•  Le chandelier à trois branches  

    * Le chandelier à trois branches

     

    Introduction

    Le nom des différents flambeaux dont nous nous servons dans la Loge ne nous est plus tout à fait inconnu. Outre les luminaires qui brillent au sommet des trois Grands Piliers (Sagesse, Force et Beauté) qui entourent le Carré long au centre de la Loge, nous connaissons aussi l’expression « Trois Frères porteurs d’étoile » lorsqu'il s’agit d’organiser l’entrée solennelle d’une autorité maçonnique importante. Nous n’ignorons pas non plus que, tout près du Vénérable Maître, il y a un Chandelier que le Frère Maître des Cérémonies allume lors de l’Ouverture des Travaux et éteint lors de leur Clôture. Au Premier degré, celui d’Apprenti, ce Chandelier a trois cierges allumés.

    Rappelons, si nécessaire, qu’un chandelier est un objet dont la fonction est de servir de support à des bougies. En général, chaque « bras » accueille une bougie dont la base, moulée en creux, coiffe la pointe de ce bras. D'autres modèles de bras de chandelier maintiennent la bougie par une sorte de bague dans laquelle vient se ficher la base de celle-ci. Le chandelier, qui est un objet traditionnel de culte, est souvent en métal. Au temps de Moïse, il était déjà présent dans la Tente de la Réunion, au désert. Il avait été confectionné sur l’ordre de Dieu, afin de faire briller perpétuellement sa lumière dans le lieu saint. Mais sa présence n’avait pas seulement une utilité pratique. Il était avant tout un symbole, dont la signification se développera tout au long de l’histoire du peuple juif.

    Quelle est la place correcte de ce Chandelier à trois branches qui décore généralement le plateau du Vénérable Maître ? Quelle est la place de ce symbole dans la Loge ? Quelle est sa place dans l’ensemble des symboles ? Quel est le symbolisme de cet objet rituel ? Comment peut-on interpréter le sens de la plupart des sources de lumière dans la loge ? Telles sont les questions que je me pose, mais je ne pourrai sans doute pas répondre à toutes dans cette planche.

    Présence de la Lumière dans la Loge

    Symboliquement, de tout temps, la lumière a été considérée par essence comme source de vie. Elle est la clarté qui s'oppose à l'obscurité. De nombreuses religions et autant de courants de pensée en ont fait l'expression de la puissance divine.

    Le mot « Lumière » est apparemment devenu synonyme :

    • de force divine pouvant être transmise à l'homme,

    • de connaissance, de spiritualité,

    • de révélation dont tout individu peut acquérir les bienfaits à condition qu'il la reconnaisse et s'engage à sa recherche dans une voie d'étude et de respect.

    Dans cette optique, il était inévitable que la lumière prît une place particulière dans l'univers maçonnique. Chaque Rite, dans ses pratiques quotidiennes, pare la lumière des nuances qui lui conviennent.

    LUMINAIRES et CANDÉLABRES

    Dans le langage profane, le mot « luminaire » désigne tout appareil d'éclairage, les lampes, les cierges utilisés notamment dans le culte chrétien, mais aussi le Soleil ou la Lune.

    Dans le langage maçonnique, le mot « luminaire » désigne trois éléments distincts :

    • ce sont d'une part le Soleil et la Lune, encore appelées « Etoiles » ;

    • ce sont d'autre part les flambeaux, ces flammes par lesquelles la Loge doit être symboliquement éclairée, ces chandeliers disposés dans la Loge dont les bougies ne doivent jamais être soufflées lorsqu'on les éteint !

    La notion de luminaire se rattache ainsi à tout ce qui tient à la lumière. Or, dans le monde maçonnique, la lumière joue un rôle fondamental.

    Un candélabre est une source de lumière, fixe, dont la fonction est d'éclairer la Loge. Il ne faut pas confondre le candélabre avec les autres sources lumineuses que sont le flambeau ou l'étoile qui, pour leur part, sont investis d'une valeur et d'un rôle symboliques.

    LES CIERGES

    La Loge – dans le sens de Temple maçonnique – ne devrait être éclairée que par des cierges, et seulement trois au Premier degré.

    Au degré d'Apprenti, il ne faudrait idéalement que trois cierges dans la Loge : leur rôle serait de marquer la place du Vénérable Maître et celle des deux Surveillants. Ces trois Officiers auraient ainsi chacun un chandelier sur leur plateau. C’est assez logique : nous serions en présence de trois lumières, ce qui devrait nous rappeler que nous travaillons au Premier degré, caractérisé par le Nombre Trois.

    Avant l'Ouverture des Travaux, seule la place occupée par le Vénérable Maître présenterait un cierge allumé. Lors de l’Ouverture des Travaux, le Vénérable Maître « donne la lumière » aux deux Surveillants, par l’intermédiaire du Frère Maître des Cérémonies.

    Munis du flambeau que leur tend le Frère Maître des Cérémonies, le Vénérable Maître et les deux Surveillants allument les cierges placés au sommet des Piliers qui leur sont attribués, « Sagesse », « Force » et « Beauté ».

    Les cierges surmontant les trois Piliers situés au centre de la Loge étant allumés, le Frère Maître des Cérémonies transmet ensuite la lumière destinée au plateau respectif de chacun des deux Surveillants.

    Quelques-unes de nos Loges régulières travaillent ainsi.

    Mais ce n’est pas toujours le cas. Ainsi, au Rite moderne, nous pouvons aussi observer, dans certaines Loges, la présence d’un Chandelier à trois branches surmontées de trois cierges, disposé sur le plateau du Vénérable Maître, tandis que les Frères Surveillants n’en disposent pas. C’est tout aussi logique puisque le symbolisme du Nombre Trois est ainsi respecté.

    Il y a alors six lumières dans le Temple, six cierges qui doivent brûler pendant toute la durée de la Tenue : trois sur le plateau du Vénérable Maître et trois au sommet des Piliers situés aux angles du Carré long.

    Au moins une Loge travaillant au Rite moderne ne respecte pas cette disposition : un Chandelier à trois branches sur le plateau du Vénérable Maître et un cierge à la « stalle » de chaque Surveillant. Ceci porte à cinq le nombre de bougies allumées, ce qui n’est pas logique par rapport au symbolisme du Nombre Trois omniprésent au Premier degré.

    La Lumière ne peut provenir que de l’Orient. C’est pourquoi, à l’Ouverture des Travaux, le Frère Maître des Cérémonies apporte un boutefeu au Vénérable Maître qui l’allume au cierge central du Chandelier, le seul allumé à cet instant. La lumière est ensuite transmise successivement au Pilier « Sagesse » par le Vénérable Maître, au Pilier « Force » par le Premier Surveillant, et au Pilier « Beauté » par le Second Surveillant.

    En ramenant le Vénérable Maître à l’Orient, le Frère Maître des Cérémonies allume les deux cierges extérieurs du Chandelier. Puis, en ramenant les Frères Surveillants à leur stalle, il allume les deux cierges qui s’y trouvent.

    Cette Loge a ses habitudes, ses usages, ses traditions qui ont certainement un sens qui nous échappe actuellement mais nous nous devons de respecter cette pratique.

    Si un cierge venait à s’éteindre incidemment, le Frère Maître des Cérémonies ne peut en aucun cas le rallumer avec un briquet ou des allumettes. La lumière doit toujours être recherchée à l’Orient. Il doit donc reprendre le boutefeu, aller l’allumer au cierge central du Chandelier à trois branches puis ranimer le cierge qui s’est éteint.

    Il ne faut jamais éteindre les cierges en soufflant. La Loge dispose d’éteignoirs pour couvrir toute flamme qui doit être éteinte.

    Approche du symbolisme du Chandelier et de ses cierges

    Le Chandelier – en général – est symbole de lumière spirituelle, de semence de vie et de salut.

    Le Rite Écossais Rectifié considère le Chandelier à trois branches comme l'emblème de la triple Puissance du Grand Architecte de l'Univers.

    Mais pour aller plus loin dans cette voie, il nous faut aussi prendre en considération les cierges qui le surmontent. Car le cierge participe de deux symboliques : celle du feu et celle de la lumière.

    Le symbolisme du feu

    Le feu a de tout temps été considéré comme un des éléments de base qui constituent la vie, au même titre que l'air, l'eau ou la terre. C'est sans doute la raison pour laquelle il ne pouvait qu'acquérir au fil des siècles une valeur symbolique d'autant plus forte que, dans son aspect physique, il présente de nombreuses vertus décapantes et purificatrices !

    Par analogie avec sa capacité à consumer ce dont il s'empare, le feu est considéré symboliquement comme un instrument de purification.

    Dans le cadre maçonnique, le feu est présent par sa relation avec la maîtrise nécessaire pour le dompter et surtout la lumière qu'il prodigue. La Lumière étant assimilée à la Connaissance, le feu devient un « instrument de connaissance » et acquiert ainsi une dimension symbolique de toute première valeur : il est celui qui éclaire, celui qui illumine, qui transforme les ténèbres en champ lumineux, celui qui permet de voir... donc de savoir. Je dirais donc que le feu est un révélateur de l'essence des choses.

    Ce n'est sûrement pas par hasard si, dans la Loge, ce que l'on nomme « les étoiles », qui autrefois guidaient la marche des voyageurs, sont des cierges au sommet desquels brûle le feu. Leur lumière éclaire la quête spirituelle des Initiés Maçons.

    Le feu se veut à la fois d'essence divine, tant il sait être purificateur mais aussi implacable en certains instants, et initiateur par sa faculté à montrer le chemin, à permettre à l'homme de voir et de comprendre.

    Le symbole de la lumière du chandelier ne serait-il pas celui de la lumière de la Parole ?

    Le symbolisme de la Lumière

    La lumière qui éclaire nos Travaux n’est pas celle de l’illumination intellectuelle. L’intellection n’est que l’une des composantes de cette illumination que nous associons à l’Initiation et de cette Lumière que nous associons au Travail maçonnique.

    La fonction propre de la lumière est de déployer un « milieu » où les choses et les êtres se donnent à voir. N’est-ce pas d’abord en ce sens que la lumière « éclaire nos Travaux » ?

    Dans l’espace de la Loge, qui reproduit l’espace du Monde, comme tout espace sacré, toutes les paroles sont perçues, et l’attention de chacun est dirigée sur leur sens. On laisse leur sens se dévoiler et par conséquent on permet à la vérité de se dévoiler à travers elles.

    L’harmonie de la Loge, lieu de recherche en commun de la Vérité et du Bien, est la manifestation d’une parcelle de cette lumière ; l’harmonie, l’unité de la Loge sont indissociables de cette transparence qu’on appelle Lumière.

    La Lumière représente le mode de conscience auquel l’homme peut accéder, lorsqu'il triomphe de l’opacité des pulsions instinctuelles et dirige son regard vers les formes intelligibles qui constituent l’ordre du monde dans son unité, sa vérité et sa beauté.

    C’est aussi vers la Source de la lumière spirituelle que le symbolisme maçonnique oriente notre regard. La Source originelle de la Lumière spirituelle est symbolisée dans la Loge par la bougie centrale du Chandelier reposant sur le plateau du Vénérable Maître. C’est précisément vers cet « illuminant » situé exactement à l’Orient, que nous tournons symboliquement nos regards dès notre entrée en Loge. Cela signifie que nous avons, en « recevant la Lumière », acquis la connaissance d’un fait simple et « évident » dont la reconnaissance est au fond de toutes les religions et de toutes les traditions initiatiques, à savoir que nous ne pouvons comprendre et créer que par participation à la Source éternelle de la Conscience et de la Créativité, que nous appelons « le Grand Architecte de l’Univers » et que le rituel invoque afin qu’il éclaire et protège nos Travaux.

    L’homme ne peut espérer participer au règne de la Lumière qu’à condition de réaliser en lui-même la juste et difficile proportion entre la pensée et le cœur, entre la lucidité et la ferveur.

    La symbolique des cierges est trop importante pour que des Maçons puissent ne pas la respecter. Elle est un élément essentiel de l’ésotérisme maçonnique et doit être travaillée et exploitée avec la plus grande minutie.

    Puisqu'il associe cire, mèche et flamme, le cierge participe d’un symbolisme ternaire. Le cierge représente en effet un symbolisme ternaire que les écrivains religieux n’ont pas manqué de souligner. Pour eux, le cierge est l’image de la trinité : Père, Fils et Saint-Esprit, la cire étant le Père, la mèche le Fils et la flamme le Saint-Esprit. Tout cierge peut aussi représenter un autre ternaire : le corps, l’âme et l’esprit.

    Mais devant de telles affirmations, nous ne pouvons que nous interroger car tout objet qui sert à éclairer procède du ternaire. Et ce caractère ternaire ne réside pas nécessairement dans la cire, la mèche ou la flamme. La triple symbolique naît de la réalité du luminaire, de la lumière et de la chaleur.

    En Franc-maçonnerie, les cierges sont symboliquement appelés « étoiles ». Le nombre des lumières maçonniques varie selon les rites. Comme je l’ai déjà indiqué, leur allumage varie aussi bien souvent selon les us et coutumes des Loges.

    Prenons trois exemples en dehors du Rite moderne.

    Dans certaines Loges pratiquant le Rite Écossais Ancien Accepté, les lumières maçonniques peuvent être au nombre de sept : le Vénérable Maître (1), les Surveillants (2), le Secrétaire (1) et les Piliers (3).

    Au Rite Écossais Rectifié, neuf lumières d’ordre sont requises : 3 au chandelier à trois branches, 3 au sommet des Piliers qui entourent le Tableau de Loge, 2 sur chacune des « stalles » des Surveillants et 1 à la « stalle » du Frère Secrétaire.

    Au Rite français, les lumières ne sont plus que huit : 3 au Chandelier à trois branches, 3 aux Piliers autour du Tableau de Loge, 2 pour les Surveillants.

    Les Rites ont leurs spécificités. Les Loges ont leurs traditions, leurs habitudes.

    Déplacement du Chandelier à trois branches lors de l'entrée du Vénérable Maître au Rite Écossais Rectifié

    Bernard Baudouin évoque l'usage d'un chandelier particulier pour introduire un Grand Officier Dignitaire dans la Loge. Un Frère marche devant lui en portant un flambeau, symbole de la Lumière initiatique. Nos rituels le désignent comme étant un « porteur d’étoile ». C’est essentiellement au Rite Écossais Rectifié que nous pouvons observer cette pratique.

    Au Rite Écossais Rectifié, tout étant convenablement disposé pour commencer le Travail, le Maître des Cérémonies entre dans la Loge suivi d’un Frère Maître porteur du Chandelier à trois branches, tout allumé. Suivent les deux Surveillants puis le Vénérable Maître, les Vénérables Maîtres en chaire visiteurs, les Grands Officiers de l'Ordre. Lorsque ces « autorités » entrent dans la Loge, tous les Frères, sans exception, sont debout à leur place.

    Le Maître des Cérémonies conduit Vénérable Maître jusqu'à l'Autel d'Orient sur lequel le Frère préposé vient de déposer le Chandelier à trois branches. Il accompagne ensuite les Dignitaires de l'Ordre jusqu'aux sièges qui leur sont destinés.

    Tout cela doit se faire sans rapidité, ni lenteur, mais avec ordre et dignité.

    La place du Chandelier à trois branches au Rite Écossais Rectifié

    L'emplacement du Chandelier sur l'autel du Vénérable Maître mérite une explication. Certains le placent à droite du Vénérable Maître et d'autres le place à gauche. Qu’en est-il réellement et pourquoi ?

    Le rituel n'indique rien de particulier quant à l’emplacement du Chandelier à trois branches sur l’autel du Vénérable Maître. Ceci laisserait-il la possibilité au Vénérable Maître de le poser où il veut ? Normalement non ! Il faut prendre en considération que le Chandelier doit se trouver près de la Bible ouverte au Prologue de l'Evangile de Jean. Celui-ci se situant en page droite de la Bible, il convient de poser le Chandelier de ce côté. Si l'édition de la Bible place le début du Prologue en page gauche, il conviendrait alors de poser le Chandelier du même côté, donc à gauche !

    La Bible se trouvant devant le plateau, le Chandelier devrait se trouver aussi sur le devant et non pas en arrière. Le Chandelier évoquant la manifestation de la tri-unité divine est même en quelque sorte plus importante que la Bible. Le poser en arrière de la Bible constituerait une faute et une marque de non connaissance.

    Cependant la majorité des Vénérables Maîtres posent le Chandelier à droite pour une raison de commodité dans le travail – si l'on est droitier – les documents devant servir durant la Tenue étant posés à la gauche du Vénérable Maître.

    Une raison plus sérieuse concourant à la pose à droite du Chandelier tient au fait qu'on place la Truelle portant l’Équerre et le Compas à gauche de la Bible. Si l'on place le Chandelier à gauche – pour les raisons indiquées ci-dessus – il conviendra de poser la Truelle portant l’Équerre et le Compas à la droite du Vénérable Maître.

    L'ensemble forme une trinité (Bible portant l’Épée du Logos posée en travers du livre, Chandelier à 3 branches et Truelle / Équerre / Compas).

