•  Le Tablier, les Gants et le Bijou au degré d’Apprenti 

    Introduction

    Le Tablier semble bien être un des attributs maçonniques les plus connus. Du plus loin que l’on remonte dans l’histoire de la Franc-maçonnerie, le Tablier est par excellence le symbole du travail. A ce titre, il a longtemps été l’un des éléments majeurs de la Maçonnerie opérative. Le tablier des tailleurs de pierre était en peau, assez long et enveloppant. Les représentations anciennes de gravures du 18ème siècle, représentant une Tenue d’admission d’un candidat, en témoignent.

    C’est pourquoi, il fut longtemps obligatoire de le porter en Loge, quel que soit le grade que l’on ait atteint. Aujourd'hui, cette obligation se résume, dans la plupart des Rites, aux grades symboliques.

    Assez curieusement, peu d’études et de recherches ont été consacrées à ce tablier dont la forme est trop souvent fantaisiste, alors qu’elle devrait s’inspirer de proportions et de lois d’harmonie très précises pour offrir à l’Apprenti un message correspondant aux mystères de son grade.

    Dans la présente planche, je tenterai d’apporter des réponses aux questions que l’on peut judicieusement se poser à propos du port du tablier et de son symbolisme ; à propos de ce que représente le port des Gants blancs et du sens du Bijou de Loge.

    Le Tablier, les Gants et le Bijou

    Aussitôt l’investiture terminée, le Maître des Cérémonies reconduit le nouvel Apprenti sur le parvis afin qu’il puisse reparaître en Loge, vêtu cette fois d’une manière adéquate. Cela étant exécuté, le Maître des Cérémonies ramène le Néophyte à la Porte de la Loge.

    Dès que l’entrée de la Loge lui est accordée, le Récipiendaire s’avance par les trois pas de l’Apprenti puis est conduit au Sud – Est, entre la place de l’Expert et celle du Secrétaire. C'est à cet endroit que lui sont communiqués les arcanes de son grade.

    C'est là qu'il apprend que le symbolisme de la Franc-maçonnerie représente l’Apprenti – Maçon sous la forme de la Pierre brute qui doit être équarrie à l’aide du Ciseau et du Maillet. C’est la raison pour laquelle l’Apprenti se voit remettre un tablier qui lui rappellera durant toute sa vie maçonnique son obligation de travailler sans cesse à son propre perfectionnement.

    En même temps que le Tablier, la Loge offre à l’Apprenti deux paires de gants blancs : la première, qu’il met immédiatement ; la seconde, qui est destinée à la femme qu’il estime le plus.

    Le nouvel Apprenti se voit aussi remettre le bijou de la Loge, bijou qu’il devra porter à chaque Tenue, tout comme son tablier et ses gants blancs, mais également lorsqu'il se mettra à visiter d’autres Loges.

    Le Tablier, marque distinctive du Maçon

    Le tablier est généralement composé d’une forme rectangulaire surmontée d’une bavette triangulaire. Aux grades d’Apprenti et de Compagnon, le tablier devrait traditionnellement être fait de peau d’agneau blanche. Hélas, de nos jours, pour des raisons économiques, le similicuir a souvent pris la place de la peau naturelle.

    Le jeune Apprenti apprend qu’à son grade, la bavette du tablier doit être portée relevée, comme il convient pour travailler la pierre brute. En tant qu’Apprenti-Maçon, il devra le porter à chaque Tenue. Insigne et vêtement de travail de l’Apprenti-Maçon, ce tablier lui donne accès au chantier du Grand Œuvre de la Franc-maçonnerie.

    A partir du grade de Maître, et pour les « Hauts Grades », le tablier est soit en peau soit en satin. La couleur et les ornements varient non seulement selon le Rite pratiqué, mais aussi suivant la fonction assumée et l’Obédience concernée.

     * Le Tablier, les gants et le bijou  au degré d’Apprenti    * Le Tablier, les gants et le bijou  au degré d’Apprenti    * Le Tablier, les gants et le bijou  au degré d’Apprenti

    Les anciennes instructions expliquent que le tablier est la marque distinctive du Maçon. Sa peau d’agneau, d’une blancheur éclatante, symbolise la pureté, l’état de virginité virtuellement recouvré par le Néophyte.

    Ce symbole de la Franc-maçonnerie spéculative est particulièrement important car il est un rappel de sa lointaine filiation opérative.

    La réception et l’enseignement du Tablier, en peau d’agneau ou en cuir blanc, avec les Gants blancs, sensibilisent rapidement le Franc-maçon dans son cheminement et demeurent gravés dans sa mémoire comme les premiers symboles qui lui sont expliqués, autant que la première preuve tangible qu’il possède de son admission dans un ordre initiatique. Sorte de rite d’investiture, la remise du tablier avec les gants constitue pour le nouvel Apprenti, les insignes distinctifs de son engagement dans le métier.

    Nul Frère ne peut pénétrer en Loge sans porter ce vêtement rituel qui varie de forme et de couleur selon les grades. C’est lui qui traduit de manière visible sa qualité d’Initié et situe sa place dans la hiérarchie et dans la Loge où, selon son grade, il participe à l’édification du Temple. Mais le port du tablier efface aussi les différences sociales. Quelle que soient leur origine ou leur degré de fortune, les Apprentis portent tous le même tablier de peau blanche, un tablier dont ils se sont engagés à préserver la pureté, tant par la mesure de leurs paroles que par la prudence de leurs actes.

    Beaucoup d’auteurs considèrent que le tablier et les gants sont les éléments de l’habillement du Maçon, tandis que les cordons sous formes d’écharpes et sautoirs constitueraient plutôt les « décors ». Quoi qu’il en soit, le Tablier et les Gants sont les véritables insignes maçonniques du travail.

    Le tablier, vêtement de protection et de travail

    Le rôle du tablier est de protéger le Maçon durant le Travail. Il lui évite d’être blessé par les éclats qui se détachent de la Pierre brute. Ces éclats doivent symboliquement être considérés comme ses imperfections, ses vices et ses passions. Le tablier participe à tout le cycle du Travail maçonnique. Il constitue une preuve évidente de l’engagement du Maçon et de la consécration qui en a été la réponse. Autrement dit, porter le modeste tablier de peau blanche implique que le Franc-maçon est pleinement conscient de tous ses devoirs.

    Insigne et vêtement de travail de l’Apprenti – Maçon, le Tablier lui donne accès au chantier du Grand Œuvre de la Franc-maçonnerie.

    Quand l’Apprenti noue la ceinture de son tablier, il « s’équipe » symboliquement d’une puissance indispensable pour travailler sur le chantier, et cette force de nature spirituelle lui permet de demeurer en rectitude pour façonner les pierres qui s’intégreront dans la construction du temple.

    Le tablier de peau rappelle le vêtement de protection que portaient les Apprentis et les Compagnons, tant dans la carrière que sur les chantiers. Est-ce bien là l’origine du port du Tablier en Loge ? S’il en est ainsi, alors pourquoi les Maîtres Maçons portent-ils le Tablier ? Et pourquoi le tablier de soie de ces Maîtres s’est-il substitué au tablier en peau d’agneau ?

    De même, le port des gants blancs évoque-t-il une protection des mains sur le chantier ? Autant de questions qui restent sans réponses même quand on analyse des documents historiques !

    Selon le sens exotérique, le tablier évoque le travail. Mais au port du tablier et à l’usage des gants doit correspondre un sens plus profond.

    Le tablier est un moyen de protection évoquant ainsi une fonction passive. Mais il est aussi signe de travail, évoquant alors une fonction active. Il en va de même pour les gants.

    Le tablier isole, tout comme les gants. Protection et isolement sont concomitants. Tablier et gants protègent contre un danger, par l’isolement.

    Sur le chantier, le danger est d’ordre physique ; il concerne les heurts par les matériaux et les outils de travail. En Loge, il convient de transposer les heurts au plan psychique : la pénétration dans la psyché profonde pour atteindre à la connaissance de soi et la volonté d’action sur son propre comportement présentent des dangers.

    Lorsque l’Apprenti noue la ceinture de son tablier, il ceint les reins. Symboliquement, il s’équipe d’une puissance indispensable pour travailler sur le chantier. Cette force de nature spirituelle lui permet de demeurer en rectitude pour façonner les pierres qui s'intégreront dans la construction du temple.

    Grâce au tablier, l’Apprenti retrouve, à chaque Tenue, une nouvelle pureté. Il se délivre des oripeaux du vieil homme pour adopter une tenue rituelle qu’ont toujours revêtue les bâtisseurs de temples, depuis des millénaires. Ce simple vêtement le relie ainsi aux Initiés d’hier et à ceux de demain qui, comme lui, l’utiliseront pour signifier leur appartenance à une Loge.

    Le port du tablier marque aussi la nécessité d’unir la voie opérative à la voie spéculative, la main à l’esprit ; il fortifie son désir de participer au travail communautaire et lui donne une identité initiatique.

    Au-delà du simple décor porté par le Franc-maçon, on peut considérer que le Tablier symbolise à la fois le corps physique qui enveloppe l’esprit créateur, mais aussi la protection indispensable lors des travaux de construction auxquels va se livrer l’Initié, essentiellement la taille de la Pierre brute, jusqu'à parvenir à l’Œuvre accomplie.

    Le Tablier, symbole de pureté

    Dans le tablier maçonnique, trois éléments méritent d’être analysés pour en percevoir le sens : sa couleur, sa matière et sa forme.

    Le tablier doit être uniformément blanc et sans tache.

    Cette couleur est considérée comme emblème d’innocence et de pureté.

    Le blanc étant la synthèse de toutes les couleurs, il a la propriété de diffuser la totalité du flux lumineux qu’il reçoit de la source, dans toute l’étendue du spectre visible.

    Le Tablier de l’Apprenti doit être en peau d’agneau. Aucune autre substance, telle que le lin, la soie ou le satin ne saurait lui être substituée, sans détruire entièrement le caractère emblématique du Tablier.

    Outre qu’il réactualise symboliquement le vaste tablier de cuir des ouvriers de certains métiers, il rappelle aussi que la peau a toujours été considérée comme un matériau protecteur, un isolant efficace contre certaines influences se rapportant au domaine des forces intérieures. Par le port du Tablier, il s’agit donc de mettre à l’abri une région du corps pour orienter son efficience vers d’autres domaines.

    Le Tablier en Loge, protège et met à couvert une région du corps qui n’a pas à participer au Travail maçonnique. Cette région du corps où siègent et s’animent les passions étant circonscrite symboliquement par le port du Tablier, les Travaux de Loge pourront se dérouler avec d’autant plus de sérénité et de profit qu’ils ne subiront pas les interférences nuisibles inhérentes aux agitations passionnelles. Elle doit être subordonnée et éclairée par l’intelligence spirituelle qui seule, doit participer à la construction du Temple. Toutes les passions profanes, tous les appétits grossiers doivent être exclus progressivement du travail de chacun.

    En ce qui concerne sa forme, constatons que, si la bavette est relevée, le tablier de l’Apprenti a cinq côtés qui peuvent être mis en correspondance avec les cinq sens. Il est constitué de deux parties de formes géométriques différentes : une triangulaire, qui est la bavette relevée au grade d’Apprenti, symbole du « Principe spirituel », et une partie quadrangulaire, symbole de la « materia prima ». La première partie se juxtapose à la deuxième sans la pénétrer, délimitant ainsi la zone d’activité de l’influence spirituelle.

    Ces deux figures géométriques rappellent le quaternaire de la matière surmontée du ternaire de l’esprit, représentant quant à lui le sommet de la conscience humaine.

    Au grade de Compagnon, la bavette rabattue exprime le travail de spiritualisation de la matière.

    En peau d’agneau, d’une blancheur éclatante, le Tablier symbolise la pureté, la pureté des intentions, l’état de virginité virtuellement retrouvé par le Néophyte. Mais cette pureté ne correspond pas seulement à une rectitude morale et un comportement impeccable de la part de l’Apprenti. Il s’agit davantage d’une pureté mythique et rituelle qui trouvera son interprétation au grade de Maître.

    Ce symbole de la Franc-maçonnerie spéculative est donc particulièrement important car il est un rappel de sa lointaine filiation opérative.

    Porter un tablier comme l’artisan, c’est se définir comme un artisan. C’est donc intégrer son état d’esprit, son approche de la réalité. Le Maçon travaille les idées et les symboles à la manière de l’artisan : il regarde chaque idée, chaque symbole, avec attention.

    Nos Gants

    Les gants blancs doivent servir lors de toutes les Tenues. Ces gants suggèrent que les mains d’un Franc-maçon doivent rester pures de tout acte blâmable, et que sa conscience s’efforcera de proscrire tous sentiments vils.

    En Maçonnerie, les Gants blancs sont un symbole mais aussi un objet rituel. Reçus le jour de l’Initiation, ils rappelleront les engagements solennellement prêtés.

    Les Gants marquent avant tout la pureté rituelle exigée par tout Travail rituel. Ils sont portés parce que les mains qui auront à manier les symboles sacrés ne peuvent être celles qui manient les objets profanes dans la vie quotidienne : le sacré doit être préservé de toute profanation. C'est pourquoi tout Frère qui "planche" à la "stalle" du Frère Orateur ne devrait pas se déganter, même pour tourner les pages de son Travail.

    Les Gants blancs sont portés pendant toute la durée des Travaux en Loge, à l’exception des moments consacrés à la Chaîne d’union, où toutes les mains des assistants s’uniront ; elles seront alors dénudées pour favoriser la circulation des subtiles énergies chargées de fraternelles intentions cordiales.

    Les Gants peuvent être considérés comme le complément indispensable du Tablier dans la Tenue maçonnique. Tous deux ont la même signification et suggèrent les exigences de la purification. On peut considérer que le Tablier se réfère au cœur pur et les Gants aux mains propres. Tous deux sont liés à la purification et à la régénération psychique.

    Cette exigence de purification, qui fut symbolisée de tout temps par les ablutions qui précédaient les anciennes initiations aux mystères sacrés, demeure toujours d’actualité au 21ème siècle.

    Le Bijou de la Loge

    Le Bijou de la Loge est une médaille comportant parfois le nom de la Loge. La devise de la Loge peut également y être indiquée. Un ou plusieurs symboles maçonniques en rapport direct avec la Loge peuvent aussi y figurer.

    Un ruban de couleurs supporte la médaille et complète ce bijou.

    Au cours de la cérémonie d’Initiation au grade d’Apprenti, la coutume veut que le Vénérable Maître remette à chaque Néophyte le bijou de la Loge et lui recommande de le porter à chaque Tenue, et tout spécialement lorsqu'il visitera d’autres Loges.

    Au Moyen Age, le Maçon portait autour du cou, par une cordelette, un « jeton de présence », une sorte de disque percé au centre. Grâce à ce jeton de présence, le Maçon était autorisé à pénétrer et à travailler sur le chantier. Cette idée a sans doute survécu à travers la médaille portée par tous les Frères dans certaines Loges.

    La médaille de la Loge que nous portons généralement accrochée dans la poche de notre veston est le premier bijou dont nous avons eu connaissance le soir de notre Initiation, le seul que nous puissions porter en tant qu’Apprenti ou Compagnon.

    La présence du bijou de Loge semble remonter aux débuts de la Franc-maçonnerie moderne comme en témoigne un ouvrage de l’Abbé Perau publié en 1742 et intitulé « L’Ordre des Francs-maçons trahi et leur secret révélé ».

    Les médailles de Loge en reprennent parfois le nom, souvent le dessin distinctif. Les plus anciennes datent de la fin du 18ème siècle ; les plus récentes sont contemporaines. Simplement métalliques (argent ou métal argenté), puis, au 19ème siècle, parfois églomisées[1], les médailles de Loge sont souvent, de nos jours, émaillés.

    Très rapidement, dès l'apparition de la Franc-maçonnerie en France, nombre de Loges se sont dotées de représentations symboliques les représentant.

    De nos jours, nous dirions qu’elles ont toutes un « logo » que les Loges reproduisent sur leur courrier. On le retrouve aussi sur le sceau que le Frère Secrétaire appose sur les diplômes, sur les convocations. Ce « logo » est gravé sur la médaille portée durant les Tenues de Loge.

    D'un graphisme parfois recherché, parfois au symbolisme plus simple, ces médailles constituent un témoignage souvent émouvant de la vie des Loges et de leur histoire.

    Certaines médailles de Loge sont parfois de véritables merveilles.

    Pour conclure, du moins provisoirement…

    Le port généralisé des Tabliers et des Gants en Tenue de Loge introduit un élément d’uniformité qui contribue à créer une atmosphère de cohésion, d’unité et d’union. C’est un point de vue que nous pouvons profondément ressentir mais sans toutefois pouvoir le justifier. Quoi qu’il en soit, le port du tablier et de gants blancs reste un élément essentiel de la symbolique vestimentaire maçonnique.

    Sachons préserver cette tradition !

    R :. F :. A. B. 

