•  La Franc-maçonnerie au 19ème siècle 

    Affaiblie par la Révolution française, la Franc-maçonnerie va reprendre force et vigueur sous le Directoire. Elle va être dûment contrôlée sous le Premier Empire. En effet, Napoléon ne souhaitait pas détruire cette institution, il préféra y faire affilier la majorité de ses maréchaux et une partie de sa famille. Parmi les vingt-six maréchaux d'Empire, dix-huit étaient Francs-maçons. Le Grand-Orient fut même dirigé par Joseph Bonaparte, le propre frère de Napoléon, à partir de 1805 et son adjoint fut l'archichancelier Cambacérès. Jamais, dans l'histoire de France, la Franc-maçonnerie n'aura été autant contrôlée. L'empereur avait un moment envisagé d'interdire la Maçonnerie mais y avait renoncé à la suite d'une démarche passionnée du Frère Masséna.

    Fin stratège, Napoléon savait qu'il valait mieux avoir la Franc-maçonnerie avec soi et déclara : « Aussi longtemps que la maçonnerie n'est que protégée, elle n'est pas à craindre ; si, au contraire, elle était autorisée, elle deviendrait trop puissante et pourrait être dangereuse. Telle qu'elle est, elle dépend de moi, et moi je ne veux pas dépendre d'elle ».

    Le 22 octobre 1804, le frère de Grasse-Tilly crée la Grande Loge Générale Ecossaise. Napoléon voit d'un assez mauvais œil la naissance d'une deuxième obédience. Pour être mieux à même de « protéger » la Franc-maçonnerie, il impose un concordat au Grand Orient et à la Grande Loge écossaise dès 1804. L'obéissance des loges à l'égard de Napoléon sera soulignée par de nombreux historiens. Cette soumission avait pour raisons l'extrême surveillance de la Franc-maçonnerie par la police de Foucher mais aussi la sincère adhésion au régime de la plupart des Francs-maçons.

    Dans les premiers mois de la Restauration, la Franc-maçonnerie va être une période noire pour les loges car Louis XVIII veut procéder à une épuration des cadres de la nation. La police royale mène des enquêtes sur les Francs-maçons qui ont joué un rôle important pendant la Révolution et sous l'Empire. De nombreux Frères seront chassés de l'administration. Pour ne pas disparaître, le Grand-Orient et le Suprême Conseil de France (nouvelle obédience créée en 1821) vont afficher leur loyalisme. Le règne de Charles X (1824-1830) est celui d'un Franc-maçon qui a perdu le chemin conduisant vers les loges. En effet, le roi a été initié mais il a perdu toute conviction pour l'institution maçonnique. Les cléricaux le pressent de supprimer la Franc-maçonnerie mais Charles X sait qu'il est plus facile de canaliser les velléités révolutionnaires des loges en tolérant leurs travaux.

    La Révolution de Juillet voit l'avènement de la monarchie parlementaire. En effet, Louis-Phillipe n'est pas le roi de France mais le « roi des Français ». Même si la police de Thiers surveille de près les loges, le Grand-Orient peut travailler sans problèmes et une évolution commence à s'esquisser. L'aristocratie et la haute bourgeoisie s'éloignent des loges au profit de la petite et moyenne bourgeoisie. L'effet de cette évolution va permettre l'entrée des idées libérales.

    Ainsi, quand en 1848, Louis-Philippe est déchu, les Francs-maçons sont gagnés par les idées républicaines. Le Grand-Orient manifeste sa vive sympathie pour la 2e République : La République est dans la Maçonnerie.

    La République fera ce que fait la Maçonnerie : elle deviendra le gage éclatant de l'union des peuples sur tous les points du globe sur tous les côtés de notre triangle, et le Grand Architecte de l'Univers, du haut du ciel, sourira à cette noble pensée de la République.

    La renaissance de la République fut possible grâce au parrainage de plusieurs grands personnages de la littérature française dont le poète Lamartine. Bien que celui-ci ne fut pas Maçon, il avait une certaine sympathie pour la philosophie maçonnique et il soutint les frères qui voulaient retrouver leur influence auprès de l'Etat : « Je vous remercie, au nom de ce grand peuple qui a rendu la France et le monde témoin des vertus, du courage, de la modération et de l'humanité qu'il a puisées dans vos principes, devenus ceux de la République française. Ces sentiments de fraternité, de liberté, d'égalité qui sont l'évangile de la raison humaine, ont été laborieusement, quelquefois courageusement, scrutés, propagés, professés par vous dans vos enceintes particulières, où vous renfermiez jusqu'ici votre philosophie sublime ».

    Mais la Franc-maçonnerie n'est pas la seule à solliciter les faveurs de la République ; le Compagnonnage entre en concurrence avec elle porté par son principal représentant : Agricol Perdiguier. Le Grand-Orient contre-attaque en augmentant le tarif de ses cotisations. Cela a pour effet d'écarter les artisans. Déçus par le retour de l'élitisme, quelques Frères créent une nouvelle obédience : la Grande Loge Nationale de France (2ème du nom à ne pas confondre avec celle de 1772). Cette nouvelle fédération veut réunir les hommes sensibles à l'amélioration de la société, quelle que soit leur classe sociale.

    Le gouvernement voit d'un mauvais œil cette tentative de réforme de la Maçonnerie et interdit la G.L.N.F. En 1851. Louis-Napoléon Bonaparte, le neveu de Napoléon qui était président de la République depuis 1848, restaure l'empire en décembre 1852. Napoléon III, lorsqu'il était encore Louis-Napoléon, fils de la reine Hortense, avait été initié dans une vendita et avait prêté le serment des carbonari, qui exigeait un dévouement total, jusqu'à la mort. La Charbonnerie était la cousine italienne de la Franc-maçonnerie mais elle était nettement plus politisée. Son but était l'unification de l'Italie. De cette expérience, Napoléon « le petit » (comme le surnommait Hugo) retint une leçon : il ne faut pas interdire les sociétés discrètes ou secrètes car elles se reforment et deviennent dangereuses. Comme son oncle, Napoléon III contrôle la Franc-maçonnerie en plaçant ses hommes. Ainsi, le prince Murat devient Grand Maître et occupe ce poste de 1852 à 1861. Il dirige le Grand Orient d'une main de fer mais sa gestion est mauvaise. Il se ruine en achetant un hôtel luxueux rue Cadet pour installer toutes les loges parisiennes du Grand-Orient. La principale obédience française est endettée et les Francs-maçons sont de plus en plus nombreux à mettre en doute les qualités de Grand Maître de Murat. Le prince ne supporte pas d'être critiqué et radie quarante vénérables qui avaient protesté contre sa mauvaise gestion. L'empereur ne voit pas d'autre solution que de remplacer le prince Murat. Il nomme un profane comme Grand Maître. En effet, le maréchal Magnan n'est pas Maçon, il est propulsé à la direction du G.O. et doit recevoir les trente-trois degrés, qui font d'un homme un « initié », en une seule journée !

    Le maréchal prenant son rôle très au sérieux, limitera les interventions du pouvoir impérial. En 1869, Magnan meurt et ses obsèques créent un incident entre l'épiscopat français et le Vatican. En effet, le Grand Maître avait émis le souhait d'être enterré religieusement avec les insignes maçonniques sur son cercueil. La cérémonie eut lieu à Notre Dame de Paris sous les auspices de Mgr Darboy qui répondit avec humour aux attaques pontificales. Il fit croire au pape qu'il n'avait pas vu l'équerre et le compas qui ornaient le cercueil !

    En 1870, l'Empire est affaibli par la guerre menée contre la Prusse et la défaite de Sedan débouche sur l'abdication de Napoléon III. La 3e République naît. Elle sera largement influencée par la Franc-maçonnerie. Dès la proclamation du nouveau régime, les Frères sont présents au sein du gouvernement. On compte de nombreux Maçons parmi les ministres : Crémieux, Garnier-Pagès, Pelletan puis un peu plus tard, Gambetta, Arago et Jules Simon. La jeune République est rapidement mise à mal avec les révoltes de la Commune. Lors de cette période, la Franc-maçonnerie est divisée mais les initiatives appelant à l'arrêt des combats sont nombreuses à émaner des loges. La manifestation pacifique la plus importante a lieu le 29 avril 1871, six mille Francs-maçons des loges parisiennes se rassemblent Place du Louvre puis dressent leurs bannières devant les remparts provoquant le cessez-le feu des Versaillais. Ils sont partis à huit heures du matin, ont été rejoints par des bataillons de garde nationaux et par cinq membres de la Commune dont Jean-Baptiste Clément, l'auteur du chant Communard « le temps des cerises ». Malheureusement, la conciliation est un échec et trois semaines plus tard les Versaillais entrent dans Paris puis tirent sur la foule.

