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    * Le Prologue de l’Evangile de Jean

     

     Le Prologue de l’Evangile de Jean 

    Introduction

    La raison essentielle qui m’a incité à retravailler cette planche ébauchée pour la première fois il y a quatorze ans et déjà remise par deux fois « sur le métier », c’est de vouloir souligner davantage l’importance du Prologue de l’Évangile de Jean dans notre vie de Maçons.

    Cette quatrième version de ce Tracé se justifie notamment par le fait que j’ai décidé de supprimer le mot « saint » devant le prénom « Jean ». Ce qualificatif de « saint » me paraît réducteur : il a été attribué par une religion à un personnage qui a une envergure universelle.

    Le Prologue de l’Évangile de Jean est sans conteste une des pages les plus majestueuses et les plus denses de toutes celles du Nouveau Testament. On peut en trouver de plus passionnées, de plus poétiques peut-être aussi, mais rarement qui fassent autant songer au vol de l’aigle royal. Mais ce Prologue est aussi une page qui offre nombre de difficultés. Son interprétation n’est pas évidente.

    Comme pour tout symbole et tout rituel, il convient de se poser un maximum de questions au sujet de ce Prologue qui, à mes yeux, a beaucoup d’importance dans le cadre de la prestation de tous nos serments.

    Le but de la présente planche subsiste depuis sa première version : c’est de resituer ce Prologue dans le contexte des Évangiles et de la Bible, de tenter de répondre à quelques questions fondamentales et à toutes celles qui en découlent : quelle est la structure du Prologue ? Celle de l’Évangile de Jean ? Celle de la Bible ? Quelle interprétation peut-on donner au Prologue ?

    Lorsque nous avons reçu la Lumière lors de notre Initiation, nous avons été invités à nous approcher de l'Orient où siège le Vénérable Maître afin de prêter le serment d'usage. Cette prestation s’effectue devant le plateau du Vénérable Maître, sur l’Autel des serments où sont posés un livre, une équerre et un compas. Plus tard, nous avons appris qu'il s'agissait des Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie : le Volume de la Loi Sacrée, l’Équerre et le Compas.

    Le Volume de la Loi Sacrée est ouvert, au début de chacune de nos Tenues, au Prologue de l’Évangile de Jean, ce qui précise beaucoup le sens à donner au Livre.

    Nous utilisons l'expression « Volume de la Loi Sacrée » mais c'est bien un livre qui se trouve sur l'autel. Le « Volume de la Loi Sacrée » est considéré comme « la » référence sur laquelle chaque Loge doit s'appliquer à calquer ses activités.

    Ce Livre a fait l'objet de maintes controverses qui justifient en partie le nombre d'obédiences maçonniques contemporaines. De quelque nature que soient sa forme et son expression matérielle, dans presque tous les cas, la Loi était, à l'origine, d'essence divine. Avec l'évolution des mœurs et des croyances, elle fut bientôt élaborée par les hommes, davantage en fonction de leur vie en communauté qu'à partir de principes strictement spirituels.

    Qu'il ait ou non une croyance religieuse, le Franc-maçon reconnaît en la loi maçonnique le fondement du serment qu'il a fait lors de son Initiation : il se tait devant les profanes, il cherche la Vérité, veut la Justice, aide ses Frères et se soumet à la Loi.

    C'est parce que le « Volume de la Loi sacrée » symbolise la Loi elle-même qu'elle figure sur l'autel. Etant la Loi, il est normal qu'elle occupe une position «centrale» pendant nos Tenues.

    Lorsque nous avons prêté serment, nous avons posé la main droite sur les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie, la Bible étant ouverte au Prologue, c’est-à-dire au premier chapitre de l'Evangile de Jean.

    Rappelons que la plupart des Francs-Maçons fêtent les Solstices de la Saint-Jean [1], notamment le Solstice de la Saint-Jean d'hiver (21 décembre) ou la Saint-Jean d'hiver (24 ou 27 décembre). « Eclairés », ils saluent ce moment où le soleil s'arrête (solstitium) notamment par l'organisation d'une Tenue particulière, une « Tenue Solsticiale ».

    C'est à ce moment de l'année que le jour est le plus court et la nuit la plus longue. A partir du Solstice d'hiver, les jours vont s'allonger et la lumière vaincra les Ténèbres. Le Solstice a été marqué autrefois par des fêtes païennes [2], comme les saturnales romaines en l'honneur du soleil invaincu (sol invictus) lié en particulier au culte de Mithra. Cette fête comme d'autres festivités païennes a ensuite été assimilée par des religions comme le christianisme.

    Ce n'est qu'en 354 que le pape Libère (Liberus) décida que Noël, jour de la naissance de Jésus, devait être fêté le 25 décembre. La Saint-Jean d'hiver (27 décembre) coïncide à peu près avec la célébration du Solstice d’hiver (entre le 20 et le 23 décembre). Il s'agit ici de fêter Jean l’Évangéliste. Jean le Baptiste quant à lui est fêté, le 24 juin, peu après la célébration du Solstice d'été (entre le 19 et le 22 juin).

    Certains voient dans les deux Jean la représentation des phases ascendantes et descendantes du soleil. Ils se retrouveraient dans le dieu romain bicéphale Janus.

    Dans la plupart des Loges qui utilisent la Bible comme Volume de la Loi Sacrée, cette Bible est donc ouverte au Prologue, première page de l'Evangile de Jean, qualifié souvent, selon Jules Boucher, d'Evangile de l'Esprit.

    L'attribut de Jean l’Évangéliste est l'aigle. Pour les Maçons, Jean l’Évangéliste représente l'Initié.

    La Bible comme Volume de la Loi Sacrée

    Pour la maçonnerie opérative, mais également encore bien plus tard pour toutes les obédiences affiliées à la Grande Loge de Londres, la Bible est restée « la » référence. Quand bien même certaines obédiences ont pu prendre des distances avec la religion chrétienne, la Bible demeure profondément ancrée dans toute dynamique maçonnique par le formidable élan d'espoir et de fraternité qu'elle a su transmettre siècle après siècle.

    Devenue synonyme de « Volume de la Loi Sacrée », la Bible a longtemps joué un rôle fondamental dans la Franc-maçonnerie. La résurgence du savoir des Anciens – bâtisseurs de pyramides et autres temples antiques – s'est faite en Occident, au moyen âge, dans le creuset du christianisme, en une imprégnation totale des croyances et rites de la chrétienté.

    Sous l'influence prédominante de l'idée chrétienne en Occident, nos aînés ont cru devoir choisir la Bible pour perpétuer au sein de la Maçonnerie le souvenir d'un enseignement que l'on pourrait synthétiser comme ceci : l'homme est un pont et non un but ; il est un passage et un déclin : le maillon d'une chaîne infinie.

    Pour les Anglo-Saxons, c'est la Bible qui doit se trouver ouverte sur l'autel. Si cette règle – notamment – n'était pas observée, l'obédience réfractaire serait déclarée «irrégulière».

    La Bible, en soi, en tant qu'accessoire rituel, ne se prête à aucune interprétation. La Bible, pour moi, n'est pas un symbole. Par contre, ce qui est symbole, c'est ce qui est présent‚ sous la forme d'un modèle binaire posé sur le Livre. Le dépôt du modèle symbolique «Équerre – Compas» sur la Bible garantit au Franc-maçon que la lecture de la Bible ne lui sera jamais imposée conformément à des dogmes.

    Par contre, les récits de ce livre font un appel intense au langage symbolique, à commencer par le tout premier, intitulé « Genèse » pour terminer par le tout dernier, intitulé « Apocalypse ».

    La présence de la Bible dans la Loge ne se justifie que par le désir de ne pas laisser s'estomper l'annonce faite par Jean de l'approche de la Lumière.

    La Bible chrétienne

    Le terme « Bible » vient du grec « biblia » qui veut dire « livres ». La Bible chrétienne comporte 2 parties, l'Ancien Testament et les 27 livres du Nouveau Testament, tandis que la Bible juive comprend 39 livres en hébreu.

    L'Ancien Testament

    « Ancien Testament » vient d'un mot latin qui veut dire « alliance » [3].

    Selon la tradition juive et chrétienne, Moïse est l'auteur des cinq premiers livres de la Bible et la volonté de Dieu a été révélée à Israël par l'intermédiaire de Moïse quand l'alliance a été conclue sur le mont Sinaï. Les livres de l'Ancien Testament ont été écrits sur un millier d'années. L'Ancien Testament utilisé par les chrétiens est la Bible du judaïsme, complétée de sept autres livres et adjonctions pour les catholiques.

    Le Nouveau Testament

    Le Nouveau Testament est composé de vingt-sept documents écrits entre 50 et 150, transmis en grec, comprenant les quatre Évangiles, les Actes des Apôtres, vingt-et-un Épîtres et l'Apocalypse.

    Les Évangiles

    Le mot « Évangile » vient d’un mot grec signifiant « bonne nouvelle », mais il est plus particulièrement dédié à la narration de la vie de Jésus, considérée comme LA bonne nouvelle. Il existe quatre Évangiles reconnus par l’Eglise catholique et figurant dans la Bible. Il en existe d’autres, dits « apocryphes », c’est-à-dire non admis dans le canon biblique. Trois des Évangiles reconnus, ceux de Matthieu, de Marc et de Luc, sont dits « synoptiques ». Ils présentent une vision historique des choses et racontent les mêmes faits, dans des termes se rapprochant parfois beaucoup les uns des autres. Ils décrivent la vie et l'enseignement de Jésus. Ils sont assez proches, datant de 65 – 80.

    L'Évangile de Jean

    Le quatrième Évangile est celui de Jean. Plus tardif, il se distingue des autres par le caractère plus divin donné à Jésus et par l'esprit plus doctrinal. Ces écrits donnent encore lieu à des polémiques sur les dates et les auteurs, les exégètes oubliant un peu trop le fond pour la forme. Il a été rédigé en grec, vers 97, en Asie Mineure, à Éphèse. Comme celui de Marc, il ne fait aucune allusion à la naissance de Jésus, à son enfance, mais à la différence des trois autres Évangiles, il est plus doctrinal qu'événementiel. Il proclame que « Jésus est comme Dieu », montrant sa nature divine. Trois thèmes forts sont abordés : la lumière opposée aux ténèbres, la mort et la vie, la recherche de la connaissance.

    Qualifié parfois d’Évangile spirituel, ou d’Évangile de la Lumière, l’Évangile de Jean se concentre sur quelques épisodes de la vie de Jésus auxquels il apporte un éclairage très particulier, quasi ésotérique.

    Jean a en outre écrit trois épîtres ou lettres, dont la première est souvent dite « Épître de l’amour ».

    C’est là que l’on trouve des phrases célèbres, comme : « Celui qui aime son Frère demeure dans la lumière » (1 Jn, II, 10). Placer la Franc-maçonnerie sous l’égide de l’Amour universel et de la Lumière, voilà qui suffirait à justifier la Bible comme Volume de la Loi Sacrée !

    Les Loges de saint Jean

    Pour Jules Boucher, la Franc-maçonnerie fut bien inspirée en donnant le nom de Jean à ses Loges en raison des multiples sens qu'on peut y attacher. Le nom de Jean se rattache notamment à la mystérieuse légende du « Prêtre Jean » du 12ème et 13ème siècle, qui serait un souverain tatar.

    Jusqu'au 18ème siècle, le négus d'Abyssinie était appelé de ce nom. Nombre d'empereurs d'Abyssinie ont porté le nom de Jean !

    On dit aussi que les Templiers célébraient leurs fêtes les plus importantes le jour de la Saint-Jean d'été. La Franc-maçonnerie ne ferait-elle que perpétuer une coutume de l'Ordre du Temple ? Rien ne permet cependant de confirmer une filiation entre l'Ordre du Temple et la Franc-maçonnerie !

    Le nom de Jean a aussi été rattaché à Janus, ce dieu latin au double visage : l'un de jeune homme et l'autre de vieillard, symbolisant, dit-on, le passé et l'avenir, l'année qui finit et celle qui commence.

    Cependant, pour Oswald Wirth, étymologiquement, Jean ne provient pas de Janus, mais de l'hébreu Jeho h'annam, qui se traduit par « Celui que Jeho favorise ». Le même verbe revient dans H'anni-Baal ou Annibal, qui signifie « Favori de Baal ». Mais Jeho et Baal ne sont autres que des noms ou des titres du Soleil ! Celui-ci était envisagé par les Phéniciens comme un astre brûlant, souvent meurtrier, dont les ravages sont à redouter. Les mystagogues [4] d'Israël y voyaient au contraire l'image du Dieu – Lumière qui éclaire les intelligences.

    Jeho h'annan, Johannès, Jehan ou Jean, devient ainsi synonyme d'Homme éclairé ou illuminé à la manière des prophètes.

    Ainsi, de même que les artistes des cathédrales, instruits sans doute de doctrines ésotériques fort anciennes, le penseur véritable ou l'Initié est donc en droit de se dire Frère de saint Jean.

    Oswald Wirth fait encore remarquer que

    1°) « Jean le Baptiste nous est présenté comme le précurseur immédiat de la Lumière rédemptrice ou du Christ solaire. Il est à l'aube intellectuelle qui, dans les esprits, précède le jour de la pleine compréhension. Il personnifie la lumière crépusculaire du soir, celle qui embrase le ciel lorsque le soleil vient de disparaître sous l'horizon ».

    2°) « Jean l’Évangéliste, le disciple préféré du Maître fut, le confident de ses enseignements secrets, réservés aux intelligences d'élite des temps futurs. On lui attribue « l'Apocalypse », qui, sous prétexte de dévoiler les mystères chrétiens, les masque sous des énigmes calculées pour entraîner les esprits perspicaces au-delà des étroitesses du dogme. Aussi, est-ce de la tradition johannite que se sont prévalues toutes les écoles mystiques, qui, sous le voile de l'ésotérisme, ont visé à l'émancipation de la pensée ».

    « Dans ces conditions, conclut Oswald Wirth, le titre de « Loges de saint Jean » convient, mieux que tout autre, aux Ateliers où les intelligences, après avoir été préparées à recevoir la lumière, sont amenées à se l'assimiler progressivement, afin de pouvoir la refléter à leur tour ».

    L’auteur de l'Évangile de Jean

    Depuis le 19ème siècle, l'identité de l'auteur de « l'Évangile selon saint Jean » soulève de vives controverses. De nos jours, diverses propositions sont retenues.

    Selon l'exégète Peter Brown, il serait l'émanation de trois groupes, un groupe d'origine, un groupe de Samaritains et un groupe de Grecs. Le groupe d'origine correspond aux disciples de Jean, le fils de Zébédée, ainsi qu’aux disciples de Jean le Baptiste. Le groupe des Samaritains est un ensemble de chrétiens opposés au temple juif. Le groupe des Grecs est un ensemble de juifs présents dans la diaspora.

    La seconde hypothèse, celle de l'exégète Marie Etienne Boismard, prend en compte deux lieux de rédaction, la Palestine et Éphèse, et retient trois auteurs. Le premier serait Jean, nommé dans l'Évangile comme « le disciple que Jésus aimait ». Le deuxième est Jean dit « le Presbytre », un juif, et le troisième, un juif chrétien d'Éphèse. Chaque hypothèse insiste sur l'unité de l'Évangile selon Jean et sur la longueur du travail de rédaction.

    Jean l’Évangéliste

    Originaire du village de Bethsaïde, Jean était un pêcheur du lac de Tibériade comme son père Zébédée et son frère Jacques. Ils furent des disciples de Jean le Baptiste qui déclara : « Celui qui vient derrière moi est plus grand que moi ». C'est Jean le Baptiste qui leur montra Jésus de Nazareth en leur déclarant : « Voici l'agneau de Dieu ». Jean et Jacques devinrent des pêcheurs d'hommes.

    Jean est considéré comme « le disciple que Jésus aimait ». Il put le suivre sur la montagne du Thabor pour entendre une voix venue du ciel dire : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute ma complaisance. Ecoutez-Le ». Le Christ le choisit pour s'asseoir à ses côtés lors de la dernière Cène. Et Jean le suivit jusque dans la cour du Grand Prêtre lorsqu'il fut arrêté. Fidèle d'entre les fidèles, il sera le seul parmi les apôtres, au pied de la croix. C'est lui également qui fut le premier au tombeau et découvrit les bandelettes sur le sol.

    Selon une tradition, Jean vécut ensuite à Éphèse avec Marie. C'est là qu'il aurait écrit le quatrième Évangile. Pendant son exil à Patmos, il aurait eu la révélation de l'Apocalypse (le terme même d'apocalypse signifie « révélation »).

    Jean aurait été amené d'Éphèse à Rome, chargé de fers, sous le règne de l'empereur Domitien. Il fut condamné par le sénat à être jeté dans l'huile bouillante devant l'actuelle Porte latine. Selon un site chrétien, il en serait sorti plus frais et plus jeune qu'il n'y était entré. Il serait décédé en 99 ou en 101.

    Structure de l'Évangile de Jean

    L'Évangile de Jean comporte quatre parties distinctes.

    La première (I, 1-18 « Au commencement était le verbe [...] et le verbe était Dieu ») est un prologue qui compte un hymne d'introduction, une pièce à part dans l'Évangile. Elle a sûrement existé isolément, peut-être sous une forme brève. En effet, l'Église primitive usait fréquemment d'hymnes de ce genre. Celle-ci décline les grands thèmes de l'Évangile : Jésus est présenté ici dans son origine et son commencement.

    La seconde partie (I, 19 ; XII, 50) présente Jésus comme Christ ou Messie. Les miracles ou les signes accomplis par Jésus y sont au nombre de sept. Le premier est celui de Cana. Suivent la guérison du fils d'un fonctionnaire, la guérison d'un homme infirme, la multiplication des pains (seul signe mentionné dans les quatre Évangiles), la guérison d'un aveugle-né et la résurrection de Lazare.

    La troisième partie de l'Évangile commence, selon certains exégètes, avec les derniers voyages du Christ à Béthanie. D'autres exégètes centrent cette partie sur le thème du retour du Fils vers le Père. La troisième partie commencerait alors au chapitre XIII après le ministère public du Christ et irait jusqu'au chapitre XX.

    Quelle que soit la division adoptée, cette partie contient le récit de la Cène ; le dernier discours et la dernière prière du Christ, dite « prière sacerdotale », le récit de la trahison de Judas, de l'arrestation de Jésus, de son jugement, de sa crucifixion et de sa mise au tombeau. Elle témoigne de la résurrection de Jésus avec les apparitions du Christ ressuscité à Marie-Madeleine, aux disciples et à Thomas l'incrédule.

    La quatrième partie de l'Évangile (chapitre XXI) est un appendice ou épilogue. Le Christ apparaît à ses disciples. Cet épilogue met en scène Pierre et « le disciple que Jésus aimait ». La communauté johannique manifeste par là son lien à l'Église de Jérusalem (ou communauté de Pierre). Elle accepte que le témoignage de foi ne passe pas seulement par l'amour. La communauté apostolique (ou communauté de Pierre) doit accepter la christologie [5] élaborée par elle.

    Les influences subies

    L'Évangile de Jean me semble traversé par trois ou quatre influences.

    Il est en dialogue en premier lieu avec les gnostiques. La gnose [6] répandue dans le bassin méditerranéen en particulier dans le monde juif est une doctrine cohérente fondée sur une conception dualiste (le Dieu du mal contre le Dieu du bien). Le monde est une émanation d'êtres intermédiaires entre Dieu et les hommes ; c'est une réalité mauvaise. Le salut vient d'un intermédiaire qui donne la connaissance à un petit nombre. Certains thèmes gnostiques sont présents chez Jean : la lumière opposée aux ténèbres, la mort et la vie, la recherche de la connaissance. Mais Jean se démarque nettement de la gnose. Il donne à Jésus une humanité forte qui n'est pas comme dans la gnose, une simple apparence. La mort montre que Jésus est un homme véritable.

    Jean semble aussi en lien avec le monde grec, et peut-être reçut-il l'influence du néoplatonisme [7] ; mais il ne faut pas trop surestimer l'influence grecque. De nombreux exégètes pensent de nos jours qu'un lien fut établi entre Jean et le monde juif après la redécouverte du judaïsme palestinien.

    Il est aussi possible de trouver dans l’Évangile de Jean la résonance de courants importants de l'Ancien Testament : Jésus est présenté comme « serviteur de Dieu », « roi d'Israël », « prophète ». Enfin, il me semble qu’on peut également trouver dans certains passages de son Évangile un écho de la Genèse [8] mais surtout la marque de la figure de Moïse et du thème de l'Exode.

