• * Approche du symbolisme des pierres en Loge bleue

     Approche du symbolisme des pierres en Loge bleue 

    Les pierres et les voies initiatiques

    De tout temps la pierre a été investie d'une valeur symbolique très importante dans l'univers maçonnique, que ce soit en référence à la lointaine Maçonnerie opérative des bâtisseurs de cathédrales ou par son aspect brut autorisant le travail de l'homme.

    C'est par la pierre que les civilisations anciennes et lointaines nous ont transmis leur savoir et les acquis de leur temps.

    Le but de la présente planche est d’approcher le symbolisme de la pierre et plus particulièrement celui des différentes formes de pierres rencontrées dans nos Loges symboliques, mais aussi d’essayer de comprendre pourquoi on évoque la pierre et le travail sur la pierre dans notre parcours maçonnique. Que vient donc faire le travail ténébreux de la pierre en Maçonnerie ?

    Le travail de la pierre en Franc-maçonnerie

    Le travail de la pierre en Maçonnerie provient des changements survenus dans l'histoire de l'humanité qui procéda à des adaptations rendues nécessaires par les circonstances, les aires géographiques, les époques et par l'évolution des modes de vie. La sédentarisation des peuples nomades s’est traduite par les transformations les plus spectaculaires.

    Les constructions, autrefois faites avec du bois, ont ensuite utilisé la pierre comme matériau. Inévitablement, les pratiques rituelles sacrées ont subi des modifications liées à cet état de « solidification » du genre humain.

    La taille des pierres qui était autrefois prohibée et considérée comme « ténébreuse », est devenue la marque d'une nouvelle élection. Seules les pierres parfaitement travaillées peuvent devenir dignes d'être choisies pour les œuvres les plus nobles : celles offertes en hommage à l'Eternel. Ainsi en ira-t-il des blocs destinés au Temple de Salomon, façonnés dans le plus grand silence pour la gloire du Très-Haut.

    En Occident, cette pierre brute à dégrossir et mettre en forme correspondait (mais cela reste vrai aujourd'hui) à la materia prima ou matière brute initiale, celle qui régnait au moment du chaos primordial.

    Les sociétés initiatiques à vocation opérative ont adopté cet emblème de la transformation de l'homme des Ténèbres en un être de Lumière que l'on représenta désormais par la figure de la Pierre cubique, ou pierre parfaitement travaillée sur toutes ses faces, démontrant l'état de perfection atteint dans les six directions spatiales. Tout naturellement, la Franc-maçonnerie a marqué ce parcours qui s'inscrit du Nord au Midi, de la Pierre brute à la Pierre cubique.

    Si la Pierre brute est la matière de base qui va permettre à l'Apprenti d'accomplir sa tâche pour donner une forme à la matière inerte, la Pierre cubique est, en revanche, l'aboutissement du travail du Compagnon.

    Les trois pierres

    En Franc-maçonnerie spéculative, on distingue généralement trois pierres : la Pierre brute, la Pierre cubique et la Pierre cubique à pointe. Mais nous verrons que certaines représentations font surmonter la pierre cubique à pointe d’une hache.

    En étant assimilé à la pierre, l'homme reste malléable ; on peut le travailler, lui apporter des corrections, rectifier certaines erreurs : la progression reste possible et même souhaitable ! Ceci suffit pour expliquer concrètement et alimenter la démarche maçonnique.

    Le symbole de la pierre appartient à toutes les cultures et à toutes les formes traditionnelles sans aucune exception. L’approche hébraïque de certains de ses noms nous propose tout un champ de réflexions à explorer qui ne peut que nous aider à comprendre sa raison d’être dans la métaphysique du Rite Écossais Rectifié. Mais entrer dans cette voie alourdirait considérablement le présent travail.

    Le premier Travail de l'Apprenti

    Tous les emblèmes et symboles présents dès la cérémonie d’Initiation concourent à aider le Néophyte à dégrossir la Pierre brute, c’est-à-dire à lui mettre en mains ce magnifique instrument de travail qu’est la mentalité humaine. Tout concourt aussi à faire de l’Apprenti l’Initié qui deviendra digne de passer de Compagnon à Maître, c’est-à-dire un homme conscient de ses devoirs envers l’Humanité et l’Evolution.

    Une fois dégrossie et taillée, la Pierre pourrait devenir une véritable « pierre d’achoppement » si elle n’était mise au service d’une conscience droite, pure et aimante. C’est pourquoi, non seulement la culture de la sensibilité doit prendre le pas sur celle de l’intellectualité, mais le cœur doit aussi toujours équilibrer l’intelligence.

    Et lors de son Initiation, le Vénérable Maître donne au nouvel Apprenti l'occasion de commencer son travail !

    Rappelons-nous cette partie du rituel. Agenouillé devant le Tableau de Loge, l'Apprenti se trouve en présence de trois éléments symboliques : la Pierre brute, le Maillet et le Ciseau. Invité à imiter le geste du Maître des Cérémonies, l'Apprenti tient d'une main le Ciseau, placé sur la pierre à tailler, et de l'autre, il frappe du Maillet au rythme de son grade.

    * Approche du symbolisme des pierres en Loge bleue

    Le Premier Travail de l'Apprenti s'accomplit à l'Occident, au pied du Tableau de Loge, au point de départ d'un long chemin qui mène à l'Orient d'où jaillit la Vraie Lumière. Au Rite moderne, c’est le plus souvent au pied du Pilier « Beauté » que se trouvent la Pierre brute et les outils destinés à l’Apprenti.

    Généralement à l'Orient, et plus précisément, au pied de l'autel, mais parfois aussi au pied du Pilier « Force », se trouve la Pierre cubique à pointe, celle qui symbolise le travail effectué, toute chose acquise, vérifiée et exemplaire. Le long chemin à parcourir par l'Apprenti, c'est celui du progrès à accomplir sur lui-même ; c'est la connaissance de lui-même.

    Une formulation prétend que « l'Apprenti consacre la première partie de sa vie maçonnique à dégrossir cette pierre brute ». Le Ciseau, mu par le Maillet qui le heurte et l'Apprenti conscient qui le dirige, a pour mission de faire disparaître les aspérités de la pierre, c'est-à-dire les erreurs et les préjugés.

    La Franc-maçonnerie ne peut viser qu'à délivrer ses membres des servitudes qui les paralysent et des préjugés qui les enchaînent.