    [1] En verrerie, églomiser, c’est fixer une mince feuille d’or ou d’argent sous le verre, avant que le dessin soit ensuite exécuté à la pointe sèche et maintenu par une deuxième couche ou une plaque de verre.

    Bibliographie

     

    Baudouin Bernard Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995

     

    Béresniak DanielRites et symboles de la Franc-maçonnerie

    Tome 1 : « Les Loges bleues » - Editions Detrad, Paris, 1997

     

    Berteaux RaoulLa symbolique au grade d’Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986

     

    Dangle PierreLa Franc-maçonnerie initiatique Le livre de l’Apprenti

    La Maison de Vie, Fuveau, 1999

     

    Mainguy IrèneLa Symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2006

     


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  •  Approche du symbolisme des Trois Fenêtres 

    Introduction

    Aux deux premiers degrés des Loges bleues – Apprenti et Compagnon – les Tableaux de Loge font apparaître trois fenêtres : la première à l’Orient, la seconde au Midi et la troisième à l’Occident. Il n’y a pas de fenêtre au nord. Au premier degré, ces trois fenêtres sont grillagées ; au second degré, elles sont ouvertes.

    Les fenêtres du temple sont un sujet que de nombreux auteurs ont traité de façon très symboliste, basant leurs recherches, leurs théories et leurs interprétations sur de vieux rituels et d’anciens catéchismes.

    Nous pouvons nous poser plusieurs questions au sujet de ces fenêtres et de leur grillage :

    • Comment justifier leur présence ?

    • Pourquoi trois fenêtres ?

    • Quelle forme leur donner ?

    • Comment représenter leur grillage ?

    • Quel est le véritable sens de ces grilles ?

    Le but de la présente planche est d’approcher le symbolisme des fenêtres, de leur position et de leur grillage ou de leur ouverture.

    Symbolisme de la position des fenêtres

    Tentons tout d’abord de comprendre les interprétations des auteurs maçonniques du début de ce siècle se basant sur les vieux rituels et d’anciens catéchismes.

    Jules Boucher reprend des commentaires de Plantagenet et d’Oswald Wirth.  Selon Raoul Berteaux, souvent très critique à l’égard de ces auteurs du début du siècle, « ils apportent peu de choses du point de vue symbolique et paraissent parfois puérils, sinon inexacts ».

    La symbolique du positionnement de ces trois fenêtres Orient – Midi  – Occident  est flagrante : de toute évidence, elle est liée au cycle solaire. Les fenêtres deviennent ainsi les instruments de la transmission de la Lumière.

    Nombre de rituels maçonniques font clairement allusion à cette progression du soleil autour du Temple et des incidences qui en découlent pour tous ceux qui sont touchés, à un moment ou un autre, par sa clarté.

    Deux théories s’affrontent quant à l’interprétation de la symbolique des fenêtres et de la lumière qui pénètre dans le Temple.

    1. La lumière extérieure pénètre dans le Temple et éclaire le côté opposé.

    2. La seconde option considère que la lumière extérieure éclaire le côté où elle pénètre.

    Analysons ces deux théories.

    D'après la première théorie, si la lumière extérieure qui pénètre dans le Temple éclaire le côté opposé, alors la lumière du matin devrait logiquement éclairer les deux Surveillants. Les Apprentis placés sur la colonne du Nord devraient recevoir un maximum de lumière, car le Soleil, lorsqu'il parvient au Sud, est dans sa plénitude. Dans ce cas également, les Compagnons, qui sont placés sur la colonne du Midi, ne bénéficient pas directement de la lumière mais l’Etoile Flamboyante leur dispense sans doute la lumière nécessaire à leurs travaux. Quant au Vénérable Maître, il recevrait la lumière venant du Couchant, ce qui lui permettrait de vérifier que les travaux organisés et répartis le matin par les Surveillants ont bien été exécutés par les Apprentis et les Compagnons.

    La deuxième théorie met au contraire en évidence la position du Soleil par rapport à l’orientation du Temple. Dans ce cas, le Soleil au Levant éclaire le Vénérable qui prépare les plans. Le Vénérable a prévu ce que sera la journée, la préparation des matériaux par les Apprentis, leur mise en place par les Compagnons. Lorsque le Soleil monte dans le ciel et arrive au Zénith, les Compagnons œuvrent sur le chantier. Il est Midi plein. Le Soleil décline et parvient au Couchant ; la nuit tombe. Il est Minuit plein quand les Surveillants paient les ouvriers et les renvoient contents.

    Quelles que soient les interprétations que l’on puisse donner sur les trajectoires de la lumière venant de l’extérieur ou sur le fait de savoir ce qui est éclairé en premier, le véritable point important à retenir est qu’au long d’une journée, ces trois ouvertures permettent à la lumière d’illuminer tour à tour, à des heures différentes et avec des intensités variées, tous les points du Temple et, par conséquent, l’ensemble des places des différents intervenants dans cette enceinte réservée.

    Dans ce lieu voué initialement à l’étude, à la recherche, à l’élévation spirituelle, depuis le Vénérable Maître jusqu'à l’Apprenti récemment initié, chacun reçoit la Lumière divine et la Connaissance à un moment donné, selon son degré et son avancement.

    Approche du symbolisme de la lumière

    Pour Oswald Wirth, « la Loge d’Apprenti ne reçoit aucune lumière du dehors. Elle rappelle en cela les cryptes souterraines ou creusées dans le flanc des montagnes, les hypogées[1] de l’Egypte ou de l’Inde, l’antre[2] de Trophonius, etc. La Loge de Compagnon, par contre, est en communication avec le monde extérieur grâce aux trois fenêtres. »

    La fenêtre de l’Orient apporte la douceur de l’aurore, son renouveau d’activité ; celle du Midi la force et la chaleur ; celle de l‘Occident donne une lumière sans cesse faiblissante qui incite au repos. Le Nord, obscur, ne recevant aucune lumière, n’a pas besoin de fenêtre.

    D'autres interprétations du symbolisme des fenêtres et de la lumière sont encore possibles.

    La fenêtre d’Occident fait pendant à celle d’Orient en vertu de la loi d’équilibre. Elle est le lieu où la lumière disparaît, engloutie dans les profondeurs de la terre, et où règnent les ténèbres et les pulsions primitives du monde profane. Elle marque l’origine et la fin du parcours terrestre, ce qui se concrétise par la direction cardinale de la marche des frères.

    Si l’on considère le tableau d’Apprenti, on peut observer qu’il se décompose en trois zones :

    • Toute la partie orientale où s’ordonnent le Soleil, la fenêtre, la Lune,

    • La colonne du Midi où se trouve la deuxième fenêtre,

    • La zone occidentale où s’ouvre la troisième fenêtre.

    Ceux qui voudraient que les Apprentis bénéficient, au nord, de la lumière rayonnante venant de l’ouverture du midi manquent de clairvoyance : ils oublient que les frères de la Colonne du Nord peuvent en recevoir tout autant des fenêtres situées à l’Orient comme à l’Occident. Les travaux se tenant à Midi, heure solaire, et le Soleil au Zénith dardant ses rayons à la verticale et non à l’oblique, les frères des différentes colonnes ne risquent pas de percevoir grand-chose puisque ces ouvertures n’ont pas vocation à laisser voir ou passer une lumière exotérique et profane. Elles ne revêtent aucune fonction matérielle ou pratique durant le travail !

    Cependant, en consultant d’anciennes instructions, on s’aperçoit que ces ouvertures ne se rapportent nullement au travail : elles éclairaient les ouvriers quand ils venaient et s’en retournaient mais n’en avaient point d’usage pendant le travail.

    Mais il existe une autre approche, plus réaliste, qui fait de l’emplacement des fenêtres non pas la cause ou la justification de la place des Apprentis et des Compagnons en Loge, mais la conséquence d’une structure, d’une architecture imposées par les reliefs cernant la ville Sainte et constituant une protection naturelle.

    Il convient pour cela de se référer au Premier Livre des Rois (6, 4) qui fait mention des fenêtres lors de la description du Temple. Retenons au moins trois traductions :

    • Il fit au temple des fenêtres à cadres et à grilles.

    • Il fit à la maison des fenêtres solidement grillées.

    • Il fit à la maison des fenêtres grillagées.

    Remarquons immédiatement qu’il n’est nullement question de trois fenêtres !

    Il est fort probable que le nombre trois a été choisi uniquement pour des raisons d’ordre symbolique liées au ternaire, comme pour les trois lumières par exemple.

    Pour Raoul Berteaux, « un modèle ternaire apparaît sous la forme d’un groupe de trois fenêtres grillagées placées respectivement à l’Orient, au Midi et à l’Occident ». « Notons simplement, dit encore Raoul Berteaux, que la Loge en tant que champ clos, communique avec le monde extérieur par trois ouvertures ; s’il est vrai que le Maçon pratique l’Art Royal en un  lieu connu des seuls Enfants de la Lumière,  il n’en est pas moins en contact avec le monde extérieur.

    L’Art Royal n’exige pas un ascétisme[3] d’isolement social ; il attend du Maçon d’être actif dans le Monde. »

    L’explication des fenêtres du Temple tient en quelques lignes.

    Le Roi Salomon avait reçu de Dieu la mission de bâtir le Temple.

    Où allait-il l’élever ?

    David avait fait de Jérusalem sa cité royale avec beaucoup d’intelligence, une ville sainte en y amenant l’Arche d’Alliance. Les raisons de son choix sont multiples : la capitale de David ne pouvait s’élever qu’à cet endroit car Moïse avait rêvé d’en faire la ville de son peuple errant ; de plus, géographiquement, elle était au centre du royaume ; enfin, et surtout, Jérusalem était bâtie sur des hauteurs entourées de défilés, de ravins et donc aisément défendable.

    Le Temple est la ville. Jérusalem est la maison. De par la présence de l’Arche d’Alliance en ses murs, la ville est le centre du monde. Quand le Temple est construit, c’est lui qui devient le Centre mais la cité ne perd pas pour autant sa qualité de lieu saint. Ainsi, Temple et Jérusalem ne font qu’un.

    David est donc maître d’un emplacement formidable. Il a pris pour centre de défense trois montagnes reliées par leurs contreforts et dispose également de trois fossés gigantesques. La nouvelle ville n’est cependant attaquable que par le Nord. Aussi est-ce par le Nord que, malgré sa triple muraille, Jérusalem fut attaquée successivement par Nabuchodonosor, Alexandre le Grand, Pompée, Titus et Godefroy de Bouillon (en réalité Geoffroy de Saint Omer !).

    Toutes les directions sont donc protégées naturellement par le relief de la ville, sauf le nord. Il est donc tout à fait normal de ne pas percer de fenêtres sur ce côté vulnérable mais de permettre à la lumière de pénétrer par l’Orient, le Sud et l’Occident, parfaitement défendus par des à-pic, la sécurité étant renforcée par des grilles.

    Cette théorie ne remet pas en cause le cycle solaire pour les Travaux qui se déroulent dans le Temple maçonnique. Elle ne vise qu’à montrer que les fenêtres sont en dehors de la symbolique solaire et que nous pouvons les analyser en fonction de l’implantation de la ville de Jérusalem et de son environnement immédiat.

    Alors, à quoi servent les fenêtres représentées sur nos Tableaux de Loge ?

    Synthétisons l’interprétation assez récente qu’a formulée Christian Guigue :

    Les fenêtres pourraient intervenir comme des bornes, des limites, des frontières par où se manifestent la raison, l’esprit et la bonne volonté du Grand Maître. Et comme un Maître de Loge ne peut communiquer aucun renseignement via ces fenêtres, ce Grand Maître ne peut être que le Grand Architecte de l’Univers qui décide de notre avancée vers la Lumière.

    Ainsi l’ouverture du Midi marquerait le commencement et la fin d’un monde qui se situe hors de portée des hommes et se rapporte à cette mort vers laquelle les Compagnons et les Maîtres avancent. L’ouverture d’Occident resterait affectée à la mort symbolique comme à celle inhérente au corps de matière, ce qu’il convient de rapprocher des trois portes du Temple. Quant à la fenêtre d’Orient, elle marquerait symboliquement le passage par où peuvent opérer la hiérophanie[4] et la transfiguration.

    A propos de la forme des fenêtres

    La forme des fenêtres varie sur les Tableaux de Loge : certaines sont rectangulaires et présentent trois barreaux verticaux et trois barreaux horizontaux. Sur d’autres, elles sont en «anse de panier» avec un barreau vertical et deux barreaux horizontaux. Sur d’autres encore, elles sont en ogive avec un grillage très serré.

    Puisque la Bible ne donne aucune précision quant à la forme des fenêtres et à l’aspect des grilles et des grillages, les auteurs maçonniques ont laissé aller leur fantaisie !

    Dans les très vieilles instructions maçonniques (« Masonry Dissected » de Prichard paru en 1730), il n’y a aucune précision quant à la taille ou à la forme des fenêtres. Mais on y évoque bien la présence de trois fenêtres, censées se trouver dans toute pièce où se tient une Loge. Placées à l’Est, au Sud et à l’Ouest, elles servent à éclairer les ouvriers avant, pendant et après le travail. Ces instructions précisent aussi qu’il n’y a « pas de fenêtre au Nord parce que le soleil ne donne pas de ce côté ». Notons aussi que « le plus ancien Apprenti entré doit se tenir au Midi parce que son travail consiste à écouter et comprendre les instructions et accueillir les Frères visiteurs ».

    Voilà, parmi tant d’autres, un exemple d’une interprétation qui modifie le sens d’un élément afin qu’il soit en harmonie avec la symbolique que l’on veut cultiver.

    Se basant sur un sens exotérique des quatre points cardinaux, les auteurs des anciens rituels et plus tard les écrivains maçonniques ont émis des truismes[5], des explications souvent puériles.

    C’est ainsi qu’à longueur de pages ils nous enseignent que la fenêtre de l’Est est le lieu où le soleil se lève, que celle du Midi est l’endroit où il est à son zénith, que celle d’Occident est le point où il se couche. S’appuyant sur ces éléments simplistes, on a bâti tout un système d’éclairement, justifiant la place des Apprentis et des Compagnons dans la Loge.

    Paraphrasant sans vergogne les anciens catéchismes, les auteurs ont accumulé des phrases telles que :

    • Il n’y a pas de fenêtre au Nord parce que le soleil n’y passe pas.

    • Les Apprentis sont placés au Nord parce qu’ils ont besoin d’être éclairés.

    • Les Compagnons ayant moins besoin de Lumière, l’ombre portée par le mur du Temple les éclaire suffisamment.

    Ainsi, pour Jules Boucher, « les maçons constructeurs ont toujours orienté les Temples avec l’entrée à l’Occident et les trois fenêtres du « tableau » suivant la marche du soleil. Il n’y a pas de  fenêtre au Nord parce que le Soleil n’y passe pas. »

    Les grilles et les grillages ont suscité, eux aussi, de nombreux commentaires, pas toujours très réalistes. Certains exégètes[6] sont même allés jusqu'à affirmer que les grilles interdisaient aux profanes de voir ce qui se passait dans le Temple.

    Approche du symbolisme du grillage

    Pour tenter de pénétrer ce symbole, nous avons également consulté des ouvrages dont la première édition parut au cours du premier quart de notre siècle. Les interprétations que leurs auteurs en donnent relèvent bien souvent de la fantaisie.

    D'autres auteurs, plus raisonnables, ont compris que les grilles avaient été placées aux fenêtres pour empêcher les non-initiés de fouler un sol sacré, la porte d’Occident étant gardée par le Couvreur.

    Pour Jules Boucher qui passe pourtant pour un auteur de référence, « les fenêtres sont grillagées, non pas pour interdire aux profanes de regarder dans  le Temple – car si le Temple était éclairé intérieurement, un simple grillage ne suffirait pas pour empêcher de voir ce qui s’y passe – mais simplement pour défendre l’accès du Temple. »

    Et selon Plantagenet, « le grillage qui protège ces ouvertures rappelle que le travail des ouvriers est soustrait à la vue du profane dont le regard ne sait pénétrer dans le Temple. Si celui du Maçon n’est pas arrêté par le même obstacle, ses perspectives sont essentiellement différentes. Il ne peut, en effet, matériellement regarder la vaine agitation de la rue puisque autour de lui tout est clos, mais il n’en doit pas moins, spirituellement, déterminer le mouvement du monde sensible au point de vue où il se trouve

    Ceux qui font état d’une nécessité de cacher le travail des ouvriers aux regards des profanes et qui se satisfont de ces grillages pour y pourvoir, manquent singulièrement de réalisme. Lorsqu'on veut masquer les réunions sous le voile de la discrétion, on supprime les ouvertures importunes au lieu d’en créer !

    Des fenêtres non grillagées au degré de Compagnon

    Sur le Tableau de la Loge de Compagnon figurent trois fenêtres ouvertes.

