• * Les devoirs de l'Apprenti

     Les devoirs de l'Apprenti 

    INTRODUCTION

    A l’issue des quelques mois qu’a duré mon Apprentissage, il m’avait paru opportun de faire le point sur les nombreux devoirs qui nous concernent depuis notre première démarche en vue de notre admission en Franc-maçonnerie. Pendant tout le temps de mon apprentissage, j’en ai sans doute intégré de nombreux, sinon tous, mais d’une manière inconsciente.

    Je m’étais proposé d’élaborer une synthèse relative aux conditions imposées au candidat à l’initiation, aux devoirs du Néophyte et à ceux des Apprentis-Maçons.

    AVANT L’INITIATION

    POSSÉDER UN MINIMUM d'INSTRUCTION ET DE DISPONIBILITÉ

    Au moment où nous avons sollicité notre admission en Franc-maçonnerie, la Loge a vérifié si nous possédions au moins l’instruction indispensable pour comprendre les enseignements maçonniques.

    Chacun de nous commence cependant à comprendre que ces «enseignements maçonniques» sont spécifiquement incommunicables, qu’ils naissent de l’ésotérisme de nos symboles au contact de notre pensée et qu’ils s’installent dans notre psychisme, s’étendent ou s’arrêtent au gré de nos efforts.

    Nos Frères se sont également enquis de notre disponibilité et nous avons compris depuis ce moment que nous devrions effectivement faire preuve de disponibilité en permanence. Cet état d’ouverture d’esprit et d’accueil, cette assiduité aux Tenues et aux séminaires supposent que nous prenions du temps sur celui de notre vie profane.

    DES DEVOIRS AVANT DE COMMENCER

    Au seuil du Temple, nos Frères – parrains et enquêteurs – ont également voulu s’assurer que nous avions bien conscience de quelques obligations que nous devions remplir pour pouvoir être considérés comme « initiables ».

    C’est pourquoi, enfermé par deux fois dans le Cabinet de réflexion, le Récipiendaire que nous avons tous été, a été invité – la 1ère fois – à répondre à trois questions sur ses devoirs et – la 2ème fois – à rédiger son « Testament philosophique ». 

    I.  LES TROIS QUESTIONS  AU SEUIL DU TEMPLE     

    Comme celle d’un navigateur au milieu de l’océan, là où l’origine et la destination sont hors de vue, cette démarche nous a permis de faire le point. Il nous a fallu dire où nous voulions aller et quelle route nous estimions devoir suivre.

    Ces trois questions ont varié selon les temps et les lieux, selon les rites et les époques.

    Jadis, les trois questions posées au profane étaient :

    1.    « Qu’est-ce que l’homme doit à Dieu ? »,

    2.    « Qu’est-ce que l’homme se doit à lui-même ? »

    3.    « Qu’est-ce que l’homme doit aux autres ? ».

    1. DES DEVOIRS ENVERS DIEU ?

    Dans son évolution, la Maçonnerie, du moins dans certaines obédiences, a remplacé l’interrogation du devoir envers Dieu par celle du devoir envers la Patrie. Mais était-ce opportun si l’on songe que la Maçonnerie est universelle, répandue sur toute la terre habitée ? La patrie du Maçon n’est-elle pas la Terre entière et non seulement le lieu où il est né ou la collectivité dans laquelle il s’est développé ? Quant à Dieu, la Maçonnerie moderne l’a remplacé par le « Grand Architecte de l’Univers ». Dans notre Obédience, il nous est  demandé d’accepter de travailler à la gloire de Celui-ci.

    Je m’interroge sur l’opportunité de ces questions. N’y en a-t-il pas d’autres qui pourraient utilement et davantage éclairer la Loge sur nos conceptions philosophiques : «D’où venons-nous ? » «Que sommes-nous ? » «Où allons-nous ?» dans lesquelles on retrouve le ternaire « passé, présent, avenir ».

