pas connaissance de cet instrument. Par son usage dans la vérification de l’angle droit, l'Équerre sert au Compagnon pour s’assurer de la perfection de son ouvrage. Ce n’est que lorsqu'il aura accompli un certain voyage qu’il pourra juger de la rectitude des angles de la pierre cubique et de la perpendicularité de ses faces.

    L'Équerre permet donc au Compagnon de contrôler la coupe des pierres qui doivent être strictement rectangulaires pour s’ajuster entre elles avec exactitude. L'Équerre détermine ainsi symboliquement les conditions de sociabilité.

    Emblème de la sagesse, elle enseigne que la perfection consiste pour l’individu dans la justesse avec laquelle il tient sa place dans la société. L'Équerre nous astreint à nous corriger des défauts qui nous empêcheraient de tenir exactement notre place dans la construction humanitaire.

    Pour Edouard Plantagenet, « l'Équerre permet au Compagnon de donner aux mots leur sens propre afin qu’ils n’expriment plus que des idées précises et que les raisonnements qui s’édifient sur leur base soient aussi solides, aussi rigoureusement justes dans leurs formes, que les pierres du Temple, dont la juxtaposition parfaite est le gage essentiel de l’équilibre de la construction ».

    Pour Irène Mainguy, les vrais signes d’équerre (ceux qui se font donc à angle droit), ne sont autres que la rectitude de conduite dans les actes de la vie quotidienne. Le Maçon est censé se distinguer des Profanes par ses qualités d’être, de comportement et règles de conduite. S’il ne parvient pas à les améliorer à l’extérieur, il y a de grandes chances pour que son vécu initiatique demeure illusoire ou fictif, en dépit d’attitudes apparentes.

    Dans un « catéchisme » inclus dans « Le Maçon démasqué »[3], il est précisé, que « l’équerre sert à former des carrés parfaits » et que « l’équerre nous annonce que toutes nos actions doivent être réglées sur l’équité ».

    « Le Flambeau du maçon » [4] précise la signification symbolique des bijoux mobiles dont fait partie l'Équerre : l'Équerre qui sert à former des carrés parfaits, annonce que nos actions doivent être réglées sur la droiture et l’équité.

    On peut aussi voir dans l’équerre une double règle qui donne la direction de l’horizontale et de la verticale. En symbolisme cosmologique on considère que le carré formé par deux équerres placées à angle droit désigne la terre, l’espace terrestre, plus globalement la matérialité.

    L’équerre permet en effet de délimiter l’espace terrestre en le divisant en quatre régions, selon les quatre directions. Elle est non seulement symbole du carré, mais encore du nombre 4, tous deux symboles de solidification et de densification. L’équerre a de surcroît la forme du gamma grec qui nous renvoie à la Lettre G, symbole qui n’apparaît qu’à partir du grade de Compagnon.

    Si, comme le disait Christian Guigue, les commentaires usuels se rapportant à l'Équerre restent ternes – et nous avons pu en effet le constater – une de nos Sœurs contemporaines nous livre des réflexions fort intéressantes que je souhaite à présent vous livrer.

    Pour Irène Mainguyc’est d’elle qu’il s’agit – « c’est avec l’assistance de l'Équerre que l’on peut réaccomplir le geste ordonnateur du Grand Architecte qui, dans le récit de la Genèse, sépare et met en place tous les éléments de l’univers. L’équerre est l’outil qui harmonise les contraires. C’est pourquoi il est défini comme symbole d’équité, de rectitude et d’équilibre ».

    On peut définir l’activité du Maçon comme devant être un principe d’action selon les propriétés de l'Équerre. Le maniement de l'Équerre demande une constante remise en question de soi-même, de ses actes et du monde, jusqu'à l’achèvement de la pierre cubique parfaite qui correspond au chef-d’œuvre de soi-même, légitime espoir que tout Maçon tentera de réaliser. Elle permet d’approfondir les concepts de droiture, d’équité, d’ordre, d’équilibre entre tolérance et droits de chacun.

    L’utilisation de l'Équerre permet de donner aux mots leur sens propre, afin qu’ils n’expriment plus que des idées précises, des raisonnements étayés sur et par des bases solides et justes, conformes à l’agencement des pierres du temple dont la juxtaposition parfaite est la garantie de la solidité de la construction.

    Quelles conclusions personnelles puis-je tirer du symbolisme de l'Équerre ?

    La Franc-maçonnerie se fixant pour objectif l’édification du Temple de l’Humanité à commencer par l’édification de notre propre temple, l'Équerre est là pour nous rappeler que nous avons à tailler notre pierre de la manière la plus parfaite possible à l’aide des outils qui nous ont été fournis. C’est dire que notre comportement doit être le meilleur, le plus droit possible. Soyons au service de nos Frères, aimons-les, aidons-les et cessons de les critiquer et de ne voir que leurs défauts !

    Instrument fixe, l'Équerre est indispensable pour transformer la Pierre brute en hexaèdre parfait. Pour moi, elle symboliserait donc bien la droiture morale, la rectitude dans l'action, l'incitation à parfaire le travail entrepris.

    J’ajouterais que l'Équerre symbolise aussi la stabilité dans l’effort et la rigueur. Elle indique à l’Apprenti la voie à suivre pour transformer la pierre brute en pierre cubique.

    L’équerre est en effet un instrument qui permet de tracer des angles, de dessiner des carrés et de construire le volume cubique. C’est donc un instrument de référence pour l’Apprenti qui, dès ce premier grade, est instruit que la Franc-maçonnerie est un travail d’équerre, ce qui lui est enseigné par le tracé de son signe (le signe d’ordre au grade d’Apprenti), par ses pas (la marche qui s’effectue les deux pieds en équerre) et par ses déambulations (qui l’obligent à marquer les angles droits à chaque changement de direction). Cette référence permanente extérieure à l'Équerre devrait avoir, petit à petit, une répercussion sur l’intériorité et la transformation de l’Apprenti en Compagnon.

    De fait, la connaissance de l'Équerre devrait nous permettre, à nous, Maçons qui nous aventurons sur le chemin ardu de la recherche de la vérité que nous portons en nous, de faire en sorte que nos arguments, bases de notre raisonnement, soient parfaitement ordonnés et que nous sachions contenir en nous ce qu’il y aurait de trop aveuglément subjectif et sentimental dans notre démarche. Sans cette discipline, l’édifice que nous construisons ne serait pas véritablement stable et s’écroulerait tôt ou tard, de même que cette vérité recherchée en nous ne pourrait être identifiée.

    L’Equerre du Vénérable Maître et du Passé Maître

    L'Équerre suspendue au bout du sautoir du Vénérable permet de donner forme à ce qui n’en a pas. Elle correspond à l’union du Niveau et de la Perpendiculaire, attributs respectifs des deux Surveillants. L'Équerre du Vénérable fait donc la synthèse directrice de l’Atelier puisqu'elle allie la parfaite assise du Niveau à l’élévation normale de la Perpendiculaire, qualités assurant la stabilité de l’édifice que le Vénérable Maître a déléguées à ses deux Surveillants.

    L’horizontale égalitaire et la verticale hiérarchique se concilient dans l'Équerre qui décore le Maître de la Loge et qui matérialise ainsi la même estime que le Vénérable accorde à tous les ouvriers en raison du zèle égal que tous apportent au travail. Ses branches sont inégales, se référant à un secret de la maçonnerie opérative concernant la formation du triangle rectangle dont les côtés sont proportionnels aux nombres 3, 4 et 5. Ce rapport de proportion correspond aussi aux formes d’un carré et d’un rectangle plus ou moins allongé.

    La représentation la plus courante de l'Équerre présente deux côtés de longueurs isométriques. Mais si les branches de l'Équerre sont généralement d’égales longueurs, celles de l'Équerre du Vénérable sont, par contre, dans le rapport 3 à 4. Ce bijou représente un outil spécifiquement compagnonnique puisqu'il allie les nombres de ce grade par 3, 4 et 5. Les proportions de ses côtés sont celles du triangle de Pythagore.

    L'Équerre du Vénérable représente en effet le triangle de Pythagore dont les côtés sont trois et quatre et l’hypoténuse cinq. L’hypoténuse n’est pas matériellement représentée parce que, du fait de la mort de l’Architecte, le Temple n’est pas et ne sera jamais terminé.

    René Guénon précise que ce rapport de proportion était un symbole important chez les pythagoriciens et que ce triangle 3,4 et 5 est un symbole géométrique où la Providence est représentée par 3, la Volonté humaine par 4 et le Destin par 5, si on se réfère à la Tradition chinoise [5].

    L’équité dont l'Équerre est l’emblème, préside ainsi aux rapports des Maçons. Le Vénérable reste pour tous le véritable compagnon de travail, qui en assume la plus forte charge et qui se dévoue constamment pour la collectivité. Faut-il rappeler que le Maître d’œuvre était lui-même un Compagnon auquel ses subordonnés reconnaissaient le droit de direction sur le chantier, en considération de ses connaissances étendues ?

    Cette Équerre symbolise donc la justesse et l’équité dont un Maçon ne doit jamais se départir mais elle est également l’emblème du respect des lois et des règlements.

    Pour Jules Boucher, « C'est parce que le rôle du Vénérable est de créer de parfaits Maçons qu'il porte cet outil, signe de rectitude et instrument indispensable pour transformer la Pierre brute en pierre cubique, hexaèdre parfait ».

    Pour Jean-Marie Ragon de Bettignies [6], qui persiste dans le flou, « l'Équerre suspendue au cordon du Vénérable signifie que la volonté d’un chef de loge ne peut avoir qu’un sens, celui des statuts de l’Ordre, et qu’elle ne doit agir que d’une seule manière, celle du Bien ».

    Sur la poitrine du Vénérable, la branche la plus longue de l'Équerre se trouve du côté droit. Ainsi se trouve marquée la prépondérance de l’actif sur le passif.

    Le bijou des anciens Vénérables est assez semblable, mais l'Équerre du Passé Maître présente, en plus, suspendue entre les deux branches de l'Équerre, la démonstration du théorème de Pythagore avec un carré de 5 de côté surmonté de deux carrés de 3 et de 4 de côté. Ceci symbolise nettement la science maçonnique que doit posséder celui qui le porte.

     

    * L’Équerre et le Compas

     

    Avant d’aborder le deuxième sujet de cette planche, le Compas, je tiens à préciser que l’étude de l'Équerre m’apparaît comme un sujet difficile à traiter par les Apprentis et les Compagnons.

    Tous devraient cependant bien percevoir son sens de « rectitude » et savoir ce que cela implique au plan comportemental.

    Le Compas

    Qu’est-ce qu’un compas ?

    Le mot compas vient du latin vulgaire compassare qui signifie mesurer avec le pas. Le verbe compasser signifie prendre des mesures avec exactitude.

    Le besoin de mesurer, de quantifier, de définir les espaces, les surfaces et les points fut ressenti très tôt comme une nécessité. En tant qu'outil, le compas n'est apparu que tardivement. C’est en effet l’un des outils de tracé et instruments de géométrie parmi les plus anciens inventé par l’homme pour comparer, conserver et reporter, déterminer les mesures et proportions.

    Les architectes égyptiens ne semblaient pas le connaître en tant que tel car, pour les tracés géométriques, ils employaient un cordeau. Cependant, le compas semble être l'un des instruments les plus anciens que l'homme ait inventé lorsqu'il eut acquis la notion du cercle. L’invention de cet instrument de mesure est attribuée par les Anciens, à Talaüs, neveu de Dédale.

    Un compas se compose essentiellement de deux branches articulées et reliées par une vis. Lorsque cet instrument a deux pointes sèches, il sert à comparer des grandeurs, à reporter des longueurs, à mesurer des angles mais, muni d’une pointe traçante, il permet aussi de tracer des cercles, des angles, des arcs, des rosaces… En traçant des cercles avec un compas, on indique nettement le centre, la valeur des rayons, celle de chaque diamètre. Son ouverture peut varier selon la volonté de son utilisateur.

    Pour fonctionner, il convient de poser la pointe sèche du compas sur un support stable et solide. La mobilité d’une pointe n’est rendue possible que par l’immobilité de l’autre.

    Mais n’y a-t-il pas plusieurs sortes de compas ?

    Il existe en effet une grande variété de compas : outre les compas à branches droites appelés compas droits, les compas de réduction, les compas d’appareillage…

    Il existe aussi :

    • des compas d’épaisseur, qui sont des instruments à branches recourbées généralement en acier et destinés à évaluer l’épaisseur d’un objet. Les compas d’épaisseur de petite taille étaient par exemple utilisés par les potiers ;
    • des compas d’intérieur, qui ont un usage semblable au compas d’épaisseur ; ils permettent de mesurer ou de reporter la dimension d’un diamètre intérieur d’un objet ;
    • des compas à secteur sur l’une des branches desquels est fixé un quart de cercle qui coulisse à travers l'autre branche et qui permet de bloquer le compas dans une ouverture choisie.

    Sans oublier :

    • le maître-à-danser qui est un compas à longues branches croisées attachées ensemble par le milieu et qui sert à mesurer une épaisseur ou un diamètre intérieur et dont l’aspect fait penser aux bras et aux jambes d'un danseur ;
    • le compas à report qui est un compas de petite taille qui permet de faire des marques sur le cuir dans le but d’avoir une couture régulière,
    • ainsi que les compas de charpentier, de menuisier, de tonnelier, de charron ou de tailleur de pierre.

    Sur tout chantier, le compas est d’une grande utilité à qui sait le manier.

    N’oublions pas que le compas est un instrument qui a rendu possible la construction d’arcs de cercle, d’ellipses, de spirales, de labyrinthes ; qu’il permet de construire des figures qui servent de base aux systèmes de mesure du temps, comme modèles d’unité, comme modèles cosmogoniques et architecturaux.

    Il est aussi utile à qui veut construire des formes géométriques, à prendre et à reporter des mesures avec une très grande précision, à reporter des valeurs du plan à l’ouvrage, d’un lieu à l’autre de l’édifice qu’on bâtit, d’une figure géométrique à une autre figure géométrique.

    Le Compas est l'instrument de traçage par excellence. Il permet d'évoquer, dans la matière d’œuvre, les premières traces des formes à venir, et de dessiner les principes du travail futur. Il laisse dans la matière une légère empreinte à partir de laquelle s'effectuera le travail.

    Où trouve-t-on le Compas dans la Loge ?

    • Le compas est présent sur le Tableau de la Loge d’Apprentis, au centre, dans la partie supérieure où il est associé à l'Équerre.
    • On le trouve aussi sur l’autel des serments, posée sur le Volume de la Loi sacrée : il fait alors partie de ce que nous appelons les trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie.
    • Le Compas est, de nos jours, le bijou du Grand Maître de l’obédience. Autrefois, il constituait un emblème d’une puissance considérable.

     

    Tentons à présent une approche du symbolisme du Compas.

    Approche du symbolisme du Compas

    Je commencerai par donner un avis personnel à propos du sens que j’attribue « spontanément » au Compas.

    Instrument mobile, le Compas représenterait pour moi la mesure et la rigueur dans la recherche et dans l'action, la recherche de l'exactitude qui doit désormais régler nos pensées et nos actions. Il symbolise donc l'acte réfléchi et contrôlé.

    Dès lors, il me semble que le Compas nous incite à agir avec mesure et prudence, à réfléchir avant d'agir. Plutôt que de l'utiliser symboliquement à tracer des limites autour de nous, ne conviendrait-il pas de songer davantage à son sens d’ouverture et de nous en servir pour élargir le champ de nos relations fraternelles ?

    Il me semble aussi que le Compas nous permet symboliquement d’évaluer la portée et les conséquences de nos actes !

    Mais qu’en pensent les auteurs francs-maçons ?

    Depuis l’époque lointaine des bâtisseurs de cathédrales, en plus de sa fonction première d’instrument de mesure, le Compas s’auréole dans l’univers maçonnique d’une valeur symbolique de première importance. Il le doit d’abord à la variabilité de son utilisation. A ce titre, il se révèle être d’une très grande souplesse et démontre des qualités infinies.

    Par analogie, il exprime symboliquement les multiples capacités de celui qui l’utilise. C’est pourquoi, faisant référence à ses différentes possibilités d’ouverture et de changement d’angle, le monde maçonnique en a fait l’instrument de la raison et, par extension logique, l’instrument de la Sagesse.

    En tant qu’outil utilisé dans l’art de bâtir des chefs d’œuvre élevés à la Gloire de l'Eternel, le Compas devint le symbole le plus important du fait de sa correspondance avec la création et le Créateur. Tout naturellement, il fut attribué à Dieu, l’architecte des architectes. Marc-Reymond Larose [7] définit le Compas comme outil de la création par excellence, du tracé, de la distribution des points dans l’espace, de la division rationnelle, des lignes par le rapport de mesures et par proportions. Il observe que c’est à ce titre que le compas figure dans les mains du Grand Architecte dans de nombreuses représentations médiévales. Le Moyen Age représentait en effet volontiers Dieu sous la forme d’un architecte tenant dans la main un Compas et dessinant le monde.

    La tradition fait du Compas le symbole du Grand Architecte lui-même. Il suffit pour s’en faire une idée de se remémorer la célèbre peinture de William Blake.

    * L’Équerre et le Compas

    Instrument « actif » par excellence, le Compas est le symbole du Verbe créateur. Instrument de la création, de la rigueur, le compas symbolise la justesse de l'Esprit, l'Esprit lui-même qui se manifeste, sous l'aspect de la géométrie. Il évoque ainsi la Sagesse qui mesure l’acte et toute pensée à leur juste valeur.

    Mais dans notre monde maçonnique, le Compas est un symbole qui présente aussi des aspects bien surprenants.

    En piquant l’une des branches de cet outil, il crée le point d’origine de la vie, celui de l’incarnation d’un nouvel homme en quête de perfection dont il circonscrit le destin terrestre en traçant le cercle. Mais le mouvement de cette quête peut être prolongé car, amorçant l’évolution en continu avec l’une ou l’autre branche, le cercle se transforme en une spirale dynamique projetée dans l’espace.