    Jules Boucher les interprète comme « le signe de l’affranchissement du Compagnon. Il s’est, au premier degré, purifié l’esprit par un intense travail intérieur. Maintenant, non seulement il peut s’évader de son isolement et subir sans danger le contact du monde extérieur, mais il doit, au contraire, rechercher ce contact afin de refaire sa propre connaissance par l’observation, le raisonnement et la méditation. Son regard s’est modifié, il ne voit plus les choses de la même manière que lorsqu'il était encore lui-même un profane. Son initiation au second degré lui a valu la connaissance d’une méthode de travail féconde pour l’accession à la sagesse mais qui, cependant, ne peut avoir de valeur que pour autant qu’elle puisse être appliquée pratiquement ».

    Pour conclure provisoirement

    La conclusion, toujours provisoire, que nous tirerons de cette brève étude, c’est qu’un Maçon ne peut se contenter de la première interprétation venue. Il convient en effet de replacer les interprétations des auteurs maçonniques dans leur contexte historique. Pour approcher la vérité, il convient de pratiquer la rectification, comme nous le rappelle l’acrostiche[7] « V.I.T.R.I.O.L. » présente dans le Cabinet de réflexion.

    D'une manière incontestable, nous pouvons retenir que les trois fenêtres figurant sur le Tableau de Loge du second degré sont situées à l’Orient, au Midi et à l’Ouest. Cette disposition nous rappelle que les maçons opératifs ont toujours orienté les édifices religieux de sorte que l’entrée se trouve à l’Occident. Les trois fenêtres suivent donc bien la marche du soleil qui ne passe pas par le Septentrion.

    Parce que les Apprentis ne peuvent soutenir qu’une faible lumière et que leur travail est tout d’introspection, leur place obligatoire se trouve donc sur la colonne du Nord. Quant aux Compagnons, qui doivent s’ouvrir au monde, leur place est tout indiquée sur la colonne du Midi pour pouvoir contempler en vue directe le modèle ternaire formé des trois fenêtres du Tableau.

    Les rayons solaires qui pénètrent par la fenêtre d’Orient propagent une lumière claire, douce et rassurante. Elle dissipe les ténèbres et est le reflet de l’Esprit créateur. Elle provoque chez le Compagnon l’émulation dans la recherche de l’Un. La fenêtre d’Orient nous apparait comme une promesse de l’avenir.

    Poursuivant sa trajectoire, l’astre solaire dispense une lumière qui pénètre ensuite par la fenêtre du Midi, éclatante et vive, intense et profonde. Grâce à elle, les Compagnons peuvent distinguer clairement leurs imperfections et sont à présent en mesure de se modifier. Ils prennent conscience qu’ils sont perfectibles. Dès lors, la fenêtre du Midi fait figure de promesse de la Connaissance.

    Lorsque les rayons solaires atteignent la fenêtre d’Occident, l’astre est sur son déclin et la lumière qu’il diffuse devient modérée. Succédant à l’éclat produit par les rayons solaires de midi, cette lumière tamisée nous apparaît comme l’emblème du doute. Elle exige davantage de concentration pour maintenir une observation efficiente.  Elle avertit les Compagnons que leur travail n’est pas accompli et qu’il est nécessaire d’accéder à la Maîtrise pour dominer l’Occident rempli de pièges. L’Occident symboliserait en effet la porte des morts où tout s’anéantit.

    Cependant, le Compagnon plein de courage va de l’avant car le soleil, en tant que manifestation de la divinité, est emblème d’immortalité. L’espoir qui guide les pas du zélé Compagnon réside en ce qu’il connaîtra à terme la résurrection de l’esprit libéré des vicissitudes profanes.

     

    R :. F :. A. B.

     

    [1] Les tombeaux, les constructions souterraines.

    [2] Lieu mystérieux et inquiétant ; excavation, grotte servant d’abri à un animal sauvage.

    [3] Pratique de l’ascèse, discipline de vie, ensemble d’exercices physiques et moraux, en vue d’un perfectionnement spirituel.

    [4] La phanie est la caractéristique de l’intensité lumineuse perçue par rapport à l’intensité lumineuse objective ; hieros = sacré.

    [5] Vérités d’évidence, banales, sans portée.

    [6] Les exégètes sont les spécialistes de l’exégèse, science qui consiste à interpréter, à établir le sens d’un texte ou d’une œuvre littéraire.

    [7] Un acrostiche est une pièce de vers composée de telle sorte qu’en lisant dans le sens vertical la première lettre de chaque vers on trouve le mot pris pour thème, le nom de l’auteur ou celui du dédicataire.

     

    Bibliographie

     

    Bernard Baudouin - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Paris, 1995, Editions De Vecchi – Pages 66 et 67

     

    Raoul Berteaux - La symbolique au grade d’Apprenti

    Paris, 1986, Editions Edimaf – Page 47

     

    Raoul Berteaux - La symbolique au grade de Compagnon

    Paris, 1986, Editions Edimaf – Page 44

     

    Jules Boucher - La Symbolique maçonnique

    Paris, 1995, Editions Dervy – Pages 154 et  246

     

    Guy Boisdenghien - La Vocation Initiatique de la Franc-maçonnerie

    Sentiers de la Tradition

    Bruxelles, 1999, Editions l’Etoile – Pages 183, 184

     

    Jean Ferré - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Paris, 1994, Editions Dervy – Pages 121 à 123

     

    Jean Ferré - Dictionnaire des symboles maçonniques

    1997, Editons du Rocher – Pages 144 à 148

     

    Christian Guigue - La Formation maçonnique

    Mons en Baroeul, 1995, Editons Guigue – Pages 161, 162

     


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  •  Le Fil à plomb et le Niveau 

    La Perpendiculaire ou le Fil à plomb ?

    Ce que nous appelons communément « perpendiculaire », dans notre langage imagé, n’est autre que le fil à plomb des anciens bâtisseurs de cathédrales qui furent les premiers Maçons opératifs.

    La Perpendiculaire sert à contrôler la verticalité, tout comme le Fil à Plomb. Cependant ces deux outils n’ont pas le même rôle. Tentons d’y voir un peu plus clair.

    Comme son nom le laisse entendre immédiatement, le fil à plomb semble n’être qu’un bout de fil ou de corde muni à une extrémité d'une masse de plomb servant à matérialiser la verticale.

    Pourtant, d’après l’Encyclopédie, « le Fil à Plomb est un petit morceau de bois sur lequel on enveloppe un cordeau ou une ligne, espèce de ficelle qu’on appelle fouet, au bout de laquelle pend un petit cylindre de cuivre, de plomb ou de fer appelé plomb, qui sert à prendre des aplombs, niveaux et alignements. Le chat est une mince petite plaque de fer ou de cuivre, du même diamètre que le plomb et que l’on appuie le long du mur pour former, avec la ligne du mur, deux parallèles qui font juger si le mur est d’aplomb ».

    Philippe de l’Orme, dans son Traité d’Architecture, évoque une règle plombée, expression utilisée dans de nombreux anciens manuscrits anglais.

    Le Wilkinson MS (1727) dit du Plomb qu’ « il sert à élever des perpendiculaires », tandis que le Prichard (1730), le citant en tant que bijou mobile, affirme que « le fil à plomb sert à contrôler toutes les verticales ».

    Le fil à plomb est l’expression d’un outil matériel soumis à la pesanteur pour identifier la position de la perpendiculaire par rapport à notre espace contingent.

    Lorsque l'on suspend cette masse de plomb en tenant le fil par son autre extrémité, la masse métallique, par la force d'attraction terrestre, nous indique la direction du centre de la Terre.

    Ce phénomène physique permit jadis aux bâtisseurs de cathédrales de vérifier si les murs et les colonnes en construction s'élevaient bien droits. Cet instrument devait empêcher toute inclinaison, toute déviation qui auraient immanquablement conduit à un échec dans l'édification de ces édifices religieux. De nos jours les maçons qui construisent nos habitations ont encore recours à cet instrument précieux.

    Par contre, une perpendiculaire peut géométriquement être projetée dans une infinité de directions, chacune déterminée par un angle de 90° en référence à une coordonnée

    Par sa taille et ses dimensions, la Perpendiculaire a pour fonction première de vérifier la rectitude d’un plan vertical et l’aplomb des matériaux de construction. Elle est davantage destinée à la vérification d’une pierre, d’un élément de maçonnerie alors que le Fil à Plomb, plus long, peut s’appliquer à des parois tout entières, à des murs.

    La perpendiculaire se compose d’une planche présentant des avancées qui permettent de décaler le fil pour faciliter la visée, ou un trou dans lequel le plomb peut se mouvoir.

    Le fil à plomb représente donc un cas particulier de la définition d’une perpendiculaire. Mais les deux outils sont liés à la verticalité, à sa vérification.

    Le Fil à Plomb a de plus un autre usage, symboliquement très intéressant. Il permet de descendre un aplomb, c’est-à-dire de trouver le point exactement à la verticale d’un point pris comme référence. C’est ainsi que l’on peut déterminer sur le sol d’une cathédrale le point correspondant au centre de la clef de voûte.

    En matière de symbolisme, les verticales ont une signification jointive : elles relient un haut et un bas, un sommet et un fond, et vice versa.

    S’agissant d’états de conscience relevant de la vie intérieure du Maçon, ces profondeurs et ces hauteurs induisent tout naturellement des mouvements de descente et de montée du moi sans qu’il soit possible de délimiter la « hauteur » de cette montée ou de cette descente de ce moi.

    La verticale et ses points constitutifs se fondent en un axe rigide et central. Chaque point symbolise un degré de conscience. L’axe symbolise à son tour l’intégralité de la conscience humaine.

    Au Franc-maçon qui travaille réellement sa Pierre, à l’Apprenti qui la dégrossit, la verticalité axiale du Fil à Plomb montre le chemin rectiligne de l’initiation que leur conscience doit parcourir pour atteindre, autant que possible, la connaissance intime, affinée, subtile, des êtres et des choses, c’est-à-dire leur vérité, à commencer par la connaissance de soi et la vérité sur soi.

    Mais cette exploration verticale du moi n’a rien à voir avec de savantes spéculations intellectuelles et des examens de conscience plus ou moins profonds. Le champ de cette aventure intérieure se situe bien moins dans le cerveau que dans le cœur de l’initié.

    Approche du symbolisme de la Perpendiculaire

    Par sa fonction première, la Perpendiculaire évoque la précision et la rigueur, qui seules permettent d’édifier correctement un mur. Symboliquement, cet outil est intimement lié à la droiture autant qu’à la profondeur de l’être ; il évite tout ce qui risquerait d’être anormalement oblique ou penché : c’est un instrument contre les déviations qui pourraient se produire dans l’assemblage des multiples pierres de la Connaissance. En Maçonnerie, on la représente souvent pendant au centre d’un arceau.

    Cette notion de verticalité, cette idée de direction vers le centre de la Terre et celle de vouloir aller vers les profondeurs de la Terre peut engendrer aussi en nous l'idée d'observations et de recherches en profondeur ainsi que le désir de comprendre toujours de plus en plus profondément les symboles que nous offre la Franc-maçonnerie.

    Par son action «verticale», la perpendiculaire symbolise aussi l'adaptation permanente que doit effectuer l'esprit du Franc-maçon vis-à-vis des sujets qu'il aborde dans sa recherche initiatique : vers le bas, pour rectifier les erreurs et s'adapter au quotidien ; vers le haut, dans des visées plus épurées et spirituelles.

    Les associations moralisantes auxquelles ont aimé se laisser aller les auteurs suivants relient la Perpendiculaire à la rectitude du jugement.

    Dans son « Rituel de l'Apprenti Maçon » datant de 1860, Ragon nous explique que «la Perpendiculaire signifie que le Maçon doit posséder une rectitude de jugement qu'aucune affection d'intérêt ou de famille ne doit détourner».

    Auteur d'un dictionnaire et d'un manuel interprétatif du Symbolisme maçonnique, Amélie Gedalge parle du Fil à Plomb comme étant «l'emblème de la recherche en profondeur de la vérité, de l'aplomb, de l'équilibre. Il semble nous montrer le chemin qui mène à la Chambre du Milieu».

    Jules Boucher, auteur de «La Symbolique maçonnique» datant de 1948, s’insurge contre ce type d’association. Pour lui, la Perpendiculaire est «le symbole de la profondeur de la Connaissance et de sa rectitude ; elle prévient toute déviation oblique». Pour cet auteur dont les initiales évoquent curieusement nos colonnes, «c'est en partant d'assises stables et bien établies que le Maçon peut et doit travailler en vue de son élévation spirituelle».

    Pour Oswald Wirth, auteur d'un «Livre de l'Apprenti» datant de 1931, «la Perpendiculaire détermine la verticale qui sollicite l'esprit à descendre et à monter. En approfondissant, nous découvrons nos propres défauts et en nous élevant au-dessus de la platitude commune, nous excusons ceux des autres».

    Le Fil à Plomb tenu en main peut aussi symboliser la rectitude dans tout jugement, la sérénité, le bon usage de nos facultés, la vérification et la profondeur dans l'observation mais surtout la maîtrise de soi.

    L'expression «Vaincre nos passions» ne résumerait-elle pas tout ce que la Perpendiculaire nous suggère ?

    Pour le Rite Écossais Rectifié, « La Perpendiculaire est l’emblème de la solidité des ouvrages maçonniques. Il est donné au Frère Second Surveillant qui doit veiller à ce que tous les Frères observent fidèlement les lois et préceptes de l’Ordre ».

    Au Rite Écossais Ancien Accepté, au cours de l’installation du Second Surveillant, le Vénérable dit : « Recevez ce sautoir portant le Fil à Plomb, symbole de la recherche de la Vérité dans les profondeurs où elle se cache, ainsi que de l’élévation des sentiments maçonniques vers les hauteurs. En haut comme en bas, vous découvrirez la beauté de l’esprit et du cœur ».

    Au Rite Émulation, « La perpendiculaire sert à vérifier et à dresser les montants pour les fixer sur des bases correctes… Elle nous enseigne l’équité et la droiture de notre vie et de nos actions ».

    La Perpendiculaire est donc là pour nous empêcher de dévier ou du moins pour nous rappeler régulièrement la nécessité de la droiture de notre comportement et de nos jugements. Elle nous incite surtout à descendre au plus profond de nous-mêmes pour y chercher la lumière, pour y découvrir ce que nous sommes vraiment. Elle pourrait aussi nous indiquer que nos actions doivent toujours être dirigées par la Sagesse du Grand Architecte de l’Univers.

    Le bijou du Second Surveillant

    La Perpendiculaire est l'attribut du Second Surveillant, celui qui comprend les débutants, celui qui a la responsabilité de leur formation, celui qui pardonne les erreurs, aide à apprendre et à progresser dans la voie du perfectionnement personnel. Nous retrouvons ce symbole sur le plateau de cet Officier Dignitaire mais aussi sous forme de bijou suspendu à l'extrémité du sautoir que porte le Second Surveillant lors des Tenues.

    Le moins que se doive un Franc-maçon à lui-même et aux autres, c’est d’être un homme de réflexion, de remise en cause, qui prend garde à ce qui va de soi pour tout un chacun ! Il nous parait donc opportun de nous interroger à propos du bijou que porte le Second Surveillant. S’agit-il de la reproduction d’un Fil à plomb ou d’une Perpendiculaire ?

    Au cours de l’installation des Surveillants et plus précisément du Second, les rituels du R.E.A.A. et du R.E.R. font état d’un fil à plomb alors que ceux du R.F.M. et du Rite Émulation font état d’une perpendiculaire, c’est-à-dire d’un outil de constructeur et d’une figure géométrique. Tout en admettant que notre Ordre est l’héritier de la maçonnerie de métier où l’on se servait de fils à plomb et où l’on traçait des perpendiculaires – ce que les architectes et les ouvriers du bâtiment font encore aujourd'hui - nous pouvons mettre en doute le fait qu’il y ait similitude totale entre les premiers et les seconds, même s’il existe de grandes ressemblances.

    Le fil à plomb, qui s’appelait autrefois « perpendicule », est un instrument manuel, ce que n’est pas la perpendiculaire malgré l’image que les fabricants de bijoux maçonniques lui donnent. Ces fabricants ont probablement inventé cette image parce qu’ils croient à tort qu’un simple fil lesté ne saurait constituer un pendentif pectoral esthétique. De plus l’armature ajoutée au fil à plomb par les bijoutiers n’ajoute rien à son symbolisme fondamental.

    Quand il est à la fois en service et en équilibre, le fil à plomb ne peut être dessiné schématiquement que par une droite verticale de longueur indéfinie alors qu’une perpendiculaire, si sa direction n’est pas précisée, est une droite orthogonale à une autre tout en lui étant sécante et peut donc être tracée dans une infinité de directions ! Certes, la perpendiculaire maçonnique est toujours représentée en élévation verticale afin d’imiter le mieux possible le fil à plomb.

    L’origine du nom « perpendiculaire » est plus intéressante que sa définition géométrique. En effet « perpendiculum » veut bien dire autre chose que « ce qui pend » ou « ce qui pend à la verticale ». « Perpendere » signifie peser attentivement, apprécier avec exactitude, évaluer  avec précision !