    2. DES  DEVOIRS ENVERS SOI-MÊME

    « Quels sont vos devoirs envers vous-même ? » est la seule question qui ait été posée en tous lieux et en tout temps. La plupart des initiés avouent au moins implicitement venir chercher dans la Franc-maçonnerie quelque chose de plus haut et de noblement pressenti. Mais il faudrait qu’ils découvrent ce « quelque chose »  lorsque leur heure viendra. Les jeunes initiés ne devraient donc pas limiter leur ambition à la seule pratique de la solidarité et de la fraternité.

    ETRE SINCÈRE 

    L’homme se doit à lui-même et avant tout d’être sincère. Cela semble plus difficile qu’il ne paraisse de prime abord car l’homme se plaît généralement à revêtir plusieurs personnalités. Comme un acteur aux rôles multiples, son attitude est souvent différente envers chaque personne qu’il rencontre ou qu’il côtoie. Parfois la simplicité pour certains n’est plus possible car ils sont pris dans un monde factice qu’ils ont créé de toutes pièces. La sincérité qui nous est demandée implicitement à nous montrer tel que nous sommes est une des conditions primordiales qui rendront valable ou non notre Initiation.

    APPRENDRE A SE CONNAITRE 

    Le premier chemin que nous indique le rituel de l’Initiation maçonnique au grade d’Apprenti est le chemin à suivre pour rejoindre notre temple intérieur, là où nous pouvons nous retrouver et nous épanouir. Nous découvrons aussi que le Fil à plomb nous incite à descendre au plus profond de nous-même pour y découvrir ce que nous sommes vraiment. Plus tard, une fois en bas, par le même fil, nous pourrons, en sens inverse, nous élever vers la Lumière.

    Pour tirer profit de la taille de notre pierre brute, ayons, à l’égard de l’enseignement procuré par les rituels, un comportement à la fois critique et bienveillant. Les textes, véhicules de cet enseignement, sont pétris, eux aussi, dans les préjugés et les prêts-à-penser à la mode du temps de leur rédaction mais ils contiennent également des formules éclairantes et stimulantes, utiles à qui souhaite l’éveil. A nous de les découvrir, de les analyser, de les méditer pour ensuite agir.

    3. ETRE  BIENVEILLANT ENVERS LES AUTRES

    Lorsque je me trouvais dans le Cabinet de réflexion, il m’a paru plus aisé de répondre à la question : « Qu’est-ce que l’homme doit aux autres ? »  Pourtant l’altruisme inclus dans cette question est d’une application assez délicate. Certes, le Maçon a des devoirs précis envers lui-même, mais il en a d’autres et de plus impérieux envers les autres. Il doit savoir manier la Truelle à bon escient et ce n’est pas une tâche facile.

    La Truelle, c’est cet outil qui réunit, qui fusionne et qui unifie. C’est donc essentiellement l’emblème des sentiments de bienveillance éclairée, de fraternité universelle et de très large tolérance qui distinguent le véritable Maçon.

    Le Franc-maçon doit donc être « bienveillant », sans pourtant aller jusqu’à la faiblesse qui excuse indistinctement toutes les fautes.

    II. LE RAPPEL DE NOS DEVOIRS AVANT DE COMMENCER A TRAVAILLER

    Aujourd’hui, avec un peu de recul,  il me paraît sain que la Loge nous rappelle à nos devoirs parce que ceux-ci fondent notre dignité et parce que la dignité et la liberté sont consubstantielles. En outre, les droits et les devoirs sont inséparables. L’homme libre connaît et assume les devoirs correspondant à ses droits.

    Les réponses généralement fournies par les Récipiendaires sont souvent destinées à rassurer la Loge et traduisent un moralisme assez plat. Ce n’est cependant pas la faute des candidats : la société leur a appris à se conformer à un modèle obligatoire. Elle ne leur a pas assez appris à réfléchir. Ils ne connaissent que les réponses qui leur ont été soufflées depuis qu’ils sont tout petits !