    Numériquement, cela produit 3 (Chandelier à 3 branches) fois 3 (Truelle portant l’Équerre et le Compas)  = 9, nombre qui annonce l’achèvement et le retour à l’Unité et qui va permettre l’avènement du nouveau avec le 1.

    La Bible et l’Épée du Verbe-Lumière ou Logos comptent pour 1.

    9 + 1 = 10, c'est  la Totalité ou la manifestation rendue possible. 

    Ce novénaire est incontournable dans toute la Maçonnerie templière (N.B. : il ne s'agit aucunement ici du Temple de Salomon mais de l'Ordre du Temple).

    Conclusion provisoire

    Le but de la présente planche visait surtout une réflexion à propos du Chandelier à trois branches, donc muni de trois cierges.

    La recherche d’informations précises à ce sujet n’a pas été simple car la littérature maçonnique ne semble pas beaucoup s’être préoccupée jusqu'à présent de ce Chandelier à trois branches, privilégiant plutôt celui à sept branches dont nous n’avons pas usage au Premier degré.

    Retenons donc de cette brève étude que le Chandelier à trois branches peut être considéré comme l’emblème de la triple Puissance du Grand Architecte de l’Univers, du moins au Rite Écossais Rectifié ; que tout chandelier est symbole de lumière spirituelle, mais que pour bien comprendre ce symbolisme, il convient de s’intéresser aussi aux éléments qui composent les cierges.

    En général, à savoir la cire, la mèche et la flamme. Le symbolisme du feu et de la lumière qui éclaire nos Travaux ont donc aussi toute leur importance dans ce contexte.

    Les flambeaux sont les chandeliers disposés dans la Loge. La présence des bougies, dont les flammes sont vivantes, évoque l’idée de protection contre les dangers mais aussi de purification. Ces bougies, faut-il encore le rappeler, ne doivent jamais être soufflées lorsqu'on les éteint.

    S’affichant en toute quiétude au sommet d’une bougie, le feu apparaît comme domestiqué par l’homme. Par son savoir et la connaissance que lui confère la Lumière reçue lors de l’Initiation, le Franc-maçon maîtrise les éléments naturels.

    Pour ces raisons, les cérémonies d’allumage et d’extinction des flambeaux revêtent une grande importance dans la Loge. Éclairer celle-ci à l’aide des luminaires, c’est faire pénétrer dans ce lieu consacré à la fois la lumière de la vie et les Lumières de l’Initiation.                                                                                                                

    R:. F:. A. B.

     

    Bibliographie

     

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995

     

    Chevalier Jean et Gheerbrant Alain - Dictionnaire des Symboles

    Editions Robert Laffont & Jupiter, Paris, 1999

     

    Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

    Editions Dervy, Paris, 1994

     

    Ferré Jean - Dictionnaire des symboles maçonniques

    Editions du Rocher, Monaco, 1997


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  •  L’Épée flamboyante 

    Une épée un peu particulière

    Même si le « Dictionnaire de la Franc-maçonnerie » de Daniel Ligou nous apprend que l’épée est une arme ancienne qui doit être examinée sous deux aspects, à savoir l’Épée flamboyante et l'épée traditionnelle, en Maçonnerie symbolique et dans les Hauts Grades, mon propos de ce Midi ne concernera que l'Épée flamboyante.

    * L’Épée flamboyante

    « Qu’est-ce que l'Épée flamboyante ? Où se trouve-t-elle ? Quand est-elle utilisée ? Par qui ? Et quelle est son utilité ? ». Telles sont les questions principales auxquelles je vais tenter d’apporter des réponses, avec le modeste espoir que ce sujet vienne quelque peu enrichir notre culture maçonnique à tous.

    L'Épée flamboyante, n’est pas une épée comme les autres : c’est l’épée du Vénérable Maître en chaire.

    Chaque Vénérable Maître, chaque Passé Maître, lors de son Installation, a reçu une instruction particulière à son sujet, comme un des attributs de sa charge.

    Cette épée est différente de toutes les autres, de par sa forme, de par sa fonction. Sa lame est sinueuse. Elle s'appelle « Epée Flamboyante » ou encore « Glaive Flamboyant ». Elle est le symbole complet du Verbe, autrement dit de la pensée active.

    L’Épée Flamboyante est l'arme unique et absolue de l'Initié, Maître de la Loge, qui ne saurait vaincre que par la puissance de l'idée, la force du Verbe, cette force qu'elle porte en elle-même.

    La lame de cette épée, légèrement ondulée, ressemble à une flamme et est étroitement liée au symbolisme de la lumière et du feu. Elle n’est apparue en Franc-maçonnerie qu’au début du 19ème siècle.

    Nous ne la voyons guère pendant nos Tenues ordinaires car elle se trouve en permanence sur la stalle du Vénérable Maître, à une hauteur généralement supérieure par rapport à l’axe de notre vision. 

    Symboliquement, l'Épée flamboyante devrait être tournée vers le haut, car elle est la gardienne du Ciel. Elle évoque l’épée placée par Dieu, après la chute, à la porte du jardin d’Eden d’où Adam venait d’être chassé.

    L'Épée flamboyante relève d’un double symbolisme car elle sert à la fois à écarter du lieu saint quiconque n’a pas qualité pour y pénétrer et à garder le seuil d’un sanctuaire.

    On ne peut pas la considérer comme une arme, mais comme un instrument de transmission. Elle est utilisée par le Vénérable Maître pour initier, c’est-à-dire chaque fois qu’il consacre un nouvel Apprenti Maçon, un nouveau Compagnon ou un nouveau Maître Maçon.

    Lors de toute consécration, le Vénérable Maître crée, reçoit  et constitue. Il fait une invocation au Principe spirituel de l’Ordre, un appel de forces à l’aide du Maillet et de l'Épée flamboyante, pour faire descendre l’influence spirituelle sur le Récipiendaire. C’est un acte mystérieux comparable à celui des origines de la vie. L’épée, symbole axial, permet en faisant cet appel tourné vers le point le plus haut, de capter au mieux ce qui en provient.

    Selon la tradition abrahamique, à l’origine, la Parole, c’est le Verbe créateur étroitement lié à l’étincelle du « Fiat Lux » qui est en chacun à l’état de virtualité, laquelle est revivifiée, par la consécration, à chaque degré où le Récipiendaire est créé et constitué au grade qu’il reçoit.

    « L’investiture, nous dit Raoul Berteaux, est une création : le Vénérable Maître crée un homme nouveau, qui de Récipiendaire devient Néophyte. Il consacre cette mutation et reçoit le Néophyte dans la communauté ».

    L’Épée flamboyante a deux fonctions essentielles :

    • celle de Création par l'intermédiaire de l'ensemble VERBE – LUMIÈRE – SOI ;
    • celle d'expiation dans les épreuves du destin.

    L’Épée Flamboyante, dans tous les rites, sert à la consécration du Récipiendaire ou du Frère que l'on élève en grade. Certes, les rites varient sur de petits détails, mais l'idée de « consécration - réception » reste la même.

    L’Épée Flamboyante lors des réceptions se tient de la main gauche, le Maillet de la main droite. Parfois, dans certains rites ou à certains grades seulement, le Vénérable Maître dirige la lame au-dessus de la tête « du Récipiendaire » et applique sur la lame les coups de maillet conforme au grade.

    Rappelons à présent comment le Vénérable Maître de notre Loge se sert de son Épée flamboyante.

    Les deux Surveillants viennent assister le Vénérable Maître. Au grade d’Apprenti, les Surveillants joignent leurs glaives à l’Epée Flamboyante du Vénérable Maître en formant un triangle dans un plan horizontal.

    Le Vénérable Maître prononce alors les paroles : « Je te crée, je te consacre et je te reçois Apprenti-Maçon ». Idéalement, le nombre de l’Apprenti étant trois, le Vénérable Maître ne devrait normalement frapper qu’un seul coup à l’aide de son maillet sur la lame de chaque glaive, puis préciser le nom de la Loge dans laquelle l’Apprenti travaillera désormais, c’est-à-dire celle où il vient d’être admis. Nous ne devrions  entendre que trois coups de maillet en tout.

    Mais les habitudes, les traditions de la plupart des Loges travaillant au Rite moderne font que le Vénérable Maître martèle de son maillet les trois épées au rythme de la batterie du grade d’Apprenti. Dans ce contexte bien précis, nous pouvons dire que l'Épée flamboyante symbolise aussi la parole créative, la force illuminatrice.

    Retenons donc que le Vénérable Maître dispose du Maillet et de l'Épée flamboyante et que celle-ci est utilisée à l’occasion de la consécration de tout Récipiendaire.  

    Que savons-nous des origines de l'Épée flamboyante ?

    L'Épée flamboyante relève de la tradition maçonnique récente, qui prend sa source dans la tradition judéo-chrétienne et qui s’appuie sur les textes de la Bible. Cette source est donc plus historique et religieuse que mythique. On trouve en effet la première référence à une épée flamboyante dans la Bible. Sa lame ondulée imite la flamme, lui donnant ainsi un pouvoir de purification et d'expiation.

    La Bible dit qu’il s’agit de « l’épée des chérubins » qui gardent, à l’entrée du jardin d’Eden, le chemin qui mène à l’arbre de vie. On peut lire au chapitre trois de la Genèse, que Dieu chassa l’homme à coup « d’épées tournoyantes ».

    Contrairement à ce que l’on croit souvent, cette épée n’était pas tenue par les chérubins. Voici ce que nous dit le Verset 24 :

    « Et Il plaça à l’orient du jardin d’Eden les chérubins et la lame de l’épée qui tournait çà et là, pour garder le chemin de l’arbre de vie. »

    Ce passage de la Genèse est lourd de sens. Il nous parle des chérubins. Ce terme nous vient de l’akkadien karâbu qui signifie prier, bénir.

    Sans doute faut-il trouver l’origine des chérubins et de leur rôle de gardien dans ces figures composites qui sont les taureaux ailés à tête humaine et à queue de lion (les chéroub ou chérub) qui gardaient l’entrée des temples assyriens.

    Ceci étant dit, comment définir les chérubins ? Nous pouvons dire que ce sont des êtres célestes représentant la puissance créatrice investie de l’autorité divine. De ce fait leur rôle de « videur » du jardin d’Eden est tout à fait indiqué !

    Mais l’origine de l'Épée flamboyante de la Franc-maçonnerie semble plutôt être le sceptre d’illumination de l’Egypte ancienne, dont le symbole est antérieur à celui de la Bible. Olivier Doignon nous suggère, parmi les sources mythiques possibles, la massue illuminatrice HEDJ, l’un des attributs de Pharaon pour mettre l’ordre à la place du désordre par le biais d’une illumination.

    La massue HEDJ transmute les ennemis de la Lumière en adeptes de la Lumière.

    On peut considérer que l'Épée flamboyante a récupéré tardivement une partie des fonctions du sceptre HEDJ. Lors de l’Initiation maçonnique, en effet, il s’agit bien d’illuminer la puissance d’un être, d’illuminer son énergie créatrice, ce qui revient à agir pour le rendre utile et le mettre au service de la transmission de la Lumière.

    Le moment de la création de l’Initié est un moment particulièrement solennel. En réalité, il se produit à ce moment une sorte d’échange de vie entre l’initiation, de nature impérissable et inaltérable, et l’être qui s’offre comme support de sa transmission. Cette transmission de l’initiation par l'Épée flamboyante se passe dans un espace et un temps sacralisés. Les mots prononcés ne sont pas vécus de manière très consciente. Par l'Épée flamboyante et l’acte rituel, le Vénérable Maître réalise une œuvre de création. Il crée, en effet, un être capable, potentiellement, de participer à la construction du Temple.

    Une telle création est également une transmission : la transmission d’une vie d’une autre nature que la vie terrestre et qui constitue une imprégnation de l’existence, la vie initiatique, la vie en esprit.

    Un véritable acte alchimique se produit à cet instant.

    Pour les alchimistes, l'Épée flamboyante représente le dissolvant, ou sel des sages, à l’origine du feu de roue dont Fulcanelli nous parle sans ambages en interprétant le sens alchimique d’un caisson qui orne le plafond de la galerie haute du château de Dampierre-sur-Boutonne (Charente inférieure). Sur ce caisson peint on peut voir une main céleste, dont le bras est bardé de fer, brandissant l’épée et la spatule. Sur le phylactère on peut lire en latin : « percutiam et sanabo », je blesserai et je guérirai.

    Fulcanelli nous dit encore ceci : « L’épée qui blesse, la spatule chargée d’appliquer le baume guérisseur, ne sont en vérité qu’un seul et même agent doué du double pouvoir de tuer et de ressusciter, de mortifier et de régénérer, de détruire et d’organiser ».

    Spatule, en grec, se dit « spate » ; or, ce mot signifie également glaive, épée, et tire son origine de « spao », arracher, extirper, extraire. Nous voyons là le rapport étroit qui existe avec « l’extraction » de nos premiers parents du jardin d’Eden et l’alchimie que Moïse était loin d’ignorer ainsi que son compagnon Jacher qui tenait son bâton de commandement, et écrivit lui aussi une Genèse.

    Tout ceci pour tenter de vous expliquer que, selon Fulcanelli, l’épée flamboyante est le dissolvant alchimique ou feu de roue et aussi feu du ciel ou feu du sel car elle a reçu les ondes célestes qui se manifestent sous forme de « larmes blanches ».

    « Nous avons donc bien ici, poursuit Fulcanelli, l’indication exacte du sens hermétique fourni par la spatule et l’épée. Dès lors, l’investigateur en possession du dissolvant, seul facteur susceptible d’agir sur les corps… » (Les Demeures philosophales, II, p. 166. 1964).

    La Réception du Récipiendaire avec l'Épée flamboyante correspond donc à une purification par le feu – eau des vieux maîtres, cérémonie, d’origine gallicane, qui se superposait à la collecte d’aspersion qui, avant 1968, débutait la messe dominicale et symbolisait la purification des fidèles par le feu. Puis-je vous rappeler que l’eau bénite contient du sel ?

    Les chérubins ont donc pour mission de garder l’accès à l’arbre de vie, accès qui est à l’Orient. Remarquons que l’arbre de vie est bel et bien terrestre, puisque le texte nous parle du lieu, surveillé, où se lève le soleil. Ce qui signifie que cet endroit est… encore gardé ! L’alchimiste surveille l’Orient afin de déterminer, à l’aide de « piliers » équinoxiaux, le moment opportun pour débuter le travail et fabriquer la pierre philosophale donneuse de vie sur le plan bien concret, bien biologique.

    Ceux qui souhaitent réaliser le Grand Œuvre doivent d’abord passer devant les chérubins et leur épée flamboyante qui les évaluent, et si l’individu n’est pas prêt, les noces lui feront dommage, et l’individu mal intentionné ou désireux de fabriquer uniquement de l’or pour s’enrichir ne pourra jamais accéder à la médecine universelle ou réside le mystère de toutes vies.

    C’est la raison pour laquelle les alchimistes qui ont réussi, ou Adeptes, avec une lettre initiale majuscule, sont à la fois en Eden et chez nous.

    Pour conclure, du moins provisoirement

    En guise de conclusion, je retiendrais que l'Épée flamboyante dont la lame est légèrement ondulée ressemble à une flamme et est étroitement liée au symbolisme de la Lumière et du feu.

    La Lumière de l’Orient transmise par l'Épée flamboyante, en sa forme de feu, a un pouvoir de façonnement.

    Par la transmission, l'Épée flamboyante devient comme un pont jeté entre l’Orient et l’être qui va prêter son serment. Il y a alors passage direct de la Lumière de l’Orient à l’Initié. L'Épée flamboyante assure ce passage, et l’Initié devient porteur de cette Lumière.

    R:. F:. A. B.

     

    Bibliographie

    Berteaux Raoul - La symbolique au grade d’Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986

     

    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995

     

    Ligou Daniel - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Edition P.U.F., 2006

     

    Mainguy Irène - La Symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2006

     

    Pour aller plus loin…

    Doignon Olivier - L’épée flamboyante

    Editions La Maison de Vie, Lugrin, 2005

    Présente en Loge depuis une époque récente, l'épée flamboyante a-t-elle une légitimité ? L'auteur procède avec méthode à cette vérification. Partant des textes anciens de plusieurs traditions où une épée ou un sceptre participe au combat de la Lumière contre les ténèbres, cet ouvrage présente une recherche de la source mythique la plus vraisemblable, ainsi que du champ symbolique qui se trouve concerné par cet axe de Lumière et par le combat auquel son emploi est associé. Attribut de la fonction en charge de la conduite de l'œuvre, l'Epée flamboyante est liée à la transmission. Aussi, une large partie de cet ouvrage est-elle consacrée à l'étude de ce devoir majeur qu'est la transmission de la Lumière, la transmission de l'initiation. L'auteur s'est interrogé sur la nature et les exigences de cette transmission.

     


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  •  L’Équerre et le Compas 

     

    * L’Équerre et le Compas

    Introduction

    Lors de mes nombreuses rencontres avec des Profanes, candidats à l’Initiation maçonnique, j’ai constaté qu’à la question de savoir s’ils connaissaient déjà l’un ou l’autre symbole maçonnique, c’est à plus de 90 % qu’ils citent l'Équerre et le Compas ! C’est dire combien ces deux symboles semblent importants et surtout mieux connus du grand public. N’apparaissent-ils pas, superposés, notamment dans certains avis nécrologiques ou comme illustration d’articles à sensation à propos de notre Ordre ?