    Tout recommence toujours en un mouvement circulaire jusqu'à ce que l’architecte céleste daigne interrompre cette course incessante vers la Lumière.

    Puisqu'il permet le tracé d’une figure géométrique qui n’a ni commencement ni fin, le Compas peut évoquer l’éternité, les cycles du temps sans cesse renouvelés. Le Maître de la Loge se voit ainsi intégré à une longue chaîne, héritant d’un Atelier construit par ses prédécesseurs et préparant le travail de ses successeurs.

    En traçant des cercles, le compas tourne autour d'un axe et détermine des figures. Ce faisant, il détermine un espace qu'il enferme. Il devient ainsi le symbole de l'espace lui-même et de tous les aspects liés à l'espace comme par exemple le ciel. Par transposition, il devient le symbole de la puissance qui y réside. Il est aussi le symbole de la rigueur par l'aspect clos et simple de la figure ainsi tracée.

    Le Compas est aussi considéré comme l’emblème du savoir. Il est dès lors devenu l’image de la pensée dessinant les cercles du monde. Il est l’attribut des activités créatrices.

    Instrument qui permet à l'architecte de manifester sa pensée, le Compas est ainsi devenu le symbole de l'Esprit, de la transcendance, du pouvoir qui agit sur le monde, le symbole de la Connaissance, sa puissance et sa source.

    Selon Jules Boucher, « le Compas est l'image de la pensée dans les divers cercles qu'elle parcourt. Les écartements de ses branches et leurs rapprochements figurent les divers modes du raisonnement ». L’ouverture des branches du Compas est utilisée en Maçonnerie pour exprimer un état de Connaissance. Son degré d'ouverture est traditionnellement symbolique de l'étendue du pouvoir sur la matière et par-là de la domination plus ou moins grande que l'on peut y exercer. Il apprend au néophyte que l’on n’accède à la vérité que par étapes.

    Pour Oswald Wirth, le Compas est le symbole du Relatif. Qu’est-ce à dire ?

    Le Compas a des limites dans son utilisation : tant que l'écartement de ses branches est inférieur à 180°, il peut nous aider à tracer un très grand nombre de cercles. Arrivé à 180° d'écartement, le compas devient une ligne droite et n'a plus aucune possibilité effective.

    Ce n’est pas un hasard si c’est le compas qui trace la figure géométrique parfaite qu’est le cercle dont les civilisations les plus anciennes ont fait le symbole solaire par excellence.

    Si des écrivains comme Jean-Marie Ragon de Bettignies ou Oswald Wirth ont vu dans le Compas un symbole de l’esprit ou du raisonnement, les Maçons du 18ème siècle donnaient à cet instrument une valeur morale, en ce sens où il s’appliquait au comportement du Maçon envers les autres hommes et plus particulièrement envers ses Frères.

    Jean-Marie Ragon de Bettignies a dit du Compas « qu’une de ses branches étant fixée, elle forme un point central autour de laquelle l’autre branche peut, en variant son écartement, décrire des cercles sans nombre, symboles de nos Loges et de la Maçonnerie dont l’étendue peut être indéfinie ».

    Pour Edouard Plantagenet, c’est Oswald Wirth qui aurait formulé la définition du Compas la plus vivante et la plus juste : « Le Compas symbolise la mesure dans la recherche de la vérité. L'Absolu et le Relatif se trouvent donc représentés par l'action du Compas, qui, lui-même, offre par ses deux branches, la figure de la dualité et, par sa tête, la figure de l'union ».

    Très intéressante aussi est l’explication fournie par Amélie Gedalge [8] qui voit dans le cercle centré par le point l'emblème solaire par excellence, repris par l’Astrologie Traditionnelle. Le cercle centré par le point est la première figure qui peut être tracée à l'aide du compas. Cette figure combine le cercle (symbolisant l’infini) avec le point (symbole du début de toute manifestation).

    Le Compas évoque la Géométrie puis par glissement la Connaissance. Il ne s’agit pas ici d’un savoir exotérique, accessible au commun des mortels, mais au contraire d’une connaissance ésotérique, rendue possible par l’Initiation. Le Compas correspond à une connaissance sacrée ou à une connaissance du sacré.

    L’image du Compas, prise isolément, représente aussi la géométrie, l’astronomie, l’architecture, la géographie.

    En iconographie, le Compas est utilisé comme emblème de la prudence, de la justice, de la tempérance, de la véracité, toutes vertus fondées sur l’esprit de mesure.

    Le Compas, permettant de dessiner le cercle, symbole du ciel, va acquérir un caractère céleste, d’où son attribution au Grand Architecte de l’Univers.

    Par ses pointes, le Compas indique son emprise sur la matière, du moins tant que l'écartement de ses branches est inférieur à 180°. Mais la Franc-maçonnerie limite l’ouverture des branches à 90°, ce qui peut signifier que l’homme ne peut posséder une connaissance pleine et entière, que son esprit est naturellement prisonnier de la matière et qu’il ne peut s’en libérer totalement. Si l’homme est esprit, il est aussi fait de chair, symboliquement issue de la Terre. La nature humaine ne peut donc et ne doit s’éloigner de la réalité.

    Ouvert à 90°, comme l'Équerre, le Compas signifie l’être évolué qui est parvenu à trouver l’harmonie entre le réel et le spirituel. Entre le 0° de l’ignorance et le 180° de la Connaissance totale, de la Lumière divine, le Compas ouvert à 90° est le Milieu, le refus des extrêmes. Il représente alors la Sagesse.

    Le compas servant le plus souvent à tracer des cercles en partant d’un point précis, Irène Mainguy estime que le cercle représente le champ des connaissances humaines. Ce champ est virtuellement illimité car c’est l’univers entier. Mais il sera limité en réalité par les propres limitations individuelles de chacun.

    Le compas sert aussi à prendre toutes sortes de mesures dont celles des angles, ainsi qu’à reconnaître les proportions. Il symbolise aussi les diverses opérations logiques par lesquelles l’esprit humain coordonne ses connaissances et organise ses raisonnements logiques.

    Pour Irène Mainguy, le Compas est le symbole de ce qui est essentiellement mouvant. Il symbolise le dynamisme constructeur de la pensée, c’est-à-dire sa liberté créatrice, mais aussi la capacité d’invention, de conception et de réalisation de l’esprit.

    Outil d’une remarquable simplicité, le compas est un appareil de mesure, de tracé, de rapport de proportions. Il représente la capacité inventive autant que le génie de l’homme.

    Le compas peut être utilisé pour des opérations de mesure et de rapports de proportions qui confèreront ainsi à l’œuvre stabilité et beauté. Il passe aussi pour l’emblème le plus éminent de la vertu donnant la seule vraie mesure de la vie et de la conduite d’un Maçon.

    Irène Mainguy fait aussi un parallélisme entre le cadran circulaire de l’horloge qui donne la mesure du temps et le tracé de l’espace par le compas. Son rapprochement analogique surprenant conduit à une conception circulaire de la vie, cyclique, de la naissance à la mort.

    Le compas est lié à la figure géométrique qu’il a la capacité de tracer. Le cercle est la figure résultant de sa projection dans l’espace. En produisant le cercle, le compas conduit, sous une autre forme, à la notion de roue qui est facteur de développement des civilisations. Ce qui signifie qu’il n’y aurait pas de roue sans compas et donc que, sans échange, il n’y a pas d’ouverture sur l’univers.

    Quelles conclusions personnelles puis-je tirer du symbolisme du Compas ?

    Le compas symbolise donc le sens des proportions, des normes, le dynamisme constructeur et concepteur, la mesure des capacités, le sens des proportions, la recherche et la maîtrise du trait.

    Il me faut encore rappeler qu’au cours de la cérémonie d’Initiation, alors que le Récipiendaire s’apprête à prêter le serment d’usage, le Maître des Cérémonies dispose un compas, ouvert à 90°, en plaçant une des pointes sur le cœur du Postulant, l’autre pointe étant dirigée vers le haut, comme un appel à rechercher à s’élever vers ce qui est en haut, une aspiration vers un idéal qui se trouve dans un cercle illimité.

    J’ai ainsi évoqué l'Équerre et le Compas en les considérant comme deux symboles séparés, tel que l’un apparaît accroché au sautoir du Vénérable Maître, l’autre à celui du Grand Maître de l’Obédience.

    Mais sans doute cette planche ne serait-elle pas complète si je n’évoquais à présent le contexte dans lequel ces deux symboles se retrouvent réunis. Car dans la Maçonnerie moderne, le Compas est toujours associé à l'Équerre.

    Équerre et Compas réunis

    L’équerre et le compas sont des instruments pour l’homme libre. Ils sont les outils de la pensée qui se reconnaît le pouvoir de rendre compte de la réalité, de connaître ses lois et de la modifier pour améliorer la condition humaine. Ce sont des outils conçus par l’homme pour l’assister dans l’exercice d’un pouvoir qu’il se reconnaît sur le réel. Le symbolisme éclaire le sens de ces outils car il les présente comme les images de l’esprit qui les conçoit et les crée. L'Équerre et le Compas sont des symboles parce qu’ils réfractent dans la matière les formes de l’esprit.

    Plusieurs auteurs ont, au contraire, considéré que l'Équerre et le Compas ne sont pas des symboles et qu’ils n’acquièrent leur symbolisme que dans leur association ! Si l’on demeure satisfait des analogies qui peuvent être faites entre l'Équerre et la rectitude, le Compas et l’entendement ou la connaissance, alors ces auteurs ont raison. Mais n’est-ce pas un peu trop schématique ?

    Celui qui essaie de pénétrer le sens profond et vrai des outils, qui tente de l’intérioriser, qui s’applique à vivre avec ces instruments afin de transformer sa conduite, peut en faire de véritables symboles.

    Dans l’univers maçonnique, le Compas me semble aussi représenter symboliquement le degré d’avancement du Maçon. Il est l’un des outils majeurs de l’expression de celui qui cherche, qui est en quête de connaissance. A ce titre, il est souvent représenté en compagnie de l'Équerre, cet autre instrument de mesure et de création.

    De fait, l'Équerre est souvent associée au Compas dans les représentations concernant les trois premiers degrés. Mieux, je pense que l’on peut affirmer qu’Équerre et Compas sont intimement liés ! Il n’est qu’à lire les textes anciens pour s’en rendre compte. L'Équerre contrôle le travail du Maçon qui doit agir en tout avec rectitude et en s’inspirant de la plus scrupuleuse équité. Le Compas dirige cette activité en l’éclairant afin qu’elle trouve son application la plus judicieuse et la plus féconde.

    Pour vérifier que sa pierre est cubique, le Compagnon a besoin du Compas et de l'Équerre. Le premier lui servira à mesurer l’égalité des arêtes, le second à contrôler la rectitude des angles.

    Si le Compas est signifiant de l’esprit, l'Équerre va évoquer la réalité, le concret, la matière. Elle se rapproche en cela du carré pour le tracé duquel elle est nécessaire bien que le Maître sache aussi le tracer avec le Compas.

    Pour Raoul Berteaux, « ces deux instruments ne sont des symboles que s’ils sont associés. C’est alors qu’ils forment un modèle symbolique binaire ».

    « L’association d’un carré et d’un cercle ayant un centre commun constitue un modèle symbolique corrélatif. Par extension, tout groupement autour d’un centre commun de figures quadrangulaires et de figures circulaires constitue un modèle symbolique Équerre-Compas ».

    Si l'Équerre et le Compas font partie de l’instrumenta maçonnique en tant que filiation des outils des Francs-maçons opératifs, le modèle symbolique formé par l’association des deux instruments nous relie à de lointains ancêtres et constitue un modèle de caractère universel.

    Enfin, il me semble que la présence de l'Équerre sur le Volume de la Loi sacrée nous rappelle aussi la finalité – provisoire – de notre travail d'Apprentis : devenir des Pierres bien taillées. Elle nous incite tous à bien nous former, à être droits dans nos actions, de sorte que nous soyons aptes à participer à l'édification du Temple idéal dont nous devrions devenir les pierres parfaites.

    Examinons à présent les dispositions que présentent ces deux instruments lorsqu'ils sont assemblés au cours de l’Ouverture de nos Travaux de Loge.

    Disposition de l’Equerre et du Compas sur l’autel

    Lors de l’Ouverture des Travaux, le Vénérable s’arrête devant l’autel pour y disposer correctement les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie. Il ouvre le Volume de la Loi Sacrée et y dépose l'Équerre et le Compas.

    * L’Équerre et le Compas

    Sur la Bible ouverte au Prologue de Saint Jean, l'Équerre et le Compas peuvent être placés de trois façons différentes mais le Compas est toujours ouvert à 45°. Ces dispositions évoquent un progrès moral ou une hiérarchie de valeurs. Elles constituent en quelque sorte des sigles distinctifs de chacun des trois degrés et procèdent de l’allégorie.

    Si nous considérons la Bible est couverte de l'Équerre et du Compas juxtaposés, nous sommes en présence d’un modèle symbolique universel. Dans ce modèle binaire, l'Équerre est associée à la partie matérielle du Cosmos, c’est-à-dire pour nous la Terre, tandis que le Compas est associé au cercle, aux Cieux, à l’esprit. L'Équerre est donc l’emblème de l’homme et le Compas celui du Grand Architecte de l’Univers.

    Au grade d’Apprenti

    Au grade d'Apprenti, nous constatons que l’Équerre couvre les deux branches du Compas. Il semblerait que ce soit pour indiquer qu'à ce grade on ne peut demander plus du Néophyte que SINCÉRITÉ et CONFIANCE, conséquences naturelles de la droiture et de la rectitude.

    Effectivement, on ne peut pas déjà demander à l’Apprenti la Sagesse qu’il n’a pas encore acquise. Sa probité et sa rectitude naturelles sont tout ce que les Maîtres attendent de lui, principalement le Second Surveillant. La matière prime sur l’Esprit.

    Par cette disposition, on signifie à l’Apprenti qu’il œuvre sur la matière. Son rôle consiste à dégrossir la Pierre brute avec les seuls outils dont il dispose, le Maillet et le Ciseau. Il ne sait pas ce que sera l’édifice car il n’a pas eu connaissance des plans.

    Au grade de Compagnon

    Au grade de Compagnon, nous constatons que l’Équerre est entrecroisée, entrelacée avec le Compas.  Il semble qu’une des branches du Compas couvre l’Équerre pour indiquer que l'Initié poursuit sa tâche avec SINCÉRITÉ et DISCERNEMENT.

    La Pierre brute s’efface pour laisser place à la Pierre cubique. Tous ses côtés sont isométriques, vérifiés par le Compas. Les angles sont droits, comme l’indique l'Équerre. L’esprit et la matière s’équilibrent.

    Le Compagnon a consulté les plans établis par les Maîtres et peut donc les exécuter. Cependant, il n’est pas encore prêt. Sa formation personnelle n’est pas achevée. Aussi doit-il continuer à tailler sa pierre afin de la rendre cubique pour qu’elle puisse s’intégrer à la construction.

    Au grade de Maître

    Au grade de Maître, l’Équerre se trouve sous le Compas car l'Initié poursuit sa tâche avec DISCERNEMENT et JUSTICE.

    Au troisième degré, le Maître travaille sur la Planche à tracer. Il n’est pas en contact direct avec la matière sauf pour la contrôler. Il utilise la Planche à Tracer pour établir des plans. Il évolue dans le monde des idées. Mais de par ses connaissances acquises, il est capable, sur le papier, de signifier ce que sera la matière. Le Maître ne rejette évidemment pas le matériel : il le domine, l’utilise à bon escient.

    Aux trois degrés

    Il faut encore remarquer que les pointes du Compas sont tournées vers le bas et que l'Équerre est toujours ouverte vers le haut. Cela signifie que le Maçon ne doit pas se comporter en pur esprit mais au contraire mettre en application ce qu’il découvre ou apprend. Demeurer dans le domaine purement spéculatif est un comportement stérile, sans réelle utilité. D'autre part, il ne doit pas rester prisonnier de la matière mais il doit s'efforcer de la dominer en s'élevant lui-même afin de vivre en harmonie avec le monde.

    Tel est, en synthèse, le sens moral de ces symboles, déjà proposé par Edouard Plantagenet et repris plus tard par Jean Ferré.

    Il faut cependant observer qu’au Rite Écossais Rectifié, l'Équerre et le Compas sont entrecroisés aux trois degrés, soulignant ainsi les limites de l’esprit (écrit avec un E minuscule) soumis à l’Esprit (écrit avec un E majuscule).

    Si l’on fait référence aux bâtisseurs, on pourrait dire que l’architecte avait deux combats à mener : l’un contre la pesanteur et l’autre contre l’obscurité. Il lui fallait parvenir à une légèreté, sans pour autant nuire à la robustesse de l’ensemble, qui puisse laisser pénétrer la lumière. Je ne parle pas ici que du seul éclairage évidemment ! Le maître d’œuvre avait pour ambition d’alléger sa construction par des ouvertures, dans une harmonie de vides et de pleins, afin de l’aérer, de la rendre lumineuse. Cette double exigence est figurée par l'Équerre et le Compas ; l'Équerre, outil de la matière, de la pesanteur alliée au Compas, instrument du ciel, de la Lumière.

    Mais quels sont les aspects métaphysiques de ces symboles ?

    Selon Jules Boucher, le Compas symbolise l'Esprit ; l’Équerre symbolise la Matière.

    Dès lors :

    • au premier degré, la Matière domine l'Esprit ;
    • au deuxième degré, ces deux forces s'équilibrent ;
    • au troisième degré, l'Esprit survole la Matière et la transcende.

    Seulement ouvert à 45°, le Compas indique que la domination de l'Esprit sur la Matière n'est que relative.

    Du point de vue symbolique on ne peut accorder une valeur plus grande à l’un des instruments par rapport à l’autre sans briser le symbole.

    L’image de l'Équerre et du Compas entrecroisés est compagnonnique. Toutes les institutions compagnonniques se représentent dans cette image. Elle allégorise le message essentiel de l’enseignement compagnonnique. L’esprit qui conçoit et la main qui fabrique se complètent et sont impuissants séparément. Il s’ensuit que le savoir-faire, l’idéal du Compagnon, est une réalité indissociable. Il est inconcevable, par conséquent, d’admettre la prééminence du savoir sur le faire ou bien du faire sur le savoir.