    « Dans le monde profane d’où ils viennent, les questions servent de combustible aux réponses, nous dit Daniel Béresniak. Ce fait justifie l’existence d’un lieu où se pratique l’Art Royal. En ce lieu, ce sont les réponses qui servent de combustible aux questions ». 

    LES DEVOIRS GÉNÉRAUX DE L’INITIE

    Nous qui avons été reçus Maçons selon les formes traditionnelles, comprenons bien que nous n’avons pas acquis, par ce seul fait, les qualités qui distinguent le penseur éclairé de l’homme inintelligent. La cérémonie de Réception est une mise en scène d’un programme que nous devons suivre pour entrer en pleine possession de toutes nos facultés. 

    MÉDITER

    Notre premier devoir est donc de méditer les enseignements du rituel afin d’y conformer notre conduite. C’est là notre devoir par excellence. Ce seul devoir comprend tous les autres. Mais quels sont-ils ? Rappelons-nous les prescriptions plus précises contenues dans l’obligation que nous avons prêtée :

    • nous taire devant les Profanes 

    • chercher la Vérité 

    • vouloir la Justice 

    • aimer nos Frères 

    • nous soumettre à la Loi

    ETRE DISCRET

    Lors de chaque Tenue, nous nous tenons sur la Colonne du Nord car nous ne pouvons encore soutenir qu’une faible lumière. Nos intelligences ont besoin d’être préparées à recevoir LA Lumière : une clarté trop brusque nous aveuglerait et ne nous éclairerait point.

    Jeunes Maçons, nous devons donc nous montrer très réservés. Tout prosélytisme intempestif nous est interdit. Chercher à étonner en exposant des idées trop audacieuses est essentiellement antimaçonnique.

    S’interdire de parler pour s’astreindre à écouter, est une excellente discipline intellectuelle si nous voulons apprendre à penser. Les idées mûrissent par la méditation silencieuse. Celle-ci est une conversation avec nous-mêmes.

    Les opinions raisonnées résultent de débats intimes qui s’engagent dans le secret de notre pensée.

    « Le sage, nous dit Oswald Wirth, pense beaucoup et parle peu ».

    Il convient donc que nous soyons attentifs à ne heurter aucune conviction sincère, que nous écoutions chacun avec bienveillance, sans faire parade de notre manière de voir. Nous avons à former notre opinion. Aussi, sachons écouter les avis les plus contradictoires. Apprenons à juger sans parti pris afin de devenir des penseurs indépendants, des libre-penseurs dans le vrai sens du mot.

    Dans son sens maçonnique, la discrétion implique un devoir de réserve et de silence mais surtout de ne pas dévoiler nos Frères, de ne pas révéler les détails de nos rituels, le caractère sacré de nos Tenues par ailleurs difficilement communicable.

    PRATIQUER LA TOLÉRANCE

    Dans toutes les opinions exprimées se rencontre une part de vrai. Nul ne peut se flatter de posséder la vérité parfaite. Nous devrions donc être indulgents et ne pas demander à chacun de voir les choses comme nous-mêmes. Les manières de voir divergentes qui se font jour sont toutes également respectables lorsqu’elles émanent de personnes sincères. Elles expriment la vérité sous différents aspects en raison des multiples points de vue d’où elle est susceptible d’être envisagée.

    Nos intelligences sont faibles. Elles ne s’approchent de la Vérité que par étapes. Aussi, gardons-nous de procéder par affirmations, par des formules toutes faites ou par dogmes car rien n’est plus contraire à l’esprit maçonnique.

    Ne cherchons pas à imposer notre manière de voir mais amenons les autres à découvrir ce que nous avons trouvé nous-mêmes. Pensons et faisons penser.