    De nombreuses réformes apparaissent dans l'institution maçonnique dans le dernier quart du siècle. En 1877, l'obligation de croire en un être suprême est abandonnée par le Grand Orient et les femmes vont enfin pouvoir recevoir l'initiation qui leur était interdite depuis le début de la Maçonnerie spéculative. Avec la création de l'obédience mixte, le Droit Humain, en 1893, Maria Deraismes, qui avait été reçue clandestinement par la loge maçonnique « Les Libres - Penseurs du Pecq », décide d'utiliser la Maçonnerie pour l'émancipation des femmes. L'écrivain rationaliste sera aidé par le mouvement féministe tout juste naissant. Forte de ces réformes, la Maçonnerie pourra se prévaloir d'être la garante du progrès. Pour appliquer ses idées, elle va se politiser de plus en plus. Les travaux des loges sont axés sur des sujets politiques et sociaux qui le plus souvent se retrouvent dans le programme du Parti Radical.

    La Franc-maçonnerie est la République à couvert. La République est la Franc-maçonnerie à découvert. Cet aphorisme du Frère Gadaud, ministre du commerce en 1894 traduit bien l'influence de la Franc-maçonnerie dans la société française. L'année 1894 voit la création d'une nouvelle obédience maçonnique (après le Grand-Orient et le Droit Humain), il s'agit de la Grande Loge de France qui n'a rien à voir avec son prestigieux homonyme de 1728. Cette nouvelle obédience déiste travaille  « à la gloire du Grand Architecte de l'Univers » et privilégie la réflexion sur les symboles maçonniques. L'omniprésence des Maçons dans la vie politique ne fut pas pour plaire à l'ensemble des conservateurs. Pour cette raison, la Maçonnerie dut faire face au boulangisme. Boulanger, le général réactionnaire était sur le point de prendre le pouvoir et d'anéantir la République en 1889 mais Ernest Constans, Maçon et Ministre de l'Intérieur réussit à débarrasser la France du dangereux militaire.

    La démocratie étant sauvée, les Francs-maçons allaient pouvoir faire voter leurs idées au Parlement. Un train de lois sociales avait été étudié dans les diverses obédiences prévoyant l'assistance publique intégrale, la suppression de la peine de mort, la fondation des banques populaires, le droit au divorce par consentement mutuel, les retraites ouvrières et le mouvement mutualiste. Ce programme très novateur fut transmis aux Francs-maçons parlementaires qui n'en tinrent compte que partiellement, afin de ne pas perdre leurs électeurs souvent effrayés par les réformes. Néanmoins, la Maçonnerie républicaine ou la République maçonnique aura su imposer l'enseignement laïc et gratuit améliorant ainsi la Loi Guizot qui l'avait rendu obligatoire quarante ans plus tôt. Les lois dites « laïques » créées par Jules Ferry établirent une coupure entre les domaines religieux et civils. En 1880, des décrets contre les congrégations excluaient les évêques du Conseil Supérieur de l'Université et en 1882, les écoles primaires furent débarrassées des crucifix. La victoire de la Franc-maçonnerie sur l'Eglise ne pouvait que contribuer à la diabolisation des Frères comme en témoigne l'Encyclique Humanum Genus de Léon XIII :

    A notre époque, les fauteurs du mal paraissent s'être coalisés dans un immense effort, sous l'impulsion et avec l'aide d'une société répandue en un grand nombre de lieux et fortement organisée, la Société des Francs-maçons. Ceux-ci, en effet, ne prennent plus la peine de dissimuler leurs intentions et ils rivalisent d'audaces entre eux contre l'auguste majesté de Dieu. C'est publiquement, à ciel ouvert, qu'ils entreprennent de ruiner la sainte Eglise, afin d'arriver, si c'était possible, à dépouiller complètement les nations chrétiennes des bienfaits dont elles sont redevables au sauveur Jésus Christ [...] Or, les fruits produits par la secte maçonnique sont pernicieux et les plus amers. Voici, en effet, ce qui résulte de ce que Nous avons précédemment indiqué et cette conclusion Nous livre le dernier mot de ses desseins. Il s'agit pour les Francs-maçons, et tous leurs efforts tendent à ce but, il s'agit de détruire de fond en comble toute la discipline religieuse et sociale qui est née des institutions chrétiennes et de lui en substituer une nouvelle façonnée à leurs idées et dont les principes fondamentaux et les lois sont empruntés au naturalisme. [...] Ainsi, dut-il lui en coûter un long et opiniâtre labeur, elle se propose de réduire à rien, au sein de la société civile, le magistère et l'autorité de l'Eglise, d'où cette conséquence que les Francs-maçons s'appliquent à vulgariser, et pour laquelle ils ne cessent pas de combattre, à savoir qu'il faut absolument séparer l'Eglise de l'Etat. Par suite, ils excluent des lois aussi bien que de l'administration de la chose publique, la très salutaire influence de la religion catholique et ils aboutissent logiquement à la prétention de constituer l'Etat tout entier en dehors des institutions et des préceptes de l'Eglise.

    La lutte intense qui opposa la Franc-maçonnerie à l'Eglise donna lieu à une littérature abondante dans les milieux rationalistes mais aussi chez les ecclésiastiques. Pour les rationalistes, les membres de l'Eglise sont des pervers sexuels et Léo Taxil utilisera abondamment ce filon avec des ouvrages comme Les friponneries religieuses (1880) et Les maîtresses du Pape (1884). Pour les cléricaux, la Franc-maçonnerie est une secte satanique, Mgr Fava révèle ce qu'est, selon lui, le secret de la Franc-maçonnerie (1885) :

    [...] jeter Dieu à bas de son trône éternel et de ses autels, pour y mettre à sa place la créature, telle a toujours été la tactique savante de Satan dans sa guerre contre la Divinité et l'humanité : c'est aussi la tactique que l'on retrouve dans le panthéisme maçonnique.

    L'affaire Dreyfus allait également amplifier l'antimaçonnisme. Le cas de ce capitaine juif, condamné à tort pour espionnage, passionna l'opinion publique et faillit déboucher sur une guerre civile. Les adversaires de Dreyfus fustigeaient le régime républicain et menaient de violentes campagnes contre ce qu'ils appelaient la « dictature judéo-maçonnique ».

    La rumeur est lancée et le créneau littéraire aussi. Les ouvrages antimaçonniques vont se suivre en quelques années avec un succès inégal : « Satan et Cie » par Paul Rosen en 1888, « La Franc-maçonnerie, synagogue de Satan » par Mgr Meurin en 1893. Seul un ex-libre-penseur dénommé Léo Taxil saura tirer un réel profit de l'antimaçonnisme, avec une mystification qui durera douze ans.

     

    « L'affaire Léo Taxil »

    L'œuvre de Taxil est vaste. Sa période antimaçonnique s'étend de 1885 à 1897. Elle suit un certain nombre de bouleversements historiques : l'avènement de la deuxième République en 1848, le coup d'Etat de 1852 qui sonne le début du Second Empire puis la défaite des Français contre les Allemands provocant la perte de l'Alsace/Lorraine. Sur le plan littéraire, cette période qui va de 1848 à 1870 voit la création de nombreux mouvements comme le romantisme mené par Hugo et George Sand puis le naturalisme inspiré par les frères Goncourt et développé par Zola. Les années 1870 sont animées par un soucis de rationalisme sur le plan politique, littéraire, religieux et scientifique avec des auteurs comme Littré, Comte et sur le plan politique c'est l'avènement de la 3ème République, la lutte entre l'Eglise et l'Etat, la guerre entre les libres-penseurs et les cléricaux. L'excès de rationalisme provoque une réaction d'un certain nombre d'auteurs et d'artistes. Ainsi, le symbolisme et la décadence viennent bousculer la République libre-penseuse. Moreau, Huysmans et Villiers de l'Isle Adam s'inspirent de la mythologie des sciences occultes pour créer une atmosphère fantastique à leurs œuvres.

    Léo Taxil entre dans le monde littéraire à la suite de tous ces bouleversements. Il est tour à tour anticlérical, libre-penseur, Franc-maçon puis antimaçon, religieux patriote chantant la gloire de Jeanne d'Arc, la bonne lorraine. Il est une véritable éponge qui boit toutes les humeurs de son époque.