    Finalement, la forme du bijou du Second Surveillant importe moins au plan du symbole que la prise en considération exclusive du fil rigide qui en est l’élément essentiel et de l’état d’équilibre parfait de celui-ci.

    Axial et pendulaire, le symbolisme du bijou du Second Surveillant le met en devoir de se comporter, en Loge comme ailleurs, en maître irréprochable, estimé de ses pairs quels que soient leurs degrés et qualités.

    La réflexion suivante, de Jules Boucher, va nous amener à une  analyse du Niveau.

    « Lorsque l'Apprenti devient Compagnon, le rituel dit qu'il passe de la Perpendiculaire au Niveau, c'est-à-dire qu'ayant suffisamment approfondi les éléments de la Connaissance il devient capable d'envisager ceux-ci dans leurs relations avec le Monde, avec le Cosmos. Ces relations sont indiquées par le triangle qui constitue l'armature du Niveau ».

    L’Apprenti quitte le Second Surveillant pour aller se mettre aux ordres du Premier Surveillant dont le bijou est précisément le Niveau.

    Le Niveau

    Voici comment l’Encyclopédie définit le niveau : « Avec le secours d’une grande règle pour opérer plus juste, le niveau sert à poser les pierres de niveau à mesure que le mur s’élève ».

    La fonction du Niveau est de déterminer l’horizontale, laquelle ne peut toutefois être bien établie que par référence avec le fil à plomb. Le Niveau est un outil qui sert à vérifier si un plan est horizontal.

    Instrument de bâtisseur, le niveau à fil est très ancien. Il est constitué par un triangle au sommet duquel est fixé un fil à plomb. Le Niveau doit être formé par une équerre juste, c'est-à-dire que l'angle au sommet doit être de 90°.

    Le premier élément qui compose un niveau est un fil à plomb suspendu au sommet d’un chevalet en bois ayant la forme d’un V renversé.

    Le second élément est le chevalet lui-même qui comprend deux côtés isométriques issus du sommet et reliés près de leur pied par une traverse. A mi-longueur de cette traverse, un trait vertical est tracé : c’est la ligne de foi. Lorsque le fil devient bissectrice de l’angle sommital, il recouvre exactement la ligne de foi.

    Le Niveau est un des outils essentiels du Franc-maçon. Sa présence au nombre des références matérielles de l’Initié remonte au temps de la Maçonnerie opérative où il était de fait un instrument de base des bâtisseurs de cathédrales.

    Abandonné après l’invention du niveau à bulle d’air, le niveau à fil fut judicieusement conservé par la Franc-maçonnerie en qualité d’outil symbolique, probablement à cause de sa forme triangulaire.

    Ayant aussi la forme d’une équerre, il servait alors à déterminer la rectitude de plans horizontaux par le biais de visées très précises, ainsi que la variabilité des hauteurs. C’est pourquoi on l’associait quasiment en permanence au fil à plomb.

    L’outil que manie l’ouvrier est en réalité l’union de la règle – car la base est fort longue – et de la perpendiculaire. Malgré sa précision, ce type de niveau a été délaissé sur les chantiers au profit du niveau de type pendulaire. Celui-ci servait à la fois d’équerre et de perpendiculaire.

    Approche du symbolisme du Niveau

    Le Niveau n'apparaît que très tardivement dans la symbolique maçonnique.

    The Whole Institution (1724) ainsi que le Graham MS (1726) évoquent le fil et le plomb, ce qui est pour le moins ambigu. L’outil est nommé dans le Wilkinson MS (1727) comme faisant partie des trois bijoux mobiles.

    Le Prichard (1730) cite le Niveau parmi les bijoux mobiles pour « vérifier toutes les horizontales ».

    Ragon (Rituel de l’Apprenti Maçon, 1860) explique que «le Niveau symbolise l'égalité sociale, base du droit naturel».

    Pour Plantagenet (1929), « le Niveau est le symbole de l'égalité originelle mais il n'implique en aucun sens le «nivellement» des valeurs ; il nous rappelle qu'il faut considérer toutes choses avec une égale sérénité ».

    Mais l'égalité que ces auteurs veulent rattacher au Niveau est une entité abstraite. La nature toute entière montre en effet qu'elle est un leurre car les hommes ne sont égaux ni physiquement, ni intellectuellement.

    Ces deux citations soulignent les préoccupations relatives à une morale sociale des Francs-maçons de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle. Les rituels maçonniques du 18ème siècle mettaient davantage l’accent sur la vertu, pratiquée à titre individuel. Les outils de la Loge apparaissent comme des emblèmes, bien qu’erronément appelés symboles. Les explications relatives aux outils présentent un caractère rationnel, à dominante intellectuelle.

    Publiés vers 1931, les ouvrages d’Oswald Wirth marquent un tournant et annoncent un retour vers une forme plus spirituelle de l’enseignement maçonnique. Wirth voit dans la forme du Niveau « le rappel du signe alchimique du soufre, substance dont la combustion entretient le feu central de tout foyer d'activité. Le Premier Surveillant est le gardien de cette ardeur laborieuse qu'il stimule dès qu'elle diminue ».

    Le Niveau indique l'Horizontale mais il est muni lui-même de la Verticale, la Perpendiculaire. Le Niveau est donc un instrument plus complet que la Perpendiculaire. C'est pourquoi il est l'insigne du Premier Surveillant, seul qualifié pour prendre la place du Vénérable Maitre en cas d'absence de celui-ci.

    Pour Jules Boucher, le Niveau, c'est non seulement l'Horizontale mais encore la Croix, la réunion de la Verticale et de l'Horizontale.

    Le Niveau nous donne la ligne droite en équerre à un point donné avec la perpendiculaire. Il nous montre que la Connaissance doit être rapportée au «plan terrestre», le seul qui puisse intéresser directement l'être humain.

    Pour le Rite Écossais Rectifié, « le Niveau est l’emblème de la régularité. Le Frère Premier Surveillant en est décoré comme Inspecteur des travaux que font les Frères dans le Temple qu’ils élèvent à la Vertu ».

    Au Rite Français Ancien, le Niveau ne figure pas parmi les outils de passage ! Il est cependant expliqué comme suit : « Le Niveau nous avertit qu’il doit régner une parfaite égalité entre tous les Maçons ».

    Au Rite Émulation, « Le Niveau sert à poser les surfaces planes et à vérifier les lignes horizontales… Il nous enseigne l’égalité ».

    Au Rite Écossais Ancien Accepté, lors de la Tenue d’installation des Officiers Dignitaires, le Vénérable Maître dit au Premier Surveillant :

    « Je vous revêts du sautoir portant le niveau, symbole de notre soumission à la loi qui s’impose à tous et devant laquelle nous sommes tous égaux ».

    Au Rite Français Moderne, le Niveau rappelle que tous les hommes sont Frères, qu’ils sont nos semblables, qu’ils sont tous faits du même limon et que si certains sont moins bien doués par la Nature, ils n’en ont pas moins droit à la vie, au bonheur.

    « Par son dessin, nous dit Jean Ferré, le Niveau est l’association du triangle (feu, lumière, homme) et de la croix (union de l’horizontalité et de la verticalité). Ce qui signifie qu’il est à la fois l’homme dans le quotidien, vivant dans le monde terrestre et matériel, et l’esprit qui cherche à s’élever, générant une pensée constructive et les actes qui en émanent ».

    Dans la Maçonnerie moderne, le Niveau tient toujours une place importante. On le représente par un triangle dont l’angle supérieur est de 90°, au faîte duquel est attachée une perpendiculaire.

    Par le fait qu’il indique à la fois l’horizontale et la verticale, c’est l’instrument idéal pour qui veut bâtir, ce qui est le but symbolique de tout Initié dont la mission première est de reconstruire son propre Temple.

    Dans la Loge, le Niveau est associé au Premier Surveillant, responsable des Compagnons et, par voie de conséquence, au symbolisme du deuxième degré.

    Le sens général du Niveau est la mise en œuvre correcte des connaissances. Par la justesse qu’il permet d’atteindre, sur l’un et l’autre plan, le Niveau est le garant d’une construction harmonieuse. Il est par excellence un outil de perfection. En ce sens, appliqué à la progression et l’évolution de l’homme, il représente l’égalité des valeurs humaines et sociales, l’équilibre entre les forces des divers plans, le respect des aspirations de chacun au bien-être. Par extension, c’est donc l’emblème de l’égalité sociale.

    Mais la Franc-maçonnerie n’a pas la naïveté de croire en une égalité naturelle. Le Niveau évoque une égalité construite, bâtie par le travail, un travail effectué sur le monde environnant, certes, mais surtout sur soi-même ! Cette égalité est vécue dans la Loge car tout Maçon laisse ses métaux à la porte du Temple. Il est là en tant qu’homme, en tant qu’individu, non pas en tant qu’élément d’une caste, d’un groupe socioprofessionnel plus ou moins favorisé.

    Le bijou du Premier Surveillant

    En Maçonnerie, l’horizontalité induit la solidarité, l’aide fraternelle, la philanthropie, le travail collectif au sein de la Commission des Officiers et autres groupes de la Loge.

    Au Premier Surveillant, l’horizontalité du Niveau dicte son aptitude à conduire correctement des travaux d’équipes, animer des groupes d’étude, ne serait-ce que celui qui est constitué par les Compagnons.

    Vis-à-vis de ces derniers, elle lui dicte encore vigilance, rigueur et fraternité. Elle l’invite à réveiller les endormis, à encourager les fatigués, à corriger des erreurs chez les uns, à apaiser des mésententes chez d’autres, à harmoniser les dissemblances de tous, à expliquer un symbole mal compris, à aider un ouvrier en difficulté.

    Le Niveau, en tant que bijou, place parfaitement le Premier Surveillant dans la hiérarchie des officiers de la Loge, entre la Perpendiculaire du Second Surveillant et l'Équerre du Vénérable Maître dont il est pratiquement l’adjoint.

    Il est dès lors évident que, face à ses pairs, le Premier Surveillant, Deuxième Lumière de la Loge, ne peut qu’être irréprochable du point de vue maçonnique.

    Conclusion provisoire

    Par une ascèse appropriée, telle la répétition rituelle, grâce à notre assiduité en Loge, nous pouvons arriver à voir le modèle « Perpendiculaire / Niveau ». Tout comme les Compagnons taillant la pierre dans la carrière, nous pouvons vérifier et corriger la pose de la pierre sur le chantier du temple grâce à ces deux instruments associés.

    Le modèle symbolique qu’ils forment nous présente un plan horizontal percé par un axe vertical. Le plan horizontal figure l’état de l’être, le niveau atteint dans un domaine déterminé. Il varie pour chaque être mais aussi pour un même être au cours de sa vie. L’axe vertical peut être parcouru vers le haut ou vers le bas en partant du plan.

    Le balayage horizontal pourrait représenter nos activités profanes, relationnelles et sociales, l’aspect extensif de notre existence quotidienne. Le fil à plomb représenterait alors l’aspect intensif de l’exploration verticale de notre moi et l’équilibre que nous tentons de maintenir entre notre vie de citoyen et notre vie intérieure d’homme à la recherche de notre véritable identité, de notre intégration optimale à l’univers.

    L’horizontalité du Niveau induit le travail en équipe, le partage équitable des tâches, chacun selon ses talents, sa technicité, ses forces, son courage. Elle illustre l’intégration de l’homme dans la société des hommes, dans les règnes de la nature, dans l’univers. Elle suggère la coopération des hommes à des réalisations communes ainsi que leur solidarité envers les pauvres, les malades et les populations frappées par la guerre ou des catastrophes naturelles.

    A condition que nous nous déplacions réellement le long du Fil à Plomb, nous pourrons capter des éclairages psychiques sur nous-mêmes, ce qui nous permettra d’améliorer ici nos points de vue, de développer là notre intuition et de perdre ailleurs quelques défauts.

    Nous pourrons être amenés ainsi plusieurs fois à repenser notre manière de vivre, à changer nos comportements, à délaisser des occupations au profit d’autres, à niveler nos habitudes passées, jusqu’au jour où notre vie intérieure prendra plus d’importance que notre vie extérieure. Nous deviendrons des hommes que l’on écoute avec attention, des hommes que l’on respecte et que l’on aime mieux qu’auparavant parce que l’on apprécie leur équité, leur lucidité, leur sagesse.

    En synthèse

    Communément appelée fil à plomb, la perpendiculaire évoque la profondeur de la connaissance. Elle sert à vérifier l’alignement de toutes les pierres sur un plan vertical. C’est ainsi qu’elle est l’attribut du Second Surveillant qui est responsable de la formation des Apprentis et de l’examen de leurs connaissances.

    La Perpendiculaire représente la connaissance des matériaux, la connaissance matérielle. La Perpendiculaire est l’outil complémentaire du Niveau qui, lui, permet de vérifier l’alignement sur un plan horizontal. Les deux outils sont absolument nécessaires pour la pose des pierres, notamment des pierres d‘angle.

    Ainsi, il n’est pas bon de séparer le travail du Premier Surveillant de celui du Second. Ils doivent travailler ensemble sous la direction du Vénérable Maitre afin qu’ils puissent, avec les matériaux dont ils disposent, bâtir une construction solide et durable. Ils devront parfois faire intervenir la truelle pour effacer des inégalités, carence ou surabondance, et permettre la cohésion de tous les éléments dont ils disposent.

    Le Niveau a généralement l’apparence d’une Equerre au sommet de laquelle est attaché un fil à plomb, une Perpendiculaire. La barre horizontale est graduée, ce qui permet de mesurer les pentes ou les erreurs, et au besoin de les rectifier. Le niveau donne l’horizontale à partir de la verticale.

    Le Niveau représente la connaissance sublimée. La synthèse est assurée par l’Equerre du Vénérable Maitre. Le Niveau évoque en outre l’égalité. Les métaux ayant été abandonnés à la porte du Temple, tous les Maçons sont égaux dans l’enceinte sacrée, principalement devant la Loi Maçonnique.

    Quand l’Apprenti devient Compagnon, le rituel précise qu’il passe de la Perpendiculaire au Niveau. Il quitte le Second Surveillant pour aller se mettre aux ordres du Premier Surveillant dont l’attribut, le Niveau, permet de vérifier l’alignement horizontal des pierres de l’édifice. C’est ainsi que le Premier Surveillant est responsable de la discipline générale et est le garant de l’harmonie entre les Maçons qui décorent les colonnes.

    Perpendiculaire et Niveau doivent être utilisés conjointement par le Maçon car ils sont complémentaires. En effet la Maçonnerie n’a pas pour but un nivellement par la base car cela lui ôterait tout son caractère initiatique. Au contraire, elle implique une recherche sur soi, une plongée dans les profondeurs de l’être, alliées à une volonté de s’élever, de progresser, qui permettent l’ascension et la faculté d’entraîner autrui dans la voie du perfectionnement.

    R :. F :. A. B.

    Bibliographie

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995 – Pages 108, 109, 122

     

    Béresniak Daniel - Rites et Symboles de la Franc-maçonnerie

    Tome I : « Les Loges Bleues »

    Editions Detrad, Paris, 1997 – Pages 67, 106, 107, 126, 143, 160, 167, 187

     

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade d’Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986 – Pages 25 à 30

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995 – Pages 16, 23, 3228

     

    Boisdenghien Guy - La vocation initiatique de la Franc-maçonnerie

    Sentiers de la Tradition – Editions L’Etoile, Bruxelles, 1999 – Pages 88, 159

     

    Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1994 – Pages 177, 178, 208

     

    Ferré Jean - Dictionnaire des symboles maçonniques

    Editions du Rocher, Monaco, 1997 – Pages 295 à 299

     

    Guigue Christian - La formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 1996 – Pages 213, 229

     

    Login J.P. - Le Compagnon

    Editions Detrad, Paris, 1994 – Page 13

     

    Plantagenet Edouard E.

    Causeries initiatiques pour le travail en Loge d’Apprentis

    Editions Dervy, Paris, 1994 – Page 106

     

    Plantagenet Edouard E.

    Causeries initiatiques pour le travail en Chambre de Compagnons

    Editions Dervy, Paris, 1994 – Pages 131,132

     

    Pozarnik Alain

    A la Lumière de l’Acacia - Du profane à la maitrise

    Editions Dervy, Paris, 1995 – Pages 85 à 105 et 165 à 190

     

    Spaeth Marcel - Le Tracé du Compagnon

    Editions A.V.S., Paris, 1991 – Pages 19 à 21

     

    Wirth Oswald

    La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    1ère partie : «L’Apprenti»

    Editions Dervy, Paris, 1994 – Pages 203, 210

     

    Wirth Oswald

    La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    2ème partie : «Le Compagnon»

    Editions Dervy, Paris, 1994 – Pages 164, 165, 167

     

    Wirth Oswald

    La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    3ème partie : « Le Maitre »

    Editions Dervy, Paris, 1994 – Page 81

     

     


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  •  Approche du symbolisme des deux Colonnes 

    Introduction

    Tout Récipiendaire ou Franc-maçon qui entre dans n’importe quelle Loge maçonnique doit impérativement passer entre deux colonnes situées à l’Occident. Ces colonnes marquent une séparation entre le monde profane et le monde sacré ainsi que la limite entre les Parvis et la Loge.