    Le genre littéraire de l’Evangile de Jean

    Le genre littéraire du quatrième Évangile lui est tout à fait propre. Aucun autre Évangile ne procède de cette manière.

    Le genre littéraire est commandé par le but que se propose l'auteur : nourrir et développer la foi des chrétiens. Cette foi s'alimente à la contemplation du Verbe, « venu dans la chair », c'est-à-dire rendu visible à nos yeux. Elle s'attache donc aux faits et gestes de Jésus, mais pour parvenir par eux et à travers eux jusqu'à la signification divine qu'ils comportent, et que l'auteur lui-même, arrivé au terme de sa vie, a pu longuement méditer. Jean est tout pénétré de la contemplation du verbe de Dieu dans la chair : « Le Verbe s'est fait chair, et il dressa sa tente parmi nous, et nous avons vu sa gloire (reflet de la divinité), gloire comme d'un fils unique, venu du Père, plein de miséricorde et de fidélité ». (1,14).

    C'est à la même contemplation que Jean invite ses lecteurs. Tandis que dans les Évangiles synoptiques toute la lumière vient de Jésus et « se répand sur les hommes pour les instruire », dans l'Evangile de Jean, toute la lumière est pour ainsi dire concentrée sur Jésus lui-même : « Philippe, qui me voit, voit mon Père » (14,9).

    Comment Jean s'y prend-il pour atteindre ce but ? C'est d'une manière à la fois historique et symbolique.

    1°) Historique d'abord. Il est bien clair que les faits de la vie du Christ choisis par Jean sont bien présentés par Lui comme s'étant historiquement réalisés. L'auteur insiste sur la réalité des faits rapportés. Il se présente comme témoin de ces faits (19,35). Et les disciples de Jean tiennent à confirmer son témoignage (21,24.)

    L'intention de l'auteur est délibérément historique (par exemple 20,30). Il faut donc reconnaître au quatrième Évangile la même valeur historique qu'aux trois autres : les faits rapportés sont authentiques. Ce qui ne signifie pas pour autant que l'auteur ne prenne une certaine liberté avec l'ordre chronologique des faits qu'il rapporte, comme le font aussi les Évangiles synoptiques.

    2°) S'il est historique, le genre littéraire du quatrième Évangile est symbolique également. Jean ne rapporte pas toutes les actions de Jésus, mais en choisit certaines. Ce choix est déterminé par une préoccupation symbolique. Il choisit celles qui lui paraissent le plus apte à conduire l'esprit du lecteur, par le moyen du symbolisme, à la contemplation du sens profond de la venue du Logos parmi les hommes.

    Il choisit par exemple le miracle de la guérison de l'aveugle-né pour faire bien comprendre que le Christ est la vraie Lumière. La vraie, c'est-à-dire la lumière-réalité, celle qui importe le plus, celle sur laquelle Jean veut diriger l'attention du lecteur, au-delà de la lumière symbole, qui est la lumière matérielle. Il choisit le miracle de la multiplication des pains pour faire comprendre qu'au-delà du symbole (pain matériel), il faut chercher un pain plus important (« Travaillez, non pour la nourriture périssable, mais pour la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l'homme »). Ce pain plus important, ce pain-réalité, c'est le pain de l'âme, c'est-à-dire en définitive Jésus Lui-même : « Je suis le pain descendu du ciel » (6,41).

    Il est difficile de dire en quelle langue l’Évangile de Jean fut composé. Directement en grec ? En araméen et ensuite traduit en grec ? Si l'auteur a écrit cet ouvrage en grec, il ne serait pas surprenant d'y rencontrer des aramaïsmes [9], puisque Jean, même s'il écrivait en grec, ne pouvait penser qu'en sémite [10].

    L'auteur nous indique son intention en 20,30. Moins encore que les Évangiles synoptiques, Jean n'a pas l'intention d'écrire la vie de Jésus. Car tandis que ceux-ci traçaient quand même, à grands traits, une esquisse des principaux faits et dires de Jésus, Jean vise un but beaucoup plus précis. Il a délibérément écarté beaucoup de « signes » ou « miracles », et n'a choisi que ceux qui pouvaient servir son but : nourrir et développer la foi de ses lecteurs (« afin que vous croyez »).

    Il ne s'agit pas de convertir. Les Évangiles écrits s'adressent à des croyants. Du reste, il suffit de lire les premiers mots de Jean pour s'en convaincre ; ils ne sont intelligibles que pour des croyants. Les chrétiens auxquels s'adresse Jean ont déjà la foi, mais il veut que cette foi soit pour eux une nourriture, une vie : « qu'en croyant, vous ayez la vie en son nom. »

    Les dix-huit premiers versets de l'Evangile de Jean constituent une sorte de poème appelé Prologue qui, en dix-huit versets, donne une version chrétienne de la Genèse. Fondement du dogme dans la religion catholique, la portée du texte est tout simplement admirable. Le contenu religieux mais aussi philosophique du texte est d'une profondeur qui le rend universel...

    Découvrons-le !

    Version française du Prologue

    v. 1 Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu.

    v. 2 Il était au commencement tourné vers Dieu.

    v. 3 Tout fut par lui, et rien de ce qui fut, ne fut sans lui.

    Autre traduction : Tout par lui a existé, et sans lui rien n'a existé de ce qui existe.

    v. 4 En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes,

    v. 5 et la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point comprise.

    Autre traduction : et la lumière dans la ténèbre luit, et la ténèbre ne l'a pas saisie.

    v. 6 Il y eut un homme, envoyé de Dieu ; son nom était Jean.

    v. 7 Il vint en témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient par lui.

    Autre traduction : Lui vint pour un témoignage, afin de témoigner au sujet de la lumière, afin que tous crussent par lui.

    v. 8 Il n'était pas la lumière, mais il devait rendre témoignage à la lumière,

    Autre traduction : Celui-là n'était pas la lumière, mais [c'était] afin de témoigner au sujet de la lumière.

    v. 9 le Verbe était la vraie lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme.

    Autre traduction : Il était la lumière véritable qui éclaire tout homme en venant dans le monde.

    v. 10 Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l'a pas reconnu.

    Autre traduction : Il était dans le monde, et le monde par lui a existé, et le monde ne l'a pas [re]connu.

    v. 11 Il est venu dans son propre bien et les siens ne l'ont pas accueilli.

    v. 12 Mais à ceux qui l'ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu.

    v. 13 Ceux-là ne sont pas nés du sang, ni d'un vouloir de chair ni d'un vouloir d'homme, mais de Dieu.

    Autre traduction des vv. 11-13 : Il est venu chez lui, et les siens ne l'ont pas accueilli ; mais à tous ceux qui l'ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à tous ceux qui croient en son nom, qui sont nés non de sang, ni d'un vouloir de chair, ni d'un vouloir d'homme, mais de Dieu.

    v. 14 Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, cette gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père.

    Autre traduction : Et le Verbe s'est fait chair, et il a fait sa demeure parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire [qu'il possède] en tant que Fils unique venant du Père, plein de grâce et de vérité.

    Jean lui rend témoignage et proclame :

    1. Voici celui dont j'ai dit : après moi vient un homme qui m'a devancé, parce que, avant moi, il était.
    2. De sa plénitude en effet, tous, nous avons reçu, et grâce sur grâce.
    3. Si la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.
    4. Personne n'a jamais vu Dieu ; Dieu Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l'a dévoilé.

    Structure et interprétations du Prologue

    A première vue, le Prologue pourrait être divisé en deux parties:

    1. Le Logos dans son existence éternelle (v. 1) ;
    2. Le Logos dans sa relation avec la création (v. 2-18).

    Cette seconde partie renferme trois subdivisions :

    1°) les faits fondamentaux, v. 2-5 ;

    2°) la manifestation historique de la Parole en général, v. 6-13 ;

    3°) l'incarnation comme objet d'expérience individuelle, v. 14-18.

    Cette subdivision offre une belle progression ; mais la grande disproportion entre les deux parties principales ne prévient pas en faveur de ce cadre général, dont le principal inconvénient est de ne pas mettre suffisamment en relief l'idée centrale, le fait de l'incarnation du Logos, et d'établir entre la venue du Christ en général et sa venue comme objet d'expérience individuelle une distinction peu simple et qui n'est point suffisamment indiquée dans le texte.

    On pourrait aussi admettre une série de trois cycles qui se rapporteraient chacun à la totalité de l'histoire évangélique, en la reproduisant sous différents aspects :

    • Le premier cycle (v. 1-5) résumerait sommairement l'activité du Logos jusqu'à sa venue en chair, en y comprenant l'insuccès général de son ministère ici-bas.
    • Le second cycle (v. 6-13) reprendrait la même histoire en rappelant spécialement le rôle du précurseur, afin d'arriver par là à la mention de l'incrédulité juive.
    • Le troisième cycle enfin (v. 14-18) décrirait une troisième fois l'œuvre de Jésus-Christ, et cela au point de vue des bénédictions extraordinaires qu'elle a apportées aux croyants.

    Ce serait cependant un procédé assez étrange que d'ouvrir une narration en la résumant trois fois ! De plus, si ces trois cycles doivent réellement présenter chaque fois le même sujet, comment se fait-il qu'ils aient des points de départ et des points d'arrivée tout différents ? Le point de départ du premier est l'existence éternelle du Logos ; celui du second, l'apparition de Jean le Baptiste (v. 6) ; celui du troisième, l'incarnation du Logos (v. 14).

    Le premier aboutit à l'incrédulité du monde (v. 5) ; le second, à l'incrédulité israélite (v. 11) ; le troisième, à la parfaite révélation de Dieu en la personne du Fils (v. 18). Trois paragraphes commençant et finissant si différemment ne peuvent guère être trois sommaires de la même histoire !

    Le Prologue pourrait aussi être décliné en trois sections :

    1°) v. 1 - 5 : l'activité primordiale du Logos ;

    2°) v. 6 - 13 : son activité durant le cours de l'ancienne alliance ;

    3°) v. 14 - 18 : son incarnation ; puis son activité dans l'Eglise.

    Ce serait là un plan historique complet et rigoureusement suivi. Mais la question est de savoir si l'idée de cette marche est vraiment tirée du texte !

    Dans les v. 6-8, Jean le Baptiste est nommé personnellement ; rien n'indique qu'il doive représenter ici tous les prophètes et encore moins l'ancienne alliance en général. Puis il faudrait, d'après ce plan, rapporter la venue du Logos, décrite au v. 11, aux révélations de l'ancienne alliance, et ses effets régénérateurs décrits v. 12 et 13 aux bénédictions spirituelles accordées avant la venue de Christ aux Juifs fidèles. Or il est manifeste que les termes employés par Jean dépassent de beaucoup une semblable application.

    On pourrait également déceler le plan suivant, en trois parties :

    1°) La Parole en elle-même et dans ses manifestations générales (v. 1-5) ;

    2°) La Parole apparaissant dans le monde (v. 6-13) ;

    3°) La Parole pleinement révélée par son incarnation (v. 14-18).

    Mais la différence entre les deux dernières parties ne ressort pas distinctement.

    Et si l’on admettait quatre parties ?

    1°) La relation primordiale du Logos avec Dieu et avec la création (v. 1-4).

    2°) La conduite des ténèbres envers lui (v. 5-13).

    3°) Son habitation comme Logos incarné au milieu des hommes (v. 14-15).

    4°) Le bonheur que procure la loi en lui (v. 16-18).

    A la première partie correspondrait la troisième (le Logos avant et après l'incarnation) et de même à la seconde la quatrième (l'incrédulité et la foi). Cet arrangement semble ingénieux. Mais correspond-il bien aux articulations marquées dans le texte même, surtout en ce qui concerne la dernière partie ? Il ne le paraît pas. Puis, il semblerait que le Logos avant son incarnation n'a rencontré qu'incrédulité, et comme incarné, que foi, ce qui n'est certainement pas la pensée de l’Évangéliste !

    Envisageons encore un autre découpage en trois parties :

    1°) Le Logos et la nature critique de son apparition (v. 1-5) ;

    2°) Le Logos à partir de son existence divine jusqu'à son apparition historique (v. 6-13) ;

    3°) Le Logos dès son apparition historique, comme objet de l'expérience et du témoignage de l'Eglise (v. 14-18).

    Ce plan est grand et simple. Mais où trouver dans le Prologue la mention de l'ancienne alliance qui répondrait à la seconde partie ? Le personnage de Jean le Baptiste est mentionné là en raison de son rôle à l'égard de Jésus, nullement comme représentant de toute l'époque israélite. Puis on ne se rend compte, d'après cette marche, ni de la double mention de l'apparition du Logos (v. 11 et 14), ni de la citation du témoignage de Jean le Baptiste au v. 15.

    Ce qui semblerait répondre le plus exactement à la pensée de l’Évangéliste se résume dans ces trois mots : Le Logos, l'incrédulité, la foi.

    C’est pourquoi :

    • La première partie nous présente le Logos éternel et créateur, comme la personne qui va devenir, en Jésus-Christ, le sujet de l'histoire évangélique (v. 1-4).
    • La seconde décrit l'incrédulité humaine envers lui, telle qu'elle s'est réalisée de la manière la plus tragique au sein du peuple le mieux préparé à le recevoir (v. 5-11).
    • La troisième enfin célèbre la foi, en décrivant le bonheur de ceux qui ont reconnu en Christ la Parole faite chair et obtenu ainsi le privilège de rentrer par l'union avec Jésus-Christ dans la plénitude de vie et de vérité que l'homme puisait dans le Logos avant de rompre avec lui par le péché (v. 12-18).

    En étudiant l'Evangile de Jean, ces trois idées fondamentales du Prologue sont précisément celles qui président à la disposition de la narration tout entière et qui en déterminent les grandes divisions.

    Il est difficile sans doute de savoir s'il faut assigner au v. 5 sa place dans le premier ou dans le second morceau. C'est qu'il est la transition de l'un à l'autre et qu'au fond il appartient à tous les deux. Les v. 12 et 13 occupent une position analogue entre le second et le troisième morceau.

    Remarquons cependant qu'au commencement du v. 12 se trouve le mot « δέ » qui se traduit par « mais », la seule particule adversative du Prologue. Par là, l'apôtre paraît avoir voulu marquer nettement l'opposition entre le tableau de l'incrédulité et celui de la foi.

    Jusqu'où s'étend ce Prologue ?

    Pour certains, jusqu'au v. 5 seulement. Les mots « Il y eut un homme appelé Jean », au v. 6, seraient le commencement de la narration ; celle-ci continuerait au v. 14 par la mention de l'incarnation du Verbe, au v. 19 par le récit du ministère du Baptiste, et arriverait enfin avec le v. 33 au ministère de Jésus.

    Mais un coup d'œil sur tout le passage des v. 6-18 montre que cet arrangement ne répond pas à la pensée de l’Évangéliste.

    L'apparition historique du Messie est mentionnée déjà avant le v. 14 ; car les v. 11-13 s'y rapportent directement ; puis, si la narration avait réellement commencé avec la mention de Jean le Baptiste au v. 6, pourquoi placer beaucoup plus tard (au v. 15 seulement) son témoignage ? Cette citation vient trop tôt, s'il s'agit de sa situation historique qui sera indiquée exactement v. 27 et 30, ou trop tard, si l'auteur voulait la rattacher à l'apparition du précurseur (v. 6).

    On ne peut comprendre non plus l'à-propos des réflexions religieuses renfermées dans les v. 16-18 qui interrompraient d'une manière étrange la narration commencée. Il est évident que le v. 18 forme le pendant du v. 1 et ferme le cycle ouvert par celui-ci. La narration ne commence donc qu'au v. 19, et les v. 1-18 forment un tout d'un genre spécial.

    Tentatives d’interprétation du symbolisme du Prologue

    L'étude des Écritures permet d'en découvrir l'ésotérisme et d'en dégager des enseignements initiatiques de la plus haute importance. Cependant, les Écritures ne révéleraient aucune vérité essentiellement différente de celles qu'ont exprimée les Livres sacrés antérieurs et les symboles maçonniques eux-mêmes.

     

    Au commencement était la Parole et la Parole était avec Dieu et la parole était Dieu.

    Elle était au commencement avec Dieu.

    Tout a été fait par elle et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.

    En elle était la Vie et la vie était la lumière des hommes.

    La Lumière brille dans les ténèbres qui ne l’ont pas accueillie.

    Il y eut un homme envoyé par Dieu du nom de Jean.

    Il vint comme témoin pour rendre témoignage à la Lumière.

    C’était la véritable Lumière qui en venant dans le monde éclaire tout homme.

    Elle était dans le monde et le monde a été fait par elle et le monde ne l’a pas connue.

    La parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous.

     

    Nous sommes ici en présence de trois éléments à la fois indissociables et à la fois séparés. Il y a la Parole que nous pouvons nommer le Verbe, le Verbe donne la Lumière et la Lumière donne la Vie. Les ténèbres, c’est tout ce qui empêche la Lumière et nous pouvons dire que nous sommes dans une époque de ténèbres. Si nous reconnaissons la Vie, nous reconnaissons la Lumière et nous trouvons la Parole qui est à l’origine de la création, d’une certaine façon nous pouvons dire que la parole ou le Verbe, c’est Dieu en action.

    Ce prologue rejoint aussi la Kabbale et le Sepher Yezirah car le Verbe ou l’air primordial donne l’eau ou la lumière et l’eau vont donner le feu ou la Vie qui donnent naissance à tous les mondes visibles et invisibles. D’une certaine manière la chair est de la lumière condensée. Ce qui fait que ce prologue n’est pas non plus en contradiction avec la science moderne sauf que celle-ci ne va pas plus loin, faute de moyens, que la compréhension de l’univers manifesté.

    Jésus-Christ est chargé de manifester le Verbe c'est-à-dire l’inexprimable et l’incompréhensible par nos moyens limités.

    Peut-on exprimer que le Verbe est amour ? Ce n’est pas dit. Mais cela est une hypothèse plus que probable. Nous pouvons donc dire que la création existe grâce aux trois flambeaux de la Vie, de la Lumière et de l’amour. Et ces trois flambeaux donnent à leur tour la descendance de la Force du Verbe, la Sagesse de la Lumière et la Beauté de la Vie.

    Nous trouvons également une phrase assez obscure pour parler de Jésus : « Celui qui vient après moi m’a précédé car il était avant moi ». Cela peut faire penser aux différentes incarnations. Mais cela peut aussi vouloir dire « Il était avant moi car il a été créé avant ». Il représente la Lumière car il est aussi dit que Jésus est la Lumière du monde et il est le guide permettant de connaître Dieu.

    Le Prologue de l'Evangile de Jean apparaît comme l'annonce de l'approche de la Lumière. Ce texte pourrait être l'expression de la volonté divine mais seul un Initié parfait pourrait le comprendre dans sa totalité. Seuls les Initiés sont susceptibles d'accéder à la véritable Connaissance, celle qui mène à la Sagesse.

    Jésus est le Fils de Dieu. Dès le Prologue, Jean le présente comme étant le Logos, la Parole éternelle du Père, par laquelle tout a été fait. Et le quatrième Évangile met ce second point plus encore en relief que le premier. C'est ce qui contribue le plus à lui donner sa profondeur spirituelle : il introduit au mystère même du Fils de Dieu.

    Le Prologue de l’Évangile de Jean me semble un résumé limpide de l’enseignement développé dans toute son œuvre. Le Logos est celui par qui tout fut créé, bien avant qu’il ne s’unisse mystiquement au corps du Juif Jésus. Il est venu dans le monde pour apporter aux enfants de Dieu la lumière, la grâce et la vérité.

    Le Prologue veut imiter le début du livre de la Genèse : les deux textes s’ouvrent par la même expression : « Au commencement ». Ils font culminer la création dans le don de la vie et ils suggèrent l’irruption de la lumière dans les ténèbres.

    Ce contraste entre la lumière et les ténèbres est un thème essentiel de l’enseignement de Jésus (Jn 3,19-21 ; 8,12 ; 9,5 ; 12,35-36). L’expression « fils de lumière » ne se trouve qu’une fois chez Jean (12,36). Mais l’expression « fils des ténèbres » est absente du Nouveau Testament.

    Si le 1er chapitre de la Genèse rapporte la création du monde, Jean se préoccupe des mystères divins, préparant ses lecteurs à l’articulation de la vie divine et à sa projection humaine.

    Jean connaît bien la philosophie et le mysticisme grecs, où le Logos joue un rôle essentiel. C’est également un concept fondamental dans la théologie de Philon d’Alexandrie. On le retrouve également dans l’hermétisme grec, spéculation mystique des écrits d’Hermès (le Trois Fois Très Grand) et il influencera le christianisme hellénistique. Dans le mysticisme hermétique, qui vise la déification de l’homme par la connaissance, le Logos est appelé « Fils de Dieu ».