    Le but de la présente planche est de tenter de rassembler quelques interprétations du symbolisme de ces deux grands instruments, indispensables dans les constructions, dans l’élaboration de plans, devenus Grandes Lumières et symboles très importants de la Franc-maçonnerie.

    Mais avant tout, posons-nous quelques questions et tentons d’apporter quelques éléments de réponses spontanées, personnelles avant de nous tourner vers la littérature maçonnique :

    • Dans le monde profane, opératif, qu’est-ce qu’une équerre ? Qu’est-ce qu’un compas ? N’en existe-t-il que d’une seule sorte ?
    • Où l'Équerre et le Compas apparaissent-ils dans la Loge ? Et dans le monde maçonnique en général ?
    • Que représentent pour moi cette Équerre et ce Compas en tant que symboles ?
    • Qu’en pensent quelques auteurs Francs-maçons ?
    • Que penser de l’association de ces deux symboles ? Serait-ce un nouveau symbole ? Est-ce une erreur de les analyser séparément ?

    L’Equerre

    L'Équerre est très probablement l’un des instruments emblématiques les plus souvent cités dès lors qu’on évoque la Franc-maçonnerie. Au même titre que le Compas, elle fait référence aux confréries professionnelles des bâtisseurs de cathédrales et constitue avec elles un lien essentiel.

    Mieux, l'Équerre se veut aussi en relation avec la Grèce antique et le Nombre d’Or de Pythagore, sans oublier certaines pratiques lointaines des constructeurs de pyramides dans l’Egypte ancienne.

    Qu’est-ce donc qu’une équerre ?

    L’équerre se dit en latin norma, mot qui a plutôt le sens général de règle, de modèle ou d’exemple. Quant au terme même d’équerre, il semble dériver du bas-latin, exquadra, dérivé du verbe exquadrare signifiant équarrir, rendre carré.

    L'équerre est un instrument qui permet avant tout de tracer des angles droits ou de les vérifier, mais également de tracer des droites perpendiculaires. En effet, l’équerre est un instrument fixe qui donne un angle droit. Elle est formée par la réunion de l'horizontale et de la verticale. Elle permet de vérifier les angles droits, les tracés, d’élever des perpendiculaires.

    C’est au moyen de l'Équerre que l’Apprenti va pouvoir tracer les angles droits déterminant la forme carrée de la pierre. C’est en effet un outil de contrôle dont les branches forment un angle de 90°. Elle permet de vérifier avec une précision absolue la régularité des faces d’une pierre et de s’assurer que ses arrêtes consécutives forment bien entre elles un angle droit.

    L’usage de l’équerre date des premiers temps de la pierre appareillée pour la construction. De tout temps, elle fut utilisée par les tailleurs de pierre. Elle servait alors à vérifier la taille des pierres rectangulaires. En tant qu'outil, l'équerre sert à contrôler la bonne réalisation du travail, à vérifier si le travail correspond bien à la mesure donnée ou au modèle et si tout a été fait selon la règle.

    Pour qu’une construction soit solide, il faut éviter les pierres difformes, irrégulières, pour ne garder que les pierres à angles droits. Il est donc nécessaire de vérifier ces angles au moyen de l’équerre.

    Où trouve-t-on l'Équerre dans la Loge ?

    • Elle est présente sur le Tableau de la Loge d’Apprentis, au centre, dans la partie supérieure où elle est associée au Compas.
    • On la trouve aussi sur l’autel des serments, posée sur le Compas, lui-même posé sur le Volume de la Loi sacrée : elle fait alors partie de ce que nous appelons les trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie.
    • Elle est également suspendue au sautoir du Vénérable Maître.

    Où la trouve-t-on encore pendant nos Tenues, dans les rituels ?

    L'Équerre est d’abord présente dans notre façon de nous asseoir sur notre Colonne : pour avoir une véritable attitude propice au Travail maçonnique, plutôt que d’être affalé au fond de notre fauteuil les jambes croisées, ne convient-il pas plutôt d’être assis bien droit sur son siège, la colonne vertébrale et tout le tronc en équerre par rapport au fémur de chacune de nos cuisses ; les cuisses en équerre par rapport aux deux jambes ; nos pieds en équerre par rapport aux jambes ?

    L'Équerre est également présente dans notre signe d’ordre : elle apparaît dans le premier temps du signe, lorsque nous portons notre main droite en équerre à la base de notre cou.

    L'Équerre apparaît aussi dans la marche du Franc-maçon, quel que soit son grade, au Rite moderne et au Rite Écossais Ancien et Accepté. Les Maçons pratiquant le Rite Écossais Rectifié ne se déplacent pas dans la Loge en marquant des angles droits.

    A nos gestes rituels nous pouvons également associer indirectement les marches spécifiques des trois grades symboliques car le premier mouvement de celles-ci consiste à placer les pieds en équerre. Cette position de départ n’indique-t-elle pas la droiture de notre conduite, qui est la première qualité du Maçon ?

    Selon le Manuscrit Graham [1], la science de Dieu est résumée dans l'Équerre et le Manuscrit Dumfries [2] indique que la maçonnerie est une œuvre d’équerre, ce que réalise gestuellement l’Apprenti, car tous ses signes en Loge se font, comme je viens de le préciser ci-dessus, selon l'Équerre : mise à l’ordre, pied et marche en équerre, insistant là physiquement sur les vertus de rectitude, de droiture et de probité à développer.

    Lors de notre Initiation, l'Équerre et le Compas sont en usage au moment de notre prestation de serment.

    Peut-on évoquer l'Équerre, en tant que symbole, dans une perspective historique ?

    Héritée de la franc-maçonnerie opérative, l'Équerre en tant que symbole est signalée dès 1725 dans la Franc-maçonnerie spéculative par les premières divulgations. Il me paraît aussi intéressant de signaler une anecdote : près de Limerick en Irlande, au pont de Baal Bridge, fut trouvée vers 1830, sous la pierre de fondation, une vieille équerre en cuivre jaune, portant la date de 1517 et présentant l’inscription suivante en anglais sur les deux faces : « Je m’efforcerai de vivre avec amour et sollicitude sur le niveau par l’équerre ».

     

    Tentons à présent une approche du symbolisme de l'Équerre.

     

    Approche du symbolisme de l’Equerre

    Je commencerai par donner un avis personnel à propos du sens que j’attribue « spontanément » à l'Équerre.

    Dans la vie du bâtisseur, l'Équerre est cet instrument qui donne ou vérifie sans cesse la même valeur. Elle ne pouvait qu’être utilisée symboliquement pour signifier la justesse puis la justice, la rigueur dans le comportement, l’honnêteté, la probité.

    Symboliquement, l'Équerre est des plus évocatrices, à plusieurs titres. D'une part, elle marie harmonieusement le plan vertical et le plan horizontal, réalisant ainsi la synthèse entre deux dimensions ayant souvent des difficultés à se rencontrer.

    L'Équerre traite implicitement de l’attitude et des actes relatifs au comportement moral et physique. D'où l’expression « rectitude morale » ou encore « agir selon l’équerre » qui se rapportent à cet idéal de perfection que doit atteindre le Maçon. Les lignes droites de l’équerre sont en effet l’émanation de la rectitude comme de la droiture, tant du point de vue physique de la plus concrète des manières que sur le plan spirituel. Les axes sont sans équivoque, les lignes tracées avec pureté… autant d’éléments induisant et incitant à une ligne de conduite d’une parfaite clarté et d’une grande luminosité.

    Christian Guigue fait observer que les commentaires usuels se rapportant à l'Équerre restent ternes. Vérifions cette affirmation !

    Selon Raoul Berteaux, qui fut un membre éminent de notre Obédience régulière, « l'Équerre est un symbole homologue du carré et de toutes les figures rectangulaires. Le signe de l'Équerre est utilisé comme base de systèmes de mesures spatiales, comme modèle symbolique de la quaternité, comme modèle symbolique cosmogonique et architectural. L'Équerre est l’emblème de tous les arts, surtout des arts religieux et magiques ».

    Faut-il rappeler que la réunion de deux ou quatre équerres forme un carré ? Au sens symbolique, la Terre est « carrée » et est représentée par un carré. Tracer un carré, c’est mesurer la Terre. Par ailleurs, en associant quatre équerres, on forme aussi le Svastika qui est l’emblème de l’Empereur, Maître de la Terre.

    Dans la construction de l’édifice maçonnique, l'Équerre vérifie la droiture des angles, quel que soit le principe qui les ancre dans la matière. C’est pourquoi je pense que – sans risque de fort me tromper – l'Équerre semble évoquer la droiture, impliquer une idée de rectitude, de rigueur, de précision dans la pensée et dans les actes. Avec elle, la discussion ne peut exister. Ou bien l’angle est bon, ou bien il est à refaire.

    C’est vraisemblablement pour cette raison que l’on fait généralement correspondre l'Équerre à la matière. En astrologie, l’Équerre se rapporterait à la Matière qu'elle symbolise, rectifie et ordonne. Cependant, il ne faut pas oublier que le Maçon travaille en priorité sur lui-même, sur son esprit, sur son âme.

    Pour Oswald Wirth, l'Équerre, qui sert à contrôler la justesse du travail, symbolise l'équilibre résultant de l'actif et du passif. Mais, par contre pour Jules Boucher, « par son manque de symétrie (contrairement au Tau grec), l’Équerre traduirait plutôt un état actif et dynamiqueL’Équerre représenterait l'action de l'Homme sur la Matière et l'action de l'Homme sur lui-même. Se rapportant à la Matière, l’Équerre est passive ».

    Le Franc-maçon se doit d’être d'Équerre, c’est-à-dire droit dans ses pensées, ses paroles et ses actes. C’est la Loi Morale Maçonnique, symbolisée par l’alphabet secret qui est réalisé à partir de l'Équerre. Nés de celle-ci, les mots ne peuvent prêter à confusion, ayant été soigneusement pesés, mesurés, par celui qui les prononce ou les écrit afin d’être en accord avec la pensée.

    Cette morale maçonnique est le prolongement de la volonté des bâtisseurs, de vivre selon une éthique basée sur le respect des us et coutumes, le respect d’autrui, le sens du secret, la glorification du travail… L'Équerre est ainsi devenue le symbole du Métier.

    L’Apprenti ne peut que dégrossir sa pierre brute car il n’a pas connaissance de cet instrument. Par son usage dans la vérification de l’angle droit, l'Équerre sert au Compagnon pour s’assurer de la perfection de son ouvrage. Ce n’est que lorsqu'il aura accompli un certain voyage qu’il pourra juger de la rectitude des angles de la pierre cubique et de la perpendicularité de ses faces.

    L'Équerre permet donc au Compagnon de contrôler la coupe des pierres qui doivent être strictement rectangulaires pour s’ajuster entre elles avec exactitude. L'Équerre détermine ainsi symboliquement les conditions de sociabilité.

    Emblème de la sagesse, elle enseigne que la perfection consiste pour l’individu dans la justesse avec laquelle il tient sa place dans la société. L'Équerre nous astreint à nous corriger des défauts qui nous empêcheraient de tenir exactement notre place dans la construction humanitaire.

    Pour Edouard Plantagenet, « l'Équerre permet au Compagnon de donner aux mots leur sens propre afin qu’ils n’expriment plus que des idées précises et que les raisonnements qui s’édifient sur leur base soient aussi solides, aussi rigoureusement justes dans leurs formes, que les pierres du Temple, dont la juxtaposition parfaite est le gage essentiel de l’équilibre de la construction ».

    Pour Irène Mainguy, les vrais signes d’équerre (ceux qui se font donc à angle droit), ne sont autres que la rectitude de conduite dans les actes de la vie quotidienne. Le Maçon est censé se distinguer des Profanes par ses qualités d’être, de comportement et règles de conduite. S’il ne parvient pas à les améliorer à l’extérieur, il y a de grandes chances pour que son vécu initiatique demeure illusoire ou fictif, en dépit d’attitudes apparentes.

    Dans un « catéchisme » inclus dans « Le Maçon démasqué »[3], il est précisé, que « l’équerre sert à former des carrés parfaits » et que « l’équerre nous annonce que toutes nos actions doivent être réglées sur l’équité ».

    « Le Flambeau du maçon » [4] précise la signification symbolique des bijoux mobiles dont fait partie l'Équerre : l'Équerre qui sert à former des carrés parfaits, annonce que nos actions doivent être réglées sur la droiture et l’équité.

    On peut aussi voir dans l’équerre une double règle qui donne la direction de l’horizontale et de la verticale. En symbolisme cosmologique on considère que le carré formé par deux équerres placées à angle droit désigne la terre, l’espace terrestre, plus globalement la matérialité.

    L’équerre permet en effet de délimiter l’espace terrestre en le divisant en quatre régions, selon les quatre directions. Elle est non seulement symbole du carré, mais encore du nombre 4, tous deux symboles de solidification et de densification. L’équerre a de surcroît la forme du gamma grec qui nous renvoie à la Lettre G, symbole qui n’apparaît qu’à partir du grade de Compagnon.

    Si, comme le disait Christian Guigue, les commentaires usuels se rapportant à l'Équerre restent ternes – et nous avons pu en effet le constater – une de nos Sœurs contemporaines nous livre des réflexions fort intéressantes que je souhaite à présent vous livrer.

    Pour Irène Mainguyc’est d’elle qu’il s’agit – « c’est avec l’assistance de l'Équerre que l’on peut réaccomplir le geste ordonnateur du Grand Architecte qui, dans le récit de la Genèse, sépare et met en place tous les éléments de l’univers. L’équerre est l’outil qui harmonise les contraires. C’est pourquoi il est défini comme symbole d’équité, de rectitude et d’équilibre ».

    On peut définir l’activité du Maçon comme devant être un principe d’action selon les propriétés de l'Équerre. Le maniement de l'Équerre demande une constante remise en question de soi-même, de ses actes et du monde, jusqu'à l’achèvement de la pierre cubique parfaite qui correspond au chef-d’œuvre de soi-même, légitime espoir que tout Maçon tentera de réaliser. Elle permet d’approfondir les concepts de droiture, d’équité, d’ordre, d’équilibre entre tolérance et droits de chacun.

    L’utilisation de l'Équerre permet de donner aux mots leur sens propre, afin qu’ils n’expriment plus que des idées précises, des raisonnements étayés sur et par des bases solides et justes, conformes à l’agencement des pierres du temple dont la juxtaposition parfaite est la garantie de la solidité de la construction.

    Quelles conclusions personnelles puis-je tirer du symbolisme de l'Équerre ?

    La Franc-maçonnerie se fixant pour objectif l’édification du Temple de l’Humanité à commencer par l’édification de notre propre temple, l'Équerre est là pour nous rappeler que nous avons à tailler notre pierre de la manière la plus parfaite possible à l’aide des outils qui nous ont été fournis. C’est dire que notre comportement doit être le meilleur, le plus droit possible. Soyons au service de nos Frères, aimons-les, aidons-les et cessons de les critiquer et de ne voir que leurs défauts !

    Instrument fixe, l'Équerre est indispensable pour transformer la Pierre brute en hexaèdre parfait. Pour moi, elle symboliserait donc bien la droiture morale, la rectitude dans l'action, l'incitation à parfaire le travail entrepris.

    J’ajouterais que l'Équerre symbolise aussi la stabilité dans l’effort et la rigueur. Elle indique à l’Apprenti la voie à suivre pour transformer la pierre brute en pierre cubique.

    L’équerre est en effet un instrument qui permet de tracer des angles, de dessiner des carrés et de construire le volume cubique. C’est donc un instrument de référence pour l’Apprenti qui, dès ce premier grade, est instruit que la Franc-maçonnerie est un travail d’équerre, ce qui lui est enseigné par le tracé de son signe (le signe d’ordre au grade d’Apprenti), par ses pas (la marche qui s’effectue les deux pieds en équerre) et par ses déambulations (qui l’obligent à marquer les angles droits à chaque changement de direction). Cette référence permanente extérieure à l'Équerre devrait avoir, petit à petit, une répercussion sur l’intériorité et la transformation de l’Apprenti en Compagnon.

    De fait, la connaissance de l'Équerre devrait nous permettre, à nous, Maçons qui nous aventurons sur le chemin ardu de la recherche de la vérité que nous portons en nous, de faire en sorte que nos arguments, bases de notre raisonnement, soient parfaitement ordonnés et que nous sachions contenir en nous ce qu’il y aurait de trop aveuglément subjectif et sentimental dans notre démarche. Sans cette discipline, l’édifice que nous construisons ne serait pas véritablement stable et s’écroulerait tôt ou tard, de même que cette vérité recherchée en nous ne pourrait être identifiée.

    L’Equerre du Vénérable Maître et du Passé Maître

    L'Équerre suspendue au bout du sautoir du Vénérable permet de donner forme à ce qui n’en a pas. Elle correspond à l’union du Niveau et de la Perpendiculaire, attributs respectifs des deux Surveillants. L'Équerre du Vénérable fait donc la synthèse directrice de l’Atelier puisqu'elle allie la parfaite assise du Niveau à l’élévation normale de la Perpendiculaire, qualités assurant la stabilité de l’édifice que le Vénérable Maître a déléguées à ses deux Surveillants.