    « Les mystères de la Franc-maçonnerie dévoilés » publié en 1886 et « Le diable au 19ème siècle » édité en 1895 s'inspirent de la vogue de l'occultisme et de son roman phare « Là-bas » dont l'auteur est Huysmans. Les Français fuient le rationalisme trop terre à terre. Ils recherchent l'évasion dans le fantastique, ce qui explique le succès des sociétés rose-croix de la Franc-maçonnerie alchimiste qui avait été créée un siècle plus tôt par le comte Cagliostro et de tout ce qui peut provoquer le frisson. C'est l'époque du spiritisme et du magnétisme auquel Victor Hugo lui-même s'adonnait. L'occasion était trop belle pour manquer de construire une gigantesque mystification littéraire qui utiliserait les ingrédients de l'occultisme : le spiritisme, les messes noires, la Franc-maçonnerie, afin de séduire les Français et surtout les catholiques. Léo Taxil a su arriver au bon moment, doté d'un argumentaire d'autant plus efficace qu'il pouvait plaire à une majorité qui ne demandait qu'à être bernée.

    « Le Diable au 19ème siècle » et « Les mystères de la Franc-maçonnerie dévoilés » sont bien des mystifications littéraires car ces œuvres ont pour but d'exciter la raillerie générale contre la Franc-maçonnerie. De plus, leur auteur dirige implicitement ses écrits contre l'Eglise catholique dans le but de se jouer de la crédulité des ecclésiastiques. Léo Taxil en donnant à croire que le diable existe et qu'il évolue dans les loges maçonniques, fustige l'encyclique pontificale Humanum Genus.

    Léon XIII voulait voir dans la Franc-maçonnerie le royaume de Satan. Par conséquent, Léo Taxil composa sa mystification dans le sens agréable aux catholiques.

    Néanmoins, il ne faut pas mettre sur le même plan la mystification littéraire de Léo Taxil et celles des auteurs autoproclamés Fumistes, Hirsutes, et Hydropathes. Ces auteurs composaient des canulars basés sur le pastiche qu'on pouvait ressentir comme une forme d'hommage aux écrivains parodiés. En revanche Taxil ne fit pas l'éloge du pape le 19 avril 1897, quand il révéla sa mystification. De plus, les plaisanteries de Taxil n'étaient pas toujours bienveillantes. L'auteur du Diable au 19ème siècle n'a pas hésité à verser dans l'antisémitisme le plus ordurier pour satisfaire les fantasmes de ses lecteurs. 

     

    Source   : http://perso.infonie.fr/alnr/histo2.html

     


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  •  Evolution de la Franc-maçonnerie du siècle des « Lumières » à nos jours  

    L'expansion de la Franc-maçonnerie

    En 1717, quatre Loges londoniennes se réunirent pour former la première obédience maçonnique : la Grande Loge de Londres. Cette date marque la naissance de l'institution maçonnique moderne. Avant 1717, les loges étaient disparates et ne constituaient pas une force. Il leur fallait se réunir en obédience pour pouvoir influencer la société. Plus que l'attrait du secret et du symbolisme, le besoin de sociabilité animait les Francs-maçons de cette époque. La Réforme avait divisé les Anglais et ce jusqu'au sein de la famille royale. Les loges offraient la possibilité de se réunir et de festoyer par-delà les barrières religieuses. L'ouverture d'esprit qui animait les fondateurs de la Grande Loge de Londres se manifesta par la rédaction des Constitutions d'Anderson, lesquelles n'imposaient qu'une seule « religion » : l'amitié. Malheureusement, les hommes n'étant que des hommes, le conservatisme reprit force et vigueur et en 1738, puis en 1815, la Grande Loge de Londres imposa la croyance en Dieu à ses membres.

    En France, la Franc-maçonnerie serait apparue à Saint-Germain en Laye, en 1688. Les Stuart et la noblesse écossaise réfugiés en France après la Révolution d'Angleterre auraient souhaité constituer une loge dans le célèbre château où naquit Louis XIV. Mais là encore les avis diffèrent quant à la naissance de la première loge française. Etienne Gout soutient que la première loge connue dans notre pays devait sa fondation, le 1er juin 1726, à des militaires irlandais enrôlés dans l'armée de Louis XV. Elle se réunissait dans une taverne à l'enseigne du « Louis d'argent », près de Saint-Germain des prés. André Combes certifie que la première loge française est ouverte en 1725 à Paris par des catholiques stuartistes réfugiés. Cependant, un fait est établi : la naissance de la première obédience française. La première Grande Loge de France aurait été créée entre mai et juillet 1728 par le duc de Wharton, ancien Grand Maître de la Grande Loge de Londres. Mise en sommeil, la Grande Loge de France est réveillée en 1735 et choisit Mac Lean comme Grand Maître. Mais la G.L.D.F. était encore dépendante de la Grande Loge de Londres. Pour cette raison, certains historiens ne reconnaissent la création de la G.L.D.F. qu'avec l'élection du duc d'Antin à la Grande Maîtrise en 1738. La même année, le pape Clément XII condamne la Franc-maçonnerie. Il craint la propagation du protestantisme et de l'agnosticisme en Europe par le biais des loges. La Franc-maçonnerie présente en Grande-Bretagne et en France se développe dans toute l'Europe. La première loge russe naît en 1717, en Belgique en 1721, en Espagne en 1728, en Italie en 1733 et en Allemagne en 1736. Cette rapide expansion est due à la forte représentation des militaires dans l'institution. Ceux-ci étant amenés à se déplacer contribuèrent à la création de loges lors de leurs campagnes. Hélas, la première obédience française est atteinte de graves troubles. En effet, des clans s'organisent après la mort du duc d'Antin. C'est Louis de Bourbon-Condé qui devient le nouveau Grand Maître de la Grande Loge de France mais il ne peut empêcher la formation de deux camps diamétralement opposés : les « lacornards » et les « antilacornards ». Lacorne est le Second Substitut du comte Louis de Bourbon. Lacorne se serait emparé de la direction de l'obédience en plaçant ses partisans aux postes importants. Les « lacornards » sont des grands bourgeois alors que les « antilacornards » sont des aristocrates.

    Cette guerre fratricide va entraîner la dissolution de la Grande Loge de France le 24 décembre 1772. Des cendres de cette obédience va naître la Grande Loge Nationale de France (1ère du nom) qui devient le Grand Orient de France quelques mois plus tard.

    La cohésion des loges est atteinte avec la création du Grand Orient : en 1773. En 1777, le Grand-Orient de France possédait trois cents loges.

    Les Francs-maçons sont souvent appelés les « fils de la Lumière » ; le rapprochement avec le siècle des Lumières est donc facile. Il est vrai que nombre de philosophes furent Maçons comme Voltaire, Montesquieu, le marquis de Sade, mais aussi Goethe et Lessing (qui contribuèrent à l'Aufklarung, les Lumières allemandes).

     

    La Révolution française : un complot maçonnique ?

    L'appartenance de certains philosophes à l'institution maçonnique va entraîner une des plus grandes mystifications littéraires du 18ème siècle : la thèse du complot ourdi par les loges maçonniques contre l'Eglise et l'Etat. Elle est imaginée par le jésuite Augustin Barruel et développée dans les Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme (1797). La mystification de Barruel est bien structurée. Dans un premier temps, il dénonce l'influence des philosophes sur la société française et dénigre leur agnosticisme, voire leur anticléricalisme. Les traces de l'anticléricalisme des philosophes étaient effectivement perceptibles dans le Dictionnaire Philosophique de Voltaire et dans l'Encyclopédie de Diderot.

    Dans un deuxième temps, le jésuite tente de prouver l'appartenance des philosophes à la Franc-maçonnerie par le biais d'arrière-loges qui auraient été les laboratoires de la Révolution.

    Enfin, Barruel crée une théorie qui laissera des traces jusqu'au vingtième siècle : l'influence des Illuminés, sorte de super-maçons qui auraient entraîné les loges à la préparation de la sédition. Barruel s'était appuyé sur la puissance des Illuminés de Bavière, un ordre para-maçonnique aux idées rationalistes.