    Jean parlera du « fils unique qui est dans le sein du Père ». Pour Philon, comme pour Jean, le Logos est celui par qui Dieu créa le monde : il exerce un rôle médiateur entre Dieu et le genre humain. Il est le Principe donnant forme et ordre à tout ce qui existe dans le monde. Le mystérieux Logos divin existant avant la création domine tout le Prologue.

    Le Logos signifie bien parole, mais aussi raison, réflexion consciente. Le Logos n’a pas été envoyé par Dieu : il est venu de sa propre initiative, comme une source de lumière pour vaincre les ténèbres qui existaient alors et pour illuminer et élever à la dignité d’enfants de Dieu ces hommes qui étaient prêts à le recevoir et à croire en lui, contrairement à son propre peuple. L’approche de Jean est fondamentalement universaliste.

    Le Prologue conduit logiquement le lecteur vers l’idée d’incarnation : « Et le Verbe s’est fait chair et est demeuré parmi nous » (Jn 1, 14). Ainsi le Logos divin dans la personne de Jésus est descendu sur terre pour rendre visible le Dieu invisible. Sa lumière est accessible à tous.

    On voit ici Jean se livrer à une lecture hermétique de la création et à une adhésion rationnelle qui dépasse les récits synoptiques donnant toute la place aux multiples facettes de Jésus en pérégrinations.

    Son interprétation est celle d’un philosophe d’un esprit nouveau qui unit la culture hellénistique du concept à la foi véhiculée par l’homme Jésus, image d’une relation individuelle avec la puissance divine. Tout homme pensant peut se l’approprier comme un message universel. C’est ainsi que nous pouvons intégrer dans notre personne, au plan symbolique de l’identification, un vécu constitutif de notre humanisme. Car Jean apprend la distanciation.

    C’est peut-être ici que la notion d’amour peut s’enraciner dans le partage.

    Il me semble enfin que la doctrine du « Verbe fait chair » pourrait être mieux comprise par l'expression « la Raison divine incarnée dans l'Humanité ». Cette doctrine remonte, à travers l’œuvre de Platon, aux conceptions des anciens hiérophantes [11], prêtres qui présidaient aux mystères d'Eleusis [12].

    Je terminerai cet essai d’interprétation en rappelant que nos serments sont prêtés sur la Bible, ouverte précisément au Prologue de l’Évangile de Jean. Il me semble que ce superbe texte évoque implicitement l'objet premier de la Franc-maçonnerie, d’où toute l’importance qu’il convient de lui accorder. Il suggère au Franc-maçon :

    • de se préparer, de se perfectionner, de rechercher la Lumière qui est en lui afin d'accéder à la Connaissance, c'est-à-dire de contribuer à l'édification de son propre Temple puis à celle du Temple de l'Humanité ;
    • de tenter de parvenir, par son lent travail de perpétuelle mort profane et constante renaissance spirituelle, à retrouver en lui-même l'essence de la Loi inhérente à tous les hommes : celle que chacun porte au plus profond de lui, cette voie de Lumière qui est synonyme de Connaissance et Maîtrise, cette voie qui refuse le pouvoir et le profit, cette voie qui néglige l'asservissement des choses et des hommes, cette voie qui se veut liberté de jugement comme liberté d'existence... comme autant de marques d'une conscience éclairée.

    L’interprétation catholique du Prologue de Jean

    Pour les chrétiens catholiques, ce prologue, écrit dans un langage poétique très solennel, répond au début du Livre de la Genèse : « Au commencement Dieu créa le Ciel et la Terre ».

    À ce commencement ultime répond le retour final du Fils à la droite du Père (Jn 1,18), dans la gloire. On retrouve quelque analogie dans la Sagesse personnifiée qui était au commencement « avec Dieu » lors de la création du monde et qui habita chez les hommes lorsque la Loi fut révélée à Moïse.

    « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu » : c’est par le mystère de la trinité divine que s’ouvre le Prologue. Le mot Dieu par lequel l’homme tente de nommer ce qui est indéfinissable apparaît trois fois dans la première phrase, en concomitance avec le Verbe.

    Toute l’évolution de l’homme se tient dans son rapport avec ce principe divin qu’il craint dans l’Ancien Testament, comme un serviteur soumis craint la puissance de son maître et qui, dans le Nouveau Testament, se révèle comme force d’amour à travers l’entité Jésus, homme ayant réalisé un lien permanent avec Dieu-le-Père.

    Au verset 5, brutalement et de manière anachronique, apparaît Jean le Baptiste. Le texte planait dans les sphères les plus éthérées et les plus impersonnelles de la réalité divine, et soudainement, sans aucune préparation, une dimension humaine et personnelle fait irruption dans le texte.

    L’interruption de Jean le Baptiste dans le Prologue, ne semble pas être l'erreur d'un copiste distrait, mais traduirait au contraire l'intention consciente d’identifier Jésus au Verbe Créateur, idée centrale du quatrième Évangile.

    Ne pouvons-nous pas ressentir, la descente des énergies du point divin jusqu’à l’homme, la descente du Verbe, du Logos se faisant chair, sa non-reconnaissance par l’homme et la possibilité de renaître en lui à l’image de la naissance de Jésus-Christ ?

    Évangile veut dire « la bonne nouvelle » ou « la nouvelle alliance ». La venue du Messie, Jésus, ne nous annonce-t-elle pas que chaque homme a maintenant la possibilité de s’unir en conscience avec le Verbe Créateur ?

    En guise de conclusion provisoire

    Depuis longtemps l'Évangile selon Jean est reconnu comme différent des Évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc), qui lui sont antérieurs. Les différences les plus importantes touchent à la christologie. Jean présente une christologie des origines, ne fait aucune allusion à la naissance de Jésus, à son enfance.

    Les dix-huit premiers versets de l'Evangile selon Jean constituent une sorte de poème appelé Prologue. Fondement d'un certain nombre de dogmes pour les catholiques, sa traduction, son interprétation voire son attribution ont animé et animent toujours des débats passionnés. Le lecteur catholique sait en effet depuis le Prologue que Jésus est le Fils unique du Père, le Seigneur.

    Pour nous, Francs-maçons qui tentons de cerner la Vérité en prenant du recul, l'Évangile selon Jean est le quatrième évangile canonique du Nouveau Testament. Il ne comporte pas de nom d'auteur, mais est traditionnellement attribué à l'apôtre Jean, et ce, dès la seconde moitié du 2ème siècle, par saint Irénée.

    Comme les trois Évangiles synoptiques, il rapporte certaines des actions et des paroles de Jésus, mais s'en distingue par son ethos [13] et son emphase théologique. Il insiste sur la mission cosmique de Jésus de rédemption de l'humanité plutôt que sur son ministère terrestre d'enseigner, de « chasser les démons » et de réconforter les pauvres.

    Dans la doctrine trinitaire, l'Evangile selon Jean est le plus important en matière de christologie, car il énonce implicitement la divinité de Jésus.

    Le Prologue de Jean est un texte fascinant et difficile. Les quelques versets constituant cet hymne ont nourri la réflexion des théologiens et des exégètes depuis les origines. Les reprises ont succédé aux reprises, chacun croyant avoir compris le principe architectonique [14] d’un texte toujours déjà offert à la ressaisie. La structure en est complexe et les commentateurs se sont tous exercés à en discerner la composition, avec des résultats très variables.

    Au terme provisoire de cette recherche, j’éprouve le sentiment d’avoir un peu mieux approché la structure du Prologue, de l’avoir situé parmi l’ensemble des Évangiles et par rapport à la Bible, d’avoir souligné son importance dans le cadre de nos serments de Maçons. Mais je n’en suis encore toujours qu’à un stade de balbutiements en ce qui concerne son interprétation !

    R:. F:. A. B.

     

    [1] Sauf dans les Loges pratiquant le R.E.R.

    [2] Le solstice d’hiver marque, dans un certain nombre de cultures, le premier jour de l’hiver et est généralement associé à un jour férié, comme par exemple les Saturnales romaines, Hanoucca dans la religion juive, Kwanzaa pour certains afro-américains ou Noël, Sol invictus, Dies natalis solis invicti, fête de la naissance de Mitra, ancienne fête païenne assimilée par la religion chrétienne.

    [3] On appelle Ancien Testament ou Ancienne Alliance (en grec : Ἡ Παλαιὰ Διαθήκη / Hē Palaià Diath) l'ensemble des écrits de la Bible antérieurs à la vie de Jésus (laquelle est relatée dans le Nouveau Testament). Le mot testament vient du mot grec διαθήκη / diath : testament, contrat, convention, traduit en latin par testamentum (testament ; témoignage). Le mot grec a un sens plus large (celui de contrat) que celui du mot latin, aussi certains préfèrent le traduire par « Alliance ».

    Les chrétiens considèrent que la Bible se compose dès lors de l'Ancien Testament et du Nouveau Testament.

    L'Ancien Testament comprend principalement le Pentateuque (ou Torah), les Livres des Prophètes, d'Autres Écrits, et, pour le catholicisme, les livres deutérocanoniques.

    [4] Initiateurs aux mystères sacrés

    [5] La christologie est la discipline de la théologie dogmatique qui étudie la personne et les paroles de Jésus-Christ, réfléchit sur la confession de foi chrétienne relative à Jésus-Christ, à partir notamment de la signification et de l'évolution des titres donnés à Jésus tels que Christ, Seigneur, Fils de Dieu, et qui, par conséquent, réfléchit à l'identité et à la nature du Christ, et la signification doctrinale du titre de Christ. Son influence se répercute dans tous les domaines de la théologie chrétienne.

    [6] La gnose (du grec γνώσις, connaissance) est une philosophie ou une science du salut fondée sur une connaissance de soi ou sur une révélation intérieure. Elle se fonde sur l'idée que la libération de l'âme du monde matériel passe par la connaissance (ou l'expérience) directe de la divinité. Ainsi, pour l'historien des religions, on peut appeler gnose « toute attitude religieuse fondée sur la théorie ou sur l'expérience de l'obtention du salut par la Connaissance ». Cette idée, qui a notamment donné son nom au gnosticisme, se retrouve dans plusieurs traditions religieuses.

    Il convient toutefois de distinguer la gnose dite éternelle ou philosophique de la gnose - du gnosticisme - dit historique des sectes chrétiennes des 1er et 2ème siècles de notre ère, qualifiées par l'Église catholique romaine d'hérétiques. Ces dernières prétendaient tout autant que leur concurrente faire référence à un christianisme authentique. Cependant on les accusait de relever davantage de croyances mythologiques et des pratiques magiques dans un système religieux donné que d'un effort d'intériorisation spirituel.

    [7] Le néoplatonisme est une doctrine philosophique élaborée à partir du 3ème siècle à Rome (Ammonios Saccas, et surtout Plotin), close avec Damascius en 544. Elle tentait de concilier la philosophie de Platon avec certaines spiritualités orientales.

    [8] Le Livre de la Genèse (du grec Γένεσις, « naissance », « commencement », « source », « origine », « cause ») est le premier livre de la Torah (Pentateuque), donc du Tanakh (la bible hébraïque) et de la bible chrétienne. En hébreu, son intitulé est Bereshit (« au début de … ») d'après le premier mot de la première parasha du Livre. La tradition juive considérant qu'il a été écrit par Moïse, on l'appelle parfois le Premier Livre de Moïse.

    Le livre de la Genèse veut expliquer l'origine de l'homme et du peuple hébreu jusqu'à son arrivée en Égypte en l'éclairant par le projet de Dieu. Il contient les présupposés et bases historiques aux idées et institutions nationales et religieuses d'Israël, et sert de préface, introduction ou en-tête à son histoire, ses lois et coutumes.

    [9] Subtils jeux linguistiques qui stimulaient l’attention et aidaient la mémoire.

    [10] Les Sémites sont un ensemble de peuples à caractères linguistiques communs réunis conventionnellement. Cette réunion a été souvent abusive, et amène à désigner par les nazis un caractère génétique commun, supposant une ethnie commune. Les peuples sémitiques regroupent, en réalité plusieurs peuples différents, et dont les individus les composant sont, notamment pour les juifs, d'origines ethniques différentes. Généralement on désigne sous ce vocable la langue arabe, la langue hébraïque, et la langue éthiopienne.

    Le mot vient du nom propre Sem (en hébreu שֵׁם,šem, « nom, renommée, prospérité ») désignant un des fils de Noé, duquel, selon la Bible, seraient issus plusieurs peuples (la plupart des tribus arabes, Araméens, Assyriens, Elamites, Hébreux et Phéniciens) et dont les représentants modernes sont les Arabes, les Chaldéens (Assyriens, Babyloniens), Hébreux, les Syriaques, etc.

    [11] Un hiérophante est un prêtre qui explique les mystères du sacré. Dans l'Antiquité grecque, le mot désignait plus particulièrement le prêtre qui présidait aux mystères d'Éleusis et instruisait les initiés.

    Ce titre est aussi employé dans les rites maçonniques égyptiens, notamment dans les rituels de la Grande Loge Française de Memphis & Misraïm, Ordre des Rites Unis restaurés par Garibaldi en 1881.

    [12] Dans l'Antiquité, on y célébrait des mystères liés au culte de Déméter, déesse de la fertilité, divinisation de la terre nourricière.

    [13] L'ethos représente le style que doit prendre l'orateur pour capter l’attention et gagner la confiance de l’auditoire, pour se rendre crédible et sympathique. Il s'adresse à l'imagination de l'interlocuteur. Aristote définit le bon sens, la vertu et la bienveillance comme étant les éléments facilitant la confiance en l'orateur. On pourra y ajouter la franchise et la droiture.

    [14] En philosophie, l'architectonique est la coordination scientifique de tous les savoirs ou des diverses parties d'un système. Le terme a d'abord été utilisé par Aristote dans « L'Ethique à Nicomaque » : la politique est l'art de l'architectonique, qui organise les activités de la Cité.

     

    Bibliographie

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade d'Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986

     

    Béresniak Daniel - Rites et symboles de la Franc-maçonnerie

    Tome 1 : « Les Loges Bleues » - Editions Detrad, Paris, 1995

     

    Blanquart Henri - Les mystères de l’Evangile de Jean

    Editions Le Léopard d’Or, Paris, 1988

     

    Boismard [15] Marie-Émile

    Le Prologue de Jean

    Editions du Cerf, Collection « Lectio Divina [16] », 1953

     

    Bonnet Jacques - Le Midrash de l’Evangile de Jean

    Editions Bonnet, Roanne, 1984

     

    Bonsirven J. - Les aramaïsmes de Jean l’Evangéliste - 1949

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995

     

    Chouraqui André - L’Evangile selon Jean

    Editions J.-C. Lattès, Paris, 1993

     

    Chouraqui André - La Bible

    Editions Desclée de Brouwer, Paris, 2003


    Comte Fernand - Les livres sacrés

    Editions Bordas

     

    Ducluzeau Francis - L’Initiateur

    Une lecture initiatique de l’Evangile de Jean

    La Pierre philosophale

    Editions du Rocher, 1994

     

    Dannagh Hervé - L'influence de saint Jean dans la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1999

     

    Diel Paul et Solotareff Jeanine - Le Symbolisme dans l’Evangile de Jean

    Editions Payot, Paris, 1983

     

    Collectif - Ecole biblique de Jérusalem

    La Bible de Jérusalem

    Editions Desclée de Brouwer, Paris, 2000

     

    Mondet Jean-Claude

    La Première Lettre - L’Apprenti au Rite Ecossais Ancien et Accepté

    Editions du Rocher, Monaco, 2007 - Pages 164 à 167

     

    Noël Danielle (Sélectionnées par)

    365 méditations bibliques

    Editions Presses de la Renaissance (ou France Loisirs)

     

    Philippe Marie-Dominique - Saint Thomas d’Aquin

    Commentaire sur l'Evangile de saint Jean

    Tome 1, le Prologue, la vie apostolique du Christ [17]

    Editions du Cerf, 1998

     

    Wientzen Max - Prologue à l’Evangile de Jean

    Une approche linguistique et symbolique

    Editions Modulaires Européennes, Fernelmont, 2010

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    Tome 1 : L'apprenti - Editions Dervy, Paris, 1994

     

     

    [15] Marie-Émile (Claude) Boismard, dominicain, licencié en théologie (Le Saulchoir) et en sciences bibliques (Rome), fut successivement professeur de Nouveau Testament à l'École biblique de Jérusalem (1948-1950), puis à l'Université de Fribourg en Suisse (1950-1953), et de nouveau à l'École biblique de Jérusalem (1953-1993).

    [16] La « lectio divina », c'est-à-dire la lecture réfléchie et méditée de la Bible, était à l'époque patristique comme au Moyen Age, l'étude essentielle des clercs, base commune de leur enseignement et de leur prédication, nourriture de leur pensée aussi bien que de leur prière.

    Créée en 1946, la collection « Lectio divina » a voulu servir et aider à une intelligence totale de la Bible. Elle a publié aussi bien des études d'exégèse mettant à profit les progrès les plus exacts de nos connaissances historiques, que des travaux de théologie biblique ou d'une exégèse « spirituelle » renouvelée.

    [17] Parmi les œuvres de saint Thomas, ce commentaire tient une place unique, non seulement parce qu'il compte, de fait, parmi les dernières œuvres du Docteur angélique, mais encore, parce que l'Evangile de Jean contient ce qu'il y a d'ultime dans la Révélation.

     


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  •  Saint Jean et le Solstice d’été 

    Le solstice d’été

    A la fin du mois de juin, chaque année, nous célébrons ce qui est peut-être une des plus belles fêtes de l’année pour les Francs-maçons : la Saint-Jean. C’est sur ce moment que je vous invite à partager, symboliquement, quelques réflexions.

    La fête du solstice d'été est inséparable de celle de la Saint-Jean d'été, c'est-à-dire celle de Jean-le-Baptiste que nous célébrerons le 24 juin. Elle est également indissociable de la fête du solstice d'hiver dont elle est en quelque sorte le complément inversé. Dans toute la chrétienté, les fêtes solsticiales se confondent avec les deux Saint-Jean.

    Le solstice d'été marque le point culminant du soleil dont la course n'a cessé de monter dans le ciel depuis le solstice d'hiver. Si le soleil d'hiver était faible et fragile, celui du solstice d'été est tout-puissant. Mais comme tout ce qui est arrivé à la pleine puissance, le soleil va commencer à baisser et les jours à raccourcir. Belle illustration de la sagesse éternelle qui nous rappelle que tout ce qui est petit va croître et tout ce qui est grand doit diminuer.

    Il semble que le solstice d'été ait toujours représenté une date importante pour les hommes. Chaque 21 juin, le soleil atteint son point le plus au nord par rapport à l'équateur céleste. Cette date coïncide avec le jour le plus long de l'année : celui du solstice d'été. Ce terme, qui vient du latin « sol stare », signifie « le soleil ne bouge pas ». En effet, durant le solstice, la déclinaison du soleil par rapport à l'équateur céleste ne change presque pas d'un jour à l'autre, donnant l'impression que l'astre reste figé dans le ciel. C'est le jour où la terre est le plus éloignée du soleil mais également où son inclinaison permet à l'hémisphère nord de bénéficier du rayonnement maximal.

    Le solstice d'été est fêté depuis des temps immémoriaux. Cette fête était déjà célébrée par les peuples païens qui allumaient d’immenses feux de joie symbolisant la lumière du soleil. Comme beaucoup de traditions païennes, le rite du feu de joie du solstice d'été a été christianisé au Moyen Age. Très naturellement, ces festivités ont été associées à saint Jean-Baptiste qui est né un 24 juin.

    Ce n'est que vers le 5e siècle de l'ère chrétienne que l'Eglise a récupéré la tradition païenne des feux du solstice d'été, en plaçant ceux-ci sous le signe de saint Jean-Baptiste, personnage de l'Ancien Testament associé à la Vraie Lumière et qui annonce le Messie à venir.

    Qui était Jean-Baptiste ?

    Jean-Baptiste, fils de Zacharie et d'Elisabeth, était le cousin de Jésus. Après une retraite dans le désert consacrée à la prière, il est allé prêcher sur les bords du Jourdain où il baptisait les gens en leur annonçant l'arrivée du royaume de Dieu. Jésus alla le trouver et lui demanda de le baptiser. Jean-Baptiste, reconnaissant en lui le Messie, le nomma « Agneau de Dieu ».