    ETRE A LA RECHERCHE DU VRAI

    L’enseignement maçonnique ne comporte ni dogme ni credo d’aucune sorte. Chacun d’entre nous est appelé à construire par lui-même l’édifice de ses propres convictions. C’est dans ce but qu’il est initié à la pratique de l’Art de la Pensée. Cet art s’exerce sur des matériaux qu’il faut dégrossir. En d’autres termes, il s’agit d’élaguer les erreurs qui défigurent la Vérité. Celle-ci, qui est partout mais cachée, ne demande qu’à être extraite de tout ce qui est faux et superstitieux.

    Ne repoussons donc rien a priori car le véritable ami de la vérité ne saurait être un esprit borné. Au contraire, ce doit être une intelligence largement ouverte à toutes les idées susceptibles de provoquer une modification des convictions présentes. Celui qui a ses idées arrêtées et qui tient à les conserver n’est pas un homme de lumière et de progrès.

    En tant qu’Apprenti je pense m’être déjà souvent approché de l’enseignement maçonnique en consultant tel ou tel ouvrage, tel ou tel auteur, et j’ai souvent rencontré des réponses différentes pour les mêmes questions. Souvent je risquais de choisir la réponse qui me convenait le mieux et d’exclure de ce fait les autres.

    Si j’avais été pressé de découvrir des repères, j’aurais risqué d’oublier de m’interroger sur les raisons de ce choix, de regarder les relations entre mes désirs personnels et les idées qui me plaisaient. J’aurais donc oublié d’étudier la relation entre le subjectif et l’objectif.

    Dans ces circonstances, le symbolisme que j’aurais cru pratiquer aurait alors été vécu comme la mémorisation de vérités absolues formulées une fois pour toutes, ce qui aurait figé et desséché mon esprit.

    Quelle attitude pourrions-nous adopter  lorsque nous, les Apprentis, nous nous trouvons dans une telle situation ?

    Pour que l’étude du symbolisme stimule notre esprit en réunissant toutes ses facultés, il me semble qu’il faut admettre que toutes les réponses obtenues peuvent être acceptables. Ces réponses ne s’annulent pas mais pourraient par exemple se superposer à la manière de couches sédimentaires. Les réponses seraient alors analogues aux pièces d’un puzzle.

    Mais cette métaphore du puzzle me paraît encore insuffisante car elle suggère une image figée. Or, chaque réponse se présente comme un éclairage possible et chaque éclairage participe à la lumière mais sans jamais être à elle seule toute la lumière.

    Personnellement, lorsque je me trouve en présence de plusieurs réponses à un problème, je tente d’en faire une synthèse en tenant compte de l’évolution possible entre les réponses, car bien souvent elles ont été émises à des époques et dans des contextes socioculturels très différents.

    En conséquence, si nous voulons tirer le meilleur profit du symbolisme, il me semble que nous devrions collectionner des réponses et les comparer car la comparaison permet de construire du sens.

    SOUS LA LOI DU SILENCE

    « Retirons-nous sous la loi du silence… » nous rappelle le rituel du Rite moderne. C’est-à-dire qu’il convient de ne pas enfreindre la loi du silence ! Tout d’abord, un Maçon doit s’abstenir de toute divulgation susceptible de porter préjudice à la Franc-maçonnerie ou à ses membres. Ainsi, nos moyens de reconnaissance doivent faire l’objet du secret le plus absolu. De plus, en dehors de la Loge, il nous est également interdit de parler des rites qui se pratiquent au sein des loges maçonniques. Enfin, en principe, il nous est interdit de prendre la parole en loge. Si nous pensons avoir une communication importante à faire, le Second Surveillant doit nous « couvrir ».

    Ce n’est qu’à la faveur de ce long silence que nous pourrons faire cet indispensable retour sur nous-même qui nous affranchira définitivement de l’influence pernicieuse de notre existence antérieure et nous fera découvrir, en même temps, que la Lumière que nous sommes venus chercher dans le Temple se trouve déjà en nous.