    L’horizontale égalitaire et la verticale hiérarchique se concilient dans l'Équerre qui décore le Maître de la Loge et qui matérialise ainsi la même estime que le Vénérable accorde à tous les ouvriers en raison du zèle égal que tous apportent au travail. Ses branches sont inégales, se référant à un secret de la maçonnerie opérative concernant la formation du triangle rectangle dont les côtés sont proportionnels aux nombres 3, 4 et 5. Ce rapport de proportion correspond aussi aux formes d’un carré et d’un rectangle plus ou moins allongé.

    La représentation la plus courante de l'Équerre présente deux côtés de longueurs isométriques. Mais si les branches de l'Équerre sont généralement d’égales longueurs, celles de l'Équerre du Vénérable sont, par contre, dans le rapport 3 à 4. Ce bijou représente un outil spécifiquement compagnonnique puisqu'il allie les nombres de ce grade par 3, 4 et 5. Les proportions de ses côtés sont celles du triangle de Pythagore.

    L'Équerre du Vénérable représente en effet le triangle de Pythagore dont les côtés sont trois et quatre et l’hypoténuse cinq. L’hypoténuse n’est pas matériellement représentée parce que, du fait de la mort de l’Architecte, le Temple n’est pas et ne sera jamais terminé.

    René Guénon précise que ce rapport de proportion était un symbole important chez les pythagoriciens et que ce triangle 3,4 et 5 est un symbole géométrique où la Providence est représentée par 3, la Volonté humaine par 4 et le Destin par 5, si on se réfère à la Tradition chinoise [5].

    L’équité dont l'Équerre est l’emblème, préside ainsi aux rapports des Maçons. Le Vénérable reste pour tous le véritable compagnon de travail, qui en assume la plus forte charge et qui se dévoue constamment pour la collectivité. Faut-il rappeler que le Maître d’œuvre était lui-même un Compagnon auquel ses subordonnés reconnaissaient le droit de direction sur le chantier, en considération de ses connaissances étendues ?

    Cette Équerre symbolise donc la justesse et l’équité dont un Maçon ne doit jamais se départir mais elle est également l’emblème du respect des lois et des règlements.

    Pour Jules Boucher, « C'est parce que le rôle du Vénérable est de créer de parfaits Maçons qu'il porte cet outil, signe de rectitude et instrument indispensable pour transformer la Pierre brute en pierre cubique, hexaèdre parfait ».

    Pour Jean-Marie Ragon de Bettignies [6], qui persiste dans le flou, « l'Équerre suspendue au cordon du Vénérable signifie que la volonté d’un chef de loge ne peut avoir qu’un sens, celui des statuts de l’Ordre, et qu’elle ne doit agir que d’une seule manière, celle du Bien ».

    Sur la poitrine du Vénérable, la branche la plus longue de l'Équerre se trouve du côté droit. Ainsi se trouve marquée la prépondérance de l’actif sur le passif.

    Le bijou des anciens Vénérables est assez semblable, mais l'Équerre du Passé Maître présente, en plus, suspendue entre les deux branches de l'Équerre, la démonstration du théorème de Pythagore avec un carré de 5 de côté surmonté de deux carrés de 3 et de 4 de côté. Ceci symbolise nettement la science maçonnique que doit posséder celui qui le porte.

     

    * L’Équerre et le Compas

     

    Avant d’aborder le deuxième sujet de cette planche, le Compas, je tiens à préciser que l’étude de l'Équerre m’apparaît comme un sujet difficile à traiter par les Apprentis et les Compagnons.

    Tous devraient cependant bien percevoir son sens de « rectitude » et savoir ce que cela implique au plan comportemental.

    Le Compas

    Qu’est-ce qu’un compas ?

    Le mot compas vient du latin vulgaire compassare qui signifie mesurer avec le pas. Le verbe compasser signifie prendre des mesures avec exactitude.

    Le besoin de mesurer, de quantifier, de définir les espaces, les surfaces et les points fut ressenti très tôt comme une nécessité. En tant qu'outil, le compas n'est apparu que tardivement. C’est en effet l’un des outils de tracé et instruments de géométrie parmi les plus anciens inventé par l’homme pour comparer, conserver et reporter, déterminer les mesures et proportions.

    Les architectes égyptiens ne semblaient pas le connaître en tant que tel car, pour les tracés géométriques, ils employaient un cordeau. Cependant, le compas semble être l'un des instruments les plus anciens que l'homme ait inventé lorsqu'il eut acquis la notion du cercle. L’invention de cet instrument de mesure est attribuée par les Anciens, à Talaüs, neveu de Dédale.

    Un compas se compose essentiellement de deux branches articulées et reliées par une vis. Lorsque cet instrument a deux pointes sèches, il sert à comparer des grandeurs, à reporter des longueurs, à mesurer des angles mais, muni d’une pointe traçante, il permet aussi de tracer des cercles, des angles, des arcs, des rosaces… En traçant des cercles avec un compas, on indique nettement le centre, la valeur des rayons, celle de chaque diamètre. Son ouverture peut varier selon la volonté de son utilisateur.

    Pour fonctionner, il convient de poser la pointe sèche du compas sur un support stable et solide. La mobilité d’une pointe n’est rendue possible que par l’immobilité de l’autre.

    Mais n’y a-t-il pas plusieurs sortes de compas ?

    Il existe en effet une grande variété de compas : outre les compas à branches droites appelés compas droits, les compas de réduction, les compas d’appareillage…

    Il existe aussi :

    • des compas d’épaisseur, qui sont des instruments à branches recourbées généralement en acier et destinés à évaluer l’épaisseur d’un objet. Les compas d’épaisseur de petite taille étaient par exemple utilisés par les potiers ;
    • des compas d’intérieur, qui ont un usage semblable au compas d’épaisseur ; ils permettent de mesurer ou de reporter la dimension d’un diamètre intérieur d’un objet ;
    • des compas à secteur sur l’une des branches desquels est fixé un quart de cercle qui coulisse à travers l'autre branche et qui permet de bloquer le compas dans une ouverture choisie.

    Sans oublier :

    • le maître-à-danser qui est un compas à longues branches croisées attachées ensemble par le milieu et qui sert à mesurer une épaisseur ou un diamètre intérieur et dont l’aspect fait penser aux bras et aux jambes d'un danseur ;
    • le compas à report qui est un compas de petite taille qui permet de faire des marques sur le cuir dans le but d’avoir une couture régulière,
    • ainsi que les compas de charpentier, de menuisier, de tonnelier, de charron ou de tailleur de pierre.

    Sur tout chantier, le compas est d’une grande utilité à qui sait le manier.

    N’oublions pas que le compas est un instrument qui a rendu possible la construction d’arcs de cercle, d’ellipses, de spirales, de labyrinthes ; qu’il permet de construire des figures qui servent de base aux systèmes de mesure du temps, comme modèles d’unité, comme modèles cosmogoniques et architecturaux.

    Il est aussi utile à qui veut construire des formes géométriques, à prendre et à reporter des mesures avec une très grande précision, à reporter des valeurs du plan à l’ouvrage, d’un lieu à l’autre de l’édifice qu’on bâtit, d’une figure géométrique à une autre figure géométrique.

    Le Compas est l'instrument de traçage par excellence. Il permet d'évoquer, dans la matière d’œuvre, les premières traces des formes à venir, et de dessiner les principes du travail futur. Il laisse dans la matière une légère empreinte à partir de laquelle s'effectuera le travail.

    Où trouve-t-on le Compas dans la Loge ?

    • Le compas est présent sur le Tableau de la Loge d’Apprentis, au centre, dans la partie supérieure où il est associé à l'Équerre.
    • On le trouve aussi sur l’autel des serments, posée sur le Volume de la Loi sacrée : il fait alors partie de ce que nous appelons les trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie.
    • Le Compas est, de nos jours, le bijou du Grand Maître de l’obédience. Autrefois, il constituait un emblème d’une puissance considérable.

     

    Tentons à présent une approche du symbolisme du Compas.

    Approche du symbolisme du Compas

    Je commencerai par donner un avis personnel à propos du sens que j’attribue « spontanément » au Compas.

    Instrument mobile, le Compas représenterait pour moi la mesure et la rigueur dans la recherche et dans l'action, la recherche de l'exactitude qui doit désormais régler nos pensées et nos actions. Il symbolise donc l'acte réfléchi et contrôlé.

    Dès lors, il me semble que le Compas nous incite à agir avec mesure et prudence, à réfléchir avant d'agir. Plutôt que de l'utiliser symboliquement à tracer des limites autour de nous, ne conviendrait-il pas de songer davantage à son sens d’ouverture et de nous en servir pour élargir le champ de nos relations fraternelles ?

    Il me semble aussi que le Compas nous permet symboliquement d’évaluer la portée et les conséquences de nos actes !

    Mais qu’en pensent les auteurs francs-maçons ?

    Depuis l’époque lointaine des bâtisseurs de cathédrales, en plus de sa fonction première d’instrument de mesure, le Compas s’auréole dans l’univers maçonnique d’une valeur symbolique de première importance. Il le doit d’abord à la variabilité de son utilisation. A ce titre, il se révèle être d’une très grande souplesse et démontre des qualités infinies.

    Par analogie, il exprime symboliquement les multiples capacités de celui qui l’utilise. C’est pourquoi, faisant référence à ses différentes possibilités d’ouverture et de changement d’angle, le monde maçonnique en a fait l’instrument de la raison et, par extension logique, l’instrument de la Sagesse.

    En tant qu’outil utilisé dans l’art de bâtir des chefs d’œuvre élevés à la Gloire de l'Eternel, le Compas devint le symbole le plus important du fait de sa correspondance avec la création et le Créateur. Tout naturellement, il fut attribué à Dieu, l’architecte des architectes. Marc-Reymond Larose [7] définit le Compas comme outil de la création par excellence, du tracé, de la distribution des points dans l’espace, de la division rationnelle, des lignes par le rapport de mesures et par proportions. Il observe que c’est à ce titre que le compas figure dans les mains du Grand Architecte dans de nombreuses représentations médiévales. Le Moyen Age représentait en effet volontiers Dieu sous la forme d’un architecte tenant dans la main un Compas et dessinant le monde.

    La tradition fait du Compas le symbole du Grand Architecte lui-même. Il suffit pour s’en faire une idée de se remémorer la célèbre peinture de William Blake.

    * L’Équerre et le Compas

    Instrument « actif » par excellence, le Compas est le symbole du Verbe créateur. Instrument de la création, de la rigueur, le compas symbolise la justesse de l'Esprit, l'Esprit lui-même qui se manifeste, sous l'aspect de la géométrie. Il évoque ainsi la Sagesse qui mesure l’acte et toute pensée à leur juste valeur.

    Mais dans notre monde maçonnique, le Compas est un symbole qui présente aussi des aspects bien surprenants.

    En piquant l’une des branches de cet outil, il crée le point d’origine de la vie, celui de l’incarnation d’un nouvel homme en quête de perfection dont il circonscrit le destin terrestre en traçant le cercle. Mais le mouvement de cette quête peut être prolongé car, amorçant l’évolution en continu avec l’une ou l’autre branche, le cercle se transforme en une spirale dynamique projetée dans l’espace.

    Tout recommence toujours en un mouvement circulaire jusqu'à ce que l’architecte céleste daigne interrompre cette course incessante vers la Lumière.

    Puisqu'il permet le tracé d’une figure géométrique qui n’a ni commencement ni fin, le Compas peut évoquer l’éternité, les cycles du temps sans cesse renouvelés. Le Maître de la Loge se voit ainsi intégré à une longue chaîne, héritant d’un Atelier construit par ses prédécesseurs et préparant le travail de ses successeurs.

    En traçant des cercles, le compas tourne autour d'un axe et détermine des figures. Ce faisant, il détermine un espace qu'il enferme. Il devient ainsi le symbole de l'espace lui-même et de tous les aspects liés à l'espace comme par exemple le ciel. Par transposition, il devient le symbole de la puissance qui y réside. Il est aussi le symbole de la rigueur par l'aspect clos et simple de la figure ainsi tracée.

    Le Compas est aussi considéré comme l’emblème du savoir. Il est dès lors devenu l’image de la pensée dessinant les cercles du monde. Il est l’attribut des activités créatrices.

    Instrument qui permet à l'architecte de manifester sa pensée, le Compas est ainsi devenu le symbole de l'Esprit, de la transcendance, du pouvoir qui agit sur le monde, le symbole de la Connaissance, sa puissance et sa source.

    Selon Jules Boucher, « le Compas est l'image de la pensée dans les divers cercles qu'elle parcourt. Les écartements de ses branches et leurs rapprochements figurent les divers modes du raisonnement ». L’ouverture des branches du Compas est utilisée en Maçonnerie pour exprimer un état de Connaissance. Son degré d'ouverture est traditionnellement symbolique de l'étendue du pouvoir sur la matière et par-là de la domination plus ou moins grande que l'on peut y exercer. Il apprend au néophyte que l’on n’accède à la vérité que par étapes.

    Pour Oswald Wirth, le Compas est le symbole du Relatif. Qu’est-ce à dire ?

    Le Compas a des limites dans son utilisation : tant que l'écartement de ses branches est inférieur à 180°, il peut nous aider à tracer un très grand nombre de cercles. Arrivé à 180° d'écartement, le compas devient une ligne droite et n'a plus aucune possibilité effective.

    Ce n’est pas un hasard si c’est le compas qui trace la figure géométrique parfaite qu’est le cercle dont les civilisations les plus anciennes ont fait le symbole solaire par excellence.

    Si des écrivains comme Jean-Marie Ragon de Bettignies ou Oswald Wirth ont vu dans le Compas un symbole de l’esprit ou du raisonnement, les Maçons du 18ème siècle donnaient à cet instrument une valeur morale, en ce sens où il s’appliquait au comportement du Maçon envers les autres hommes et plus particulièrement envers ses Frères.

    Jean-Marie Ragon de Bettignies a dit du Compas « qu’une de ses branches étant fixée, elle forme un point central autour de laquelle l’autre branche peut, en variant son écartement, décrire des cercles sans nombre, symboles de nos Loges et de la Maçonnerie dont l’étendue peut être indéfinie ».

    Pour Edouard Plantagenet, c’est Oswald Wirth qui aurait formulé la définition du Compas la plus vivante et la plus juste : « Le Compas symbolise la mesure dans la recherche de la vérité. L'Absolu et le Relatif se trouvent donc représentés par l'action du Compas, qui, lui-même, offre par ses deux branches, la figure de la dualité et, par sa tête, la figure de l'union ».

    Très intéressante aussi est l’explication fournie par Amélie Gedalge [8] qui voit dans le cercle centré par le point l'emblème solaire par excellence, repris par l’Astrologie Traditionnelle. Le cercle centré par le point est la première figure qui peut être tracée à l'aide du compas. Cette figure combine le cercle (symbolisant l’infini) avec le point (symbole du début de toute manifestation).

    Le Compas évoque la Géométrie puis par glissement la Connaissance. Il ne s’agit pas ici d’un savoir exotérique, accessible au commun des mortels, mais au contraire d’une connaissance ésotérique, rendue possible par l’Initiation. Le Compas correspond à une connaissance sacrée ou à une connaissance du sacré.

    L’image du Compas, prise isolément, représente aussi la géométrie, l’astronomie, l’architecture, la géographie.

    En iconographie, le Compas est utilisé comme emblème de la prudence, de la justice, de la tempérance, de la véracité, toutes vertus fondées sur l’esprit de mesure.

    Le Compas, permettant de dessiner le cercle, symbole du ciel, va acquérir un caractère céleste, d’où son attribution au Grand Architecte de l’Univers.

    Par ses pointes, le Compas indique son emprise sur la matière, du moins tant que l'écartement de ses branches est inférieur à 180°. Mais la Franc-maçonnerie limite l’ouverture des branches à 90°, ce qui peut signifier que l’homme ne peut posséder une connaissance pleine et entière, que son esprit est naturellement prisonnier de la matière et qu’il ne peut s’en libérer totalement. Si l’homme est esprit, il est aussi fait de chair, symboliquement issue de la Terre. La nature humaine ne peut donc et ne doit s’éloigner de la réalité.

    Ouvert à 90°, comme l'Équerre, le Compas signifie l’être évolué qui est parvenu à trouver l’harmonie entre le réel et le spirituel. Entre le 0° de l’ignorance et le 180° de la Connaissance totale, de la Lumière divine, le Compas ouvert à 90° est le Milieu, le refus des extrêmes. Il représente alors la Sagesse.

    Le compas servant le plus souvent à tracer des cercles en partant d’un point précis, Irène Mainguy estime que le cercle représente le champ des connaissances humaines. Ce champ est virtuellement illimité car c’est l’univers entier. Mais il sera limité en réalité par les propres limitations individuelles de chacun.

    Le compas sert aussi à prendre toutes sortes de mesures dont celles des angles, ainsi qu’à reconnaître les proportions. Il symbolise aussi les diverses opérations logiques par lesquelles l’esprit humain coordonne ses connaissances et organise ses raisonnements logiques.