    La réalité historique est fort éloignée des élucubrations de Barruel. La Franc-maçonnerie dans son ensemble n'inspira pas la Révolution. En revanche, certaines loges pratiquaient les doctrines philosophiques des Lumières, et notamment la Loge des Neuf Sœurs. Les principes de liberté, d'égalité et de fraternité étaient effectifs dans quelques loges. La monarchie n'autorisait le port de l'épée qu'aux nobles. Les loges s'emparèrent de ce symbole de l'élitisme pour le détourner. Les Francs-maçons portaient tous l'épée en loge quel que soit leur statut social. Des archives de loges ont été retrouvées au 19ème siècle et les historiens ont constaté avec surprise que la devise « Liberté, Egalité, Fraternité » figurait dans les registres. Mais cette fraternité effective n'était pas omniprésente en Maçonnerie. L'historien Daniel Ligou signale que les artisans, les boutiquiers, les juifs, les pauvres et les comédiens étaient très souvent exclus des loges. Cette anecdote témoigne de l'absence d'égalitarisme dans la majorité des loges françaises.

    Il est donc exact que la Franc-maçonnerie n'a pas directement inspiré la Révolution française. Mais il est également vrai que la Maçonnerie accueillit dans ses Ateliers des hommes de progrès. Ils firent rejaillir à l'extérieur des temples les connaissances qu'ils avaient acquises en loge. Parmi ces hommes se trouvaient : Marat, Lafayette, Mirabeau et Desmoulins.

    Enfin, pour être tout à fait précis, il est important de signaler que la Terreur donna l'occasion au Grand Maître du Grand-Orient de se faire remarquer. En, effet, Philippe Egalité, cousin de Louis XVI vote en faveur de l'exécution du roi. Sa décision frappe de stupeur l'assemblée y compris Robespierre qu'on surnomme « le tigre assoiffé de sang ». Le Grand Maître se justifie par ces mots : « Uniquement occupé de mon devoir, convaincu que ceux qui ont attenté ou attenteront par la suite à la souveraineté du peuple méritent la mort, je vote pour la mort... »

    Après avoir renié ses racines, Philippe Egalité trahit la Franc-maçonnerie en adressant une lettre emplie de mépris au secrétaire du G.O. : « comme je ne connais pas la manière dont le Grand Orient est composé, et que, d'ailleurs, je pense qu'il ne doit y avoir aucun mystère, ni aucune assemblée secrète dans une république, surtout au commencement de son établissement, je ne veux plus me mêler en rien du Grand-Orient ni des assemblées de Francs-maçons ».

     

    Source : http://alnr.chez.tiscali.fr/histo.html

     

     

     


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  •  La Franc-maçonnerie : fille du compagnonnage ? 

    L'origine compagnonnique de la Franc-maçonnerie est une des thèses répandues par les historiens. De fait, on retrouve dans la Franc-maçonnerie la plupart des symboles utilisés pendant plus de mille ans par les compagnons du Devoir. Les grades sont restés longtemps les mêmes : apprentis, compagnons et maîtres. La légende des origines est identique : les Francs-maçons se disent «Enfants de la Veuve», car ils s'identifient à Hiram, maître architecte du Temple de Salomon et fils d'une veuve de Tyr. Le meurtre d'Hiram par des mauvais compagnons deviendra d'ailleurs le mythe fondateur de la philosophie maçonnique. Quant aux symboles, l'Équerre et le Compas sont les insignes des deux Fraternités.

     

    De la Franc-maçonnerie « opérative » à la Franc-maçonnerie « spéculative ».

    Cependant, l'origine compagnonnique de la Franc-maçonnerie est controversée et de récentes études penchent pour d'autres hypothèses.

    André Combes, historien et Franc-maçon, pense que la maçonnerie de métier a disparu sur le continent européen à la fin du Moyen Age. Il n'aurait plus subsisté que quelques loges allemandes de tailleurs de pierre à l'aube du 13ème siècle. Selon cet historien, la maçonnerie professionnelle aurait survécu en Angleterre et en Ecosse. Elle se serait adaptée à son époque après la construction des dernières cathédrales.

    Pour survivre, les loges auraient admis en leur sein des bourgeois et des nobles. Ces notables étaient désireux de percer les « secrets » du métier. Ils vont transformer la Franc-maçonnerie opérative, celle de la pierre, en Franc-maçonnerie spéculative celle de la philosophie. Les ouvriers appellent les nouveaux membres issus de la bourgeoisie les maçons acceptés.

    Ces Francs-maçons d'un nouveau genre vont s'efforcer de construire une société meilleure selon les plans du Grand Architecte de l'Univers, leur guide spirituel. Les secrets de la Franc-maçonnerie qui étaient liés aux métiers de tailleur de pierre ou d'architecte vont être remplacés par les mystères en vogue. Les « maçons acceptés » vont introduire l'alchimie, la kabbale, les principes réformateurs de la Rose-Croix (ordre ésotérique allemand inventé par un homme de lettres mystérieux dénommé Christian Rosencreutz) et d'autres doctrines hermétistes. La philosophie maçonnique s'enrichit et la loge devient un lieu de rencontre en vogue. Les catholiques y côtoient les protestants et les déistes qui croient en un dieu non révélé : le Grand Architecte de l'Univers.

    A la suite de ces réformes, quatre Loges londoniennes se réunissent en 1717 pour former la Grande Loge de Londres. Les Francs-maçons élisent un Grand-Maître : Anthony Sayer en 1717. En 1719, Jean-Théophile Désaguliers, physicien et fils de huguenot français est le nouveau Grand-Maître. Désaguliers et le pasteur James Anderson rédigent ensemble les Constitutions d'Anderson (1723). Ces constitutions forment le manifeste de la Franc-maçonnerie spéculative. En ce qui concerne la religion, les constitutions sont révolutionnaires car elles tolèrent toutes les opinions particulières et inventent une nouvelle « croyance » : l'amitié qui s'exprime par la sincérité et la bonté.

    Un Maçon est obligé, en vertu de son Titre, d'obéir à la Loi morale et s'il entend bien l'Art, il ne sera jamais un Athée stupide, ni un Libertin sans Religion. Dans les anciens Temps, les Maçons étaient obligés dans chaque pays de professer la religion de leur patrie ou nation quelle qu'elle mais aujourd'hui, laissant à eux-mêmes leurs opinions particulières, on trouve plus à propos de les obliger seulement à suivre la religion, sur laquelle tous les hommes sont d'accord. Elle consiste à être bons, sincères, modestes et gens d'honneur, par quelque dénomination ou croyance particulière qu'on puisse être distingué. D'où il s'ensuit que la Maçonnerie est le Centre de l'Union et le moyen de concilier une sincère amitié parmi des personnes, qui n'auraient jamais pu sans cela se rendre familières entre elles.

    Les Constitutions ne sont donc pas les lois d'une église quelconque puisqu'elles transcendent toutes les religions. On n’oblige nullement le Maçon à être positivement un croyant. Il est indiqué que s'il entend bien l'art, le Maçon ne sera pas un incroyant mais un déiste.

    Cette réforme est tellement révolutionnaire qu'elle sera éliminée en 1738. Les Maçons anglais institueront la croyance en un Dieu unique révélé et refuseront de reconnaître pour leurs Frères tous les Maçons athées ou agnostiques d'où qu'ils viennent. De ce principe traditionaliste (on dit également « Landmarks ») les Francs-maçons anglais se proclameront les garants et distribueront les patentes de régularité ou d'irrégularité aux Loges du monde entier selon la position qu'elles adopteront. Ainsi, toute obédience qui reconnaît la liberté absolue de conscience est « mise à l'index » par la Grande Loge Unie d'Angleterre.

    Les réformes noachites des Constitutions de 1738 sont jugées par les Francs-maçons modernistes comme une régression dogmatique. Les maçons conservateurs tentent d'expliquer les prescriptions des Constitutions de 1738 par le souci d'intégrer à la Franc-maçonnerie des profanes qui seraient israélites ou musulmans ce qui est sans aucun doute une belle idée. Il est regrettable qu'en l'an 2000, la branche traditionaliste (majoritaire) de la Franc-maçonnerie exclue les athées et les femmes tout en déclarant vouloir rassembler ce qui est épars. N'est-ce pas contradictoire ?

     

    La Franc-maçonnerie : création des rosicruciens et des hermétistes ?