    Je voudrais encore évoquer succinctement la signification de la présence de ces deux Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie lors de notre Initiation au moment de notre prestation de serment.

    L'Équerre et le Compas dans la prestation de serment

    Une fois les trois voyages accomplis,  nous avons dû prononcer notre serment et nos obligations avant de recevoir l’illumination de la Lumière. Nous avons été conduits à l’autel. Le rituel ancien nous a fait mettre le genou droit à terre et la jambe gauche en équerre, en signe de soumission, de respect à tout ce qui est équitable et juste. Dans notre main gauche nous avons tenu un Compas dont les pointes étaient appuyées sur la région du cœur mise à découvert, en signe de sincérité parfaite des sentiments exprimés.

    Pendant que nous prononcions notre serment, la paume de la main droite ne touchait pas directement la Bible mais était en contact avec l'Équerre, représentant la Terre, et le Compas représentant le Ciel.

    Selon Guy Boisdenghien, « ce modèle symbolique binaire marque la dimension initiatique de la prise de serment. Il dépasse la personne qui le prononce en ce sens que le divin et le cosmique sont solidairement présents et de surcroît garanties de l’engagement pris ».

     

    Enfin, pour terminer cette réflexion à propos de deux de ces Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie j’évoquerai très partiellement le degré de maîtrise.

    Entre l’Equerre et le Compas

    Où trouver le Maître Maçon ?

    Aujourd'hui, conformément à la séculaire tradition initiatique de notre Ordre, le Maître a sa place entre l'Équerre et le Compas.

    Entre le Compas et l'Équerre, entre la terre et le ciel, entre le Créateur et la créature.

    Comment comprendre cette expression ?

    Ces deux Grandes Lumières restent emblématiques des deux mondes, celui d’en haut, invisible, universel et céleste, et celui d’en bas, la terre, où tout demeure limité, condamné par le temps, voué à disparaître. Chacun n’a de pouvoir que sur son domaine. Seul le Créateur, symbolisé par la Bible, possède le pouvoir d’agir dans tous les domaines.

    A la rigueur mathématique des analyses rationnelles et comparées doit succéder un esprit de coordination affranchi de tout parti pris, un esprit de synthèse qui laisse, entre la sécheresse du fait et l’objectivité du raisonnement, une petite place pour l’hypothèse, pour l’idéal, pour la création, pour l’œuvre du Maître.

     

    R:. F:. A. B.

     

    [1] Cahier de l’Herne - La Franc-maçonnerie : documents fondateurs, 1992 - p. 257.

    [2] Berger Jean-Pierre - Les Manuscrits Dumfries N° 4.

    [3] Wolson Thomas - Le Maçon démasqué - 1751, Toulouse, Editions du Snes, 2000 - p. 35

    [4] Le Flambeau du maçon, catéchisme des trois premiers grades, Bordeaux, 1771 - p. 60

    [5] René Guénon - La Grande Triade - Editions Gallimard, 1957 - pp. 133 et 179

    [6] Jean-Marie Ragon de Bettignies (1781 - 1862) fut initié à la Franc-maçonnerie en 1804 à Bruges. Il fut membre du Grand Orient de France et du Rite de Memphis Misraïm. Considéré par ses contemporains comme le Franc-maçon le plus instruit du 19e siècle. Il est l'auteur de nombreux ouvrages maçonniques qui eurent une influence considérable.

    [7] Larose Marc-Reymond - Le plan secret d’Hiram, fondements opératifs et perspectives spéculatives du tableau de loge, Editions La Nef de Salomon, p. 68

    [8] D’Amélie Gedalge, les historiens de la Franc-maçonnerie ne connaissent le plus souvent que son nom qu’ils associent assez confusément au début du Droit Humain et à la Société Théosophique tout en sachant qu’elle a aussi publié deux manuels sur la symbolique maçonnique.

     

    Bibliographie

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995 - Pages 45, 46, 62, 63

     

    Béresniak DanielRites et Symboles de la Franc-maçonnerie

    Tome 1 : « Les Loges Bleues »  - Editions Detrad, Paris, 1997

    Pages 99,100 à 104, 118, 126, 141, 144, 146, 156, 157,187, 193

     

    Berteaux RaoulLa symbolique au grade d’Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986 - Pages 22 à 24

     

    Berteaux RaoulLa symbolique au grade de Compagnon

    Editions Edimaf, Paris, 1986 - Pages 58 à 60

     

    Boisdenghien Guy - La vocation initiatique de la Franc-maçonnerie

    Sentiers de la Tradition - Editions L’Etoile, Bruxelles, 1999

    Pages 59, 88, 89, 102, 128, 155, 191, 206

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995 - Pages 1, 3, 5, 23, 183, 322

     

    Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 80, 81, 114, 115

     

    Ferré Jean - Dictionnaire des symboles maçonniques

    Editions du Rocher, Monaco, 1997 - Pages 252 à 275

     

    Gedalge Amélie, Andrée - Manuel interprétatif de symbolisme maçonnique, 2e degré symbolique, grade de Compagnon

    Editions Bélisane, Monaco

     

    Guigue Christian - La formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 1996 - Pages 100, 153, 154

     

    Guigue Christian - La formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 2003

     

    Mainguy Irène - La symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2006 - Pages 66, 155, 156, 340 à 346,

     

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail en Loge d’Apprentis

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 106,107

     

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail en chambre de Compagnons

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Page 129

     

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail en chambre du Milieu

    Editions Dervy, Paris, 1994  - Pages 48 à 54

     

    Pozarnik Alain - A la Lumière de l’Acacia - Du profane à la maîtrise

    Editions Dervy, Paris, 1995 - Pages  225 à 253

     

    Spaeth Marcel - Le Tracé du Compagnon

    Editions A.V.S., Paris, 1991 - Pages 22, 33, 34

     

    Spaeth Marcel - Considérations sur la maîtrise

    Editions Detrad, Paris, 1997 - Pages 68, 69, 70

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    1ère partie : « L’Apprenti » - Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 144 et 203

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    2ème partie : « Le Compagnon » - Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 52, 124, 131, 132

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    3ème partie : « Le Maître » - Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 69, 96 et 170

     

    Pour aller plus loin encore :

    Delaporte Jean - Le Grand Architecte de l’Univers

    La Maison de Vie, Fuveau, 2001

     

    Michaud Didier - L’Equerre et le chemin de rectitude

    La Maison de Vie, Fuveau, 2002


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  •  Initiation, liberté et serment 

    Introduction

    La présente planche avait été tracée en février 2004 et constituait une réponse à quelques Frères qui se permettaient d’en dévoiler d’autres et notamment à des Profanes qu’ils approchaient pour les faire entrer dans notre Obédience !

    C’est ainsi que je me suis trouvé un jour devant un Profane qui connaissait non seulement mon appartenance, mais aussi mes responsabilités précises dans les trois Respectables Loges dont j’étais membre à l’époque !

    Dans sa version initiale, cette planche se voulait surtout une mise au point de ma part quant à ce que je souhaitais venir faire en Franc-maçonnerie, quelles étaient les valeurs que je souhaitais défendre et aussi ce que j’attendais de mes Frères. Il est évident que cette planche est toujours d’actualité pour préciser ce à quoi je crois, ce que j’espère trouver dans nos Loges et que tous mes Frères partagent avec moi. J’espère ne pas vous décevoir !

    Le point de départ de mon raisonnement se résume en une ou deux questions :

    • Pourquoi sommes-nous entrés en Franc-maçonnerie ?
    • Pourquoi sommes-nous venus ici ?

    Mon propos concernera notre liberté et ce qu’elle devient lorsque nous avons prononcé notre serment et que nous sommes devenus des Initiés.

    Certains d’entre nous sont arrivés spontanément à la Franc-maçonnerie : ils ont introduit une candidature spontanée. D'autres ont été approchés par l’un d’entre nous, généralement par celui qui, dès le début de la procédure d’admission, est devenu leur parrain, et ont été pressentis comme étant aptes à faire partie d’une élite digne de poursuivre l’œuvre du G :. A :. D :. L':. U :. sur cette Terre.

    Dieu a, dit-on, fait l’homme à son image. C’est sans doute la raison pour laquelle, quand nous étions enfants, la plupart d’entre nous, conditionnés par des images de nos livres de religion, ont imaginé Dieu comme un vieil homme barbu.

    Mais n’est-ce pas l’inverse qu’il faudrait imaginer ? Les êtres que nous sommes ne seraient-ils pas des étincelles de lumière, à l’image de Dieu qui est la Lumière, cette lumière qui, dit-on, luit ou brille dans les Ténèbres, ce monde de l’ignorance, de la violence, du mal ?

    Dieu n’aurait-il pas voulu que nous, Francs-maçons, soyons précisément des étoiles dont la mission est de rayonner ici sur Terre et de montrer dans le monde profane un comportement exemplaire tel qu’il l’aurait souhaité ?

    Ce à quoi je crois, c’est que nous sommes ici pour tailler symboliquement notre Pierre brute, c’est-à-dire pour apprendre à nous connaître, à nous améliorer, à tendre vers une certaine perfection ; tailler notre pierre pour l’édification de notre propre temple intérieur.

     

    Des hommes probes et libres

    Tous, nous sommes venus ici de plein gré, de notre libre consentement. Mais, rapidement, au cours de la procédure d’admission, nous avons pris conscience que nous allions perdre une bonne partie de notre liberté.

    Tout d’abord, lors de l’interrogatoire sous le bandeau, au rite moderne belge, le Vénérable Maître nous a tous prévenus en nous disant : « Monsieur ! Les premières qualités que nous exigeons pour être admis parmi nous et sans lesquelles on ne peut être initie à nos mystères sont : la plus grande sincérité, une docilité absolue, une constance à toute épreuve ».

    • Importance de la sincérité, donc. Importance d’être vrai aussi !

    Si nous ne sommes pas sincères, qui est trompé sinon nous-mêmes avant tout ?

    • Importance d’une grande docilité également !

    Ne venons-nous pas ici pour soumettre notre volonté, pour vaincre nos passions et faire des progrès en Maçonnerie ?

    Si nous ne faisions pas preuve d’une docilité absolue et d’une constance à toute épreuve, si nous nous rebellions sans cesse, si nous chahutions pendant les Tenues, si nous n’acceptions pas de vivre nos Tenues dans le plus grand silence, comment l’Initiation et la transformation de nous-mêmes pourraient-elles s’opérer ?

    • Importance aussi de venir de notre propre volonté.

    Au début de la cérémonie d’Initiation, le Frère Couvreur, le Frère 2nd Surveillant et le Frère Premier Surveillant nous ont rappelé, par leurs interventions successives, que l’être qui frappe à la porte du Temple est : « Un profane qui erre dans les ténèbres et qui aspire à la lumière ; qu’il a été régulièrement présenté et soumis au scrutin de cette loge et (qu’il) vient de sa propre volonté, dûment préparé, solliciter son admission aux mystères et privilèges de la Franc-maçonnerie ».

    A trois reprises, le rituel a mis l’accent sur le fait que nous agissions en toute liberté. Plusieurs extraits en témoignent. Ainsi, au cours des trois voyages, le Maître des Cérémonies est amené à dire trois fois que nous sommes un Profane libre et de bonnes mœurs. De même, au cours d’un des trois voyages, le Frère Orateur renforce encore cette idée de liberté en disant : « Nul n’entre ici que de sa propre et libre volonté ; mais quiconque est admis doit respecter les convictions de chacun, comme chacun respectera les siennes ».

    Avant notre prestation de serment, le texte de celui-ci nous a été lu et brièvement commenté. Le Vénérable Maître nous a dit que ce serment ne contenait rien de contraire à l'honneur et que, depuis des siècles, sur toute la surface de la terre, des millions d'hommes l'ont prêté. Il a ajouté que de cette obligation, rien au monde ne pouvait nous délier, même si nous devions en souffrir ».

    Il a même précisé : « Si vous doutez de vous-même, si vous éprouvez quelque réticence, ... n'hésitez pas... quittez cette Loge... vous êtes libre. Nous respecterons votre décision.

    Après une petite pause, le Vénérable Maître a ajouté : « Réfléchissez une dernière fois. Etes-vous décidé à vous conformer intégralement et sans restriction au serment qui vient de vous être lu ? ».

    Avant de prêter ce serment, le Vénérable Maître nous demande une dernière fois si nous persistons dans notre désir d’être reçu Franc-maçon.

    Et nous tous, et tous nos Frères réguliers, nous avons tous répondu « oui » parce que nous étions des hommes libres mais décidés à nous conformer aux exigences d’un Ordre dont l’objectif est de nous fournir une méthode de transformation et d’amélioration de nous-mêmes.

    Pourtant vous le savez certainement, le contraire s’est déjà passé. Il est arrivé qu’un Frère ait quitté une Loge en pleine cérémonie ! C’était normal…  il était (encore) libre !

    Sans dévoiler quoi que ce soit du rituel du 2ème degré, le Vénérable Maître nous a rappelé qu’au cours de notre apprentissage, écoutant et méditant dans le silence, nous avions appris à travailler sur nous-mêmes. Notre pierre brute, dégrossie et équarrie, s’est transformée peu à peu en cube parfait et le moment était arrivé de pouvoir insérer notre pierre cubique dans l’édifice qui est le Grand – Œuvre de la Franc-maçonnerie.

    Notre augmentation de salaire ne nous a été accordée que pour autant que nous persistions dans notre désir de joindre nos efforts à ceux de nos Frères.  Ici aussi, il nous a fallu nous engager ! Et le Vénérable Maître nous a à nouveau demandé si nous étions prêts à le faire. Nous avons tous accepté de prêter à nouveau un serment.

    Au 3ème degré, le Vénérable Maître nous a bien recommandé d’avoir des pensées pures et des paroles sincères. Mais, pour moi, le plus important c’était le rappel du caractère sacré de nos serments.

    Nous sommes donc libres d’entrer en Franc-maçonnerie. Mais le sommes-nous encore une fois entrés ?

     

    Liberté et devoirs

    Certes, vis-à-vis du monde profane, nous ne sommes pas entrés dans une secte. Nous sommes toujours libres de nous absenter et seule notre conscience peut nous juger. Nous sommes aussi libres de ne plus jamais remettre les pieds dans notre Loge. Nous sommes toujours libres de quitter la Franc-maçonnerie si elle nous a déçus. Mais ceux qui restent seront aussi déçus car le départ d’un Frère est toujours la cause d’une grande tristesse et souvent le constat d’un échec, en particulier pour le parrain.

    Puisque nous avons été créé, consacré et reçu Franc-maçon, nous avons donc décidé de rester. C’est librement que nous avons promis d’aimer nos Frères et de les secourir dans le besoin. C’est tout aussi librement que nous avons accepté – par notre serment – de ne pas révéler les noms de nos Frères, de ne pas les tracer, les graver ou les buriner, et sous-entendu, de ne pas aller dévoiler des Frères auprès de Profanes, même auprès de candidats Maçons.

    Certes, cela peut nous arriver à tous de citer par mégarde ou par intérêt le nom d’un Frère lorsque nous parlons entre nous : « Tiens, tu sais, untel, il est au G.O. ! ». « Oui, unetelle, c’est une sœur ! »

    Mais pourquoi dévoiler le nom des membres de notre Atelier à des Profanes ? Quel intérêt  si ce n’est celui de donner de fausses illusions, risquer de laisser penser que la Franc-maçonnerie ne serait rien d’autre qu’un club de bavards ?

    Seule notre conscience, si nous en faisons un examen sérieux, nous mettra mal à l’aise. Les plus jeunes d’entre nous n’ont pas vécu la guerre et les atrocités du nazisme. Mais nous en avons tous entendu parler. Si chacun avait pu vivre cette pénible expérience d’un emprisonnement rien que pour les idées qu’il défend… il saisirait mieux la nécessité de cette Loi du Silence que tout Vénérable Maître  nous rappelle systématiquement à l’issue de chacune de nos Tenues.

    Libre à vous de penser que je dramatise. Je vous invite cependant à observer les progrès des mouvements d’extrême droite à chaque élection, que ce soit en Belgique, en France et dans quelques pays européens proches du notre.

    Je vous invite aussi à vous rappeler que le monde profane n’a généralement pas une approche des plus positives à l’égard de notre Ordre souvent assimilé à une secte ou à une caste de privilégiés qui exercent une influence considérable sur le gouvernement de nos institutions.

    Notre liberté est aussi limitée par notre devoir de réserve, de discrétion. Un des plus difficiles sans doute. Ne dit-on pas du Franc-maçon qu’il est bavard ?

    Dans son sens maçonnique, la discrétion implique effectivement un devoir de réserve et de silence mais surtout de ne pas dévoiler nos Frères, de ne pas révéler les détails de nos rituels, le caractère sacré de nos Tenues par ailleurs difficilement communicable.

    A ce sujet, j’aimerais vous livrer une brève citation que je laisse à vos méditations. C’est Edouard Plantagenet  qui a dit : « Savoir se taire est une force ; c’est aussi une vertu ! ».

    Notre liberté semble donc sérieusement restreinte une fois que nous sommes entrés dans notre Ordre. Au seuil du Temple, nos Frères ont voulu s’assurer que nous avions bien conscience de quelques obligations que nous devions remplir pour pouvoir être considérés comme « initiables ».

    C’est pourquoi, enfermé dans le Cabinet de réflexion, le Récipiendaire, que nous avons tous été, a été invité à répondre à trois questions sur ses devoirs. Une multitude de devoirs nous incombe en effet.

    Cette liberté dont nous sommes si fiers est tout d’abord sérieusement restreinte par le devoir de silence qui nous est imposé dès le début de notre parcours maçonnique.

    Ce n’est pourtant qu’à la faveur de ce long silence que nous avons pu faire cet indispensable retour sur nous-mêmes qui nous affranchit définitivement de l’influence pernicieuse de notre existence antérieure et nous fait découvrir, en même temps, que la Lumière que nous sommes venus chercher dans le Temple se trouve déjà en nous.