    Pour Irène Mainguy, le Compas est le symbole de ce qui est essentiellement mouvant. Il symbolise le dynamisme constructeur de la pensée, c’est-à-dire sa liberté créatrice, mais aussi la capacité d’invention, de conception et de réalisation de l’esprit.

    Outil d’une remarquable simplicité, le compas est un appareil de mesure, de tracé, de rapport de proportions. Il représente la capacité inventive autant que le génie de l’homme.

    Le compas peut être utilisé pour des opérations de mesure et de rapports de proportions qui confèreront ainsi à l’œuvre stabilité et beauté. Il passe aussi pour l’emblème le plus éminent de la vertu donnant la seule vraie mesure de la vie et de la conduite d’un Maçon.

    Irène Mainguy fait aussi un parallélisme entre le cadran circulaire de l’horloge qui donne la mesure du temps et le tracé de l’espace par le compas. Son rapprochement analogique surprenant conduit à une conception circulaire de la vie, cyclique, de la naissance à la mort.

    Le compas est lié à la figure géométrique qu’il a la capacité de tracer. Le cercle est la figure résultant de sa projection dans l’espace. En produisant le cercle, le compas conduit, sous une autre forme, à la notion de roue qui est facteur de développement des civilisations. Ce qui signifie qu’il n’y aurait pas de roue sans compas et donc que, sans échange, il n’y a pas d’ouverture sur l’univers.

    Quelles conclusions personnelles puis-je tirer du symbolisme du Compas ?

    Le compas symbolise donc le sens des proportions, des normes, le dynamisme constructeur et concepteur, la mesure des capacités, le sens des proportions, la recherche et la maîtrise du trait.

    Il me faut encore rappeler qu’au cours de la cérémonie d’Initiation, alors que le Récipiendaire s’apprête à prêter le serment d’usage, le Maître des Cérémonies dispose un compas, ouvert à 90°, en plaçant une des pointes sur le cœur du Postulant, l’autre pointe étant dirigée vers le haut, comme un appel à rechercher à s’élever vers ce qui est en haut, une aspiration vers un idéal qui se trouve dans un cercle illimité.

    J’ai ainsi évoqué l'Équerre et le Compas en les considérant comme deux symboles séparés, tel que l’un apparaît accroché au sautoir du Vénérable Maître, l’autre à celui du Grand Maître de l’Obédience.

    Mais sans doute cette planche ne serait-elle pas complète si je n’évoquais à présent le contexte dans lequel ces deux symboles se retrouvent réunis. Car dans la Maçonnerie moderne, le Compas est toujours associé à l'Équerre.

    Équerre et Compas réunis

    L’équerre et le compas sont des instruments pour l’homme libre. Ils sont les outils de la pensée qui se reconnaît le pouvoir de rendre compte de la réalité, de connaître ses lois et de la modifier pour améliorer la condition humaine. Ce sont des outils conçus par l’homme pour l’assister dans l’exercice d’un pouvoir qu’il se reconnaît sur le réel. Le symbolisme éclaire le sens de ces outils car il les présente comme les images de l’esprit qui les conçoit et les crée. L'Équerre et le Compas sont des symboles parce qu’ils réfractent dans la matière les formes de l’esprit.

    Plusieurs auteurs ont, au contraire, considéré que l'Équerre et le Compas ne sont pas des symboles et qu’ils n’acquièrent leur symbolisme que dans leur association ! Si l’on demeure satisfait des analogies qui peuvent être faites entre l'Équerre et la rectitude, le Compas et l’entendement ou la connaissance, alors ces auteurs ont raison. Mais n’est-ce pas un peu trop schématique ?

    Celui qui essaie de pénétrer le sens profond et vrai des outils, qui tente de l’intérioriser, qui s’applique à vivre avec ces instruments afin de transformer sa conduite, peut en faire de véritables symboles.

    Dans l’univers maçonnique, le Compas me semble aussi représenter symboliquement le degré d’avancement du Maçon. Il est l’un des outils majeurs de l’expression de celui qui cherche, qui est en quête de connaissance. A ce titre, il est souvent représenté en compagnie de l'Équerre, cet autre instrument de mesure et de création.

    De fait, l'Équerre est souvent associée au Compas dans les représentations concernant les trois premiers degrés. Mieux, je pense que l’on peut affirmer qu’Équerre et Compas sont intimement liés ! Il n’est qu’à lire les textes anciens pour s’en rendre compte. L'Équerre contrôle le travail du Maçon qui doit agir en tout avec rectitude et en s’inspirant de la plus scrupuleuse équité. Le Compas dirige cette activité en l’éclairant afin qu’elle trouve son application la plus judicieuse et la plus féconde.

    Pour vérifier que sa pierre est cubique, le Compagnon a besoin du Compas et de l'Équerre. Le premier lui servira à mesurer l’égalité des arêtes, le second à contrôler la rectitude des angles.

    Si le Compas est signifiant de l’esprit, l'Équerre va évoquer la réalité, le concret, la matière. Elle se rapproche en cela du carré pour le tracé duquel elle est nécessaire bien que le Maître sache aussi le tracer avec le Compas.

    Pour Raoul Berteaux, « ces deux instruments ne sont des symboles que s’ils sont associés. C’est alors qu’ils forment un modèle symbolique binaire ».

    « L’association d’un carré et d’un cercle ayant un centre commun constitue un modèle symbolique corrélatif. Par extension, tout groupement autour d’un centre commun de figures quadrangulaires et de figures circulaires constitue un modèle symbolique Équerre-Compas ».

    Si l'Équerre et le Compas font partie de l’instrumenta maçonnique en tant que filiation des outils des Francs-maçons opératifs, le modèle symbolique formé par l’association des deux instruments nous relie à de lointains ancêtres et constitue un modèle de caractère universel.

    Enfin, il me semble que la présence de l'Équerre sur le Volume de la Loi sacrée nous rappelle aussi la finalité – provisoire – de notre travail d'Apprentis : devenir des Pierres bien taillées. Elle nous incite tous à bien nous former, à être droits dans nos actions, de sorte que nous soyons aptes à participer à l'édification du Temple idéal dont nous devrions devenir les pierres parfaites.

    Examinons à présent les dispositions que présentent ces deux instruments lorsqu'ils sont assemblés au cours de l’Ouverture de nos Travaux de Loge.

    Disposition de l’Equerre et du Compas sur l’autel

    Lors de l’Ouverture des Travaux, le Vénérable s’arrête devant l’autel pour y disposer correctement les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie. Il ouvre le Volume de la Loi Sacrée et y dépose l'Équerre et le Compas.

    * L’Équerre et le Compas

    Sur la Bible ouverte au Prologue de Saint Jean, l'Équerre et le Compas peuvent être placés de trois façons différentes mais le Compas est toujours ouvert à 45°. Ces dispositions évoquent un progrès moral ou une hiérarchie de valeurs. Elles constituent en quelque sorte des sigles distinctifs de chacun des trois degrés et procèdent de l’allégorie.

    Si nous considérons la Bible est couverte de l'Équerre et du Compas juxtaposés, nous sommes en présence d’un modèle symbolique universel. Dans ce modèle binaire, l'Équerre est associée à la partie matérielle du Cosmos, c’est-à-dire pour nous la Terre, tandis que le Compas est associé au cercle, aux Cieux, à l’esprit. L'Équerre est donc l’emblème de l’homme et le Compas celui du Grand Architecte de l’Univers.

    Au grade d’Apprenti

    Au grade d'Apprenti, nous constatons que l’Équerre couvre les deux branches du Compas. Il semblerait que ce soit pour indiquer qu'à ce grade on ne peut demander plus du Néophyte que SINCÉRITÉ et CONFIANCE, conséquences naturelles de la droiture et de la rectitude.

    Effectivement, on ne peut pas déjà demander à l’Apprenti la Sagesse qu’il n’a pas encore acquise. Sa probité et sa rectitude naturelles sont tout ce que les Maîtres attendent de lui, principalement le Second Surveillant. La matière prime sur l’Esprit.

    Par cette disposition, on signifie à l’Apprenti qu’il œuvre sur la matière. Son rôle consiste à dégrossir la Pierre brute avec les seuls outils dont il dispose, le Maillet et le Ciseau. Il ne sait pas ce que sera l’édifice car il n’a pas eu connaissance des plans.

    Au grade de Compagnon

    Au grade de Compagnon, nous constatons que l’Équerre est entrecroisée, entrelacée avec le Compas.  Il semble qu’une des branches du Compas couvre l’Équerre pour indiquer que l'Initié poursuit sa tâche avec SINCÉRITÉ et DISCERNEMENT.

    La Pierre brute s’efface pour laisser place à la Pierre cubique. Tous ses côtés sont isométriques, vérifiés par le Compas. Les angles sont droits, comme l’indique l'Équerre. L’esprit et la matière s’équilibrent.

    Le Compagnon a consulté les plans établis par les Maîtres et peut donc les exécuter. Cependant, il n’est pas encore prêt. Sa formation personnelle n’est pas achevée. Aussi doit-il continuer à tailler sa pierre afin de la rendre cubique pour qu’elle puisse s’intégrer à la construction.

    Au grade de Maître

    Au grade de Maître, l’Équerre se trouve sous le Compas car l'Initié poursuit sa tâche avec DISCERNEMENT et JUSTICE.

    Au troisième degré, le Maître travaille sur la Planche à tracer. Il n’est pas en contact direct avec la matière sauf pour la contrôler. Il utilise la Planche à Tracer pour établir des plans. Il évolue dans le monde des idées. Mais de par ses connaissances acquises, il est capable, sur le papier, de signifier ce que sera la matière. Le Maître ne rejette évidemment pas le matériel : il le domine, l’utilise à bon escient.

    Aux trois degrés

    Il faut encore remarquer que les pointes du Compas sont tournées vers le bas et que l'Équerre est toujours ouverte vers le haut. Cela signifie que le Maçon ne doit pas se comporter en pur esprit mais au contraire mettre en application ce qu’il découvre ou apprend. Demeurer dans le domaine purement spéculatif est un comportement stérile, sans réelle utilité. D'autre part, il ne doit pas rester prisonnier de la matière mais il doit s'efforcer de la dominer en s'élevant lui-même afin de vivre en harmonie avec le monde.

    Tel est, en synthèse, le sens moral de ces symboles, déjà proposé par Edouard Plantagenet et repris plus tard par Jean Ferré.

    Il faut cependant observer qu’au Rite Écossais Rectifié, l'Équerre et le Compas sont entrecroisés aux trois degrés, soulignant ainsi les limites de l’esprit (écrit avec un E minuscule) soumis à l’Esprit (écrit avec un E majuscule).

    Si l’on fait référence aux bâtisseurs, on pourrait dire que l’architecte avait deux combats à mener : l’un contre la pesanteur et l’autre contre l’obscurité. Il lui fallait parvenir à une légèreté, sans pour autant nuire à la robustesse de l’ensemble, qui puisse laisser pénétrer la lumière. Je ne parle pas ici que du seul éclairage évidemment ! Le maître d’œuvre avait pour ambition d’alléger sa construction par des ouvertures, dans une harmonie de vides et de pleins, afin de l’aérer, de la rendre lumineuse. Cette double exigence est figurée par l'Équerre et le Compas ; l'Équerre, outil de la matière, de la pesanteur alliée au Compas, instrument du ciel, de la Lumière.

    Mais quels sont les aspects métaphysiques de ces symboles ?

    Selon Jules Boucher, le Compas symbolise l'Esprit ; l’Équerre symbolise la Matière.

    Dès lors :

    • au premier degré, la Matière domine l'Esprit ;
    • au deuxième degré, ces deux forces s'équilibrent ;
    • au troisième degré, l'Esprit survole la Matière et la transcende.

    Seulement ouvert à 45°, le Compas indique que la domination de l'Esprit sur la Matière n'est que relative.

    Du point de vue symbolique on ne peut accorder une valeur plus grande à l’un des instruments par rapport à l’autre sans briser le symbole.

    L’image de l'Équerre et du Compas entrecroisés est compagnonnique. Toutes les institutions compagnonniques se représentent dans cette image. Elle allégorise le message essentiel de l’enseignement compagnonnique. L’esprit qui conçoit et la main qui fabrique se complètent et sont impuissants séparément. Il s’ensuit que le savoir-faire, l’idéal du Compagnon, est une réalité indissociable. Il est inconcevable, par conséquent, d’admettre la prééminence du savoir sur le faire ou bien du faire sur le savoir.

    Je voudrais encore évoquer succinctement la signification de la présence de ces deux Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie lors de notre Initiation au moment de notre prestation de serment.

    L'Équerre et le Compas dans la prestation de serment

    Une fois les trois voyages accomplis,  nous avons dû prononcer notre serment et nos obligations avant de recevoir l’illumination de la Lumière. Nous avons été conduits à l’autel. Le rituel ancien nous a fait mettre le genou droit à terre et la jambe gauche en équerre, en signe de soumission, de respect à tout ce qui est équitable et juste. Dans notre main gauche nous avons tenu un Compas dont les pointes étaient appuyées sur la région du cœur mise à découvert, en signe de sincérité parfaite des sentiments exprimés.

    Pendant que nous prononcions notre serment, la paume de la main droite ne touchait pas directement la Bible mais était en contact avec l'Équerre, représentant la Terre, et le Compas représentant le Ciel.

    Selon Guy Boisdenghien, « ce modèle symbolique binaire marque la dimension initiatique de la prise de serment. Il dépasse la personne qui le prononce en ce sens que le divin et le cosmique sont solidairement présents et de surcroît garanties de l’engagement pris ».

     

    Enfin, pour terminer cette réflexion à propos de deux de ces Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie j’évoquerai très partiellement le degré de maîtrise.

    Entre l’Equerre et le Compas

    Où trouver le Maître Maçon ?

    Aujourd'hui, conformément à la séculaire tradition initiatique de notre Ordre, le Maître a sa place entre l'Équerre et le Compas.

    Entre le Compas et l'Équerre, entre la terre et le ciel, entre le Créateur et la créature.

    Comment comprendre cette expression ?

    Ces deux Grandes Lumières restent emblématiques des deux mondes, celui d’en haut, invisible, universel et céleste, et celui d’en bas, la terre, où tout demeure limité, condamné par le temps, voué à disparaître. Chacun n’a de pouvoir que sur son domaine. Seul le Créateur, symbolisé par la Bible, possède le pouvoir d’agir dans tous les domaines.

    A la rigueur mathématique des analyses rationnelles et comparées doit succéder un esprit de coordination affranchi de tout parti pris, un esprit de synthèse qui laisse, entre la sécheresse du fait et l’objectivité du raisonnement, une petite place pour l’hypothèse, pour l’idéal, pour la création, pour l’œuvre du Maître.

     

    R:. F:. A. B.

     

    [1] Cahier de l’Herne - La Franc-maçonnerie : documents fondateurs, 1992 - p. 257.

    [2] Berger Jean-Pierre - Les Manuscrits Dumfries N° 4.

    [3] Wolson Thomas - Le Maçon démasqué - 1751, Toulouse, Editions du Snes, 2000 - p. 35

    [4] Le Flambeau du maçon, catéchisme des trois premiers grades, Bordeaux, 1771 - p. 60

    [5] René Guénon - La Grande Triade - Editions Gallimard, 1957 - pp. 133 et 179

    [6] Jean-Marie Ragon de Bettignies (1781 - 1862) fut initié à la Franc-maçonnerie en 1804 à Bruges. Il fut membre du Grand Orient de France et du Rite de Memphis Misraïm. Considéré par ses contemporains comme le Franc-maçon le plus instruit du 19e siècle. Il est l'auteur de nombreux ouvrages maçonniques qui eurent une influence considérable.

    [7] Larose Marc-Reymond - Le plan secret d’Hiram, fondements opératifs et perspectives spéculatives du tableau de loge, Editions La Nef de Salomon, p. 68

    [8] D’Amélie Gedalge, les historiens de la Franc-maçonnerie ne connaissent le plus souvent que son nom qu’ils associent assez confusément au début du Droit Humain et à la Société Théosophique tout en sachant qu’elle a aussi publié deux manuels sur la symbolique maçonnique.