    Jean-Baptiste connut une fin tragique. Ayant critiqué les mœurs du roi Hérode qui avait épousé Hérodiade, la femme de son frère, saint Jean fut emprisonné, puis décapité en 31. On dit qu'Hérodiade, pour obtenir la tête de saint Jean, fit danser sa fille Salomé devant Hérode. Subjugué par la danse de la jeune fille, Hérode lui promit de lui accorder tout ce qu'elle voudrait. Salomé demanda pour prix de sa danse qu'on lui apporte la tête de saint Jean sur un plateau d'argent.

    Réflexions maçonniques

    Comment penser ou espérer pouvoir partager un symbole tel que la Saint-Jean ? Sans doute parce que ce qui se joue lors de la Saint-Jean d’hiver est un drame cosmique, auquel nous prenons tous part, au titre de membres du même Univers. Et le but de la présente réflexion n’est, au fond, que de nous aider à retrouver tous, en nous, les échos de ce moment-clé de l’année. Si la gageure est réussie, chacun aura pu, à partir de son propre vécu, de son expérience individuelle, faire un petit pas de conscience dans la direction de ce qui nous est commun, quels que soient les modes d’approche que chacun en a.

    Engageons-nous donc, tout simplement tels que nous sommes, dans un voyage, dont chacun sait ce qu’ils ont de formateur et peut-être bien d’initiatique !

    Depuis que l’humanité a accédé à la conscience, elle s’est rendu compte de la régularité des cycles qui rythment sa vie. Parmi une multitude, le premier et le plus immédiat est sans doute celui de l’alternance régulière des jours et des nuits. Alors, par la pensée et l’imagination, essayons d’en remarquer les moments essentiels.

    Depuis l’émergence dorée de l’astre du jour, la lumière ne va cesser d’augmenter, jusqu’à midi plein. Le soleil est alors à son zénith et l’ombre d’un bâton fiché en terre est la plus courte de la journée. Après cette apothéose, ce minuscule mais perceptible temps d’arrêt, l’ombre s’allonge et la course parabolique du char de Phébus tend à rejoindre l’occident pour y disparaître dans un flamboiement majestueux et mélancolique. La nuit alors envahit le ciel par l’est, où commencent de scintiller, après Vénus, les myriades galactiques.

    Nos ancêtres auraient pu s’en tenir là et aller se coucher… C’est d’ailleurs ce que beaucoup ont fait ! Mais quelques originaux, que la nuit fascinait, n’ont pu aller aussi tôt essayer de trouver dans le sommeil l’oubli des questions qui les habitaient. Ils ont observé, noté et pensé. Ils ont vu et compris que la nuit et le jour étaient complémentaires, donc semblables et comparables. A l’instar de tout ce qui vit, la nuit, comme le jour, naît, croît, atteint un apogée pour ensuite diminuer, et mourir.

    Et de même que le milieu du jour inaugure la marche vers la nuit, le milieu de la nuit annonce l’arrivée de la lumière. De jours en jours et de nuits en nuits, l’observation s’est affinée. Une activité interprétative a suivi ; elle a donné naissance à l’astrologie.

    Mais revenons au cycle journalier. Les quatre temps forts, aurore, midi, crépuscule et minuit, marquent la structure de tous les cycles et permettent de s’orienter sur la Terre qui nous porte. Ils sont en somme le témoin de lois universelles.

    Et nos temples, comme les cathédrales et tous les temples dignes de ce nom, sont orientés, au moins symboliquement : selon l’Orient d’abord, d’où vient la Lumière, puis le Midi, où brille le Soleil, et le Septentrion, domaine de la Lune, enfin l’Occident, où se trouve la porte qui conduit à l’extérieur de l’espace sacré. Un temple est donc un condensé symbolique de l’univers et de son harmonie.

    Un ancien texte dit d’ailleurs qu’il y a trois temples : l’être humain, que nous sommes, le temple terrestre, où nous avons pris place, et le temple parfait de l’univers.

    Au solstice d’été, la lumière est manifeste, c’est l’apothéose de la clarté. Pourtant, au milieu de la joie exubérante de ceux qui se fient aux apparences, ceux qui savent ne peuvent s’empêcher d’avoir un pincement au cœur car ils ont conscience de ce que, malgré la canicule et l’éclat des jours, la marche inexorable vers les longues nuits d’hiver est amorcée.

    C’est essentiellement pour deux raisons que le solstice d’été est dédié à Jean-le-Baptiste : c’est d’une part le point culminant et terminal de l’Ancienne Loi, qui voit poindre, selon les mots du Christ, son accomplissement. Or, à la fin du mois de juin, la lumière est à son maximum. En second lieu, le Baptiste a désigné le Christ au monde en disant « Il faut qu’il croisse et que je diminue ». Dès le solstice d’été, la lumière va diminuer, jusqu’à celui d’hiver.

    Si le solstice d’été est le moment de la lumière manifestée, extérieure en somme, celui d’hiver est la fête d’une lumière plus subtile, que seule peut révéler une connaissance intérieure.

    Lumière des yeux ou lumière du cœur, clarté visible ou invisible, deux modes de relation au monde sont ainsi illustrés et, à l’image du cycle qui les rend explicites, révélés comme complémentaires. C’est ce que l’on appelle la connaissance ésotérique, qui se définit par rapport à la connaissance exotérique, oppose le monde des sens à celui de l’intériorité et les révèle comme complémentaires. Aussi, s’il peut être indiqué par les sens, c’est intérieurement que le grand mystère du cosmos parle véritablement à l’homme en quête d’éveil.

    Alors, la dédicace à celui qui est venu annoncer le triomphe du Logos incarné n’est plus une énigme, mais revêt la clarté de l’évidence. « L’heure vient, et c’est maintenant, où les adorateurs de mon Père l’adoreront en esprit et en vérité ».

    Mais ce triomphe est avant tout celui, infiniment subtil, de l’intériorité, au-delà et même malgré le monde des évidences ou de l’apparence : « La Lumière luit dans les Ténèbres mais les Ténèbres ne peuvent L’atteindre ».

    La Lumière spirituelle, issue du Logos, prend naissance au nord, au plus noir de la nuit comme au plus froid de l’année. Elle n’est perceptible qu’au sein du silence intérieur de qui a su faire un instant taire ses bavardages devant l’ineffable.

    Puisse cet essentiel, discret comme un mot d’amour, mais résonnant, à l’échelle du cosmos, jusqu’aux confins de l’univers, illuminer pour chacun l’année qui s’ouvre.

     

    R:. F:. A. B.


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  •  La célébration du Solstice de la Saint-Jean d’été et les roses blanches 

    Introduction

    La plupart des Loges pratiquant le Rite moderne ont l’habitude de fêter les deux saint Jean à chacun des deux solstices. Alors que nous allons célébrer le Solstice de la Saint-Jean d’été, c’est, une fois de plus, l’occasion de se poser des questions à propos de l’un ou l’autre aspect de ce rituel.

    Nos Loges sont libres d’adopter tel ou tel rituel pour cette célébration : il n’y a en effet aucune imposition de la part de la Commission des rituels de notre Obédience régulière.

    Dans les rituels que j’ai déjà pu vivre puis analyser, il est souvent question, à ce moment de l’année, de fleurir l’autel au moyen de roses blanches. Ce geste a bien entendu un sens que je vais tenter de vous faire partager. Je me propose donc de tenter de répondre à la question : pourquoi fleurit-on l’autel de roses blanches ?

    * Le Solstice d’été et les roses blanches

    Je décrirai comment cela se pratique généralement et quels sont les Officiers Dignitaires impliqués dans cette tâche.

    Puisque, dans nos Loges, nous avons coutume de dire « Ici tout est symbole ! », il me paraît logique de considérer la rose, elle aussi, comme un symbole. C’est pourquoi je tenterai d’en approcher le symbolisme

    * Le Solstice d’été et les roses blanches

     

    La fête des deux saint Jean

    L’importance de la lumière est bien connue pour les bâtisseurs. C’est elle qui décidait de la percée des ouvertures dans les murs des cathédrales et de l’emplacement de leurs vitraux. En ce qui concerne précisément la lumière solaire, deux jours de l’année présentent une particularité intéressante : le solstice d’hiver, le jour le plus court de l’année qui correspond à la fête de saint Jean l’Évangéliste, et le solstice d’été, le jour le plus long, qui correspond à celle de saint Jean le Baptiste. C’est avec le solstice d’hiver que commence la phase ascendante du cycle annuel tandis que le Soleil entame son déclin avec le solstice d’été.

    Les fêtes de saint Jean l'Évangéliste et de saint Jean le Baptiste sont célébrées par des Tenues spéciales au solstice d'hiver (27 décembre) et au solstice d'été (24 juin). Ces deux saints sont très importants tant au point de vue de la symbolique maçonnique que du point de vue de la place de leur fête dans le calendrier.

    Saint Jean-Baptiste, le « Précurseur », prépara les voies à Jésus. Il fut surnommé le « Baptiste » parce qu'il baptisait dans le Jourdain. Jean le Précurseur prêchait le renoncement et le repentir. C'est pour ses idées de fraternité et de justice qu'il fut décapité sur l'ordre d'Hérode. Cette décapitation a un sens ésotérique pour nous, Maçons : n’est-ce pas là un signe qui nous invite à penser différemment, non plus avec nos habitudes et nos préjugés mais avec notre nature spirituelle, avec cette parcelle divine qui est en nous ?

    La Maçonnerie moderne ayant une origine chrétienne, on comprend mieux pourquoi saint Jean-Baptiste, en analogie avec son rôle dans la Bible, représente dans le contexte maçonnique, l'initiateur et le purificateur par excellence.

    Les deux Jean et Jésus sont des « dieux » solaires : le Baptiste annonce le lever du soleil. Il est donc représenté par un coq. C'est celui qui figure sur les clochers des églises. Quant à l'Évangéliste, il était le disciple préféré de Jésus. C'est lui qui posa sa tête sur le cœur du maître. Il est logiquement symbolisé par un aigle, (cf. « l’Aigle de Patmos »), seul animal à pouvoir fixer le soleil dans tout son éclat.

    La « Saint-Jean d'été » et la « Saint-Jean d'hiver » furent établies par l'Eglise pour récupérer et « christianiser » les coutumes païennes préexistantes. C’est ainsi que la Saint-Jean-Baptiste fut placée le 24 juin. A plusieurs reprises l'Eglise s’est élevée contre les usages superstitieux, danses et « immodesties » de cette fête du solstice : dans certains lieux, la pratique du feu de joie expiateur était considérée comme « diabolique ». De même, le choix du 25 décembre [1] pour la nativité du Christ n'était pas anodin : il était destiné à « couvrir » les fêtes païennes du solstice d'hiver.

    Bien avant les fêtes de saint Jean, aux deux solstices, les Romains célébraient la fête de Janus qui « ouvre » et qui « ferme » les portes du cycle annuel, Janua signifiant « porte, accès ».

    Après la christianisation des mythes païens, les deux Jean prirent la place de Janus aux deux visages. Ce fut Jean le Précurseur, dit le Baptiste, celui qui baptisait d’eau et annonçait la venue de celui qui baptiserait de feu, puis ce fut Jean l’Évangéliste, le « confirmateur », témoin de cet amour fusionnel et symbolique du feu et de l’eau.

    Selon la coutume, vers le 21 juin, l’ordre du jour de nos Travaux maçonniques prévoit donc la célébration du Solstice de la Saint-Jean d’été, fête de saint Jean le Précurseur ou le Baptiste. Au moment où le Soleil atteint son apogée, la lumière spirituelle trouve la perfection de sa forme concrète et porte en elle toutes les potentialités d’une moisson abondante.

    Cette concrétisation de la lumière spirituelle est symbolisée par Jean le Baptiste, Précurseur de la lumière rédemptrice ou du Christ solaire et qui témoigne de la Lumière qui est. Le rituel rappelle que c’est ainsi que les Francs-maçons sont devenus les disciples de saint Jean car ils sont Enfants de la Lumière. C’est en recevant celle-ci que le Maçon trouve le chemin de la Vérité.

    La décoration florale de notre Loge

    Le jour du Solstice d’été, symbole de l’idéal maçonnique, nous, Francs-maçons, participons à la joie universelle. En cet instant précis où le soleil apparaît dans son plus grand éclat, nous décorons notre Temple de roses blanches.

    Entrons à présent dans le vif du sujet de cette planche : la rose blanche et son symbolisme !

    Qu’apprenons-nous dans les rituels ?

    Voici un extrait du rituel utilisé habituellement à la R:. L:. « La L:. des A:. » et « S:. et M:. »  :

    Le Frère Second Surveillant dit :

    V:.M:., TRADITIONNELLEMENT, NOUS MANIFESTONS NOTRE JOIE EN DÉCORANT NOS TEMPLES DE VERDURE ET DE FLEURS.

    LA ROSE BLANCHE Y JOUE UN RÔLE PRÉPONDÉRANT.

    On découvre déjà une ébauche de réponse quant aux raisons qui poussent les Francs-maçons à décorer l’autel de leur Loge au moyen de roses blanches :

    ELLE SYMBOLISE TOUTE CETTE JOIE DE VIVRE QUI SE MANIFESTE EN NOTRE CŒUR EN CE JOUR OU LA NATURE SE SAIT GROSSE DES FRUITS QUI VONT LA PERPÉTUER.

    Le Frère Premier Surveillant nous donne aussi quelques éléments du symbolisme de la rose blanche :

    LA ROSE BLANCHE EST LE SYMBOLE DE LA PLÉNITUDE QUI EST PURETÉ ET SILENCE.  ELLE EST SYMBOLE DE LA FIDÉLITÉ.

    ELLE RAPPELLE AU MAÇON DEUX VERTUS : LA RECHERCHE DE LA VÉRITÉ ET L’ACCEPTATION DU DEVOIR.

     

    De quelle manière procède-t-on à la décoration florale de l’autel ?

    Des dispositions sont indiquées dans le rituel pour aider les intervenants :

    Le Maître des Cérémonies conduit les deux Surveillants devant l’Autel et y invite également le Vénérable Maître. Le Passé Maître Immédiat présente au Maître des Cérémonies un plateau sur lequel sont posées trois roses blanches. Le Maître des Cérémonies présente une rose à chacun des trois Officiers successivement.

    Le 2nd Surveillant prend la première rose et la dépose sur l’Autel en la considérant comme le premier côté d’un triangle et en disant « Beauté ».

    Le 1er Surveillant prend la deuxième rose et la dépose sur l’Autel en formant le deuxième côté d’un triangle et en disant « Force ».

    Le Vénérable Maître prend la troisième rose et la dépose sur l’Autel en la considérant comme le troisième côté d’un triangle et en disant « Sagesse ».

    * Le Solstice d’été et les roses blanches

    La rose, du point de vue de la botanique 

    * Le Solstice d’été et les roses blanches

    La rose est la fleur du rosier, arbuste du genre Rosa et de la famille des rosacées. C'est sans doute la fleur la plus cultivée au monde, mais on oublie souvent que le rosier est d'abord une plante sauvage, dont le représentant le plus connu en Europe est l'églantier. Quant aux rosiers cultivés dans nos jardins, ils sont le résultat de plusieurs siècles de transformations d'abord empiriques, puis méthodiques, en particulier par l'hybridation. La rose des jardins se caractérise avant tout par la multiplication de ses pétales imbriqués qui lui donnent sa forme caractéristique.

    C'est sans doute la fleur la plus cultivée au monde. Ce furent d’abord des plantes sauvages aux fleurs simples à cinq pétales, qui sont devenues à la mode, pour leur aspect plus naturel, depuis quelques décennies sous le nom de « roses botaniques ».

    Il existe environ 250 espèces sauvages différentes du genre Rosa dans l'hémisphère tempéré et des milliers de variétés. Ce sont des arbustes épineux, généralement à feuilles caduques. Leurs feuilles sont imparipennées, présentant le plus souvent de 5 à 7 folioles dentées. Elles ont des stipules soudées à la base du pétiole.

    Rarement solitaires, les fleurs sont groupées en corymbes [2]. Le calice est composé de cinq sépales. La corolle comprend en principe cinq pétales. Les étamines sont très nombreuses. Les styles sont souvent soudés en colonne. Le fruit, ou plutôt l'infrutescence [3], est un cynorrhodon [4] arrondi, ovale ou piriforme [5], de couleur rouge et contenant de nombreux akènes.

    La principale modification observée chez les rosiers cultivés est la multiplication des pétales, qui sont en fait des étamines transformées.

    Appréciée pour sa beauté, célébrée depuis l'Antiquité par de nombreux poètes et écrivains, pour ses couleurs qui vont du blanc pur au pourpre foncé en passant par le jaune franc et toutes les nuances intermédiaires, et pour son parfum, elle est devenue la « reine des fleurs », présente dans presque tous les jardins et presque tous les bouquets.

    Le mot « rose », daté en français du début du 12ème siècle, est dérivé du latin rosa, rosae (substantif féminin) qui désignait aussi bien la fleur que le rosier lui-même. Ce terme, apparenté au grec rhodon, aurait été emprunté à une langue orientale. Il est tentant de rapprocher « rose » de « rosée », pourtant cette rencontre, source d'inspiration inépuisable pour les poètes, est fortuite en français. En effet « rosée » dérive, par l'intermédiaire du bas-latin rosata, du latin ros, roris (substantif masculin), peut-être apparenté au grec drosos, venant d'une autre racine indo-européenne.

    La rose, reine des fleurs, du point de vue historique

    En des temps très anciens

    Des rosiers fossiles, églantiers, ont été retrouvés aux Etats-Unis, dans l'Oregon et le Colorado. Leur âge a été évalué à 40 millions d'années.

    La plus ancienne représentation de la rose a été retrouvée en Mongolie, dans les tombeaux de Tchoudi.

    Des représentations de la Rose en Crète datant de 1600 avant J.C. nous montrent des fleurs à 5 pétales de couleur blanc-rosé.

    La rose a été utilisée lors des rituels de momifications durant le règne de Ramsès II et a fait partie de l'ornement des sarcophages et tombeaux. Un bouquet de rose a été découvert dans le sarcophage de Toutankhamon.

    En Grèce, la rose avec son parfum doux et subtil, le parfum des Dieux, était appréciée pour ses vertus médicinales et sa symbolique. Hérodote put alors observer dans le jardin du Roi Midas des roses à 60 pétales. La rose symbolisait la naissance lorsqu'elle était associée à Vénus mais était constamment présente lors des funérailles.

    Cette symbolique de la naissance existe également dans l'empire romain : un esclave affranchi était couvert de roses ; elle ornait sous forme de couronnes les mariés et les guerriers. Mais, sous forme de poudre, d'infusion, d'eau de rose, elle était principalement utilisée en médecine pour guérir les douleurs, les infections, la nausée … C'est à cette époque que Pline rédigea le premier ouvrage sur la culture des rosiers. Pline l'Ancien, dans son « Histoire naturelle », décrit 20 sortes de rosiers nommés par le nom de leur lieu de provenance. Il les décrit, ce qui permet des suggestions d'identification.

    Le Moyen Age et la domination du Christianisme

    Le Christianisme a rejeté la rose comme étant un symbole païen par son attachement à Vénus et elle devint alors l'emblème des prostituées. La rose survit alors dans quelques jardins comme ceux de Childebert 1er (511 – 558), dans quelques couvents ou monastères ou elle fut cultivée pour ses propriétés médicinales.

    La rose reprit de l'importance en France grâce à la littérature (« Le Roman de la Rose » de G. de Lorris) et elle se retrouva de nouveau associée à la femme. En 1402, à l'occasion de sa « fête des roses », le Duc d'Orléans a créé « L'Ordre de la Rose » au sein duquel les gentilshommes s'engageaient à défendre l'honneur des dames.

    C'est au Moyen Age que les premières roses ont été cultivées. Elles furent importées par les Croisés en provenance de l'Orient.

    Au 12ème siècle, Saint Bernard a fait de la rose le symbole de la Vierge et donc de la pureté. Le pape bénit lui aussi la rose qui devient l'emblème de la fidélité à l'Eglise.

    La Renaissance en fit un vulgaire objet d’étude botanique et médicinale.

    C'est ensuite au 18ème siècle que les Français commencèrent à les croiser pour créer de nouvelles variétés. Dans la seconde moitié du 18ème siècle, la rose devint la reine des fleurs, le symbole du retour à la nature. La nouvelle place de la rose est alors le reflet des tendances nouvelles en matière d’esthétique, le renouveau des parcs et des jardins.

    Au 19ème siècle, la rose est devenue une fleur ornementale essentielle ; ses vertus médicinales sont presque oubliées, son symbolisme religieux également. Et c’est une rose nouvelle qui va passionner botanistes et horticulteurs.