    Le Franc-maçon est avant tout un travailleur. Ce premier geste est destiné à lui faire prendre conscience que le travail est au cœur de son ascension personnelle vers la Lumière. Malheureusement, nul ne peut prévoir si l'Apprenti arrivera au bout de ses peines car le but qu'il s'assigne c'est de transmuer cette Pierre brute en une pierre vivante avec laquelle l'Initié élève des temples.

    Ce premier Travail sur la Pierre brute est la marque du commencement de la vie initiatique, comme les trois coups, au théâtre, avant le lever de rideau. Avant d’aller plus loin sur ce chemin initiatique personnel, il faut commencer par éliminer les préjugés et les fausses vérités les plus grossières.

    Avec un peu de recul, par ce premier Travail, l’Apprenti vient de découvrir qu’au sein de la Loge, il existe une Pierre brute. Après avoir participé à au moins une nouvelle Tenue, s’il est quelque peu attentif, il peut se rendre compte que dans le Temple existe aussi une Pierre taillée, cubique, bien polie, le plus souvent surmontée d’une pyramide.

    Mais qu’il consacre d’abord du temps à comprendre ce qu’est la Pierre brute !

    La Pierre brute

    * Approche du symbolisme des pierres en Loge bleue

    Physiquement, la Pierre brute c'est la pierre frustre extraite d'une carrière. C'est le matériau premier de la Maçonnerie qu'il faudra tailler, façonner, appareiller de sorte qu'elle puisse s'incorporer à la Maçonnerie, à l'édifice, au Temple.

    Travailler la Pierre brute, c'est donner des contours précis à la dimension éthique, morale et spirituelle de l'homme ; c'est faire émerger de la matière vulgaire originelle ce qu'il y a de meilleur et de plus fort en elle, par un travail constant qui gomme les imperfections.

    Cette transformation, qui va s'opérer au fil du temps, n'est pas sans rappeler le processus fusionnel de l'alchimie. Finalement, c'est bien de réactions et de modifications en chaîne dont il s'agit, à mesure que le Franc-maçon, aidé de ses instruments de bâtisseur (ciseau, maillet, équerre, niveau, fil à plomb, règle...) peaufine son matériau de base – lui-même – en vue de lui donner une forme parfaite.

    Plusieurs significations peuvent être données à la Pierre brute.

    1. C'est le symbole de l'Apprenti encore ignorant mais disponible.

    2. Ce pourrait être aussi celui de la servitude, de l'esclavage.

    3. Travail à faire, ignorance à vaincre, elle pourrait aussi être le symbole de la liberté : une pierre non façonnée peut encore rouler à peu près n'importe où. Au contraire, la pierre taillée se trouve à une place bien déterminée dans l'édifice bâti.

    La Pierre brute, c'est le symbole de l'Apprenti, avec toutes les imperfections de son esprit et de son cœur, qu'il doit s'appliquer à corriger. Par l'Initiation maçonnique qui est une renaissance, il se débarrasse progressivement de tout ce que la société a pu lui apporter d'artificiel et de mauvais. Il retrouve sa liberté de penser. Pour agir sur la matière, sur la Pierre brute, c'est-à-dire sur lui-même, l'Apprenti utilise deux outils essentiels : le Maillet et le Ciseau. Avec ces deux outils que la Loge lui procure, il se met à tailler lui-même la pierre et espère parvenir à la rendre parfaite à son gré.

    La Pierre brute que travaille l’Apprenti, ce n’est pas seulement lui-même : elle est aussi un élément qui porte le secret de la construction. Et cette construction est d’origine céleste. Cette pierre brute, si modeste en apparence, ne contient-elle pas toute l’harmonie du Temple ?

    L'interprétation selon laquelle « l'Apprenti doit dégrossir la Pierre brute et tendre à se transformer en Pierre taillée » relève de l'allégorie qui exprime un progrès dans le temps, par l'éducation, vers un état de perfection.

    Pour tous les symbolistes, la Pierre brute représente la nature humaine du nouveau Maçon. Il doit la travailler constamment et intérieurement afin de se perfectionner [1].

    Certains pensent que, puisqu'elle reste toujours à dégrossir, la Pierre brute est assimilable à l’Apprenti, et qu’à chaque nouvel Apprenti, c’est d’une nouvelle pierre brute que l’on repart.

    Ce point de vue n’est pas gênant, prétend Olivier Doignon, mais seulement si l’on n’en reste pas à cette considération, qui limite le sens du symbole à une exigence d’amélioration personnelle. Ce n’est pas faux en soi dans le cadre du Temple considéré comme une architecture humaine, mais c’est terriblement réducteur. En particulier si la pierre brute n’est qu’une « allégorie morale [2] », on ne comprend plus du tout pourquoi elle est à l’Orient du Temple. Or, contrairement aux affirmations habituelles et trop rapides, l’Apprenti n’est pas une pierre brute. N’en déplaise aux défenseurs de l’hypothèse d’une amélioration de l’individu, cette vision quasi psychologique assimilant l’Apprenti à la pierre brute et revenant à dire qu’il est lui-même la pierre qui doit se tailler, n’est pas conforme au symbole, qui demeure dans le Temple de toute éternité, alors que l’Apprenti y est introduit et s’en retire une fois l’œuvre accomplie.

    Une fonction de pierre brute est donc donnée à l’Apprenti. Cependant son travail ne consiste pas à se donner des coups de ciseau sur lui-même, mais à reconnaître la cause divine de la manifestation. En étant en fonction par rapport à la Pierre brute, l’Apprenti est purifié par les quatre éléments contenus implicitement dans la pierre ; il revit les épreuves de la cérémonie d’Initiation. Il change de regard et découvre, dans sa chair et sa vie de tous les jours, que la fonction de Pierre brute provoque des mutations et des prises de conscience.

    L’Apprenti dégrossit-il vraiment la Pierre brute ?

    Si, depuis les origines et jusqu'à la fin des temps, les Apprentis dégrossissent la pierre brute, c’est qu’on n’arrivera jamais à la travailler. Elle est toujours là et on réessaie de la travailler, mais elle reste brute. Malgré le travail primordial, malgré les trois coups portés sur elle, la pierre reste brute, et on continue à faire accomplir l’acte rituel par les Apprentis. Matière première de l’œuvre, la pierre est brute de toute éternité, et elle ne peut être travaillée définitivement.

    Cependant, bien qu’elle soit formellement inachevée, le travail fondamental qui doit y être effectué montre bien que la Pierre brute est le monde des potentialités créatrices. Il s’agit de LA pierre brute, et non d’une pierre brute, car il n’y en a qu’une pour toutes les Loges de tous les temps ; jamais elle ne sortira de son état de pierre brute.