    ETRE ASSIDU

    On fait souvent de l’assiduité une obligation. Mieux, c’est une discipline, comme la mise à l’ordre, la marche, les batteries et la prise de parole. Nous ne venons pas en Loge parce que nous sommes simplement intéressés par ce qui s’y passe ou ce qui s’y dit : ce serait une erreur. Si la fréquentation de la Loge semble une obligation, c’est pour que s’y forge la fraternité, pour que s’élabore une relation complexe entre des hommes rassemblés par un désir commun, une volonté partagée et inspirés par une même aventure spirituelle. La fréquentation de la Loge est avant tout liée au travail : certains se font chercheurs, d’autres assument la responsabilité de la transmission, d’autres encore se soucient des ressourcements nécessaires, d’autres enfin plongent sans doute dans le mystère de la méditation.

    L’assiduité, c’est notre présence régulière aux Tenues comme aux séminaires. Elle est primordiale car, pour progresser, il me paraît indispensable de suivre un rythme de travail et de rencontres. Sans assiduité, le travail à opérer sur soi-même me semble difficile car il implique le concours et l’aide de nos Frères.

    TRAVAILLER 

    Alors que j’étais encore profane, j’avais déjà pressenti l’importance du Travail maçonnique sans toutefois en percevoir la nature exacte. Lors de mon Initiation, j’ai promis de travailler avec zèle, constance et régularité.

    A chaque Tenue, l’idée de  « travail » est formulée de nombreuses fois :

    • Mes Frères, le V:. M :. nous appelle au travail !

    • … j’ouvre les Travaux d’Apprentis…

    • … un Apprenti-Maçon qui demande à participer aux Travaux de cette Loge…

    • …pour travailler la pierre brute…

    • … le nouvel Apprenti a commencé son travail.

    • A quelle heure les Apprentis Maçons ont-ils coutume de clore leurs Travaux ?

    Mais en quoi consiste le travail maçonnique ?

    Le Travail maçonnique ne consiste nullement en des exposés plus ou moins brillants, compilés ou provocateurs, qui mettent en valeur l’élocution ou l’érudition d’un Frère. Le travail maçonnique, c’est l’intériorisation des pratiques, des actes accomplis en Loge ; c’est la méditation sur les symboles et le rituel.

    Le Travail maçonnique se partage. Les Frères y participent d’une manière enthousiaste. Ils reçoivent un salaire et des augmentations de salaire car le chantier est ouvert depuis longtemps et restera encore ouvert longtemps, tant que la Franc-maçonnerie existera.

    Le «travail» ainsi annoncé est en réalité cette transformation qui s’accomplit en chacun d’entre nous par la recherche de l’équilibre entre l’individu et le groupe que constitue la Loge.

    Si, pour les chrétiens, le travail est un châtiment («Tu gagneras ta vie à sa sueur de ton front… »), la Maçonnerie est établie par contre sur la notion de métier. Dans les pays anglo-saxons, notre Ordre est en effet désigné par le terme « craft » qui signifie précisément « le métier ».

    La conception chrétienne paraît difficilement conciliable avec la conquête de la nature, avec la maîtrise des choses, avec la domination sur l’Univers, qui, cependant, est aussi une vocation de l’humanité, exprimée dans l’Ancien Testament.

    Le mot « travail », quand il est pris dans sa pleine acceptation d’activité humaine, et non dans le sens dérivé de supplice, apparaît comme l’attribut fondamental de l’humanité.

    Sans l’activité, sans l’action, l’homme ne connaîtrait pas, l’homme ne pourrait pas s’élever au-dessus de lui-même. L’action est donc le facteur de développement par excellence.

    Le Travail maçonnique est en fait l’activité de l’homme en soi, la conquête de son identité, la maîtrise de ses passions, la reconnaissance de ses faiblesses et de ses vertus.

    PRATIQUER LA FRATERNITÉ 

    Il me semble aussi de la plus haute importance de contribuer par tous nos moyens à resserrer les liens qui unissent les Maçons, en commençant par ceux de notre Respectable Loge en premier lieu, par ceux de notre Obédience ensuite. Car, en Maçonnerie, l’union n’est pas l’effet d’une discipline imposée. L’union entre tous les Maçons ne peut naître que de l’affection que ressentent les uns pour les autres.