    Les plus anciens catéchismes écossais font déjà mention des deux colonnes. Citons par exemple cet extrait de « L’Examen d’un maçon » datant de 1723 :

    • Où se tient la première loge ?

    • Dans le porche (ou entrée du Temple) de Salomon ; les deux colonnes étaient nommées Jachin et Boaz.

    Au grade de Compagnon, dans la « Maçonnerie disséquée » de Samuel Prichard datant de 1730, on trouve aussi la mention des deux colonnes :

    • Qu’avez-vous vu en entrant par le porche ?

    • Deux grandes colonnes.

    • Comment s’appelaient-elles ?

    • B., c’est-à-dire Jachin et Boaz.

    • Quelle est leur hauteur ?

    • Dix-huit coudées.

    • Quelle est leur circonférence ?

    • Douze coudées.

    • Comment étaient-elles décorées ?

    • Avec deux chapiteaux.

    • De quelle hauteur étaient les chapiteaux ?

    • Cinq coudées.

    • Comment étaient-ils décorés ?

    • De réseaux et de grenades.

    Deux passages de la Bible font mention des colonnes : dans le Livre des Rois (1 Rois 7, 15 – 17) et les Chroniques (2 ch.3 : 15 – 17) mais leurs mesures varient.

    Les deux Colonnes « B » et « J » sont les premiers symboles entre lesquels se trouve placé tout candidat à l’Initiation. De même l’Apprenti, puis le Compagnon, sont placés entre les colonnes pour recevoir leur salaire. Ces Colonnes synthétisent les deux polarités de rigueur et de miséricorde, de force et de beauté.

    La Porte de la Loge et les deux Colonnes

    Ce qui caractérise la Porte d’une Loge maçonnique, c’est la présence de deux Colonnes. Elles devraient, en principe, être indestructibles. On ne devrait pas pouvoir les fondre, ni les brûler. C’est sur elles que nous devrions trouver les traces de la science de l'Initiation. Sur elles, en effet, précise le Manuscrit Cooke (283-4), sont inscrits tous les arts et tous les métiers ainsi que la science de Pythagore et d’Hermès (323-5).

    Pour que les Colonnes soient visibles et servent d’éléments de rituel, les Maçons les ont placées à l’intérieur de la Loge, de chaque côté de la porte. Les Colonnes maçonniques sont donc dans le Temple, derrière la porte, alors qu’elles devraient logiquement se situer devant.

    Ces deux Colonnes nous offrent la première perception de la dualité créatrice. Tout ce qui se manifeste se fonde sur cette dualité originelle dont les deux Colonnes forment le symbole. Ne s’agirait-il pas de l’expression la plus abstraite du mouvement vital, de la représentation du démembrement de l’unité qui se fractionne et se dualise pour engendrer la création ?

    Les deux Colonnes évoquent pour moi les deux pôles de l’énergie créatrice qui, lorsqu'ils sont unis par un troisième terme engendrent le foisonnement de la vie manifestée.

    Semblables à d’immenses végétaux pétrifiés dans la pierre, n’évoqueraient-elles pas  avec justesse l’univers de croissance et de verdoyance qui est celui du Temple, construit pour attirer et faire rayonner l’énergie divine ? En elles monte et descend sans cesse la sève originale qui concrétise le lien qui unit la terre du temple au ciel des causes. Transmise par les Colonnes, l’énergie primordiale irrigue et nourrit le lieu de la construction.

    Afin de trouver la plénitude de notre nature terrestre et céleste, nous avons pénétré dans la Loge dont la porte s’est ouverte pour notre Initiation. Lorsque nous sommes passés entre les deux Colonnes, et chaque fois que nous les franchissons en entrant en Loge, nous quittons le monde profane qui repose sur les deux Colonnes du « oui » et du « non », du conflit et de la contradiction. Dans le monde, nous sommes séparés, égoïstes, limités. Au-delà de la dualité stérile, du oui et du non, de notre manière habituelle de penser discursive, nous constatons qu’il n’y a plus ni extérieur ni intérieur, mais simplement une obscurité sans nom ni forme.

    Nous entrons, en conscience, dans un lieu qui n’est pas un lieu ordinaire mais celui de la liberté car il s’agit d’un lieu hors du temps, avant que rien n’existe, avant tout conditionnement, au lieu même où tout est possible. Et nous percevons que ce vide est une plénitude qui contient tous les univers possibles. Un feu nait, un soleil se lève. Et nous saurons, un jour, que la lumière provient de trois autres piliers. Nous comprendrons alors que les deux Colonnes interagissent et que ce qui compte, c’est le courant qui passe de l’une à l’autre.

    Après être passés entre les deux Colonnes, nous avons devant nous une allée infinie de Colonnes. Tel est le temple, … en construction permanente.

    Les Colonnes du Temple de Salomon

    En consultant la Sainte Bible, il semble assez difficile de concevoir l’aspect physique des deux Colonnes placées devant le Temple de Salomon.

    Le Premier Livre des Rois en donne une description au chapitre VII :

    « Le roi Salomon envoya chercher Hiram de Tyr. Il était fils d’une veuve de la tribu de Nephtali, mais son père était Tyrien et travaillait l’airain. Il était rempli de sagesse, d’intelligence et de savoir pour faire toutes sortes d’ouvrages d’airain ; il vint auprès du roi Salomon, et il exécuta tous ses ouvrages ».

    « Il fabriqua les deux colonnes en airain ; la hauteur d’une colonne était de dix-huit coudées et un fil de douze coudées mesurait la circonférence de la deuxième colonne. Il fit deux chapiteaux d’airain fondu, pour les placer sur les sommets des colonnes ; la hauteur d’un chapiteau était de cinq coudées et la hauteur du deuxième chapiteau était de cinq coudées. Il y avait des treillis en forme de réseaux, des festons en forme de chaînettes, aux chapiteaux qui surmontaient le sommet des colonnes, sept à un chapiteau, sept au deuxième chapiteau. Il fit deux rangs de grenades autour d’un des treillis, pour couvrir le chapiteau qui surmontait l’une des colonnes ; et de même fit-il pour le second chapiteau. Les chapiteaux qui étaient sur le sommet des colonnes, dans le portique, figuraient des lis ayant quatre coudées de hauteur. Les chapiteaux placés sur les deux colonnes étaient entourés de deux cents grenades, en haut, près du renflement qui était au-delà du treillis. Il y avait aussi deux cents grenades rangées tout autour sur le second chapiteau. Il dressa les colonnes au portique du Temple ; il dressa la colonne de droite et la nomma Jachin ; puis il dressa la colonne de gauche et la nomma Boaz. Et il y avait sur le sommet des colonnes un travail figurant des lis. Ainsi fut achevé l’ouvrage des colonnes ».

    Comme pour le Temple, les détails donnés pour les deux Colonnes semblent peu clairs et ne nous donnent pas la possibilité d’en établir une reconstitution figurée exacte. Les répétitions alourdissent le texte et le rendent encore plus inintelligible.

    Monseigneur Leadbeater ne semble nullement embarrassé à ce sujet : « les auteurs sont loin de s’accorder et les détails donnés sont si confus que les écrivains maçonniques ne s’entendent que pour les caractères principaux ».

    Les dimensions des colonnes et leur nature ont une signification non négligeable.

    Ragon écrit à ce sujet « Les deux colonnes sont censées avoir 18 coudées de hauteur, 12 de circonférence, 12 à leur base et leurs chapiteaux 5 coudées ; total 47, nombre pareil à celui des constellations et des signes du zodiaque, c’est-à-dire du monde céleste. Leurs dimensions sont contre toutes les règles de l’architecture, pour nous avertir que la sagesse et la puissance du divin Architecte sont au-dessus des dimensions et du jugement des hommes. Elles sont d’airain pour résister au déluge, c’est-à-dire à la barbarie ; l’airain est ici l’emblème de l’éternelle stabilité des lois de la nature, base de la doctrine maçonnique. Elles sont creuses, pour renfermer nos outils qui sont les connaissances humaines ; enfin, c’est auprès d’elles que nous payons les ouvriers et les renvoyons contents par la communication des sciences ».

    Au sujet des dimensions des colonnes, « contre toutes les règles de l’architecture », Jules Boucher pense, au contraire, que « ces dimensions sont fort bien adaptées à des colonnes isolées. Le diamètre étant alors d’un peu moins de 4 coudées et la hauteur de 23, le module employé est égal à 6 ; tandis que dans l’art grec le module de la colonne dorique, la plus robuste de toutes, est égal à 8 ».

    La Kabbale permet une approche d’une richesse prodigieuse à propos des données chiffrées relatives aux colonnes du Temple de Salomon. Il y a là, pour tout Maçon qui désire progresser, matière à recherche et réflexion.

    Je ne citerai que deux exemples :

    • Chaque colonne, ornée de son chapiteau fait 18 + 5 soit 23. 2 + 3 = 5. Cinq qui est le nombre de l’homme, de l’union, du Compagnon.

    • L’initiale J de Jakin est YOD qui vaut 10 ; B, initiale de Boaz est BETH qui vaut 2. La somme de J et B donne 12, comme les douze fils de Jacob qui donneront les douze tribus d’Israël.

    Dans son ouvrage « La Voie Symbolique », Raoul Berteaux commente les nombres qui caractérisent la structure du Temple de Salomon. Les deux colonnes placées à l’extérieur du temple, de part et d’autre de la porte d’entrée, semblent bien avoir une origine de repérage astronomique.

    Lorsque Ragon dit des colonnes qu’elles « sont d’airain pour résister au déluge », Jules Boucher rétorque qu’à ce jour on n’a retrouvé aucun vestige des colonnes et qu’il n’y a point eu de déluge après leur réalisation !

    Quand Ragon dit que les colonnes étaient « creuses pour y mettre les outils », la Bible n’en fait pas des armoires et n’indique pas de portes ! Or Monseigneur Leadbeater y place trois portes superposées, « invisibles par devant » et qui fermaient des placards « où l’on serrait les archives, les livres de la Loi et autres documents » !

    Tous ces commentaires sont semblables à ceux d’autres Maçons de la même époque. Il fallait cependant les citer à titre d’exemple et de curiosité, mais sans les considérer comme une autorité en la matière.

    Si Ragon avance l’hypothèse selon laquelle les colonnes du Temple étaient creuses, des archéologues ont affirmé que cette particularité était impossible à réaliser au temps de Salomon, les techniques de fonderie ne permettant pas de fabriquer des colonnes creuses de cette dimension. Il semble toutefois possible qu’Hiram Abif en possédait le secret car Hiram de Tyr ne tarissait pas d’éloges à son égard, sur son talent, son art et son intelligence.

    Jean Ferré se demande pourquoi Hiram aurait voulu que les colonnes fussent creuses. Peut-être pour des raisons pratiques et économiques. Pleines, elles auraient pesé chacune environ 270 tonnes. Creuses, avec une épaisseur d’environ 7,5 cm, leur poids était de 40 tonnes, ce qui est déjà énorme, compte tenu du prix de l’airain et des moyens de transport de l’époque. Peut-être voulait-on y déposer des invocations et des dédicaces ? En effet, il était, et il est toujours d’usage, de placer un message sacré dans une pierre creuse ou dans une cavité aménagée, lors de la construction d’un édifice religieux ou lors de sa consécration.

    La Bible ne parle pas de piédestaux et il est probable que ceux-ci n’existaient pas. Jules Boucher en déduit que les colonnes ont dû être posées simplement en terre sur une assise de pierre.

    Au terme de ce chapitre relatif aux colonnes du Temple du Roi Salomon, il convient de retenir qu’elles ne supportaient pas le toit et qu’elles étaient purement ornementales.

    Les divers sens du mot « Colonne »

    La colonne est l’un des éléments de base de l’architecture. Elle assure la solidité et la stabilité en soutenant l’édifice. Elle est comparable à l’arbre qui est à la fois pilier et colonne, puisqu'il est l’élément végétal médian entre le ciel et la terre. Les colonnes verticales entre terre et ciel sont le soutien de la création, dont elles marquent également les bornes. Ceci nous rappelle que le UN manifesté se dédouble en DEUX.

    Le mot « colonne » est fréquemment employé dans le langage maçonnique. En premier lieu car il appartient au vocabulaire ancien des bâtisseurs ; ensuite, parce que dans toute architecture sacrée les colonnes soutiennent le temple ; enfin, plus concrètement, on lui attribue plusieurs définitions qu’il est important de distinguer.

    Les colonnes sont des rangées de canons c’est-à-dire de verres alignés sur une table lors des banquets maçonniques ou Travaux de Table.

    Lors de la célébration du Solstice de la Saint-Jean d’hiver, le Vénérable Maître dit, par exemple : 

    • « Mes Frères, veuillez charger et aligner ! »

    ou

    • « Chargez les colonnes ! »

    pour signifier qu’il faut remplir les verres. Ce mot, comme celui de « canon », « poudre forte » ou « poudre rouge » (vin), est issu des Loges militaires qui se sont multipliées tout au long du 18ème siècle.

    Le mot « colonne » en Franc-maçonnerie ne désigne pas seulement celles qui se trouvaient devant le porche du temple de Salomon, car il est dit aussi qu’un Maçon est « sur » les Colonnes. « Etre sur les Colonnes », c’est prendre place en Loge.

    Les Colonnes désignent donc aussi les rangées des Frères qui participent à la Tenue. Nous entendons fréquemment le Vénérable Maître prononcer les paroles suivantes :

    • Les Colonnes sur leur base ! (Pour inviter les Frères à s’asseoir). 

    Ou le Frère Premier Surveillant dire :

    • Les deux Colonnes sont muettes, Vénérable Maître ! (Lorsque les Frères n’ont plus rien à exprimer !)

    Les Colonnes désignent, dans le Temple, les deux groupes de Maçons assistant à la Tenue, l’un positionné le long du côté nord (les Apprentis), l’autre près du côté sud (les Compagnons). On parlera ainsi de la Colonne du Midi et de la Colonne du Nord.

    A la fin de la cérémonie d’Initiation, quand le nouvel Apprenti a travaillé sur sa pierre brute, le Vénérable Maître dit (selon le rite) :

    • Frère Maître des Cérémonies, veuillez conduire le nouvel Apprenti sur la Colonne du Nord, réservée aux Frères de son grade.

    La Colonne du Midi est celle des Compagnons. Certains auteurs ajoutent qu’elle est aussi celle des Maîtres, le premier rang étant réservé à ces derniers, les autres rangées aux Compagnons. Cependant, si la symbolique veut que les Maîtres siègent sur la Colonne du Midi, il est généralement admis que les Maîtres peuvent, selon leurs affinités, se placer sur l’une ou l’autre Colonne.

    Notons que le Rite Écossais Rectifié est moins permissif et impose une mise en place dans le Temple :

    Les Frères en tout grade, soit membres de la Loge, soit visiteurs, sont placés sur les banquettes formant deux Colonnes, l’une au Nord, l’autre au Midi, chacun suivant son rang en grade et alternativement de chaque côté, en commençant à former la Colonne du côté de l’Orient par les Frères des plus hauts grades, en les continuant vers l’Occident par les Maîtres et Compagnons.

    A l’extrémité de la Colonne du Midi, du côté de l’Occident, sont placés tous les Compagnons suivant l’ordre de leur ancienneté dans le grade, et tous les Apprentis sont de même, vis-à-vis, à l’extrémité de la Colonne du Nord.

    Le mot « colonne » désigne aussi parfois les trois Piliers qui entourent le Pavé mosaïque. Bien que certains rituels emploient le mot « colonne », il est toutefois préférable de les appeler « piliers » pour éviter toute confusion.

    Une autre définition du mot « colonne » dans l’univers maçonnique est sans conteste la plus connue : c’est celle qui s’apparente, selon la légende, aux deux colonnes d’airain – Jakin et Boaz – d’après les noms de personnages de la Bible, coulées par Hiram lors de la construction du Temple de Salomon.

    • Le mot sacré ne peut jamais être prononcé, il ne peut que s’épeler. Vous en voyez la première lettre sur cette Colonne qui est celle du Septentrion.

    Dans nos Loges maçonniques, bien que leur place varie quelquefois selon le rite accompli, les Colonnes sont généralement situées dans le vestibule et encadrent la Porte d’Occident.

    La « Colonne d’harmonie »

    L’expression « Colonne d’Harmonie » est le nom donné au 18ème siècle aux formations musicales qui jouaient les musiques nécessaires aux diverses phases des cérémonies d’admission ou de passage à un degré supérieur.

    La « Colonne d’Harmonie » s’est vue remplacée de nos jours par les chaînes stéréophoniques.