    Trois coups sont insuffisants pour dégrossir une pierre et l’Apprenti ne touchera plus jamais une pierre brute. Dire, dans le sens où l’interprètent beaucoup de Francs-maçons, que l’Apprenti « taille sa pierre », ou « taille la pierre brute », c’est utiliser une formule imagée pour exprimer quelque chose que l’on peut formuler directement en disant qu’il s’améliore, qu’il se perfectionne, considération morale qui ne concerne pas l’Initiation.

    Nous pouvons alors nous demander quelle est l’origine symbolique de la Pierre brute.

    Pour Christian Guigue, on peut dire que « cette image emblématique remonte aux débuts de l'histoire de l'humanité. C'est avec une pierre que Caïn tua Abel dans son sommeil. Ainsi commence la légende de la tradition de la pierre. Elle se poursuivra avec le mythe prométhéen, géniteur du genre humain déjà déchu, qui évoquera une forme de vie particulière avec cette odeur humaine qui restait attachée aux pierres.

    Inévitablement associée au feu, elle se trouve crachée par les volcans du centre de la terre jusque dans les airs ou descend du ciel accompagnée par le fracas de la foudre et la fureur des dieux (béthyles, aérolithes ou pierres noires tombées du cosmos).

    De ces deux manifestations de la nature provient la double action dévolue à la pierre : descendante ou ascendante, positive ou négative. Au contraire de la créature animale, elle n'a pas de sexe, aussi conserve-t-elle son état de perfection puisqu'elle perdure symboliquement identique à l'état qui fut le sien lors de la création. C'est la raison pour laquelle certains évoquent l'androgynat ou perfection de l'état primordial [3]. A ce titre, elle doit demeurer brute, naturelle.

    La pierre taillée relève d'un changement d'état artificiel dû au fait que celui qui la travaille perturbe l'ordre divin, d'où l'origine du choix des pierres non modifiées pour l'édification des autels. La Bible reste ferme à cet égard : celui qui lèvera son ciseau sur la pierre la rendra profane [4].

    Cet interdit a valeur universelle et ne se limite pas seulement à la Bible. On le retrouve par exemple pour l'érection des autels védiques. Lorsque la pierre doit répondre à certaines prescriptions rituelles et comporter des trous comme pour le sharkara védique [5], ces orifices doivent résulter de l'œuvre de la nature mais non d'un travail humain. Ce maintien de la pureté originelle s'avère d'autant plus important que l'autel, en tant que centre où se condensent et se juxtaposent les trois mondes (terrestre, intermédiaire et céleste), devient l'aire de la manifestation par le feu qui symbolise alors l'énergie divine, en marquant le passage par où s'opère l'interpénétration des univers considérés. Cette colonne reliant le ciel et la terre est la porte du ciel (Janua Coeli), par où montent et descendent les esprits ou anges comme les devas de la tradition hindoue, constituant ainsi un emblème similaire à celui de l'échelle de Jacob [6].

    Les premiers hommes des traditions ne privilégiant pas la construction des autels choisiront tout naturellement des pierres rondes pour les dresser vers le ciel [7], comme un avatar de cet axe vertical. Bien évidemment, les pierres divines liées au feu, à la foudre, sont dites « vivantes », « parlantes »[8], actives, d'où leur choix pour l'espace cultuel où doit se manifester la théophanie mais elles interviennent aussi du fait de ces caractéristiques comme attributs des dieux, tel le marteau de Thor le dieu nordique ou la hache de Parashu-Râma qui véhiculent l'énergie et la lumière ».

    La pierre cubique

    * Approche du symbolisme des pierres en Loge bleue

    Placée à l’Orient, la Pierre cubique est considérée comme le symbole de la fonction « Connaissance » que maîtrise le Vénérable Maître. Par son aspect fini, elle est assimilée à la parfaite maîtrise intellectuelle et à la plus haute élévation morale.

    Symbole de l’œuvre achevée et parfaite, la Pierre cubique formule tous les aspects de la science traditionnelle. Celui qui part à sa recherche doit comprendre que cette science n’est pas le fruit d’un progrès, mais l’expression de la connaissance des lois d’harmonie, totalement définie dès la création du monde. Ainsi, comme le veut la Tradition, l’Initié [9], tel le sculpteur qui doit percevoir l’œuvre dans le bloc de pierre avant de le tailler, doit partir à la découverte de ces lois, et n’est donc en aucune sorte un créateur mais plus précisément un découvreur.

    A l'aide de l'équerre et de la règle, la forme obtenue, avec ses lignes de taille et ses angles, est désormais susceptible de participer à la construction de l'édifice. Outre son aspect fonctionnel en tant que matériau de construction, la forme cubique revêt également un caractère éminemment symbolique. Ses surfaces égales, ses angles identiques, ses lignes similaires concourent à la création du cube, qui, par excellence, est une forme parfaite en termes de symétrie, d'harmonie et d'équilibre.

    Le cube serait le solide le plus parfait, du moins pour le grade d'Apprenti. S'il possède six faces, huit sommets et douze arêtes, il convient de remarquer qu'il est impossible de voir plus de trois faces à la fois.

    La Pierre cubique ou hexaèdre est le chef d’œuvre que l’Apprenti-maçon devrait réaliser avec le Maillet, le Ciseau et l'Équerre. Tel un phare, cette Pierre cubique est là pour éclairer l'Apprenti dans sa progression quotidienne.

    L’Apprenti ayant été invité, lors de son Initiation, à réaliser son Premier Travail, avec le Maillet et le Ciseau, sur la Pierre brute, il apparaît logique de considérer la Pierre cubique comme l’aboutissement idéal du dégrossissage et de la taille de cette Pierre.

    Poursuivant cette idée, et dans le cadre de l’expression d’un perfectionnement individuel, c’est à l’idéal de ce perfectionnement que la Pierre cubique devrait être rattaché.

    L’Apprenti étant le plus souvent défini comme une pierre brute devant être dégrossie et taillée de manière à tenir exactement sa place, cette Pierre achevée est, à l’image même du Compagnon, destinée à être incorporée au Temple vivant, dont les Initiés sont à la fois les constructeurs et les matériaux. Mais pour rendre son incorporation, « l’Ouvrier-Matière » doit savoir se transformer, en se livrant lui-même à un travail constant de perfectionnement.