    La thèse la plus récente quant à l'origine de la Franc-maçonnerie a été lancée par Jean-Michel Mathonière, spécialiste du Compagnonnage. Selon lui la Franc-maçonnerie aurait été créée de toutes pièces au 18ème siècle par des hermétistes, des rosicruciens et des kabbalistes, passionnés d'architecture. Exit la théorie de la transition des maçons de métiers aux Francs-maçons de pensée. La thèse de Mathonière s'appuie sur les textes rosicruciens. La Rose-Croix, philosophie germanique issue de la Réforme, décrivait dès le 17ème siècle, une société harmonieuse, dirigée par un cercle d'initiés. On trouve des traces de cette philosophie dans le manifeste rose-croix Fama fraternitatis (1614) rédigé par Christian Rosencreutz et également dans la Nova Atlantis (1627) de Francis Bacon.

    La Nova Atlantis est un roman utopique qui évoque le rêve d'une société idéale. La trame est assez simple mais révèle la philosophie humaniste qui imprégna Bacon : des naufragés guidés par une croix céleste parviennent à l'île de Bensalem.

    Ils y trouvent une société initiatique idéale. A la suite d'une série d'entretiens avec les bensalemiens, puis avec le juif Joabin, cabaliste, les naufragés tombent amoureux de cette île paradisiaque. Au sein de Bensalem se trouve une société secrète dont les membres recherchent les causes et les vertus cachées de la nature, afin de développer l'esprit humain. Les dirigeants de cette société secrète s'appellent les Marchands de Lumière. Ils se réunissent régulièrement afin de mieux connaître la nature humaine. Indubitablement, la société bensalémienne ressemble à la Franc-maçonnerie. Les Marchands de Lumière peuvent être aisément comparés aux Fils de la Lumière, une des nombreuses dénominations qui caractérisent les Francs-maçons.

    Il existe donc trois hypothèses quant à l'origine de la Franc-maçonnerie, la seconde semble la plus plausible. En effet, on imagine mal la Franc-maçonnerie, société complexe par excellence, créée de toutes pièces par un groupe d'hermétistes. Il a vraisemblablement fallu plusieurs siècles pour que les maçons de métiers abandonnent leurs outils au profit de spéculations philosophiques. Quant à la thèse établissant une filiation entre la Franc-maçonnerie et le compagnonnage, elle ne respecte pas le sens logique. En effet, si le compagnonnage avait donné naissance à la Franc-maçonnerie, il aurait été appelé à disparaître.

    Si la Franc-maçonnerie descendait du compagnonnage, comment peut-on expliquer la pérennité de l'institution compagnonnique ? Les compagnons auraient logiquement dû disparaître et tel n'est pas le cas.

     

    Sources :

    http://alnr.chez.tiscali.fr/histo.html

    http://www.compagnonnage.info/ressources/origines-franc-maconnerie.htm

    Blog de Jean-Michel Mathonière : www.compagnons.info

     


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  •  Approche historique de la Franc-maçonnerie moderne 

     

    1.   A l’aube du 18ème siècle.

    La Renaissance voit apparaître l'imprimerie et la Réforme, puis les Guerres de Religions.

    Partout en Europe, des intellectuels commencent à se libérer des dogmes. Le 17ème siècle verra, parmi d'autres, Bossuet, Leibniz, Spinoza, Locke et Newton. De nombreuses associations de pensée plus ou moins secrètes cherchent une solution aux guerres et aux querelles religieuses qui déchirent le continent. Beaucoup de penseurs partent à la recherche d'une sagesse perdue qui, si on la retrouvait, permettrait une nouvelle compréhension du Divin, de l'Univers et de l'Homme.
    Les mathématiques, et en particulier la géométrie, sont considérées comme la première des sciences. L'architecture jouit d'un très grand prestige.

    C'est à cette époque que des Loges anglaises commencent à accueillir des membres qui ne sont pas du métier, mais sont à la recherche d'une nouvelle spiritualité et d'un débat d'idées tolérant. Ce sont les maçons « acceptés ». On passe progressivement de la Franc-maçonnerie « opérative », à la Franc-maçonnerie « spéculative ».

    Au tout début du 18ème siècle, la Franc-maçonnerie anglaise, devenue « spéculative » prend une ampleur considérable. La haute aristocratie s'y associe, l'esprit de tolérance augmente.

    Tout en demeurant indissociable de ses origines plus lointaines, l’histoire de la Franc-maçonnerie telle que nous la connaissons aujourd’hui commence à l’aube du 18ème siècle, plus précisément le 24 juin 1717, à Londres.

    Ce jour-là, jour de la Saint Jean-Baptiste, patron des Francs-maçons, quatre Loges de Londres décident de s’unir sous la direction d’un Grand Maître et se constituent en Grande Loge, sous le titre de « Grande Loge de Londres » qui regroupera 63 loges en 1725.

    L'année 1723 voit la « publication des Constitutions d'Anderson par le Duc de Wharton, Grand Maître ». C'est le texte fondateur de la Franc-maçonnerie moderne.

    La jeune Grande Loge acquiert rapidement de la considération. Dès 1730, on trouve 106 loges à Londres et plus de 40 en province. Vers la fin du siècle, en 1787, on dénombrait 529 Loges, sans compter, bien sûr, les Loges d’Irlande et d’Ecosse où la Franc-maçonnerie était déjà présente bien avant 1717.

    En quelques années, la Franc-maçonnerie spéculative va se répandre à travers toute l'Europe ainsi que dans toutes les colonies européennes.

    La seconde moitié du 18ème siècle voit la division de la Franc-maçonnerie anglaise en deux obédiences – les « Antients » et les « Moderns » – et la floraison, en Angleterre mais surtout en France et en Allemagne, des « Hauts-Grades ». De même que dans la société profane, l'idéal des Lumières et celui du romantisme s'opposent et se complètent.

    A partir de 1751, en effet, se produisit un schisme qui allait diviser les Francs-maçons anglais en « Anciens » et en « Modernes ». Les Anciens, qui n’avaient pas voulu adhérer à la Constitution de 1723, se référaient pour la plupart aux « landmarks » (règles, obligations) de la Loge d’York, laquelle prétendait remonter au 10ème siècle. Ils créèrent donc une deuxième Grande Loge, celle des Anciens, composée en majorité d’Irlandais, pour s’opposer aux Maçons Modernes regroupés autour de la Grande Loge de Londres qui avait pris en 1738 le titre de Grande Loge d’Angleterre.

    Une autre opposition se manifesta encore avec la constitution en France de degrés maçonniques, dits grades chevaleresques ou hauts grades. Cette opposition aboutit en Angleterre à la création, entre autres, de l’Ordre de Royal Arch. La naissance de ces « hauts grades » et leur diversité introduisit bientôt de nouveaux rites, dont l’application ne pouvait que contribuer à renforcer encore les divisions au sein de cette Franc-maçonnerie naissante. La scission entre Anciens et Modernes dura jusqu’en 1813, date à laquelle l’acte de fusion des deux Grandes Loges devint officiel et la nouvelle Grande Loge se donna le titre de Grande Loge Unie des Anciens Francs-maçons d’Angleterre (aujourd’hui, Grande Loge Unie d’Angleterre). Il fut alors décidé qu’il n’y aurait que trois grades dans « l’ancienne et pure maçonnerie » (Apprenti, Compagnon, Maître).

    L’Ordre de Royal Arch fut reconnu et les Tenues de Chapitres pour les grades chevaleresques autorisées, mais sans qu’elles influent d’une quelconque façon sur les Tenues des Loges, dites bleues, des trois premiers grades de la Franc-maçonnerie traditionnelle. Enfin, une année plus tard, en 1814, les trois Grandes Loges d’Angleterre, d’Irlande et d’Ecosse signèrent un acte d’alliance pour la pratique des trois premiers grades.

     

    2.   L’expansion.

    Dès sa naissance, la Franc-maçonnerie spéculative avait trouvé dans l’ensemble de l’Europe, un terrain d’expansion tout aussi favorable qu’en Angleterre. Et, une vingtaine d’années plus tard, elle se répandit comme une traînée de poudre partout dans le monde où les puissances européennes d’alors avaient des implantations militaires ou commerciales.

    Après avoir subi ses maladies de jeunesse, la Franc-maçonnerie moderne a réussi à se structurer un peu partout dans le monde sous forme d’obédiences nationales diverses, indépendantes les unes des autres et regroupant chacune plusieurs loges, elles aussi indépendantes les unes des autres. Cette diversité et cet aspect mosaïque des loges sont caractéristiques de l’esprit maçonnique qui refuse toute ingérence dogmatique et lutte depuis toujours en faveur de la liberté de pensée. Répartie dans une soixantaine de pays (d’une manière générale, les dictatures, qu’elles soient de droite ou de gauche, condamnent la Franc-maçonnerie dont les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité, par trop démocratiques, sont jugés subversifs), la Franc-maçonnerie compte actuellement, toutes obédiences confondues, plus de six millions de membres.