     

    Bibliographie

    Baudouin Bernard - Dictionnaire de la Franc-maçonnerie

    Editions De Vecchi, Paris, 1995 - Pages 45, 46, 62, 63

     

    Béresniak DanielRites et Symboles de la Franc-maçonnerie

    Tome 1 : « Les Loges Bleues »  - Editions Detrad, Paris, 1997

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    Berteaux RaoulLa symbolique au grade d’Apprenti

    Editions Edimaf, Paris, 1986 - Pages 22 à 24

     

    Berteaux RaoulLa symbolique au grade de Compagnon

    Editions Edimaf, Paris, 1986 - Pages 58 à 60

     

    Boisdenghien Guy - La vocation initiatique de la Franc-maçonnerie

    Sentiers de la Tradition - Editions L’Etoile, Bruxelles, 1999

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    Boucher Jules - La symbolique maçonnique

    Editions Dervy, Paris, 1995 - Pages 1, 3, 5, 23, 183, 322

     

    Ferré Jean - Dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-maçonnerie

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    Ferré Jean - Dictionnaire des symboles maçonniques

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    Gedalge Amélie, Andrée - Manuel interprétatif de symbolisme maçonnique, 2e degré symbolique, grade de Compagnon

    Editions Bélisane, Monaco

     

    Guigue Christian - La formation maçonnique

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    Guigue Christian - La formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 2003

     

    Mainguy Irène - La symbolique maçonnique du troisième millénaire

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    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail en Loge d’Apprentis

    Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 106,107

     

    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail en chambre de Compagnons

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    Plantagenet Edouard E. - Causeries initiatiques pour le travail en chambre du Milieu

    Editions Dervy, Paris, 1994  - Pages 48 à 54

     

    Pozarnik Alain - A la Lumière de l’Acacia - Du profane à la maîtrise

    Editions Dervy, Paris, 1995 - Pages  225 à 253

     

    Spaeth Marcel - Le Tracé du Compagnon

    Editions A.V.S., Paris, 1991 - Pages 22, 33, 34

     

    Spaeth Marcel - Considérations sur la maîtrise

    Editions Detrad, Paris, 1997 - Pages 68, 69, 70

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    1ère partie : « L’Apprenti » - Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 144 et 203

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    2ème partie : « Le Compagnon » - Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 52, 124, 131, 132

     

    Wirth Oswald - La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

    3ème partie : « Le Maître » - Editions Dervy, Paris, 1994 - Pages 69, 96 et 170

     

    Pour aller plus loin encore :

    Delaporte Jean - Le Grand Architecte de l’Univers

    La Maison de Vie, Fuveau, 2001

     

    Michaud Didier - L’Equerre et le chemin de rectitude

    La Maison de Vie, Fuveau, 2002


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  •  Une approche du sacré

    Introduction

    Ce Midi je vous propose d’aborder le thème du sacré en Loge.

    Cette planche est plus particulièrement destinée aux Frères Apprentis afin qu’ils prennent conscience de la manifestation qu’engendre le sacré. Elle est difficile à expliquer.

    Selon mes habitudes, je me suis posé bien des questions, parfois de manière naïve.

    • Qu’est-ce que le sacré ?

    • Y a-t-il des espaces sacrés dans la nature ?

    • La nature n’est-elle pas elle-même sacrée ?

    • N’a-t-elle pas été profanée par l’Homme ?

    • Le sacré est-il perceptible aux yeux d’un Profane ?

    • Pourquoi un espace est-il sacré ?

    • Quand un espace devient-il sacré ?

    Je n’y ai pas répondu dans ce travail car, finalement, j’ai décidé de limiter ma réflexion au sacré dans l’univers maçonnique et je tenterai plutôt de répondre aux questions suivantes :

    • Quelle est la place du sacré en Franc-maçonnerie ?

    • Quand l’espace-temps de notre Loge devient-il sacré ? Quand ne l’est-il plus ?

    • Comment l’Apprenti Maçon peut-il percevoir le sacré ?

    Les encyclopédies lient souvent le sacré et le profane. Refuser le sacré, c’est admettre son existence.

    Aborder le sacré, ce pourrait être une évocation de la spiritualité, de la transcendance, de l’imaginaire, de l’existentiel, des mythes, de la foi. Vaste programme !

    Les termes « profane » et « sacré » interpellent beaucoup de Néophytes. Remarquons que la simple formulation du mot « profane » implique déjà une sacralisation et une dégénérescence. En effet, dans une société traditionnelle, le profane n’existe pas, car tout y est sacré.

    Sacré, du latin « sacer », qu’on retrouve dans sacerdoce, signifie séparé, mis à part. Lors de l’Ouverture des Travaux dans nos Loges, le rituel affirme que les participants ne sont plus dans le monde profane.

    Le mot « profane » est un adjectif dont le contraire est le mot « sacré » ; celui qui n’est pas initié reste profane. Le mot « profane » vient du latin « pro-fanum » qui signifie ce qui est devant le temple, à l’extérieur de l’enceinte sacrée.

    En Franc-maçonnerie, la primauté de l’esprit trouve sa justification dans la puissance de conviction en une humanité meilleure, grâce à un perfectionnement de tous ses membres

    Pour bien cerner le terme « sacré », commençons par quelques généralités.

     

    Quelques généralités à propos du terme « sacré »

    Tout temple grec est généralement considéré comme un lieu, un espace sacré placé sous la protection d'une divinité, et où un rite est pratiqué. Par extension, un temple est devenu un édifice religieux où se célèbre un culte rendu à une divinité.

    Le sacré désigne donc ce qui est mis en dehors des choses ordinaires, banales, communes ; il s'oppose essentiellement au profane, mais aussi à l'utilitaire.

    Le sacré a toujours une origine naissant d'une tradition ethnique et qui peut être mythologique, religieuse ou idéologique (c'est-à-dire non religieuse). Il désigne ce qui est inaccessible, indisponible, mis hors du monde normal, objet de dévotion et de peur.

    Le sacré est synonyme d'espoir, d'authentification de l'homme en un principe supérieur, celui du monde non intelligible.

    Le sacré semble s'identifier ou se confondre avec le divin : c'est le cas des religions archaïques. Tantôt c'est le sacré qui s'estompe au profit du divin ou de la transcendance : c'est le cas des formes religieuses qui relativisent mythes et rites ou préconisent l'accès au divin.

    Le concept du sacré est conçu par les anthropologues contemporains comme la réponse à un ensemble d'expériences propres non seulement aux sociétés archaïques et traditionnelles mais aussi à toutes les autres cultures qui leur ont succédé. Il semble devoir être admis comme une donnée constitutive de la condition humaine, c'est-à-dire comme « une catégorie universelle de toute conscience humaine », face à sa finitude et à sa condition de mortel.

    Il n'existe que deux attitudes face au sacré : le respect de l'interdit ou sa transgression. Si l'Homme fait l'expérience du sacré, c'est qu'il veut précisément échapper à sa condition d'être fini et mortel ; pour ce faire, il a, a priori, trois solutions : le tabou (totémisme), la magie (animisme), la religion ou toute autre voie spirituelle telle que la Franc-maçonnerie.

    Les éléments du sacré sont généralement considérés comme intouchables : leur manipulation, même en pensée, doit obéir à certains rituels bien définis. Ne pas respecter ces règles, voire agir à leur encontre, est généralement considéré comme un péché ou crime réel ou symbolique : c'est ce qu'on nomme un sacrilège. Le pire des sacrilèges est la profanation, qui est définie comme l'introduction d'éléments profanes dans une enceinte sacrée (réelle ou symbolique).

    Le local dans lequel nous nous retrouvons lors de nos Tenues peut devenir un lieu consacré à la divinité. C’est la définition même du mot « temple ». Le sacré, en effet, constitue un domaine réservé, mystérieux, inviolable, totalement séparé du monde profane.

    Nous pouvons alors logiquement nous poser la question : quel est le processus qui permet d’accéder au sacré lors de cet instant magique qu’est la Tenue ?

    Quand l’espace-temps de notre Loge devient-il sacré ?

    Nous ne sommes dans le sacré que lorsque nous sommes des participants à une Tenue. L’espace de la Loge devient sacré. Mais pas seulement : le temps le devient également.

    Pour entrer en communication avec le divin créateur, il est nécessaire qu’au début de chaque Tenue, le « temple » – ou plutôt « la Loge » – soit en quelque sorte opérationnelle, c'est-à-dire sacralisée. C’est dans ce but qu’entre en jeu le rituel d’Ouverture des Travaux.

    Le rituel est le moyen essentiel, nécessaire et suffisant, qui devient le véhicule permettant le passage du profane au sacré. Le rituel d’Ouverture des Travaux permet de sacraliser le lieu et le temps. Il renforce soit l’un soit l’autre. Il y a coupure par rapport au quotidien et pénétration dans l’espace et le temps sacrés. Nous savons bien que le temps et l’espace sont en rapport avec l’existence même de l’homme, notre existence physique, En présence du sacré, nous sommes libérés de cette condition. Le sacré est la source, une porte entrouverte vers l’absolu. Nous entrons alors dans une expérience personnelle, intime, incommunicable.

    J’envisagerai successivement l’espace sacré puis le temps sacré et enfin les incidences du sacré sur les énergies en loge et sur notre propre comportement.

    L’espace sacré

    Avec son orientation, sa forme, ses décors, ses couleurs, la Loge va permettre l’accès au lieu sacré. Le sacré a un rôle primordial car tout Frère se trouve dans une ambiance qui va capter son attention et le rendre ainsi réceptif.

    Les coups de maillet du Vénérable Maître suivis de ceux des deux Frères Surveillants vont participer à la sacralisation du lieu. Ils nous permettent de commencer à nous déconnecter de l’espace profane. Les trois coups de maillet matérialisent par leurs vibrations la dimension de la Loge et dédicacent l'espace au sacré. Par leur rythme, ces coups de maillet, donnés par les « trois Lumières » inscrivent la Loge dans l'élévation du Temple symbolique érigé en esprit. Ces coups actualisent les battements de nos cœurs sur une même cadence et conduisent à l'égrégore qui devient mur du Temple.

    Sans entrer dans tous les détails du rituel d’Ouverture des Travaux, je dirais simplement que du tumulte extérieur nous passons progressivement à un système organisé. L’orientation symbolique de la Loge avec le Vénérable Maître à l’Orient va permettre la diffusion de la lumière du soleil levant vers les bougies du chandelier à trois branches.

    Il y a donc transmission de la lumière primordiale. Celle-ci sera ensuite prise en charge par le Frère Maître des cérémonies qui va allumer les bougies des trois grands Piliers qui entourent le Pavé mosaïque. Pour ce faire, le Frère Maître des cérémonies exécute une déambulation dans le sens dextrogyre c'est-à-dire dans le sens des aiguilles d’une montre suivant la course du soleil.

    Il y a ainsi une volonté de reproduire ce rythme solaire d’énergies fécondantes. C’est aussi, dans la Tradition, le sens de notre évolution. C’est là que l’on voit la filiation qui se produit entre le lieu et le grand tout. En parallèle, nous devrions ressentir une montée progressive des énergies intervenant dans ce processus.

    Lorsque le Vénérable Maître ouvre le Volume de la Loi sacrée, c’est encore un rappel de la présence divine. Alors tout est organisé ; le lien sacré est là. Ce sacré est l’élément créateur qui consacre tout ce qui l’entoure par un éclat absolu qui dépasse tout entendement. Grâce à cette énergie irradiante tout ce qui nous entoure est devenu divin.

    Le temps sacré

    Le temps profane est la durée temporelle ordinaire dans laquelle s’inscrivent des actes dénués de signification spirituelle ou religieuse. Ce temps profane est irréversible. Le temps sacré est au contraire par sa nature réversible, dans le sens qu’il est, à proprement parler, un temps mythique primordial rendu présent. Ce temps sacré est indéfiniment récupérable, infiniment répétitif.

    L’homme peut donc vivre dans deux espaces de temps, le temps banal profane et le temps sacré qui se présente sous un aspect paradoxal de temps circulaire, sorte d’éternel présent mythique que l’on réintègre périodiquement par le truchement du rituel.

    Pour l’homme spirituel il existe une différence essentielle. Le temps sacré connaît des intervalles sacrés qui ne participent pas à la durée temporelle qui les précède ou qui les suit. Il a une toute autre structure et une autre origine, car il dépend d’un temps primordial.

    Pour l’homme profane, le temps ne peut présenter ni rupture, ni mystère. Il constitue la dimension existentielle de l’homme : il est lié à sa propre existence, donc à un commencement et à une fin, qui est la mort, l’anéantissement de l’existence. Au contraire pour l’homme spirituel, la durée temporelle profane est susceptible d’être périodiquement arrêtée par l’insertion d’un temps sacré au moyen du rituel. Lors de ce processus, on peut réintégrer le temps sacré des origines, et devenir contemporain des dieux.

    Qu’en est-il en Loge de cette question de temps ? Au début de la Tenue, le temps est conforme à celui dans lequel nous nous trouvons. Après que le lieu ait été sacralisé par le rituel le Vénérable Maître dialogue avec les Frères Surveillants :

    • Frère Premier Surveillant à quelle heure les Maçons ouvrent-ils leurs Travaux ? »

    • A Midi.

    • Quelle heure est-il Frère Second Surveillant ?

    • Il est Midi.

    A partir de cet instant nous sommes dans le temps sacré. Le rituel a permis cette bascule. Nous sommes dans le temps mythique relatif à la construction du Temple de Salomon, de notre temple intérieur, en relation avec le Grand Architecte de l’Univers.

    Il est Midi en ce lieu sacré quand l’heure profane peut être très différente. Cet instant peut être identique pour d’autres Frères sur la surface de la Terre s’ils pratiquent le même rituel quelle que soit l’heure profane.

    Nous sommes entrés dans le sacré. C'est le Rituel qui, en tant qu'unité de langage, nous protège de la déviance que serait la construction devenant une tour de Babel. La Loge, elle, est devenue un espace sacré, dépositaire de la Tradition.

    La Loge est un espace distinct de ce chantier intérieur, un lieu de lumière, de ressourcement et de recueillement à la fois individuel et collectif à travers le rituel. « La loge est ce lieu du sacré à l’abri du profane, loin du vulgaire, dans le silence de la résonance avec le réel enfoui au fond de chacun de nous » (Marc Halévy).

    Alors nous pouvons travailler dans l’harmonie et la joie en communion avec le temps primordial. Maintenant avec les moyens symboliques et les rituels s’exprime toute la dimension spirituelle et sacrée du Travail maçonnique réalisé à la gloire du G.A.D.L.U.

    Au cours de nos Travaux nous avons l’habitude de former la Chaîne d’union qui est un instant fort de ce temps sacré. J’en veux pour preuve qu’à cet instant quand nous sommes autour du Pavé mosaïque en face de l’axe du monde qui relie le ciel et la terre, le temps n’existe plus, il n’y a plus d’espace. Nous sommes unis à tous les Frères répandus sur la Terre, les Frères du présent, du passé et de l’avenir. La notion de temps est perdue. Nous sommes dans une fusion que nous pouvons très bien ressentir si nous sommes dans l’énergie sacrée favorable, dans cet égrégore résultat de la pratique du Rituel, des Travaux et de la participation de tous les Frères.

    Les incidences du sacré sur les énergies en Loge et sur notre propre comportement

    Tout ce qui nous entoure est de nature divine, ne l’oublions pas. Le sacré est là pour nous reconnecter et mettre à l’œuvre des énergies fécondantes et vivifiantes qui vont nous permettre d’appréhender ce divin.

    Le rythme impulsé par le Vénérable Maître et les deux Frères Surveillants avec leurs coups de maillet, les musiques choisies, avec minutie et amour, par le Frère Maître de la Colonne d’harmonie, vont permettre le maintien de cette énergie tout au long de la Tenue. Les décors ainsi que les couleurs apportent une touche énergétique complémentaire.

    L’ambiance ainsi créée, loin des fastes, sera propice au recueillement, à l’ouverture, à l’absorption de connaissances, à notre progression personnelle. Effectivement nous sommes comme sur un lieu de sacrifice : sacrifice de notre orgueil, de nos ambitions, nos préjugés, lieu où les vertus théologales (Foi – Espérance – Charité) trouvent leur pleine signification.

    Quand l’espace-temps de notre Loge n’est-il plus sacré ?

    Lorsque l’ordre du jour est épuisé et que la Tenue se termine, il nous faut revenir dans le temps profane. Le rituel déclenche ce retour lorsque le Vénérable Maître reprend son dialogue avec les Frères Surveillants :

    • A quelle heure les Maçons ont-ils coutume de fermer leurs Travaux ?

    • A Minuit!

    • Quelle heure est-il ?

    • Il est Minuit Vénérable Maître !

    Alors nous revenons progressivement vers le temps profane avec la conclusion des Travaux et notamment les agapes qui font partie intégrante de la Tenue.

    La Loge, espace-temps sacré

    Les Francs-maçons n’ont pas véritablement commencé le Travail maçonnique tant qu'ils n'ont pas compris la conversion qui s'opère par le passage du monde profane au monde sacré. La Loge est l'espace sacré. Sa situation est intemporelle, sa position cosmique. Quiconque pénètre en Loge se trouve projeté dans un monde où les forces cosmiques se trouvent concentrées. Les influences astrales jouent un rôle, comme les lignes magnétiques. Ce rôle, nous ne l'avons pas défini, ni mesuré, mais il existe ! Et se comporter comme si nous étions seulement des profanes dans un lieu sacré, c'est rompre une certaine qualité de relations.

    Sans insister sur le caractère particulier de l'atmosphère de la Loge, il est nécessaire de comprendre comment la perception de la dimension du sacré peut conditionner nos pensées, nos attitudes et notre regard sur les choses. Il est très vrai que l'intensité de la prise de conscience nous détermine selon des forces que nous ne maîtrisons guère, et cela peut surprendre au point que certains rejettent une attitude trop respectueuse qu'ils qualifient de mystique. 