    PRATIQUER L’ALTRUISME 

    Sans l’action, la vie ne diffère en rien de la mort. Vivre oisif, ce n’est pas vivre, c’est végéter. Ne s’occuper que pour soi, c’est ne vivre qu’à demi. S’intéresser au bonheur universel des hommes, à commencer par celui de ceux qui nous sont les plus proches, et agir en conséquence, c’est véritablement vivre et sentir que l’on vit. Trop souvent le profane travaille pour vivre, alors qu’il appartient au vrai sage de vivre pour travailler. Tentons donc de nous comporter en sages !

    RESPECTER LA LOI 

    Au-dessus des lois conventionnelles, il est une Loi idéale, écrite dans le cœur des hommes de bien. C’est à cette règle souveraine que l’Initié se soumet sans réserve. Quant aux lois positives, souvent bien imparfaites, elles n’en sont pas moins respectables. Elles constituent l’élément fondamental de toute civilisation. Elles tentent de garantir contre l’arbitraire, d’assurer l’ordre et de s’imposer comme sanction nécessaire du pacte social.

    L’Initié doit donc se soumettre aux lois, même si elles lui donnent parfois l’impression d’être injustes. Il s’incline devant la volonté générale, même lorsque celle-ci se trompe. Ainsi, Socrate avait préféré boire la ciguë plutôt que de se soustraire à l’arrêt légal, mais inique, qui le frappait.

    « Les Francs-maçons se soumettent scrupuleusement à la législation de tous les pays où il leur est permis de se réunir librement », nous dit Oswald Wirth. « Ils ne conspirent contre aucune autorité légalement constituée. Leur action humanitaire ne peut donc porter ombrage qu’aux gouvernements qui ont conscience d’avoir contre eux le droit ».

    « En ce qui concerne la loi maçonnique, les Maçons en observent surtout l’esprit. Ils préconisent une ligne de conduite qui a pour elle l’autorité d’une longue expérience. Mais il ne faut jamais perdre de vue que les prescriptions réglementaires s’adressent à des hommes qui pensent et qui se dirigent selon la logique. Pour le Penseur, la Raison reste la loi suprême contre laquelle aucune stipulation écrite ne saurait être invoquée. L’Initié jouit d’une entière liberté, parce qu’il est pleinement raisonnable et que, par suite, il ne peut faire qu’un bon usage de sa volonté. C’est en ce sens que le Maçon doit être libre dans la Loge libre ». 

    PRATIQUER LA BIENFAISANCE 

    Lorsque chacun d’entre nous a appris qu’il venait d’être définitivement admis dans la Franc-maçonnerie, il a été invité à entrer dans la Chaîne d’union des Maçons. Cela n’était cependant possible qu’en faisant avec eux acte de solidarité par la participation aux œuvres de bienfaisance de l’Ordre. Chacun fait un don volontaire qu’il proportionne à ses moyens et dont la valeur reste cachée.

    C’est avec tact et discrétion que nous devons aider nos Frères. Ils ont tous droit à notre protection, à notre aide. Citons encore Oswald Wirth : « La bienfaisance est de pure justice car ceux qui manquent du nécessaire sont les créanciers de ceux qui jouissent du superflu ».

    La bienfaisance doit s’accomplir comme un devoir de solidarité mais sans jamais fournir de prétexte à des actes de vanité ou d’ostentation qui seraient sources d’orgueil pour celui qui donne et d’humiliation pour celui qui reçoit.

    Tous nous pouvons être utiles les uns aux autres. Chacun a besoin de tous. Il me semble que celui qui refuserait de secourir son semblable s’exclurait lui-même de la communion des Initiés par ce seul fait.