    Notre liberté est aussi remise en question par notre devoir d’assiduité.

    L’assiduité, c’est notre présence régulière aux Tenues comme aux séminaires. Elle est primordiale car, pour progresser, il me parait indispensable de suivre un rythme de travail et de rencontres. Sans assiduité, le travail à opérer sur soi-même me semble difficile car il implique le concours et l’aide de nos Frères.

    Un autre devoir, sinon le premier, est de méditer les enseignements du rituel afin d’y conformer notre conduite. C’est là notre devoir par excellence.

    Notre liberté est aussi limitée par notre devoir de travailler. Si nous venons en Loge, ce n’est pas pour nous reposer des fatigues d’une longue journée voire d’une longue semaine, c’est encore pour travailler, pour travailler sur nous-mêmes. Pour les Officiers Dignitaires, travailler c’est se mettre au service de la Loge. Sachons donc adopter physiquement une attitude correcte qui favorise la méditation. Je n’ai pas dit la somnolence.

    Le Travail maçonnique, c’est l’intériorisation des pratiques, des actes accomplis en Loge ; c’est la méditation sur les symboles et le rituel.

    Le Travail maçonnique se partage. Les Frères y participent d’une manière enthousiaste. Ils reçoivent un salaire et des augmentations de salaire car le chantier est ouvert depuis longtemps et restera encore ouvert longtemps.

    Le « travail » ainsi annoncé est en réalité cette transformation qui s’accomplit en chacun d’entre nous par la recherche de l’équilibre entre l’individu et le groupe que constitue la Loge.

    Le Travail maçonnique est en fait l’activité de l’homme en soi, la conquête de son identité, la maîtrise de ses passions, la reconnaissance de ses faiblesses et de ses vertus.

    Tout Travail maçonnique se fait à la gloire du Grand Architecte de l’Univers et en présence des Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie : le Volume de la Loi Sacrée sous l'Équerre et le Compas sur lesquels sont prêtés tous les serments.

    C’est pourquoi les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie doivent toujours être exposées pendant les Travaux de la Grande Loge et des Loges placées sous son contrôle. Tous les Initiés doivent prêter leur Obligation sur le Livre de la Loi Sacrée dans lequel est exprimée la Révélation d’En Haut.

     

    Notre serment

    Lors de notre Initiation, nous nous sommes tous engagés par notre serment à respecter la Constitution et le Règlement général de notre Obédience.

    Prêté la main droite dégantée et posée sur le Volume de la Loi Sacrée afin que nous nous engagions sur ce qu’il y a de plus sacré, notre serment nous enjoint :

    • de garder le secret ;
    • de rester fidèle et discret, c’est-à-dire de ne trahir ni l’Ordre maçonnique ni nos Frères ;
    • de persévérer dans le perfectionnement, c’est-à-dire de marcher sur le chemin de l’Initiation.

    Par tout serment solennel, l’homme renonce à une certaine part de sa liberté, ce qu’il fait devant une autorité qui a le pouvoir en tous lieux et en tout temps de connaître un manquement à cette renonciation et de le punir.

    A ce sujet, René Désaguliers s’est interrogé : « Quelle peut être une telle autorité sinon un Dieu ou le Dieu unique ? »  C’est cet aspect qui est plus particulièrement marqué dans le mot latin « sacramentum », d’où le terme « serment » dérive directement. « Sacramentum » est lié au mot « sacer » qui signifie sacré ou ce qui appartient au monde divin.

    Pour moi, le serment est un acte essentiel de la Franc-maçonnerie.

    Pratique extrêmement ancienne de l’humanité, le serment est obligatoirement sanctionné par une autorité supérieure à l’homme, par une transcendance capable de le juger. En Franc-maçonnerie, le serment consiste en une promesse solennelle faite par le Néophyte qui s’engage à garder les secrets de la Maçonnerie et à se conformer en toutes choses aux règlements de l’Ordre, conformes aux lois en vigueur dans le pays.

    Le serment est empreint d’un caractère solennel, de la gravité d’un pacte, du sérieux extrême de l’engagement indissoluble entre celui qui le prête et celui qui le reçoit.

    Ce serment initiatique a aussi un caractère antique et sacré. Il est prononcé de la libre volonté du Récipiendaire, sans contrainte et devant une assemblée de Maçons témoins qui vont devenir ses Frères et en présence du principe de l’Ordre.

    Ce serment (cf. texte en annexe page 10) spécifique se décompose en trois parties : une invocation, une promesse, une imprécation. Le plus souvent, et en tout cas dans notre Obédience régulière, l’invocation est faite à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers.

    Le serment est prêté sur la Bible, ouverte au Prologue de l'Evangile de saint Jean. On peut considérer que le serment a un caractère d’alliance cosmique avec l'Eternel. C’est une obligation réciproque consentie librement entre l’Ordre et le Néophyte qui est accepté en qualité de nouveau maillon de la chaîne initiatique. Cette promesse au caractère solennel engage notre être tout entier à être fidèle.

    Finalement, pourquoi sommes-nous entrés en Franc-maçonnerie ? Pourquoi sommes-nous venus ici ? Que venons-nous faire en Franc-maçonnerie ? Que sommes-nous venus chercher en Franc-maçonnerie ?

    Le rituel de notre Initiation nous a donné une réponse à ces questions : nous demandions la Lumière. Nous sommes venus chercher la Lumière. Mais si le but suprême de la Franc-maçonnerie est la recherche de la Lumière, encore faut-il donner un sens plus personnel à cette expression.

     

    Conclusion provisoire

    Que suis-je venu faire parmi mes Frères ? Chercher la Lumière ? Pourtant je n'ignore pas qu'elle ne se confère point ! Que peut-elle être ? Certains y croient et l'appellent « Dieu ». D'autres pensent la détenir et l'appellent « Raison ».  Enfin certains la devinent et la cherchent : ils l'appellent « la Vérité ».

    La Lumière, n’est-ce pas avant tout la connaissance de soi ? Je pense que c'est en nous-même qu'elle se trouve et qu'elle apparaîtra une fois que nous serons effectivement sortis des Ténèbres. Ce qui importe donc, finalement, c'est de chercher.

    Pour pouvoir travailler en vue de notre élévation spirituelle, il nous faut construire nos connaissances par nos recherches personnelles, par l'introspection, par l'écoute attentive des points de vue exprimés par nos Frères plus anciens, par l’expression de leur expérience et par les ajustements appropriés de nos Surveillants.

    Pour pouvoir participer à l'amélioration du monde et des hommes en particulier, il nous faut en premier lieu songer à notre perfectionnement personnel, à devenir une Pierre bien taillée, adaptable dans l'édification du Temple idéal dont nous devrions devenir les pierres parfaites.

    Chacune des étoiles de la voûte de notre Temple symbolise comme une victoire de la lumière sur l'obscurité et du savoir sur l'ignorance. C'est pourquoi nous, Francs-maçons, dans notre trajectoire initiatique tournée vers l'éveil et la recherche de la pureté, nous pouvons nous apparenter ou nous identifier à l'une d'elles. Chacun d'entre nous n'est qu'un individu isolé, qui brille de sa propre lumière. Mais tous les Maçons réunis dans leur fraternité forment un ciel constellé de lumières qui sont autant de luminaires pour éclairer le monde.

     

    R :. F :. A. B.

     


    votre commentaire
  • Il y a quelques années, bien avant de devenir un Franc-maçon régulier, j’ai eu l’occasion de parcourir un ouvrage de Richard Dupuy Intitulé « La foi d’un Franc-maçon ».

    A cette époque je me posais déjà les deux questions suivantes : « Peut-on devenir Franc-maçon quand on pense avoir été chrétien et subi une éducation catholique ? » et « peut-on redevenir chrétien quand on a été initié Franc-maçon ? ». Mon parcours maçonnique au sein de notre Obédience régulière m’a permis de répondre par l’affirmative à ces deux questions.

    Quant aux propos que je vais tenir ce Midi, ils sont le reflet de ma foi de Franc-maçon telle que je la vis aujourd'hui. S’il y a parmi nous des athées affirmés ou des incroyants discrets, qu’ils se rassurent : je n’ai pas l’intention de les convertir ! Mais si, pour mon bonheur, il y a encore parmi nous de véritables « cherchants », alors puisse cette planche les éclairer davantage !

       Volume de la Loi sacrée ou Bible ? 

    Notre travail maçonnique

    Je ne vous ferai pas l’affront de vous rappeler que nous sommes tous ici pour travailler. Il suffit d’observer comment nous sommes assis pendant la Tenue ! L’article 3 du Règlement général de notre Obédience précise ce que nous devons comprendre en matière de « travail maçonnique ».

    Il s’agit du fait de travailler avec d’autres Francs-Maçons, dans un espace et un temps sacrés, au perfectionnement personnel, à l’aide d’un ensemble spécifique de symboles et de rituels, en tant que porteurs d’une tradition initiatique, pour contribuer au perfectionnement de l’humanité par la pratique d’un idéal de paix, d’amour et de fraternité.

    Cet article 3 précise aussi que ce travail est effectué à la gloire du Grand Architecte de l’Univers et en présence des trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie, à savoir le « Volume de la Loi Sacrée » sous l'Équerre et le Compas.

    Les Francs-maçons travaillent dans des Loges où la Lumière est présente sous différentes formes et sous différents noms. Ce symbole est particulièrement mis en valeur sous la forme des « Trois Grandes Lumières » dont l’identification est fondamentale pour bien préciser la nature de la quête initiatique.

    A ce stade de cet exposé, il me semble utile de préciser ce que notre Ordre entend par « Tradition ».

     

    La Tradition

    On peut considérer que toute Loge régulière est un foyer vivant de la Tradition et de la transmission. Encore faut-il préciser ce que l’on entend par enseignement traditionnel.

    Le mot « tradition » dérive du verbe latin « tradere » qui signifie porter, transmettre. Transmettre, c’est communiquer, ou redonner du sens à ce qui a existé, le recréer. C’est pourquoi l’Initiation est considérée comme une seconde naissance.

    La Tradition serait porteuse et révélatrice de l’essence des choses, et le contenant de la connaissance absolue, sous une forme particulière. Cette connaissance primordiale et universelle a transcendé l’homme au cours des siècles.

    La Tradition a pour fondement la révélation du Principe Divin transcendant et le terme de « révélation » contient l’idée de manifestation de ce Principe créateur et ordonnateur. En Franc-maçonnerie, la référence à la Tradition, fondée sur la révélation primordiale du Principe transcendant, se fait en dehors de toute exigence dogmatique ou de tout présupposé confessionnel.

    Mais il ne peut y avoir de Maçonnerie authentique sans la présence du « Volume de la Loi Sacrée » sur l’Autel durant chaque Tenue. Le « Volume de la Loi Sacrée » pourrait être soit la Bible (qui comprend la Torah [1] dans sa première partie), soit tout autre livre inspiré et représentatif d’un grand mouvement mystique (le Coran, les Vedas [2], l’Avesta [3]), soit tout écrit relatant les révélations du Verbe créateur.

     

    Le Volume de la Loi sacrée

    Le « Volume » ou « Livre de la Loi sacrée » occupe donc une place éminente dans la spiritualité initiatique de notre Ordre. D'abord il forme avec les outils du métier que sont l'Équerre et le Compas, les « Trois Grandes Lumières » disposées sur l’Autel des serments dans chaque Loge. Et c’est en contractant ses Obligations la main droite posée sur ces « Trois Grandes Lumières » que tout Profane est reçu Franc-maçon.

    Toujours en conformité avec l’article 3 de la Constitution de la G.L.R.B., toutes nos promesses et engagements solennels sont pris en apposant la main droite sur les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie, à savoir le « Volume de la Loi Sacrée », ouvert habituellement à l’Évangile de Jean, sous l'Équerre et le Compas.

    Cette expression « Volume de la Loi sacrée » semble bien respecter les convictions de chacun. Cependant, le Livre sacré le plus représentatif de la religion d’un candidat peut, à sa demande, être ajouté sur l’Autel pour le même usage.

    La prise d’Obligation ou serment, renouvelée lors du passage des différents grades est, avant toute chose, un acte de fidélité à la Tradition dont le « Volume de la Loi Sacrée » est le témoin. En prêtant serment sur le « Volume de la Loi Sacrée », nous entrons et accédons à l’histoire de l’humanité.

    Remarquons qu’entre l’article 3 et l’article 32 du Règlement général, aucune définition n’est donnée du « Volume de la Loi Sacrée ». Cependant, au deuxième alinéa de l’article 32, un synonyme de « Volume de la Loi Sacrée » apparaît clairement. Cet alinéa nous dit qu’une « Loge peut, à la demande d’un ou de plusieurs de ses membres ou d’un visiteur, décider de placer sur l’autel – à côté de la Bible, ouverte sous l'Équerre et le Compas – d’autres « Volumes de la Loi Sacrée » et que « le Grand Comité donne un avis sur les Volumes qui peuvent être pris en compte ». Observons encore que l’article 32 porte comme sous-titre le mot « Initiation », ce qui, à mes yeux, limite la présence d’autres « Volumes » sur l’Autel aux seules cérémonies au cours desquelles un Profane ou un Frère prend une Obligation.

    Remarquons donc que le mot «  Bible » n’apparaît qu’une seule fois dans le Règlement général, alors que l’expression « Volume de la Loi sacrée » y a deux occurrences.

    Sur l'Autel des serments doit donc être posé impérativement le « Volume de la Loi Sacrée » sous forme de livre ouvert. Pour les croyants, il représente le livre du Verbe créateur, manifesté sous l'aspect de la révélation [4]. La Tradition révélée par le « Volume de la Loi Sacrée » dans son sens ésotérique est source de connaissance et de méditation. Dieu a créé le monde par le Verbe qui s'incarne dans la langue sacrée et dans la parole rituelle qui contient l'essence primordiale. Un livre fermé garde son secret. Un livre ouvert instruit celui qui le lit, dévoile ce qui est caché.

    Ce livre contient un double message. Au premier niveau de lecture, nous découvrons un enseignement extérieur, représenté par les dogmes et une loi morale à caractère exotérique. Le second niveau de lecture développe une cosmogonie [5] et contient un message symbolique à décrypter, à caractère ésotérique. Le second n'exclut pas le premier mais, au contraire, l'éclaire en ouvrant sur le champ indéfini des possibles.

    Certains considèrent que le « Volume de la Loi Sacrée » contient le message d'une Tradition intemporelle, celle-ci étant l’expression de la relation entre la Vérité et la Sagesse, mais à un moindre niveau, elle contient une loi morale sur laquelle devrait s'appuyer tout Franc-maçon.

    Le « Volume de la Loi sacrée » enveloppe la totalité des religions. Même si nous nous servons du « Volume de la Loi sacrée », c’est-à-dire de la Bible, nous nous référons bien à un symbole beaucoup plus large, un symbole qui permet à chacun d’entre nous d’avoir une approche plus personnelle du Grand Architecte de l’Univers, c’est-à-dire de promouvoir sa propre liberté de pensée au niveau du spirituel qui est le nôtre.

    Les Maçons pratiquant le Rite Écossais Ancien et Accepté considèrent le « Volume de la Loi Sacrée » comme le symbole de la Tradition. C’est d’autant plus vrai que nous écrivons « Volume de la Loi Sacrée » avec trois majuscules, ce qui nous renvoie par conséquent à la connaissance ancestrale de la Tradition primordiale et non à de simples usages.

    Le « Volume de la Loi Sacrée » contient la Loi Morale supportée par deux « colonnes » que sont la justice et l’amour.

    C'est parce que le « Volume de la Sainte Loi » symbolise la Loi elle-même qu'elle figure sur l'Autel. Etant la Loi, il est normal qu'elle occupe une position « centrale » pendant les Tenues. Avec l'Équerre et le Compas, le « Volume de la Loi sacrée » constitue la première de ce que nous nommons les « Trois Grandes Lumières » de la Maçonnerie universelle. Cette Grande Lumière de la Franc-maçonnerie est du domaine sacré parce qu’elle joint l’humain et le divin, le fini et l’infini, le matériel et le spirituel, comme tout ce qui est sacré. Elle est donc tout à fait à sa place, avec l'Équerre et le Compas, comme troisième terme équilibrant cette dualité.

    Nous utilisons l'expression « Volume de la Loi sacrée » mais c'est bien un livre qui se trouve sur l'Autel. Car le mot « Volume » veut dire « rouleau ». C'est une référence à des rouleaux traditionnels, une référence aux rouleaux de la Bible chrétienne qui ont été précédés par les rouleaux de la Loi juive. Ces rouleaux étaient un support fait de parchemin spécialement traité : l'objet le plus saint des objets du culte pour les Juifs, un objet qu'on ne touche jamais avec les mains nues.

    Pour les croyants, de la première à la dernière lettre, son contenu c'est la Parole divine. C'est le Sepher Torah, le Livre de la Loi où est inscrit le « plan du monde, le code génétique de la création ». Ce contenu, c'est la Loi. Mais qu'est-ce que la Loi ?

    Le mot « Loi » correspond à bien des termes bibliques, qu'ils soient hébreux ou grecs. Il peut s'agir des principes de la nature qui émanent du Créateur ou des règles imposées aux hommes.

    En ce qui me concerne, toutes ces lois sont l'expression d'une seule Loi, qui est la volonté divine transmise par l'écriture, « la parole divine qui git dans le cœur de l'homme ».

    Et pourquoi « Loi sacrée » me direz-vous ?

    A l’usage, et surtout pour le Franc-maçon, le mot « sacré » prend le sens de « séparé » à la fois de l’humain et du divin qu’il unifie. Le sacré est alors un intermédiaire entre les plans divin et humain, un passage de l’un à l’autre. Ainsi, la Loi Sacrée contiendrait ces deux sens. Ce serait la grande Loi cosmique, la Loi de l’univers permettant à celui-ci d’exister.