    Les feuilles du rosier

     

    * Le Solstice d’été et les roses blanches

    Un botaniste nous dirait que les feuilles du rosier sont alternes, composées et pennées. Sous la fleur, en descendant le long de la tige, les premières feuilles ont, le plus souvent,  3 folioles ; plus bas elles en ont 5 et plus bas encore parfois jusqu’à 7 folioles ovales, lancéolées, bleutées, glabres ou légèrement velues sur les nervures. Les stipules sont soudées au pétiole.

    Mais ce qui devrait retenir notre attention, à nous symbolistes, ce sont ces nombres 3 – 5 – 7. Sans entrer dans trop de détails, survolons rapidement le symbolisme de ces trois nombres.

    Symbolisme du nombre trois

    Le nombre trois est un nombre universel que l’on retrouve dans toutes les traditions initiatiques. Il exprime un ordre spirituel dans les plans humain, cosmique ou divin. Il exprime un ordre intellectuel et spirituel, en Dieu, dans le cosmos ou dans l’homme. Il synthétise la tri-unité de l’être vivant ou il résulte de la conjonction de 1 et de 2, produit en ce cas de l’Union du Ciel et de la Terre.

    Trois n’est pas véritablement le troisième nombre mais le premier. Composé à partir des nombres 1 (nombre du Créateur) et 2 (division, dualité, binaire), trois est le premier nombre mystérieux qui intervient comme la signature de la création dans l’Ordre.

    Trois marque toutes les choses créées parce qu’il a présidé à leur création. C’est le nombre de la loi directrice des êtres et du commencement des choses matérielles. Il est le nombre de toute production à l’image du triangle.

    Les naturalistes ont observé de nombreux ternaires dans le corps humain. Il semblerait que toute fonction importante d’un organisme possède cette structure de base. La raison fondamentale de ce phénomène ternaire universel est sans doute à chercher  dans une vue globale de l’unité – complexité de tout être dans la nature, qui se résume dans les trois phases de l’existence : apparition, évolution, destruction ; ou naissance, croissance, mort ; ou encore, selon la tradition et l’astrologie : évolution, culmination, involution.

    Symbolisme du nombre cinq

    Depuis toujours, le nombre cinq est particulièrement chargé de sens. Il est considéré comme le nombre de la sagesse et de l’harmonie.

    Déjà, dans les temps très anciens, on le considérait comme le nombre de la sagesse et de l’harmonie. On ne peut manquer à ce sujet de citer les cinq doigts de la main et du pied, les cinq sens, l’étoile à cinq branches que forme l’homme debout, tous membres déployés.

    * Le Solstice d’été et les roses blanches

    Cinq est le symbole de l’homme immortalisé par Léonard de Vinci qui avait dessiné l’image d’un homme tenant les bras et les jambes écartés de façon que les quatre extrémités des membres et la tête coïncident avec les sommets d’un pentagone étoilé, inscrit dans un cercle. Selon cette représentation de l’art de la Renaissance, cinq est le nombre de l’homme, en  tant qu’être placé au centre du cosmos !

    * Le Solstice d’été et les roses blanches

    Cinq se rapporte à la quintessence, conçue comme l’esprit invisible des choses.

    Symbolisme du nombre sept

    Dans la longue suite des nombres ayant acquis une valeur symbolique au fil des siècles, le nombre sept semble tenir une place particulière. De fait, toutes les civilisations les plus anciennes lui ont accordé une place à part, lui conférant une aura de plénitude et en faisant quasi unanimement le symbole de la perfection et de l’harmonie, souvent sans la moindre concertation.

    Le nombre 7 a été le nombre sacré parmi toutes les nations civilisées de l’Antiquité, le nombre de la perfection, le symbole le plus rayonnant aux faces multiples. Il est fondamental entre tous et on le rencontre dans toutes les religions.

    Sept correspondait au nombre des sages de la Grèce antique : Thalès de Milet, Solon d’Athènes, Chilo de Lacédémone, Pittacos de Mitylène, Bias de Priène, Cléobule de Lindos et Périandre de Corinthe.

    Mais sept évoquerait aussi les sept vertus : trois théologales (la foi, l’espérance, la charité) et quatre cardinales (la force, la justice, la prudence et la tempérance).

    Le nombre « sept » évoque aussi les sept sacrements de l’Eglise catholique romaine : le baptême, la confirmation, l’eucharistie, la pénitence, l’onction des malades, l’ordre et le mariage, de même que les sept péchés capitaux, correspondant aux sept désirs matériels : l’orgueil, l’avarice, l’impureté, l’envie, la gourmandise, la colère et la paresse.

    Sept correspond aussi aux sept signes zodiacaux entre les solstices d’hiver et d’été, entre deux équinoxes. Le solstice d’été a lieu quand le soleil passe dans le 7e signe zodiacal. Le solstice d’hiver a lieu quand le soleil a parcouru les sept signes suivants.

    Le nombre sept est le nombre de la réalisation : il marque la fin d’une évolution, la fin d‘un cycle. Il indique le sens d’un changement après un cycle accompli et celui d’un renouvellement positif : les sept jours de la Création, les sept ans de la construction du Temple de Salomon.

    Approche du symbolisme de la rose

    L’extrait du rituel habituellement utilisé à la R:.L:. « La L:. des A:. » et « S:. et M:. » ne nous donne qu’une très brève indication concernant le symbolisme de la rose :

    «  Que chacun reçoive de mes mains la rose, symbole de lumière qui vit dans notre esprit et dans notre cœur. »

    C'est surtout par sa valeur symbolique que la rose a laissé son parfum dans l'histoire. Voici quelques exemples.

    • Chez les Grecs, la rose était la fleur d'Aphrodite, déesse de l'amour et d'Aurora, la déesse aux doigts de roses.
    • Les Romains rattachaient la rose à Vénus. La rose aurait été blanche, mais rougie accidentellement quand Cupidon renversa son verre de vin sur elle.
    • La première nuit d'amour entre Cléopâtre et Marc Antoine se serait déroulée sur un lit de pétales de roses de quarante-cinq centimètres d'épaisseur.
    • Dans le Cantique des Cantiques, la rose symbolise Israël. Et dans le livre des Parsis [6], le rose naît sans épines et n'en est armée qu'après l'apparition du génie du mal sur terre.
    • Quand, en 1187, Saladin reprit Jérusalem aux Croisés, il fit purifier la mosquée d'Omar par de l'eau de rose amenée par une caravane de 500 chameaux. Et en 1453, Mehmed II purifia aussi à l'eau de rose l'église byzantine de Constantinople avant de la convertir en mosquée.
    • La guerre des Deux Roses de 1453 à 1485 opposa Rosa Alba, rose blanche de la maison d'York et Rosa Gallica, rose rouge de la maison de Lancastre d'où, après le mariage d'Henri VII Tudor et Élisabeth d'York, l'emblème de la rose Tudor rouge à cœur blanc et plus tard la création du rosier « York et Lancaster ». La rose est aujourd'hui encore la fleur symbolique de l'Angleterre.
    • Les rosières, jeunes filles vertueuses et pures, étaient à l'origine couronnées de roses.
    • Les Rose-Croix, société secrète mystique, ont pour emblème une rose rouge fixée au centre d'une croix.
    • La « Rose blanche de Finlande », ordre national finlandais, a été créé en 1919 pour récompenser les services rendus au pays.

    Remarquable par sa beauté, sa forme et son parfum, la rose est la fleur symbolique la plus employée en Occident. Elle correspond dans l'ensemble à ce qu'est le lotus, en Asie, l'un et l'autre étant très proches du symbole de la roue. L'aspect le plus général de ce symbolisme floral est celui de la manifestation, issue des eaux primordiales, au-dessus desquelles elle s'élève et s'épanouit. Cet aspect n'est d'ailleurs pas étranger à l'Inde, où la rose cosmique « Triparasundarî » sert de référence à la beauté de la Mère divine. Elle désigne une perfection achevée, un accomplissement sans défaut.

    Elle symbolise la coupe de vie, l'âme, le cœur, I'amour.  On peut la contempler comme un mandala et la considérer comme un centre mystique.

    La rose est, dans l'iconographie chrétienne, soit la coupe qui recueille le sang du Christ, soit la transfiguration des gouttes de ce sang, soit le symbole des plaies du Christ.

    Un symbole rosicrucien figure cinq roses, une au centre et une sur chacun des bras de la Croix. Ces images évoquent soit le Graal, soit la rosée céleste de la Rédemption. Toujours à propos des Rose-Croix, remarquons que leur emblème place la rose au centre de la croix, c'est-à-dire à l'emplacement du cœur du Christ, du Sacré-Cœur. Ce symbole est le même que la Rosa candida de la Divine Comédie, laquelle ne peut manquer d'évoquer la Rose mystique des litanies chrétiennes, symbole de la Vierge, le même peut-être aussi que celui du Roman de la Rose.

    Angelus Silesius fait de la rose l’image de l'âme, celle aussi du Christ, dont l'âme reçoit l'empreinte. La rose d'or, autrefois bénie par le Pape, le quatrième dimanche de Carême, était un symbole de puissance et d'instruction spirituelles. Mais aussi sans doute un symbole de résurrection et d'immortalité. La rosace gothique et la rose des vents marquent le passage, du symbolisme de la rose à celui de la roue.

    Il faut enfin noter le cas particulier, en mystique musulmane, d'un Saadi de Chiraz, pour qui le Jardin des Roses est celui de la contemplation : j'irai cueillir les roses du jardin, mais le parfum du rosier m’a enivré. Langage que la mystique chrétienne ne refuserait en aucune manière, en commentaire du Cantique des Cantiques sur la rose de Saron. La rose, par son rapport avec le sang répandu, paraît souvent être le symbole dune renaissance mystique : sur le champ de bataille où sont tombés de nombreux héros, poussent des rosiers et des églantiers... 

    Selon F. Portal, « la rose et la couleur rose constitueraient un symbole de régénération du fait de la parenté sémantique du latin rosa avec ros, la pluie, la rosée. La rose et sa couleur, dit-il, étaient les symboles du premier degré de régénération et d'initiation aux mystères... L'âne d'Apulée recouvre la forme humaine, en mangeant une couronne de roses vermeilles que lui présente le grand prêtre d'Isis. Le rosier, ajoute cet auteur, est l'image du régénéré, comme la rosée est le symbole de la régénération.

    Et la rose, dans les textes sacrés, accompagne bien souvent le vert, ce qui confirme cette interprétation. Ainsi dans l'ecclésiaste : « J'ai grandi comme les plants de roses de Jéricho, comme un olivier magnifique dans la plaine ». L'olivier était consacré à Athéna, la déesse aux yeux pers qui naquit à Rhodes, l’île des roses : ce qui suggère les mystères de l'initiation.

    Et les rosiers étaient consacrés à Aphrodite en même temps qu'à Athéna. La rose était chez les Grecs une fleur blanche, mais lorsque Adonis, protégé d'Aphrodite, fut blessé à mort, la déesse courut vers lui, se piqua à une épine et le sang colora les roses qui lui étaient consacrées.

    C'est ce symbolisme de régénération qui fait que, depuis l'Antiquité, on dépose des roses sur les tombes : les anciens nommaient cette cérémonie « rosalia » ; tous les ans, au mois de mai, ils offraient aux mânes des défunts des mets de roses.

    Et Hécate, déesse des Enfers, était parfois représentée la tête ceinte d’une guirlande de roses à cinq feuilles. On sait que le nombre cinq succédant au quatre, nombre d'accomplissement, marque le départ d'un nouveau cycle.

    Au 7ème siècle, selon Bède, le tombeau de Jésus-Christ était peint d’une couleur mélangée de blanc et de rouge. L'on retrouve ces deux éléments composants de la couleur rose, le rouge et le blanc, avec leur valeur symbolique traditionnelle, sur tous les plans, du profane au sacré, dans la différence accordée aux offrandes de roses blanches et de roses rouges, ainsi que dans la différence entre les notions de passion et de pureté et celles d'amour transcendant et de sagesse divine. Aux armes des religieuses, dit le Palais de l'honneur, l'on met une couronne composée de branches de rosier blanc avec ses feuilles, ses roses et ses épines, qui dénotent la chasteté qu’elles ont conservée, parmi les épines et les mortifications de la vie.

    La rose est devenue un symbole de l'amour et plus encore du don de l'amour, de l'amour pur :

    • la rose, comme fleur d'amour, remplace le lotus égyptien et le narcisse grec :
    • celle du Roman de la Rose ;
    • le mystérieux tabernacle du Jardin d'Amour de la Chevalerie ;
    • la rosa mystica des litanies de la Vierge ;
    • les roses d'or que les Papes donneront aux princesses méritantes ;
    • enfin l'immense fleur symbolique que Béatrice montre à son amant fidèle parvenu au dernier cercle du Paradis, rose et rosace à la fois.

    Blanche ou rouge, la rose est une des fleurs préférées des alchimistes dont les traités s'intitulent souvent rosiers des philosophes. La rose blanche, comme le lis, fut liée à la pierre au blanc, but du petit œuvre, tandis que la rose rouge fut associée à la pierre au rouge, but du grand œuvre. La plupart de ces roses ont sept pétales dont chacun évoque un métal ou une opération de l'œuvre. Une rose bleue serait le symbole de l'impossible.

    Ainsi, depuis longtemps, la rose possède une symbolique forte. La fleur est douce et colorée, ses pétales duveteux ou lisses rappellent la texture de la peau. Ses couleurs se déclinent de blanc, de jaune, de rose ou d'une gamme de rouges éclatants ; ses parfums épicés, enivrants ou légers en ont fait la fleur la plus célèbre, celle que l'on peut offrir en toute occasion.

    Toutes les roses symbolisent l’amour, mais certaines couleurs peuvent avoir
    une signification particulière. Au cours des ans, ces significations ont changé et évolué. Par conséquent, il est possible que les opinions varient concernant les nombreuses significations des roses.

    La rose blanche symboliserait plus particulièrement l'innocence, la pureté, la virginité, l’amour courtois, le silence, l’intérêt, le raffinement, l'élégance et le secret (la discrétion d'une relation, le silence et l'humilité). Elle peut également être le symbole d'un amour pur, platonique.

    La rose blanche, plus particulièrement consacrée à la Vierge Marie, à Holda, à Freia, à Vénus-Uranie, était le symbole du silence et de la prière.

    La pureté du blanc, la dignité...  l'affichage doux de l'innocence...

    Même si quelques mauvaises langues voient en la rose blanche une fausse innocence, trahie par ses enivrants parfums et en lui prétendant des occasions d’adultère et de secret, le langage des fleurs lui donne la signification de l’amour pur.

    Symbole de la sincérité et de la chasteté, la rose blanche tient sa signification de la bible quand au 12ème siècle, Saint Bernard fit de la rose blanche le symbole de la Vierge et donc de la pureté. « Marie a été une rose blanche par sa virginité, vermeille par sa charité, blanche par la pratique de la vertu, vermeille par l'écrasement du vice ».

    Toutes les fleurs blanches représentent un sentiment pur, mais lorsqu’il s’agit d’une rose blanche, l’émotion se pare d’une grâce particulière.

    Les noces de rose symbolisent les 17 ans de mariage dans le folklore français.

    La rose en héraldique

    La rose est l'un des « meubles » utilisés en héraldique et sans doute la fleur la plus représentée en ce domaine après la fleur de lys. Le dessin stylisé est inspiré de l'églantine à cinq pétales régulièrement étalés arrondis, entre lesquels apparaissent les pointes des sépales, avec au centre un bouton, souvent de couleur différente ; la tige est absente. Dans certains cas on représente une rose tigée et feuillée, plus réaliste, elle est dite « au naturel ». La rose héraldique apparaît notamment sur le blason de nombreuses communes de France.

    La rose, emblème national

    La rose est la fleur nationale de plusieurs pays : Angleterre (rose Tudor), Bulgarie, Finlande (rose blanche), Irak, Maldives, Roumanie.

    Pourquoi le symbole de l'Angleterre est-il la rose ?

    La rose est un symbole associé à l'Angleterre depuis l'époque où le roi anglais Henri III épousa Éléonore de Provence. La rose dorée de Provence devint l'emblème floral de l'Angleterre. De cette rose dorée naquirent la rose rouge de la Maison de Lancastre et la rose blanche de la Maison d'York. A la suite de la guerre dite « des deux roses », la nouvelle dynastie régnante des Tudor, apparentée aux Lancastre, conserva le symbole. Il est aujourd'hui l'un des thèmes favoris du monnayage anglais.

    La rose a aussi été choisie comme emblème officiel par plusieurs États des États-Unis : Géorgie (Rosa laevigata), Iowa (Rosa arkansana), New York, Dakota du Nord (Rosa blanda ou arkansana), Oklahoma.

    Pour conclure, du moins provisoirement

    La rose, fleur aux multiples facettes et aux significations si contrastées, a été célébrée au cours des âges pour mille raisons différentes. L’Antiquité en a fait la fleur des dieux, le Christianisme la fleur de Dieu.

    Les roses ont été cultivées en Chine et en Perse depuis 5000 ans et en Grèce depuis l'âge du bronze.

    Dans la mythologie grecque, on dédiait la rose à Aphrodite ; chez les Romains, on la dédiait à Vénus, toutes deux déesses de la beauté. De nos jours, la rose est certainement la fleur qui s'offre le plus !

    La rose, reine des fleurs depuis près de 6000 ans, symbolise deux notions contradictoires, la passion et la pureté. Rouge, rose d'Aphrodite, elle symbolise l'amour, la beauté et la passion. Blanche, associée à Vénus ou à la Vierge, elle est devenue l'emblème de la pureté et de la vertu. La rose blanche, unité et synthèse des couleurs, est l'expression de la plus haute spiritualité.

    Ce n’est donc pas étonnant que les Francs-maçons l’aient choisie pour décorer l’autel de leur Loge à l’occasion de la Saint-Jean d’été !

     

    R:. F:. A. B.

     

    [1] Le nom de la « Noël », qui signifie « fête », est apparu vers 330.

    [2] En botanique, le corymbe est une inflorescence simple, indéfinie, dans laquelle l'ensemble des fleurs se trouvent dans le même plan, un peu comme dans une ombelle, et leurs pédoncules insérés sur la tige de façon étagée comme dans une grappe, les pédoncules étant d'autant plus longs que les fleurs sont périphériques. C'est en quelque sorte une grappe aplatie. Comme dans l'ombelle, les fleurs extérieures sont les plus âgées et le développement de l'inflorescence est centripète.

    [3] Une infrutescence est l'ensemble des fruits résultant du développement d'une inflorescence. Sur le terrain, l'infrutescence sera un rameau comportant des fruits et éventuellement des bractées mais pas de feuilles sans fruit. Certaines fleurs n'étant pas fécondées et certains fruits n'arrivant pas à maturité, la reconnaissance est parfois difficile.

    [4] Le cynorrhodon est le fruit du rosier et de l’églantier, et plus généralement des plantes du genre Rosa, de la famille des Rosacées. C’est, sur le plan botanique, un faux-fruit, provenant de la transformation du réceptacle floral.

    [5] Qui est en forme de poire.

    [6] Les pârsî ou « parses » - de Pârashika, peuple de Perse - sont les adeptes du parsisme, confession dérivée du zoroastrisme, qui fuirent au VIIIe siècle une Perse conquise par les Arabes et s'installèrent en Inde.

     

    Bibliographie

    Des rituels en usage à la G. L . R. B . :

     

    Rituel de célébration du Solstice de la Saint-Jean d’été

    en application à la R:. L:. « S:. et M:. » n° 25

     

    Rituel de célébration du Solstice de la Saint-Jean d’été

    en application à la R:.L:. « La L:. des A:. »

     

    Rituel de célébration du Solstice de la Saint-Jean d’été

    en application à la R:.L:. « Saint-Jean Lum:. de Lor:. »

     

    Ouvrages

    Behaeghel Julien - Symboles et initiation maçonnique

    Monaco, Editions du Rocher, 2000

     

    Ducluzeau Francis - Ethique, sagesse et spiritualité dans la Franc-maçonnerie

    Editions du Rocher, Monaco, 2002

     

    Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1994

     

    Lhomme Jean – Maisondieu Edouard – Tomaso Jacob

    Dictionnaire thématique illustré de la Franc-maçonnerie

    Monaco, Editions du Rocher, 2002

     


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  • Introduction

    La Loge dans laquelle nous travaillons ce Midi pratique un Rite Écossais. Certains d’entre nous fréquentent aussi très régulièrement l’une ou l’autre Loge qui travaille au Rite Moderne, voire même à un autre Rite Écossais.