    Mais nous avons vu que ces approches apparaissent assez simplistes et restrictives : la Pierre brute n’est pas destinée à être taillée et la Pierre cubique est bien autre chose qu’une seule forme extérieure, aussi parfaite soit-elle. Ces pierres symboliques ne sont pas destinées à être multipliées pour en faire des matériaux de construction car elles sont uniques, de par leur nature même.

    On peut cependant admettre que pour l’Apprenti, la Pierre cubique est le symbole de l’œuvre achevée, le pendant de la Pierre brute sur laquelle il a œuvré dès son Premier Travail. Si elle peut être perçue par l’Apprenti comme l’achèvement de son grade, elle n’en demeure pas moins un mystère, placée à l’Orient.

    La Pierre cubique serait la représentation de la perfection intellectuelle et spirituelle que l'Apprenti devra s'efforcer de réaliser en lui dès que possible, mais surtout une fois parvenu au grade de Compagnon. Elle pourrait donc être un guide, une borne, en tout cas un point de ralliement.

    Ainsi, tout au long de sa trajectoire initiatique, l’Apprenti ne va cesser de tailler, polir, affiner la Pierre brute à laquelle il est généralement assimilé en tant que Profane, avec pour ambition de parvenir à rendre cette pierre cubique.

    Par les connaissances, la persévérance et l'application que nécessite sa réalisation, la Pierre cubique annonce le savoir-faire et la maîtrise du Maître. Elle laisse entrevoir l'élévation intellectuelle et spirituelle vers laquelle, au-delà des Loges Bleues, les Hauts Grades conduiront ensuite l'Initié dans sa recherche de la perfection.

    Pour Oswald Wirth, « la Pierre cubique est la base de certitudes que chacun doit chercher en lui-même afin de posséder la pierre angulaire de la construction intellectuelle et morale qui constitue le Grand Œuvre ».

    L’autel des serments

    * Approche du symbolisme des pierres en Loge bleue

    Dans la plupart de nos Loges, l’autel des serments est un meuble généralement de forme cubique mais ailleurs, il s’agit parfois d’une grosse pierre brute sur laquelle doivent être posées ce que nous appelons « les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie ».

    Intéressons-nous de plus près à ce meuble lorsqu'il est figuratif d’une pierre cubique.

    Si au nombre de faces (6) nous additionnons le nombre de trièdres (les 8 sommets) et le nombre d’arrêtes (12), nous obtenons le nombre 26 qui n’est autre que celui de la valeur du Tétragramme, Nom Divin ineffable dont la vocalisation a été perdue (YOD – HE – VAV – HE) (YHWH ou, en hébreu יהוה). Le nom de Dieu, Grand Architecte de l’Univers, est ainsi mis subtilement sous les yeux du Néophyte.

    Sur la Bible ouverte sur l’Autel sont placés les deux autres Grandes Lumières maçonniques, à savoir l'Équerre et le Compas. Les valeurs numériques réduites de ces deux mots en hébreu sont 13 pour chacun. Et le nombre 13 représente aussi la valeur numérique des mots désignant Amour et Unité. Ces deux symboles réunis, placés sur le Volume de la Loi sacrée nous donnent encore une fois un total de 26, valeur numérique du Tétragramme.

    Roland Bermann dégage de cette observation la conclusion suivante : « c’est en nous transformant symboliquement par le travail sur nous-même – de pierre brute en pierre cubique – que nous réactualisons notre ressemblance à notre créateur divin ».

    Pierre brute et Pierre cubique

    Le symbole de la Pierre brute et celui de la Pierre cubique transmis par la Tradition maçonnique, sont issus des mythes très anciens et constituent deux approches indissociables de l'origine de la création.

    Le cheminement symbolique perpétue d'une certaine manière l'allégorie où le Christ s'adressant à la foule dit : « Voyez-vous cette pierre du chemin ? Cette pierre dont personne ne veut et qui n'a pas de valeur ? Moi je la prends et c'est sur cette pierre que je bâtirai mon église ».

    La Maçonnerie reprend en quelque sorte cette attitude en acceptant des hommes issus des Ténèbres et qui, bien que n'ayant même pas conscience de ce qu'est véritablement l'Initiation, aspirent à recevoir la Lumière pour accéder à la réalisation promise. Ne sachant pas d'où ils viennent ni où ils vont, ignorant même qui ils sont au regard de l'absolu, comment pourront-ils servir valablement l'allégorie salomonienne ? En devenant une pierre « montante » !

    L'Apprenti va œuvrer « sa » pierre pour l'extraire des profondeurs, l'amener à l'air, puis la dresser à la verticale afin de la monter dans le mur du Temple. Pour agir dans ce sens et prendre conscience de la symbolique axiale de ce travail (profondeur et hauteur), il dispose du Fil à plomb. Cet emblème va le « guider », l'aider à s'affranchir progressivement de ses racines enfouies si profondément et où brûle le feu des pulsions, celui des instincts, des réactions les plus primaires. En dénouant un à un les liens qui l'entravent, il va se dégager des lois de cette pesanteur qui le retient vers le bas. Libéré de ces carcans, le Maçon, recréé par une volonté qui le dépasse, découvre l'univers céleste, ce qui se concrétise par l'atteinte de l'état de perfection dévolu au cube.

    Alors la Beauté, soutenue par la Force et annonçant l'éternelle Sagesse de l'Ordre, pourra rayonner ineffablement et marquer l'entrée du disciple dans la voie qui conduit à la Jérusalem Céleste.

    Cette harmonie parfaite attribuée au cube découle du fait que sa forme volumique est la plus « arrêtée » de toutes les figures,...  « ...c'est-à-dire celle qui correspond au maximum de « spécification » ; aussi cette forme est-elle celle qui est rapportée parmi les éléments corporels, à la terre, en tant que celle-ci constitue l'élément « terminant et final » de la manifestation dans cet état corporel ; et, par suite, elle correspond aussi à la fin du cycle de manifestation... » [10].

    Le cheminement qui s'étend de la Pierre brute à la Pierre cubique marque le parcours de l'homme en quête de sa « libération ». C'est la voie de celui qui souhaite réintégrer définitivement la lumière.

    Si le cube est considéré comme parfait, que peut nous apporter la Pierre cubique à pointe ?

    La Pierre cubique à pointe

    * Approche du symbolisme des pierres en Loge bleue

    Sur le Tableau de la Loge, la Pierre cubique est, le plus souvent, terminée en forme de pyramide. Déjà bien présente dès l’Antiquité, la Pierre cubique à pointe que doit réaliser le Compagnon, correspond à une œuvre achevée, à l’acceptation d’une norme, d’une règle qui le relie au Principe. Ce travail correspond à l’ouverture de sa conscience, à la vie de l’esprit.