     

    3.   La Constitution de 1723.

    De même que toute association a ses règles et ses statuts, la Franc-maçonnerie s’est dotée depuis ses origines les plus lointaines des règlements appelés « Charges », « Devoirs » ou « Landmarks » (ces derniers n’étant transmissibles que par tradition orale) pour préserver ses adeptes de toute déviation par rapport à l’antique filiation traditionnelle dont elle procède. Les règlements et constitutions des Loges sont d’ordre administratif et règlent la conduite morale du Franc-maçon en Loge, conduite qui rejaillit bien sûr sur sa vie profane.

    En revanche, le Livre de la Loi sacrée (la Bible) qui figure avec l’équerre et le compas sur l’autel du Vénérable, est d’ordre initiatique et symbolise la Lumière vers laquelle tend la quête spirituelle du Franc-maçon. Les fondations modernes sont les Constitutions dites d’Anderson, rédigées en 1721 par le théologien James Anderson et le physicien Théophile Désaguliers, tous deux cofondateurs de la Grande Loge de Londres en 1717. Elles furent ratifiées le 17 janvier 1723 par le duc de Wharton, alors Grand Maître de la Grande Loge de Londres. Les règlements et constitutions des Loges sont d’ordre administratif et règlent la conduite des Frères. S’il paraît évident qu’à la lecture certains passages de ces Constitutions peuvent aujourd’hui prêter à sourire par leur côté vieillot, reflet d’une époque où régnaient encore en Europe des relents d’absolutisme et d’Inquisition, il faut reconnaître que leur teneur reste très « progressiste » pour l’époque et traduit assez bien les idées fondamentales de la Franc-maçonnerie. Il faut, en les lisant, s’attacher à l’esprit et non à la lettre. C’est d’ailleurs pour cette raison que ces Constitutions font aujourd’hui encore référence dans les Loges du monde entier, bien que chaque obédience réactualise régulièrement ses propres règlements et constitutions.

     

    Source : http://www.freimaurerei.ch/f/general/hist-f.htm

     

    4.   La Franc-maçonnerie moderne.

    Le 19ème siècle sera une période de « remise en ordre ». De grandes obédiences se forment et les Hauts Grades se structurent en Rites.

    En Angleterre, la « Antients » et les « Moderns » se réconcilient en 1813 en fondant la Grande Loge Unie d'Angleterre, et en élisant le Duc de Sussex comme Grand-Maître, à l'unanimité. Elle promulgue à cette occasion une nouvelle version des « Constitutions », d'inspiration beaucoup plus nettement théiste que celle de 1723.

    En France, le Grand Orient de France entreprend de fédérer tous les rites. Toutefois, le Suprême Conseil de France du Rite Écossais Ancien et Accepté, fondé en 1804, reprendra presque immédiatement son indépendance.

    La fin du 19ème siècle sera marquée en France et en Belgique par l'augmentation de l'implication politique des Loges et par l'aggravation des polémiques entre l'Eglise catholique et la Franc-maçonnerie.

    Ces tensions aboutiront à un événement majeur dans l'histoire de la Franc- Maçonnerie francophone : en 1872, le Grand Orient de Belgique abroge l'invocation du Grand Architecte de l'Univers.

    En 1877, il est suivi dans cette voie par le Grand Orient de France, qui, lui, ne supprime que l'obligation de cette invocation, chaque Loge restant libre de son choix.

    La Grande Loge Unie d'Angleterre réagit en rompant toute relation avec ces obédiences.

    La Seconde Guerre Mondiale verra l'apparition en Europe d'un grand nombre de dictatures qui persécuteront la Franc-maçonnerie, leur ennemie naturelle. Ces persécutions ont laissé des traces profondes partout où elles ont été vécues. Dans ces pays, leur souvenir maintient entre la plupart des Francs-maçons des liens plus puissants que toutes les inévitables querelles d'obédiences.

    Le 20ème siècle verra également un événement plus heureux avec le développement des Loges et obédiences mixtes ou féminines. Le fait qu'un grand nombre de Loges masculines préfèrent continuer à travailler de manière non mixte ne retire rien au fait que la valeur des travaux maçonniques mixtes ou strictement féminins est aujourd'hui presque unanimement reconnue.

    En cette fin de 20ème siècle, on assiste un peu partout en Europe à la fin d'un système de pensée qui opposait des « blocs » que l'on souhaitait bien distincts les uns des autres et à l'apparition de conceptions plus « synthétiques », certains diraient même « systémiques ». Les bouleversements géopolitiques et technologiques que nous connaissons actuellement n'y sont sans doute pas étrangers. Il semble évident que les Francs-maçons, quels que soient leurs rites ou leurs obédiences, sont, de par leurs traditions, particulièrement bien outillés pour accompagner cette nouvelle mutation.

     

    Source : http://www.fm-europe.org/delta/histoire/monde.html

     


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  •  Les Constitutions d’Anderson 

    Les obligations d’un Franc-maçon extraites des anciennes archives des Loges, au-delà des mers, et celles d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande, à l’usage de Loges de Londres, pour être lues en faisant de nouveaux Frères ou quand le Maître l’ordonnera.

    a. Concernant Dieu et la religion

    b. Du Magistrat civil, suprême et subordonné

    c. Des Loges

    d. Des Maîtres, Surveillants, Compagnons et Apprentis

    e. De la Direction du métier pendant le travail

    f. De la Conduite, à savoir :

    1. Dans la Loge quand elle est constituée.
    2. Après la fermeture de la Loge et avant le départ des Frères.
    3. Quand les Frères se rencontrent sans présence étrangère mais hors d’une Loge constituée.
    4. En présence d’étrangers non-maçons.
    5. Chez vous et dans votre entourage.
    6. Envers un Frère étranger.

     

    a) Concernant Dieu et la Religion

    Un Maçon est obligé de par sa tenure d’obéir à la loi morale et s’il comprend bien l’Art, il ne sera jamais un athée stupide ni un libertin irréligieux. Mais quoique dans les temps anciens les Maçons fussent tenus dans chaque pays d’être de la religion, quelle qu’elle fût, de ce pays ou de cette nation, néanmoins il est maintenant considéré plus expédient de seulement les astreindre à cette religion sur laquelle tous les hommes sont d’accord, laissant à chacun ses propres opinions ; c’est-à-dire d’être hommes de bien et loyaux ou hommes d’honneur et de probité, quelles que soient les dénominations ou confessions qui aident à les distinguer ; par suite de quoi, la Maçonnerie devient le centre d’union et le moyen de nouer une véritable amitié sincère entre des personnes qui n’auraient pu que rester perpétuellement étrangères. (Traduction de Maurice Paillard)

    b) Du magistrat civil suprême et subordonné

    Un Maçon est un paisible sujet à l’égard des pouvoirs civils, en quelque lieu qu’il réside ou travaille, et ne doit jamais être mêlé aux complots et conspirations contre la paix et le bien-être de la nation, ni manquer à ses devoirs envers les magistrats inférieurs ; car la Maçonnerie a toujours pâti de la guerre, de l’effusion de sang et du désordre ; aussi les anciens rois et princes ont toujours été fort disposés à encourager les Frères, en raison de leur caractère pacifique et de leur loyauté par lesquels ils répondaient en fait aux chicanes de leurs adversaires et défendaient l’honneur de la Fraternité qui fut toujours florissante dans les périodes de paix.