    Ce serait d’autre part la façon pour l’homme d’appréhender cette Loi, de la traduire de telle sorte que son esprit puisse la comprendre. Loi mi-divine, mi-humaine, elle permettrait à l’homme de s’élever vers son Créateur, dans sa recherche de la Lumière, et de progresser vers la source de celle-ci.

    La Loi universelle, Loi du Grand Architecte, ne peut être ramenée à l’échelle humaine et la Loi Sacrée, qui en est une facette, a sa déclinaison dans chacun de nous, comme toutes les vérités transcendantes que nous tentons d’approcher. Mais la notion même de Loi Sacrée induisant l’existence d’une Loi universelle implique qu’il existe un ordre des choses inhérent à leur nature même. Elle implique que notre présence ici-bas n’est pas due au hasard mais qu’au contraire, elle a un sens.

    La recherche du sens à donner à sa vie est l’objet du travail incessant du Franc-maçon, fait d’applications pratiques, d’erreurs et de succès. C’est un travail interactif. La confrontation avec la réalité permet de corriger ce que notre intellect peut concevoir de manière trop théorique.

    Les raisons pour lesquelles le « Volume de la Loi Sacrée » est obligatoirement la Bible apparaissent de façon plus évidente au fur et à mesure que l’on progresse dans les degrés de nos rites et plus particulièrement ceux du Rite Écossais Ancien Accepté.

    Libre à chacun, bien évidemment, d’accepter ou de rejeter mes propos et mes interprétations personnelles. Mais je me dois de vous informer qu’à ma connaissance, toutes les Loges que j’ai visitées au sein de notre Obédience ont pour habitude d’ouvrir ledit « Volume de la Loi sacrée » à l'Evangile de Jean [6] qualifié parfois d'Evangile spirituel, ou d'Evangile de la Lumière. Cet Évangile se concentre sur quelques épisodes de la vie de Jésus auxquels il apporte un éclairage très particulier, quasi ésotérique. Il est célèbre en particulier par son Prologue qui, en dix-huit versets, donne une vision chrétienne de la Genèse.

    Lors de l’Ouverture des Travaux, le Vénérable s’arrête devant l’Autel pour y disposer correctement les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie. Il ouvre le « Volume de la Loi Sacrée » et le recouvre de l'Équerre et du Compas.

    Pour les Anglo-Saxons, c'est la Bible qui doit se trouver ouverte sur l'Autel. Si cette règle n'était pas observée, l'Obédience réfractaire serait déclarée « irrégulière ». En imposant la Bible, les Anglo-Saxons précisaient bien qu'il s'agissait de l'Ancien Testament. Mais dans nos Loges, la Bible est ouverte à la première page de l'Evangile de Jean qui comprend 51 versets. Ce que nous désignons par un raccourci un peu facile en disant « au Prologue de Jean » ne concerne que 18 premiers versets de ce chapitre. Cet Évangile est aussi souvent qualifié d' « Évangile de l'Esprit ». Il fait partie du Nouveau Testament.

    L'ouverture de la Bible à l'Evangile de Jean repose sur des raisons historiques et symboliques : ne perdons pas de vue qu’au début de la Franc-maçonnerie, tous les Frères étaient chrétiens. Le « Volume de la Loi Sacrée » le rappelle, et en même temps, symbolise tous les livres sacrés. Il n'implique aucune obligation d'adhérer au christianisme.

    L’ouverture du « Volume de la Loi Sacrée » au 1er chapitre de Jean est d’usage non écrit mais obligatoire à la G.L.R.B. Il s'agit d’un héritage de la Franc-maçonnerie française, d'une tradition ayant transité par le Grand Orient de Belgique puis par la Grande Loge de Belgique. Cet usage a été véhiculé par le rite moderne belge que notre Obédience a adopté comme rite officiel.

    L'Evangile de Jean et tout particulièrement les cinq premiers versets du Prologue rappellent l’œuvre du Verbe « existenciateur » : « Tout fut par lui, et rien de ce qui fut ne fut sans lui » (Jean 1-3), ce qui précise beaucoup le sens à donner au Livre ; Jean dont les Écritures nous disent qu’il était l’Apôtre préféré du Christ ; Jean l'Évangéliste que nous fêtons lors du solstice d’hiver ; Jean qui est devenu notre patron.

    Sous l'influence prédominante de l'idée chrétienne en Occident, nos aînés ont cru devoir choisir la Bible pour perpétuer au sein de la Maçonnerie le souvenir d'un enseignement que l'on pourrait synthétiser comme ceci : l'homme n’est pas un but en soi. Il naît ; il passe un certain temps sur terre puis il décline et meurt. Il est un maillon d'une chaîne infinie.

    La présence de la Bible dans nos Ateliers ne se justifie que par le désir de ne pas laisser s'estomper l'annonce de l'approche de la Lumière faite par Jean.

    Tradition et Volume de la Loi Sacrée sont donc très intimement liés. Ce Livre sacré est le témoin de différentes alliances, et l’une d’entre elles, l’alliance noachite, a permis, dans l’esprit des premiers Maçons spéculatifs de l’Angleterre du début du 18ème siècle, d’inscrire la Franc-maçonnerie et sa finalité spirituelle dans l'alliance la plus large qui ait été contractée entre Dieu et l'homme.

    En inscrivant la Franc-maçonnerie dans la perspective de l’alliance noachite, Anderson et Désaguliers ont fait du Noé biblique, ouvrier de Dieu – Grand Architecte de l’Univers, la figure symbolique de ce que nous aspirons à devenir : des éléments utiles de la construction universelle, des collaborateurs du Grand Œuvre, des pierres vivantes de ce Temple dont la Vérité transcendante, qui inspire et protège les Travaux des Maçons, est la clé de voûte.

    Parce que les outils de la construction, que sont l’équerre et le compas, sont liés au « Volume de la Loi Sacrée », qui renferme la Loi Morale, nous pouvons édifier notre temple intérieur, celui de l’esprit, en conformité avec le plan du Grand Architecte de l’Univers.

    La Grande Loge Régulière de Belgique travaille, faut-il le rappeler, à la gloire du Grand Architecte de l’Univers, Principe transcendant qui fonde et éclaire l’ascèse initiatique. Sans cette affirmation première il n’y aurait pas de filiation traditionnelle, pas de rattachement à une Loi Morale dont notre « Volume de la Loi sacrée » est le symbole.

    La plus ancienne tradition maçonnique, attestée par les Manuscrits des Anciens Devoirs et les Constitutions d’Anderson, établit très clairement que Dieu est le Grand Architecte de l’Univers, le Dieu biblique, le Dieu qui contracte l’alliance avec Noé, l’homme juste.

    Alors comment pourrait-il y avoir le moindre doute pour nous, Maçons réguliers, Maçons de tradition, que le « Volume de la Loi sacrée » soit autre chose que la Bible sur lequel nous prêtons toutes nos obligations, tous nos serments ?

    Ceux qui en doutent se sentent-ils réellement chrétiens au sens où l’entendait le rédacteur de nos Constitutions en 1717 ? Notre Obédience affirme l’existence de Dieu, Etre Suprême qu’elle désigne sous l’appellation « Grand Architecte de l’Univers » et nous impose d’admettre cette affirmation tout en nous laissant la liberté de le définir ou ne de pas le définir.

    Tout Profane, de confession  juive, musulmane ou autre, s’il est bien parrainé en vue de son entrée en Loge, est censé savoir à quelle porte il frappe et connaître les conditions strictes pour intégrer notre Ordre.

    Et nul ne peut méconnaître à quel point la Bible – et l'Evangile de Jean en particulier – concourent à la construction de l’ésotérisme maçonnique. C’est là que réside tout le symbolisme de la « Parole Perdue » qui rejoint, en différents aspects, le mythe de l’origine et la perfection de la Création.

    La Bible constitue un sujet extrêmement complexe. Elle se prête à plusieurs lectures. Les rabbins parlent de soixante-dix (septante) lectures différentes, nombre évidemment symbolique [7] !

    Disons simplement que nous pouvons prendre la Bible comme l’histoire, à la fois mythique et réelle, du peuple juif, conçue de telle façon que c’est en même temps l’histoire mythique de l’humanité et l’histoire en devenir de chaque homme. Chacun de nous est un élément constitutif de ce corps qu’est l’humanité et dont l’histoire nous est contée. Lue ainsi, la Bible est absolument adogmatique et non religieuse. Elle fait partie du patrimoine de l’humanité et n’est pas propriété ni monopole des religions qui se sont fondées sur elle.

    Pour la suite de cet exposé, je m’appuierai donc sur ma conviction personnelle : ce « Livre » sur lequel j’ai, jusqu'à présent, prêté beaucoup de serments, c’est la Bible, Bible que je vais tenter de vous présenter, le plus simplement possible.

     

    Ce qu’est la Bible

    Pour comprendre la Bible, il est indispensable de la prendre pour ce qu’elle est. Son nom vient du pluriel grec « ta biblia », signifiant « les livres ». En effet, la Bible contient 74 écrits. C’est la bibliothèque d’un peuple, rassemblée au cours de mille ans. Avant d’être écrites, les pages de la Bible ont été vécues par un petit peuple, d’abord nomade, puis esclave de grandes puissances, ensuite libéré, déporté, dispersé.

    Une multiplicité d’auteurs – le plus souvent inconnus – ont participé à la rédaction, à la réécriture, à la réactualisation des textes. Aucun auteur n’était conscient d’écrire la Bible.

    Au début de notre ère, jusqu'au 4ème siècle, les écrits de l’Ancien et du Nouveau Testament ont été peu à peu rassemblés et reconnus par l’Eglise du Christ comme le lieu privilégié de la Parole de Dieu.

    Au 12ème siècle, la Bible, c’est ce qui est représenté ; c’est le principal repère dans la société d’autrefois, celle des Chevaliers Templiers, celle qui a construit nos cathédrales d’Europe occidentale. C’est la principale référence dans la tradition des Francs-maçons opératifs.

    La Bible ainsi constituée est un livre ouvert. Elle comporte des lois, mais n’enferme personne dans un code suranné. Certes, elle parle de Dieu. Plus de dix mille fois, même ! Mais elle ne réduit jamais Dieu à une formule unique. Elle comporte des mythes, des prières et des chants d’amour pour aider le lecteur à découvrir une autre dimension de la réalité. Elle rassemble aussi des maximes de sagesse, comme un partage d’expériences pour chercher la Sagesse.

    La Bible contient des traditions différentes (deux récits de la création, quatre évangiles…). Elle est le résultat de milliers de regards. Par sa structure même, elle est pluraliste et laisse aux générations à venir un espace ouvert à la recherche.

    On dit que la Bible est l’ouvrage le plus vendu et le moins bien lu !

    La Bible a été traduite en plus de 2160 langues et est vendue à plus de 20 millions d’exemplaires par an.

    Difficile d’accès dans ses différentes traductions ou interprétations, la connaissance de rudiments d’hébreu peut en faciliter la lecture et la saisie de signaux, à condition d’être patient et vigilant.

    La recherche symbolique permet d’y puiser des enseignements simples et universellement reconnus : les symboles bibliques se rapportent généralement à l’origine de l’univers, aux éléments de la création, à la tradition de la « Chute » dans l’univers matériel et de la rédemption ainsi qu’aux rapports de l’être avec Dieu, à travers ses attributs ou ses manifestations.

     

    Ce que la Bible n’est pas

    Pour peu que l’on daigne la feuilleter, on peut rapidement s’apercevoir que la Bible n’est ni un cours de morale ou de religion, ni un livre dicté par Dieu, ni un livre compliqué inaccessible aux non-spécialistes, ni un livre pratiquant et préconisant la pensée unique. La Bible n’est pas non plus un livre réservé aux initiés et aux croyants.

    La Bible n’est pas le seul livre religieux de l’humanité. Au cours des âges, d’autres livres ont été écrits. Certains sont perdus à jamais. D'autres reposent dans les musées ou les bibliothèques. D'autres nourrissent toujours la foi des croyants.

    Le « Livre des morts » des anciens Égyptiens cherchait déjà à abolir la barrière entre la vie et l’au-delà.

    Je ne m’étendrai pas sur les ouvrages qui transmettent la mystique de l’hindouisme ni sur les 300 ouvrages bouddhistes traduits directement du sanskrit en tibétain.

    Je rappellerai simplement que le Coran est, pour le musulman, l’écrit sacré par excellence, le livre sacré de l'islam. Sa tradition le présente comme le premier ouvrage rédigé en langue arabe claire, affirmation dépendante de la notion d'inimitabilité du Coran. Le Coran regrouperait les paroles que Dieu aurait révélées au prophète et messager de l'islam Mahomet par l'archange Gabriel.

    Quant à la Torah, elle est, selon le judaïsme et le christianisme, l'enseignement divin transmis par Moïse au travers de ses cinq Livres, ainsi que l'ensemble des enseignements qui en découlent.

    Tous ces écrits sacrés sont témoins d’une Humanité qui cherche Dieu. Mais aucun d’eux n’inscrit la découverte et la révélation de Dieu dans le déroulement concret de l’histoire humaine.

    Alors, la Bible, à quoi sert-elle ?

     

    La Bible, ça sert à quoi ?

    Grâce aux moyens de diffusion modernes, la Bible peut rejoindre la plus grande partie de l’humanité. Mais pour quoi faire ? Pour asservir ou pour libérer ? Pour endoctriner ou pour inviter à la recherche ? Pour ouvrir les yeux ou pour aveugler ? Les croyants comme les non-croyants peuvent y découvrir un joyau du patrimoine mondial, un des moments exceptionnels de l’histoire humaine : la vie et la lutte d’un petit peuple avec, au cœur, une immense espérance, un souci de justice et une recherche de sens. Pour les croyants, la Bible est en outre un lieu privilégié où Dieu se laisse découvrir et se révèle de multiples manières. Ils regardent la Bible comme la « Parole de Dieu ». Ceux qui hésitent, se demandant s’ils sont croyants ou non, peuvent trouver dans les écrits bibliques un chemin vers le cœur de l’homme, des lumières sur le sens de l’histoire et peut-être une approche de Dieu, Grand Architecte de l’Univers.

     

    Une histoire d’amour

    La Bible chrétienne comporte deux grandes parties. On a pris l’habitude de les appeler « Ancien Testament » et « Nouveau testament ».

    Dénomination malheureuse bien que traditionnelle, « Ancien » fait penser à quelque chose de vieux, de poussiéreux. « Testament » fait penser à la mort. Parler d’Ancien Testament aujourd'hui c’est situer cette partie de la Bible dans un passé sans intérêt. Pourtant elle représente plus des ¾ de la longueur des écrits bibliques. Elle a une dimension historique, vitale, humaine qui constitue le terreau dans lequel est né Jésus.

    Ne pourrait-on pas changer sa dénomination ? Le mot « testament » (qui vient du latin « testamentum ») traduit le mot grec « diathekè » qui est lui-même la traduction de l’hébreu « Berith ». Or, « Bérith », c’est l’alliance. Si testament évoque la mort, l’alliance évoque l’amour, l’engagement, le mariage, la vie. Il vaut donc mieux revenir au sens original et parler de Première Alliance (He 8,7) et de Nouvelle Alliance (He 8,8).

    La Bible juive comporte les livres de la Première Alliance écrits en hébreu.

    Les livres écrits en grec ne figurent normalement pas dans les Bibles protestantes. Les livres de la Nouvelle Alliance – à l’origine tous écrits en grec – se trouvent dans toutes les Bibles chrétiennes.

    Pour moi, la Bible est enracinée et universelle. Elle est universelle parce qu’elle est enracinée. Non pas une universalité faite d’idées abstraites, mais une universalité qui rejoint en profondeur la recherche humaine et ses interrogations sur le sens de la vie, de l’histoire et de l’univers.

     

    Quelques clés pour lire un texte biblique

    Quand on lit un texte biblique aujourd'hui, on ressent tantôt un sentiment de familiarité, tantôt un sentiment de dépaysement, tantôt un sentiment de nouveauté.

    Aujourd'hui, le recul favorise la vérité par rapport au texte biblique que l’on ne coupe pas de ses racines mais favorise aussi la vérité avec nous-mêmes qui sommes enracinés dans le monde avec sa complexité, ses craintes et ses espoirs.

    Ces trois attitudes ne constituent pas une grille de lecture dont on serait l’esclave, mais plutôt trois préoccupations qui devraient habiter celui qui veut lire la Bible comme une parole de vie pour aujourd'hui.

    Outre ces deux grandes parties que constituent l’Ancien et le Nouveau Testaments, découvrons, pour terminer, quelles sont les subdivisions de la Bible.

     

    Les Livres de la Bible

    L’Ancien testament ou « Première Alliance » est composé de quatre grandes parties :

    1. Le Pentateuque est la base historique, législative et théologique de l’Ancien Testament. Comme l’indique son nom, il comporte 5 livres : la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome.
    2. Les livres historiques portent des regards différenciés sur l’histoire d’Israël depuis l’entrée en terre de Canaan vers – 1200 jusqu'au seuil du Nouveau Testament. Ce sont par exemple le livre des Rois, les Chroniques, les Maccabées…
    3. Les livres poétiques contiennent des maximes de sagesse, des réflexions sur la condition humaine et des chants. Ce sont par exemple les psaumes, les Proverbes, le Cantique des cantiques… 
    4. Les livres prophétiques qui témoignent de l’action vigoureuse d’hommes de Dieu cherchant à réveiller la conscience d’Israël. Parmi les plus souvent cités : Isaïe, Ézéchiel, Daniel, Amos, Jonas, Aggée, Zacharie…

     

    Le Nouveau Testament ou la Nouvelle Alliance comprend :

    1. Les Évangiles de Mathieu, de Marc, de Luc et de Jean, quatre regards sur la vie, l’action et le message de Jésus, écrits entre 65 et 95 après Jésus-Christ.
    1. Les Actes des Apôtres, qui présentent l’histoire des premiers chrétiens et de la diffusion de la Bonne Nouvelle jusque dans les années 60.
    1. Les lettres de Paul, écrites entre 52 et probablement 67.
    1. La lettre aux Hébreux, qui s’adresse à des prêtres juifs devenus chrétiens.
    1. D'autres lettres d’apôtres, attribuées à Jacques, à Pierre, à Jean, à Jude.
    1. L’Apocalypse ou Révélation. Elle clôt les livres bibliques mais ouvre également sur l’avenir.