    La Pierre cubique à pointe peut être considérée comme une pierre levée préhistorique qui évoque l’ascension de l’âme du mort. Elle a sans aucun doute un caractère sacré. Elle est l’exemple de l’équilibre dans la construction d’un rapport harmonieux. Elle exprime cet équilibre, cette stabilité et la perfection du Compagnon fini, dont la pyramide surmontant la Pierre cubique est le parfait symbole.

    Comment interpréter la Pierre cubique à pointe ?

    Approche du symbolisme de la Pierre cubique à pointe

    L'interprétation de ce symbole est délicate. Pour Ragon, la Pierre cubique à pointe appartient au rituel du second grade. Oswald Wirth, qui a longuement insisté sur l'inadaptation du cube parfait aux exigences de l'art de bâtir, affirme que le couronnement pyramidal du cube pourrait... équivaloir à la croix qui surmonte le carré dans l'idéogramme de la Pierre philosophale et que ce symbole « se rapporterait plus spécialement au grade de Maître et à cet affinement de la personnalité qui se traduit par la sainteté ou l'héroïsme du point de vue moral et par une géniale acuité de jugement au point de vue intellectuel ».

    Amélie André – Gédalge partage l’avis du Frère Oswald Wirth en ce qui concerne l’identification de la Pierre philosophale et de la Pierre cubique mais elle pense qu’avant de devenir cubique par les soins de l’Apprenti-maçon, cette pierre a d’abord été brute. Elle était alors la « Materia Prima » et la « Pierre des Sages », sujette aux rectifications et aux purifications qui feront d’elle le chef d’œuvre de l’Ouvrier et le but du Grand Œuvre.

    « Ce cube qui n'en est pas un, nous dit Edouard Plantagenêt, est l'image même de la relativité. Sa déformation prouve que l'ambiance vivante n'est pas susceptible d'incorporer dans sa chair des formes idéales, parfaites, Ces imperfections sont l'essence de son rythme en même temps que ses aspirations vers le mieux ».

    La Pierre cubique est donc par définition imparfaite mais on peut à la fois la prétendre inachevée ou, au contraire, en voie d'évolution vers une forme nouvelle, supérieure, la Pyramide.

    Pour Jules Boucher, « à l'inverse de la pierre cubique parfaite la pierre à pointe symbolise le caractère humain, donc imparfait, mais aussi libre de la Maçonnerie ». Chaque Maçon taille lui-même « sa » pierre, lui imprime « un caractère de personnalité qui sera sien et unique ».

    La Pierre cubique à pointe associe la figure du cube à celle de la pyramide [11]. Si on observe attentivement cette dernière, on note que sa forme anguleuse ne lui permet pas de s'insérer dans la construction faite des seules pierres cubiques. Tout naturellement, les bâtisseurs ne sachant où la placer vont la rejeter.

    Pourquoi cela ? Parce qu'ils n'ont pas saisi l'importance des figures géométriques tracées par l'équerre et le compas, ni compris que cette pyramide inversée n'est rien d'autre qu'une clef de voûte. Pierre de faîte ou pierre d'angle, sa valeur symbolique ne varie pas et demeure unique au regard de celle des autres pierres de l'édifice. La construction commence par la pose de la pierre au nord-est et s'achève par l'insertion de la « clef » ou pyramide inversée. La première est aussi la dernière.

    On le comprend avec les propos de saint Paul s'adressant aux Éphésiens : «…Jésus-Christ lui-même étant la principale pierre de l'angle, en qui tout édifice, construit et lié dans toutes ses parties, s'élève en un temple consacré au Seigneur, par qui vous êtes entrés dans sa structure pour être l'habitation de Dieu dans l'esprit » [12]. Le Christ est la première pierre de la nouvelle humanité comme il en sera la dernière, celle qui en marquera le terme lors du Jugement dernier.

    Irène Mainguy considère que si la Pierre cubique est un état intermédiaire du travail de l’Apprenti passant Compagnon, la Pierre cubique à pointe correspond au chef d’œuvre du Compagnon apte à accéder à la maîtrise.

    La Pierre cubique à pointe est composée d’un cube surmonté d’une pyramide à quatre faces. Cette pyramide qui surmonte la pierre cubique marque un centre, localise un point de convergence des quatre directions de l’espace, symbolisant une perfection accomplie de l’œuvre de l’homme du métier.

    Si la pierre cubique reste l'aboutissement ultime pour les Frères des rites « spéculatifs » chez qui elle représente l'achèvement et la perfection de l'œuvre, la pierre cubique à pointe s'avère spécifique des rites français dits de métier.

    La Pierre cubique à pointe apparaît comme une voie essentielle de communication vers le pôle céleste. La perpendiculaire qui la traverse très exactement au milieu constitue l'axe reliant le centre du ciel au centre de la terre, l'homme s'inscrivant entre ces deux points. Si le Cherchant se situe à la base du cube, ou en dessous, il sera inévitablement condamné à souffrir dans les Ténèbres. Si on le retrouve à la pointe de la pyramide, le cycle se termine ; la délivrance des formes et la réintégration à l'essence créatrice approchent.

    La Pierre cubique à pointe intervient donc comme l'image d'un mouvement ascendant mais non encore achevé. Le but n'est pas atteint. Elle indique que le travail d'édification ou « élévation » sur la pierre commence seulement. Pour dépasser ce stade matériel, il convient d'emprunter la voie de la pierre angulaire masquée par l'emblème de la pyramide. La clef réside dans la figure du Christ qui se trouve à l'origine de cette pierre angulaire.

    Mais pour certains auteurs, la pierre cubique à pointe serait une erreur de traduction de l’anglais !

    C’est le cas de Jacques Thomas qui déclare que « la Pierre Cubique à Pointe est un avatar d’une mauvaise interprétation des textes anciens, liée à de mauvais dessins pendant de longues années et qu’on aura voulu justifier a posteriori. De même la hache aurait été à l’origine une équerre qui, dessinée maladroitement s’est peu à peu transformée ». 

    La Pierre cubique à pointe surmontée d’une Hache

    * Approche du symbolisme des pierres en Loge bleue

    Sur le Tableau de Loge, tant sur celui de l'Apprenti que sur celui du Compagnon, figurent deux dessins : le premier, celui de la « Pierre brute » et le second, celui de la « Pierre cubique à pointe ». Celle-ci est parfois surmontée d'une hache fichée en son sommet.