    Aussi, si un Frère devenait rebelle envers l’Etat, il ne devrait pas être soutenu dans sa rébellion, quelle que soit la pitié que puisse inspirer son infortune ; et s’il n’est convaincu d’aucun autre crime, bien que la loyale Confrérie ait le devoir et l’obligation de désavouer sa rébellion, pour ne provoquer aucune inquiétude ni suspicion politique de la part du gouvernement au pouvoir, il ne peut pas être chassé de la Loge et ses relations avec elle demeurent indissolubles.

    c) Des Loges

    Une Loge est un lieu où les Maçons s’assemblent pour travailler : d’où le nom de Loge qui est donné à l’assemblée ou à la société de Maçons régulièrement organisée, et l’obligation pour chaque Frère d’appartenir à l’une d’elles et de se soumettre à ses règlements particuliers ainsi qu’aux règlements généraux. La Loge est soit particulière, soit générale ou Grande Loge. Dans les temps anciens, aucun Maître ou Compagnon ne pouvait s’en absenter, spécialement lorsqu’il y avait été convoqué, sans encourir une sévère censure, à moins que le Maître ou les Surveillants n’aient constaté qu’il en avait été empêché par une impérieuse nécessité. Les personnes admises comme membres d’une Loge doivent être des hommes bons et loyaux, nés libres, ayant l’âge de la maturité d’esprit et de la prudence, ni serfs, ni femmes, ni hommes immoraux ou scandaleux, mais de bonne réputation.

    d) Des Maîtres, Surveillants, Compagnons et Apprentis

    Toute promotion parmi les Maîtres Maçons est fondée uniquement sur la valeur réelle et sur le mérite personnel, afin que les seigneurs puissent être bien servis, que les Frères ne soient pas exposés à l’humiliation et que l’Art royal ne soit point décrié : pour cela aucun Maître ou Surveillant n’est choisi à l’ancienneté, mais bien pour son mérite. Il est impossible de dépeindre ces choses par écrit, chaque Frère doit rester à sa propre place et les étudier selon les méthodes particulières de cette Confrérie. Tout ce que les candidats peuvent savoir c’est qu’aucun Maître n’a le droit de prendre un Apprenti s’il n’a pas un travail suffisant à lui fournir et s’il n’est pas un jeune homme parfait ne souffrant d’aucune mutilation ou tare physique qui puisse l’empêcher d’apprendre l’Art et de servir le seigneur de son Maître et de devenir un Frère, puis un Compagnon en temps voulu après avoir durant le nombre d’années fixé par la coutume du pays ; et s’il n’est issu de parents honnêtes ; ceci afin qu’après avoir acquis les qualités requises il puisse parvenir à l’honneur d’être le Surveillant, puis le Maître de la Loge, le Grand Surveillant et enfin, selon son Mérite, le Grand Maître de toutes les Loges.

    Nul Frère ne peut être Surveillant avant d’avoir passé le degré de Compagnon ; ni Maître avant d’avoir occupé les fonctions de Surveillant ; ni Grand Surveillant avant d’avoir été Maître d’une Loge, ni Grand Maître s’il n’a pas été Compagnon avant son élection. Celui-ci doit être, en outre, de noble naissance ou gentilhomme de bonnes manières ou quelque savant éminent ou quelque architecte distingué ou quelque autre homme de l’Art d’une honnête ascendance et jouissant d’une grande estime personnelle dans l’opinion des Loges. Et afin de pouvoir s’acquitter le plus utilement, le plus aisément et le plus honorablement de son office, le Grand Maître détient le pouvoir de choisir son propre Député Grand Maître qui doit être alors ou avoir été précédemment le Maître d’une Loge particulière et qui a le privilège d’agir comme le ferait le Grand Maître lui-même, son Commettant, sauf quand le dit Commettant est présent ou qu’il manifeste son autorité par une lettre. Ces administrateurs et gouverneurs, supérieurs et subalternes de la Loge ancienne, doivent être obéis dans leurs fonctions respectives par tous les Frères, conformément aux Anciennes Obligations et Règlements, en toute humilité, révérence, amour et diligence.

    e) De la direction du métier pendant le travail

    Tous les Maçons travailleront honnêtement pendant les jours ouvrables afin de profiter honorablement des jours de fête ; et l’horaire prescrit par la loi du pays ou fixé par la coutume sera respecté. Le Compagnon Maçon le plus expert sera choisi ou délégué en qualité de Maître ou Surintendant des travaux du seigneur ; ceux qui travaillent sous ses ordres l’appelleront Maître. Les ouvriers doivent éviter tout langage déplacé, et ne point se donner entre eux de sobriquets désobligeants, mais s’appeler Frère ou Compagnon ; et se conduire avec courtoisie à l’intérieur de la Loge aussi raisonnablement que possible et tirera parti des matériaux comme s’ils étaient à lui, ne donnant à aucun Frère ou Apprenti plus que le salaire qu’il mérite vraiment. Ils achèveront leur travail consciencieusement, qu’il soit à la tâche ou à la journée ; et ils n’effectueront pas à la tâche l’ouvrage qu’on a l’habitude de faire à temps. Le Maître, confiant en son habileté, entreprendra les travaux du seigneur aussi. Les Maîtres et les Maçons recevant chacun leur juste salaire seront fidèles au seigneur et nul ne se montrera envieux de la prospérité d’un Frère ni ne le supplantera, ni ne l’écartera de son travail s’il est capable de le mener à bien ; car personne ne peut achever le travail d’autrui, à l’avantage du seigneur, sans être parfaitement au courant des projets et conceptions de celui qui l’a commencé.

    Quand un Compagnon Maçon est désigné comme Surveillant des travaux sous la conduite du Maître, il sera équitable tant à l’égard du Maître que des Compagnons, surveillera avec soin le travail en l’absence du Maître dans l’intérêt du seigneur ; et ses Frères lui obéiront. Tous les Maçons employés recevront leur salaire uniment, sans murmure ni révolte, et ne quitteront pas le Maître avant l’achèvement du travail. On instruira un Frère plus jeune dans le travail pour que les matériaux ne soient point gâchés par manque d’expérience et pour accroître et consolider l’amour fraternel. On n’utilisera dans le travail que les outils approuvés par la Grande Loge. Aucun manœuvre ne sera employé aux travaux propres à la Maçonnerie ; et les Francs-maçons ne travailleront pas avec ceux qui ne sont pas francs, sauf nécessité impérieuse ; et ils n’instruiront ni les manœuvres ni les maçons non acceptés, comme ils instruiraient un Frère ou un Compagnon.

    f) De la conduite, savoir :

    1. Dans la Loge quand elle est constituée

    Vous ne devez pas tenir de réunions privées, ni de conversations à part sans autorisation du Maître, ni parler de choses inopportunes ou inconvenantes ; ni interrompre le Maître, ou les Surveillants ni aucun Frère parlant au Maître : ne vous conduisez pas non plus de manière ridicule ou bouffonne quand la Loge traite de choses sérieuses et solennelles ; et sous aucun prétexte n’usez d’un langage malséant ; mais manifestez à votre Maître, à vos Surveillants et à vos Compagnons la déférence qui leur est due et entourez-les de respect. Si quelque plainte est déposée, le Frère reconnu s’inclinera devant le jugement et la décision de la Loge, qui est le seul juge compétent pour tous ces différents (sous réserve d’appel devant la Grande Loge), et c’est à elle qu’il doit être déféré, à moins que le travail d’un seigneur ne risque d’en souffrir, dans lequel cas, il serait possible de recourir à une procédure particulière ; mais les affaires maçonniques ne doivent jamais être portées en justice, à moins d’absolue nécessité dûment constatée en Loge.

    2. Après fermeture de la Loge et avant le départ des Frères

    Vous pouvez jouir d’innocents plaisirs, vous traitant réciproquement selon vos moyens, mais en évitant tout excès et en n’incitant pas un Frère à manger ou à boire plus qu’il n’en a envie, en ne le retenant pas lorsque ses affaires l’appellent, en ne disant et en ne faisant rien d’offensant ou qui puisse interdire une conversation libre et aisée ; car cela détruirait notre harmonie, et ruinerait nos louables desseins. C’est pourquoi aucune brouille ni querelle privée ne doit passer le seuil de la Loge, et moins encore quelque querelle à propos de la religion, des nations ou de la politique car comme Maçons nous sommes seulement de la religion mentionnée ci-dessus ; nous sommes aussi de toutes nations, idiomes, races et langages et nous sommes résolument contre toute politique comme n’ayant jamais contribué et ne pouvant jamais contribuer au bien-être de la Loge. Cette obligation a toujours été strictement prescrite et respectée ; surtout depuis la Réforme en Grande-Bretagne, ou la séparation ou la sécession de ces nations de la communion de Rome.

    3. Quand les Frères se rencontrent sans présence étrangère, mais hors d’une Loge constituée

    Vous devez vous saluer réciproquement de manière courtoise, comme on vous l’enseignera, vous appelant mutuellement Frère, échangeant librement les instructions que vous jugerez utiles, sans être vus ni entendus, sans prendre de pas l’un sur l’autre, ni manquer aux marques de respect qui seraient dues à un Frère, s’il n’était pas Maçon : car quoique les Maçons en tant que Frères soient tous sur un pied d’égalité, la Maçonnerie ne prive pas un homme des honneurs auxquels il avait droit auparavant ; bien au contraire, elle ajoute à ces honneurs, spécialement lorsqu’il a bien mérité de la Fraternité qui se plaît à honorer ceux qui le méritent et à proscrire les mauvaises manières.