     

    Conclusion toujours provisoire…

    Dans cette planche, j’ai rappelé que la Tradition est le support d’une conception du monde appréhendée et caractérisée par des rites et des symboles ; que la Franc-maçonnerie traditionnelle nous propose des enseignements secrets au moyen de rituels propres à chaque degré. Ces degrés sont nécessaires car la Vérité, qui existe au plus profond de chaque homme, ne se révèle et ne se concrétise que par étapes.

    Les enseignements de la Franc-maçonnerie n’évoluent pas, ne peuvent évoluer et doivent demeurer fidèles à son expression. Aussi, au sein de la Tradition, la source est intrinsèquement transcendante. Le symbolisme maçonnique nous convie à l’effort de construire l’homme en nous-mêmes, d’aller vers la Lumière et d’œuvrer toujours à la fois en créateur et en artisan probe et persévérant. Ce symbolisme dit que la Lumière est et qu’il n’est pas de plus haute démarche pour l’homme que d’aller vers Elle sur le chemin de l’Initiation. En vertu même de son adhésion aux idéaux maçonniques traditionnels, plusieurs principes universels définissent le caractère régulier de notre Obédience.

    A ce sujet, j’ai rappelé que la croyance en Dieu, Grand Architecte de l’Univers, et en sa volonté révélée, est une condition impérativement nécessaire pour l’admission de nouveaux membres dans nos Loges. En effet, la Franc-maçonnerie affirme l’existence de Dieu, Etre Suprême qu’elle désigne sous le vocable de « Grand Architecte de l’Univers ». Elle le rappelle dans le Décret n° 2, le seul document officiel de notre Obédience dans lequel l’article 4 stipule que la Bible, dénommée par les  Francs-maçons « le Volume de la Loi Sacrée » est toujours ouverte dans les Loges. Même si, dans certaines obédiences ou à certains rites, il est dit au candidat que ce Volume de la Loi sacrée, c’est la Bible, pour moi, ce Volume est toujours la Bible, ouverte au Prologue de l'Evangile de Jean. Agir autrement reviendrait à vider le rite de son sens !

    J’ai aussi rappelé que tout Travail maçonnique se fait à la gloire du Grand Architecte de l’Univers et en présence des trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie : le Volume de la Loi Sacrée sous l'Équerre et le Compas sur lesquels sont prêtés tous les serments ou obligations. C’est pourquoi les trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie doivent toujours être exposées pendant les Travaux de la Grande Loge et des Loges placées sous son contrôle. Tous les Initiés doivent prêter leur Obligation sur le « Volume » ou « Livre de la Loi Sacrée » dans lequel est exprimée la Révélation d’En Haut.

    Il ne fait donc aucun doute pour moi que le « Volume de la Loi Sacrée » ne peut être que la Bible puisque nous avons aussi l’obligation de l’ouvrir au début de l'Evangile de Jean, chapitre qui nous annonce l'approche de la Lumière.

    Le répétons-nous suffisamment chaque année lors de la célébration du Solstice d’hiver ? Ce texte pourrait être l'expression de la volonté divine mais seul un Initié parfait pourrait le comprendre dans sa totalité. Il me semble que le Prologue de Jean évoque aussi, de façon implicite, l'objet premier de la Franc-maçonnerie et suggère au Franc-maçon de se préparer, de se perfectionner, de rechercher la Lumière qui est en lui afin d'accéder à la Connaissance, c'est-à-dire de contribuer à l'édification de son propre Temple puis à celle du Temple de l'Humanité.

    Mais pour tendre vers la réalisation de ces suggestions, mes Frères, ne conviendrait-il pas en premier lieu de se rappeler que si c'est un privilège d'être Franc-Maçon, c'est un devoir d'assister aux Tenues ?

    R:. F:.  A. B.

     

    [1] La Torah (en hébreu, « instruction » ; en grec ancien, « Loi ») est, selon le judaïsme et le christianisme, l'enseignement divin transmis par Moïse au travers de ses cinq Livres, ainsi que l'ensemble des enseignements qui en découlent.

    [2] Les Védas ont toujours constitué une dimension centrale de la vie hindoue. Les Védas sont considérés comme les plus anciens livres dans la bibliothèque de l’humanité. Ils auraient plus de 45 000 ans. Les Vedas constituent un ensemble de textes qui auraient été révélés par l’audition aux sages indiens. Cette « connaissance révélée » a été transmise oralement de brahmane à brahmane au sein du védisme, du brahmanisme, et de l'hindouisme jusqu'à nos jours sur une période indéterminée.

    [3] L'Avesta est l'ensemble des textes sacrés de la religion mazdéenne et forme le livre sacré, le code sacerdotal des zoroastriens.

    [4] La révélation est, pour une religion, la connaissance qu'elle affirme détenir de source divine. Les manifestations divines par lesquelles cette connaissance est parvenue aux hommes sont tantôt des apparitions (théophanies), tantôt l'inspiration à des prophètes de textes considérés comme sacrés. Des religions abrahamiques comme le judaïsme, le christianisme et l'islam, en particulier, sont dites révélées.

    [5] La cosmogonie, c’est la science ou le système de la formation de l'Univers.

    Des récits oraux de cosmogonie fondent presque toutes les religions et sociétés traditionnelles, mais de nombreux traités sur les origines possibles de l'univers ont aussi été écrits par des philosophes ou des penseurs scientifiques.

    Nombre des milliers de légendes de création du monde et de récits cosmogoniques traditionnels relatifs aux origines du monde, des dieux ou des institutions, appartiennent à la catégorie des mythes fondateurs. Les figures idéales et les modèles intemporels y ont donc une place importante.

    [6] Ne convient-il pas de dire « Jean » et non « saint Jean » ? Le qualificatif de « saint » peut en effet paraître réducteur : il a été attribué par une religion à un personnage d’envergure universelle.

    [7] Le nombre 70 signifie quelque chose de complet du point de vue de Dieu en rapport avec les hommes. Quand le nombre sept est employé dans un sens symbolique, c'est toujours en rapport avec des choses spirituelles ou célestes et il représente la plénitude spirituelle (Lév. 4: 6; Héb. 24­26), ou que les choses sont pleinement accomplies du point de vue de Dieu. Le nombre dix évoque la totalité, l'intégralité, l'ensemble, la somme de tout ce qui compose quelque chose.  Les multiples de sept servent eux aussi à rendre l'idée de ce qui est complet.


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  •  Les trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie 

    L’expression « trois Grandes Lumières » désigne l’association et la présence sur l’autel de la Bible, de l'Équerre et du Compas. Cette expression pourrait nous faire penser à un modèle symbolique ternaire mais il n’en est rien. Du point de vue symbolique, il s’agit d’un modèle binaire formé par l'Équerre et le Compas posés sur un livre qui lui n’est pas un symbole. Tentons de comprendre cette nuance.

    Aux temps des origines de la Franc-maçonnerie opérative

    D'après R. Ambelain, à une époque où pendant six cents ans, du Concile de Toulouse de 1229 jusqu'à la Révolution Française - période de l'Edit de Nantes mise à part - aucun laïc ne pouvait détenir l'Ancien et le Nouveau Testament. Nous comprenons alors mieux pourquoi les Maçons opératifs se limitaient à associer la Règle au Compas et à l’Équerre plutôt qu'à un livre. Qu'en auraient-ils fait d'ailleurs ? Et comment ? La plupart ne savaient pas lire. L'Evangile ou l'Ancien Testament n'étaient accessibles qu'à l'état de manuscrits, aussi rares que coûteux. L'invention de l'imprimerie ne devait rien leur apporter en ce domaine. Les Bibles imprimées étaient rares, chères, volumineuses et encombrantes. Si leur possession et leur lecture étaient accessibles aux gens instruits et fortunés, ce n'était que dans les états totalement acquis à la Réforme. Les nations catholiques étaient obligées de respecter l'interdiction romaine, formulée et appuyée par le bras séculier.

    Dans les pays où la Réforme s'était bien installée, la lecture de la Bible supposait acquis le droit pour chacun d'interpréter le texte selon sa conscience.

    Dans les pays de la Contre-réforme, vint un temps où l'interdiction de posséder la Bible fut levée. Mais l'édition devait être contrôlée par l'Eglise romaine. Ainsi, ce qui était signe de liberté de conscience pour les uns était signe de contrainte pour les autres.

    La présence de la Bible sur un autel en Loge ne pouvait être vue de la même façon par les profanes qui venaient à la Franc-maçonnerie avec une éducation réformiste et par ceux qui, croyants ou incroyants, vivaient dans le contexte de la Contre- réforme.

    L'abolition de la présence de la Bible sur l'autel, décidée par les obédiences d'Europe continentale, fut une des raisons de rupture entre des obédiences.

    Les tentatives faites en Loge, pour remplacer sur l'autel la Bible avec l’Équerre et le Compas ont parfois été dénommées « Rétablissement des symboles ». Pour Raoul Berteaux, « cette expression est inadéquate car la Bible n'est pas un symbole. Le symbole est présenté sous la forme d'un modèle binaire posé sur le livre. Il est bien évident cependant que les récits de ce livre font un appel intense au langage symbolique, à commencer par le tout premier, intitulé « Genèse », pour terminer par le tout dernier, intitulé « Apocalypse » ».

    Les fondements de la Franc-maçonnerie spéculative

    Il est généralement admis par l'Ordre maçonnique et l'ensemble de ses institutions, principalement celles qui sont ou se disent « régulières », respectueuses des anciens usages, que les références aux « Landmarks » correspondent à des limites ou règles auxquelles il convient de ne pas toucher sous peine d'être considéré comme irrégulier.

    Les « Landmarks »

    La première mention écrite du mot « Landmarks » apparaît dans les Constitutions d'Anderson de 1723, à la fin des « Règlements généraux ».

    Il convient de remarquer qu'on ne trouve nulle trace du mot « Landmark » dans les comptes-rendus de la Grande loge des « Modems » (de 1723 à 1758) et qu'il n'est cité qu'une seule fois dans ceux de la Grande Loge des « Antients » (de 1752 à 1760).

    Les « Landmarks », règles immuables, sont les limites de l'espace dans lequel nous nous trouvons en Franc-maçonnerie régulière et à l'extérieur duquel nous nous en séparons. Ces règles sont le substrat de l'Ordre. Les Anglo-saxons considèrent les «Landmarks» comme existant depuis des temps immémoriaux et comme étant une sorte de loi non écrite qui exprime l'essence même de l'Ordre et que tout Maçon doit maintenir inchangée.

    Pour Triaca Ublado, il n'y a pas un document unique dans lequel tous les «Landmarks» seraient exposés dans le détail. Ils existaient dans un passé éloigné, bien avant le regroupement des quatre loges à Londres en 1717 et étaient consignés dans des manuscrits qui auraient été volontairement brûlés en 1720.

    Pour Jean Lhomme, il existe de nombreuses listes de « Landmarks » qui ont été publiées depuis la naissance de la Franc-maçonnerie spéculative. Les listes existantes compilées par de nombreux auteurs en comptent entre cinq et septante- cinq !

    Jules Boucher note que la Grande loge Unie d'Angleterre a réduit à huit le nombre de « Landmarks ». Le sixième « Landmark » est rédigé comme suit : « Les trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie (Livre de la Loi sacrée, Enquerre et Compas) seront toujours exhibées pendant les Travaux de la Grande Loge ou des Loges sous son contrôle, la principale de ces Lumières étant le Livre de la Loi sacrée».

    Selon Raoul Berteaux, « Le dépôt du modèle symbolique Enquerre - Compas sur la Bible devait garantir, en principe, au Franc-maçon que la lecture de la Bible ne lui serait pas imposée conformément à des dogmes. Ces conditions convainquirent un certain nombre de Maçons du continent qui rétablirent la présence de la Bible avec l’Équerre et le Compas. Ces mêmes conditions n'ayant pas convaincu d'autres Francs-maçons, la rupture subsista entre des obédiences maçonniques ».

    La liste dressée par Harry Carr maintient cinq « Landmarks », reconnus unanimement :

    1. le Maçon doit professer la croyance en Dieu, Grand Architecte de l'Univers ;
    2. le Volume de la Loi sacrée doit être présent en loge et ouvert au vu de tous ;
    3. le Maçon doit être un homme libre et d'âge suffisamment mature ;
    4. le Maçon, de par ses actions et déclarations, doit allégeance à l'Etat et à la Franc-maçonnerie ;
    5. le Maçon croit à l'immortalité de l'âme.

    Pour Guy Boisdenghien, ces règles immuables sont au nombre de six :

    1. la croyance en Dieu, Grand Architecte de l'Univers ;
    2. la présence sur l'autel du Volume de la Loi Sacrée recouvert de l’Équerre et du Compas ;
    3. l'interdiction des discussions politiques et religieuses en Loge ;
    4. l'obligation de travailler en Loge ;
    5. le respect des pouvoirs civils de la nation ;
    6. l'observance du secret maçonnique.

    Ces règles sont le substrat de l'Ordre, étant la nature même du lien qui unit les Frères. Il est donc inadéquat de tes interpréter en termes profanes comme certains Maçons non réguliers qui, gênés par ces exigences, traitent la Franc-maçonnerie traditionnelle de dogmatique !

    La Franc-maçonnerie Traditionnelle n'est pas dogmatique car l’Initiation vise la réalisation intérieure de l'individu. Cette Initiation ne peut évidemment s'effectuer si l'on est soumis à quelque dogme que ce soit !

    Pour Marius Lepage [1], « une seule affirmation historique est traditionnellement possible : personne n'a jamais vu un Landmark, parce qu'en réalité, un Landmark n'est qu'un mythe forgé par un poète. Personne ne sait ce que les « Landmarks » contiennent ou ce qu'ils excluent. Ils ne se rapportent à aucune autorité humaine, parce que tout est « Landmark» pour l’interlocuteur qui veut nous réduire au silence, mais rien n'est « Landmark » de ce qui lui barre le chemin ».

    Parmi tous les « Landmarks » anglo-saxons, la croyance en l'existence de Dieu, considéré comme le Grand Architecte de l'Univers est un « Landmark » d'une extrême importance par les discussions qu'il a suscitées.

    La notion du Grand Architecte de l'Univers est, en Maçonnerie, à la fois plus ample et plus restreinte que celle du Dieu des diverses religions. Dès son origine, la Franc-maçonnerie, en adoptant cette expression, a ainsi montré sa conception de la divinité dans ses rapports avec le monde et avec l'homme.

    Pour René Guénon, « le Grand Architecte de l'Univers trace le plan idéal qui est réalisé en acte, c'est-à-dire manifesté dans son développement indéfini par les êtres individuels qui sont contenus dans son Etre Universel ; et c'est la collectivité de ces êtres individuels, envisagée dans son ensemble, qui constitue le Démiurge, l'artisan ou l'ouvrier de l'Univers ».

    Les Old charges (Anciens Devoirs)

    Sont appelés « Old charges » des manuscrits anglais s'étendant du 14ème au 18ème siècle. Cette expression est généralement traduite en français par « Anciens devoirs». Ils enseignent l'histoire du métier. Les seuls manuscrits du moyen âge restant sont le « REGIUS » datant de 1390 et le « COOKE » datant de 1425.

    Ces manuscrits, qui se ressemblent beaucoup par leur contenu, sont divisés en deux parties :

    • Histoire légendaire de la Maçonnerie identifiée à la Géométrie et aux Arts libéraux ;
    • Exposé des devoirs du métier et de la corporation.

    Les « Old charges » énonçaient des règles qui, avant de devenir des symboles d'un perfectionnement moral et spirituel, étaient, pour les maçons opératifs, immédiatement applicables à leur vie quotidienne et à leur activité professionnelle. En 1986, cent treize textes différents de « Old charges » ont été recensés !

    Les Constitutions d'Anderson

    Peu d'années après la formation de la première Grande loge parurent les Constitutions d'Anderson qui étaient destinées, dans l'esprit de leur auteur et de la Grande loge qui les commanditait, à remplacer les « Old charges ».

    C'est au cours de l'année 1723 qu'elles ont été publiées. Il s'agit du texte fondateur de la Franc-maçonnerie spéculative mais il est en même temps l'aboutissement d'une longue histoire, celle des Maçons opératifs qui avaient constitué des loges dès le Moyen Age.

    Cet ouvrage, dû au Pasteur James Anderson, contient les charges d'un Franc-maçon qui font toujours autorité actuellement, bien que le texte ait déjà été modifié en 1738, 1813, 1929 et 1989.

    La Franc-maçonnerie universelle invoque le Grand Architecte de l'Univers et professe la croyance en l'immortalité de l'âme mais elle n'impose aucun précepte.

    Aucun culte n'y est enseigné. Aucune vérité n'y est révélée. Société initiatique à base philosophique, elle admet la liberté de conscience et la tolérance mutuelle.

    Le symbole du Grand Architecte de l'Univers se retrouve dans les principes de base et caractéristiques de la plupart des différentes obédiences.

    Les trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie

    Les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie forment symboliquement un tout. Selon un historien de la Franc-maçonnerie Ubaldo Triaca, « on peut en déduire l'intention des Maçons de ne pas accepter le contenu du livre sacré dans son sens littéral mais bien de l'interpréter au moyen du symbolisme, du Compas et de l’Équerre. Le Volume de la Loi Sacrée est donc un symbole et, à ce titre, il doit être admis comme tous les autres symboles maçonniques.

    L’Équerre, deuxième des Trois Grandes Lumières, enseigne à vivre et à régler ses actions à angle droit. Elle met en garde contre les chemins tortueux et fleuris de l'erreur. Elle instruit du respect des droits d'autrui.

    Le Compas, troisième des Trois Grandes Lumières, donne les justes limites dans lesquelles on doit se tenir dans les rapports avec ses semblables ».