    RÉAGIR, DEVENIR HOMME « LIBRE » 

    L’Initié doit découvrir qu’il est entré en Franc-maçonnerie pour apprendre à réagir. Il désire devenir un homme « libre », un homme qui agit selon sa propre voie. L’homme libre est l’idéal du moi proposé par la voie « initiatique ». Celle-ci associe l’introspection à la pédagogie. Elle conduit en principe à une transformation de l’être. Pour y parvenir, celui qui s’engage dans cette voie pratique le symbolisme.

    PRATIQUER LE SYMBOLISME 

    Pratiquer le symbolisme est aussi un de nos devoirs. C’est regarder tout ce qui existe comme une grande écriture chiffrée. C’est penser la pensée et parler du langage. Comme l’indique le mot, le symbole est un ensemble qui réunit plusieurs éléments, de manière à ce que le tout soit plus et autre chose que la somme des parties.

    ETUDIER LES SYMBOLES 

    L’étude des symboles maçonniques et l’étude maçonnique des symboles n’ont rien à voir avec une mémorisation de « paroles de maîtres » dont la finalité serait alors une mise en conformité avec une représentation générale du monde obligatoire. L’enjeu de l’approche du symbole est l’éveil de facultés endormies justement par l’apprentissage de la conformité dans le monde profane.

    RECHERCHER LA VÉRITÉ 

    La vérité est un rapport et non une chose en soi. La vérité du texte, c’est ce que le texte révèle sur soi-même. Comment et pourquoi je réagis positivement ou négativement relativement au texte ? Telle est la question à se poser pour tirer profit d’un texte et avancer dans l’Art.

    PRATIQUER LA RECTIFICATION 

    C’est le moment de se rappeler la présence des lettres « V.I.T.R.I.O.L. » dans le Cabinet de réflexion, lors de l’Épreuve de la Terre, de se souvenir de sa traduction et de dégager le sens profond des quatre dernières lettres : «En rectifiant, tu trouveras la pierre cachée».

    La rectification est une remise en question de ce qui semble acquis, une interrogation sur le processus de la pensée, une révision des outils de la pensée. Elle met en route la quête d’ordre épistémologique, laquelle fait une pause dans la poursuite du vrai et substitue à la question « qu’est-ce qui est vrai ? » la question « pourquoi et comment je cherche du vrai ? ». La question ainsi rectifiée permet de reposer plus clairement la question d’origine. Enfin la rectification rappelle que chercher la vérité, c’est observer, supposer, généraliser et corriger sans cesse.

    DÉCOUVRIR LE SENS DE L’INITIATION

    Au cours de la première période de notre vie maçonnique, nous devrions découvrir, comme minimum de vérité, le sens de notre Initiation. Nous devrions nous rendre compte que l’idée que l’homme se fait de l’univers n’est relative qu’à lui-même, puisqu’il n’a pu l’édifier que par le truchement de sensations.

    Perçues par contrastes, ces sensations nous amènent à construire des idées qui varient d’un individu à l’autre : chacun s’est ainsi fait sa conception personnelle de l’univers et nous pouvons nous rendre compte qu’il n’existe pas de vérité intégrale, absolue, démontrée. Chaque individu dispose donc d’un aspect de vérité dont il pourrait toujours trouver la contrepartie.

    Mais la Vérité que nous venons chercher dans le Temple ne peut résider autre part que dans un « troisième terme » qui réalisera pour nous l’équilibre entre les contrastes et nous soustraira désormais au danger des généralisations unilatérales et hâtives.

    Entièrement soumis à l’influence de nos sensations matérielles, il convient avant tout de les spiritualiser afin de donner à notre mode de pensée une impulsion qui nous pousse vers le travail spéculatif, seul capable de nous permettre ensuite de réaliser les synthèses qui sont la finalité de l’Initiation.

    APPRENDRE LE SENS DE L’ACTION

    Au contact de notre Second Surveillant nous devrions apprendre « le sens de l’action ». Guidés par ce Maître en particulier, parfois aussi éclairés par d’autres Maîtres de la Loge, armé du Maillet et du Ciseau, chacun d’entre nous doit entreprendre son rude travail : le dégrossissement de la pierre brute.