    Mais, en ce qui nous concerne plus précisément au sein de notre Respectable Loge, nous sommes-nous déjà demandé ce que signifient les termes « Rite », « Écossais », « Ancien », « Accepté » ?

    Pour évoquer les rites qualifiés d’écossais et qui sont pratiqués dans notre Obédience, je débuterai cette planche par quelques considérations d’ordre général à propos du nom « rite ».

    Le contenu initiatique et ésotérique de la Franc-maçonnerie est véhiculé par des rites, dont chacun présente les contenus maçonniques à sa façon, avec une sensibilité différente et une progression particulière.

    Qu’est-ce qu’un rite ?

    Ce qui définit un rite maçonnique est le respect d’un certain nombre de règles de base, les fameux Landmarks, ou principes intangibles.

    Pour être maçonnique, il me semble qu’un rite doit être initiatique, se référer à la Tradition, utiliser la méthode symbolique, avoir une progression par degrés ou grades, et avoir pour but de permettre à l’individu de construire son unité corps – âme – esprit de façon qu’il puisse agir dans la société d’une façon consciente et cohérente.

    Un rite maçonnique est constitué d'un ensemble cohérent de pratiques de la Franc-maçonnerie dans ses différents degrés. Ces pratiques sont le plus souvent codifiées dans des « constitutions », pour les principes généraux du rite, et dans des « rituels », pour ce qui concerne l'organisation des cérémonies. En d’autres termes, on peut dire qu’un rite maçonnique est un ensemble relativement homogène de cérémonies maçonniques.

    Combien y a-t-il de rites ?

    L’historien Jean-Marie Ragon de Bettignies a recensé cinquante-deux rites différents. Bernard Baudouin les cite tous dans son Dictionnaire de la Franc-maçonnerie mais précise que son énumération n’a pas la prétention d’être exhaustive. Elle permet de constater quelles furent et quelles sont encore les orientations, les similitudes et les évolutions des pratiques au sein de la Franc-maçonnerie dans des rites qui s’inscrivent tous, à des degrés divers, dans une même affirmation fervente de l’idéal maçonnique.

    L’intitulé des rites et leur existence sont parfois confirmés par des textes d’époque, sans toutefois que l’on ait pu cerner avec précision la nomenclature exacte et la hiérarchie des grades. Les rites sont donc très nombreux et certains sont particulièrement difficiles d’accès pour cause de secret bien gardé !

    Quels sont ceux pratiqués en Belgique ?

    A la G.L.R.B. le rite officiel est le Rite Moderne. Ce rite nous vient du Grand Orient de Belgique mais il a été adapté aux spécificités de notre Obédience. A ce sujet, je vous renvoie à une excellente planche [1] tracée par notre T:. R:. F:. Louis de B.

    A côté de ce Rite moderne (belge), sept rites sont tolérés. Ainsi, certaines Loges utilisent le Rite Écossais Ancien Accepté (dit familièrement « R.E. deux A. ») que nous mettons en pratique ici-même. Six Loges pratiquent le Rite Écossais Rectifié, quelques-unes le Rite Français. Le Rite Écossais philosophique est pratiqué à la R:. L:. « Param ». Le Rite California et le Rite New York (tous deux en anglais) sont utilisés par les Loges anglophones régulières installées sur le territoire belge.

    Trois rites pratiqués au sein de notre G.L.R.B. comprennent le mot « écossais » dans leur appellation : le Rite Écossais Philosophique, le Rite Écossais Rectifié et le Rite Écossais Ancien et Accepté. Je me suis interrogé sur les raisons qui ont amené les créateurs de ces Rites à y inclure ce qualificatif.

    Comment faut-il comprendre le vocable « écossais »?

    Le mot « écossais » est difficile à définir. Il évoquerait un système concurrent du système anglais né en Ecosse au 16ème siècle et apparu en France dans le milieu des Stuardistes réfugiés. Tentons d’y voir plus clair.

    Dans son sens premier et profane, l’adjectif qualificatif « écossais » est relatif à tout ce qui touche l’Ecosse, pays de la Grande-Bretagne.

    Mais « écossais »  se dit aussi des rites propres à certaines branches de la Franc-maçonnerie. Parmi les nombreux rites maçonniques, plusieurs portent en effet le qualificatif d'« écossais », par référence aux origines de la Franc-maçonnerie et bien qu'historiquement ils aient été créés en dehors de ce pays !

    En France, pendant tout le 19ème siècle, l'expression « Rite écossais » désignait, dans le langage courant et avec quelque impropriété, l'ensemble des Ateliers du Suprême Conseil de France (1804), par opposition à ceux du Grand Orient de France (1773) qui pratiquaient très majoritairement le Rite français.

    Dans la terminologie en usage en France depuis les premières décennies de la Maçonnerie :

    • le terme « Ecossisme [2] » est synonyme d'existence de hauts grades ;
    • un rite est dit « Écossais » lorsqu'il possède de tels hauts grades ;
    • un grade est « Écossais » lorsqu'il est un haut grade, c'est-à-dire un grade au-delà de celui de Maître.

    Jean Ursin a tenté de chercher à travers l’histoire de France et d’Ecosse, à travers celle du début de l’Ordre en France ce qui peut expliquer cet engouement pour le terme « écossais ». Il ne néglige pas les légendes car souvent « les vieilles légendes ont dit vrai » ! Il avance l’explication suivante : les Loges qui se disent « écossaises » se rattacheraient à des faits historiques remontant au 14ème siècle, à une tradition non pas légendaire mais reposant sur d’antiques et vénérables manuscrits, détenus par les Loges opératives d’Ecosse. Elles remonteraient ainsi aux prestigieux bâtisseurs.

    Pour Jean Van Win, l’adjectif « Écossais » n’implique pas le moindre rapport ni avec les cornemuses, ni avec le whisky, les kilts ou le monstre du Loch Ness ! « Écossais » signifie tout simplement que la structure particulière du rite comporte des grades dits « hauts », c’est-à-dire des développements thématiques rituels ultérieurs à celui du grade de Maître. Le grade d’Écossais est le premier qui apparut en France vers 1743, certains Frères Maîtres marquant par cette distinction nouvelle leur souci de se distinguer du commun des mortels, d’autres manifestant un souci d’approfondissement.

    Je me suis aussi demandé d’où provenaient trois rites dits « écossais » proches de nous. C’est pourquoi j’ai examiné brièvement ce qu’on appelle « le Rite Écossais Primitif ».

    Le Rite Écossais Primitif

    Le Rite Écossais Primitif tient une place particulière au sein de la Franc-maçonnerie. Il aurait été introduit en France à Saint-Germain-en-Laye dès 1688 par les Loges militaires des régiments écossais et irlandais ayant suivi le Roi Jacques II Stuart en exil. Toutefois, comme il n'existe aucune preuve historique de l'existence d'un tel rite en France en 1688, ces affirmations demeurent controversées.

    La devise du Rite Écossais Primitif « Primigenius more majorem » fait allusion à l'ancienneté de ce rite. Le rituel du Rite Écossais Primitif est sobre et épuré.

    J’en viens à présent au Rite Écossais Ancien Accepté.

    Le Rite Écossais Ancien Accepté

    Le Rite Écossais Ancien Accepté, familièrement désigné par l’ensemble des premières lettres des quatre mots de son appellation « R.E.A.A. », fait référence à la Maçonnerie de Métiers, au Nouveau Testament, en particulier à l’Évangile de saint Jean. Il a subi l’influence de l’Hermétisme, de la Kabbale, de la Rose-Croix et de l’astrologie notamment.

    S’il fait appel au Nouveau Testament, le Rite Écossais Ancien Accepté n’est cependant pas un rite chrétien. Les Maçons, de quelque confession qu’ils soient, pourront s’y sentir à l’aise. Rien ne viendra choquer leurs convictions.

    Le Rite Écossais Ancien Accepté impose à ses membres la croyance en l’existence d’un principe créateur appelé « Grand Architecte de l’Univers », et interdit dans ses Loges toute discussion politique ou religieuse.

    Le Rite Écossais Ancien et Accepté est l'un des rites maçonniques les plus répandus dans le monde.

    Les origines du Rite Écossais Ancien Accepté

    C’est sous l’influence du chevalier Michel de Ramsay que sont apparus les premiers Hauts Grades, notamment dans la Respectable Loge Saint-Jean de Jérusalem, régulièrement constituée par le comte de Clermont, et qui devait servir par la suite de référence aux Loges de France. Car, dans son fameux « Discours », Ramsay situe la naissance de la Franc-maçonnerie à Jérusalem, pendant les Croisades ! Selon lui, la Franc-maçonnerie serait née de la Chevalerie, ce qui semble bien une erreur !

    En 1754, le chevalier de Bonneville crée le Chapitre de Clermont, qui aura de profonds retentissements sur l’évolution de la Maçonnerie.

    En 1761, Etienne Morin, négociant à Bordeaux et membre de la Loge « La Française », part à Saint-Domingue, avec la mission, entre autres choses, de faire connaître le rite et de créer des Loges. Bien que la Révolution française perturbe fortement la croissance de l’Ordre, le Rite Écossais va prendre de l’ampleur grâce à l’action de deux Français, Jean-Baptiste Delahogue, notaire à Saint-Domingue, et son gendre, Auguste de Grasse-Tilly, fils du célèbre amiral de Grasse. Ces deux Frères Français ont ainsi fait partie des fondateurs du Suprême Conseil de Charleston.

    Formellement, le R.E.A.A. est né lors du Congrès de Charleston aux Etats-Unis, le 31 mai 1801 par la création du premier Suprême Conseil au monde, présidé par John Mitchell, Souverain Commandeur, assisté de Frédéric Dalcho, Lieutenant Grand Commandeur. Ce Congrès a donné au Rite Écossais Ancien Accepté une existence « légale », une réalité. Il sera suivi en 1804 par le Congrès de Paris. Ces deux Congrès, très importants dans l’histoire de la Franc-maçonnerie, sont à l’origine du R.E.A.A. et l’on peut donc affirmer que ce rite est fondamentalement français puisqu'il se trouve articulé sur le Rite de Perfection à peine réaménagé.

    Néanmoins, à titre historique, cela ne l’autorise pas à récupérer tout ce qui existait et présentait un caractère écossais avant lui, ce que beaucoup d’auteurs actuels non objectifs ne manquent pas de faire !

    Quelques-uns cherchent désespérément des textes originaires d’Ecosse pour affirmer le caractère écossais du R.E.A.A., n’hésitant pas à mélanger rite originaire d’Ecosse, réellement écossais, avec des rites originaires de France, faussement écossais.

    La Maçonnerie réellement écossaise vénère saint André alors que les Maçons français se placent sous les auspices de l’un ou l’autre saint Jean, voire des deux.

    A l'origine, le R.E.A.A. est donc un rite destiné uniquement aux grades qui suivent le grade de Maître et il n'acquiert sa pleine pertinence qu'à partir du 4ème degré.

    Les Grandes Constitutions du Rite Écossais Ancien et Accepté datent de 1786. Elles font état d’une hiérarchie de trente-trois grades successifs et sont attribuées à Frédéric II de Prusse

    Ce rite est habituellement pratiqué dans le cadre de deux organismes complémentaires mais distincts :

    • une Obédience maçonnique qui fédère des Loges des trois premiers grades de la Franc-maçonnerie ;
    • une « juridiction » de Hauts Grades maçonniques, dirigée par un « Suprême Conseil », qui regroupe des Ateliers du 4ème au 33ème degré.

    Tentons à présent de comprendre le qualificatif « Ancien ».

    Le qualificatif « Ancien »

    Le terme « ancien » se rapporterait à la Grande Loge des Anciens fondée
    par Laurence Dermott. Tentons ici aussi d’y voir plus clair.

    Au début du 19ème siècle, le Rite Écossais nouvellement arrivé d’Amérique, voulut se doter, face au Grand Orient de France, de ses propres Loges bleues. Après avoir travaillé quelque temps au Rite Écossais Philosophique – qui est de type moderne – les Maçons du Rite Écossais Ancien Accepté ont opté pour un rite de Loge bleue qui leur fut propre et eurent l’idée de se réclamer de la Maçonnerie des « Anciens » qui jusque-là n’était pas représentée en France.

    Le « Guide des Maçons écossais », qui est la forme achevée des premiers rituels du Rite Écossais Ancien Accepté, situe expressément ce rite dans la Maçonnerie des « Anciens ».

    Les rituels pratiqués aux trois premiers degrés proviennent donc des rituels des Anciens, par l’intermédiaire de la Loge Saint-Jean d’Ecosse du Contrat Social, une des rares à les pratiquer en France au 18ème siècle et à laquelle appartenait Auguste de Grasse-Tilly.

    Les grades suivants sont conférés et pratiqués dans des Ateliers particuliers de divers niveaux, chacun constituant un « cercle intérieur » des précédents dans lesquels il recrute. Ces grades, quasiment tous d’origine française, proviennent du Suprême Conseil de Charleston.

    Si le qualificatif « Ancien » peut nous paraître à présent un peu plus clair, examinons pourquoi ce rite est aussi qualifié d’ « Accepté » ?

    Le qualificatif « Accepté »

    Bien que de nombreux ouvrages désignent encore ce rite en unissant les adjectifs « ancien » et « accepté » par la conjonction « et », il semble qu’il soit devenu plus courant de dire tout simplement « Rite Écossais Ancien Accepté ».

    Les recherches publiées par des auteurs comme Pierre Chevalier, Le Forestier, Alec Mellor, Lindsay, sans parler de l'œuvre de Paul Naudon et de nombreux articles parus dans les  « Cahiers de Villard de Honnecourt » ont permis d'éclaircir bien des points demeurés encore obscurs jusqu'à ces dernières années.

    N'oublions pas le Très Illustre Frère Charles Riandey, ancien Grand Orateur du Suprême Conseil de France, qui refusait pour sa part d'accoler le mot « Maçonnerie » à celui de l'Ecossisme qu'il considérait comme « autre chose » que des pseudo-mystères de l'art de bâtir. Il substitua même le vocable d'Ordre Écossais à celui de Maçonnerie Écossaise.

    « L'autre chose » dont il voulait parler, c’étaient les éléments traditionnels et initiatiques, tels que l'hermétisme, la Kabbale, la Gnose chrétienne, le néo-platonisme, ce que l'on pourrait désigner sous le terme de Christianisme transcendant tel qu'il fut défini par Joseph de Maistre et, enfin, le Templarisme, celui-ci ayant été introduit relativement tard avec la création du grade de chevalier Kadosch, vers 1765, d'origine allemande.

    Mais ce sont principalement  l'hermétisme, voire des éléments magiques qui ont inspiré les rituels du Rite Écossais. S. Theakston écrit que « dès sa naissance, l'Ecossisme s'était créé une filiation différente qui le rattache, non seulement aux Ordres de la Chevalerie, mais également aux formations traditionnelles et parfois légendaires ».

    Il faut croire que le souvenir de la Tradition était encore vivant et c'est dans le but de le perpétuer que les fondateurs de l'Ecossisme avaient imaginé une institution où l'enseignement ésotérique pouvait se faire suivant les méthodes en usage dans les formations initiatiques depuis la haute Antiquité.

    Ce qui semble caractériser l'Ecossisme et ce qui le distingue de la Maçonnerie classique, c'est son éclectisme et son syncrétisme qui expliquent et justifient l'introduction dans le système de nombreux grades ouvrant au Maçon du R.E.A.A. de multiples moyens d'atteindre les cimes initiatiques en choisissant telle ou telle autre voie correspondant à ses goûts, ses penchants, ses affinités et ses possibilités.

    C'est ainsi (et vue sous cet angle) qu'en parcourant les différents grades,  le Maçon pratiquant le R.E.A.A. apprend ces principales voies menant à la Connaissance, inspirées tantôt par la bible et les Prophètes, tantôt la Kabbale, la Gnose ou les philosophes anciens et modernes.

    Il est essentiel de souligner que tous les grades constituant le R.E.A.A. sont reliés entre eux par une seule et unique idée de l'Unité primitive, celle de la communion originelle du Grand Architecte de l'Univers, de Dieu, avec les hommes et qu'il appartient aux Maçons Écossais de retrouver.

    L'épithète « accepté » semble se référer à l'acceptation dans les loges symboliques de membres extérieurs au métier. Un petit ouvrage de Didier Michaud paru dans la collection « Les symboles maçonniques » m’a été d’un grand secours à ce sujet !

    Pour comprendre le terme « accepté » dans la dénomination du R.E.A.A., nous dit Didier Michaud, il faut se référer aux origines possibles du terme « francs » attribué à des maçons :

    1. d’une part, les constructeurs de cathédrales ont été appelés « maçons francs » parce qu’ils constituaient une main d’œuvre affranchie de toute allégeance, se regroupant en loges libres, isolées ou fédérées ;
    2. d’autre part, une certaine qualité de la pierre, dite « franche» a pu avoir eu une influence sur l’appellation des maçons qui la travaillaient.

    A partir de là, le rapprochement s’impose avec le terme « accepted masons » qui, en Angleterre, désigne les maçons au même titre que « free masons ». Les termes « free » et « accepted » sont ainsi devenus équivalents. Ils nomment les nouveaux maçons libres à l’égard du métier, donc non opératifs.

    En conséquence, ce qui faisait le « franc-maçon », c’était le fait d’être « affranchi » du métier de maçon. Donc de ne plus être maçon du tout ! C’est ce qui s’est passé avec la création de la Franc-maçonnerie anglaise moderne puis sa propagation sur le continent et tout particulièrement en France.

    La Franc-maçonnerie anglaise du 18e siècle est devenue très vite un cercle réservé à une supposée élite sociale, noblesse ou grande bourgeoisie dans laquelle la maçonnerie n’avait plus rien à voir, ni d’ailleurs aucune forme de métier puisque les artisans en étaient d’office exclus.

    C’est en Ecosse que le phénomène de « l’acceptation » de non-maçons de métiers dans les loges opératives a été la plus durablement attesté et qu’il s’est développé de nouveau en Angleterre lorsqu’un roi Stuart, écossais, y a régné. En Angleterre, la situation s’est en effet modifiée à partir de 1607, année où Jacques 1er s’est déclaré protecteur de la Maçonnerie. Des personnages de marque, désireux de culture, ont été incités à demander leur admission dans la Fraternité. Se faire recevoir Maçons est rapidement devenu une mode pour les nobles et les riches.

    La transformation s’est accélérée sous des influences philosophiques, politiques et religieuses. Au moyen âge, les associations maçonniques avaient souvent donné accueil aux philosophes hermétistes et aux alchimistes, dont le langage symbolique recoupait et complétait celui des maçons. Au moment de la Renaissance, la philosophie, dans sa soif de connaissance, a repris la voie de la tradition initiatique.

    C’est ainsi que le mouvement des Rose-Croix, qui ne se satisfaisait plus du langage symbolique des alchimistes, a alors imprégné le plus la Franc-maçonnerie. On peut donc affirmer que l’acceptation, telle qu’elle s’est pratiquée en Angleterre, est incontestablement d’origine écossaise.

    A partir de 1630, des personnes extérieures au métier de maçon sont apparues dans les Loges écossaises : elles étaient soit membres d’autres corps de métier que celui de maçon, soit des gentlemen.

    Aucun lien de continuité n’est historiquement prouvé entre les rares mentions de métier anglaises du 17ème siècle et le début du 18ème, et la création de la Grande Loge de Londres. Les gentlemen, bourgeois vivant noblement, qui ont participé à des cérémonies organisées par des professionnels de la maçonnerie en Ecosse et en Angleterre ont modelé un groupe d’appartenance nouveau en 1717.

    Ils ont adopté, en les transformant, à la fois le système écossais des loges de métier et ses usages, la tradition de l’acceptation de la Compagnie des maçons de Londres et celle des corporations médiévales.

    C’est donc ainsi qu’est apparue une Maçonnerie que l’on qualifie de « spéculative », mais qui n’a plus grand-chose à voir avec l’ancienne acceptation, celle avec laquelle le R.E.A.A a voulu renouer.

    Caractéristiques essentielles du Rite Écossais Ancien Accepté

    Quelles sont donc les caractéristiques fondamentales du Rite Écossais Ancien Accepté ?

    Ses deux caractéristiques principales sont d'être un rite :

    • initiatique, car il met graduellement ses membres sur la voie de la réalisation spirituelle, grâce à un travail intérieur et collectif effectué à l'aide de symboles et de rituels qui constituent les moyens d'accès au contenu initiatique du rite ;
    • traditionnel, car il se réfère à toutes les sources initiatiques ancestrales et universelles qui, sous forme de mythes et de symboles, maintiennent vivante la chaîne initiatique, support du cheminement vers la Connaissance.