    Le point de vue d’Ubaldo Triaca est sans doute acceptable au sein de nos Loges « bleues » mais une fois entré dans les Loges dite « de perfection », le Volume de la Loi sacrée ne peut plus être considéré tout simplement comme un symbole !

     

    * Les trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie

    Le Volume de la Loi Sacrée

    Sur l'autel des serments est posé le Volume de la Loi Sacrée sous forme de livre ouvert. Il représente le livre du Verbe créateur, manifesté sous l'aspect de la révélation. La tradition révélée par le Volume de la Loi Sacrée dans son sens ésotérique est source de connaissance et de méditation. L'Eternel créa le monde par le Verbe qui s'incarne dans la langue sacrée et dans la parole rituelle qui contient l'essence primordiale. Un livre fermé garde son secret. Un livre ouvert instruit celui qui le lit, dévoile ce qui est caché.

    Ce livre contient un double message. Le premier comporte un enseignement extérieur, représenté par les dogmes et une loi morale à caractère exotérique. Le second message développe une cosmogonie [2] et contient un message symbolique à décrypter et qui est à caractère ésotérique. Le second n'exclut pas le premier mais, au contraire, l'éclaire en ouvrant sur le champ indéfini des possibles et permet de dépasser les limites étroites de la dualité.

    Certains considèrent que le Volume de la Loi Sacrée contient le message d'une Tradition intemporelle, celle-ci étant l’expression de la relation entre la Vérité et la Sagesse, mais à moindre niveau elle contient une loi morale sur laquelle devrait s'appuyer tout Franc-maçon.

    Equerre et Compas réunis

    L'équerre et le compas sont les outils de l'homme libre. Ils sont les outils de la pensée qui se reconnait le pouvoir de rendre compte de la réalité, de connaître ses lois et de la modifier pour améliorer la condition humaine. Ce sont des outils conçus par l'homme pour l'assister dans l'exercice d'un pouvoir qu'il se reconnaît sur le réel. Le symbolisme éclaire le sens de ces outils car il les présente comme les images de l'esprit qui les conçoit et les crée. L’Équerre et le Compas sont des symboles parce qu'ils réfractent dans la matière les formes de l'esprit.

    Plusieurs auteurs ont, au contraire, considéré que l’Équerre et le Compas [3] ne sont pas des symboles et qu'ils n'acquièrent leur symbolisme que dans leur association ! Si l'on demeure satisfait des analogies qui peuvent être faites entre l’Équerre et la rectitude, le Compas et l'entendement ou la connaissance, alors ces auteurs ont raison. Mais n'est-ce pas un peu trop schématique ?

    Celui qui essaie de pénétrer le sens profond et vrai des outils, qui tente de l'intérioriser, qui s’applique à vivre avec ces instruments afin de transformer sa conduite, peut en faire de véritables symboles.

    Dans l'univers maçonnique, le Compas me semble aussi représenter symboliquement le degré d'avancement du Maçon. Il est l'un des outils majeurs de l'expression de celui qui cherche, qui est en quête de connaissance. A ce titre, il est souvent représenté en compagnie de l’Équerre, cet autre instrument de mesure et de création.

    De fait, l’Équerre est souvent associée au Compas dans les représentations concernant les trois premiers degrés. Mieux, je pense que l'on peut affirmer qu’Équerre et Compas sont intimement liés ! Il n'est qu'à lire les textes anciens pour s'en rendre compte : l’Équerre unie au Compas est l'insigne des Maîtres.

    L’Équerre contrôle le travail du Maçon qui doit agir en tout avec rectitude et en s'inspirant de la plus scrupuleuse équité. Le Compas dirige cette activité en l'éclairant afin qu'elle trouve son application la plus judicieuse et la plus féconde.

    Si le Compas est signifiant de l'esprit, l’Équerre va évoquer la réalité, le concret, la matière. Elle se rapproche en cela du carré pour le tracé duquel elle est nécessaire bien que le Maître sache aussi le tracer avec le Compas.

    Pour Raoul Berteaux, « ces deux instruments ne sont des symboles que s'ils sont associés. C'est alors qu'ils forment un modèle symbolique binaire. L'association d'un carré et d'un cercle ayant un centre commun constitue un modèle symbolique corrélatif. Par extension, tout groupement autour d'un centre commun de figures quadrangulaires et de figures circulaires constitue un modèle symbolique Enquerre- Compas ».

    Si l’Équerre et le Compas font partie de l'instrumenta maçonnique en tant que filiation des outils des Francs-maçons opératifs, le modèle symbolique formé par l'association des deux instruments nous relie à de lointains ancêtres et constitue un modèle de caractère universel.

    Examinons à présent comment sont disposés ces deux instruments lorsqu'ils sont assemblés au cours de l'Ouverture de nos Travaux de Loge d'Apprentis.

     

    * Les trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie

    Disposition de l'Equerre et du Compas sur l'autel

    Lors de l'Ouverture des Travaux, le Vénérable s'arrête devant l'autel pour y disposer correctement les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie. Il ouvre le Volume de la Loi Sacrée et y dépose le Compas qu'il recouvre de l’Équerre.

    Sur la Bible ouverte au Prologue de saint Jean, l’Équerre et le Compas peuvent être placés de trois façons différentes mais le Compas est toujours ouvert à 45°. Ces dispositions évoquent un progrès moral ou une hiérarchie de valeurs. Elles constituent en quelque sorte des sigles distinctifs de chacun des trois degrés et procèdent de l'allégorie. Mais ne dévoilons rien du symbolisme des deux degrés suivants !

    La Bible est donc couverte de l’Équerre et du Compas. Nous sommes en présence d'un modèle symbolique universel. Dans ce modèle binaire, l’Équerre est associée à la partie matérielle du Cosmos, c'est-à-dire pour nous la Terre, tandis que le Compas est associé au cercle, aux Cieux, à l'esprit. L’Équerre est donc l'emblème de l'homme et le Compas celui du Grand Architecte de l'Univers.

    Au degré [4] d'Apprenti, nous constatons que l’Équerre couvre les deux branches du Compas.  Il semblerait que ce soit pour indiquer qu'à ce stade on ne peut demander plus du Néophyte que SINCÉRITÉ et CONFIANCE, conséquences naturelles de la droiture et de la rectitude.

    Effectivement, on ne peut pas déjà demander à l'Apprenti la Sagesse qu'il n'a pas encore acquise. Sa probité et sa rectitude naturelles sont tout ce que les Maîtres attendent de lui, principalement le Second Surveillant. La matière prime sur l'Esprit.

    Par cette disposition, on signifie à l'Apprenti qu'il œuvre sur la matière. Son rôle consiste à dégrossir la Pierre brute avec les seuls outils dont il dispose, le Maillet et le Ciseau. Il ne sait pas ce que sera l'édifice car il n'a pas eu connaissance des plans.

    Il faut encore remarquer que les pointes du Compas sont tournées vers le bas et que l’Équerre est toujours ouverte vers le haut. Cela signifie que le Maçon ne doit pas se comporter en pur esprit mais au contraire mettre en application ce qu'il découvre ou apprend. Demeurer dans le domaine purement spéculatif est un comportement stérile, sans réelle utilité. D'autre part, il ne doit pas rester prisonnier de la matière mais il doit s'efforcer de la dominer en s'élevant lui-même afin de vivre en harmonie avec le monde.

    Si l'on fait référence aux bâtisseurs, on pourrait dire que l'architecte avait deux combats à mener : l'un contre la pesanteur et l'autre contre l'obscurité. Il lui fallait parvenir à une légèreté, sans pour autant nuire à la robustesse de l'ensemble, qui puisse laisser pénétrer la lumière. Le maître d'œuvre avait pour ambition d'alléger sa construction par des ouvertures, dans une harmonie de vides et de pleins, afin de l'aérer, de la rendre lumineuse. Cette double exigence est figurée par l’Équerre et le Compas : l’Équerre, outil de la matière, de la pesanteur alliée au Compas, instrument du ciel, de la Lumière.

    Je voudrais encore évoquer succinctement la signification de la présence des Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie lors de notre Initiation, au moment de notre prestation de serment.

    L'Equerre et le Compas dans la prestation de serment

    Une fois les trois voyages accomplis, nous avons dû prononcer notre serment et nos obligations avant de recevoir l'illumination de la Lumière. Nous avons été conduits à l'autel. Le rituel ancien nous a fait mettre le genou droit à terre et la jambe gauche en équerre, en signe de soumission, de respect à tout ce qui est équitable et juste. Dans notre main gauche nous avons tenu un Compas dont les pointes étaient appuyées sur la région du cœur mise à découvert, en signe de sincérité parfaite des sentiments exprimés.

    Pendant que nous prononcions notre serment, la paume de la main droite ne touchait pas directement la Bible mais était en contact avec l’Équerre, représentant la Terre, et le Compas représentant le Ciel.

    Selon Guy Boisdenghien, « ce modèle symbolique binaire marque la dimension initiatique de la prise de serment. Il dépasse la personne qui le prononce en ce sens que le divin et le cosmique sont solidairement présents et de surcroît garanties de l'engagement pris ».

    Notre serment

    Lors de notre Initiation, nous nous sommes tous engagés par notre serment à respecter la Constitution et le Règlement général de notre obédience.

    Prêté la main droite dégantée et posée sur le Volume de la Loi Sacrée afin que nous nous engagions sur ce qu'il y a de plus sacré, notre serment nous enjoint :

    • de garder le secret ;
    • de rester fidèle et discret, c'est-à-dire de ne trahir ni l'Ordre maçonnique ni nos Frères ;
    • de persévérer dans le perfectionnement, c'est-à-dire de marcher sur le chemin de l'Initiation.

    Il me semble aussi utile de rappeler pourquoi nous avons prêté notre serment sur la Bible. Depuis toujours, les Francs-maçons prêtent serment sur un livre considéré comme sacré et qui donne à leurs engagements un caractère solennel et irrévocable.

    Dans les pays occidentaux, ce livre a toujours été la Bible mais aujourd'hui un candidat Franc-maçon, dont les racines religieuses personnelles ne se reconnaissent pas dans la Bible, peut prêter son serment d'engagement sur le livre de son choix tel le Coran ou la Torah qu'il n'est pas rare de voir sur l'autel des Loges maçonniques en plus de la Bible.

    En Franc-maçonnerie, le serment consiste en une promesse solennelle faite par le Néophyte qui s'engage à garder les secrets de la Franc-maçonnerie et à se conformer en toutes choses aux règlements de l'Ordre, conformes aux lois en vigueur dans le pays.

    Le serment est empreint d'un caractère solennel, de la gravité d'un pacte, du sérieux extrême de l'engagement indissoluble entre celui qui le prête et celui qui le reçoit. Ce serment initiatique a aussi un caractère antique et sacré. Il est prononcé de la libre volonté du Récipiendaire, sans contrainte et devant une assemblée de Maçons, témoins qui vont devenir ses Frères et en présence du principe de l'Ordre.

    Ce serment spécifique se décompose en trois parties : une invocation, une promesse, une imprécation. Le plus souvent, et en tout cas dans notre Obédience régulière, l'invocation est faite à la Gloire du Grand Architecte de l'Univers.

    Le serment est prêté sur la Bible, ouverte au Prologue de l'Evangile de saint Jean. On peut considérer que le serment a un caractère d'alliance cosmique avec l'Eternel. C'est une obligation réciproque consentie librement entre l'Ordre et le Néophyte qui est accepté en qualité de nouveau maillon de la chaîne initiatique. Cette promesse au caractère solennel engage l'être tout entier à être fidèle à sa promesse.

    En vertu même de son adhésion aux idéaux maçonniques traditionnels, trois principes universels définissent le caractère régulier de notre Obédience.

    • La croyance en Dieu, Grand Architecte de l'Univers et en sa volonté révélée, est une condition impérativement nécessaire pour l'admission de nouveaux membres dans une de nos Loges.

    En effet, la Franc-maçonnerie affirme l'existence [5] de Dieu, Etre Suprême qu'elle désigne sous le vocable de « Grand Architecte de l'Univers». La Franc-maçonnerie ne définit pas l'Etre Suprême. Elle laisse à chacun la liberté absolue de le concevoir mais elle requiert de tous ses membres qu'ils admettent cette affirmation. Cette exigence est absolue et ne peut faire l'objet d'aucun compromis ni d'aucune restriction. La croyance en Dieu, Grand Architecte de l'Univers, demeure, pour toutes les Grandes Loges indépendantes du monde, le critère essentiel de régularité et de fidélité aux « anciens devoirs ».

    • Tout travail maçonnique se fait à la gloire du Grand Architecte de l'Univers et en présence des Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie : le Volume de la Loi Sacrée sous l’Équerre et le Compas sur lesquels sont prêtés tous les serments.

    C'est pourquoi les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie doivent toujours être exposées pendant les Travaux de la Grande Loge et des Loges placées sous son contrôle. Tous les Initiés doivent prêter leur Obligation sur le Livre de la Loi Sacrée dans lequel est exprimée la Révélation d'En Haut.

    R:. F:. A. B.

     

    [1] Marius Lepage, (1902 - 1972) était un illustre Franc-maçon et écrivain français. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur la Franc-maçonnerie dont le célèbre et toujours d'actualité L'Ordre et les Obédiences. Il était aussi Directeur de la Revue « Le Symbolisme », fondée par Oswald Wirth.

    Il a créé la première loge de la Grande Loge Nationale Française dans l'Ouest de la France, la Loge Ambroise Paré à l'Orient de Laval, qu'il a dirigée. Il est important pour la connaissance de la Franc-maçonnerie de signaler que le Vénérable Maître Marius Lepage a été le créateur d'un rite maçonnique très particulier au sein de la Loge "Volney" du G.O.D.F. à Laval, qui le pratique toujours.

    Marius Lepage a œuvré d'une manière trop méconnue pour une meilleure compréhension et connaissance mutuelle entre les différentes branches de la Maçonnerie, mais aussi entre catholicisme et Franc-maçonnerie en France. Il a su, dans le respect des lois, être un homme de contacts humains et de dialogue entre autorités religieuses et autorités civiles.

    [2] La cosmogonie, c’est la science ou le système de la formation de l'Univers.

    Des récits oraux de cosmogonie fondent presque toutes les religions et sociétés traditionnelles, mais de nombreux traités sur les origines possibles de l'univers ont aussi été écrits par des philosophes ou des penseurs scientifiques.

    Nombre des milliers de légendes de création du monde et de récits cosmogoniques traditionnels relatifs aux origines du monde, des dieux ou des institutions, appartiennent à la catégorie des mythes fondateurs. Les figures idéales et les modèles intemporels y ont donc une place importante.

    La variété des récits de création du monde, derrière une théorie des origines, semble aussi exprimer le besoin immuable de décrire et peut-être justifier les transformations radicales du monde observable, de la Terre et de la société humaine. Mircea Eliade voit dans la cosmogonie « le modèle exemplaire de toute manière de faire » ; une sorte de modèle archétypal de la création, l'univers étant le « chef d'œuvre » d'un ou plusieurs créateurs offert comme modèle aux hommes.

    [3] Rappelons que tout symbole maçonnique s’écrit avec une majuscule.

    [4] Au Rite Écossais Rectifié, le mot « degré » est remplacé par « grade ».

    [5] Il serait probablement plus judicieux d'affirmer l'essence de Dieu. Dieu EST !

     

    Bibliographie

     

    Ambelain RobertLa symbolique des outils dans l’Art Royal

    Scala philosophorum – Editions Edimaf, Paris, 1996

     

    Baudouin BernardDictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995

     

    Behaeghel Julien – Symboles et Initiation maçonnique

    Editions du Rocher, Monaco, 2000

     

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade d'Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986

     

    Boisdenghien Guy La vocation initiatique de la Franc-maçonnerie

    Editions l’Etoile, Bruxelles, 1999

     

    Boucher Jules La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995

     

    Dangle PierreLe Livre de l’Apprenti

    Editions La Maison de Vie, Fuveau, 1999

     

    Mainguy Irène La symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2001

     

    Nefontaine Luc Symboles et symbolisme dans la Franc-maçonnerie (Tome 2)

    Editions de l'Université de Bruxelles, Bruxelles, 1997

     

    Plantagenet Edouard E.  – Causeries initiatiques pour le travail en loge d'Apprentis

    Editions Dervy, Paris, 1988

     

    Triaca UbaldoA propos des landmarks

    Exposé en sept points à l’intention des Maîtres Maçons, 1952

     

    Wirth OswaldLa Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    Tome 1 : « L'Apprenti » - Editions Dervy, Paris, 1994


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  •  L’Autel des serments 

    Le but de la présente planche est de définir ce qui, dans nos Loges, est un autel et traditionnellement désigné comme « Autel des serments » ; de préciser à quoi il sert, dans quelle intention et comment y disposer les objets symboliques.

    Essayons tout d’abord de définir ce qu’est l’autel de notre Loge.

    Essai de définition de l’Autel

    A l’avant du Pavé mosaïque et à courte distance des trois marches conduisant à l’Orient, la Tradition nous fait placer un autel dans l’axe du Vénérable Maître.

    Cet « Autel des serments » devrait, selon l’usage des Anciens, se trouver sur le plateau du Vénérable Maître, mais en réalité il est représenté le plus souvent sur un petit meuble immédiatement accolé à son plateau, au-dessus ou au-dessous des trois marches qui délimitent l’Orient de la Loge. Il est plus rarement situé au centre du Carré Long de la Loge. Il s’agit d’un support surélevé destiné à rassembler les éléments symboliques.

    Dans la plupart de nos Loges, il s’agit d’un meuble généralement de forme cubique mais ailleurs, il s’agit parfois d’une grosse pierre brute sur laquelle peuvent être posées ce que nous appelons « les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie ».

     

    Que doit-on trouver sur l’Autel des serments ?

     

    * L’Autel des serments

    L’Autel des serments

    En vue du bon déroulement de chaque Tenue, le Frère Architecte dépose sur l’Autel le Volume de la Loi Sacrée fermé. Au Rite moderne, il y joint un compas également fermé ainsi qu’une équerre. Selon le rite pratiqué, d’autres objets doivent parfois être placés sur l’Autel. Ainsi, au Rite Écossais Rectifié, une petite Épée et une Truelle sont également disposées en plus des Trois Grandes Lumières.