    4. En présence d’étrangers non-maçons

    Vous serez circonspects dans vos propos et dans votre comportement, pour que l’étranger le plus perspicace ne puisse découvrir ni deviner ce qu’il ne doit pas connaître, et vous aurez parfois à détourner la conversation et à la conduire prudemment pour l’honneur de la véritable Fraternité.

    5. Chez vous et dans votre entourage

    Vous devez agir comme il convient à un homme sage et de bonnes mœurs ; en particulier n’entretenez pas votre famille, vos amis et voisins des affaires de la Loge, etc., mais soyez particulièrement soucieux de votre propre honneur, et de celui de l’ancienne Fraternité, ceci pour des raisons qui n’ont pas à être énoncées ici. Ménagez aussi votre santé en ne restant pas trop tard ensemble ou trop longtemps dehors, après les heures de réunion de la Loge ; et en évitant les excès de chair ou de boisson, afin que vos familles ne souffrent ni désaffection ni dommage, et que vous-même ne perdiez votre capacité de travail.

    6. Envers un Frère étranger

    Vous devez l’éprouver consciencieusement de la manière que la prudence vous inspirera, afin de ne pas vous en laisser imposer par un imposteur ignorant, que vous devez repousser avec mépris et dérision, en vous gardant de ne lui dévoiler la moindre connaissance. Mais si vous le reconnaissez comme un Frère authentique et sincère, vous devez lui prodiguer le respect qu’il mérite ; et s’il est dans le besoin, vous devez le secourir si vous le pouvez, ou lui indiquer comment il peut être secouru : vous devez l’employer pendant quelques jours ou le recommander pour qu’on l’emploie. Vous n’êtes pas obligé de faire plus que vos moyens ne vous le permettent mais seulement dans des circonstances identiques, de donner la préférence à un Frère pauvre, qui est un homme bon et honnête, avant toute autre personne dans le besoin. Enfin, toutes ces Obligations doivent être observées par vous, de même que celles qui vous seront communiquées d’autre manière ; cultivez l’amour fraternel, fondement et clé de voûte, ciment et gloire de cette ancienne Fraternité, repoussez toute dispute et querelle, toute calomnie et médisance, ne permettez pas qu’un Frère honnête soit calomnié, mais défendez sa réputation, et fournissez-lui tous les services que vous pourrez, pour autant que cela soit compatible avec votre honneur et votre sûreté, et pas au-delà.

    Et si l’un d’eux vous fait tort, vous devez recourir à votre propre Loge ou à la sienne, ensuite vous pouvez en appeler à la Grande Loge en assemblée trimestrielle, et ensuite à la Grande Loge annuelle, selon l’ancienne et louable coutume de nos ancêtres dans chaque nation ; n’ayez jamais recours à un procès en justice avec des profanes ou vous inciter à mettre un terme rapide à toutes procédures, ceci afin que vous puissiez vous occuper des affaires de la Maçonnerie avec plus d’alacrité et de succès ; mais en ce qui concerne les Frères ou Compagnons en procès, le Maître et les Frères doivent offrir bénévolement leur médiation, à laquelle les Frères en opposition doivent se soumettre avec gratitude ; et si cet arbitrage s’avère impraticable, ils doivent alors poursuive leur procès ou procédure légale, sans aigreur ni rancune (contrairement à l’ordinaire) en ne disant et en ne faisant rien qui puisse altérer l’amour fraternel, et les bonnes relations doivent être renouées et poursuivies ; afin que tous puissent constater l’influence bienfaisante de la Maçonnerie, ainsi que tous les vrais Maçons l’ont fait depuis le commencement du monde et le feront jusqu’à la fin des temps. »

     

    * * *

    Cette Constitution fut par la suite remaniée deux fois. La première se fit lors de la réédition de 1738, quand la Grande Loge de Londres, devenue Grande Loge d’Angleterre, se trouvait en bute à l’opposition des « Anciens » Maçons. Cette opposition ne s’organisera vraiment qu’en 1751, le 17 juillet, lorsque des Francs-maçons irlandais, refusés par la Grande Loge d’Angleterre, créèrent la Grande Loge des Anciens.

    Devant ces oppositions montantes, Anderson s’attacha à mieux préciser son texte, surtout en ce qui concerne l’article premier.

    Article premier, remanié en 1738 :

    Un Maçon est obligé, de par sa tenure, d’observer la Loi morale, en tant que vrai Noachite ; et s’il comprend bien le métier, il ne sera jamais athée stupide ni libertin irréligieux ni n’agira à l’encontre de sa conscience. Dans les temps anciens, les Maçons chrétiens étaient tenus de se conformer aux coutumes chrétiennes de chaque pays où ils voyageaient ou travaillaient. Mais la Maçonnerie existant dans toutes les nations, même de religions diverses, ils sont maintenant seulement tenus d’adhérer à cette religion sur laquelle tous les hommes sont d’accord (laissant à chaque Frère ses propres opinions) c’est-à-dire d’être hommes de bien et loyaux, hommes d’honneur et de probité, quels que soient les noms, religions ou confessions qui aident à les distinguer. Car tous s’accordent sur les trois grands articles de Noé, assez pour préserver le ciment de la Loge. Ainsi la Maçonnerie est leur Centre d’union, et l’heureux moyen de concilier des personnes qui autrement n’auraient pu que rester perpétuellement étrangères.

     

    Entre 1723 et cette nouvelle rédaction de 1738, d’autres modifications étaient intervenues dans l’évolution de la Maçonnerie, notamment l’apparition du système à trois degrés. Auparavant, il n’était question que des deux degrés d’Apprenti entré et de Compagnon de métier. Il n’y avait de Maître que celui de la Loge (l’actuel Vénérable). Le degré de Maître, séparé de la fonction de Maître de la Loge, apparut en 1725. Par la suite, la légende de la mort d’Hiram, propre à ce troisième degré, prendra le pas dans les rituels sur celle de Noé qui disparaîtra progressivement. C’est d’ailleurs cette allusion à Noé et aux Noachites, que l’on retrouve dans la nouvelle édition de 1738 et qui ressemble assez bien à une concession faite aux Anciens par Anderson. L’allusion à Noé est en effet très ancienne et on la rencontre déjà dans le manuscrit Regius daté de 1390, au passage relatif à la construction de la Tour de Babel. Noé et les Noachites ont également survécu, bien que sous influence prussienne, dans la légende du 21ème degré, Noachite ou Chevalier Prussien, du Rite Écossais Ancien et Accepté (R.E.A.A.).

    Le troisième remaniement des Constitutions d’Anderson intervint en 1813, à la fin de la querelle des Anciens Maçons et des Modernes, qui se concrétisa par la fusion des deux Grandes Loges antagonistes sous l’appellation de Grande Loge Unie d’Angleterre. L’article premier de cette nouvelle Constitution fait une large concession aux Anciens en prenant une tournure nettement déiste, ce qui n’a pas été du goût de tous les Maçons à l’époque et qui reste d’ailleurs toujours sujet à controverses. C’est pourquoi, quand on parle de Constitution en Maçonnerie, on pense généralement 1723.

    Article premier, remanié en 1813 :

    Un Maçon est obligé, de par sa tenure, d’obéir à la loi morale et s’il comprend bien l’Art, il ne sera jamais un athée stupide ni un libertin irréligieux. De tous les hommes, il doit le mieux comprendre que Dieu voit autrement que l’homme, car l’homme voit l’apparence extérieure, alors que Dieu voit le cœur. Un Maçon est par conséquent particulièrement astreint à ne jamais agir à l’encontre des commandements de sa conscience. Quelle que soit la religion de l’homme ou sa manière d’adorer, il n’est pas exclu de l’Ordre, pourvu qu’il croie au glorieux Architecte du ciel et de la terre et qu’il pratique les devoirs sacrés de la morale. Les Maçons s’unissent aux hommes vertueux de toutes les croyances dans le lien solide et agréable de l’amour fraternel, on leur apprend à voir les erreurs de l’humanité avec compassion et à s’efforcer, par la pureté de leur propre conduite, de démontrer la haute supériorité de la foi particulière qu’ils professent »

     

    Source : http://reunir.free.fr/fm/txthisto/-/anderson1.htm


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