    En effet, dans la représentation des Tableaux de Loge du 18ème siècle, la Hache est parfois représentée en équilibre sur une Pierre cubique à pointe ou un pyramidion surmontant une Pierre cubique. Pour Irène Mainguy [13], elle peut symboliser l’éveil de la conscience de l’Initié aux réalités supérieures ou à l’ouverture de son centre spirituel, ce qui paraît plus vraisemblable que de servir simplement à aiguiser les outils du Compagnon !

    En général, comme il n’y avait qu’un seul Tableau d’Apprenti – Compagnon qui représentait l’ensemble des symboles des deux grades, cette Pierre cubique à pointe surmontée d’une Hache était placée, soit au-dessus de la Colonne B au Rite Français, soit à la Colonne J au Rite Écossais Ancien et Accepté où le Compagnon reçoit son salaire.

    Toujours pour Irène Mainguy, la Hache au sommet du pyramidion, semblable à la foudre, ferait jaillir l’esprit de la matière. Cette Hache pénétrant le sommet de la pierre indiquerait que la pierre a atteint le fini d’une beauté et d’une perfection. Cela signifierait que la Pierre, après avoir été débarrassée de ses aspérités par le Ciseau et le Maillet, représenterait l’achèvement de l’œuvre lorsqu'elle est surmontée des quatre faces du pyramidion, axe de liaison entre le terrestre et le céleste.

    La Hache fichée en son sommet témoignerait que de la pierre peut jaillir la lumière de l’être, libéré de la gangue d’obscurité enfouie dans le secret de l’être ; elle symboliserait l’émergence intérieure de ce qui est secret et caché au plus profond de soi.

    Plus simplement, il est aussi possible de penser que la Pierre cubique surmontée d'une Pyramide et d'une Hache représenterait l'idéal maçonnique. Cet instrument pourrait aussi indiquer qu'il faut ouvrir la pierre, la fendre afin d'arriver à son contenu, à son ésotérisme.

    Jules Boucher hasarde des explications ésotériques qui tiennent davantage à l'environnement de la pierre qu'à la pierre elle-même. Elle est sous la Hache pour indiquer son caractère sacré. La Pyramide la protège de l'Eau, comme la Hache la protège du Feu ou de la Foudre, d'où un symbolisme moral. La pierre doit être défendue contre l'Eau (forces dissolvantes) et le Feu (force trop sublimisantes).

    Selon Michel Lapidus, « avec l'ajout de la Hache, il s'agit bien alors d'un emblème relatif à la Connaissance limitée aux seules lois de la matière, dites du plan physique, puisque cette figure cubique ouverte ne présente plus que cinq faces au contraire de la pierre cubique qui en développe six ».

    Selon René Guénon, « la Pierre cubique à pointe (regardée dans l’interprétation hermétique comme la figure de la pierre philosophale) dans des anciens documents est complétée, d’une façon inattendue, par l’adjonction d’une Hache qui semble posée en équilibre sur le sommet même de la pyramide.

    Cette image a intrigué les spécialistes du symbolisme maçonnique. La solution est que la hache n’est ici autre chose que l’hiéroglyphe de la lettre hébraïque qoph. Le sens général attaché à la lettre hébraïque qoph, ou à la lettre arabe qâf, est celui de « force » ou de « puissance » (en arabe qowah), qui peut être d’ordre matériel ou d’ordre spirituel. Le symbolisme d’une arme telle la hache correspond à ce sens ».

    Quant à Raoul Berteaux il nous rappelle que le mot « hache », par son étymologie, est à mettre en corrélation avec l’axe. La hache est reliée à « ce qui tombe du ciel » ou est « lancé par le ciel », pour ouvrir à la connaissance ésotérique du modèle, la ligne de pénétration étant figurée par l’Axis Mundi.

    Pour conclure, du moins provisoirement

    Dans le Temple maçonnique, la pierre tient donc une place prépondérante à la vue de tous. Présentes sur le Tableau de Loge en tant que concepts pour qu’une pensée en création puisse être déployée, la Pierre brute et la Pierre cubique sont également présentes, soit aux marches de l’Orient, soit devant le Tableau de Loge, pour qu’une œuvre soit accomplie à partir des éléments qui la composent et matérialisent une puissance de vie.

    Il est d'usage dans la plupart des Loges, de poser deux pierres près du Tableau de Loge ou devant l'estrade à l'Orient :

    • la première est censée représenter la matière première, de caractère passif ; elle est taillée par l'Apprenti qui, selon l'expression consacrée, « dégrossit la pierre brute » ;

    • la seconde est un cube à pointe affiné par le travail du Compagnon.

    Lors de la cérémonie d’Initiation, l’Apprenti a traversé les épreuves des éléments en tant que potentialités. L’Apprenti a perdu toute spécification ; protégé par le bandeau pour traverser ces épreuves élémentaires, il reçoit ensuite son nom de Frère, entre dans la Loge symbolique et voit une distinction entre Pierre brute et Pierre cubique. Il voit la révélation des matériaux à travailler, la révélation d’un chemin menant de l’une à l’autre pierre. L’Apprenti voit qu’il y a la materia prima indifférenciée et un monde organisé, qui constituent deux visions indissociables, complémentaires, de la totalité du chemin initiatique à parcourir pour atteindre un nouveau seuil, celui des Grands Mystères.

    Sur le Tableau de Loge, Pierre brute et Pierre cubique sont représentées de part et d’autre de la Porte, le long des Colonnes, indiquant qu’il y a des portes à franchir pour avancer sur la voie de la connaissance.

    La Pierre brute est un signe de l'inaccompli, tandis que la Pierre cubique à pointe, œuvrée par l'homme, est un signe de l'accompli. Pierre brute et pierre cubique sont les deux polarités d’une même réalité, les deux aspects d’un concept.

    Lorsque les deux pierres sont présentes aux marches de l’Orient, la Pierre brute est placée du côté Nord et la Pierre cubique du côté Sud.

    La Pierre cubique à pointe est une pierre cubique dont la face supérieure se termine en pointe comme une pyramide. Cette pierre évoque concrètement une clef de voûte. Par les quatre lignes qui convergent depuis les angles supérieurs vers un point de force central, la Pierre cubique à pointe se veut être la projection vers l'espace. C'est ainsi une autre dimension donnée à la matière maîtrisée par le Compagnon : symboliquement, le parfait conduit à l'élévation ; la répartition cohérente des énergies crée un mouvement ascendant de la matière vers l'esprit, du profane vers le sacré.