    Mais je relève d’autres caractéristiques importantes à mes yeux.

    Tout d’abord le caractère a-dogmatique de l’Initiation au sein du Rite Écossais Ancien Accepté est à mes yeux la plus fondamentale.

    Bien que l’une de ses origines soit judéo-chrétienne, et bien que par certains aspects, la démarche inclut une aspiration « religieuse », le Rite n’est en aucune manière une religion au sens habituel de ce terme.

    Ce Rite ne propose aucun culte, n’assure aucune liturgie, n’impose aucun dogme à la conscience de chaque Frère.

    Ensuite, l’invocation au Grand Architecte de l’Univers apparaît dans cette perspective comme une clef de voûte indispensable : une invocation à la gloire et non pas « au Nom » du Grand Architecte, pas plus que les Travaux ne se déroulent en présence du Grand Architecte ou au Nom du Très Haut.

    Au Rite Écossais Ancien Accepté, les Travaux maçonniques ne font jamais référence, à une quelconque perspective théiste qui inclurait obligatoirement l’existence d’un Dieu – tel le Dieu biblique créateur – ou d’un autre. Les Maçons travaillent en toute humilité face à ce problème qui est du ressort de la conscience individuelle de chaque Frère. Travaillant à la gloire du Grand Architecte, ils œuvrent par rapport à un principe qui est aussi un symbole.

    Le Grand Architecte est ici présenté comme un principe créateur. Mais il n’est pas question du Créateur au sens chrétien du terme, mais simplement d’un principe qui a créé le Monde et qui l’organise à partir des matériaux qu’il y a découverts. Le Rite n’impose nullement la croyance en une création ex nihilo. Il ne l’a réfute pas non plus. Et il s’agit bien d’un principe, c’est-à-dire, de ce qui a en lui-même la force de commencer et qui est déjà présent. Mais c’est aussi un symbole, non défini comme tout symbole complexe, et, de ce fait, parfaitement interprétable dans l’intimité de la conscience de chaque Frère.

    Une autre caractéristique du Rite, c’est la présence du Volume de la Loi Sacrée sur l’Autel des serments. Ce Volume étant la Bible par respect de la Tradition, et par référence au contenu initiatique de l’Ordre, ne se conçoit que s’il s’agit bien d’un livre de spiritualité, et non d’un livre d’une religion révélée. Le Franc-maçon, dans les Travaux de sa Loge, et même s’il est chrétien, ne peut pas considérer ce livre comme un livre religieux.

    Il est alors possible pour chacun d’entre-nous d’en effectuer une lecture symbolique personnelle, afin d’y puiser les notions d’éthique, de justice, de devoir, d’Amour et d’Action qu’elle recèle et qui contribuent au développement de sa propre spiritualité.

    Donner un sens à sa vie et tenter d’atteindre la Sagesse, c’est le but du Franc-maçon et c’est ce que propose le Rite Écossais Ancien Accepté.

    Enfin, la méthode progressive qu’utilise ce Rite est tout aussi fondamentale. Elle se réalise par la médiation d’un cheminement en degrés successifs. Chaque degré apporte à l’Initié un outillage spécifique et un support de réflexion particulier.

    L’outillage est initialement l’outillage symbolique hérité des métiers de la construction. Si, pour les bâtisseurs, il s’agissait de perfectionner l’architecture du temple, pour nous, Maçons d'aujourd’hui, il convient surtout, dans un premier temps, de poursuivre le travail de constant perfectionnement qui commence par nous-mêmes.

    Mais, en même temps, il nous est demandé, et ce, dès le premier degré, de méditer et de comprendre le schéma mythologique et symbolique qui nous est présenté : l’outillage rationnel qui est présent dans la Loge, comme les Trois Grandes Lumières qui servent à éclairer la conduite du Franc-maçon, nécessite, dans un même mouvement  discursif et intuitif, d’être utilisé pour nous construire et d’être intériorisé pour nous connaître.

    Et c’est ainsi que de degré en degré, s’adjoignant de nouveaux outils symboliques et s’incorporant de nouveaux schémas mythologiques, l’Initié – du moins celui qui est véritablement sur le chemin de l’Initiation – progressera, abandonnant ses préjugés et ses métaux, améliorant du même pas Connaissance et Conscience. Chacun à son rythme, refusant tout dogme et toute injustice, avancera ainsi vers plus de liberté et plus d’Amour.

     

    R:. F:. A. B.

     

    [1] Parue dans le n° 14 de la revue « Acta Macionica », p. 371 à 377.

    [2] L’Ecossisme est un terme qui est employé pour désigner globalement tout ce qui concerne l’apport des Loges « écossaises » à la Franc-maçonnerie en France. Cela concerne particulièrement l’innovation qu’a constituée l’introduction des Hauts Grades.

     

    Bibliographie

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995

     

    Chevallier Pierre - Histoire de Saint-Jean d’Ecosse du Contrat Social – Mère Loge Écossaise de France 

    Editions Ivoire-Clair, Groslay (France), 2002

     

    Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1994

     

    Ferré Jean - Dictionnaire des symboles maçonniques

    Editions du Rocher, Monaco, 1997

     

    Guérillot Claude - Genèse du Rite Ecossais Ancien et Accepté

    Editions Trédaniel, Paris, 1990 

     

    Guigue Christian - La formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 2003

     

    Lhomme Jean, Maisondieu Edouard, Tomaso Jacob

    Dictionnaire thématique illustré de la Franc-maçonnerie

    Editions du Rocher, Monaco, 1993

     

    Michaud Didier - Le Rite Écossais Ancien et Accepté

    Les symboles maçonniques – n° 38

    Editions « La Maison de Vie », Paris, 2010

     

    Mondet Jean-Claude - La Première Lettre - L’Apprenti au Rite Ecossais Ancien et Accepté

    Editions du Rocher, Monaco, 2007

     

    Schnetzler Jean-Pierre

    La Franc-maçonnerie comme voie spirituelle - De l’Artisan au Grand Architecte

    Editions Dervy, Paris, 1999

     


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  •  L’Arbre de Vie ou Arbre séphirotique 

    Introduction

    Bien que le mot « arbre » n’apparaisse pas dans nos rituels, il nous est peut-être  déjà arrivé d’entendre des propos relatifs à différents arbres symboliques : Arbre de vie, Arbre séfirotique, Arbre de la Connaissance, Ardre du monde… ou de les rencontrer au hasard de nos lectures dans la littérature relative aux anciennes civilisations et religions. La Franc-maçonnerie s’est largement inspirée de la Kabbale notamment dans laquelle l’Arbre séfirotique symbolise la Création.

    Dans une planche précédente, consacrée au symbolisme du Tarot et de ses couleurs, j’avais notamment évoqué les arcanes majeurs qui parcourent les 22 sentiers de l'Arbre de Vie et qui relient entre elles les dix séphiroth de l'Arbre. J’écrivais aussi que le Tarot ainsi que les lettres hébraïques codent l’homme et l’univers avec d’infinis secrets à peine partiellement résolus à ce jour.

    Le but de la présente planche est de tenter d’organiser ces connaissances ésotériques. Je commencerais par évoquer trois arbres qui n’ont pas été repris par la Franc-maçonnerie :

    1. L'Arbre du Monde en général se distingue des autres arbres sacrés par sa localisation au Centre de l'Empire et du Monde. Il symbolise l'Axe du Monde, le lien entre la Terre et le Ciel à la base du développement du monde dans la tradition chinoise.
    1. L'Arbre du Monde est décrit dans plusieurs récits mythiques chinois sous deux dénominations distinctes :
    • L'Arbre de Kien-Mou en Chine, dressé au centre du monde, n'a pas d'ombre. Il a 9 branches et 9 racines par lesquelles il touche les 9 cieux et les 9 sources (séjour des morts). Kien-Mu ou « Arbre Dressé », évoque naturellement l'Axe du Monde ;
    • Jian-Mu, l'Arbre Constructeur (du Monde), fait aussi allusion à l'Axe du Monde car Jian signifie également l'épée, le symbole de l'Axe par excellence.
    1. Odin est le Dieu du Ciel, de la magie, de la victoire. Il est le dieu en chef de
      la mythologie nordique. Odin vit dans Asgard, au sommet de l'Arbre du
      Monde
      .

    L’Arbre de Vie, par contre, est un élément central de la tradition kabbalistique. Il représente symboliquement les Lois de l'Univers. Il peut aussi être vu comme le symbole de la Création tant du Macrocosme (L'Univers) que du Microcosme (L'Être Humain). Sa description est considérée comme celle de la cosmogonie de la mystique kabbalistique.

    Certains auteurs le rapprochent de l'Arbre de la vie mentionné par la Genèse en 2:9). Il est en effet aussi question d’un arbre de vie au début de la Genèse (Ge 3:24). Cet arbre est censé donner l'immortalité.

    Il ne faut pas le confondre avec l'Arbre de la connaissance du bien et du mal. Cet arbre est aussi mentionné plusieurs fois dans l'Apocalypse (Ap. 2,7 ; Ap. 22,14 ; Ap. 22,19).

    Les chrétiens ont souvent assimilé la croix du Christ avec l'Arbre de vie car, comme lui, elle donne vie à l'humanité.

    L'Arbre de vie est parfois rattaché à la Ménorah du Temple de Jérusalem.

    Il est aussi question de la vision d’un Arbre de vie dans le livre de Mormon [1]. Cet Arbre de vie représente l’amour de Dieu et est appelé le plus grand des dons de Dieu.[

    Entrons à présent dans le vif du sujet de cette planche et tentons d’analyser plus en profondeur ce que l’on entend par « Arbre de Vie » que l’on désigne aussi sous l’appellation « Arbre séphirotique ».

    Depuis quatre millénaires au moins, un arbre symbolique est figuré à toutes époques en Mésopotamie, et depuis un peu moins longtemps dans presque toutes les religions du monde : c’est l’Arbre de Vie.

    Qu’est-ce que l’Arbre de Vie ?

    L’Arbre de Vie

    L’Arbre de Vie est un motif très répandu dans de nombreux mythes et contes populaires dans le monde entier, et grâce auquel les cultures ont cherché à comprendre la condition humaine et profane relativement au royaume divin et sacré.

    De nombreuses légendes parlent de l’Arbre de vie, qui pousse au-dessus du sol et donne la vie aux dieux et aux hommes, ou d’un arbre cosmique, qui est souvent lié au « centre » de la terre. C’est probablement le mythe humain le plus ancien, et peut-être un mythe universel.

    Thème universel, symbole de la croissance vers le ciel et de la « verticalisation » en Dieu, l'Arbre de Vie (ou la victoire sur la mort) se retrouve dans toutes les grandes traditions de l'humanité, comme les traditions extrême-orientales, indiennes, sud amérindiennes...

    On peut dire qu’il est une image de la relation entre Dieu et sa Création, à travers la représentation des émanations divines qui descendent vers le monde et qui remontent vers Dieu dans un perpétuel échange entre le Créateur et sa créature.

    Ce réseau relationnel d’énergie vitale se situe dans tous les domaines, Dieu étant omniprésent et multiforme. Il est représenté sous la forme d’un diagramme – ou d’un arbre – l’Arbre de Vie, qui consiste en une construction – composée de colonnes et de niveaux – des dix « forces » ou « émanations » divines par lesquelles Dieu interagit avec l’homme. L’hébreu les appelle séphiroth, ou attributs de Dieu.

    En ce qui concerne l’orthographe, précisions que l’on peut écrire séphiroth, séfirot, sefirot, séfiroth ou séphirot. C’est un nom masculin singulier qui désigne un des dix degrés du monde divin qui sont la manifestation des attributs de l'essence divine.

    Mais, dans la littérature, on trouve aussi le mot « séphirah » (au singulier) qui est manifestement apparenté à la racine sepher, le chiffre (pris ici dans son sens de réalité cachée), et les séphiroth sont les éléments de la nature cachée, intime, de Dieu.

    Bien sûr, ces séphiroth sont la lecture que l’homme fait de sa relation avec Dieu, la façon qu’il a de Le reconnaître dans sa vie et dans la Création tout entière, de rendre compte de son existence et de son omniprésence, de sa transcendance et de son immanence.

    L'Arbre de Vie représente le mystère de l'expansion de la vie, mais encore la constante victoire sur la mort. C'est l'expression parfaite du mystère de la vie qui est la réalité sacrale du cosmos. Les traditions islamiques, juives et chrétiennes parlent de l'Arbre de vie comme plante d'immortalité placée au centre du jardin d'Éden. L'arbre unit la terre au ciel et, régénéré par cette union, il emplit tout l'univers de sa majesté. Relié à la vie divine, il est un symbole de splendeur et de puissance.

    L’Arbre de Vie est l’un des symboles les plus connus de la Géométrie Sacrée. La structure de l’Arbre de Vie est liée aux enseignements sacrés de la Kabbale juive, mais on la retrouve aussi 3 000 ans plus tôt dans l’ancienne Egypte.

    Faut-il rappeler que l'origine judéo-chrétienne de certains symboles maçonniques est plus que claire et qu’ils mêlent également des éléments prévenant de l'alchimie et de la Kabbale, selon les grades ?

    Mais qu’est-ce que la Kabbale ?

    La Kabbale

    Les Francs-maçons seraient entrés en relation avec la Kabbale juive par l'intermédiaire de la Kabbale chrétienne, une kabbale revisitée à partir du 15ème siècle par les humanistes de la Renaissance.

    La Kabbale, parfois écrit Cabbale, est une tradition ésotérique du judaïsme, présentée comme la « Loi orale et secrète » donnée par YHWH à Moïse sur le Mont Sinaï, en même temps que la « Loi écrite et publique » connue sous le nom de « la Torah ».

    On peut aussi définir la Kabbale comme étant la dimension interne de la Torah. Cette dimension correspond à la connaissance secrète des quatre niveaux de l'intérieur de la Torah.

    Le mot « Kabbale » (qui se dit « Qabalah » en hébreu) signifie « réception ». Il s'agit donc de la sagesse du recevoir. Le terme est parfois interprété comme « tradition ». Le Kabbaliste est donc celui qui a reçu la tradition. Le mot « Kabbale » ne désigne pas un dogme mais un courant à l'intérieur du judaïsme et un état d'esprit.

    Selon ses adhérents, la compréhension intime et la maîtrise de la Kabbale rapprochent spirituellement l'homme de Dieu, ce qui confère à l'homme un plus grand discernement sur l'œuvre de la Création par Dieu.

    Outre des prophéties messianiques, la Kabbale peut ainsi se définir comme un ensemble de spéculations métaphysiques sur Dieu, l'homme et l'univers, prenant racine dans les traditions ésotériques du judaïsme. Cependant, cette définition académique ne rend pas bien compte de l'universalité de la Kabbale et de la richesse des thèmes qu'elle aborde.

    Entre le divin inconnaissable et les hommes, la Kabbale donne une place à l’homme primordial. Source de l’univers séphirotique, l’homme primordial est la seule possibilité, pour le monde humain, d’aborder la Connaissance.

    La Kabbale se veut être un outil d'aide à la compréhension du monde en ce sens qu'elle incite à modifier notre perception du monde (ce que nous appelons « la réalité » malgré la subjectivité de notre perception). Pour ce faire, la Kabbale met à notre disposition un diagramme synthétique : l'Arbre de la Vie ou Arbre des Séphiroth. Elle propose ses réponses aux questions essentielles concernant l'origine de l'univers, le rôle de l'homme et son devenir. Elle se veut à la fois un outil de travail sur soi et un moyen d'appréhender d'autres systèmes de pensée.

    L’Arbre de vie au sens de la Kabbale

    L’Arbre de Vie dans la Kabbale, représente symboliquement les Lois de l'Univers. Il peut aussi être vu comme le symbole de la Création tant du Macrocosme (L'Univers) que du Microcosme (L'Être Humain).

    L’Arbre de Vie est un symbole issu de l’histoire du peuple hébreu et représente la dimension interne de la Torah, qui est tout autant l'histoire de la libération d'Egypte que la loi donnée par YHWH à Moïse sur le Mont Sinaï.

    L’Arbre de Vie de la Kabbale a dix branches. Elles sont appelées « les Séphiroth ». Elles représentent les dix attributs ou émanations grâce auxquels l’infini et le divin sont en relation avec le fini.

    L’Arbre de Vie kabbalistique est une représentation des trente-deux chemins composés des dix Séphiroth et des vingt-deux chemins qu’ils parcourent. L’Arbre de Vie décrit la descente du divin dans le monde manifesté, et les moyens par lesquels on peut accéder à l’union divine dans cette vie. On peut le voir comme une carte représentant la psyché humaine, et les mécanismes de la création, à la fois manifeste et non manifeste. Il est important de comprendre que la nature pure de la divinité est l’unité, et les aspects ou émanations apparemment séparés existent uniquement dans le point de vue de l’émané, vivant dans un état de séparation illusoire.

    Les Arbres de Vie gravés, peints, brodés, imprimés ou sculptés existent depuis le début de l'Histoire. Ils semblent symboliser la force de la vie et ses origines, l'importance des racines et le développement de la Vie. Ils sont parfois associés à des personnages et/ou à des animaux (oiseaux, mammifères). L’Arbre de Vie fait partie de la décoration des églises à toutes les époques, mais plus particulièrement aux époques anciennes.

    L'Arbre séphirotique de la Vie

    L'Arbre séphirotique de la Vie est une ancienne et mystique représentation kabbalistique de la structure physique et psychique de l'homme, l'univers, ainsi que des échanges qui s'établissent constamment entre les deux, et qui forment la vie humaine.

    L’étude de l'Arbre séfirotique ou Arbre de la Vie, donne une vue très claire du travail spirituel à réaliser. C’est une méthode qui peut nous accompagner tout au long de notre existence.

    Suivons-la : notre pensée cessera de vagabonder au hasard et nous recevrons des encouragements au fur et à mesure que nous arriverons à avancer dans cette voie. En revenant souvent sur l'Arbre séphirotique, nous allumerons des lumières en nous, et ces lumières non seulement nous éclaireront, mais elles nous purifieront, nous renforceront, nous vivifieront et nous embelliront.

    Peut-être ne comprendrons-nous jamais parfaitement cette figure, et à plus forte raison n'arriverons-nous pas à réaliser les vertus et les puissances qu'elle représente, mais elle sera là comme la représentation d'un monde idéal qui nous tirera toujours vers le haut.

    Le moment me semble venu d’apporter quelques précisions à propos des séphiroth.

    Les séphiroth

    Les séphiroth sont dix puissances créatrices énumérées par la Kabbale dans son approche mystique du mystère de la Création. Chaque séphiroth est l'émanation d'une énergie du Dieu Créateur des Juifs. Ces puissances divines manifestent dans la création du monde fini le Pouvoir Suprême du « En Sof », l'Infini. Les traités de Kabbale présentent souvent les Séphiroth sous la forme d'un diagramme en forme d’arbre : l’Arbre de Vie.

    Oswald Wirth nous rappelle que « Tradition » se dit « Qabbalah » en hébreu. Aussi la Kabbale est-elle une philosophie qui se transmet initiatiquement de génération en génération. Elle se base sur des spéculations numérales que résume la théorie des Séphiroth (Nombres), dont l’ambition est de relier le Relatif à l’Absolu, le Particulier à l’Universel, le Fini à l’Infini, ou la Terre au Ciel. Cette jonction s’opère par l’entremise de la décade dont chaque terme a reçu des dénominations caractéristiques : les séphiroth.

    Ceci me permet de préciser que séphiroth ou sfirot est un mot hébreu signifiant compter, nombre, ou statistique.

    Plus concrètement, les séphiroth sont les dix énumérations (ou émanations) représentées dans la Kabbale juive. En d’autres termes, les dix séphiroth sont les dix nombres primordiaux.  Le terme est dérivé de la racine hébraïque SFR signifiant compter (numération – numérologie).  Le terme « séphiroth » signifie qu'il ne s'agit pas de nombres ordinaires mais de « nombres principes » identifiés comme étant les dix dimensions infinies du cosmos, à savoir les six dimensions de l'espace, les deux du temps et celles du bien et du mal.

    Les séphiroth servent à décrire la naissance du monde.  Le premier séphiroth est le pneuma divin. De celui-ci sort le second séphiroth, l'air…  De l'air sont issus l'eau et le feu.  Les six derniers séphiroth représentent les six directions dans l'espace.  Ils sont scellés au moyen de six permutations du grand nom de dieu YHWH.

    Le Sefer Yetsirah [2] nous apprend que « le réel » est constitué par la combinaison des 22 lettres hébraïques, générant les 231 combinaisons binaires, à l'origine de la création du monde.