    La Colonne d'Harmonie pourrait se définir ainsi : « La Colonne d'Harmonie est constituée de l'ensemble de la musique diffusée au cours des Tenues ; elle doit s'inscrire harmonieusement dans les rituels ».

    La Colonne d’Harmonie doit accompagner le rituel et le servir de manière adaptée à ses besoins en restant en parfaite adéquation avec lui, d’où la difficulté de la tâche impartie à celui qui en a la responsabilité.

    Un Officier entre les deux Colonnes

    Pendant les phases d’Ouverture et de Clôture des Travaux, le Frère Couvreur se tient debout à l’Occident, devant la porte d’accès, un peu en retrait par rapport aux plateaux des Surveillants, face au Vénérable Maître. Il se configure ainsi, abstraitement, en corrélation avec les places respectives des Frères Surveillants, Secrétaire et Orateur, deux triangles entrecroisés formant le sceau de Salomon, lequel est une des représentations de la pensée hermétique.

    Sans approfondir davantage la symbolique du sceau de Salomon, son interprétation gnostique, selon Chevalier et Gheerbrant, lui attribue « le moyen mystérieux qui assure à l’âme remontant vers la lumière supérieure, la traversée des mondes inférieurs ».

    Approche du symbolisme de la colonne

    Élément essentiel de l’architecture, la colonne est avant tout un support. Elle représente l’axe de la construction et relie ses différents niveaux. Les colonnes garantissent la solidité de l’édifice. Les ébranler, c’est menacer l’édifice tout entier. C’est pourquoi elles sont souvent prises pour le tout. Elles symbolisent la solidité d’un édifice, qu’il soit architectural ou qu’il soit social ou personnel.

    La colonne, avec la base et le chapiteau qui généralement l’accompagnent, symbolise l’arbre de vie.

    La colonne pourrait aussi être le symbole des supports de la connaissance.

    L’art gréco-romain ne limite pas la colonne à un rôle purement architectonique. Il connait aussi les colonnes votives et triomphales, ceinturées de reliefs ou d’inscriptions gravées ou dorées, qui retracent les exploits glorieux des héros. Ces colonnes symbolisent les relations entre le ciel et la terre, évoquant à la fois la reconnaissance de l’homme envers la divinité et la divinisation de certains hommes illustres. Elles manifestent la puissance de Dieu en l’homme et la puissance de l’homme sous l’influence de Dieu. La colonne symbolise la puissance qui assure la victoire et l’immortalité de ses effets.

    Les colonnes indiquent des limites et généralement encadrent des portes. Elles marquent le passage d’un monde à un autre.

    Arbre de vie, arbre cosmique, arbre des mondes, la colonne relie le haut et le bas, l’humain et le divin.

    Les colonnes du Temple de Salomon ont donné lieu à d’innombrables interprétations. Ces colonnes étaient en bronze ou en airain, métal sacré, signe de l’alliance indissoluble du ciel et de la terre, garantie de l’éternelle stabilité de cette alliance.

    Pour Christian Guigue, « toute colonne dressée est un support. Sa finalité reste physique, en architecture, puisque sa fonction consiste à soutenir l’édifice, à l’instar de la colonne vertébrale qui dresse le corps à la verticale, mais elle devient emblématique lorsqu’elle se trouve en relation avec le sacré et le royaume initiatique ».

    La colonne relie l’inférieur au supérieur, le terrestre au céleste, la créature à la création et au créateur. En tant que « bornes » délimitant une  frontière, les colonnes indiquent le franchissement d’un monde à un autre, ce qui se trouve souligné par le fait qu’elles encadrent une ouverture, une porte. En ce cas, la colonne devient elle-même une « porte symbolique », la marque d’un « passage », d’un accès à un autre univers, royaume, niveau de conscience ou révélation initiatique.

    La Colonne du Septentrion et la Colonne du Midi

    D'après la Bible, les deux Colonnes étaient situées dans le parvis du Temple de Salomon : « Jachin » à droite et « Boaz » à gauche, érigées pour représenter conjointement le Binaire, car dès qu’il y a manifestation il y a dualité ou dédoublement de l’Unité. Le binaire est constitué de toutes paires d’opposées, qui sont considérées, à un niveau supérieur, comme complémentaires.

    Il convient de bien s’orienter : la droite et la gauche se déterminent en regardant vers l’est. En entrant dans la Loge, le nord est donc bien à notre gauche et le sud à notre droite !

    Situées dans le prolongement symbolique des Colonnes du Temple, nous pouvons alors dire que la Colonne du Nord ou du Septentrion est le domaine privilégié des Apprentis tandis que la Colonne du Sud ou du Midi appert aux Compagnons. Quant aux Maîtres de l’Atelier, ils  peuvent s’installer sur l’une ou l’autre Colonne.

    La Colonne du Septentrion est placée sous l’autorité du Second Surveillant, celle du Midi sous celle du Premier Surveillant. Les Apprentis doivent y adopter une attitude digne, réservée, respectueuse, en observant attentivement ce qui se passe durant le travail pour découvrir le rituel et percevoir ce qu’il recouvre. Toute distraction et bavardage apparaîtraient déplacés et choquants. Au besoin, le Second Surveillant aurait soin de rappeler à l’ordre tout Frère distrait ou manquant aux usages.

    Cette dénomination de « Colonnes » pour les rangées de sièges où s’asseyent les Frères vient de ce que derrière les Surveillants, de part et d’autre de la porte d’accès à la Loge, se dressent les deux Colonnes hiramiques. Les colonnes ont de tout temps été liées à la pensée symbolique et mystique. En Loge, ce sont celles attribuées à Hiram Abif.

    Au Rite Ecossais Ancien Accepté, la position des Colonnes est conforme à ce qu’en dit la Bible : la Colonne « B » est à gauche en entrant dans la Loge ; la Colonne « J » est à droite en entrant dans la Loge.

    L’expression « Colonne du Nord » désigne aussi bien la Colonne située à gauche en entrant dans la Loge (c’est-à-dire au nord-ouest symbolique de la Loge), que la colonne de Frères qui siègent du même côté. Il convient d’éviter la confusion entre ces deux Colonnes qui, pourtant, présentent bien des affinités.

    Les Apprentis siègent sur cette « Colonne du Nord » ou « du Septentrion ». C’est un nord purement symbolique car la Loge est intrinsèquement orientée. Le Vénérable Maître siège à l’est, ou Orient. Le nord, ou Septentrion, est donc toujours situé à gauche en entrant par l’Occident.

    Il est dit clairement, dans l’instruction au grade d’Apprentis, que ceux-ci siègent au nord car c’est la région la moins éclairée et qu’ils ne sont pas en état de supporter une trop grande lumière !

    Jean-Claude Mondet émet une critique très judicieuse à ce sujet. Tous les campagnards et les montagnards savent que le côté nord est exposé au midi et que c’est lui qui reçoit le maximum de soleil !

    Si nous observons attentivement le Tableau de la Loge, nous remarquons que le Septentrion reçoit la lumière de la fenêtre située au Midi, à laquelle les Apprentis font face ! Ce sont donc eux qui peuvent le mieux suivre la marche apparente du soleil, depuis son lever dans la fenêtre orientale, sa plénitude dans la fenêtre méridionale, et son coucher dans la fenêtre occidentale.

    Contrairement à ce que dit le rituel d’Ouverture des Travaux, les Apprentis seraient ceux qui recevraient en réalité le plus de lumière, mais ils n’en émettent pas ! De même, la lumière solaire ne vient pas du nord. Le Tableau de la Loge n’indique d’ailleurs pas de fenêtre de ce côté.

    Au Rite Écossais Ancien Accepté, le Second Surveillant, placé au Midi pour observer le soleil au méridien, devrait être bien embarrassé pour le faire puisqu'il tourne le dos à la fenêtre adéquate ! Sans doute, pour effectuer malgré tout sa mission, s’aide-t-il des ombres portées. Le soleil est à son méridien quand l’ombre de la Colonne du Midi recouvre la Colonne « B » et que leurs deux ombres se recouvrent, dans le prolongement l’une de l’autre…

    Dans nos cathédrales et grandes églises, orientées réellement vers l’est, les côtés gauches sont souvent très sombres. Cela est dû au fait que ce sont des collatéraux, bas et qui ne peuvent recevoir la lumière des hautes verrières de la nef. Les bâtisseurs ont souvent accentué cet effet en raréfiant ou en supprimant les fenêtres du collatéral nord.

    Le collatéral sud est très éclairé par de nombreuses fenêtres. Mais cela ne modifie pas la thèse de Jean-Claude Mondet qui est que les Apprentis, confinés sur la Colonne du Septentrion, y reçoivent un maximum de lumière tout au long de leur « journée de travail ». C’est tout à fait logique et dans leur rôle, passif, de réceptivité.

    Ceux qui siègent au Midi, côté actif, émettent une certaine lumière. C’est le cas, tout particulièrement, du Second Surveillant dont le rôle est justement d’éclairer les Apprentis.

    Jean Reyor soulève deux questions : les Loges maçonniques opératives ont-elles toujours été orientées comme elles le sont dans la Maçonnerie spéculative, et pourquoi la Loge est-elle orientée à l’inverse du temple de Salomon. 

    Dans le domaine de la manifestation, la dualité est nécessaire à toute compréhension. Elle donne une base de comparaison. L’Absolu est indiscernable, homogène et total. Il ne peut être saisi : la lumière totale, comme la nuit totale rendent également aveugle.

    Pour être perçu et réalisé, l’Absolu doit se scinder en deux ou en parties constituantes qui, en s’opposant, s’affirment… La matière et l’esprit, comme les Ténèbres et la Lumière, semblent former la première dualité discernable.

    Il est probable qu’à l’origine ces deux colonnes avaient une raison astronomique, car elles devaient être orientées sur les lignes solsticiales du lieu de telle façon que leur ombre respective passe sur le seuil orienté à l’est à chacun des deux solstices. Ainsi, sur un plan d’orientation terrestre, les deux Colonnes « J » et « B » peuvent être assimilées aux deux portes solsticiales : « BOAZ » pour le solstice d’hiver, la nuit la plus longue avec la lune qui correspond à Jean l'Évangéliste ; « JAKIN » pour le solstice d’été le joue le plus long avec le soleil qui correspond à Jean le Baptiste, fin juin.

    Dans les Loges pratiquant le Rite Écossais Ancien Accepté, la Colonne du Septentrion porte la lettre « B ». Il est dit à l’Apprenti que c’est la représentation de l’une des deux Colonnes qui se trouvaient à l’entrée du temple du roi Salomon, à l’extérieur. Il suffit de se reporter à la Bible pour avoir tous les détails (I Rois, VI, 15 – 22 et 2 Ch., III, 15 – 17). On y apprend en particulier que la Colonne de gauche avait pour nom « BOAZ ».

    Comme son pendant de droite, elle ne supporte rien mais porte un chapiteau entouré de grenades qui est souvent représenté dans la Loge maçonnique. La Colonne « B », dédiée à l’Apprenti, est comme un poteau indicateur et une œuvre élevée à la gloire du Créateur. Il s’agit d’une perpendiculaire mais, au lieu d’inviter à descendre en soi, elle s’appuie sur la terre et s’élève vers le ciel. Comme les autres symboles de ce type, c’est une invitation à s’élever. Selon nos convictions personnelles, nous pouvons y voir la représentation d’un lien créature – créateur, sachant que les édifices religieux, dont le temple de Salomon est le modèle, ont pour fonction de permettre aux hommes de rencontrer leur Dieu.

    L’Apprenti doit s’interroger sur cette Colonne qui est la sienne et l’incite à l’élévation spirituelle. Elle est de tradition hébraïque et biblique. La lettre « B » portée par cette Colonne est évidemment l’initiale de son nom, BOAZ. B est l’équivalent du Beth hébreu, deuxième lettre de cet alphabet après l’Aleph. Cette lettre n’est pas du tout anodine.

    Beth est la première lettre de la Bible et donc du premier mot de celle-ci : « Bereschit » que l’on traduit généralement par « Au commencement ». Ensuite vient la Genèse, récit allégorique de la création du monde à partir du chaos initial.

    Pour un hébraïsant, le Beth de « Bereschit » est porteur de l’énergie du mot, comme l’est la première lettre de chaque mot. Le retrouver sur la Colonne de l’ombre de laquelle travaillent les Apprentis place ceux-ci sous l’égide de ce commencement, de cette Genèse. Venant du chaos extérieur, ils commencent par séparer passif-actif, lumière-ténèbres, sec-humide, puis ils nomment et identifient. C’est la méthode utilisée par la Genèse pour organiser le chaos. C’est également celle qu’utiliseront les Apprentis pour organiser chacun leur propre chaos intérieur, ce qui aboutira à la création des hommes nouveaux qu’ils sont appelés à devenir. Cette œuvre se termine, dans la Bible, par la réconciliation de la matière et de l’esprit, sous la forme de la descente sur terre de la Jérusalem céleste, dernière image du dernier livre de la Bible, l’Apocalypse de Jean.

    Le sens de « Jakin » et de « Boaz »

    Il semble certain que les deux colonnes étaient semblables mais que seules leurs positions à droite et à gauche et les noms qui leur furent donnés les différenciaient. Les traductions du nom de chaque colonne sont, elles aussi, très nombreuses. Selon les experts de l’Ecole Biblique de Jérusalem, l’origine de Jakin et Boaz est obscure.

    Tous les auteurs se fondant sur les textes des différents rites traduisent JAKIN par « qu’il établisse », « qu’il affermisse », « fermé », « stable » et BOAZ par « dans la force ». A partir de ces significations, chacun associe et symbolise. Or l’approche du symbolisme exige que l’on commence par chercher d’où viennent ces traductions et pourquoi les colonnes du temple ont ainsi été nommées. Ces questions s’imposent d’autant plus que ces noms, en hébreu, n’existent pas comme noms communs et il faut comprendre comment ils ont été traduits.

    1. JAKIN pourrait vouloir dire « elle est solide » et BOAZ « avec force ». Au Rite moderne, le nom donné à la colonne de droite évoque en effet en hébreu l’idée de solidité et de stabilité (Yakin) tandis que celui de la colonne de gauche suggère celle de force (Boaz).

    1. Pour Jean Ferré, il semble généralement admis que Jachin, ou Jakin, ou Yakin signifie « J’établis » et que Booz ou Boaz veut dire « en force ». Cela pourrait signifier que celui qui passe entre les colonnes est transformé, est « créé » par une puissance, par une force émanant des lieux. N’est-ce pas là toute la démarche initiatique qui est suggérée par les deux Colonnes ?

    1. Pour le chanoine Crampon, JACHIN – que l’on prononce « Jakinn » – signifie « il établira » et « BOOZ » – en hébreu BOAZ – signifie « dans la force ». Les deux mots réunis signifient que « Dieu établit dans la force, solidement, le temple et la religion dont il est le centre ».

    1. Oswald Wirth a écrit que « La Bible nous apprend que les deux colonnes d’airain, œuvre du fondeur tyrien Hiram, furent érigées à l’entrée du temple de Salomon, l’une à droite sous le nom de JACHIN et l’autre à gauche sous le nom de BOOZ. Il n’y eut jamais de contestation sur le sexe symbolique de ces deux colonnes, la première étant suffisamment caractérisée comme masculine par le IOD initial qui la désigne communément. Ce caractère hébraïque correspond, en effet, à la masculinité par excellence. BETH, la deuxième lettre de l’alphabet hébreu, est considéré, d’autre part, comme essentiellement féminine, car son nom signifie maison, habitation, d’où l’idée de réceptacle, de caverne, d’utérus, etc. La Colonne J\ est donc bien masculine – active et la Colonne B\ féminine – passive. Le symbolisme des couleurs exige, en conséquence, que la première soit rouge, et la seconde blanche ou noire. »

    Notons que Christian Guigue reproche à ceux qui fantasment sur les caractères sexuels des colonnes en supputant à partir de détails (grenades, lys) de s’égarer en privilégiant l’accessoire et en négligeant de consacrer leur attention ou le but de leur recherche à l’essentiel.

    Guy Boisdenghien donne l’interprétation suivante du nom des colonnes hiramiques. Il cite la Bible :

    Hiram dressa les colonnes au portique du Temple : il dressa la colonne droite et la nomma J. puis il dressa la colonne gauche et il la nomma B. (Rois, 7).

    La Colonne « J » peut se traduire par « Il établira » ou « Qu’il établisse ». Cette colonne est associée au Second Surveillant et est située à droite lorsque nous la regardons de l’Orient.

    La Colonne « B » peut se traduire par « dans la force » ou « en lui est la force ». Elle est associée au Premier Surveillant et est posée à gauche vue de l’Orient. Au Rite Ecossais Ancien Accepté, la position des colonnes est inversée : « B » est à gauche ; « J » est à droite.

    Lorsque les noms des deux colonnes hiramiques sont reliés, ils peuvent se comprendre par « C’est par la force qui est en Dieu qu’il établira ».