    La Pierre cubique à pointe ne représente-t-elle pas finalement le chef-d'œuvre que tout Maçon doit parvenir à réaliser en qualité de Compagnon fini ? Les Tableaux de Loge du 18e siècle représentent clairement que tout itinéraire initiatique correspond à la transformation de la Pierre brute en Pierre cubique à pointe. Cette image de l'ascension vers la Transcendance correspond aussi à la recherche de la pierre philosophale.

    La Pierre cubique à pointe est parfois aussi représentée surmontée d’une Hache. Cette Hache fichée en son sommet, semblable à un marteau taillant, évoque la réalisation spirituelle à son apogée grâce à la réception de l'illumination initiatique. N’aurait-elle pas pour but de faire jaillir la lumière enfermée au cœur de la pierre ? Le sommet de la pierre cubique à pointe est assimilable à un omphalos [14], une représentation visible et concrète du « centre du monde », d'une ouverture sur le divin, quintessence de l'être, point de rencontre du manifesté et du non-manifesté.

    La Pierre cubique à pointe symbolise donc l'achèvement de l'œuvre, l'aboutissement réalisé, le couronnement des efforts. Souvent oubliée ou méconnue, elle synthétise l'ensemble des connaissances du Franc-maçon.

    Cette Pierre polie et burinée me semble, avec la Planche à tracer du Maître, le symbole le plus important de la connaissance initiatique de l'Ordre maçonnique.

     

    R:. F:. A. B.

     

    [1] Roger Richard, Dictionnaire maçonnique, Paris, 1999

    [2] E. Saunier, Encyclopédie de la Franc-maçonnerie, Paris, 2000

    [3] Ce qui reste inexact puisque la première vibration de l'Eternel procédant à la manifestation d'une « créature » à son « image » ne projette pas un homme ou corps de matière mais une entité animée dotée de toute la puissance vibratoire et énergétique divine. Le premier Adam n'étant pas une créature charnelle, on ne peut même pas retenir l'hypothèse androgyne. L'anthropomorphisation ou « incorporisation » de cette entité divine viendra de son désir de changement d'état ou « cristallisation spiritueuse », ce qui provoquera sa chute et c'est là, à ce moment seulement, que s'opérera la différenciation ou division en un élément mâle et son complémentaire féminin.

    [4] Exode, 20, 25 ; Deutéronome, 27 ,5 ; 1 Rois, 6,7.

    [5] Coomaraswamy Ananda. K., Janua Coeli in Zalmoxis. T 2. 1939

    [6] Guénon René, Symboles fondamentaux de la Science sacrée, 1962

    [7] Tels les menhirs ou l'Omphalos de Delphes (en réalité un bétyle ou pierre tombée du ciel). Ces pierres lancées du ciel sur la terre sont parfois interprétées comme « la pierre que les constructeurs ont rejetée », ces bâtisseurs ou créateurs étant en l'occurrence des anges. Par ailleurs, la base de l'aérolithe dressé vers le cosmos représente la « pierre fondamentale » du centre et la « pierre angulaire » ou sommet de l'axe.

    [8] « parlantes » car certaines pierres tombées du ciel portaient des inscriptions mystérieuses, telle la pierre d'Ourga, à l'instar de la coupe de Joseph, Genèse, XLIV, 5.

    [9] Littéralement, « celui qui est placé au début » de la voie.

    [10] Guénon René, Symboles fondamentaux de la Science sacrée, 1962

    [11] La figure pyramidale prise isolément n'a aucune valeur. L'emblème à considérer reste la pierre cubique à pointe et la forme pyramidale vise à provoquer la prise de conscience ou la découverte de l'importance dévolue à la pierre angulaire ou clef de voûte. Si la pierre tend à « se trouver dressée » vers le ciel, la clef de voûte descend du ciel vers la terre (puisqu'elle est posée du haut vers le bas) et la réunion de ces deux mouvements, ascendant et descendant, marque l'accomplissement du cycle : la création est achevée. Pour Raymond Lulle, la pierre symbolisait l'élixir de vie et la régénération de l'âme par la grâce divine.

    [12] Saint Paul : Épître aux Éphésiens. II, 20-22

    [13] Irène Maingy, Symbolique des outils et glorification du Métier, Editions Jean-Cyrille Godefroy, 2007

    [14] L’omphalos serait une pierre substituée à Zeus nouveau-né et avalée par Cronos. Elle symbolise ainsi la naissance de Zeus et sa puissance. L'Omphalos est, fondamentalement, un symbole du centre du monde, selon le sens complexe que l'idée de « centre » pouvait avoir chez les peuples anciens, et qui impliquait des notions allant bien au-delà du monde matériel. Il s'agissait donc d'une notion universelle de « centre ».

    Bibliographie

    André-Gédalgue Amélie - Manuel interprétatif du symbolisme maçonnique

    1er degré symbolique – Grade d’Apprenti - Maison de Vie éditeur, Paris, 2010 - Pages 19 à 20

     

    Bédarride Armand - Le travail sur la Pierre brute

    Editions Télètes, Paris, 1992

     

    Bermann Roland - Le grade de Compagnon au Rite Écossais Rectifié

    Sa nature et son ésotérisme - Editions Dervy, Paris, 2009

     

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade d’Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986 - Pages 31 à 43

     

    Boisdenghien Guy - La vocation initiatique de la Franc-maçonnerie

    Editions l’Etoile, Bruxelles, 1999 - Page 161

     

    Dangle Pierre - Le Livre de l’Apprenti

    La Maison de Vie, Fuveau, 1999 - Pages 99 à 103

     

    Désaguliers René - Les Pierres de la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1995

     

    Doignon Olivier - La Pierre Brute

    La Maison de Vie, Fuveau, 2003

     

    Geay Patrick - Mystères et significations du Temple maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1997 - Pages 128 à 130

     

    Guigue Christian - Les planches de l’Apprenti

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 1996

     

    Lapidus Michel - La Pierre cubique

    La Maison de Vie, Fuveau, 2003

     

    Leroy Jeanne - La pierre cubique à pointe

    Synthèse de la Connaissance - La Maison de Vie, Paris, 2010

     

    Mainguy Irène - La Symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy,  Paris, 2001 - Pages 158 et 159

     