    * L’Arbre de Vie ou Arbre séphirotique

    Description de l’Arbre séphirotique

    Il faut être conscient que vouloir schématiser un concept aussi fondamental que la relation entre Dieu et l’être humain est assez hasardeux. Mais on peut essayer !

    * L’Arbre de Vie ou Arbre séphirotique

    Au-dessus de l’Arbre de Vie réside l’Infini, « Ayin Soph » ou la Lumière sans fin, « ’ayin soph ’or », qui illumine toute la Création, de haut en bas.

    L’Arbre se développe ensuite entre deux séphiroth extrêmes :

    • Le sommet de l’Arbre est Kether, la Couronne, qui représente le Royaume céleste. Kether est le point d'entrée par lequel la création se manifeste dans le monde, par une insufflation permanente d'existence. Kéther a une importance considérable : c’est lui qui reçoit la Lumière de l’infini et la déverse sur toutes les autres séphiroth.
    • Le pied de l’Arbre est Malkhuth, le royaume terrestre, qui a été créé à l’image du Royaume céleste ; cette copie, qui s’est altérée à cause de l’imperfection de l’homme, s’emploie de génération en génération, telle Sisyphe, à remonter le long de l’Arbre, jusqu’à Dieu.

    Entre les deux, l’Arbre se compose de trois colonnes, qui ont chacune leur particularité :

    • La colonne de gauche est « féminine » et correspond aux aspects les plus « relationnels » et « pragmatiques » de l’être humain.
    • En haut, Binah est l’intellect, souvent appelé sagesse, qui permet de comprendre le monde extérieur ;
    • au-dessous, Ghevourah est le jugement, la prise de position sur le monde extérieur, souvent appelé valeur ou courage ;
    • en bas, Hod est la réponse au monde extérieur, souvent appelée splendeur, le moteur des actions volontaires de l’être humain.

    On pourrait dire que ces trois séphiroth de la colonne de gauche ne sont autres que les trois éléments qui composent la démarche que l’Action catholique a mise au point dans la première moitié du 20ème siècle : voir, juger, agir.

    • La colonne de droite est « masculine » et correspond aux aspects les plus « secrets » et « utopiques » de l’être humain.
    • En haut, Chokhemah (prononcer rorma) est la conscience globale, souvent appelée sagesse, d’où émane l’intelligence intérieure ;
    • au dessous, Chesed (prononcer résed) est la voix intérieure, souvent appelée générosité ou miséricorde ;
    • en bas, Netsach (prononcer netsar), souvent appelée éternité ou gloire, est le moteur de tous les processus involontaires et tous les élans de l’être humain, comme la respiration et le désir.

    On pourrait dire que ces trois séphiroth de la colonne de droite ne sont autres que les trois éléments qui composent la démarche charismatique : émotion intellectuelle, émotion spirituelle et élans du cœur.

    • La colonne du centre est « double » et se situe au point d’équilibre entre tous les aspects, toutes les aspirations, toutes les tensions, toutes les contradictions de l’être humain, entre la loi et la grâce, entre la réflexion et l’action, entre Marthe et Marie (Cf. Lc 10, 38-42. Marthe et Marie sont les archétypes de l’active et de la contemplative).

    Elle est aussi le plus court chemin entre la terre et le ciel, entre le royaume d’en bas et le Royaume d’en haut, entre Malkhuth et Kéter.

    • En bas – entre Nétsach et HodYesod est le régulateur de tous les instincts qui naissent inconsciemment en l’homme et de tous les actes volontaires qu’il décide d’accomplir. C’est l’élément stable de l’être humain, le fondement sur lequel repose tout l’arbre de vie. On peut l’assimiler à la personnalité acquise. Il y a aussi en lui une très forte connotation vitale et sexuelle – force vitale – puisque yesod reçoit toute l’énergie qui descend le long de l’Arbre depuis la Couronne et les colonnes latérales, et réunit de ce fait toutes les tendances masculines et féminines de l’être.
    • Au-dessus, à la croisée de toutes les séphiroth et au milieu de la colonne centrale, Tiphe’éret est le siège de la nature profonde de l’être, celle qui ne change pas au fil des ans, mais aussi de la beauté. La nature profonde de l’être humain est d’être beau !
    • En haut, Da‘at – ou Dé‘a – est un séphiroth particulier, qui n’est pas compté parmi les dix. Situé juste au-dessous de la Couronne, entre intelligence et sagesse, miséricorde et sévérité, il représente non pas une caractéristique de l’être, mais un instant de sa vie qui peut se présenter une seule fois, plusieurs quelquefois : l’instant où des circonstances particulières font que, comme dans le jaillissement d’un arc électrique ou d’un éclair soudain, l’être humain peut entrer en communication avec le divin, on pourrait dire toucher Dieu, ou voir Dieu face à face.

    Da‘at est assimilé à la connaissance par la Kabbale : Da’at s’identifie à tout aspect de la conscience divine.

     

    * L’Arbre de Vie ou Arbre séphirotique

     

    L’Arbre de Vie et la Bible

    Trois citations de la Bible suffisent pour se rendre compte que l’Arbre de Vie n’est pas né de l’imagination fertile d’un rabbin en mal d’instruments pédagogiques high-tech, mais de la Parole de Dieu elle-même :

    1 Chroniques 16,34 : Rendez grâces au Seigneur, car il est bon, car éternel est son amour (Chésed - prononcer résed) !

    1 Chroniques 29,10-13 : Il bénit alors le Seigneur sous les yeux de toute l'assemblée. David dit : « Béni sois-tu, Seigneur, Dieu d'Israël notre père (’avinou) depuis toujours et à jamais ! À toi, Seigneur, la grandeur, la force (Ghevourah), la splendeur (Tiphéret), la durée (Natsar) et la gloire (hod), car tout ce qui est au ciel et sur la terre est à toi. À toi, Seigneur, la royauté (Mamelakha, de racine Malkhuth, roi) : tu es souverainement élevé au-dessus de tout. La richesse et la gloire te précèdent, tu es maître de tout, dans ta main sont la force et la puissance (Ghevourah) ; à ta main d'élever et d'affermir qui que ce soit. À cette heure, ô notre Dieu, nous te célébrons, nous louons ton éclatant renom (Tiphéret) ».

    Isaïe 11,1-2 : Un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines. Sur lui reposera l'Esprit du Seigneur, esprit de sagesse (Chokhemah) et d'intelligence (Binah), esprit de conseil (’étsah, qui rappelle le Natsar de l’éternité) et de force (Ghevourah), esprit de connaissance (da’at) et de crainte du Seigneur.

     

    * L’Arbre de Vie ou Arbre séphirotique

     

    Les séphiroth d’après Oswald Wirth

    Les noms et les nombres des dix séphiroth sont présentés dans l’ordre ci-dessous. L’orthographe des noms des séphiroth et leurs significations respectives sont celles données par Oswald Wirth.

    1. Kether (la Couronne ou le Diadème) ou Kether Elyon (la Couronne Suprême) – Unité, Centre, Principe dont tout émane et qui renferme tout en puissance, en germe ou en semence. Le Père, source, point de départ de toute activité. Agent pensant et conscient qui dit « Je suis ! ».
    2. C’Hocmah (la Sagesse) – Pensée créatrice, émanation immédiate du Père : son premier né, Fils, Parole, Verbe, Logos ou Suprême Raison.
    3. Binah (le Discernement, la compréhension ou l’Intelligence) – Conception et génération de l’Idée, Isis, Vierge-Mère, qui enfante les images originelles de toutes choses.
    4. C’Hesed (la Miséricorde ou la Grâce) ou Gedulah (la Grandeur, la Magnificence) – Bonté créatrice appelant les êtres à l’existence. Pouvoir qui donne et répand la vie.
    5. Geburah (la Sévérité ou la Rigueur), Pec’had (la Punition, la Crainte) ou Din (le Jugement) – Gouvernement, administration de la vie donnée. Devoir, domination de soi-même. Morale qui retient. Discrétion, réserve obligeant à se limiter.
    6. Tiphereth (la Beauté) ou Rahamim (la Clémence) – Idéal selon lequel les choses tendent à se construire. Sentiment, Désir, Aspirations, Volitions à l’état statique.
    7. Netsah (la Victoire, le Triomphe, la Fermeté ou la Constance) – Le Discernement qui débrouille le chaos, coordonne les forces constructives du monde, dirige leur application et assure le Progrès. Le Grand Architecte de l’Univers.
    8. Hod (la Gloire, la Splendeur) – La Coordination, la Loi, la Justice immanente, la Logique des choses. Enchaînement nécessaire de causes et d’effets.
    9. Jesod (la Base, le Fondement) ou Tsedek (la Justice) – Plan immatériel selon lequel tout se construit. Potentialités latentes. Planche à tracer. Fantôme préexistant à ce qui doit devenir.
    10. Malcut (le Royaume) ou Shekhinah (l’Immanence divine) – La Création. La Roue du Perpétuel Devenir. L’Apparence, la Phénoménalité. La Matière, source d’illusion et d’imposture.

     

    Le dixième séphiroth ramène à l’Unité les neuf précédentes. Il figure le sol sur lequel se dresse le porteur de la Couronne, c’est-à-dire l’Homme universel, le Grand Adam spirituel.

    Chacune des sphères qui s’articulent entre elles suivant des analogies subtiles porte le nom de séphiroth et présente chacun une vertu particulière. Les dix sphères sont disposées en forme de triangle les unes par rapport aux autres. La seule sphère isolée est Malcut tout en bas, la dixième. Toutes s’articulent entre elles suivant 22 sentiers numérotés de 11 à 32 et correspondent aux arcanes majeurs du Tarot.

    Les triangles formés par les sphères symbolisent les plans majeurs d’existence :

    • Le premier triangle formé par les sphères 1, 2 et 3, le Triangle céleste, représente le plan divin dans sa Trinité, la première sphère analogue à la Source de toutes choses ; les deux autres représentent la dualité primordiale tandis que l’ensemble est donc la Trinité.
    • Le second triangle (4, 5 et 6), Triangle de la moralité, s’apparente au plan mental.
    • Le troisième triangle (7, 8 et 9), Triangle mondain, représente quant à lui le plan astral.

    La dernière sphère, Malcut, représente le plan d’existence physique et l’expérience.

    On obtient ainsi un système de quatre mondes. L’Arbre séphirotique peut être apparenté à la concrétisation de la Création au travers du Tétragramme, de la Croix…

    Oswald Wirth a tenté de rapprocher l’Arbre des Séphiroth et la hiérarchie des Officiers d’une Loge :

    • La Couronne (1) occupe la place du Vénérable Maître dirigeant les Travaux, que les branches de l’Equerre relient à la Sagesse et la Raison de l’Orateur (2), d’une part, et à l’Intelligence, la Compréhension du Secrétaire qui enregistre (3).
    • (4) Grâce et (5) Rigueur correspondent à l’Hospitalier et au Trésorier, mais ces Officiers devraient intervertir leurs places pour rester dans la logique du système séphirotique.
    • (6) Beauté convient au Maître des Cérémonies, ordonnateur de tout ce qui tient aux formes.
    • (7) Victoire, Fermeté, et (8) Splendeur, Ordre, s’associent au Premier et au Second Surveillants, alors que (9) Base ou Fondement se rapporte au Frère Expert, gardien des traditions.
    • Enfin (10), Royaume ou monde profane, est le domaine du Frère Couvreur qui veille extérieurement à la sécurité des Travaux.

     

    Sachons utiliser l’Arbre séphirotique !

    Apprenons à méditer sur les dix séphiroth – l'Arbre de la Vie – en ayant conscience que cet Arbre est en nous, et que la seule activité qui vaille la peine est de le faire croître, fleurir et fructifier.

    Combien de temps nous faudra-t-il avant de devenir réellement cet Arbre de vie ? Cela ne doit pas nous préoccuper ! Des milliers de fois peut-être nous devrons revenir sur cette image et la vivifier, jusqu'à ce que ces dix séphiroth qui sont inscrites en nous commencent à vibrer et que notre être intérieur soit éclairé par toutes les lumières de l'Arbre de la Vie.

    Pour nous guider dans notre travail spirituel et nous indiquer le chemin à suivre, nous avons besoin d'une méthode. La meilleure méthode qui existe est probablement l'étude de l'Arbre séphirotique. Il faut apprendre à en approfondir tous les aspects.

    Avec Malcut, nous concrétisons les choses. Avec Jésod, nous les purifions. Avec Hod, nous les comprenons et les exprimons. Avec Netsah, nous leur donnons la grâce. Avec Tiphéreth, nous les illuminons. Avec Geburah, nous luttons pour les défendre. Avec C’Hesed, nous les soumettons à l'ordre divin. Avec Binah, nous leur donnons la stabilité. Avec C’Hocmah, nous les faisons entrer dans l'harmonie universelle. Enfin, avec Kéther, nous posons sur elles le sceau de l'éternité.

    Approche du symbolisme de l’Arbre de Vie

    L’Arbre est symbole de vie pour toutes les civilisations, signe de la force vitale donnée par le Créateur à la nature. De plus sa frondaison annonce au loin les sources d’eau qui gardent la vie même au désert. Il est donc point de repère et même axe autour duquel le regard perçoit l’horizon dans un certain ordre. La Bible, d’abord, les premiers chrétiens ensuite, ont utilisé ces symboles pour exprimer leur foi en la résurrection.

    Au Proche et au Moyen-Orient, l’Arbre de Vie est symbole d’immortalité et souvent représenté entre deux orants ou deux prêtres qui poussent la contemplation jusqu’à l’adoration. Souvent aussi il est figuré entre deux animaux affrontés : lions, taureaux, bouquetins, ou monstres (tels que des griffons ailés, exceptionnellement des centaures), qui gardent l’Arbre de Vie. Pour atteindre celui-ci et acquérir l’immortalité, il faut triompher des monstres, lutter contre le mal. Plus rarement on voit ce combat même de l’homme contre les animaux gardiens de l’Arbre de Vie, ou au contraire la lutte d’un dieu anthropomorphe protégeant l’Arbre de Vie contre un dragon.

    Les textes égyptiens des pyramides connaissaient l’Arbre de Vie. Dans les tombes du Nouvel Empire, des peintures figurent un sycomore sacré, dont la déesse verse l’élixir de vie. Dans la tombe de Thoutmosis, l’arbre a une mamelle et allaite le pharaon pour lui conférer l’immortalité. Le pilier Djed, si souvent rencontré dans l’iconographie égyptienne, est un symbole de l’Arbre de Vie, et joue un rôle important dans la résurrection d’Osiris.

    L’Arbre de Vie est aussi désigné sous le nom d’axe cosmique unissant le monde souterrain (par ses racines) au ciel (par ses branches), à travers la terre.

    Les trois régions cosmiques, ciel, terre et monde souterrain, sont ainsi traversées et reliées par un axe cosmique ou axe du monde, mais pour une conscience religieuse archaïque, l’arbre est l’univers. Il le répète et le résume, en même temps qu’il le symbolise.

    L’arbre kabbalistique ou Arbre séphirotique de la Vie a été conçu par le mysticisme israélite médiéval et, par un symbolisme complexe ; il relie les trois mondes : celui de Dieu, celui de l’homme et celui de l’univers.

    Arbre de Vie et Arbre de la Connaissance

    Il y a deux arbres dans le jardin d'Éden qui symbolise le bonheur auquel l'humain est appelé : l'Arbre de vie, et l'Arbre de la Connaissance du bien et du mal. Avant de préciser la fonction de ces arbres, il importe de bien comprendre la signification symbolique de l'arbre. Quand on observe un arbre, on constate qu'il est constitué d'un tronc et de branches. Le symbole s'attachera à cet aspect spatial. Le tronc fait fonction de lien entre la terre où il a ses racines et le ciel où il est dirigé. L'arbre est donc un symbole de la communion entre les deux mondes : celui d'en haut où habite la divinité et celui d'en bas où habitent les humains.

    Le premier arbre, l'Arbre de vie, se rencontre dans beaucoup d'autres mythes des peuples de l'Orient ancien, comme la célèbre épopée de Gilgamesh. On y raconte comment le héros entend parler d'un arbre qui peut donner la vie éternelle, qui est le but de sa longue quête. Il en vient à trouver cet arbre, mais il lui est volé par un serpent, qui change de peau après avoir mangé de cet arbre.

    Tout cela signifie un renouvellement de vie et plénitude de vie (le serpent, parce qu'il change de peau, a toujours été interprété dans les anciennes mythologies, comme un symbole de vie éternelle, et chez les premiers chrétiens, de résurrection). Si le jardin d'Éden symbolise le bonheur humain, un des aspects de ce bonheur est la vie pleine, abondante et même éternelle qui est un don de la divinité.

    Quant à l'Arbre de la Connaissance du bien et du mal, il est unique et il est difficile à interpréter. Il semble que cet arbre symbolise le pouvoir absolu. En hébreu, comme dans les autres langues sémitiques, on aime indiquer une totalité par ses deux extrêmes. Ainsi, « le ciel et la terre » signifie l'univers. De cette manière, « le bien et le mal » ne signifierait pas l'une ou l'autre de ces deux réalités, mais les deux, c'est-à-dire « tout ».

    Quant au mot « Connaissance », il n'a pas le sens abstrait que nous lui donnons dans nos langues. Dans les langues sémitiques, il implique une connaissance profonde, une intimité, un pouvoir. Quand on connaît, on a créé des liens intimes et puissants avec le connu.

    L'Arbre de la Connaissance du bien et du mal symboliserait donc un désir profond de l'humain : celui d'être en mesure de connaître tout et d'utiliser ce pouvoir de façon absolue. C’est-à-dire d’être comme un dieu, avec un pouvoir absolu, c'est-à-dire ne plus être limité par la condition humaine. C'est bien là une tentation universelle pour tout humain à toutes les époques !

    On voit donc à l’issue de ce chapitre que l’Arbre de vie est en opposition à l’Arbre de la Connaissance !

    Dans la Bible, il y a une description de l’Arbre de la Connaissance (création de Satan) mais aussi celle de l’Arbre de Vie (la réalité originelle de Dieu). Mais il n’y a aucune compatibilité entre les deux !

    Conclusion

    « Arbre de Vie » ou « Arbre du Monde », l'arbre est le symbole de la vie par excellence. Cet arbre symbolique est figuré à toutes les époques depuis quatre mille ans et depuis un peu moins longtemps dans presque toutes les religions du monde. L’Arbre de Vie est une figure symbolique dont la lecture doit se faire suivant le sens cachant : le sens ésotérique.

    L’Arbre séphirotique est un diagramme ésotérique fondamental dans la Kabbale. Il est aussi connu sous le nom d’Arbre de Vie, qui se retrouve dans d’autres traditions. Dans la Kabbale, un arbre représente symboliquement les Lois de l'Univers. Il peut aussi être vu comme le symbole de la Création tant du Macrocosme (L'Univers) que du Microcosme (L'Etre Humain).

    Dans la Bible, il y a deux arbres dans le jardin d'Éden. Un arbre mentionné au début de la Genèse et qui donne l'immortalité ; un autre, l'Arbre de la Connaissance du bien et du mal, qui est le fameux pommier d’Adam et Eve. Il ne faut pas les confondre !

     

    R:. F:. A. B.

     

    [1] (1 Néphi chapitre 8) Livre de Mormon, 1 Néphi chapitre 8

    [2] Le Sepher Yetsirah ou « Livre de la Formation » est un exposé cosmologique retraçant la formation du monde par les lettres hébraïques et établissant les correspondances de celles-ci avec les directions de l'espace, le zodiaque, les planètes et la constitution de l'homme. A cet égard, on peut dire que ce texte compte parmi les plus importants qui soient parvenus jusqu'à nous. Le Sepher Yetsirah est le premier et le plus court des trois principaux textes auxquels les Kabbalistes se réfèrent, les deux autres textes sont le Bahir et le Zohar.

     

    Bibliographie

     

    Dangle Pierre - La Franc-maçonnerie initiatiqueLe livre du Maître

    La Maison de Vie, Fuveau, 1997


    de Champeaux Gérard - Introduction au monde des symboles

    Editions Zodiaque, 1991

     

    Korsia Haïm - La Kabbale pour débutants

    Éditions Trajectoire, 2007

     

    Lhomme Jean, Maisondieu Edouard, Tomaso Jacob

    Dictionnaire thématique illustré de la Franc-maçonnerie

    Editions du Rocher, Monaco, 1993

     

    Seringe Philippe - Les symboles dans l’art, dans les religions et dans la vie de tous les jours

    Editions Hélios, 1993

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    3ème partie : « Le Maître » Editions Dervy, Paris, 1994

     


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