    Jules Boucher a aussi exprimé son opinion au sujet de l’étymologie des deux noms : le mot JACHIN s’écrit en hébreu avec les lettres IOD, CALPH, IOD, NOUN. Pour éviter une erreur dans la prononciation, on écrit parfois JAKIN.

    Le mot BOAZ s’écrit avec les lettres BETH, AÏN (lettre qui ne peut se traduire phonétiquement que par une aspiration sonore, par l’esprit rude du grec), ZAÏN. On écrit souvent BOOZ au lieu de BOAZ et pourtant cette dernière orthographe est plus conforme à l’hébreu.

    1. Selon de nombreux auteurs maçonniques, le J est considéré comme signe de l’énergie spirituelle; à B, ils donnent comme sens le fondement.

    2. Un fait intéressant est à noter. JACHIN et BOAZ sont des personnages de la Bible ! Joakin est roi de Juda. Selon la généalogie de Matthieu, il figure dans la lignée du Christ. Booz, de par Ruth, sa femme, est le bisaïeul de David et donc lui aussi un ancêtre du Christ.

    3. Pour Daniel Béresniak, BOAZ s’orthographie BEITH, AÏN, ZAÏN. La traduction « dans la force » s’explique du fait que le BEITH est un préfixe qui signifie « dans » ou « avec » et Oz (AÏN, ZAÏN) signifie « force ». Mais il s’agit aussi d’un nom propre, celui du fils de Salmah, arrière-grand-père du roi David, donc le trisaïeul de Salomon.

    4. Pour ce qui concerne JAKIN, orthographié IOD, CALPH, IOD, NOUN, la première lettre peut être lue comme le préfixe du temps futur à la troisième personne, tout ce que l’on peut en dire est qu’il est un nom propre masculin. Le IOD, préfixe du futur, est aussi la première lettre du tétragramme sacré, IOD, HE, VAV, HE, qui désigne Dieu.

    Ceci nous amène à approcher un peu plus en profondeur le symbolisme des Colonnes du Temple.

    Approche du symbolisme des Colonnes du Temple

    Après avoir franchi la Porte, les Colonnes du Temple se présentent sous l’aspect de stèles verticales et cylindriques dont le sommet, en général, est surmonté d’une reproduction de grenades entrouvertes, fruits du grenadier. Malgré ce que pourrait laisser croire l’aménagement de certains temples, elles ne sont ni solidaires du mur d’Occident ni soutènement de la Voûte Étoilée qui orne le Zénith.

    Les interprétations symboliques des Colonnes sont très diverses.

    L’implantation horizontale, de part et d’autre de la ligne médiane qui joint implicitement l’Orient à l’Occident marque notre passage d’activités non maçonniques, exotériques en quelque sorte, à des activités maçonniques, ésotériques et vice versa. En d’autres termes, elles marquent symboliquement la transition entre le monde profane et l’univers des initiés, induisant la transformation de celui qui franchit cette limite, ce qui est le propre de la démarche initiatique.

    Leur élévation verticale, du Nadir vers le Zénith, marque le passage entre « ce qui est en bas » et « ce qui est en haut », c’est-à-dire un échange, une liaison, une union entre la terre et le ciel, entre le corps et l’esprit, entre la matière et l’énergie, et vice versa.

    Les rares auteurs maçonniques ayant traité des colonnes du Temple de Salomon ont omis d’étudier un point essentiel : la couverture zodiacale des colonnes. L’une B, couvre l’aire Orient / Septentrion et l’autre J, la zone Orient / Midi. Boaz et Jakin seraient donc des portes solsticiales. Ainsi, B, la Colonne du Nord et J, celle du Midi, correspondent respectivement au solstice d’hiver et à celui d’été.

    Selon la Bible, les colonnes d’airain du Temple de Salomon marquaient le point où se rencontraient, où fusionnaient, l’homme et le divin, le profane et le sacré, donnant à tout cherchant sincère la matière et les valeurs propres à sa quête spirituelle.

    Pour Jean Ferré, les Colonnes, en tant que symboles dans la Loge, matérialiseraient le point où s’interpénètrent l’homme et le divin, le profane et le sacré.

    De plus, il ne faut pas oublier que les Colonnes situent également l’endroit où les ouvriers reçoivent leur salaire.

    • Frère Second Surveillant, où les ouvriers reçoivent-ils leur salaire ?

    • A la Colonne J., Vénérable Maître. (Au R.E.A.A., la réponse est « B »).

    • Frère Premier Surveillant, les ouvriers sont-ils contents et satisfaits ?

    • Ils le sont sur les deux Colonnes, Vénérable Maître.

    Dans ce cas, le salaire désigne un enrichissement intellectuel et moral, voire spirituel dans le meilleur des cas.

    Pour Raoul Berteaux, les colonnes ne sont pas destinées à supporter un appareillage de maçonnerie afin de créer une baie. Il s’agit de deux sortes de piliers placés côte à côte pour former une porte que l’on dénomme « Porte de la Vie » ou « Porte des Cieux » ou « Portail de l'Éternité ».

    Il fait remarquer que des colonnes ont souvent été placées de part et d’autre de la porte d’entrée des lieux sacrés. Ce modèle binaire formé de deux piliers est fréquemment un symbole corrélatif de la « Porte ». L’image des deux piliers s’insère dans un domaine de caractère général comportant les jumeaux, le double lion, les deux horizons, les deux montagnes du monde, les mots bisyllabiques, les doubles lettres.

    A ce propos, C.G. Jung écrit que « toute image double renforce en la multipliant la valeur symbolique de l’image, ou en la dédoublant montre les divisions internes qui l’affaiblissent ».

    Raoul Berteaux nous propose simplement de retenir que les deux Colonnes identiques qui se trouvent à l’entrée de la Loge forment un modèle binaire de type gémellaire. L’une des Colonnes porte la lettre « J » et l’autre la lettre « B ». Si l’on fait appel au symbolisme des couleurs, la Colonne « J » devrait être rouge tandis que la Colonne « B » devrait être blanche ou noire.

    Mais si l’on s’en tient au texte biblique, comme le propose Jules Boucher, les deux Colonnes étaient en airain et toutes deux de la couleur naturelle de ce métal. Pour les différencier certains ont voulu y ajouter des couleurs mais cette adjonction est arbitraire et discutable.

    En effet, pour Christian Guigue, « la pseudo-tradition qui veut que la Colonne « J » soit peinte en rouge et associée au soleil et la Colonne « B » en blanc rattachée à la lune ne repose sur rien de bien sérieux. Le texte biblique demeure précis sur ce point : il n’y a pas d’autre couleur que celle du métal coulé ».

    L’apparition des colonnes dans les Loges maçonniques est sans aucun doute une résurgence de celles que, d’après l’Ancien Testament, Hiram avait fait dresser devant le vestibule du sanctuaire, dans le temple de Salomon, à Jérusalem, et auxquelles il avait donné le nom de Jakin (ou Yakin) pour l’une, Boaz ou Booz pour l’autre.

    Quant à l’origine des lettres « J » et « B », Raoul Berteaux pense qu’il s’agit d’une transposition des lettres hébraïques JOD et BEITH.

    Conclusion provisoire

    Le symbolisme des Colonnes maçonniques ainsi que leurs noms, Jakin et Boaz se réfèrent à la Bible. L’approche du symbolisme exige que le cherchant commence par se renseigner d’où viennent les traductions et pourquoi les colonnes du temple ont ainsi été nommées. Sur l’origine des noms Jakin et Boaz, les chercheurs restent partagés.

    Les deux plus anciens manuscrits connus de la Franc-maçonnerie, le Regius (1390 environ) et le Cooke (1410 environ) présentent deux attitudes opposées. Mais entre le Manuscrit Regius et l’apparition du suivant, les temps ont changé, la Réforme et l’intérêt pour l’Ancien Testament étaient en chemin.

    Aux 19ème et 20ème siècles, sous l’influence des mouvances occultistes, le symbolisme des colonnes a été alimenté par des associations notamment avec les couleurs, pas du tout expliquées mais affirmées comme une évidence !

    Alors qu’habituellement il a souvent proposé un éclairage précieux, Oswald Wirth s’est laissé aller à la mode occultiste et il faut déplorer que son discours à propos du symbolisme des colonnes du Temple ait été ingurgité comme « parole d’évangile » par des milliers d’Apprentis et servilement régurgité en Loge. On ne fait pas du symbolisme en mémorisant des affirmations dogmatiques et en renonçant à l’esprit critique. Le propos du symbolisme est d’éveiller. Il faut le pratiquer pour se dépouiller des idées reçues et pour apprendre à associer. Il faut donc chercher, comparer, lire et relire.

    Ce qu’il me semble essentiel à retenir de cette étude, c’est qu’en franchissant pour la première fois la porte de notre Loge, la présence des Colonnes « J. » et « B. » se justifiaient pour bien marquer notre passage dans un lieu de liberté, un lieu hors du temps profane.

    Par ailleurs, chaque fois que nous les franchissons, à chaque Tenue, les Colonnes « J. » et « B. » sont là pour nous rappeler que nous quittons le monde profane pour entrer dans le monde sacré et vice versa.

    Quant au salaire que nous sommes censés recevoir à la Colonne « J » (ou à la Colonne « B » au R.E.A.A.), je retiens qu’il symbolise l’enrichissement intellectuel et moral que chaque Tenue devrait normalement nous apporter, voire spirituel si la rigueur et l’amour y ont eu la meilleure place.

     

     

    R :. F :. A. B.

    Bibliographie

    Alban Gilbert - Guide de  l’Apprenti

    Editions Detrad, Paris, 1996

    Pages 61à 64 ; 203

     

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995

    Pages 42 à 44

     

    Béresniak Daniel - Rites et Symboles de la Franc-maçonnerie

    Editions Detrad, Paris, 1995

    Pages 70 à 79

     

    Berteaux Raoul - La Symbolique au grade d’Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986

    Pages 44 à 46

     

    Berteaux Raoul - La Voie Symbolique

    Editions Edimaf, Paris, 1995

    Pages 147 à 151

     

    Boisdenghien Guy - La Vocation initiatique de la Franc-maçonnerie

    Editions l’Etoile, Bruxelles, 1999

    Pages 47 à 50

     

    Boucher Jules - La Symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995

    Pages 108, 133 0 142

     

    Cabut Jean-Jacques - Les symboles de la Franc-maçonnerie

    Signes, mots, couleurs et nombres

    Editions Dervy, Paris, 2008

    Pages 67 à 69

     

    Chevalier Jean et Gheerbrant Alain - Dictionnaire des Symboles

    Editions Robert Laffont – Jupiter, Paris, 1982

    Pages 269 à 273

     

    Dangle Pierre - Le livre de l’Apprenti

    Editions La Maison de Vie, Fuveau, 1999

    Pages 51 à 54

     

    Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1994

    Pages 72  à 78

     

    Ferré Jean - Dictionnaire des symboles maçonniques

    Editions du Rocher, Monaco, 1997

    Pages 79 à  88

     

    Guigue Christian - La Formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 1995

    Pages 92 à 98

     

    Mainguy Irène - La symbolique maçonnique du troisième millénaire

    3ème édition revue et augmentée

    Editions Dervy, Paris, 2006

    Pages 167 à 170 ; 506 à 507

     

    Mondet Jean-Claude - La Première Lettre

    L’Apprenti au Rite Ecossais Ancien et Accepté

    Editions du Rocher, Monaco, 2007

     

    Négrier Patrick - Les Symboles Maçonniques d’après leurs sources

    Editions Télètes, Paris, 1998

    Pages 53 à 54

     

    Ragon J.M. - Rituel de l’Apprenti Maçon

    1860

     

    Traduite et présentée par Chouraqui André

    La Sainte Bible

    Editions Desclée De Brouwer

    Premier Livre des Rois : 7, 15 à 22

    Deuxième Livre des Rois : 25, 17

    Deuxième Livre des Chroniques : 3, 15 à 17 ; 4, 12 et 13

     


    1 commentaire
  •  Le Pavé mosaïque 

    Place et composition physique du Pavé mosaïque

    Tel qu'il apparaît aux yeux d'un néophyte lors des premières tenues auxquelles il participe en cette fin du 20ème siècle, le Pavé mosaïque recouvre le sol de la Loge.

    C'est par cette expression que les Maçons désignent les dalles carrées, noires et blanches, alternées, unies par un même ciment et qui constituent une espèce de damier de forme rectangulaire. Les dalles de même couleur se touchent par les pointes. Les dalles de couleur différente sont liées par les côtés.

    Mais, si nous y regardons d'un peu plus près, nous pouvons constater que les dalles noires comprennent un peu de blanc et que les dalles blanches ne sont pas parfaitement blanches mais qu'elles comprennent aussi un peu de noir !

    Le nombre de carrés blancs est égal au nombre de carrés noirs.

    Réseau régulier formé‚ de lignes transversales et longitudinales, le Pavé mosaïque semble aussi créer de multiples croix.

    Puisque le Pavé mosaïque ressemble à un damier, il peut aussi évoquer dans notre esprit la table du jeu de Dames (100 cases) et celle du jeu d'échecs (64 cases).

    Dans tous les locaux où j'ai pu pénétrer jusqu'à présent, chaque Pavé mosaïque a une superficie différente.  Parfois c'est tout le sol du local qui est carrelé de cette façon ; mais le plus souvent, c'est un rectangle de « proportion dorée » disposé au centre du local.

    Dans le local où se déroulent les Tenues de ma Loge, le Pavé mosaïque compte 25 dalles en longueur et 6 dalles en largeur, soit 150 dalles de superficie.  Mais ces nombres n'ont aucune signification particulière !

    Au cours des ans, selon les rites, le Pavé mosaïque a pu changer de dimensions ou de place, mais sa valeur symbolique n'en a pas été modifiée.

    Avant d'envisager la fonction, le sens, le symbolisme de ce décor, tentons de comprendre son qualificatif « mosaïque » et évoquons un peu son histoire.

    Pourquoi mosaïque ?

    Le terme vendrait du latin et de l'italien « mosaico ».  Cependant le terme latin ancien est « musivium » dont l'étymologie serait le grec « mouseion », temple des Muses et des Arts.

    Deux écoles s'opposent en ce qui concerne le mot « mosaïque » qui qualifie le pavé.

    Chaque camp possède des arguments, plus ou moins valables et logiques.

    Pour les uns, il signifie « relatif à Moïse ». Pour d'autres il se rattache à la technique de décoration qui trouva son apogée avec les artistes de Délos et de Pompéi.

    On peut cependant dire avec certitude que la mosaïque ne fait pas partie des éléments de l'architecture juive et que le Pavé mosaïque est un apport de la Maçonnerie moderne, les loges opératives n'ayant jamais été carrelées de la sorte.

    Dans la décoration des loges modernes, il s'agit d'un apport récent car nulle part dans la Bible il n'est fait allusion à un tel sol, que ce soit dans les Rois ou dans les Chroniques :

    ... et il revêtit le sol de planches de cyprès... (Rois VI, 15)

    Les gens de Métiers, ou plus tard les Maçons spéculatifs, ont sans doute voulu apporter un nouvel élément symbolique.

    A propos de « pavé », deux expressions doivent retenir notre attention et nous pouvons judicieusement nous demander si elles sont synonymes : « le Pavé d'équerre » et « le Pavé mosaïque ». En 1727, un ouvrage de Wilkinson parle du pavé mosaïque et de son premier usage, « pour que le maître y trace ses plans ». « La Confession d'un Maçon », ouvrage datant de la même année, évoque « le pavé d'équerre utile au Maître Maçon pour tracer des plans ».

    Il est fort possible que dans les anciennes Loges quatre équerres aient été réunies en forme de carré ou de rectangle, que du sable ait été versé puis régulièrement étalé à l'aide d'une règle. Sur la surface plane ainsi obtenue, le maître pouvait alors dessiner ce que nous appelons aujourd'hui le Tableau de Loge.

    Si plusieurs textes font du Pavé mosaïque une sorte de planche à tracer, d'autres, comme le Prichard, datant de 1730, affirment que le Pavé mosaïque est tout simplement le sol de la Loge.

    Le Pavé mosaïque dans d'autres rites

    Au Rite Français, il est expliqué au nouvel Apprenti qu' « il n'a pu se tenir sur le Pavé mosaïque pour contempler l'intérieur de l'édifice ». Il commence en haut de la septième marche, comme on peut le constater sur les Tableaux de Loge des deux premiers degrés.

    Au Rite Écossais Rectifié, « le Pavé mosaïque orne le seuil de la porte du Temple.  Il couvre l'entrée du souterrain du Temple, entre les deux colonnes ».

    Au Rite Émulation, le Pavé mosaïque peut être justement considéré comme le merveilleux dallage d'une Loge de Francs-maçons en raison de sa diversité et de sa régularité.  Ceci fait ressortir la diversité des êtres et des objets dans le monde, aussi bien ceux qui sont animés que ceux qui ne le sont pas.