    Les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie forment symboliquement un tout. On peut en déduire l’intention des Maçons de ne pas accepter le contenu du livre sacré dans son sens littéral, mais bien de l’interpréter au moyen du symbolisme du Compas et de l'Équerre.

    Pour certains Maçons, le Volume de la Loi sacrée ne serait qu’un symbole et, à ce titre, il serait susceptible d’interprétation personnelle. Mais la présence de la Bible sur l’Autel est un Landmark contesté par certaines Loges non-régulières. C’est pourquoi, dès 1929, la Grande Loge Unie d’Angleterre – qui est l’héritière de la première Grande Loge de Londres et, à ce titre, la garante de l’archétype de la Franc-maçonnerie spéculative – a publié les huit principes fondamentaux pour la reconnaissance des Grandes Loges.

    Sans pour autant vous les rappeler tous, je vous dirai simplement qu’au point 3 de ces Landmarks, il est spécifié que les Initiés devront prêter leur obligation sur le Livre de la Loi Sacrée, ou les yeux fixés sur ce Livre ouvert, par lequel est exprimé la révélation d’en haut par laquelle la conscience de l’individu que l’on initie est irrévocablement liée.

    Le Volume de la Loi Sacrée ne se trouve pas seul sur l’Autel. Il est recouvert de l'Équerre et du Compas. La présence de ces deux outils – qui deviennent des symboles une fois les Travaux ouverts – n’a aucune connotation blasphématoire. Nous sommes en présence d’un modèle symbolique universel. Dans ce modèle, l'Équerre représente la partie matérielle du Cosmos, c’est-à-dire pour nous la Terre. Le Compas y représente le Ciel ou les Cieux. L'Équerre est donc l’emblème de l’homme et le Compas celui du Grand Architecte de l’Univers.

    Ces Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie constituent un modèle symbolique ternaire. Mais l'Équerre et le Compas, modèle binaire, se juxtaposent, pour en éclairer la portée, avec le Volume de la Loi Sacrée qui, aux yeux de certains autres Maçons, est bien plus qu’un symbole. Pour Guy Boisdenghien notamment, le Volume de la Lois Sacrée contient des passages attribués à des révélations a-humaines ».

    Le point 6 des Landmarks précise également que les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie seront toujours exposées pendant les Travaux de la Grande Loge ou des Loges sous son contrôle. La principale de ces Lumières est le Livre (ou Volume) de la Loi Sacrée, concept que je vais à présent essayer d’expliciter.

    Le serment

    Lors de la cérémonie d’Initiation, immédiatement après les « voyages », l’Impétrant prête son serment sur les trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie. Le rituel précise bien qu’il s’agit du Volume de la Loi Sacrée, le Compas et l'Équerre.

    Dans certaines obédiences ou à certains rites, il est dit au candidat que ce Volume de la Loi sacrée, c’est la Bible. En réalité, ce Volume est toujours la Bible, ouverte au Prologue de l'Evangile de Jean. Agir autrement reviendrait à vider le rite de son sens !

    Mais ce livre ne représente peut-être rien pour le candidat. Pour que ce serment ait une valeur, il faut qu’il soit prêté sur un livre représentant la loi morale ou la Tradition.

    Conformément à l’article 3 de la Constitution de notre Obédience, la G.L.R.B., toutes les promesses et engagements solennels doivent être pris en apposant la main droite sur les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie, à savoir le Volume de la Loi Sacrée, ouvert de préférence à l’Évangile selon St Jean,  sous l'Équerre et le Compas. Le Livre sacré exigé par la religion d’un candidat peut à sa demande être ajouté sur l’autel pour le même usage.

    La Loge peut donc, le temps du Serment, ajouter à la Bible un autre ouvrage, en concertation préalable avec le candidat pour lequel il aura cette valeur : le Coran, la Torah, les Védas (hindouisme), le Tripitaka (bouddhisme), le Tao te King (taoïsme), les quatre livres de la doctrine (confucianisme), le Zend-Avesta (zoroastrisme).

    L’article 32.1 de notre Règlement Général concerne toutes les promesses et engagements solennels », par exemple : les initiations aux trois grades mais aussi le serment du Vénérable Maître lors de son Installation solennelle.

    L’article 32.2 précise qu’une Loge peut, à la demande d’un seul Frère ou de plusieurs des membres de la Loge ou même d’un Frère visiteur, décider de placer sur l’autel – à côté de la Bible, ouverte sous l'Équerre et le Compas – d’autres « Volumes de la Loi Sacrée ». Le Grand Comité donne un avis sur les Volumes qui peuvent être pris en compte.

    Cet article 32.2 ne concerne que toutes les autres occasions où il n’est pas de question de promesses ni d’engagements solennels.

    Concernant l’ouverture du livre de la loi sacré dans notre tradition européenne, nous ouvrons et nous fermons les Travaux avec l’Evangile de saint Jean d’où provient la Vraie Lumière. C’est donc bien la Bible qui doit être ouverte. Il n’y a pas de raison impérative pour que les autres livres soient ouverts.

    Précisons aussi que la Bible peut avoir un caractère religieux pour le candidat, ainsi d’ailleurs que pour certains membres de la Loge. Mais, dans son rôle de Volume de la Loi Sacrée, il n’en est rien. Les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie n’ont aucun caractère religieux. Les rites pratiqués à la Grande Loge régulière de Belgique sont ouverts aux hommes de toute confession.

    Considérations sur la Bible ou Volume de la Loi Sacrée

    La Bible, en tant que « objet – livre » n’a aucun caractère sacré. Un livre ne peut à l’évidence être sacral. Par contre, une partie de son contenu se souche sur la Tradition car, pour reprendre l’expression de Guy Boisdenghien, elle exprime « une révélation a-humaine » ; l’exemple le plus connu étant les Dix Commandements que Yahvé dicta à Moïse sur le mont Sinaï.

    On ne lit pas la Bible uniformément mais selon quatre optiques : littérale, historique, morale et ésotérique. Se référer à la lettre des écrits bibliques ne tient plus la route à notre époque. De plus, l’historicité des récits n’est plus prise en compte depuis le siècle dernier. D'ailleurs, tout texte qui se veut enseignement d’une tradition ou d’une révélation n’a que des rapports secondaires et même insignifiants avec la réalité et la chronologie historiques. Demeurent les lectures morales et d’approche ésotérique. A ces niveaux, le Livre n’est plus la propriété du peuple élu en sa partie vétérotestamentaire ni celle des chrétiens dans sa partie néotestamentaire. Ainsi, les gnostiques, les déistes, les agnostiques et même les athées peuvent y glaner des réflexions concernant la Loi Morale ou leur introspection personnelle, spirituelle ou non.

    Faut-il nécessairement rappeler que les Évangiles et tout particulièrement celui attribué à Jean contiennent ce remarquable message à l’adresse de toute l’humanité : « aimez-vous les uns les autres ! ».

    Pour bon nombre de Maçons réguliers, c’est-à-dire ceux qui se souviennent que notre Maçonnerie traditionnelle et universelle est chrétienne, le Volume de la Loi sacrée représente le livre du Verbe créateur, manifesté sous l’aspect de la révélation. La Tradition révélée par le Volume de la Loi sacrée, dans son sens ésotérique est source de Connaissance et de méditation. L'Eternel a créé le monde par le Verbe qui s’incarne dans la langue sacrée et dans la parole rituelle qui contient l’essence primordiale. Un livre fermé garde son secret. Un livre ouvert instruit celui qui le lit, dévoile ce qui est caché.

    Ce livre contient un double message. Le premier comporte un enseignement extérieur, représenté par les dogmes et une loi morale à caractère exotérique. Le second message développe une cosmogonie [1], contient un message symbolique à décrypter qui est à caractère ésotérique. Le second n’exclut pas le premier, mais au contraire l’éclaire en ouvrant sur le champ indéfini des possibles et permet de dépasser les limites étroites de la dualité.

    Beaucoup de Maçons réguliers, attachés à la Franc-maçonnerie universelle, considèrent que le Volume de la Loi Sacrée contient le message d’une Tradition intemporelle, celle-ci étant l’expression de la relation entre la Vérité et la Sagesse. Mais à un moindre niveau, elle contient une loi morale sur laquelle devrait s’appuyer tout Franc-maçon.

    En ce qui concerne cette approche ésotérique, il est indéniable que plusieurs passages bibliques véhiculent un message caché. Les versets à double sens sont aisément repérables car ils sont précédés d’un signal tel que l’expression « Au commencement » qui peut aussi se traduire par « dans le Principe ». La Genèse, de même que certains passages du Pentateuque, l’Apocalypse et surtout l'Evangile selon saint Jean ne sont réellement clairs qu’après un décryptement. C’est donc par volonté symbolique que, pendant la durée des Travaux d’une Loge, le Volume de la Loi sacrée est ouvert au Prologue de Jean. C’est aussi par référence au Prologue que les Francs-maçons sont parfois nommés « Enfants de la Lumière », dénomination qui exprime bien un des piliers de la Franc-maçonnerie spéculative.

    L'Evangile selon saint Jean proclame le Christ en tant que Logos. Il y est énoncé, non comme venant racheter le genre humain mais comme apportant aux hommes la Lumière, en leur inculquant la nécessité de la régénération, car l'Evangile de Jean développe principalement quatre axes qui interpellent tout Franc-maçon par delà sa sensibilité personnelle dans la perception du Grand Architecte de l’Univers :

    1°) l’énonciation du message d’Amour ;

    2°) l’enseignement de l’égalité de tous les hommes, la fraternité universelle, le pardon des offenses et l’unité de Dieu ;

    3°) l’introduction d’un rite de fraternité par le partage du pain et du vin qui sont sa chair et son sang en tant que matérialisation des rayons solaires, c’est-à-dire, pour nous, terriens, la manifestation de la Vie ;

    4°) la proposition de méditer ou prier en tous lieux et non en des lieux déterminés, ce qui signifie méditer ou prier en esprit et non par des prières machinales vidées de tout contenu réel.

    En énonçant « Dieu est Esprit », « Dieu nous a donné de son esprit » et « Dieu est Amour », Jean exprime la fusion de la Connaissance et de l’Amour. Le quatrième Évangile est donc bien en conformité avec la gnose maçonnique !

    Disposition de l’Equerre et du Compas sur l’Autel

    Lors de l’Ouverture des Travaux, le Vénérable se place devant l’Autel pour y disposer correctement les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie. Il appartient au Vénérable Maître, et à lui seul, d’ouvrir le Volume de la Loi Sacrée et de déposer dessus l'Équerre et le Compas, d’une manière spécifique à chaque degré auquel la Loge s’apprête à travailler. Au Rite Écossais Rectifié, c’est le rôle du Frère Maître des cérémonies de procéder à la disposition particulière des trois Grandes Lumières ainsi que de la Truelle et de la petite Épée.

    Sur la Bible ouverte au Prologue de saint Jean, l'Équerre et le Compas peuvent être placés de trois façons différentes mais le Compas est toujours ouvert à 45°. Ces dispositions évoquent un progrès moral ou une hiérarchie de valeurs. Elles constituent en quelque sorte des signes distinctifs de chacun des trois degrés et procèdent de l’allégorie.

    Au grade d'Apprenti, nous constatons que l’Équerre couvre les deux branches du Compas. Il semblerait que ce soit pour indiquer qu'à ce grade on ne peut demander plus du Néophyte que SINCÉRITÉ et CONFIANCE, conséquences naturelles de la droiture et de la rectitude.

    Effectivement, on ne peut pas déjà demander à l’Apprenti la Sagesse qu’il n’a pas encore acquise. Sa probité et sa rectitude naturelles sont tout ce que les Maîtres attendent de lui, principalement le Second Surveillant. La matière prime sur l’Esprit.

    Par cette disposition, on signifie à l’Apprenti qu’il œuvre sur la matière. Son rôle consiste à dégrossir la Pierre brute avec les seuls outils dont il dispose, le Maillet et le Ciseau. Il ne sait pas ce que sera l’édifice car il n’a pas eu connaissance des plans.

    Je ne vous révèlerai rien en ce qui concerne les autres degrés.

    Mais il convient encore de remarquer que, dans le plan horizontal de l’Autel des serments, les pointes du Compas sont tournées vers l’Occident et que l'Équerre est toujours ouverte vers l’Orient. Cela signifie que le Maçon ne doit pas se comporter en pur esprit mais au contraire mettre en application ce qu’il découvre ou apprend.

    Demeurer dans le domaine purement spéculatif est un comportement stérile, sans réelle utilité. D'autre part, il ne doit pas rester prisonnier de la matière mais il doit s'efforcer de la dominer en s'élevant lui-même afin de vivre en harmonie avec le monde.

    Voilà pour ce qui concerne l’autel et les symboles qui y sont mis en évidence à chacune de nos Tenues. Rappelons, si nécessaire, que le titre de cette planche est « L’Autel des serments ». C’est pourquoi je vais à présent aborder la question de son utilité et développer quelques considérations à propos de notre serment.

    Considérations sur notre serment

    Lors de notre Initiation, nous nous sommes tous engagés par notre serment à respecter la Constitution, le Règlement général de notre Obédience et le Règlement particulier de notre Loge.

    Prêté la main droite dégantée et posée sur le Volume de la Loi Sacrée afin que nous nous engagions sur ce qu’il y a de plus sacré, notre serment nous enjoint :

    • de garder le secret ;
    • de rester fidèle et discret, c’est-à-dire de ne trahir ni l’Ordre maçonnique, ni nos Frères ;
    • de persévérer dans le perfectionnement, c’est-à-dire de marcher sur le chemin de l’Initiation.

    Par tout serment solennel, l’homme renonce à une certaine part de sa liberté, ce qu’il fait devant une autorité qui a le pouvoir en tous lieux et en tout temps de constater un manquement à cette renonciation et de le punir.

    A ce sujet, René Désaguliers s’est interrogé : « Quelle peut être une telle autorité sinon un Dieu ou le Dieu unique ? ». C’est cet aspect qui est plus particulièrement marqué dans le mot latin « sacramentum », d’où le terme « serment » dérive directement. « Sacramentum » est lié au mot « sacer » qui signifie sacré ou ce qui appartient au monde divin.

    Pour moi, le serment est un acte essentiel de la Franc-maçonnerie.

    Pratique extrêmement ancienne de l’humanité, le serment est obligatoirement sanctionné par une autorité supérieure à l’homme, par une transcendance capable de le juger. En Franc-maçonnerie, le serment consiste en une promesse solennelle faite par le Néophyte qui s’engage à garder les secrets de la Maçonnerie et à se conformer en toutes choses aux règlements de l’Ordre, conformes aux lois en vigueur dans le pays.

    Le serment est empreint d’un caractère solennel, de la gravité d’un pacte, du sérieux extrême de l’engagement indissoluble entre celui qui le prête et celui qui le reçoit.

    Ce serment initiatique a aussi un caractère antique et sacré. Il est prononcé de la libre volonté du Récipiendaire, sans contrainte et devant une assemblée de Maçons témoins qui vont devenir ses Frères et en présence du principe de l’Ordre.

    Ce serment spécifique se décompose en trois parties : une invocation, une promesse, une imprécation. Le plus souvent, et en tout cas dans notre Obédience régulière, l’invocation est faite à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers.

    Le serment est prêté sur la Bible, toujours ouverte au Prologue de l'Evangile de saint Jean. On peut dès lors considérer que notre serment a un caractère d’alliance cosmique avec l’Etre suprême, avec l'Eternel, avec le Grand Architecte, avec Dieu, selon vos convictions les plus intimes et toutes personnelles.

    C’est une obligation réciproque consentie librement entre l’Ordre et le Néophyte qui est accepté en qualité de nouveau maillon de la chaîne initiatique. Cette promesse au caractère solennel engage notre être tout entier à être fidèle.

     

    Pour conclure, du moins provisoirement…

    * L’Autel des serments

    L’Équerre, le Compas et le Volume de la Loi Sacrée composent ce que nous appelons « les Trois Grandes Lumières » de la Maçonnerie de Tradition. Ils se trouvent placés sur l’autel des serments. Le Volume de la Loi sacrée est symboliquement ouvert au début et fermé à la fin des Travaux pour marquer la nécessaire mais provisoire rupture avec le monde profane.

    Ces symboles placent d’emblée la prestation de serment des Francs-maçons réguliers dans la dimension spirituelle qui caractérise les rites pratiqués à la Grande Loge Régulière de Belgique. Ce caractère sacré souligne l’importance du serment maçonnique, son caractère intangible et inviolable.

    Ils signifient également, par leur association dynamique – les trois à la fois – que cette dimension sacrée n’est pas confondue avec le sacré d’une religion particulière, car le Volume de la Loi Sacrée est considéré dans son association avec l'Équerre et le Compas, comme le symbole d’une Tradition et non celui d’une référence théologique.

    Il s’agit une fois encore de préserver en ce domaine la liberté de conscience de chacun de ceux qui s’engagent dans notre Obédience régulière et de les encourager à construire des relations humaines tolérantes et respectueuses de la diversité des cultures et des civilisations.

     

    R :. F :. A. B.

     

    [1] La Cosmogonie (du grec cosmo- « monde » et gon- « en­gendrer ») était, en 1762, définie par le Dictionnaire de l'Académie française, comme « science ou système de la formation de l'Univers ».

     

    Bibliographie

    Boisdenghien Guy - La vocation initiatique de la Franc-maçonnerie

    Sentiers de la Tradition - Editions L’Etoile, Bruxelles, 1999

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995

     

    Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1994

     

    Ferré Jean - Dictionnaire des symboles maçonniques

    Editions du Rocher, Monaco, 1997

     

    Mainguy Irène - La symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2006

     

    Mondet Jean-Claude

    La Première Lettre - L’Apprenti au Rite Écossais Ancien et Accepté

    Editions du Rocher, Monaco, 2005

     

    Triaca Ubaldo - A propos des Landmarks

    Exposé en sept points à l’intention des Maîtres Maçons, 1952

     


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