    Entrer en Loge, c'est se disposer à participer à la grande vie de la Terre. Car nous n'avons pas encore compris ce qui pour certains est déjà une évidence : la Terre est vivante. Le Maçon dans sa Loge est à l'écoute de l'univers obscur, comme il l'est à la contemplation des lumières. Sans aucun doute, il doit armer son regard pour percevoir mieux ce qui est en lui, dans la mesure où, détaché du monde, il peut prendre conscience de son équilibre intime et méditer sur les aspects les plus âpres de sa personnalité.

    Mais ce regard, c'est le regard de l'Initié futur, c'est-à-dire, le regard de celui qui, quittant la Loge, découvrira le monde sacré qui est le monde de tous les jours. De son passage en Loge, le Maçon retirera le sens de la vision sacralisante, et ce qu'il verra dans la rue, les choses de tous les jours, prendront à ses yeux la vertu des choses éternelles. Ainsi recevra-t-il, dans l'ingénuité de sa démarche, la réponse à son interrogation première : où suis-je ?

    Il dépassera la banalité des apparences pour tenter d'approcher le véritable visage du monde réel. Il sera capable de voir, alors qu'il n'était qu'un spectateur distrait. Les évènements, les circonstances, les simples manifestations quotidiennes seront pour lui les expressions du vrai, du réel, de la permanence.

    Le passage en Loge lui aura découvert que ce n'est pas le monde qui doit changer, mais le regard que l'on porte sur lui, et ce regard, il découvrira par sa volonté appliquée, qu'il en est le maître. Ainsi sa conversion sera fructueuse. Et l'homme en lui aura changé.

    A ce stade de la réflexion, il me semble encore utile d’aborder quelques considérations à propos du « Volume de la Loi sacrée ».

    Le Livre sacré

    Dans l'enceinte de la Loge, en face de l'Orient, doit se trouver une petite table accueillant un livre. C’est ce que nous appelons « l’Autel des serments » sur lequel nous prêtons toutes nos obligations. Ce livre, pour nous, Maçons réguliers, c’est la Bible.

    Suivant certains rites chez les anglo-saxons, la Bible était ouverte au Livre des Rois.  A la Grande Loge Régulière de Belgique, le « Volume de la Loi sacrée », c’est la Bible. Elle doit être ouverte au Prologue de l’Evangile de Jean.

    L’Évangile selon Jean est un texte qui rapporte la vie et les paroles de Jésus de Nazareth dans le but de transmettre la foi chrétienne. Dans la tradition chrétienne c'est le dernier des quatre évangiles canoniques du Nouveau Testament. Il a été attribué à l'un des disciples de Jésus, l'apôtre Jean de Zébédée. Mais cette attribution à un témoin oculaire est aujourd'hui rejetée par les historiens, qui l'attribuent à une communauté johannique au sein de laquelle il aurait été composé à la fin du 1er siècle. Il se démarque des trois autres évangiles canoniques, dits synoptiques, par sa composition, son style poétique, sa théologie et probablement par ses sources.

    Nos Loges sont dites « Loges de saint Jean ». Une équerre et un compas doivent être disposés d'une manière propre au grade auquel se déroule la Tenue, quel que soit le rite.

    En guise de conclusion provisoire

    Ainsi, dès que retentit l’appel au Travail, la Loge devient un espace sacré au sens premier du terme. Dès ce moment, tout converge vers la création d’un lieu de méditation qui se nourrit d’un certain cérémonial.

    Toute Loge maçonnique est un espace sacré, sacralisé durant les Travaux de Loge, car elle résume le cosmos. La circulation en Loge autour du Tableau de Loge trace un autre espace sacré, plus réduit, encadré par nos trois Piliers, élévations de Lumière.

    La Loge est un espace sacré séparé du monde profane ; elle est un microcosme à l’image du monde externe. Le Franc-maçon, indépendamment de son rôle, doit se mettre au service de ses Frères, être un bon exemple, provoquer une juste et constante émulation. Il doit avoir ce même comportement dans la cité.

    L’engagement du Franc-maçon doit résolument être tourné vers le bonheur de l'homme et il doit inlassablement s’employer à construire un monde jamais achevé. Dans un monde profane souvent tenté par le repli sur soi et à la recherche d’une éthique nouvelle, le Maître Maçon doit apparaître comme un sérieux antidote à l'immobilisme, à l’individualisme et au désespoir.

    Dans ces conditions, le sacré n’est-il pas la transcendance pour l’Initié, c'est-à-dire l’élévation vers Dieu ? Cette transcendance n’éveillerait-elle pas en nous l’homme déchu, le souvenir de notre divine origine et le désir de nous élever vers des niveaux de consciences supérieures ?

    R:. F:. A. B.

     

    Bibliographie

    Mainguy Irène La symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2006


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  •  Tenue et vêture 

    Introduction

    Dans certains Ateliers, tout respectables soient-ils – il semble que l’attitude idéale à adopter et la vêture que les Frères devraient respecter ne soient pas toujours des plus correctes et posent le délicat problème au Frère Expert, aux Frères Surveillants voire au Vénérable Maître, de savoir s’il convient de leur en faire la remarque ou s’il vaut mieux, par le biais d’une planche comme celle-ci, faire prendre conscience de la nécessité de perpétuer la Tradition.

    Le but de cette planche est donc essentiellement de rappeler ce qu’est une Tenue, à ne pas confondre avec la vêture ou tenue vestimentaire ; de préciser les raisons fondamentales d’accepter une tenue vestimentaire adéquate en fonction du type de réunion maçonnique à laquelle on participe.

    Ce sera aussi l’occasion d’apporter quelques précisions sur les décors, sur le port des gants blancs ainsi que sur la manière dont le Profane est introduit en Loge au soir de son Initiation : ni nu ni vêtu.

    Tenue

    Pour Christian Guigue, « Tenue » est le nom donné à la séance de Travail rituel en Loge. Elle est dite « d'obligation » car nul ne peut s'y soustraire. Les Apprentis participent à la Tenue dont les Travaux vont s'ouvrir au premier degré. Les Compagnons accèdent aux séances de travail des premier et deuxième grades ou degrés. Les Maîtres participent aux assemblées des trois niveaux symboliques.

    Il existe également des Tenues « funèbres », d'autres dites « d'installation » ainsi que des Tenues « blanches » au cours desquelles des Profanes ou des membres d’autres obédiences peuvent assister.

    Lorsqu'un Frère de la Loge décède, on dit qu'il passe à l'Orient éternel. Un rituel spécial lui est consacré et dédié au cours d’une Tenue funèbre car on n'accompagne pas de la même manière un Fils de la Lumière et un profane.

    La Tenue d'Installation devrait traditionnellement avoir lieu à l'une ou l'autre fête de saint Jean. On y installe les nouveaux Officiers Dignitaires dans les fonctions stipulées par le rite. Des modalités de politique relationnelle président au fait que des Ateliers dérogent souvent à ces dates. C'est une erreur. Si les solstices se trouvent requis pour que le groupe célèbre cette installation à ce moment d'inversion du sens de la lumière, ce n'est pas sans une raison initiatique primordiale.

    L'argument tendant à justifier l'Installation du Vénérable Maître et de sa Commission d'Officiers Dignitaires à d'autres périodes de l'année, sous couvert que l'on ne pourrait sans cela participer aux installations des Loges amies, ne tient pas.

    Dans la réalité, les relations d'amitié profonde se limitent à trois voire quatre Loges de son secteur géographique. Il suffit tout simplement de désigner quelques Frères pour aller les visiter.

    Dans la Maçonnerie régulière, les Tenues blanches n'existent pas. Ceci relève du fait que les Profanes n'ont en aucun cas l'autorisation d'accéder à nos Travaux et que nous n'avons pas à divulguer, à qui que ce soit, la qualité maçonnique d'un Frère.

    Par ailleurs, si chacun reste libre de « se dévoiler », nul ne peut imposer à l'ensemble des membres de la Loge de se révéler à un ou plusieurs Profanes.

    Dans les obédiences – non régulières – où elles sont pratiquées, on distingue deux types de Tenue blanche :

    • la Tenue blanche fermée, où un conférencier profane présente un exposé à la Loge assemblée,

    • la Tenue blanche ouverte, où Profanes et Maçons se côtoient.

    On ne s'habille jamais maçonniquement lors d'une Tenue blanche ! En d’autres termes, les Frères ne revêtent ni tablier, ni gants blancs, ni sautoir de fonction.

    Vêture

    La Tradition, les habitudes, veulent que lors des Tenues « ordinaires », les Frères soient chaussés de noir, vêtus de sombre (gris foncé, bleu marine ou noir) et qu’ils arborent une cravate de couleur sombre sur une chemise blanche.

    Lors des cérémonies (Initiation, Passage, Élévation, célébration des deux fêtes solsticiales, Tenues funèbres), il est hautement souhaitable - et beaucoup de Loges l'imposent - de porter le smoking ou l’habit en arborant un nœud papillon noir, non seulement parce qu’il s’agit de cérémonies dont la Loge veut souligner le côté solennel et festif, mais aussi sinon surtout pour gommer les différences vestimentaires entre Frères.

    Dans les pays anglo-saxons, lorsque les Frères (Brethren) portent l’habit, ils revêtent alors un gilet et un nœud papillon de couleur blanche.

    Pour participer à une Tenue, nous dit Jean Onofrio, chaque Frère commence donc par se mettre dans une tenue vestimentaire adéquate car la Tenue peut se décliner dans la définition de la vêture. Si le Frère conserve sa vêture profane, il se comporte en simple profane en réunion et néglige la vêture qu’exige le lieu sacré du Temple. Or, la vêture ne doit pas – ne peut pas – être négligée ; elle n’est absolument pas superflue ; elle est même essentielle pour percevoir précisément que la Tenue n’est pas une simple réunion.

    On pourrait dire qu’en Tenue, on doit se tenir et même bien se tenir, ce qui implique de se maintenir, de soigner son maintien.

    S’il est admis de manière courante que « l’habit ne fait pas le moine », les implications psychologiques de cet adage n’ont pas leur place dans la Loge, et se revêtir du Tablier de son grade, ou des décors propres à la charge acceptée en Loge, n’est pas un acte anodin.

    Dire d’une personne ou d’une cérémonie qu’elle a "de la tenue", c’est lui reconnaître une certaine noblesse. Un Frère revêtu de son Tablier est porteur d’une noblesse vis-à-vis de laquelle il n’a que des devoirs. La qualité de Frère donne aux êtres une grandeur qu’ils ne tiennent que de cette qualité, et qui dépasse totalement leur individualité.

    Lorsque nous parlons de « Tenue », nous pouvons nous demander « que tenons-nous ? » ou « qui tient-on ? ». La Tenue est le lieu et le moment, l’instant où l’on se tient, par le rituel, en conformité avec la Règle !

    Tenue

    Dans ce sens, il est vrai que la Règle ennoblit les êtres, et pour ce qui est de la vêture rituelle, on peut dire qu’en Tenue, l’habit fait le moine. Il incarne, il matérialise le changement de destin vécu lors de cette Tenue très particulière qu’est la cérémonie d’Initiation.

    Un passage du Regius [1] est consacré à la description du maintien qui doit être celui du Maçon en Loge. Pour un Franc-maçon, se tenir, c’est se tenir à l’ordre pour accomplir ses devoirs initiatiques, c’est-à-dire mettre en œuvre des préceptes issus de l’esprit de la Règle, démarche qui n’a rien à voir avec l’application d’un règlement !

    Lorsque les Frères sont réunis, ils font vivre la Règle. Il y a une sorte de consubstantialité entre la fraternité et la Règle. Il « suffit » que deux Frères se rencontrent pour que la Règle soit présente, et cette présence est assortie par construction d’un maintien, d’une écoute, d’un éveil, d’une présence, d’une conscience aiguë de l’enjeu, qui est le prolongement de l’œuvre du Principe lors de la Tenue dans la Loge

    Les exigences en rapport avec la tenue en Loge doivent être rapprochées de l’instruction donnée généralement par le Vénérable Maître lors des Tenues : « Prenez place, mes Frères ! », et des quelques vérifications qu’il effectue quant à l’accomplissement de cette instruction (cf. Rituel d’Ouverture des Travaux).

    Lors de l’Ouverture des Travaux d’une Tenue, l’une des vérifications porte sur la qualité des œuvrants et la justesse de leur place, car ceux qui sont présents ne sont pas des spectateurs mais doivent participer par leur énergie vitale à l’invocation de la Lumière par un acte de puissante volonté.

    Les fonctions ayant été invitées à se tenir à leur place lors de l’Ouverture des Travaux (« Prenez place, mes Frères ! » a dit le Vénérable Maître), le Premier Surveillant et le Second Surveillant ayant été invités à parcourir les Colonnes, chaque Frère se met à l’ordre à leur passage, manifestant ainsi la volonté de se conformer à la Règle, et le désir de participer à l’acte rituel de l’offrande qu’est la Tenue.

    A cet instant, ce n’est pas la bonne place des fonctions de création qui est vérifiée mais la qualité des êtres qui incarnent ces fonctions, leur présence de cœur, leur présence lumineuse, leur aptitude à participer à l’œuvre de création, à la Tenue !

    La qualité des œuvrants  requise pour une Tenue, c’est celle de Frère (ou de Sœur). Si l’on rassemble quelques humains, on peut dire qu’ils sont en réunion, éventuellement même en réunion amicale. Mais le lieu de cette réunion est rarement un lieu de récréation. Il faut que ces humains aient été orientés vers la Lumière pour revêtir leur qualité de Frère, immatérielle et intemporelle, et pour pouvoir être introduits dans le Temple et expérimenter le Mystère.

    Ainsi la Loge tient-elle le Temple lors de la Tenue. Ainsi maintient-elle l’émergence rituelle de la source lumineuse qui l’illumine. Par la formulation, par la dénomination des êtres et des choses en pleine Lumière, le Temple est « tenu » et illuminé.

    Se tenir, c’est incarner la rigueur, la droiture, la rectitude donnée par la Règle. Il est donc toujours bon que dans la Loge, les Frères aient de la tenue. Se tenir, c’est favoriser les postures faisant des êtres des symboles, favoriser un rapport avec la Règle.

    La Tenue peut ainsi se décliner de nombreuses manières en commençant par la mise à l’ordre, propre à chaque grade, mais aussi par « tenir sa parole », expression qui s’applique au serment de fidélité donné lors de la cérémonie d’Initiation, mais aussi à la maîtrise du langage.

    Dans le langage courant de la navigation on parle de « tenir » un gouvernail. En Egypte ancienne, le gouvernail est Maât, c’est-à-dire la Règle !

    Venant du latin teneo, tenir signifie entreprendre une navigation, prendre une direction, faisant ainsi de la Tenue un voyage où l’on part d’un point pour prendre la direction d’une Lumière vers l’Orient.

    « Tenir », c’est ainsi voyager sans dévier de sa voie, c’est « tenir la route » ou « tenir le cap ». En tenant sa parole, le Frère met en œuvre la qualité première de fidélité à la parole donnée qui se compare à un cap dont on ne dévie pas.

    Le rituel, fait de toutes les paroles à dire, est ainsi le facteur d’une cohérence, faisant que toutes les parties de la construction tiennent ensemble.

    Le mot « tenue » contient les notions de diriger, de conduire, de maintenir une cohérence. Quand un édifice résiste au temps, c’est qu’il « tient ». Il en va de même pour une Loge : si les Frères sont les pierres du Temple unies par l’amour, la Loge tient comme un édifice solidement implanté sur ses bases.

    La vêture du Récipiendaire

    Ce sont les anciennes instructions qui ont mis l’accent sur l’importance de la tenue vestimentaire du Récipiendaire, la reliant dans un premier temps à une préparation à l’Initiation d’ordre intérieur, qui est celle du cœur.

    Chassé de l'unité existentielle du jardin d'Éden pour avoir succombé à la tentation de goûter à la dualité du Bien et du Mal, le premier couple humain de la Genèse pénètre dans l'univers des éléments, précisément ni nu, ni vêtu.

    Le Récipiendaire est soumis à cet état comme un rappel de celui de sa naissance où il était nu, innocent. Être ensuite revêtu, signifie ici symboliquement, la marque de sa condition humaine et de la sociabilisation qui en découle.

    C'est dans cet état qu'est préparé physiquement le candidat à l'Initiation, c'est-à-dire ni nu, ni vêtu, mais dans un état décent, dépouillé d'une partie de ses vêtements, ce que l'on trouve décrit ainsi : bras et sein gauches découverts, jambe et genou droits mis à nu, pied gauche déchaussé ; avec une longue corde passée autour du cou, terminée par un nœud coulant et les yeux couverts d'un épais bandeau.

    On peut trouver aussi des rapprochements analogiques entre la simplicité du Maçon et la pauvreté évangélique, entre le Récipiendaire pauvre et nu et le Christ dépouillé de ses vêtements, dans les premières divulgations écossaises.

    Dans la société profane, le port des vêtements est une indication du niveau de richesse sociale. Ils accentuent les différences et l'inégalité de fortune. Dépouillé de cette apparence, le candidat est rappelé à son état ontologique de pauvreté.