    Dans la cinquième partie du cours complémentaire du Rite Émulation, il est dit : « Notre Loge est ornée du Pavé mosaïque pour marquer l'incertitude de toutes les vanités terrestres... tandis que nos pieds foulent ce Pavé mosaïque, que nos idées reviennent à l'idée originelle que nous imitons, agissons comme des hommes honorables et comme Maçons…».

    Au Rite Écossais Ancien Accepté, aucune explication n'est donnée. Mais dans le paragraphe « Décoration de la Loge », il est cependant précisé que le sol de la Loge est pavé de carreaux noirs et blancs alternés. Lorsqu'il est aménagé autrement, il y a lieu de réaliser un tel pavage sous forme réduite d'un carré long placé au centre de la Loge, orienté comme cette dernière.

    Le Rite d'York affirme que « le Pavé mosaïque représente le sol du Temple de Salomon ». Il s'agit là d'un apport symbolique, sans aucune réalité historique.

    Le Pavé est-il le sol de la loge, comme le considèrent les rituels ou bien couvre-t-il seulement l'espace délimité par les trois piliers « Force, Sagesse et Beauté » ? La question reste ouverte !

    Dans le second cas, cet espace, par définition sacré, ne peut en aucune façon être  foulé aux pieds.  Les Frères circulant dans le Temple en font le tour, dans le sens prévu par le rite.

    Le Pavé mosaïque ne peut être foulé que par des Initiés.

    Lors de l'interrogatoire sous le bandeau, le profane est assis à un endroit proche de la porte de la loge à peine franchie.  Il n'a pas l'occasion de marcher plus loin.

    L'espace délimité par les trois colonnettes « Force » « Sagesse » et « Beauté » est sacré, et nul ne peut y poser le pied.

    Lors de l'initiation, le pied gauche est déchaussé pour marquer que le profane va fouler les dalles sacrées du Temple.

    La fonction du Pavé mosaïque dans la Loge

    Nous l'avons vu, la place du Pavé mosaïque est particulière : c'est sur les dalles blanches et noires que les Maçons se déplacent. Mais ils ne marchent pas sur le Carré long où est posé le tapis ou Tableau de loge.

    La fonction du Pavé mosaïque est également particulière : le Carré long ordonne la circulation dans le Temple ; elle se fait autour de lui, dans le sens des aiguilles d'une montre.

    Comment interpréter le sens, la fonction et la place du Pavé mosaïque dans le Temple ?

    Tout se passe comme si le Pavé mosaïque prenait son sens de sa position dans la loge.

    Dans nos loges, toute progression se fait autour du Pavé mosaïque.

    Rappelons-nous :

    • l'entrée dans le Temple et le chemin parcouru pour gagner sa place ;

    • les voyages de l'Apprenti pendant la cérémonie de l'Initiation ;

    • les évolutions des Frères amenés à se déplacer dans la loge ;

    • le chemin parcouru en quittant sa place pour gagner la porte du Temple.

    Le symbolisme du Pavé mosaïque

    Selon Christian Guigue, pour tenter de percer la signification du Pavé mosaïque, il faut remonter à l'origine de l'adjectif mosaïque se rapportant à Moïse car c'est dans l'univers du Décalogue et la loi mosaïque qu'il faut rechercher les enseignements, les oppositions, les ruptures, les dépendances ou les potentialités salvatrices.

    Pour faciliter la perception de cet emblème complexe, il convient d'interpréter le symbole en procédant à l'analyse des éléments qui ressortent du Pavé mosaïque : le blanc et le noir, le rapport numérique du pavement, l'échelle et les diversités d'états d'être, le passage axial ou accès au centre de l'univers qui correspond à une projection dans un futur donné du retour de l’Élu à son origine divine.

    Comme les deux Colonnes, le Pavé mosaïque fait appel à un symbolisme apparemment binaire. En exprimant ci-après quelques réflexions, je tenterai de montrer qu'il n'en est rien pour le véritable Initié.

    De nombreux auteurs ont vu dans le Pavé mosaïque le cheminement du profane et de l'initié : le profane laissant faire le hasard, par ignorance, pose le pied tantôt sur une case blanche, tantôt sur une case noire. Il va ainsi d'expérience heureuse en échec, menant sa vie avec incohérence.  L'initié, quant à lui, a dépassé les valeurs telles que le Mal et le Bien, et il suit cette « voie étroite » entre le blanc et le noir.

    Le Pavé mosaïque pourrait être, selon Ragon, l'emblème de la variété du sol terrestre.  Le dictionnaire Larousse donne comme exemple « une mosaïque d'Etats » pour illustrer ce sens figuré du mot « mosaïque ».

    Du fait que les dalles sont reliées entre elles par le même ciment, le Pavé mosaïque pourrait symboliser l'union de tous les Maçons du globe malgré la différence de couleurs et d'opinions politiques et religieuses notamment.

    Après avoir analysé de vieux rituels, Edouard Plantagenet a émis l'idée que le Pavé mosaïque pourrait symboliser « l'union étroite qui doit régner entre les Francs-maçons liés entre eux par la vérité ». Mais cette vérité n'est pas uniforme puisqu'elle est symbolisée par une alternance régulière de blanc et de noir. En conséquence, comme le profane, le Franc-maçon est soumis aux rigueurs de la loi des contrastes, celle qui nous confirme la relativité des vérités qui peuvent se révéler aux néophytes en Loge d'Apprentis.

    On pourrait aussi voir dans le Pavé mosaïque la complémentarité des contraires.  Le Pavé mosaïque inviterait-il les Francs-maçons à embrasser d'un seul regard le réel dans ses contradictions, à voir dans les contradictions apparentes les éléments nécessaires et complémentaires de l'ensemble ?

    Dans la conception antique, notre Terre était plate. Le Pavé mosaïque en serait la représentation. Les carrés blancs et noirs alternés représenteraient l'alternance du jour et de la nuit.  Nous serions au centre de la Terre et les étoiles tourneraient au-dessus de nos têtes.

    En évoquant la composition physique du Pavé mosaïque, j'avais déjà envisagé les couleurs du Pavé mosaïque et relevé l'alternance de pavés noirs et blancs. Il s'agit d'une opposition entre deux valeurs, comme il en existe beaucoup au grade d'Apprenti : l'Orient et l'Occident, la colonne J:. et la colonne B:., l’Équerre et le Compas, la Lune et le Soleil, le Niveau et la Perpendiculaire, la pierre brute et la pierre taillée, le monde sacré et le monde profane, le solstice d'été et le solstice d'hiver...   Le premier degré est ainsi rempli de couples symboliques.

    Le blanc et le noir seraient-ils une de ces oppositions parmi d'autres ?

    Raoul Berteaux a déterminé plusieurs types d'oppositions binaires. Il les a fondées sur quatre principes : le principe de séparation, le principe d'opposition, le principe de complémentarité et le principe d'alternance.

    La juxtaposition des carrés du Pavé mosaïque serait un exemple de complémentarité et non pas d'opposition.  Le carré noir n'a de sens que parce qu'il se trouve à côté d'un carré blanc. Et c'est leur interaction, leur complémentarité qui crée leur richesse.

    De plus, comme on peut percevoir dans chaque carré blanc des éclats de noir et dans chaque carré noir des éclats de blanc, c'est donc le signe que dans chacun des carrés blancs du Pavé mosaïque il y a un carré noir en devenir. Le carré blanc peut devenir noir et réciproquement.

    En marchant alternativement sur ces carrés blancs et noirs, ne sommes-nous pas non plus comme un pavé mosaïque ? Durant toute notre vie tant profane que maçonnique, n'allons-nous pas périodiquement du blanc au noir et du noir au blanc ? A l'issue d'une Tenue nous regagnons les ténèbres alors qu'en loge nous étions dans la lumière.

    Le Pavé mosaïque ne lierait-il pas les ténèbres et la lumière ? Celles-ci seraient tissées ensemble si l'on considère les rangées de dalles.

    Les traits virtuels qui les séparent forment un chemin rectiligne, ayant le blanc et le noir tantôt à droite, tantôt à gauche. Ces lignes symboliseraient alors la voie de l'initié qui doit s'élever au-dessus de la morale ordinaire et l'inciteraient sans cesse à se garder de tout ce qui se rapporte à l'éthique.

    Mais ces lignes n'apparaissent pas aux yeux des profanes qui ne voient que des dalles blanches et noires. Les profanes ont en effet l'habitude d'opposer le blanc et le noir. En suivant la voie large, la voie exotérique, ils passent alternativement du blanc au noir et du noir au blanc. Ils ont alors, à leur droite, à leur gauche, devant et derrière eux, une couleur opposée à la leur. Ainsi se trouveraient marquées les oppositions multiples qui se forment sous leurs pas.

    Au contraire, l'Initié suit la voie ésotérique, la voie étroite qui passe entre le blanc et le noir qui ne font pas obstacle à sa marche. En d'autres termes, le pas de l'Initié se fait sur la jointure qui relie les carrés noirs aux carrés blancs.

    L'alternance des dalles blanches et noires pourrait-elle dès lors nous donner une image du bien et du mal dont est semé le chemin de la vie ?

    On donne au BLANC l'acception courante de « BIEN » et au NOIR celle de « MAL ». Ne serait-il pas plus juste de voir dans l'alternance de ces deux couleurs la complémentarité de la « spiritualité » et de la « matérialité », la matérialité étant tout ce qui rapproche l'homme de l'animal, c'est-à-dire ce qui caractérise une vie purement physiologique ; la spiritualité étant tout ce qui tend à dégager l'homme des liens de la matière ? En d'autres termes, le Pavé mosaïque ne servirait-il pas non plus le symbolisme du Corps et de l'Esprit, unis mais non confondus ?

    Mais l'analyse de l'opposition entre le blanc et le noir, même en tenant compte des principes de séparation, d'opposition, de complémentarité et d'alternance n'est pas suffisante. La résolution de cette opposition entre deux choses constitue souvent une troisième voie.

    En tant qu'Apprentis, nous avons donc pu constater que le symbolisme du Pavé mosaïque était apparemment binaire. En réalité, ce symbolisme est trinaire. Tentons de comprendre pourquoi.

    A première vue, les carrés blancs et les carrés noirs, polarités positives et négatives que montre le Pavé, représentent les dualités, les oppositions, les contraires que l'être humain observe ou subit au cours de l'existence quotidienne.

    Ce sont par exemple le jour et la nuit, le pour et le contre, l'ici et l'ailleurs, l'endroit et l'envers, l'intérieur et l'extérieur, le oui et le non, la joie et la douleur, etc... On pourrait qualifier ces exemples de paires opposées.

    Or ces paires ne sont opposées que superficiellement et ne sont perçues comme telles par notre mental qu'à cause de la fonction séparatrice de notre psyché non maîtrisée.

    Le véritable Initié, digne de ce nom, cherchant toujours l'au-delà des apparences ainsi que la maîtrise de son moi se rend compte que le blanc n'est que l'aspect complémentaire du noir et qu'il n'y a ni carreaux blancs ni carreaux noirs sur le Pavé mosaïque à partir du moment où il dirige son mental vers les lignes virtuelles que forment les carreaux côte à côte. Médianes, ces lignes sont donc hors de la dualité blanc-noir et leur ensemble compose l'élément trinaire du symbole.

    Ainsi, le Pavé mosaïque pourrait désigner aux Maçons la droiture de la voie médiane d'une Initiation bien conduite, voie grâce à laquelle se résolvent peu à peu les contradictions de la vie profane.

    Si le Pavé mosaïque peut aussi nous rappeler que tous les Maçons répandus sur la terre forment une famille de Frères, d'autres symboles le complètent dans le même sens : il s'agit de la « Chaîne d'union » que nous pratiquons souvent en fin de Tenue, de la «Houppe dentelée» qui borde le tapis de loge et des « graines de Grenades » situées au sommet des deux Colonnes.

    Les aspects symboliques évoqués jusqu'ici ne s'appuyaient que sur la couleur des pavés. Il me parait également judicieux d'envisager le symbolisme dû à la forme des pavés et de me poser la question suivante : « Pourquoi le Pavé mosaïque est-il composé de pavés carrés et en quoi le carré est-il symbolique ? » 

    En effet, si le triangle apparaît fréquemment en Loge, le carré semble de façon moins évidente une forme symbolique. Cependant, dans de nombreuses traditions, le carré est la représentation du terrestre, par opposition au cercle représentant le céleste. De nombreux espaces sacrés, comme des autels et certains temples, ont souvent une forme carrée.

    Le carré, base du Pavé mosaïque, serait donc la représentation du terrestre, par opposition au cercle céleste.  Ce n'est donc pas étonnant de trouver sur le sol de nos loges des carrés représentant le terrestre face à la voûte étoilée.

    Réflexions...

    Ne serait-il pas temps de nous exercer à réunir ce qui est épars, à percevoir au-delà des contradictions apparentes la nécessité des oppositions, la richesse des avis divergents ?

    En Loge d'Apprentis, les vérités qui peuvent nous être révélées sont toutes relatives pour nous, Néophytes. Nos perceptions résultent de contrastes. Mais sans les contrastes qui créent ce qui est constatable, l'uniformité nous échapperait et se confondrait avec le néant.

    Le Pavé mosaïque évoquerait pour moi l'image de l'objectivité, de l'équilibre entre de nombreux antagonismes.  Il supporte tout ce qui tombe sous le sens.

    Debout, l'Initié avance dans la vie comme sur ce damier qui proportionne exactement les satisfactions et les peines, les joies et les douleurs des vivants.

    Le Pavé mosaïque semble me rappeler que toute action appelle une réaction qui vient rétablir l'équilibre un instant troublé.

    Le Pavé mosaïque semble là aussi pour me rappeler l'alternance de toutes choses car la vie est un perpétuel balancement entre des idées en constante évolution.

     

    La vérité est fuyante et insaisissable.

    Personne ne peut se prévaloir d'avoir des conceptions définitives.

    Toute connaissance est donc relative.

     

    Il me semble que la méditation sur le Pavé mosaïque permet d'élargir l'esprit, de libérer et d'élever le niveau de notre réflexion.

    En ce sens le Pavé mosaïque constituerait une clef pour la réflexion symbolique.

    Le Pavé mosaïque me semble enfin là pour indiquer au véritable Initié qu'il se doit de découvrir l'étroite ligne droite sur laquelle il devra se maintenir en équilibre constant entre la dalle noire et la dalle blanche et avancer ainsi, sûr de lui vers la lointaine Vraie Lumière.

    L'appellation « Pavé mosaïque » me parait dès lors judicieuse pour désigner le recouvrement du sol de la Loge où se pratique ce qui est convenu d'appeler l'Art Royal.

    Quelles règles de conduite personnelle puis-je dès lors retirer de ces réflexions ?

    ... pour progresser

    Le Pavé mosaïque m'invite à la recherche de la plus grande objectivité dans mes jugements.

    Ainsi, en considérant simplement le domaine de la perception, rien n'est jamais absolument tout noir ou tout blanc. La couleur d'un objet est toute relative selon l'intensité de lumière qu'il reçoit, l'orientation de celle-ci par rapport à l'objet ou selon la sensibilité et la particularité des organes de vision de chaque individu.

    Il en va de même par exemple pour les apparences perçues par le toucher, l'odorat, le gout et l'ouïe qui sont toutes relatives selon le degré de sensibilité ou d'acuité perceptive propre à chaque individu.

    Il s'agit donc de ne plus se laisser émouvoir par les apparences et la violence des contrastes perçus par nos cinq sens mais de prendre conscience de la relativité générale.

    Il me semble dès lors qu'une prise de conscience progressive de cette relativité générale, c'est :

    1. se mettre à réviser les valeurs du monde profane et à rejeter ses préjugés ;

    2. se libérer des enseignements définitifs du présent ;

    3. acquérir une sage pondération en toute chose ;

    4. admettre provisoirement l'existence de vérités tout en cherchant LA Vérité ;

    5. naître enfin à la tolérance, qualité spécifique du Franc-maçon.

     

    R :. F :. A. B.

    Bibliographie

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995 - Pages 43 et 121

    Béresniak Daniel - L'apprentissage maçonnique, une école de l'éveil ?

    Editions Detrad, Paris, 1983 - Pages 99 à 102

    Berteaux Raoul - La Symbolique au grade d'Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986 - Pages 47 et 48

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Page 148 à 151

    Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 206 et 207

    Ferré Jean - Dictionnaire des symboles maçonniques

    Editions du Rocher, Monaco, 1998 - Pages 320 à 322

    Guigue Christian - La formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 1996 - Pages 226 à 228

    Nefontaine Luc - Symboles et symbolisme dans la Franc-maçonnerie

    Editions de l'Université de Bruxelles, Bruxelles, 1997 - Page 108

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail en loge d'Apprentis

    Editions Dervy-Livres, Paris, 1988 - Page 139 à 141

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    Tome 1 : « L'Apprenti » - Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 197 à 211


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