    Mainguy Irène - Symbolique des outils et glorification du Métier

    Editions Jean-Cyrille Godefroy, 2007 - Pages 220 à 221

     

    Thomas Jacques - Pierre brute et pierre cubique à pointe

    In Travaux Villard de Honnecourt n° 22, 1er semestre 1991 - Pages 39 à 54


  • Commentaires

    1
    Lundi 9 Décembre 2019 à 09:52

    Bonjour,

    Le symbolisme maçonnique dans les Mystères.
    Dans un premier temps, rappelons que la Franc-Maçonnerie est d'origine hébraïque, tous les mots de passe sont des vocables hébreux, ses légendes sont tirées de l'histoire du peuple d'Israël.
    Le rituel institué dans les Mystères comprenait 3 degrés.
    On donnait dans ces 3 étapes un enseignement graduel des Vérités. On les appelait alors « secrets hiératiques », c'est-à dire concernant les choses sacrées.
    Pendant le premier degré, on étudiait le caractère du postulant et, si on ne lui reconnaissait pas la faculté de comprendre la Vérité, on l'y laissait toute sa vie, on ne lui conférait pas les deux grades supérieurs.
    Pour celui qui était apte, le premier symbole dont on lui expliquait la signification était, le signe de ralliement... devenu l'Equerre. Explication :
    Les Sociétés secrètes ont eu et ont, encore, comme signe de ralliement, la lettre T ou la lettre D. Il est utile d'en chercher l'origine.
    Dans les « Mystères » égyptiens, le signe de ralliement, était composé de deux lignes, une horizontale et l'autre verticale, de manière à figurer le T des « architectes » (archi-tekton, en grec, de tekton, charpente qui soutient une œuvre). Ce signe est une lettre, le Tau. Il représente en même temps le triangle féminin. C'est, du reste, la première lettre du nom de la révélatrice égyptienne : « Toth ».
    Dans les Mystères de Jérusalem, le signe de ralliement sera la lettre D, le Daleth, ainsi figuré : « ד », une ligne droite horizontale, et une ligne verticale sinueuse.
    Si la lettre « ד » était employée comme article en hébreu, le nom de David devrait se lire D (article) Div ou diva (La Diva), les voyelles changeant de place suivant la façon de lire de gauche à droite ou de droite à gauche.
    Rappelons que le nom de David est la traduction du nom hébreu Daud, nom féminin qui était celui de la dernière souveraine qui fut martyrisée à Jérusalem après y avoir régné 33 ans.
    Dans le samaritain, cette lettre, le D, est représentée par un signe qui ressemble déjà au T des autres langues : la ligne verticale est au milieu de la lettre, alors qu'en hébreu elle est reculée à droite.
    Nous ne savons pas si c'est le samaritain qui était parlé par les Hébreux et qui avait le plus d'autorité. Cela est probable, puisque c'est Samarie qui reste la capitale de la gynécocratie Israélite, et c'est la version samaritaine du Sépher qui est la plus authentique.
    Donc, le Daleth des Hébreux est le Tau des Egyptiens, et le T des Grecs.
    La prononciation aurait passé du D au T. Elle est encore confondue chez certains peuples modernes, et particulièrement chez ceux qui sont originaires de Palestine.
    C'est parce que le Daleth est la première lettre du nom de David qu'il servit de signe de ralliement au parti qui se forma pour soutenir sa cause.
    Cette lettre est devenue l'équerre des Francs-Maçons.
    L'enseignement des lois de la physiologie donné dans le second degré avait pour but de donner à l'homme les connaissances qui vont lui permettre de réaliser, avec la Femme, l'harmonie spirituelle.
    Pour cela, il fallait lui faire comprendre que les deux natures masculine et féminine sont différentes, c'est-à-dire inversement polarisées, ce qui a toujours occupé les femmes ; et ceci prouve que les hommes ont toujours eu de la peine à sortir de leur propre physiologie pour envisager dans un autre être des conditions différentes des leurs.
    Pour donner à l'homme la compréhension de ces deux natures, on multiplie le symbolisme, afin que le néophyte arrive à se rendre compte du résultat psychique de la polarité inverse des deux sexes.
    Dans un tableau qui représente symboliquement les choses qui sont les plus sacrées, on voit les degrés d'une estrade représentant l'évolution humaine.
    Deux colonnes, les deux sexes, portant chacune sur le fût une lettre symbolique.
    Sur la colonne de droite, celle du Sud, la lettre I, première du mol Iakin (mot qui signifie sagesse). Sur la colonne de gauche, au Nord, la lettre B, première du mot, Booz, qui signifie force.
    À gauche de la colonne B (symbole du sexe masculin), une pierre brute représente l'homme inculte. Au-dessus du chapiteau, un fil à plomb indiquant qu' « il descend vers la terre ». En dessous de la pierre brute, un ciseau et un maillet entrelacés ; ce sont des instruments de perfectionnement, montrant que l'homme doit travailler à se perfectionner.
    À droite de la colonne J (symbole du sexe féminin), un cube coiffé d'une pyramide. C'est l'ascension spirituelle sur le cône sacré. Au-dessus du chapiteau, un niveau, symbole qui veut dire stabilité (l'esprit féminin ne descend pas). Au-dessous du cube à pointe, une fenêtre à grillage, c'est-à-dire par où l'on voit ; cela représente la voyance (intuition). A droite de la fenêtre, un soleil rayonnant contenant une tête : l'Esprit. A gauche (du côté masculin), la lune, dans les nuages.
    La colonne masculine est noire ; la colonne féminine est blanche.
    Tout cela est entouré d'un grand cordon ayant sept doubles nœuds. C'est le lien qui unit l'homme à la femme, et cela semble représenter les sept âges de la vie.
    Les symboles qui accompagnent et expliquent les deux lettres I et B représentent la polarisation inverse de l'homme et de la femme, le principe de vie qui monte chez la femme, qui descend chez l'homme, mais ils sont reliés par les lacs d'amour.
    C'est ce même symbolisme qui est représenté par la première lettre de l'alphabet hébraïque, aleph א, deux branches inversement polarisées, reliées par un trait qui va de l'une à l'autre. La lettre A dans notre alphabet a aussi deux branches, dont l'une monte et l'autre descend : c'est l'échelle de Jacob. Aleph est devenu Alpha en grec.
    Lien : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/2017/07/histoire-des-israelites.html

    Cordialement.

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    2
    Sam
    Samedi 26 Septembre 2020 à 14:15
    QUE L’Amour reign parmi les hommes
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