    Le Récipiendaire ainsi présenté ressent physiquement l'état inconfortable de la dualité, du déséquilibre et de la contradiction, particulièrement éprouvé par la claudication de la marche. Cette préparation physique et vestimentaire marque la distinction et le croisement des courants énergétiques de droite et de gauche du corps humain, établissant une symétrie autour des axes perpendiculaires et verticaux qui se croisent près du sein gauche où est localisé le cœur. La droite est considérée comme active et la gauche comme passive. Le candidat prend conscience de l'obstacle que crée tout dysfonctionnement physique, après cette préparation vestimentaire, qui peut faire penser à celle d'un condamné à mort. Cette mise en scène est faite pour l'aider à se dépouiller de son ego, à mourir à lui-même.

    Le Tablier

    Le tablier des tailleurs de pierre était en peau, assez long et enveloppant. Les représentations anciennes de gravures du 18ème siècle, représentant une Tenue d’admission d’un candidat témoignent de la même disposition.

    Dans les anciennes instructions, le Tablier est considéré comme la marque distinctive du Maçon. Sa peau d’agneau, d’une blancheur éclatante, symbolise la pureté, l’état de virginité virtuellement recouvré par le Néophyte.

    La Maçonnerie adonhiramite explique ainsi le Tablier : Il est le symbole du travail ; sa blancheur nous démontre la candeur de nos mœurs et l’égalité qui doit régner entre nous.

    Le Guide des Maçons Écossais exhorte le nouvel Apprenti, en le revêtant du Tablier, en ces termes : "Recevez ce tablier, que nous appelons habit ; il vous donne le droit de vous asseoir parmi nous, et vous ne devez jamais vous présenter en Loge sans en être revêtu".

    Dans le Régulateur du Maçon, le Vénérable remet le Tablier au nouvel Apprenti en lui disant : "Mon Frère, ce Tablier dont vous serez toujours revêtu en Loge, vous rappellera sans cesse que l'homme est condamné au travail et qu'un Maçon doit mener une vie active et laborieuse".

    Ce symbole de la Franc-maçonnerie spéculative est particulièrement important, car il est un rappel de sa lointaine filiation opérative. La réception et l'enseignement du tablier en peau d'agneau ou en cuir blanc avec les gants blancs, sensibilisent rapidement le Franc-maçon dans son cheminement et demeurent gravés dans sa mémoire comme les premiers symboles qui lui sont expliqués, autant que la première preuve tangible qu'il possède de son admission dans un ordre initiatique. Sorte de rite d'investiture, la remise du Tablier avec les Gants constitue pour le nouvel Apprenti, les insignes distinctifs de son engagement dans le métier.

    Le Tablier et les Gants sont appelés décors. Ils sont en réalité les véritables insignes maçonniques du Travail, alors que le cordon n'est qu'un ornement. Chassé du paradis, le premier homme aurait été revêtu d'une tunique de peau pour cacher sa nudité et poursuivre l'accomplissement de son destin devenu dramatiquement incertain par la gestion de son libre arbitre.

    Jean-Théophile Désaguliers fit une première tentative d'uniformisation du tablier de Maçon vers 1731, en présentant une motion sur la question qui fut adoptée à l'unanimité mais resta sans effet. En réalité, au 18ème siècle, beaucoup de tabliers différaient tant par leur forme que par leur ornementation ; certains étaient très onéreux et savamment décorés, au gré des fantaisies et fortune de leur détenteur. Il fallut l'Union des Grandes Loges des Anciens et des Modernes de 1813, pour que les tabliers maçonniques soient codifiés en fonction des grades pratiqués et que cette codification officielle soit respectée.

    Le symbolisme du tablier

    Le rôle du Tablier est de protéger le Maçon durant le travail, lui évitant d’être blessé par les éclats qui se détachent de la Pierre brute. Ces éclats doivent symboliquement être considérés comme ses imperfections, ses vices et ses passions.

    Le Tablier participe à tout le cycle du Travail maçonnique. Il est une preuve évidente de l'engagement du Maçon et de la consécration qui en a été la réponse. Insigne et vêtement de travail de l'Apprenti-Maçon, le Tablier lui donne accès au chantier du Grand Œuvre de la Franc-maçonnerie.

    Dans le tablier maçonnique, trois éléments méritent d'être analysés pour en percevoir le sens : ses couleurs, sa matière, sa forme.

    Sa couleur

    Le tablier doit être uniformément blanc et sans tache. Cette couleur, si tant est que le blanc soit une couleur, est considérée comme emblème d'innocence et de pureté. Ces nobles qualités expliquent que certains vêtements des prêtres juifs devaient être blancs et que de même, dans les Mystères anciens, le candidat était toujours vêtu de blanc.

    Le blanc synthétise toutes les couleurs ; il a la propriété de diffuser la totalité du flux lumineux qu'il reçoit de la source, dans toute l'étendue du spectre visible. Ce spectre correspond aux faisceaux lumineux de l'ensemble des couleurs : violet, bleu, vert, jaune, orange et rouge.

    Sa matière

    Il doit être en peau d'agneau. "Aucune autre substance, nous dit Albert G. Mackey, telle que le lin, la soie ou le satin ne saurait lui être substituée, sans détruire entièrement le caractère emblématique du tablier".

    Le fait que le tablier soit en peau, outre qu'il réactualise symboliquement le vaste tablier de cuir des ouvriers de certains métiers, rappelle aussi que la peau a toujours été considérée comme un matériau protecteur, un isolant efficace contre certaines influences se rapportant au domaine des forces inférieures. Il s'agit donc, en quelque sorte, par le port du tablier, de mettre à l'abri une région du corps, non pour la retrancher, mais pour orienter son efficience vers d'autres domaines.

    Le Tablier en Loge, protège et met à couvert une région du corps qui n'a pas à participer au Travail maçonnique. Cette région du corps où siègent et s'animent les passions étant circonscrite symboliquement par le port du Tablier, les Travaux de Loge pourront se dérouler avec d'autant plus de sérénité et de profit qu'ils ne subiront pas les interférences nuisibles inhérentes aux agitations passionnelles. Elle doit être subordonnée et éclairée par l'intelligence spirituelle qui, seule, doit participer à la Construction du Temple.

    Toutes les passions profanes, tous les appétits grossiers doivent être exclus progressivement du travail de chacun.

    Sa forme

    Le Tablier de l'Apprenti a cinq côtés (bavette relevée) qui peuvent être mis en correspondance avec les cinq sens. Il est constitué de deux parties de formes géométriques différentes : une triangulaire, qui est la bavette relevée au grade d'Apprenti, symbole du Principe spirituel, et une partie quadrangulaire symbole de la materia prima. La première partie se juxtapose à la deuxième sans la pénétrer, délimitant ainsi la zone d'activité de l'influence spirituelle. Sa partie supérieure est un triangle et sa partie inférieure un rectangle ou un carré. Ces figures géométriques rappellent le quaternaire de la matière surmontée du ternaire de l'esprit, représentant lui, le sommet de la conscience humaine. Au grade de Compagnon, la bavette rabattue exprime le travail de spiritualisation de la matière.

    Les Gants blancs

    Le mot « gant » vient du francique want, qui est probablement passé en gallo-romain comme terme juridique, les Francs ayant eu l’habitude d’offrir un gant en symbole de la remise d’une terre.

    Dans la Maçonnerie adonhiramite, il est donné une explication concernant les deux paires de gants qu'il était coutume de donner au nouvel Apprenti :

    • Ne vous a-t-on rien donné de plus en vous recevant Maçon ?

    • L'on m’a donné un tablier blanc et des gants d'homme et de femme de la même couleur (En note il est précisé que quelques Maîtres ne donnent plus de gants de femmes).

    • Pourquoi vous a-t-on donné des gants blancs ?

    • Pour m’apprendre qu'un Maçon ne doit jamais tremper ses mains dans l'iniquité.

    • Pourquoi donne-t-on des gants de femme ?

    • Pour montrer au Récipiendaire qu'on doit estimer et chérir sa femme et qu'on ne peut l'oublier un seul instant sans être injuste.

    Dans une autre divulgation intitulée "La Franc-maçonne ou révélation des mystères des Francs-maçons", on trouve une explication complémentaire :

    • Pourquoi des gants d'homme si vous devez travailler ?

    • Pour m’apprendre que le travail que j’ai à faire est plus spirituel que manuel.

    • Pourquoi des gants de femme ?

    • Pour en faire présent à celle que la vertu rend la plus digne de mon estime.

    Il est difficile de déterminer à partir de quelle époque est apparu l'usage de remettre en cadeau des gants à une femme digne de l'estime du nouvel Initié.

    On relève que déjà en 1742, Pérau en parle. L'usage est donc très ancien.

    Dans le Guide des Maçons Écossais (p.24), lors de la Réception d'un candidat, le Vénérable prend des gants d'homme et dit au nouvel Apprenti : " Ne souillez jamais la blancheur éclatante de ces gants, en trempant vos mains dans les eaux bourbeuses du vice : ils sont le symbole de votre admission dans le temple de la vertu ".

    De même Le Régulateur du Maçon (p. 33) explique : " Les gants, par leur blancheur, nous avertissent de la candeur qui doit toujours régner dans lame d'un honnête homme, et la pureté de nos actions ".

    La qualité principale d'un gant est sa souplesse et sa capacité à adhérer à la peau comme un étui léger ; cet accessoire vestimentaire est utilisé dans de nombreux proverbes et métaphores.

    Sous l'Ancien Régime, le port des gants obéissait à une codification très stricte. Jeter le gant signifiait pour un noble, défier quelqu'un en duel ; le relever, c'était accepter la provocation.

    Les Gants blancs doivent servir lors de toutes les Tenues. Ces gants suggèrent aussi que les mains d'un Franc-maçon doivent rester pures de tout acte blâmable et que sa conscience s'efforcera de proscrire tous sentiments vils.

    Dans les Loges allemandes, le mot utilisé pour désigner une action est handlung, qui signifie l'œuvre de ses mains, ce qui renforce ce concept symbolique.

    Avant le 12ème siècle, les évêques et les cardinaux dans la liturgie catholique, étaient les seuls admis au privilège du port des gants blancs, symbole de la pureté des œuvres et du cœur.

    Les gants blancs, en Maçonnerie sont un symbole, mais aussi un objet rituel. Reçus le jour de l'Initiation, ils rappelleront les engagements solennellement prêtés.

    Les gants marquent avant tout la pureté rituelle exigée par tout travail rituel. On les porte parce que les mains qui auront à manier les symboles sacrés ne peuvent être celles qui manient les objets profanes dans la vie quotidienne : le sacré doit être préservé de toute profanation.

    Les gants blancs du Maçon sont portés pendant toute la durée des Travaux en Loge, à l'exception des moments consacrés à la Chaîne d'union, où toutes les mains des assistants s'uniront ; elles seront alors dénudées pour favoriser la circulation des subtiles énergies chargées de fraternelles intentions cordiales.

    Les gants blancs ne peuvent être portés rituellement, que par quelqu'un qui s'est purifié avant de pénétrer dans le temple.

    C'est l'affirmation extérieure d'un état intérieur ; c'est en somme une transparence que l'on voudrait rendre visible à tous les yeux. Les mains étant le symbole des actions humaines, les mains pures font des actes purs. Il y a identité entre l'acte et la main.

    Partant de considérations aussi élevées et d'un pur point de vue de la théorie maçonnique, on sera fondé à penser qu'un Frère en Loge, portant rituellement les gants blancs et qui n'aurait pas abandonné ses métaux à la porte du temple, constituerait par là, la matérialisation d'une profanation, en y ayant laissé s'introduire, une mentalité profane.

    Dans la symbolique liturgique, les gants épiscopaux, quelle que soit leur matière (fil, soie, laine), évoquent les mains de Jacob recouvertes de la peau de chevreau (Genèse 27,16). On sait que Jacob signifie supplanteur.

    Dans le port des gants, il y a l'idée d'affranchissement, de succession, de substitution. Le nouvel homme supplante le vieil homme ; la Lumière repousse les Ténèbres.

    L'unité de l'ensemble habillement solennel / décors, porté avec dignité lors des Travaux en Tenue, dégage une impression de calme et de sérénité propice à leur qualité.

    Les Gants peuvent être considérés comme le complément indispensable du Tablier dans la Tenue maçonnique. Tous deux ont la même signification et suggèrent les exigences de la purification.

    Qui gravira la montagne du Seigneur ou se tiendra à sa sainte place ? Celui qui a les mains propres et un cœur pur, écrit le psalmiste [2].

    On peut considérer que le Tablier se réfère au cœur pur et les Gants aux mains propres. Tous deux sont liés à la purification et à la régénération psychique. Cette exigence de purification qui fut symbolisée de tout temps, par les ablutions qui précédaient les anciennes initiations aux mystères sacrés, demeure toujours d'actualité au 21ème siècle.

    Dans les mystères anciens, tout comme chez les juifs et les musulmans, le fait de se laver les mains constitue toujours aujourd'hui une cérémonie préalable, soit à l'Initiation, soit à un acte rituel d'ordre exotérique. Cela signifie et indique la nécessité d'être pur de tout méfait ou acte blâmable pour être admis à participer aux rites sacrés ; on trouve inscrit sur le temple d'une île crétoise : "lave-toi les pieds et les mains, puis entre". Cette inscription illustre bien ce qui précède.

    La robe dans les obédiences féminines

    Plusieurs obédiences féminines françaises ont adopté le port d'une robe en Tenue. Cet usage présente entre autres avantages celui de mettre « vestimentairement » les participantes à l'unisson et au même diapason. Il permet de surcroit d'occulter le cas échéant, les éventuels métaux des unes aux yeux des autres ou, ce qui revient au même, d'annuler les effets pervers de signes extérieurs d'avoirs trop voyants.

    Historique

    C'est au début des années 1950, lors de la création d'une Loge de la G.L.F.F., ayant pour titre distinctif Isis, que plusieurs membres, sous la direction de Gisèle Faivre prirent l'initiative de proposer ce port d'une Robe, lequel fut adopté par toute l'obédience et devint obligatoire pour tous ses membres. Sa couleur variait selon la sensibilité des Ateliers. Certaines furent bleues, d'autres écrues et une majorité noires. Les robes noires seules furent finalement imposées à toute l'obédience, faisant d'une pierre deux coups, en symbolisant par là aussi l'œuvre au noir. Cette option vestimentaire influença d'autres obédiences féminines ou mixtes qui adoptèrent aussi le port d'un vêtement unique pour toutes les sœurs. Ainsi celles de Memphis Misraïm, dont certaines ont opté pour des robes blanches ou safranées et une obédience anglaise mixte pour une robe bleue.

    Lors d'un voyage en Inde des membres de la Loge Isis de la G.L.F.F., celles-ci s'intéressèrent aux Robes que portaient les indiennes de Bénarès. Elles en rapportèrent le patron qui, déplié, prend la forme de la croix de Malte.

    Motifs du choix d'une robe

    Le port de la robe est intéressant en soi car il est un facteur d'unité et d'harmonie visuelle entre tous les membres d'une même loge. La croix que forme la robe à plat est un symbole universel. Elle trace dans l'espace le premier quaternaire de l'expansion créatrice. La croix stricto sensu fait passer du carré au cercle et inversement.

    La nécessité d'une rigueur et d'une unité dans l'habillement, tout en établissant une forme d'égalité entre toutes les sœurs évite toute forme d'exhibitionnisme vestimentaire préjudiciable à la concentration et à l'harmonie générale d'un Atelier.

    L'adoption d'une Robe par toutes est un rappel du principe maçonnique de dépouillement des métaux. Elle a une subtile fonction symbolique de bouclier, évitant de cette façon dispersion et distraction. En outre, elle permet de réaliser plus concrètement, que l'essentiel est dans l'être et non dans le paraître.

    On peut noter aussi que cette Robe est d'une seule pièce, tout comme l'aurait été la tunique de Jésus. Un vêtement reçu lors d'une transmission spirituelle est généralement d'une seule pièce, comme la vie de chacun est unie et unique, liée à son identité. De même on peut considérer que chacun est enveloppé d'un tissu biologique, comparable à une tunique sans couture, symbolisant l'Unité essentielle.

    R :. F :. A. B.

    [1] R. Dez, Regius (manuscrit, 1390), Paris, 1985, p. 56

    [2] Psaume 24,4

     

    Bibliographie

     

    Guigue ChristianLa formation maçonnique

    Editions Guigue, Mons-en-Baroeul, 1995

     

    Mackey AlbertEncyclopedia of freemasonry

    New York, vol. 1, 1996

     

    Mainguy IrèneLa symbolique maçonnique du troisième millénaire

    Editions Dervy, Paris, 2001

     

    Onofrio JeanComment travaillent les Francs-maçons ?

    La Maison de Vie, Fuveau, 2007

     

    PérauL'Ordre des Francs-Maçons trahis et leur secret révélé 1745 (1742)

    Editions Slatkine, reprint Genève, 1980 - pp. 39 - 40

     

    Le Régulateur du Maçon - Heredon p. 33, 5801.

    Editions Rouyat, 1980

     

    Recueil précieux de la maçonnerie adonhiramite 1786

    Editions Rouyat 1975 - p. 22

     

    Le Parfait maçon, les débuts de la maçonnerie française (1736 – 1748)

    Textes réunis et commentés par Johel Courura

    Pub. de l'Université de St Etienne, 1994 - p. 156

     


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