    TIRER PROFIT DE LA TAILLE DE LA PIERRE BRUTE 

    Pour tirer profit de la taille de la Pierre brute, il nous faut adopter un comportement à la fois critique et bienveillant.

    « Tailler sa pierre, nous dit Daniel Béresniak, c’est la remettre en cause, la regarder comme « à être ». C’est donc reconnaître la légitimité du devenir ».

    La finalité du travail consiste dès lors à comprendre comment les opinions surgissent dans notre conscience. Se débarrasser de ses préjugés, ce n’est pas les rejeter a priori et en adopter d’autres. Pour se débarrasser des préjugés, se dépouiller des métaux selon l’expression symbolique, il nous faut comprendre comment les préjugés surgissent et s’établissent.

    Jules Boucher  nous rappelle notre objectif : « La pierre cubique, l’hexaèdre, c’est le chef-d’œuvre que l’Apprenti doit s’efforcer de réaliser ».

    EN GUISE DE CONCLUSION PROVISOIRE

    A présent que nous faisons partie de la grande famille maçonnique, ne croyons pas que tout est fini et qu’il nous est loisible de reprendre notre vie de profane là où nous l’avons laissée !

    En effet, si l’Initiation au premier des trois degrés de la Maçonnerie symbolique ne nous confère que fort peu de droits, elle nous astreint par contre, comme j’ai tenté de le montrer dans cette réflexion, à de nombreux devoirs.

    En quelque circonstance que ce soit, un Maçon se doit à lui-même de ne pratiquer que la tolérance, de ne priser que la vertu et de ne respecter que l’intelligence et le talent. Tels sont les devoirs rigoureux que nous avons assumés vis-à-vis de nous-même pour nous rendre dignes de la confiance que nos Frères ont mise en nous.

    Notre Constitution nous enjoint « d’étendre à tous les membres de l’humanité les liens fraternels qui unissent les Francs-maçons sur toute la surface du globe ». Elle nous recommande aussi « la propagande par l’exemple ».

    Nous avons prêté un serment solennel et juré de mettre en pratique, en toutes circonstances, la grande loi de solidarité humaine qui est la doctrine morale de la Franc-maçonnerie. Nous avons juré de pratiquer l’assistance envers les faibles, la justice envers tous et la dignité envers nous-mêmes.

    La relativité est l’essence même de la vie. Aussi ne croyons jamais aux vérités absolues. Rappelons-nous, par exemple, que les lois scientifiques ne sont qu’un instantané du relatif pris dans un point du temps et de l’espace. De même, ne nions jamais rien avec véhémence car peut-être n’avons-nous pas compris ce qui nous semble faux. Aussi, fuyons autant les dogmes que le sectarisme.

    Comme l’écrivit le grand Littré dans son Travail d’Apprenti qu’il présentait à ses Frères en 1876 : « Le principal devoir de l’homme envers lui-même est de s’instruire ; le principal devoir de l’homme envers ses semblables est de les instruire ».

    C’est donc par l’accomplissement strict de nos devoirs envers nous-mêmes que nous nous rendrons aptes, un jour, à collaborer utilement au Grand Œuvre de l’Ordre maçonnique.  

    * Les devoirs de l'Apprenti

    Planche tracée lorsque j'étais Apprenti

    R:. F:. A. B.

    Bibliographie

    Béresniak Daniel - Rites et Symboles de la Franc-maçonnerie

    Tome I : « Les Loges Bleues » - Editions Detrad, Paris, 1997 - Pages 39, 100, 138

     

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade de Compagnon

    Editions Edimaf, Paris, 1986 - Pages 34 à 37

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995 - Pages 204 à 206

     

    Login J.P. - Le Compagnon

    Editions Detrad, Paris, 1994 - Pages 65 & 66

     

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail en chambre de Compagnons

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 119 à 121

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    2ème partie : le Compagnon - Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 107 à 114


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